La lettre juridique n°351 du 21 mai 2009

La lettre juridique - Édition n°351

Éditorial

Entre mort apprivoisée et mort interdite*, l'exposition "Our body" contrevient à l'ordre public

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Si l'exposition "Our body à corps ouvert" fait -ou plus exactement faisait- polémique quant à la représentation des morts dans les sociétés occidentales et quant aux vertus pédagogiques aux fins d'un meilleur apprivoisement de l'anatomie humaine et, par de-là, de la mort elle-même, son interdiction sur la base de l'analyse juridique n'emporte que peu de contestation possible, mais laisse pourtant songeur.

L'article 16-1-1 du Code civil est très clair : "Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence". Et l'article 16-2 d'enchérir : "Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort".

Or, il est univoque que l'exposition en cause relève d'un projet tout ce qu'il y a de plus commercial ; le corps humain, même d'un individu mort, étant exclu de cette sphère pécuniaire, la messe était dite. "[...] la loi, d'ordre public, ne fait place au consentement qu'en cas de nécessité médicale avérée ; [...] elle prohibe les conventions ayant pour effet de marchandiser le corps" relève le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, qui, par une ordonnance du 21 avril 2009, a interdit la poursuite de l'exposition.

Toutefois, cette simple évocation de la loi ne semblait pas suffire à lever le doute sur l'atteinte à l'éthique que proférait cette exposition. A lire les attendus de l'ordonnance du 21 avril 2009, et ceux de la cour d'appel de Paris, à travers son arrêt confirmatif du 30 avril 2009, et sur lesquels revient cette semaine, Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, l'argumentation, aux fins de prononcer la fermeture de l'exposition, relève plus volontiers du débat éthique et sociologique du rapport à la mort dans notre société contemporaine.

François d'Aubert, directeur de la Cité des sciences, confirmait, dans un entretien accordé au Figaro du 26 mars 2009, qu'aucune exposition anatomique ne verra le jour à la Cité. La principale raison est éthique, "Montrer un corps humain mort, pose d'énormes problèmes éthiques [...] l'image du corps, l'image de l'homme, ce n'est pas quelque chose de neutre, c'est au coeur de la culture de chaque pays, ça peut facilement heurter des convictions très profondes enfouies dans l'esprit des gens".

Tenons pour certain que "l'exposition" qui s'est tenue au Jardin d'acclimatation, en 1882 et 1892, sous un prétexte ethnologique, où l'on pouvait voir des familles d'amérindiens et de sâmes exposées derrière des grilles au regard des visiteurs, serait interdite, comme troublant manifestement l'ordre public.

Mais, qu'en serait-il si les conditions scientifiques pouvaient permettre une exposition sur... Ramsès II ; une exposition présentant son corps momifié, comme c'est actuellement le cas au musée du Caire, soumis au rayonnement gamma 12 heures durant, le 9 mai 1977, à Saclay (en France) ? Pour sûr, l'intérêt scientifique de la conservation de la momie du grand pharaon n'est pas à démontrer ; bien que le viol de sa sépulture puisse, de manière empirique, être lui-même remis en question sur les fondements du droit au respect des morts et de leurs lieux de repos... Et le juge judiciaire de préciser aussitôt : "les cadavres et leurs démembrements ont d'abord vocation à être inhumés ou incinérés ou placés dans les collections scientifiques de personnes morales de droit public ; [...] la détention privée de cadavres est illicite". On en déduirait presque que c'est la nature publique ou privée de la personne organisant l'exposition qui présage du caractère commercial, à tout le moins, de l'atteinte à la dignité du mort. La frontière est pourtant ténue.

Mais, la légitimité scientifique invoquée par les organisateurs n'aura tenue que peu de temps : la mise en scène des corps est indiscutable, la modification de l'esthétisme de ces mêmes corps par le jeu de colorations arbitraires sème le doute sur la vérité scientifique mise à nue et prônée par les organisateurs de l'exposition. Et voici que le juge se fait l'arbitre de la vérité scientifique... Et, s'il ne s'agit pas de science, mais de "mise en scène", doit-on rallier l'exposition litigieuse à l'art ? Le 20 novembre 1922, Man Ray photographiait Marcel Proust sur son lit de mort, à la demande de Jean Cocteau... L'exposition de cette oeuvre ne sembla pas, dès lors, poser de problème éthique. Mais, la photographie n'est pas la plastination.

Plus vraisemblablement, c'est l'argument relatif à l'origine des corps mis en scène qui emporte la décision finale, comme il apparaît plus clairement dans l'arrêt d'appel. Si l'on souligne que les demandeurs à l'action sont l'Association Solidarité Chine et l'Association "Ensemble contre la peine de mort" et que l'origine contestée des corps, présentés comme donnés à la science, font peser un doute sur l'existence d'un trafic de corps d'individus condamnés à mort, les tribulations de ces chinois hors de Chine ne pouvaient que s'achever devant les juridictions françaises et plus généralement en France, pays si attaché à l'émancipation des droits de l'Homme... en Chine. "Nous respectons plus les morts que les vivants. Il aurait fallu respecter les uns et les autres", gageons le message de Voltaire entendu.

"S'achever", pas tout à fait ; car le catalogue de l'exposition ne semble pas interdit de commercialisation et le site internet de l'exposition est toujours actif. "Il ne faut pas sournoisement respecter les morts. Il faut traiter leurs images en amies et aimer tous les souvenirs qui nous viennent d'eux. Il faut les aimer pour eux-mêmes et pour nous, dût-on déplaire aux autres" écrivait Jules Renard dans son Journal (1893-1898).

* Lire Philippe Aries, Essai sur l'histoire de la mort en Occident, sur le rapport de notre société à la mort, à sa représentation et à sa négation même.

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Immobilier - Bulletin d'actualités n° 3

[Jurisprudence] Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Mai 2009

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Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité relative au droit immobilier. A noter, entre autres, ce mois-ci, un arrêt rendu le 24 mars 2009, par la troisième chambre civile, duquel il résulte que la réception tacite ne peut être constatée qu'en présence du paiement intégral des travaux et de la prise de possession concomitante des lieux ; en matière de bail d'habitation est à relever un arrêt du 29 avril 2009 qui rappelle que l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure ; enfin, l'on peut mentionner, en matière d'agent immobilier, un arrêt du 8 avril 2009 qui énonce qu'en présence d'un mandat irrégulier, l'offre de vente effectuée par un agent immobilier n'engage pas le vendeur. I - Droit de la construction
  • La réception tacite de l'ouvrage résulte du paiement intégral des travaux et de la prise de possession de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 24 mars 2009, n° 08-12.663, F-D N° Lexbase : A2124EEE)

Dans un arrêt du 24 mars 2009, la Cour de cassation rappelle que la réception tacite d'un ouvrage ne peut être retenue dès lors que le maître d'ouvrage s'est opposé au paiement du solde des travaux en raison de défectuosités affectant des parties d'ouvrage, et ce, même s'il est constaté une prise de possession des lieux et une signature par le maitre d'ouvrage de la déclaration d'achèvement des travaux.

Cette solution n'est pas nouvelle.

S'il est désormais bien acquis que l'article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), encadrant le régime de la réception de l'ouvrage, n'exclut pas que la réception soit tacite (Cass. civ. 3, 12 octobre 1988, n° 87-11.174, Société anonyme Seli c/ Union des assurances de Paris et autres N° Lexbase : A2721AHA, Bull. civ. III, n° 137) c'est à la condition que soit constatée la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter ledit ouvrage (Cass. civ. 3, 3 mai 1990, n° 88-19.301, Compagnie Le Continent c/ M. Lombre et autre N° Lexbase : A4041AH7, Bull. civ. III, n° 104).

Il a ainsi été jugé que la réception tacite peut résulter de la prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral (Cass. civ. 3, 16 mars 1994, n° 92-10.957, Société Davesne frères c/ Société mutuelle d'assurance du bâtiment et de travaux publics et autres N° Lexbase : A6761ABZ, Bull. civ. III, n° 50).

L'arrêt du 24 mars 2009 s'inscrit donc dans ce courant jurisprudentiel duquel il résulte que la réception tacite ne peut être constatée qu'en présence du paiement intégral des travaux et de la prise de possession concomitante des lieux.

  • Pour être prononcée, la réception judiciaire implique que l'immeuble soit en état d'être habité (Cass. civ. 3, 27 janvier 2009, n° 07-17.563, F-D N° Lexbase : A6968EC3)

Dans un arrêt du 27 janvier 2009, la Cour de cassation rappelle que, pour qu'il y ait réception judiciaire, il faut que soit constaté que l'ouvrage d'habitation est en état d'être habité.

