Réf. : Cons. const., décision n° 2015-494 QPC, du 16 octobre 2015 (N° Lexbase : A3695NTZ)
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par Corinne Renault-Brahinsky, Docteur en droit
le 05 Novembre 2015
Dans cette affaire, une information avait été ouverte contre un individu R. des chefs de travail dissimulé, abus de biens sociaux, faux, usage de faux, usage et blanchiment. Dans le cadre de cette instruction, des meubles avaient été saisis lors d'une perquisition à son domicile. La soeur du prévenu avait demandé la restitution de ces objets, dont elle disait être la propriétaire. Le procureur de la République avait émis un avis défavorable à cette restitution. Devant l'absence de décision du juge d'instruction, la requérante avait saisi la chambre de l'instruction d'une demande en restitution des meubles saisis en application de l'article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6395ISN), qui permet de saisir directement le président de la chambre de l'instruction lorsque le juge d'instruction n'a pas statué dans un délai d'un mois sur une demande des parties tendant à ce qu'il soit procédé à une mesure d'instruction. Le président de la chambre de l'instruction avait déclaré cette saisine directe irrecevable car ne relevant pas des actes concernés par l'article 81 du Code de procédure pénale. Le président de la chambre de l'instruction avait alors invité le juge d'instruction à statuer sur la demande de restitution. Le juge d'instruction ayant rejeté cette requête par ordonnance motivée, les consorts R. ont fait appel de la décision. La chambre de l'instruction a ensuite confirmé l'ordonnance dans un arrêt du 27 février 2015. Les requérants ont alors formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt confirmatif de la chambre de l'instruction en soulevant la QPC suivante : "les dispositions de l'article 99, alinéa 2, du Code de procédure pénale, qui n'impartissent au juge d'instruction aucun délai pour statuer sur une requête en restitution d'un bien saisi dans le cadre d'une information judiciaire portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au droit de propriété ainsi qu'au droit à un recours effectif devant une juridiction, garantis par les articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4), 16 (N° Lexbase : L4749AQX) et 17 (N° Lexbase : L4750AQY) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ?".
Par arrêt du 8 juillet 2015 (n° 3759), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a accepté de renvoyer cette QPC au Conseil constitutionnel, estimant que "la question posée présente un caractère sérieux, au regard des principes constitutionnels du droit à la propriété et du droit au recours effectif en ce que l'article 99, alinéa 2, du Code de procédure pénale n'impose pas de délai au magistrat instructeur pour statuer sur une requête en revendication de propriété présentée par un tiers à l'information dont le bien a été saisi".
Dans sa décision ici commentée, le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article 99 du Code de procédure pénale, estimant que l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour statuer sur la restitution de biens placés sous main de justice empêche toute voie de recours devant la chambre de l'instruction ou toute autre juridiction et conduit, par conséquent, à la méconnaissance des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété. Fondant la sanction de l'article 99 alinéa 2 du Code de procédure pénale sur la violation d'une combinaison de droits protégés par la Déclaration de 1789 (I), le Conseil constitutionnel sanctionne l'ineffectivité du recours dans le cadre des procédures de restitution en cours d'instruction en l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour statuer sur la demande de restitution (II).
I - Le fondement de la sanction des procédures de restitution en cours d'information
Les requérants avançaient que l'absence de délai déterminé imparti au juge d'instruction pour statuer sur une requête en restitution d'un bien saisi dans le cadre d'une information portait atteinte au droit de propriété du saisi ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif. Dans la décision rendue le 16 octobre 2015, le Conseil constitutionnel rappelle dans ses considérants 1, 5 et 6 le cadre dans lequel le juge d'instruction intervient pour statuer sur la restitution de biens placés sous mains de justice au cours d'une information judiciaire (A) et confronte ces dispositions aux exigences des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration de 1789 assurant la protection du droit de propriété et du droit à un recours juridictionnel effectif (B).
A - Le déroulement des saisies et restitutions dans le cadre de l'instruction
Selon le considérant 6 de sa décision, "les objets dont la restitution est demandée ont été placés sous main de justice dans le cadre d'une enquête de police judiciaire ou par acte du juge d'instruction lorsqu'ils sont nécessaires à la manifestation de la vérité ou si leur confiscation est prévue à titre de peine complémentaire conformément aux dispositions de l'article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ)".
