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N7434BYY
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par Jean-Claude Ricci, Agrégé des facultés de droit, Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille
le 05 Mai 2021
Je voudrais, en commençant ce rapport de synthèse, saluer, remercier et féliciter en particulier M. le Bâtonnier Marc Ringlé ainsi que son équipe pour avoir permis la tenue de ces Rencontres, en dépit de circonstances très difficiles, cela avec la complicité merveilleuse de la technologie la plus moderne.
Les organisateurs de ces Rencontres 2020, toujours fidèles à leur double objectif de coller au plus près de la réalité et de réfléchir à d’importantes questions pratiques, ont choisi le cadre de l’épidémie de Covid-19 pour y étudier les incidences que la crise du Covid a sur les contrats publics.
Cette crise, qui a commencé à l’automne 2019 pour se répandre à partir du mois de janvier 2020, puis de devenir pandémie avant, sans doute, de persister encore longtemps au moins à l’état endémique, revêt des traits uniques et singuliers. Par son caractère à la fois sanitaire, international, brutal et potentiellement mortel, touchant à peu près d’un seul coup l’ensemble de la France et des autres pays dans leurs activités les plus diverses, cette crise soulève des interrogations parfois inédites et cela dans de nombreux domaines dont celui de la santé n’est pas le moindre.
Au cours de cette journée – s’agissant des rapports de la crise sanitaire et du contrat public - nous nous sommes attachés d’abord à scruter ce que la crise fait aux contrats (I) ; ensuite, seront examinées quelques leçons pouvant être tirées de la crise sanitaire (II).
I. L’incidence de la crise sanitaire sur les contrats publics
Ce n’est bien évidemment pas la première fois que notre pays, et les autres, se trouvent confrontés à un bouleversement sociétal de grande ampleur et, dans le passé, les juristes et les responsables ont eu à gérer et à réparer les conséquences de crises, y compris sanitaires, très graves ainsi que l’a souligné M. le Président B. Dacosta.
Avant d’aller plus loin, je rappelle trois choses pour n’avoir plus à y revenir car elles sont transversales dans la thématique de cette journée.
1°/ Il est entendu que ce qui suit s’ajoute aux diverses simplifications et accélérations procédurales prévues par plusieurs textes depuis mars 2020. Elles ont été déjà développées durant cette journée.
2°/ Il faut se souvenir ici des innombrables difficultés liées, d’une part, à l’impréparation, au silence ou au comportement confus des contractants publics envers leurs partenaires, et, d’autre part, aux tracas engendrés par les précautions sanitaires en termes de temps, de coûts, de contrôle de leur respect, etc.
3°/ Ne perdons pas de vue, enfin, M. Delaloy l’a souligné, la complexité de la question du financement des surcoûts résultant de la crise : quel rôle pour les compagnies d’assurances ? Quelle prise en charge par les entreprises ? Quelle indemnisation par les cocontractants publics ou – pourquoi pas ? - par la solidarité nationale ?
Pour faire simple on peut distinguer chronologiquement trois séries de situations qu’ont illustré maints exemples donnés au cours de la table-ronde de fin de matinée. Au reste cette tripartition s’inspire des dispositions de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5734LWB) qui fixe, pour la durée de la crise, des règles et des principes d'adaptation du droit des contrats publics, qu’ils soient soumis ou non au code de la commande publique.
A. Les contrats en cours de négociation ou de conclusion au moment de la crise
Au stade de la négociation, l’accord ou même l’absence d’accord entre les candidats et le partenaire public pour interrompre cette phase ou pour la poursuivre ne devrait pas soulever de trop grandes interrogations.
Au stade de la conclusion du contrat, si son objet et/ou ses caractéristiques permettent la conduite de cette conclusion jusqu’à son terme car ni la procédure engagée ni le contenu du contrat ne sont affectés, il n’y aura, bien évidemment, pas de problème particulier.
