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le 01 Octobre 2012
Aux Etats-Unis et en France, lorsque l'acquisition était essentiellement payée à plus de 90 % en actions, il était possible d'intégrer la nouvelle filiale dans les comptes du groupe sur la base des valeurs comptables de ses actifs et passifs. Les actions émises étaient inscrites au bilan non sur la base de leur valeur, mais pour le montant comptable des capitaux propres de la cible. C'est ce que l'on appelle le pooling of interest.
En revanche, les acquisitions financées à plus de 10 % en liquidités ou quasi-liquidités entraînaient la réévaluation des actifs et des passifs exigibles de la cible et la constatation d'un goodwill inscrit parmi les actifs incorporels. Celui-ci était alors amorti sur une durée le plus souvent proche de 20 ans selon la méthode du purchase accounting.
D'un point de vue conceptuel, les deux méthodes devraient être équivalentes : elles n'affectent pas les cash-flows futurs du groupe et n'ont, en conséquence, aucun impact sur sa valeur.
Il n'en est rien dans la pratique. Les banquiers et les avocats d'affaires dépensaient des trésors d'imagination pour faire d'une acquisition une fusion qui bénéficie du pooling car dans ce cas, et dans ce cas seulement, il n'y avait pas de dotations aux amortissements du goodwill qui puisse réduire les résultats futurs ; les taux de rentabilité affichés étaient donc améliorés car les capitaux employés et les capitaux propres avaient été réduits.
Consciente de la menace que représentait ces traitements pour la transparence des marchés américains, la Financial Accounting Standard Board (2) a mis en oeuvre une réforme, en juin 2001, qui a conduit à la suppression de la méthode du pooling et à l'impossibilité pour les entreprises d'amortir le goodwill, lequel devenait soumis à un test de dépréciation.
Fortement inspirée de ces principes, les normes IAS/IFRS préconisent une nouvelle comptabilisation de l'écart d'acquisition visant à améliorer les conditions des opérations d'acquisitions.
II - Méthode de dépréciation du goodwill
Les normes IAS/IFRS définissent les procédures qu'une entreprise doit mettre en oeuvre pour s'assurer que ses actifs sont comptabilisés pour une valeur qui n'excède pas leur valeur recouvrable. Le principe est qu'un actif ou une Unité Génératrice de Trésorerie (UGT) (3) s'est déprécié lorsque sa valeur comptable excède sa valeur recouvrable. Des tests de dépréciation doivent être effectués au minimum une fois par an, même en l'absence d'indice laissant à penser qu'il y a eu perte de valeur (changement d'environnement, apparition de nouvelles technologies...).
S'agissant du goodwill, la norme 36 précise que des tests doivent être effectués à n'importe quel moment au cours de l'exercice mais à la même date tous les ans. Les tests sont, néanmoins, obligatoires en présence d'indice de perte de valeur. En conséquence l'entreprise doit identifier les indices internes et externes qu'elle retient : performance économique, valeur de marché, capitalisation boursière...
Cette même norme 36 précise que les goodwill doivent être affectés à une (ou plusieurs) UGT (4). La valeur du goodwill est donc calculée par référence à une UGT.
La valeur comptable d'une UGT est à déterminer de façon cohérente avec la façon dont la valeur recouvrable de l'UGT est calculée. Elle comprend tous les actifs contribuant aux entrées de trésorerie (par exemple, goodwill et actifs affiliés) et exclut les passifs comptabilisés.
La valeur recouvrable d'un actif est déterminée en agrégeant les valeurs recouvrables des UGT de l'actif. En principe, la détermination du prix de vente net d'une UGT ou d'un actif ou d'un groupe d'actif se fera par référence au marché. Deux cas se présentent : soit le marché existe et il suffit alors de retenir le prix de marché diminué des coûts de sortie (5) ; soit le marché n'existe pas et il faut alors prendre la meilleure estimation du prix de vente de l'actif moins les coûts de sortie. Dans ce dernier cas, la norme préconise l'utilisation des méthodes des comparables boursiers (multiples du CA, EBITDA, EBIT).
III - Une méthode plus rigoureuse bien que difficile à mettre en oeuvre
Intuitivement, on comprend que les difficultés commencent là où l'efficience du marché s'estompe : il n'existe pas de marchés d'occasion pour l'ensemble des actifs d'une entreprise. Nécessairement, la modélisation présuppose une forme d'arbitrage et annonce donc une sérieuse incertitude quant à la valorisation des goodwill. En pratique, des hypothèses de base légèrement différentes peuvent induire des écarts importants.
Pour autant, cette méthode met un terme à la question de savoir si l'on doit raisonner en bénéfice avant ou après amortissement de la survaleur. Il n'y aura plus d'amortissements nouveaux du goodwill puisque le goodwill n'est plus amortissable ! Tout au plus sera-t-il déprécié partiellement pour des montants par nature non récurrents.
Enfin, tester chaque année si la valeur de l'actif économique est supérieure à son montant comptable pour déterminer si le goodwill acquis doit être déprécié, c'est accepter implicitement d'enregistrer dans les comptes la survaleur créé en interne ; survaleur qui se substitue progressivement au goodwill acquis dont Pierre Vernimmen disait qu'il avait, dans un monde concurrentiel, une durée de vie nécessairement limitée (6).
Il s'agit là de l'une des principales innovations de ces normes IAS/IFRS qui marquent une nouvelle avancée des notions de valeur au sein de la comptabilité.
Guilain Hippolyte
HEC
DESS droit des affaires et fiscalité - Paris I (Panthéon-Sorbonne)
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