L'article 99 du Code de procédure pénale prévoit la compétence du juge d'instruction pour statuer, au cours de l'instruction, sur les demandes de restitution, que l'objet ait été saisi pendant l'enquête de flagrance (C. pr. pén., art. 54, al. 2 [LXB=L7227IMM ] et 56 N° Lexbase : L3895IRP), l'enquête préliminaire (C. pr. pén., art. 76 N° Lexbase : L7225IMK) ou dans le cadre de l'instruction (C. pr. pén., art. 97 N° Lexbase : L3894IRN). Est compétent le juge d'instruction en charge de la procédure d'information au jour de la demande en restitution.
Le juge d'instruction statue sur les demandes en restitution soit sur réquisitions du procureur de la République, soit, après avis du procureur de la République, d'office ou sur requête de la personne mise en examen, de la partie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet (C. pr. pén., art. 99, al. 2). Le juge d'instruction peut également décider d'office de restituer ou de faire restituer à la victime de l'infraction les objets placés sous main de justice dont la propriété n'est pas contestée, avec l'accord du procureur de la République (C. pr. pén., art. 99, al. 3). Enfin, il peut également statuer sur la restitution lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu (C. pr. pén., art. 177 N° Lexbase : L2988IZP).
En dehors de l'instruction, la restitution peut être demandée, selon les cas, à la juridiction de jugement, lorsque l'affaire lui a été renvoyée (C. pr. pén., art. 478 N° Lexbase : L9924IQM et s., pour le tribunal correctionnel et C. pr. pén., art. 373 N° Lexbase : L3768AZL et s., pour la cour d'assises), à la chambre de l'instruction, lorsqu'elle prononce la nullité de la procédure de saisie d'un bien (Cass, crim., 20 juin 1972, n° 72-90.211 N° Lexbase : A2771CIH et Cass. crim., 23 mars 1977, n° 75-92.170 N° Lexbase : A6719CIP) ou au ministère public, "lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée" dans les autres cas, c'est-à-dire pour décider du sort des biens saisis au cours de l'enquête ou en l'absence de saisine de toute juridiction ou encore lorsque la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence (C. pr. pén., art. 41-4 N° Lexbase : L9510I7D).
Le juge d'instruction peut s'opposer à la restitution dans quatre hypothèses (C. pr. pén., art. 99, al. 4) : lorsqu'elle est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties, lorsqu'elle présente un danger pour les personnes ou les biens ou lorsque la confiscation de l'objet est prévue par la loi.
L'ordonnance du juge d'instruction refusant la restitution peut faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction dans les dix jours qui suivent sa notification (C. pr. pén., art 99, al. 5). Le délai pour former un recours contre l'ordonnance du juge d'instruction est suspensif.
Les dispositions de l'article 99 garantissent donc en apparence au cours de l'instruction des voies de droit pour le propriétaire qui souhaite obtenir la restitution de son bien puisque l'ordonnance qui refuserait la restitution peut faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction.
B - Le caractère indissociable de la protection du droit de propriété et du droit à un recours effectif
Dans sa décision du 16 octobre 2015, le Conseil constitutionnel examine la constitutionnalité de l'article 99, alinéa 2 du Code de procédure pénale au regard des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration de 1789.
L'article 17 de la Déclaration de 1789 dispose que "la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité". Complétant ce premier texte, l'article 2 de la Déclaration de 1789 prévoit que "le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression". En effet, ainsi que l'explique le considérant 3 de la décision, "en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi". La saisie et le placement d'objets sous main de justice portent effectivement une atteinte à la propriété mais leur nécessité publique peut être facilement caractérisée. En effet, la saisie peut s'analyser comme une mesure d'investigation lorsqu'elle a pour objectif d'éviter la disparition ou le dépérissement d'éléments de preuve ou comme une garantie patrimoniale lorsqu'elle permet de geler des biens affectées à la garantie des droits des victimes ou de l'exécution d'une condamnation à une peine d'amende. Elle peut également permettre de retirer un objet dangereux de la circulation ou de préserver l'intégrité d'un bien.
L'article 16 de la Déclaration de 1789 prévoit que "toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution". Cette disposition garantit, comme le rappelle le considérant 4 de la décision du 16 octobre 2015, le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire.