En revanche, plus complexe est le cas où, d’évidence, ce qui a été entamé soit ne peut plus être poursuivi soit ne peut l’être qu’au prix de modifications substantielles de tous ordres possibles (durée, nature des prestations, leur volume, lieu d’exécution, etc.). En cette hypothèse, il sera encore plus malaisé d’envisager sa poursuite si les candidats et le partenaire public ne sont pas d’accord entre eux pour cela. Et, lorsqu’ils en sont d’accord, l’attitude des concurrents évincés est un facteur important, intéressés qu’ils sont à ce que les modifications voire le bouleversement de l’architecture contractuelle, soient adéquats et proportionnés à la situation nouvelle.
B - Les contrats déjà conclus et/ou en cours d’exécution au moment de la crise
Brevitatis causa, ceux-ci se rangent, me semble-t-il, en trois catégories.
De la première catégorie il n’y a rien à dire ici puisqu’elle concerne les contrats conclus antérieurement à l’épidémie dont l’exécution se poursuit pendant la crise sans difficultés particulières et aux conditions d’origine.
Une deuxième catégorie fait un peu plus difficulté, c’est celle où les parties contractantes conviennent d’interrompre l’exécution du contrat en cours en raison de la situation nouvelle et d’en reporter la poursuite d’exécution à des jours meilleurs. Encore faut-il, en ce cas, qu’un motif quelconque ne vienne pas contrecarrer la volonté des contractants, par exemple si des tiers sont intéressés, au contraire, à la poursuite du contrat, tels les usagers du service, les fournisseurs de celui-ci, les créanciers, etc. Cela se présente assez souvent dans la mesure où, en réalité, dans les contrats publics, les tiers, parfois plus que les cocontractants, sont intéressés par l’objet du contrat et donc par sa poursuite.
La troisième catégorie est des plus délicates puisqu’elle concerne la poursuite des contrats en cours bon gré mal gré en raison d’impérieux motifs comme celui de la continuité du service public ou du caractère vital de l’activité privée concernée par ces contrats et donc par leur interruption, tels les approvisionnements les plus divers (énergie, alimentation, pharmacie et produits de santé, banque, assurance, etc.).
C. Les contrats nés de la crise
Ici, la chronologie s’inverse puisqu’il n’existe aucun contrat non plus qu’aucune procédure de formation d’un contrat avant que ne surviennent les effets de la crise. Au contraire, c’est d’elle que les contrats vont naître.
Ici aussi, les situations sont très diverses.
Tantôt il ne s’agira que de contrats destinés à gérer des besoins très classiques nés de la crise : transporter des malades atteints du covid-19, fournir des bouteilles d’oxygène, approvisionner les distributeurs de billets de banque, etc. ne requiert pas en soi des formes ou des modalités contractuelles originales sauf un facteur et quel facteur, l’urgence.
Tantôt il faudra contracter sur des objets spécifiquement et directement tributaires de la crise ou commandés par elle, en particulier pour tout ce qui a trait à la satisfaction des besoins de première nécessité.
Dans l’une et l’autre de ces deux situations, la nécessité d’aller vite, la masse des besoins à satisfaire, la diversité des éléments à fournir, le tout sur fond de dramatisation par les media et d’angoisse des individus, conduisent bien évidemment à faire montre d’une très grande souplesse dans les procédures en sautant, le cas échéant, des étapes ou en se dispensant de satisfaire telle ou telle exigence car, en ces cas, selon l’aphorisme de Maurice Hauriou que le Doyen Jean Boulouis (1927-1997) aimait tant nous citer quand nous étions sur les bancs de la Faculté : « C’est bien joli les lois mais il s’agit de ne pas être morts avant qu’elles ne soient faites ».
Toutefois, il demeure toujours cette règle que, d’une part, doit être établie la réalité de la crise ainsi que l’étendue de ses incidences au cas d’espèce, et d’autre part, les accommodements juridiques doivent être adaptés et proportionnés à la fois au degré de gravité des effets de la crise et à leur durée.
Ce ne sont là pas d’autres choses que les lignes générales gouvernant la jurisprudence sur les circonstances exceptionnelles.
Pour conclure sur ce point, je formule quelques regrets.
Peut-être aurait-on pu jeter un œil comparatiste du côté des contrats privés conclus entre particuliers ou par l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements et dont le contentieux relève du juge judiciaire ?