Elle censure donc les juges d'appel qui avaient prononcé la réception judiciaire après avoir constaté l'abandon du chantier par le constructeur, la réalisation, consignée par les experts dans leur rapport, de la quasi-totalité des prestations du marché, le paiement de l'essentiel des travaux et la volonté du maître d'ouvrage de les recevoir.

En effet, dès lors qu'il n'est pas constaté que l'ouvrage d'habitation était en état d'être habité, la réception judiciaire ne pouvait intervenir.

Il s'agit là d'une solution constante (voir, notamment, Cass. civ. 3, 30 octobre 1991, n° 88-15.305, M. Jean-Claude Frère et autres c/ Société coopérative d'HLM 'La Maison familiale' et autres N° Lexbase : A5814C7H ; Cass. civ. 3, 21 mai 2003, n° 02-10.052, Société anonyme Garantie financière de l'immobilier (GFIM) c/ M. Daniel Taillade, FS-P+B N° Lexbase : A1543B9Z).

II - Bail d'habitation

  • L'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure (Cass. civ. 3, 29 avril 2009, n° 08-12.261, FS-P+B N° Lexbase : A7543EGH)

En vertu de l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL), le bailleur est, notamment, obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Ces obligations constituent des obligations de résultat dont le bailleur ne peut se décharger qu'en présence d'un cas de force majeure.

C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 avril 2009.

En l'espèce, des locataires avaient assigné leur bailleur en paiement de dommages intérêts invoquant un défaut d'entretien et de jouissance paisible. Ils arguaient, notamment, de l'encombrement du sous-sol, de remontées de mauvaises odeurs et de la défectuosité de la pompe électrique du chauffe-eau.

Pour rejeter cette demande, les premiers juges avaient constaté que le bailleur avait autorisé ses locataires à se débarrasser des effets entreposés dans le sous-sol et qu'il avait, également, mandaté une entreprise pour faire procéder à la réparation des désordres. Selon le bailleur, suivi par les juges du fond, seule l'incapacité de l'entreprise à faire procéder à une réparation immédiate des désordres serait à l'origine de la persistance du trouble invoqué par les locataires.

La Cour de cassation censure cette analyse et rappelle que l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure (voir, déjà en ce sens, Cass. civ. 3, 9 octobre 1974, n° 73-11.721, Epoux Sennes c/ Epoux Duprat N° Lexbase : A6993AG4).

Rappelons que l'obligation pour le bailleur d'assurer une jouissance paisible au preneur de la chose louée pendant la durée du bail n'est pas de l'essence du contrat et les parties sont donc libres de la restreindre.

Il a ainsi été jugé qu'est valable la clause par laquelle le bailleur et le locataire de locaux à usage de bureaux situés dans une copropriété en cours de rénovation sont convenus que le locataire ne pourrait être indemnisé des troubles subis dans le cadre de cette rénovation (Cass. civ. 3, 30 mai 1996, n° 94-15.828, Société civile immobilière (SCI) des Bourdonnais c/ Société Bernard Paoli Conseil et autres N° Lexbase : A4419C7S).

  • Droit de préemption du locataire fondé sur l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 (Cass. civ. 3, 1er avril 2009, n° 08-11.305, FP-P+B N° Lexbase : A1084EGA)

L'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 (loi n° 75-1334, relative à la sous-traitance N° Lexbase : L5130A8I) aménage le droit de préemption ouvert aux locataires dans l'hypothèse d'une vente portant sur un local d'habitation ou mixte consécutive à la mise en copropriété de l'immeuble. Il est, notamment, prévu que, dans ce cas, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son bénéficiaire.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er avril 2009, vient préciser le champ d'application de cette disposition estimant que le droit de préemption est ouvert aux locataires des deux appartements constituant l'un des deux lots issus de la division d'une maison d'habitation.

En l'espèce, en 1981, une maison d'habitation a été divisée en deux lots distincts. En 2001, le propriétaire de l'un des deux lots, composé de deux appartements, signait une promesse de vente portant sur son lot. Faisant application de l'article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 susvisé, l'un des locataires s'est porté acquéreur.

Le bénéficiaire de la promesse de vente l'assignait alors pour voir juger que l'exercice de ce droit soit déclaré abusif et obtenir l'exécution forcée de la promesse de vente. Ses demandes furent rejetées par les premiers juges. Au soutien de son pourvoi, il faisait notamment valoir que l'article 10 de la loi précitée ne s'appliquerait pas aux ventes portant sur un bâtiment entier. Or, en l'espèce, le bailleur vendait son lot et la totalité de celui-ci, sans le diviser en lots distincts. En conséquence, selon l'auteur du pourvoi, le droit de préemption ne serait pas applicable dans la mesure où le propriétaire du lot vendait un seul lot et l'ensemble de celui-ci sans vendre l'immeuble par lots distincts.

Il cherchait donc à faire l'application de la solution jurisprudentielle constante selon laquelle le droit de préemption du locataire ne joue qu'en présence de vente d'appartement et non pas en présence de la vente d'un immeuble dans sa totalité (voir, notamment, Cass. civ. 3, 5 mars 1986, n° 84-16.525, Rostagnat c/ La Distillerie coopérative intercommunale La Varoise et autres N° Lexbase : A3196AAM).

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d'avoir estimé que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 s'appliquait, en l'espèce, dès lors qu'ils avaient constaté qu'après division de la maison d'habitation en deux lots par acte notarié du 21 avril 1981, la propriétaire du lot n° 2 le vendait pour la première fois.

Rappelons qu'il est, désormais, acquis que seule la première vente par lots postérieure à l'établissement de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété permet au locataire de se prévaloir du droit de préemption (Cass. civ. 3, 16 novembre 2005, n° 04-12.563, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5373DLL, Bull. civ. III, n° 223).

En l'espèce, il s'agissait bien de la première vente consécutive à la division de l'immeuble. Il était donc logique que le droit de préemption s'applique.

III - Agents immobiliers

  • En présence d'un mandat irrégulier, l'offre de vente effectuée par un agent immobilier n'engage pas le vendeur (Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.610, FS-P+B N° Lexbase : A1012EGL)

Les mandats conclus avec un agent immobilier doivent respecter un formalisme strict énoncé à l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 (décret n° 72-678, fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce N° Lexbase : L8029AI9) et doivent, notamment, être mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats, le numéro d'inscription sur le registre des mandats étant reporté sur celui des exemplaires du mandat qui reste en la possession du mandant. Ce formalisme doit être respecté à peine de nullité absolue du mandat et donc d'absence d'engagement corrélatif du mandant par le mandataire dont le mandat est nul. C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2009.

En l'espèce, un vendeur avait transmis à un agent immobilier une offre de vente portant sur un local commercial et un appartement. Le locataire, soutenant qu'il avait accepté l'offre de vente, assignait le propriétaire en réalisation forcée, lequel arguait, en réplique, de la nullité du mandat donné à l'agent immobilier. Les juges d'appel rejetaient la demande du locataire aux motifs de l'irrégularité du mandat conclu entre l'agent et le vendeur. Le locataire faisait alors valoir, à l'appui de son pourvoi, que l'irrégularité du mandat affecterait les seules relations entre le mandat et l'agent immobilier et demeurerait sans conséquence sur la réalité de la vente conclue par l'intermédiaire dudit agent.

Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation rappelle que le mandat donné à l'agent immobilier doit impérativement revêtir les conditions de forme prescrites par l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 à peine de nullité absolue qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt.

En conséquence, dès lors que les premiers juges avaient relevé que l'agence immobilière n'avait pas mentionné le mandat sur le registre des mandats et porté le numéro d'inscription sur l'exemplaire du mandat remis au mandant, ils pouvaient à bon droit retenir que le mandant n'était pas engagé envers le locataire par l'offre formulée en son nom par l'agence immobilière en application d'un mandat irrégulier.

La vente ne pouvait donc pas avoir été conclue et la demande devenait sans objet.

Cette solution n'est pas nouvelle et permet de rappeler la rigueur du formalisme édictée par le décret du 20 juillet 1972 et son application stricte par les tribunaux (voir, notamment, Cass. civ. 1, 26 novembre 1996, n° 93-19.917, M. Sandre de Soubeyran de Saint-Prix c/ Société International Home Investments N° Lexbase : A9443ABD).

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

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Famille et personnes

[Jurisprudence] L'exposition de cadavres est possible sous réserve du consentement des défunts...