En matière de procédures de restitution, le Conseil constitutionnel se livre généralement, comme c'est le cas en l'espèce, à un contrôle au regard des exigences combinées de ces deux droits constitutionnels que sont le droit de propriété et le droit à un recours effectif. En effet, outre les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, l'article 16 de ce même texte, qui dispose que "toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution", garantit, comme le rappelle le considérant 4 de la décision du 16 octobre 2015, le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire. L'article 16 assure donc la protection du droit de propriété en permettant l'exercice par les parties et les tiers d'une voie de recours contre la décision qui refuserait la restitution du bien concerné. L'absence de droit à un recours effectif rejaillit sur la garantie du droit de propriété.
A de multiples reprises, dans ses décisions portant sur les saisies et restitutions, le Conseil constitutionnel n'a pas relevé d'atteinte directe au droit de propriété sur le fondement de l'article 17 de la Déclaration de 1789, notamment parce que les saisies poursuivaient un but d'intérêt général (par exemple la lutte contre la délinquance douanière) mais il a pourtant censuré les textes incriminés sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (droit au recours juridictionnel effectif) parce qu'ils empêchaient le propriétaire des biens placés sous main de justice de revendiquer ces biens et privaient ainsi indirectement de garantie légale la protection constitutionnelle du droit de propriété (Cons. const., décision n° 2011-203 QPC, du 2 décembre 2011 N° Lexbase : A0517H3K, Cons. const., décision n° 2011-208 QPC, du 13 janvier 2012 N° Lexbase : A1020IAZ).
L'absence de garantie du droit de propriété découle ainsi souvent de l'absence de recours juridictionnel effectif. Compte tenu de cette analyse, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé à plusieurs reprises de transmettre au Conseil constitutionnel des QPC dirigées contre la procédure de restitution dans son ensemble et contestant la constitutionnalité de l'article 99 au regard de l'atteinte au seul droit de propriété (Cass. QPC, 5 février 2013, n° 12-90.069, F-D N° Lexbase : A1548I8T ; Cass. crim., 23 juillet 2014, n° 13-85.558, F-D N° Lexbase : A6813MUU). En outre, l'article 99 organise bien une procédure de restitution assortie de voies de recours préservant les droits des tiers et garantissant la protection du droit de propriété. Si la Cour de cassation décide le 8 juillet 2015, dans cette espèce, de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, c'est parce qu'elle porte sur l'absence de délai imparti au juge pour statuer, c'est-à-dire uniquement sur l'alinéa 2 de l'article 99 du Code de procédure pénale et pose la question de l'effectivité du droit de recours dans la procédure de restitution et non plus seulement celle de la protection du seul droit de propriété.
II - Le contenu de la sanction des procédures de restitution en cours d'information
Les requérants avançaient que l'absence de délai déterminé imparti au juge d'instruction portait atteinte au droit de propriété du saisi ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel caractérise l'absence de recours effectif (A) et en précise les conséquences (B).
A - La caractérisation de l'absence de recours effectif
L'ordonnance du juge d'instruction refusant la restitution peut faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction par un tiers à l'information dont l'objet a été saisi pendant la procédure (C. pr. pén., art 99, al. 5). Par conséquent, le droit de propriété semble protégé à la fois au titre d'une part des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, et d'autre part de l'article 16 de ce même texte.
L'existence d'un recours est cependant insuffisante. Encore faut-il que ce recours soit effectif.
Le Conseil constitutionnel s'est appuyé, à de nombreuses reprises, sur l'absence de droit à un recours effectif pour sanctionner des dispositions organisant la procédure pénale ou douanière de restitution d'objets placés sous main de justice. Outre les cas où le recours était inexistant, par exemple en cas d'impossibilité de revendiquer les marchandises saisies dans l'article 376 du Code des douanes (N° Lexbase : L0703IYP) (Cons. const., décision n° 2011-208 QPC, du 13 janvier 2012 N° Lexbase : A1020IAZ), plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont sanctionné l'ineffectivité du recours c'est-à-dire l'impossibilité concrète de l'exercer, par exemple en raison de la combinaison du caractère non contradictoire de la procédure permettant l'aliénation du bien saisi et du caractère non suspensif du recours (Cons. const., décision n° 2011-203 QPC [LXB=A1020IA]), ou en raison de la possibilité de procéder à la destruction du bien saisi (C. pr. pén., art. 41-4 N° Lexbase : L9510I7D) sans en aviser les parties mises en cause afin qu'elles puissent en demander la restitution (Cons. const., décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN).
