Lexbase Droit privé n°461 du 10 novembre 2011 : Droit de la famille

[Jurisprudence] L'information de l'enfant entendu relative à son droit d'être assisté d'un avocat est un devoir des parents

Réf. : Cass. civ. 1, 28 septembre 2011, n° 10-23.502, F-D (N° Lexbase : A1327HYS)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

le 10 Novembre 2011

En considérant, dans l'arrêt de la première chambre civile du 28 septembre 2011, que "Mme A. n'est pas recevable à reprocher à la cour d'appel d'avoir omis de rechercher si C. avait été informée de son droit à être assistée d'un avocat dès lors que la charge d'une telle information lui incombait", la Cour de cassation tire de l'obligation pour les parents d'informer l'enfant entendu de ses droits, l'impossibilité pour eux de contester l'effectivité de cette information (I), réduisant du même coup le rôle du juge en la matière (II). I - L'impossibilité pour les parents de contester l'effectivité de l'information de l'enfant entendu

Formalisme atténué. L'utilisation par les parents de la prétendue méconnaissance des droits de l'enfant relatifs à son audition dans une procédure judiciaire pour remettre en cause une décision qui leur est défavorable pouvait agacer tant elle semblait s'apparenter à une manoeuvre dilatoire. Dans les différents arrêts rendus sur cette question (1), la Cour de cassation s'était déjà attachée à limiter la portée des exigences procédurales liées à l'audition.

Obligation parentale. La décision du 28 septembre 2011 pourrait bien mettre un terme définitif à ces tentatives d'utilisation des droits de l'enfant entendu en faisant peser sur les parents le soin de vérifier que celui-ci a bien été informé de son droit d'être assisté d'un avocat lors de son audition. Sans le verbaliser, la Cour de cassation se fonde sur l'article 338-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2700IEQ) qui dispose que "le mineur capable de discernement est informé par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit d'être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant". Le décret du 20 mai 2009, relatif à l'audition de l'enfant en justice (2), a, en effet, prévu que l'acte introductif d'instance, la requête ou l'assignation, devait être accompagné d'un avis rappelant les dispositions de l'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8). Le choix a ainsi été fait de confier aux parents le soin d'informer leur enfant de ses droits en matière d'audition. Avec une logique implacable, la Cour de cassation déduit de cette obligation parentale d'informer l'enfant, l'impossibilité pour ces mêmes parents de reprocher au du juge de ne pas avoir vérifié que l'enfant a bien été informé de ses droits. Dans la mesure où ils étaient eux mêmes chargé de cette mission, ils sont les mieux placés pour savoir si l'enfant a été informé ou non. Ils ne peuvent, en conséquence, reprocher au juge de ne pas avoir, le cas échéant, pallier leur éventuelle lacune. Cette analyse, certes logique, n'en suscite pas moins quelques interrogations sur les obligations du juge en matière d'information de l'enfant dans le cadre de son audition.

II - Les obligations réduites du juge en matière d'information de l'enfant entendu ?

Mention de l'information dans le procès-verbal. Dès 1993, le Code de procédure civile mentionnait l'obligation d'informer le mineur de son droit d'être accompagné d'un avocat dans la convocation pour son audition. Cette obligation est désormais contenue dans l'article 338-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2722IEK) après les modifications engendrées par le décret du 20 mai 2009. Par ailleurs, l'article 388-1 in fine du Code civil précise que le juge doit s'assurer que le mineur a été informé de son droit d'être entendu et d'être assisté d'un avocat. Le cas échéant, le mineur qui n'aurait pas été informé auparavant et qui arrive seul pour être entendu peut demander à être accompagné d'un avocat, que le juge peut faire désigner par le Bâtonnier, ce qui entraîne le report de l'audition. Dès 2007 (3), la Cour de cassation a considéré que la mention de l'information du mineur relative à son droit d'être accompagné par un avocat lors de son audition dans la décision n'était pas nécessaire. Dans l'arrêt du 9 décembre 2009 précité, la Cour de cassation adopte la même solution en précisant cependant qu'il ressortait du procès-verbal d'audition que l'enfant avait accepté d'être entendu sans son avocate, ce qui permettait de déduire que le procès-verbal doit, lorsque le mineur a été entendu seul, préciser que l'enfant a bien été informé par le juge, au moment d'être entendu, qu'il pouvait être accompagné d'un avocat.