Réf. : TGI Paris du 21 avril 2009, n° 09/53100 (N° Lexbase : A5253EGN) et CA Paris du 30 avril 2009, pôle 1, 3ème ch., n° 09/09315 (N° Lexbase : A0208EH8), Association Solidarité Chine, Association "Ensemble contre la peine de mort" c/ SARL Encore Events

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N4421BKX

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

Alors qu'elle a déjà été vue par plus 30 millions de personnes en France et à l'étranger, l'exposition "Our Body, à corps ouverts", qui présentait dans un but pédagogique des cadavres ouverts avec leurs organes, conservés selon un moyen particulier, a été interdite en référé par les juridictions parisiennes. Toutefois, si elle a confirmé l'interdiction de l'exposition prononcée par les juges de première instance le 21 avril 2009, la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 30 avril 2009, s'est, en réalité, montrée beaucoup moins sévère. Elle a, en effet, refusé de considérer que l'exposition, en elle-même, portait atteinte à la dignité humaine (I), et a seulement exigé de connaître l'origine des corps exposés (II). I - La conformité possible de l'exposition à la dignité humaine

Tribunal de grande instance de Paris. Le tribunal de grande instance de Paris avait, dans un premier temps, interdit l'exposition en se fondant sur l'article 16-2 du Code civil (N° Lexbase : L3441ICG), qui autorise la prescription de toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain y compris après la mort. Les juges de première instance avaient considéré que "le trouble manifestement illicite était provoqué par l'exposition organisée par la société Encore Events qui détenait des cadavres d'origine chinoise" et que cette dernière "ne pouvait alléguer en France l'existence d'une convention lui confiant des corps et des morceaux de corps en vue de leur exposition", cette détention étant manifestement illicite au regard de la législation funéraire. Pour les juges parisiens, les cadavres et leurs dénombrements ont d'abord vocation à être inhumés ou incinérés ou placés dans des collections scientifiques de personnes morales de droit public, et ce conformément aux nouvelles dispositions issues de la loi du 19 décembre 2008 (1).

Dignité humaine. Le raisonnement des premiers juges revenait à considérer que, quel que soit le consentement sur lequel reposerait l'exposition des corps, celui-ci ne pourrait permettre l'atteinte à la dignité humaine qu'une telle mise en scène des corps dans un cadre mercantile implique forcement (2). La dignité visant à protéger l'espèce humaine en général, elle ne saurait disparaître devant des intérêts particuliers.

Utilisation de cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques. A l'inverse, la cour d'appel de Paris, même si elle se fonde, également, sur la récente législation funéraire, et, notamment, sur le nouvel article 16-1-1 du Code civil (N° Lexbase : L3420ICN), selon lequel, "le respect dû au corps humain ne cesse pas après la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traitées avec dignité, respect et décence", ne paraît pas considérer a priori que l'exposition porte atteinte à la dignité humaine. Elle reconnaît, en effet, que "le législateur, qui prescrit la même protection aux corps humains vivants et aux dépouilles mortelles, a entendu réserver à celles-ci un caractère inviolable et digne d'un respect absolu, conformément à un principe fondamental de toute société humaine" mais considère, par ailleurs, que "cette protection et ce caractère n'excluent cependant pas l'utilisation de cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques". Outre une référence à l'exposition de momies dans certains musées, la cour d'appel de Paris mentionne l'élargissement du champ des connaissances du grand public et sa curiosité croissante, pour justifier implicitement l'intérêt de l'exposition "Our Body" ; celle-ci met, en effet, "en scène des cadavres d'êtres humains pratiquant différents sports de manière à montrer le fonctionnement interne du corps selon l'effort physique exercé" ; et la cour d'appel de préciser, sans semble-t-il s'en offusquer, "qu'à cette fin, ces corps sont partiellement disséqués"...

Argument superfétatoire. Les juges du second degré considèrent "qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les conditions dans lesquelles les corps sont exposés au public", dès lors que l'origine de ceux-ci est douteuse. Cette exclusion de l'argument fondé sur la dignité humaine mis en avant par les juges du premier degré peut avoir plusieurs significations. Elle peut, tout d'abord, simplement vouloir dire que l'argument est superfétatoire puisque la question de l'origine des corps suffit à interdire l'exposition. Mais elle peut, également, signifier que, si l'origine des corps s'avérait licite, l'exposition pourrait ne pas être considérée comme attentatoire à la dignité humaine, au nom de la pédagogie et la science ! A l'évidence, la portée de l'arrêt d'appel est, en tout état de cause, plus restreint que celui qu'il aurait pu avoir s'il avait entièrement repris la motivation du tribunal de grande instance. Les magistrats de la cour d'appel de Paris se sont, en effet, refusés à condamner, au nom de la dignité humaine, l'exposition de "corps ouverts", se contentant de condamner l'exposition litigieuse pour des raisons conjoncturelles. Elle procède, en réalité, à une inversion du raisonnement : alors que pour le tribunal de grande instance, l'exposition est, de toute façon, contraire à la dignité humaine, sans qu'il ait besoin de rechercher l'origine des corps, pour la cour d'appel de Paris, il faut d'abord rechercher l'origine des corps, avant de s'interroger sur la compatibilité de l'exposition à la dignité humaine.

II - Le nécessaire contrôle de l'origine des corps

Importance de l'origine des corps. L'importance accordée à la question de l'origine des corps exposés était sans doute liée à la qualité des associations ayant déclenché la procédure. Il s'agissait, en effet, de deux associations dont l'objet social était la défense des droits de l'Homme, notamment, en Chine ; la cour d'appel a précisé que les cadavres exposés "étaient tous d'origine chinoise". C'est donc bien l'origine chinoise des corps, qui constitue le lien entre l'exposition et les associations à l'initiative de la procédure visant à la faire interdire en référé. L'arrêt permet de rappeler que la protection du corps des personnes décédés constitue un droit de l'Homme.

Consentement. Selon la cour d'appel de Paris, "la protection du cadavre et le respect dû à celui-ci commandent tout d'abord de rechercher si les corps ainsi exposés ont une origine licite et s'il existe un consentement donné par les personnes de leur vivant sur l'utilisation de leur cadavre". Or, l'examen des pièces établit l'existence d'un doute sur la réalité de ce consentement, les pièces fournies par la société organisatrice de l'évènement ne paraissant pas suffisantes pour l'établir avec certitude.

Charge de la preuve. Or, et c'est un autre apport de l'arrêt, la charge de la preuve du consentement des personnes décédées à l'utilisation de leurs corps à des fins scientifiques et pédagogiques et de l'origine licite et non frauduleuse des corps incombe à celui qui prétend les utiliser dans ce but. L'exposition est donc -seulement- interdite en raison du manque de preuve relative à la licéité de l'origine des corps.

Refus d'expertise. Poursuivant son raisonnement, la cour d'appel de Paris considère "que la gravité des faits exposés ne constitue pas à elle seule le motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49)" et rejette la demande des intimés (les associations de défense des droits de l'Homme en Chine) visant à la production de diverses pièces et à ce que soit ordonnée une mesure d'expertise pour établir l'origine frauduleuse des cadavres.

Embarras. Reste à se demander dans quelles circonstances on pourra considérer que des personnes ont donné leur consentement pour qu'après leur mort leur corps fasse l'objet d'une telle mise en scène. En se retranchant derrière le doute sur l'origine des corps, la cour d'appel, visiblement embarrassée, est parvenue à interdire l'exposition sans trancher le véritable débat qu'elle suscite : la dignité humaine peut-elle se satisfaire de l'exposition de cadavres ouverts ?


(1) Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire (N° Lexbase : L3148ICL), et les obs. de Y. Le Foll, L'adoption de la loi relative à la législation funéraire, une étape nécessaire dans un processus encore inachevé, Lexbase Hebdo n° 94 du 15 janvier 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N2310BIE) ; également, I. Corpart, Pour un nouvel ordre public funéraire : variations autour de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, Dr. fam., 2009, Etude n° 15.
(2) M. Lamarche, De la Vénus Hottentote aux cadavres chinois : peut-on exposer des corps humains ? A propos de l'interdiction de l'exposition "Our Body, à corps ouverts", Dr. fam., 2009, Focus n° 37.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Responsabilité pécuniaire du salarié : la Cour de cassation ne lâche rien

Réf. : Cass. soc., 6 mai 2009, Société Agecom c/ M. Damien Perroy, n° 07 44.485, F-P+B (N° Lexbase : A7494EGN) ; Cass. soc., 5 mai 2009, 2 arrêts, n° 07-40.187 (N° Lexbase : A7451EG3) et n° 07-45.331, F-D (N° Lexbase : A7515EGG)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Il est des règles acquises depuis des années et que la Cour de cassation est contrainte de rappeler, encore et encore, témoignant, ainsi, d'une mauvaise réception par la pratique et certaines juridictions du fond. Tel est le cas du principe selon lequel la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée par son employeur que pour faute lourde et dont la Haute juridiction vient rappeler à la fois l'étendue (I) et le caractère exceptionnel des limites (II) dans plusieurs décisions rendues par sa Chambre sociale le 5 mai 2009.