Dans l'affaire qui a donné lieu à la décision du Conseil constitutionnel du 16 octobre 2015, le droit de recours est mis à mal par l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour rendre l'ordonnance statuant sur la restitution. En effet, le juge d'instruction n'étant soumis à aucun délai pour rendre sa décision, il peut exister des hypothèses où cette décision tarde ou n'intervient jamais, ce qui exclut à la fois toute restitution mais aussi tout recours contre l'absence de restitution.
Confirmant sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel estime dans sa décision du 15 octobre 2015, "que ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition n'imposent au juge d'instruction de statuer dans un délai déterminé sur la demande de restitution d'un bien saisi formée en vertu du deuxième alinéa de l'article 99 du Code de procédure pénale ; que, s'agissant d'une demande de restitution d'un bien placé sous main de justice, l'impossibilité d'exercer une voie de recours devant la chambre de l'instruction ou toute autre juridiction en l'absence de tout délai déterminé imparti au juge d'instruction pour statuer conduit à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété ; que, par suite, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 99 du Code de procédure pénale doivent être déclarées contraires à la Constitution" (Considérant 7).
En l'absence de recours effectif, le droit de propriété se trouve privé de garantie légale. Le Conseil constitutionnel fait découler directement l'atteinte à la propriété de l'absence de recours juridictionnel effectif. Il exerce un contrôle au regard des exigences combinées des deux droits constitutionnels concernés, comme il l'a fait dans ses précédentes décisions.
B - Les conséquences de l'absence de recours effectif
Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions du deuxième alinéa de l'article 99 du Code de procédure pénale contraires à la Constitution (cons. 7). Néanmoins, il ne les abroge pas de manière immédiate. Ainsi qu'il est rappelé dans le considérant 9, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et prononce une déclaration d'inconstitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ), l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH) prévoit dans son deuxième aliéna qu'il fixe la date de l'abrogation, soit à compter de la publication de la décision, soit à compter d'une date ultérieure fixée par la décision et "détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause". L'abrogation peut ainsi être reportée parce que l'abrogation immédiate aurait des conséquences manifestement excessives (Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A2099GBD, Cons. const., décision n° 2010-45 QPC N° Lexbase : A9925GAT, ou Cons. const., décision n° 2014-387 QPC, du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4069MIK), parce que les conséquences à tirer de la disparition de la norme inconstitutionnelle conduiraient le Conseil à se substituer au Parlement (Cons. const., décision n° 2010-108 QPC, du 25 mars 2011 N° Lexbase : A3844HHT), ou parce que la seule abrogation à effet immédiat ne permettrait pas de satisfaire aux exigences constitutionnelles qui ont été méconnues (Cons. const., décision n° 2010-1 QPC, du 28 mai 2010 N° Lexbase : A6283EXY).
Dans l'affaire qui a donné lieu à la décision du 16 octobre 2015, l'abrogation aurait eu des conséquences manifestement excessives en fermant tout recours aux personnes qui avaient obtenu une décision du juge d'instruction leur refusant la restitution. Ainsi, non seulement il n'aurait pas été possible d'exercer une voie de recours lorsque le juge d'instruction n'a pas rendu de décision sur les restitutions, mais il aurait été également impossible de contester les décisions refusant les restitutions qui auraient été effectivement rendues.
Lorsque le Conseil constitutionnel prononce une abrogation à effet différé parce que le report de l'effet de l'abrogation est justifié par les conséquences manifestement excessives ou contraires aux exigences constitutionnelles, il choisit généralement de maintenir en application la disposition législative inconstitutionnelle (par exemple Cons. const., décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4069MIK). Le Conseil constitutionnel choisit effectivement cette solution dans sa décision du 16 octobre 2015, en optant pour une abrogation différée au 1er janvier 2016. Il estime en effet que s'il proclamait immédiatement l'inconstitutionnalité du texte, l'abrogation "aurait pour seul effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de demander, au cours de l'information, la restitution de biens placés sous main de justice" (cons. 9).
En différant au 1er janvier 2016 l'abrogation de l'alinéa 2 de l'article 99 du Code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel laisse au législateur le temps de remédier au vide juridique provoqué par l'abrogation.
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