Peut-être également, aurait-il fallu sans doute se pencher sur les contrats d’agents publics en cas de crise notamment s’agissant des recrutements, de la durée du travail et de la rémunération ?
Peut-être encore aurions-nous pu tenter de réfléchir à ce que devient, en pareille occurrence, la liberté contractuelle ? Notamment jusqu’à quel point les contraintes législatives et réglementaires permettent-elles encore, dans ces situations de crise, de parler véritablement de « contrats » ? Et le régime de responsabilité en découlant éventuellement, est-il celui de la responsabilité contractuelle ou celui de la responsabilité quasi-délictuelle ?
Enfin, nous aurions pu nous interroger sur le fossé existant entre le fort contentieux suscité par le droit des libertés face à la législation anti-covid et sa faiblesse extrême en matière contractuelle, même si Mme la Présidente Ghislaine Markarian nous a laissé entrevoir un certain développement futur de ce dernier contentieux
Mais, nous le savons bien, on ne peut tout dire dans un colloque…
II. Et demain, quel futur pour les contrats publics de crise ?
Quelles leçons, dans le futur, faut-il ou peuvent-elles être tirées de la crise sanitaire quant au régime des contrats ?
Après deux séries de remarques, générales mais importantes (A), nous indiquerons ce que l’on pourrait retenir des propositions qui ont été faites (B).
A. Sur deux séries de remarques générales
La première série de ces remarques concerne l’état actuel des solutions juridiques palliatives dont disposent déjà les contractants face à une crise (a). La seconde série de remarques se veut, elle, plutôt prospective (b).
a. Les possibilités déjà ouvertes aux contractants
Il faut rappeler que nous ne partons pas de rien en ce qui concerne le sujet de ce jour. Il y a d’abord la voie unilatérale (ce qui peut surprendre en matière contractuelle) permettant la prise d’un certain nombre de décisions relatives au droit des contrats en temps de crise y compris les réquisitions et les contractualisations forcées évoquées par M. le directeur Ch. Touboul.
Ensuite, outre les constructions jurisprudentielles bien connues de l’imprévision et de la force majeure contractuelle comme celle des travaux supplémentaires, les textes prévoient déjà la possibilité d’inclure dans les contrats publics des clauses de variation des prix qui permettent de réduire le moment du déclenchement de la théorie de l’imprévision voire de supprimer le besoin d’y recourir.
Également, il est loisible de prévoir dans le contrat des autorisations de prorogation des délais d’exécution ou autres et d’en fixer contractuellement les conditions. Cela est d’autant plus aisé qu’existent dans le Code de la commande publique et que fonctionnent les théories des « circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir » (cf. CCP art. L. 2194-3 N° Lexbase : L7167LQI et R. 2194-5 N° Lexbase : L4268LRI) et de l’« urgence impérieuse » (cf. CCP art. R. 2122- 1 (N° Lexbase : L2625LRN).
Encore, s’offre la possibilité, d’une part, d’inclure dans le contrat des clauses de réexamen à condition de bien les rédiger (les magistrats me comprendront), d’autre part, de conclure des avenants tels les avenants de substitution, les avenants de modification pour circonstances imprévues (CCP, art. L. 2194-1 N° Lexbase : L4685LRX) ou des avenants pour travaux, services ou fournitures devenus nécessaires. Dans le même ordre d’idées – en dehors de toute disposition contractuelle - peuvent être invoqués des motifs d’intérêt général qui permettent de s’affranchir des règles de publicité et de mise en concurrence dès lors que, dans les circonstances de l’espèce, il est établi que l’intérêt général est mieux assuré par le non-respect de ces règles que par leur respect (cf. CCP, art. L. 2122-1 N° Lexbase : L0687LZH). Exactement comme pour la résiliation du contrat, qui est possible si elle est compatible avec l’intérêt, inopportune dans le cas contraire.
Enfin, il faut savoir être inventif, faire preuve d’imagination, ne pas attendre l’intervention de textes, comme l’attestent, par exemple, l’expérience si bienvenue du recours à la médiation administrative décrite par M. Jean Grataloup ou celle de la continuité de l’action publique maintenue absolument, telle l’attitude de la région PACA rappelée par M. Laurent Besozzi.