Résumés

Pourvoi n° 07-40.187 : le seul fait que le salarié ait travaillé pour le compte d'un tiers ne suffit pas à engager sa responsabilité pécuniaire, à défaut de n'avoir relevé aucun fait caractérisant l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.

Pourvoi n° 07-45.331 : ne commet pas de faute lourde le salarié qui s'était borné à préparer, sans recourir à aucun procédé déloyal, la création d'une entreprise concurrente de celle de son employeur dont l'exploitation ne devait commencer qu'après la rupture de son contrat de travail.

Pourvoi n° 07-44.485 : la clause du contrat de travail relative à la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut s'appliquer qu'en cas de faute lourde de ce dernier.

Commentaire

I - L'étendue de l'immunité civile du salarié

  • Affirmation du principe

La Cour de cassation a considéré, depuis 1958, que la responsabilité civile contractuelle du salarié ne pouvait être engagée par son employeur qu'en cas de faute lourde (1), laquelle doit témoigner de son intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise (2).

  • Hostilité récurrente

Cette immunité n'est pas toujours bien perçue et de nombreuses juridictions du fond ont été tentées, dans le passé, d'en limiter la portée. La Cour de cassation "veille au grain" et considère que ce "principe", désormais détaché de la référence formelle au Code civil et à la notion même de responsabilité civile au profit d'une référence à la notion de "responsabilité pécuniaire", est d'ordre public et s'applique même lorsque l'employeur prétend faire application d'une clause du contrat de travail (3), du règlement intérieur (4), d'une reconnaissance de dette établie par le salarié (5), ou qu'il se situe dans le cadre de la compensation (6).

  • Résistance du principe

Ces dernières années, la Cour de cassation avait donné quelques signes d'infléchissement, notamment en suggérant que cette immunité ne s'appliquerait qu'aux obligations principales qui pèsent sur le salarié et que l'obligation de restituer à son employeur des sommes perçues pour son compte échapperait à cette exigence et dispenserait de prouver que le défaut de restitution des sommes litigieuses résulterait d'une faute lourde du salarié (7).

Cette tendance avait, toutefois, semblé s'inverser dans les dernières décisions, la Haute juridiction revenant à des solutions plus traditionnelles et semblant renoncer à introduire de subtiles différences selon la nature des obligations en cause (8).

C'est dans ce contexte qu'interviennent ces trois nouvelles décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation, dont l'une d'entre-elle porte directement sur les aménagements contractuels de cette immunité (pourvoi n° 07-44.485).

  • L'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé en qualité d'attaché commercial. Son contrat comportait une clause prévoyant qu'en cas d'accident responsable ou sans tiers identifié survenu avec le véhicule fourni par la société et assuré pour tout type de déplacement, y compris les week-ends et jours fériés, ce dernier "payera une franchise" de 250 euros. Faisant application de cette clause, son employeur lui avait déduit la somme de 750 euros de son solde de tout compte, ce qu'avait contesté le salarié en saisissant le conseil de prud'hommes en référé ; ce dernier lui avait donné raison, notamment après avoir relevé que l'employeur ne justifiait pas avoir exposé ces dépenses. L'employeur tentait d'obtenir la cassation de ce jugement en se fondant essentiellement sur le fait que le salarié avait bien causé les trois accidents au titre desquels les retenues avaient été opérées et pour des montants très inférieurs, d'ailleurs, au coût des réparations.

Le pourvoi est rejeté, la Haute juridiction procédant par substitution de motif, après avoir relevé "que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde" et constaté que "l'employeur n'a nullement invoqué la faute lourde du salarié pour mettre en oeuvre la clause litigieuse du contrat de travail".

  • Une solution classique et parfaitement justifiée

La neutralisation de ce type particulier de clause par l'exigence d'une faute lourde n'est pas nouvelle et l'arrêt s'inscrit dans une lignée déjà ancienne (9).

La solution se justifie, bien entendu, pleinement. Cette immunité, comme beaucoup d'autres garanties reconnues au salarié, n'a de sens que si elle présente un caractère d'ordre public et ne peut pas être écartée par des conventions particulières. Le contrat de travail peut donc parfaitement aménager la responsabilité civile du salarié, à condition, toutefois, que celle-ci soit encourue, c'est-à-dire qu'il ait bien commis une faute lourde. Or, il n'était pas question de faute lourde ici, ce que la Cour de cassation avait déjà affirmé dans des affaires similaires (10).

II - La faute lourde du salarié

  • Caractère exceptionnel

Depuis 1990, la Chambre sociale de la Cour de cassation subordonne la preuve d'une faute lourde à l'intention de nuire du salarié à son employeur ou à son entreprise (11), ce que les deux arrêts diffusés le 5 mai 2009 (pourvois n° 07-40.187 et n° 07-45.331) confirment explicitement.

  • Première confirmation

Dans la première affaire (pourvoi n° 07-40.187), une salariée avait démissionné, puis saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamait des dommages et intérêts. Statuant sur des demandes reconventionnelles présentées par l'employeur, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait condamné la salariée à 1 000 euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, après avoir relevé "qu'il résulte du constat d'huissier, établi concomitamment, que Mme R. a bien travaillé pendant cette période pour un tiers".

Sur ce point, l'arrêt est cassé, au visa de l'article L. 120-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0571AZ8), devenu L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q), la Haute juridiction constatant que la cour d'appel "n'avait relevé aucun fait caractérisant l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise". En d'autres termes, le fait que la salariée ait bien travaillé pendant l'exécution de son contrat de travail pour le compte d'un tiers ne caractérise pas l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, ce qui est parfaitement exact.

  • Une solution pleinement justifiée

Faut-il le rappeler, sauf à ce qu'une clause d'exclusivité soit valablement stipulée, le salarié demeure libre d'avoir plusieurs employeurs en même temps et ne peut être condamné que si des faits de concurrence déloyale sont établis à son égard. Ces faits peuvent caractériser une déloyauté et, ainsi, justifier un licenciement pour faute, généralement grave. Ils peuvent, également, fonder une action en réparation du préjudice subi, mais doivent alors témoigner de leur intention de nuire à leur employeur ou à leur entreprise.

Parfaitement justifiée au regard des exigences propres au droit du travail par la Cour de cassation depuis 1990, cette solution est, également, logique au regard même de la notion de concurrence déloyale, puisque celle-ci peut être caractérisée sans que l'intention de nuire ne soit requise (12). Il est donc parfaitement légitime que les juges du fond soient contraints de la rechercher et de la caractériser, au-delà du simple constat, par un huissier de justice, de faits bruts.

  • Seconde confirmation

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 07-45.331), un salarié avait été engagé en qualité de VRP, puis était passé au service d'une autre entreprise au sein de laquelle il exerçait les fonctions d'animateur des ventes, avant d'être licencié pour faute lourde.

La cour d'appel d'Orléans lui avait donné tort, ce que l'employeur contestait dans le cadre de son pourvoi. La solution est, ici, confirmée par le rejet du pourvoi, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérant "que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié s'était borné à préparer, sans recourir à aucun procédé déloyal, la création d'une entreprise concurrente de celle de son employeur dont l'exploitation ne devait commencer qu'après la rupture de son contrat de travail, a décidé à bon droit que ce comportement n'était pas fautif".

Cette solution est, également, classique, la Cour de cassation ayant considéré que le salarié pouvait parfaitement préparer sa future activité professionnelle et qu'il ne commettait pas de faute, dès lors que cette activité n'était pas initiée alors que le contrat le liant à son employeur n'avait pas cessé (13). Dans cette affaire, d'ailleurs, la qualification de faute lourde devait doublement être écartée dans la mesure où le salarié n'avait aucune intention de nuire à son employeur, puisqu'il avait programmé le démarrage de sa nouvelle activité d'une telle manière qu'il ne pourrait précisément accusé de vouloir lui nuire.