Absence de mention relative à l'information de l'enfant. On peut s'interroger sur l'impact de l'arrêt du 28 septembre 2011 sur les obligations du juge relatives à l'information de l'enfant telles qu'elles ressortaient des textes interprétés par la jurisprudence antérieure. Le pourvoi rejeté par la Cour de cassation prétendait en effet "qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de sa mère en nullité de l'audition pour non respect des droits de l'enfant, qu'elle-même ne justifiait pas avoir satisfait aux dispositions de l'article 338-1 du Code de procédure civile, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'enfant avait bien été informée de son droit à être entendue et à être assistée par un avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 338-1, dernier alinéa, du Code de procédure civile". En affirmant que la mère n'est pas recevable à reprocher à la cour d'appel d'avoir omis de rechercher si l'enfant avait été informé de son droit à être assisté d'un avocat dès lors que la charge d'une telle information lui incombait, la Cour de cassation semble dispenser le juge de toute vérification quant à l'effectivité de l'information de l'enfant sur ces droits relatifs à l'audition. Il semble, en outre, ressortir de la décision que la mère ignorait si la convocation de l'enfant à l'audition contenait une mention relative à son droit d'être assisté d'un avocat et on peut déduire de sa revendication quant à l'information de l'enfant que cette mention ne figurait pas non plus dans le compte-rendu d'audition. On peut donc penser que, dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, l'information du mineur quant à son droit d'être assisté d'un avocat lors de son audition n'avait fait l'objet d'aucune précision dans la procédure.

Impossibilité pour les parents de contrôler l'exécution des obligations du juge en matière d'audition. Il paraît toutefois très contestable d'exclure toute obligation du juge à propos de la réalité de l'information de l'enfant, d'autant plus que les textes du Code civil et du Code de procédure civile lui imposent clairement cette vérification. Sans doute ne doit-on pas donner à l'arrêt du 28 septembre 2011 une telle portée. Considérer, en effet, qu'il supprime toute obligation du juge de vérifier si l'enfant a été bien informé de ses droits constituerait un recul regrettable des droits de l'enfant en matière d'audition en laissant leur effectivité à la seule discrétion des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. L'arrêt dénie seulement aux parents, chargés de l'information de l'enfant, toute possibilité de contester la réalité de cette information et ainsi de remettre en cause l'audition de l'enfant en se fondant sur cet argument. Si l'obligation du juge de vérifier que l'enfant a été informé de son droit d'être entendu et d'être assisté d'un avocat est évidemment maintenue, son exécution ne saurait faire l'objet d'un recours de la part d'un des parents qui doivent eux-mêmes fournir à l'enfant l'information en cause. Par cette décision, la Cour de cassation empêche désormais les parties d'utiliser l'argument de l'information de l'enfant pour faire annuler l'audition et plus avant la décision rendue à la suite de celle-ci, sauf, peut-être, à démontrer que le juge n'avait pas fait part aux parents de l'obligation d'information de l'enfant qui pèse sur eux...

Absence de recours de l'enfant. Il reste que l'obligation faite au juge par les textes quant à l'information de l'enfant risque de rester sans sanction. Les parents ne peuvent donc plus intenter de recours sur ce point et un recours de l'enfant risque d'être voué à l'échec en raison de son défaut de qualité et de capacité pour agir dans la procédure relative à l'exercice de l'autorité parentale. En outre, l'article 338-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2702IES) prévoit que la décision du juge d'entendre le mineur à la demande de ce dernier ne peut faire l'objet d'aucun recours. Il apparaît que le droit de l'enfant d'être informé de son droit d'être entendu et d'être assisté d'un avocat lors de son audition est laissé à la discrétion du juge. Si les parents de l'enfant ne l'ont pas informé de son droit d'être assisté d'un avocat lors de son audition et que le juge ne vérifie pas au moment d'entendre l'enfant que celui-ci a été avisé de son droit, aucun recours ne paraît envisageable.

Si l'on comprend que la Cour de cassation ait voulu mettre fin aux tentatives de détournement par les parties des exigences relatives à l'audition de l'enfant, on peut regretter que l'arrêt du 28 septembre 2011 fragilise les obligations du juge quant à l'information de l'enfant entendu sur ses droits. Il reste à espérer que les magistrats ne laisseront pas aux seuls parents le soin d'assurer l'effectivité des droits de l'enfant...


(1) Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 07-11.449 (N° Lexbase : A8220DY4), Dr. fam., 2007, comm. n° 204, obs. P. Murat ; P. Bonfils et A. Gouttenoire, Panorama Droits de l'enfant, Dalloz, 2008, p. 1854 ; Cass. civ. 1, 9 décembre 2009, n° 08-18.145 (N° Lexbase : A4404EPS), Lexbase Hebdo n° 378 du 14 janvier 2010 - édition privée (N° Lexbase : N9530BMW) ; Cass. civ. 1, 27 mai 2010, n° 09-65.838 (N° Lexbase : A7375EXG), P. Bonfils et A. Gouttenoire, Panorama Droits de l'enfant, Dalloz, 2010, p. 1854.
(2) Décret n° 2009-572 du 20 mai 2009, relatif à l'audition de l'enfant en justice (N° Lexbase : L2674IER), nos obs., L'enfant et les procédures judiciaires : les nouveaux textes, Lexbase Hebdo n° 353 du 4 juin 2009 - édition privée (N° Lexbase : N6318BK9).
(3) Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, préc..

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