Tout ceci n’est donc pas rien, et il importe de s’en souvenir au moment d’évaluer certaines des propositions qui nous sont faites.
b. Des remarques plus prospectives
Elles me paraissent pouvoir être rassemblées en trois observations
1ère observation. La prochaine crise risque d’être fort différente, dans ses caractères comme dans ses effets, de celle que nous sommes en train de subir et à vouloir être trop précis, trop prévoyants dans la rédaction des clauses, nous courrions le risque d’avoir des solutions toutes prêtes mais inadaptées. Deux crises sanitaires ne se ressemblent pas forcément.
Ainsi, l’actuelle crise dure, à ce jour, depuis une quarantaine de semaines soit la durée cumulée de quatre à cinq épidémies saisonnières de grippe, ces dernières oscillant autour d’une durée moyenne de huit à dix semaines. En France, une saison de grippe provoque, en moyenne, douze à treize mille morts. Si l’on multiplie ce chiffre par quatre ou cinq nous arrivons à 50 à 60000 morts : la mortalité de la grippe est un peu supérieure à celle résultant du covid-19. Cependant, l’on voit bien que les deux phénomènes sanitaires, pourtant également contagieux et mortels de façon comparable, ne peuvent être – et ne sont pas - traités de façon identique. Il en va de même pour les solutions juridiques destinées à y faire face, notamment en matière de droit des contrats publics.
2ème observation. Il est très difficile d’évaluer la nécessité et l’effet des mesures juridiques contraignantes adoptées pour lutter contre cette crise sanitaire et ceci pour deux raisons au moins. La première est l’importance de notre ignorance sur cette maladie où l’on ne compte plus les controverses et les incertitudes médicales et scientifiques. Quelles leçons tirer, en droit des contrats, pour le futur, à partir d’une expérience aussi peu solidement connue ? La seconde est que, précisément, nous ignorons ce qui se serait passé si l’on avait fait autre chose ; dans ces conditions comment tirer des leçons sur ce que pourrait ou devrait être le contenu optimum d’un contrat face à une telle inconnue ?
3ème observation. Force est de constater combien les textes, normatifs ou pas, ainsi, par ex., des cahiers des charges, sont, au final, à la fois de peu d’utilité et tout de même, heureusement, assez malléables en raison du caractère exceptionnel des circonstances ainsi que l’ont montré M. Debosque et le Professeur François Lichère évoquant le thème de « l’exécution dégradée » du contrat, ce dernier souhaitant cependant une intervention législative clarificatrice.
En tout cas, la loi « Asap» (loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique N° Lexbase : L9872LYB), du moins dans le domaine de la commande publique me paraît être l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Ceci pour dire combien a été excessive la débauche normative à laquelle s’est livré le pouvoir exécutif en énonçant une masse de règles et d’exceptions dont l’utilité reste à démontrer et dont le caractère massif est une offense à l’intelligence des juristes : le droit ne se résume pas, loin s’en faut, au seul droit positif. De plus, cela n’a peut-être pas suffisamment été souligné, l’élément factuel est ici prépondérant car se pose toujours la question de savoir si dans le cas d’espèce précis l’on se trouve bien exactement dans la prévision concrète qu’avait en vue l’auteur de la loi ou décret.
B. Sur les réflexions et propositions formulées
a/ Je mets à part l’intervention de M. Marty qui pose une très intéressante et importante question, prospective et assez peu juridique pour l’essentiel : quel rôle joue/doit jouer la commande publique dans une circonstance comme celle que nous vivons : être un outil de relance ou de soutien économique ? La première branche de l’alternative penche plutôt du côté de Keynes, tandis que la seconde se situe davantage dans une logique de libéralisme économique. Des facteurs multiples, combinés entre eux, président aux choix à effectuer.