(1) Cass. soc., 27 novembre 1958, D., 1959, p. 20, note R. Lindon.
(2) Cass. soc., 5 avril 1990, n° 88-40.245, M. Jacknovitz c/ M. Montenay et autres, publié (N° Lexbase : A4122AH7). Solution confirmée depuis : Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-40.084, M. Alexandre Rossi c/ Société Trianon Palace Hôtel de Versailles, F-D (N° Lexbase : A5331A7L) ; Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-42.229, M. Stéphane Marrot c/ M. Maurice Drai, F-D (N° Lexbase : A5064DNU).
(3) Cass. soc., 10 novembre 1992, n° 89-40.523, Société Océan automobiles c/ Mlle Pichot, publié (N° Lexbase : A9400AAE) ; Cass. soc., 9 juin 1993, n° 89-41.476, Régie des Transports de Marseille c/ M. Masegosa (N° Lexbase : A1664AAU) ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 03-43.587, Mme Laurence Bihr c/ Société Synergie, F-P (N° Lexbase : A3374DMW) (paiement des contraventions par le salarié).
(4) Cass. soc., 9 juin 1993, n° 89-41.476, préc..
(5) Cass. soc., 23 septembre 1992, n° 89-43.035, Mme Lagrèze c/ Société générale (N° Lexbase : A9442AAX) ; Cass. soc., 12 avril 1995, n° 92-12.373, M. Maze c/ Société Gaumont (N° Lexbase : A0960AB8), RJS, 1995, n° 487.
(6) Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-40.069, M. Jean-Paul Dobel c/ Société Honeywell Garrett, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9302DHY) et nos obs., Pas de compensation sans dette compensable, Lexbase Hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3600AI8), D., 2006, p. 1346, note J. Mouly ; JCP éd. E, 2006, p. 1261, note G. Vachet ; Cass. soc., 21 octobre 2008, n° 07-40.809, M. Pascal Nely, FS-P+B (N° Lexbase : A9473EA4) et les obs. de S. Tournaux, La responsabilité pécuniaire du salarié, Lexbase Hebdo n° 326 du 13 novembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6974BHR).
(7) Cass. soc., 19 novembre 2002, n° 00-46.108, M. Jean Bielawski c/ Compagnie d'Assurances AXA Conseil, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0492A4Y) et nos obs., L'obligation de restituer les sommes perçues pour le compte de l'employeur - le recul de l'immunité civile du salarié, Lexbase Hebdo n° 50 du 5 décembre 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N5053AAE).
(8) Cass. soc., 21 octobre 2008, n° 07-40.809, préc..
(9) Cass. soc., 11 avril 1996, n° 92-42.847, M. Josselin c/ Société Century Group et autre (N° Lexbase : A2316ABE), Bull. civ. V, n° 152 (franchise de 2 000 francs, soit, environ, 304 euros).
(10) Cass. soc., 20 mai 2008, n° 05-42.009, M. Patrick Maucouvert, F-D (N° Lexbase : A7002D8T).
(11) Cass. soc., 5 avril 1990, n° 88-40.245, préc..
(12) Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-16.895, Société Grands spectacles productions c/ Consorts Sarfati et autre (N° Lexbase : A7134ABT), Bull. civ. IV, n° 151 ; Cass. com., 19 septembre 2006, n° 03-20.511, M. Bernard de Rosny, F-D (N° Lexbase : A2938DRA).
(13) Cass. com., 4 juin 1973, n° 72-11.737, Tabaschnick (N° Lexbase : A9756AZD), Bull. civ. IV, n° 192 (société mise en activité pendant l'exécution du contrat) ; Cass. soc., 28 avril 1986, D., 1987, somm., p. 265, obs. Y. Serra ; Cass. soc., 3 mars 1993, Cah. soc. barreau, 1993, p. 97, B. 54 ; CA Versailles, 4 mars 1993, D., 1994, somm., p. 221, obs. Y. Serra (salarié condamné à verser 35 000 francs de dommages et intérêts à son ancien employeur, soit environ 5 335 euros).


Décisions

1° Cass. soc., 5 mai 2009, n° 07-40.187, Société Chagnon c/ Mme Elisabeth Reynaud, F-D (N° Lexbase : A7451EG3)

Cassation partielle CA Aix-en-Provence, 18ème ch., 14 novembre 2006

Texte visé : C. trav., art. L. 120-4 (N° Lexbase : L0571AZ8), devenu L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q)

Mots clefs : responsabilité pécuniaire du salarié ; faute lourde ; caractères

Lien base :

2° Cass. soc., 5 mai 2009, n° 07-45.331, Société Etésia c/ M. Gérard Danibert, F-D (N° Lexbase : A7515EGG)

Rejet CA Orléans, ch. soc., 25 octobre 2007, n° 06/02873, Monsieur Gérard Danibert c/ SAS Etésia (N° Lexbase : A2460D4U)

Textes concernés : C. trav., art. L. 120-4 (N° Lexbase : L0571AZ8), devenu L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q)

Mots clef : licenciement ; faute lourde ; concurrence

Lien base :

3° Cass. soc., 6 mai 2009, n° 07-44.485, Société Agecom c/ M. Damien Perroy, F-P+B (N° Lexbase : A7494EGN)

Rejet CPH Lyon, 3 septembre 2007

Textes visés : C. trav., art. L. 120-4 (N° Lexbase : L0571AZ8), devenu L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q)

Mots clef : responsabilité pécuniaire du salarié ; faute lourde ; ordre public

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Responsabilité

[Manifestations à venir] Les nouvelles responsabilités civiles

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N0755BK8

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Le 07 Octobre 2010

L'Ecole des Avocats du Sud Est organise, sous la présidence de Monsieur Hubert Groutel, Professeur émérite de l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur de la revue Responsabilité civile et assurances, une croisière-formation sur les nouvelles responsabilités civiles. Cette croisière à bord du Napoléon Bonaparte se déroulera les 18, 19 et 20 juin 2009 et partira de Marseille pour une étape à Bastia, puis retour à Marseille. Cette croisière-formation permettra de valider 12 heures de formation.

Lire le programme détaillé et éditer le bulletin d'inscription.

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Social général

[Questions à...] Focus sur le nouveau dispositif du chômage partiel : une solution efficace à la crise ? - Questions à Maître Michèle Bauer, avocate au barreau de Bordeaux

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N4409BKI

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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Mis en place pour éviter les licenciements économiques, le chômage partiel peut être utilisé par une entreprise qui, du fait de la conjoncture économique ou certains événements particuliers, se doit de réduire son activité au-dessous de l'horaire légal sans rompre les contrats de travail qui la lient à ses salariés. Ainsi, certains employeurs, soucieux d'éviter les licenciements lors d'une baisse d'activité, ont recours au chômage partiel, en témoigne l'actualité sociale de ces dernières semaines. Faut-il rappeler que, dans neuf cas sur dix, les autorisations de chômage partiel sont demandées pour motif économique, c'est-à-dire en raison d'une baisse d'activité. En réponse à la crise économique, afin de faciliter le recours au chômage partiel, la réglementation a été assouplie en décembre 2008 par un accord entre les partenaires sociaux et plusieurs textes règlementaires. Depuis quelques mois, une véritable réforme se met en place impliquant une refonte substantielle du dispositif du chômage partiel. Pour faire le point sur la nouvelle règlementation, Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré Maître Michèle Bauer, avocate au barreau de Bordeaux. Lexbase : Depuis quelques mois, une véritable refonte du chômage partiel a progressivement été mise en place en vue d'un assouplissement certain du recours, par les entreprises, à ce dispositif. Quelle est la portée pratique de cette nouvelle règlementation et quelles en sont les grandes lignes ?

Michèle Bauer : Pour remédier aux effets de la crise, une refonte du chômage partiel a été mise en oeuvre dans le but de mieux indemniser les salariés et, aussi, de permettre aux entreprises d'y recourir plus facilement en allongeant la durée de prise en charge publique.

Plusieurs textes ont récemment modifié le chômage partiel : l'instruction DGEFP n° 2008/19 du 25 novembre 2008 (1), le décret du 22 décembre 2008 (2), l'arrêté du 30 décembre 2008 (3), l'arrêté du 26 janvier 2009 (4) et le décret du 29 janvier 2009 (5). Sans oublier deux arrêtés du 13 mars 2009 (6) et le décret n° 2009-324 du 25 mars 2009 (7).

Les entreprises peuvent recourir au chômage partiel lorsqu'elles sont contraintes de réduire la durée du travail au-dessous de la durée légale ou lorsqu'elles sont obligées de suspendre leurs activités. La conséquence de la suspension ou de la réduction de l'activité est une baisse de la rémunération des salariés ou même une interruption du versement des salaires. Pour compenser cette perte de rémunération, le droit du travail permet à certaines entreprises d'utiliser le dispositif du chômage partiel.

Les entreprises qui pourront avoir recours à ce dispositif devront justifier que la réduction d'horaire ou la suspension d'activité de l'entreprise est due à la conjoncture économique, à des difficultés d'approvisionnement en matières premières, à un sinistre, à des intempéries de caractère exceptionnel, à la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise, ou toute autre circonstance à caractère exceptionnel (C. trav., art. R. 5122-1 N° Lexbase : L2887IA8).

A noter que, pour pouvoir bénéficier du remboursement de l'Etat de l'allocation de chômage partiel, elles devront, préalablement à la décision de recourir au chômage partiel :

- consulter les représentants du personnel ;

- et adresser une demande d'indemnisation au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Le nouveau dispositif prévoit, également, un financement plus important de l'Etat et de l'entreprise (8). En effet, l'indemnisation du chômage partiel comprend :

- une allocation spécifique de chômage partiel, financée par l'Etat, qui était de 2,44 euros de l'heure pour les entreprises de 250 salariés ou moins et qui est passée à 3,84 euros de l'heure ;

- et une indemnité complémentaire prise en charge par l'employeur dont le montant est fixé par accord collectif. Le taux d'indemnisation a été modifié, il est porté à 60 % (50 % auparavant) (décret n° 2009-110 du 29 janvier 2009, relatif au taux horaire de l'allocation spécifique de chômage partiel et à l'indemnisation complémentaire de chômage partiel).

Par ailleurs, toujours dans le même souci de prise en compte de la conjoncture économique, le contingent d'heures indemnisables au titre du chômage partiel a été augmenté et fixé, par salarié, pour l'année 2009 :

- à 800 heures pour l'ensemble des branches professionnelles ;

- et à 1 000 heures pour les industries de textile, de l'habillement et du cuir, pour l'industrie automobile et ses sous-traitants, qui réalisent avec elle au minimum 50 % du chiffre d'affaires, ainsi que pour le commerce de véhicules automobiles.

Lexbase : Les salariés sont-ils également directement concernés par ces nouvelles mesures ?

Michèle Bauer : Oui, puisque leur revenu de remplacement n'est plus de 50 % du salaire versé, mais de 60 %, ce qui est une avancée, même si, comme le note Monsieur le Professeur Willmann (9), la France est toujours loin des autres pays européens : l'Italie, par exemple, indemnise le chômage partiel à hauteur de 80 %.

Lexbase : Qu'est-ce que le chômage partiel total ? L'association des adjectifs partiel et total peut, en effet, sembler assez paradoxale !

Michèle Bauer : En effet, associer le mot partiel et total est pour le moins paradoxal et peut sembler contradictoire.

En réalité, il n'existe aucune contradiction, le chômage partiel total décrit une situation, celle du salarié qui est en arrêt total de travail depuis plus de 28 jours (4 semaines, il fallait 6 semaines avant la refonte), qui est indemnisé au titre du chômage partiel et qui peut être pris en charge au titre du chômage total, car il est considéré comme étant à la recherche d'un emploi.

Alors qu'il n'a pas été licencié, le salarié en chômage partiel total peut, toutefois, percevoir des allocations chômage attribuées normalement aux salariés dont le contrat a été rompu.

Lexbase : Pensez-vous que le recours au chômage partiel soit une solution efficace ? Permet-il, en particulier, d'éviter les licenciements économiques ?

Michèle Bauer : Non. Le chômage partiel est présenté comme un outil de protection de l'emploi, il a été conçu pour éviter les licenciements économiques.

En pratique, je pense que le chômage partiel n'empêche pas les licenciements économiques, il semble plutôt en être l'annonciateur. Le seul bénéfice du chômage partiel est, sans doute, de retarder au maximum les licenciements économiques (de 6 à 12 mois).

Lexbase : N'existe-t-il pas d'autres recours pour une entreprise en difficulté ? Et, notamment, la réduction du temps de travail ?

Michèle Bauer : Les entreprises en difficulté peuvent recourir à la réduction du temps de travail dans les conditions édictées par la loi du 20 août 2008 (10) : en principe l'aménagement du temps de travail est mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou par une convention ou un accord de branche, à défaut par un décret.

La mise en place de cette réduction du travail nécessite une concertation, une négociation entre les représentants des salariés et l'employeur qui devra expliquer les difficultés économiques rencontrées et la nécessité d'aménager le temps de travail pour éviter les licenciements.

De plus, les négociations risquent d'être difficiles, puisque la réduction du travail entraînera inévitablement une baisse de la rémunération.

Lexbase : Ne conviendrait-il pas d'encourager davantage les entreprises à mettre à profit la période de chômage partiel afin de renforcer l'employabilité de leurs salariés ?

Michèle Bauer : Bien entendu, il serait bon que les entreprises mettent à profit cette période de chômage partiel pour renforcer l'employabilité de leurs salariés, c'est ce que préconise la Délégation générale à l'emploi et à la formation Professionnelle (DGEFP du 25 novembre 2008, préc.).

Dans le but d'appliquer de manière dynamique le chômage partiel, la DGEFP demande aux entreprises de permettre au salarié de tirer profit de la période de chômage partiel en se formant par l'intermédiaire du DIF (droit individuel à la formation), par exemple. Ce dispositif permettrait d'atténuer les effets du chômage partiel.

Pour autant, j'ai quelques doutes sur l'effectivité de cette préconisation de la DGEFP. En effet, les entreprises qui ont recours au chômage partiel sont fragiles économiquement et il sera difficile pour elles de financer une formation, car elles ne souhaiteront pas amoindrir un peu plus leur trésorerie.

Pour pallier cet inconvénient, le Gouvernement a annoncé la création d'un Fonds d'investissement social (11) pour coordonner les efforts en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle, en consolidant différentes sources de financement de l'Etat et des partenaires sociaux, chacun conservant, bien entendu, la responsabilité pleine et entière de ses financements. Au total, ce fonds pourrait atteindre environ 2,5 à 3 milliards d'euros.


(1) L'instruction précise, notamment, les conditions d'une application dynamique du chômage partiel et rappelle les autres dispositifs auxquels peuvent recourir les entreprises avant de solliciter l'Etat pour bénéficier du chômage partiel.
(2) Décret n° 2008-1436 du 22 décembre 2008, relatif aux conditions d'attribution de l'allocation spécifique de chômage partiel en cas de fermeture temporaire d'un établissement (N° Lexbase : L3946IC7).
(3) Arrêté du 30 décembre 2008 (N° Lexbase : L4610ICQ), fixant le contingent annuel d'heures indemnisables prévu par l'article R. 5122-6 du Code du travail (N° Lexbase : L2873IAN).
(4) Arrêté du 26 janvier 2009, portant agrément d'un avenant modifiant l'Accord national interprofessionnel du 21 février 1968, sur l'indemnisation du chômage partiel (N° Lexbase : L7041ICR).
(5) Décret n° 2009-110 du 29 janvier 2009, relatif au taux horaire de l'allocation spécifique de chômage partiel et à l'indemnisation complémentaire de chômage partiel (N° Lexbase : L6925ICH) et les obs. de Ch. Willmann, Le régime du chômage partiel profondément réformé, Lexbase Hebdo n° 339 du 25 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5835BIX).
(6) Arrêté du 13 mars 2009 (N° Lexbase : L0560ID4), portant application de l'article D. 5122-42 du Code du travail (N° Lexbase : L2776IA3) et arrêté du 13 mars 2009 (N° Lexbase : L0561ID7), portant application de l'article D. 5122-42 du Code du travail (maintien à 80 % du taux de prise en charge par l'Etat des indemnités de chômage partiel, taux porté à 100 % pour les conventions signées du 1er janvier au 31 décembre 2009 par les entreprises contraintes de réduire ou de suspendre temporairement leur activité du fait des événements naturels d'intensité anormale définis par l'arrêté du 28 janvier 2009, portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle).
(7) Décret n° 2009-324 du 25 mars 2009, relatif aux conditions d'attribution de l'allocation spécifique et d'indemnisation complémentaire de chômage partiel (N° Lexbase : L8843IDU).
(8) Précisions, ici, que l'Etat peut majorer sa participation financière en cas de menace grave sur l'emploi et afin d'éviter ou de réduire le nombre des licenciements. Dans cette hypothèse, une convention de chômage partiel, d'une durée maximale de 6 mois renouvelable une fois, doit être conclue.
(9) Ch. Willmann, Le régime du chômage partiel profondément réformé, préc..
(10) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Articles 20, 21 et 22 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : répartition des horaires de travail, congés payés et autres, Lexbase Hebdo n° 318 du 17 septembre - édition sociale (N° Lexbase : N1825BH3).
(11) Le 10 avril 2009, Nicolas Sarkozy recevait, en présence de François Fillon, de Christine Lagarde, de Brice Hortefeux, de Laurent Wauquiez et de Martin Hirsch, les dirigeants des organisations syndicales et patronales, afin d'installer le Fonds d'investissement social, dont la création a été décidée, rappelons-le, lors du sommet social du 18 février dernier.