Cependant, lorsque, comme c’est le cas actuellement, la crise laisse une économie dans un état encore plus délabré qu’il ne l’était avant la crise, le volume même de l’aide nécessaire atteint un niveau tel que celle-ci conduit davantage à une relance qu’à un simple soutien notamment grâce aux contrats de commande publique qui, ici, plus que des contrats, sont les instruments d’une politique publique. C’est aussi l’occasion d’observer combien les contrats de pur droit privé conclus exclusivement entre des personnes privées contraignent, du fait de leur effondrement massif, à élaborer des politiques publiques d’urgence faites de toutes sortes de composantes afin de permettre au plus court terme un rétablissement du fonctionnement normal de la machine économique (subventions, prêts à taux zéro ou très bas, exonérations de charges et/ou de droits et de taxes, etc.). En même temps, on aura observé que cette crise n’a pas encore été l’occasion de décider une restructuration profonde de notre système économique, c’est pourtant là l’urgence des urgences, particulièrement pour retrouver un tissu industriel français digne de ce nom, et c’est là l’enjeu majeur du plan gouvernemental de relance.
b/ Sont venues deux propositions et une réflexion.
– Comment tenir compte de la crise sanitaire dans les nouveaux contrats ?
Cette question me paraît concerner davantage l’aspect sanitaire de la crise que l’aspect crise lui-même. Pour les contrats futurs, que devons-nous tirer de cette crise, en tant qu’elle fut de caractère sanitaire ?
À vrai dire, assez peu de choses pour les contrats en général car, comme déjà relevé plus haut, deux crises sanitaires ne sont pas, de ce seul fait, comparables en termes d’effets sur les contrats. Cependant, l’on pourrait se demander s’il ne serait pas opportun de créer une nouvelle catégorie de contrats, celle des contrats de crise, qui serait ainsi une catégorie autonome, ceci éviterait de toucher au droit commun contractuel au moyen de dispositions très simples plutôt directives que contraignantes, le tout pouvant tenir sur une seule page recto-verso d’un code Dalloz.
Et si cette première solution, radicale et simple, effraie, il serait possible d’en adopter une autre qui consisterait à faire l’inventaire des clauses excessives ou trop rigides qui ont empêché une bonne réactivité de l’exécution contractuelle de crise ou qui ont montré leur potentielle nocivité pour la poursuite d’exécution du contrat et à en prévoir, en les énumérant, la suspension automatique, avec l’accord des parties naturellement, sous réserve, par ex., d’un référé à 48 ou à 72 heures.
- La réflexion sur les occupations temporaires du domaine public
Ici aussi, la souplesse, mais également la « bienveillance » pour reprendre le mot utilisé par Maître C. Baillon-Passe, doivent être les maîtres-mots qu’il s’agisse de conclure un contrat d’occupation, de modifier ou de prolonger le contrat d’occupation lorsque ne peuvent être maintenues les conditions originaires.
Je signale, en passant, qu’en Italie, a été adoptée une solution identique à celle décrite par Maître Baillon-Passe : il a été accordé unilatéralement à tous les commerces accueillant du public, en particulier coiffeurs, bars, restaurants et glaciers notamment, une autorisation générale d’occuper gratuitement, sans limite de temps et d’espace, toutes les dépendances du domaine public qui leur sont adjacentes, ce qui permet, tout en respectant les règles de sécurité, qu’ils puissent servir le nombre de clients et réaliser le chiffre d’affaire les plus proches possibles de ceux du temps normal.
Pour conclure, il me semble que dans ces situations extraordinaires il faut laisser toute leur place à la bonne foi, au bon sens juridique, à la bienveillance une fois admis que, par-delà son objet – qui est son contenu –, le contrat public, à la différence du contrat de droit privé, a aussi un but, la satisfaction de l’intérêt général. C’est là un aspect majeur, celui de la nature téléologique du contrat administratif ou public, ce qui ne se rencontre pas dans les contrats conclus entre des personnes privées.
C’est toujours la satisfaction de l’intérêt général qui doit guider les solutions, que la navigation du contrat public se fasse par temps calme ou au milieu des pires tempêtes. Et, pour le reste, souvenons-nous, pour paraphraser Shakespeare dans Hamlet : « qu’il y a plus de choses dans la crise que n’en rêvent les règles juridiques » [1].
[1] La citation exacte est : « Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, qu'il n'en est rêvé dans votre philosophie » (dans The tragical history of Hamlet, Prince of Denmark, I, 5).
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