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Social général

[Manifestations à venir] Droit du travail et protection sociale : croisement et redistribution

Lecture: 1 min

N1535BK3

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Le 07 Octobre 2010

L'Association française de droit du travail et de la Sécurité sociale (AFDT) organise, le 5 juin 2009, sa 4ème journée d'étude Gérard Lyon-Caen, qui sera consacrée au droit du travail et à la protection sociale. Sous la présidence de Jean Pélissier, Professeur émérite à l'Université des sciences sociales de Toulouse et Président honoraire de l'AFDT et de François Gaudu, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) et Président de l'AFDT, la journée sera consacrée, le matin, aux "catégories juridiques communes" et, l'après-midi, aux "orientations de la modernisation".
  • Programme

9h00 : Des catégories juridiques communes

- Le travailleur et l'actif
- La composition et la charge de la rémunération
- La négociation collective au-delà du travail

14h00 : Les orientations de la modernisation

- L'activation de la solidarité
- La portabilité des droits
- La mutualisation
- Conclusion : entreprise, Sécurité sociale, Etat, quels transferts ?

  • Intervenants

- Pascal Lokiec, Professeur à l'Université de Paris XIII
- Anissa Allouache, chargée d'étude à l'Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
- Isabelle Vacarie, Professeur à l'Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
- Philippe Langlois, Professeur émérite à l'Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, avocat associé, Cabinet Flichy-Grangé avocats
- Michel Borgetto, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
- Elisabeth Graujeman, avocat à la cour d'appel de Paris, Cabinet Chassany-Watrelot
- Anne-Sophie Ginon, maître de conférences à l'Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
- Frédéric Guiomard, maître de conférences à l'Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
- Robert Lafore, Professeur à l'Institut d'études politiques de Bordeaux

  • Date

Vendredi 5 juin 2009, à partir de 9h00

  • Lieu

Ecole normale supérieure
Amphithéâtre Jules-Ferry
29, rue d'Ulm
75005 Paris

  • Tarifs

Une contribution aux frais d'organisation d'un montant de 10 euros sera demandée à chaque participant, à l'entrée de la salle.

  • Renseignements et inscription

Pas d'inscription préalable

Renseignements : AFDT
5, rue du Renard
75004 Paris

mail : afdt.asso@gmail.com

site : http://www.afdt.asso.fr

fax : 01 42 71 39 87

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - mai 2009

Lecture: 14 min

N0784BKA

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique débute par la question du champ d'application des nouvelles dispositions introduites par la loi de finances pour 2000 concernant les plus-values de titres cédés par une personne physique lorsqu'une clause de garantie de passif est mise en oeuvre. Puis, s'agissant de la déductibilité des charges comptabilisées par une entreprise, la cour administrative d'appel de Versailles prend position quant à la portée probatoire d'une facture en présence d'intérêts liés. Enfin, à propos du régime de reprise des entreprises en difficulté, le Haut conseil juge que l'interruption partielle de l'activité en question entraîne la déchéance du bénéfice de la loi spéciale.
  • Plus-value de cession de titres et clause de garantie de passif : absence de rétroactivité des dispositions issues de la réforme opérée par la loi de finances pour 2000 (CE 10° s-s., 10 avril 2009, n° 288113, M. Cassou N° Lexbase : A0951EEX)

Quid d'une clause de garantie de passif quant à la plus-value constatée à la suite de la cession, par une personne physique, de ses droits sociaux ? C'est à cette question que répond le Conseil d'Etat pour des faits antérieurs à l'année 2000 et placés sous l'empire des dispositions -aujourd'hui abrogées- de l'article 160 du CGI (N° Lexbase : L2652HLS ; v. également : J. Turot, Le traitement fiscal des conventions de garantie de passif, RJF, octobre 1991, p. 687 et 775), la Haute juridiction administrative apportant une précision essentielle quant au champ d'application rationae temporis des nouvelles dispositions adoptées par le législateur par la loi de finances pour 2000 en écartant leur rétroactivité pour des reversements effectués avant le 1er janvier 2000 (loi de finances pour 2000, art. 94 et CGI, art. 150-0 D N° Lexbase : L7217ICB ; CGI ann. II, art. 74-0 H N° Lexbase : L0056HNE).

Les faits de l'espèce rapportent qu'en 1994, un associé personne physique cède les titres d'une société à un tiers étant convenu d'une garantie de passif visant "les compléments d'impôts qui pourraient résulter d'un redressement fiscal en cours". Puis, l'administration fiscale redressa la société à raison des redevances de brevet versées à cet associé pour les exercices 1989 à 1993. Un sinistre fut déclaré à ce titre et le cédant réclama à l'administration la réduction de son imposition primitive résultant de la prise en compte, sur la plus-value initialement constatée, des sommes reversées à la société.

Il est très fréquent que, lors de la cession de titres, le cédant accorde une garantie de passif visant à désintéresser le cessionnaire à hauteur de la perte de valeur des titres acquis si l'actif net de la société venait à se déprécier à raison d'un certain nombre d'événements dont les redressements fiscaux (1). Conclue généralement pour un court laps de temps, la garantie de passif est susceptible d'entraîner un contentieux entre les parties contractantes quant à sa mise en oeuvre et à la portée de leurs engagements (Cass. com., 28 juin 1982, Vanpouille et autres c/ Société des Plantations de Nyombe Penja N° Lexbase : A9933ASP ; Cass. com., 28 septembre 2004, n° 00-22.872, Blatière c/ Thiebaut N° Lexbase : A4561DDB ; Cass. com., 6 mars 2007, n° 06-10.889, Dupont N° Lexbase : A6958DUA), mais également entre l'administration fiscale et le garant.

Pour la juridiction d'appel (CAA Nantes, 1ère ch., 12 octobre 2005, n° 02NT00358 N° Lexbase : A7095DLD), la clause contractuelle prévoyant qu'une partie du prix de vente serait placée sur un compte bloqué et mis à la disposition de la société ne peut s'analyser comme étant une condition suspensive de la convention. Cette solution doit être rapprochée de la jurisprudence de la Haute juridiction administrative s'agissant de la mise sous séquestre d'une partie des actions à titre de garantie de la gestion (2) de l'entreprise (CE 8° et 7° s-s-r., 30 juin 1976, n° 92674 N° Lexbase : A0846B99) et reprise par les juges du fond (CAA Marseille, 3ème ch., 23 mai 2000, n° 97MA01041, Delebois, RJF, juin 2001, n° 795 ; CAA Nancy, 2ème ch., 3 novembre 2005, n° 01NC00576, Gesp N° Lexbase : A7237DLM). Au cas particulier, le Conseil d'Etat estime que le transfert de propriété des droits sociaux en question ne dépendait pas des modalités d'exécution de la garantie octroyée par le vendeur.

Pour les faits antérieurs à la loi de finances pour 2000, la jurisprudence opérait une distinction entre les clauses de révision de prix et celles qui avaient un caractère indemnitaire. Mais la doctrine privée signale, à cet égard, que "la distinction entre garantie de type indemnitaire et de révision de prix avait une portée plus limitée, en revanche, lorsque le garant était une personne physique : celui-ci ne pouvait ni déduire les sommes versées mises à sa charge à raison de l'exécution de la convention de garantie, ni obtenir le remboursement de l'imposition de la plus-value initialement supportée par lui, cette solution s'appliquant sans égard à la nature de la convention de garantie" (3). Et en l'absence de dispositions légales contraires, la jurisprudence et la doctrine administrative confirmeront l'indifférence -de principe- de la mise en force d'une garantie de passif sur le montant de la plus-value initialement déclarée par une personne physique (CE Contentieux, 22 mars 1991, n° 67966, Domenjoud N° Lexbase : A9308AQS ; v. cependant l'admission de quelques exceptions : QE n° 18405 de M. Bourg-Broc Bruno, réponse publiée au JOANQ, 8 février 1999, p. 776 N° Lexbase : L4247BGE).

Dans ces conditions, on comprend mieux la persistance du contribuable à tenter de se prévaloir, devant la juridiction d'appel et le Conseil d'Etat, des dispositions issues de l'article 94 de la loi de finances pour 2000 (CGI, art. 150-0 D N° Lexbase : L7217ICB ; CGI, ann. II, art. 74-0 H N° Lexbase : L0056HNE ; instruction du 13 juin 2001, BOI 5 C-1-01 N° Lexbase : X6266AAC) -applicables entre personnes physiques- qui permettent de prendre en compte, au titre de l'impôt sur le revenu, le montant du versement effectué par le cédant en exécution de la garantie de passif dans la limite, toutefois, du prix de cession ; la doctrine administrative rejetant expressément la prise en compte d'une perte nette (instr. précitée, fiche n° 3, § 9) bien que le législateur soit muet sur ce point.

Cependant, d'une manière générale, la loi n'est pas rétroactive (C. civ., art. 2 N° Lexbase : L2227AB4), sauf disposition contraire ou si elle a un caractère interprétatif notamment (4), ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Par conséquent, seuls les reversements effectués à compter du 1er janvier 2000 pouvaient être pris en compte. Or, au cas particulier, la mise en oeuvre de la garantie de passif remontait à l'année 1996 : les dispositions adoptées par le législateur à la fin de l'année 1999 ne concernaient pas le contribuable.

Si les dispositions de l'article 150-0 D du CGI ne sont pas rétroactives, il reste à confirmer la prise de position de la doctrine administrative (instr. précitée, § 17) et la jurisprudence des juges du fond (TA Nantes, 4ème ch., 14 février 2006, n° 03-95, Meynet Petit-Jean, RJF, décembre 2006, n° 1542, concl. G. Quillévéré, BDCF, décembre 2006, n° 151 ; v. s'agissant des clauses d'intéressement : CAA Nantes, 1ère ch., 15 décembre 2008, n° 07NT01078, Samuzeau N° Lexbase : A9071ECX) selon laquelle un reversement effectué à compter du 1er janvier 2000, mais relatif à une cession de titres relevant des dispositions de l'article 160 du CGI antérieures à l'adoption de la loi de finances pour 2000, entre bien dans le champ d'application de l'article 150-0 D du CGI.

  • Procédures fiscales : portée probatoire d'une facture lorsque les parties sont liées (CAA Versailles, 1ère ch., 5 février 2009, n° 07VE01002, Société Preeta N° Lexbase : A7542EE3)

La dialectique de la preuve, en matière fiscale, est essentielle au soutien des prétentions des parties et elle obéit à des règles légales et jurisprudentielles relativement complexes, sous le contrôle du juge de l'impôt (CE Contentieux, 5 mars 1999, n° 140779, Valeri N° Lexbase : A4301AXL (5)), en attribuant au contribuable (6) ou à l'administration (7) la charge de la preuve. Elle est également le reflet d'un certain pragmatisme qui s'exprime à travers le régime de la preuve objective permettant de trancher le contentieux en fonction des éléments versés au dossier sans faire supporter la charge de la preuve sur l'une des parties exclusivement (8) (v. pour la législation dérogatoire concernant les entreprises nouvelles : CE 9° et 10° s-s-r., 6 juillet 2005, n° 252645, Dion N° Lexbase : A9579DIM).

Dans le cadre d'une entreprise astreinte à tenir une comptabilité, cette dernière joue un rôle de première importance quant à la prise en compte des charges enregistrées puisque la jurisprudence "Société Véticlam" (9) a déjà précisé qu'il appartenait au contribuable "de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité" (CE Contentieux, 20 mai 1998, n° 159877, Société Véticlam N° Lexbase : A7204ASM ; concl. J. Arrighi de Casanova, BDCF, avril 1998). L'administration peut être amenée à s'interroger sur la justification de la charge ainsi que sa correcte transcription comptable mais également quant à son caractère normal ou non dont la preuve lui incombe (CE Contentieux, 27 juillet 1984, n° 34588, Société Renfort Service N° Lexbase : A7122ALD (10) ; CE Contentieux, 8 août 1990, n° 92997, Société International Transports Intertrans Paris N° Lexbase : A4781AQ7).

Au cas particulier, une société commerciale a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Contestant la réalité des prestations facturées à la société requérante, l'administration fiscale a émis un redressement sur le fondement de l'article 109 du CGI (N° Lexbase : L2060HLU) portant sur des honoraires versés à un résident fiscal anglais -qui se trouve être l'"actionnaire direct" de la société vérifiée- et sur ses frais de mission et de déplacement exposés à l'étranger. En application de l'article 119 bis du CGI (N° Lexbase : L2111HLR et de l'article 9-6 de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 (N° Lexbase : L6745BHB), une retenue à la source au taux de 15 % a été réclamée par l'administration fiscale. Dans ce cadre, la cour administrative d'appel de Versailles dit pour droit "que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci" ; ce qui est conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 16 janvier 2006, n° 258277, Lefebvre N° Lexbase : A4175DML). Elle en déduit alors qu'il appartient au contribuable "de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du Code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité" ; et qu'enfin, "le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur la valeur ou l'existence de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive". Ce raisonnement est celui utilisé par le Conseil d'Etat dans ses décisions "Société Etablissements Lebreton" (CE 8° s-s., 20 juin 2003, n° 232832, Société Etablissements Lebreton Comptoir Général de peintures N° Lexbase : A0626C93 ; concl. P. Collin, RJF, octobre 2003, p. 754) et "Société Selafa Géomat" (CE 3° et 8° s-s-r., 16 mai 2008, n° 288101, Société Selafa Géomat N° Lexbase : A6491D8W ; concl. F. Séners, BDCF août/septembre 2008, n° 112). Il correspond également, dans son principe, à la jurisprudence selon laquelle l'administration fiscale doit prouver ses allégations si elle considère que les justifications apportées par le contribuable sont fausses (CE Contentieux, 26 juillet 1991, n° 80981, Société Malguy Levage N° Lexbase : A9587AQ7).

Parmi l'ensemble des éléments susceptibles d'être produits, figure la facture régulière qui est un élément clef dans la comptabilité d'une entreprise (CE 3° et 8° s-s-r., 21 mai 2007, n° 284719, Société Sylvain Joyeux N° Lexbase : A4759DW8 ; F. Dieu, Les charges justifiées par des factures sont présumées déductibles : retour sur la charge de la preuve en matière fiscale, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition fiscale N° Lexbase : N9281BBD). Mais, au cas d'espèce, si les honoraires de consultation de l'associé ont fait l'objet de factures régulières et ont été comptabilisées par la société requérante, les juges versaillais rejettent cependant de telles charges dès lors, d'une part, qu'une "étroite communauté d'intérêts [existait] entre la société Preeta et M. F.-B., qui, en sa qualité de dirigeant de celle-ci, la contrôlait, et d'autre part, du caractère forfaitaire et imprécis des factures en cause, [...] la société requérante ne [fournissant] quant à elle aucun élément sérieux susceptible de justifier des contreparties qu'elle aurait pu retirer des honoraires facturés par son dirigeant". Sur l'imprécision des factures, la cour administrative d'appel de Versailles rejoint l'opinion de son homologue parisienne qui a déjà jugé dans le même sens (CAA Paris, 5ème ch., 5 novembre 2007, n° 06PA01133, Société Isochape N° Lexbase : A6713D4E) s'agissant de factures ne permettant pas d'identifier les prestations en conséquence de libellés trop succincts (11). Cette dernière motivation peut être approuvée car l'administration fiscale n'a pas à se livrer aux arts divinatoires lorsqu'un contribuable entend lui opposer une facture. En revanche, on reste rétif à l'idée développée par la juridiction d'appel selon laquelle "l'étroite communauté d'intérêts" entre la société et son actionnaire constituerait un des éléments justifiant le bien-fondé des redressements discutés devant la cour. On retrouve, également, cette idée dans les conclusions du commissaire du Gouvernement François Séners, sous la décision "Société Selafa Géomat" précitée relative à la déductibilité de charges facturées par une société mère à sa filiale (12), et qui a trouvé un écho dans la jurisprudence actuellement en vigueur. Dans une telle configuration, la déductibilité de ces charges est conditionnée à l'exhaustivité de l'information afin de les rendre crédibles, c'est-à-dire les plus vraisemblables possibles : le contribuable sera alors bien inspiré de verser les contrats et les bons de commande notamment. Si toutefois il a préalablement pris soin de les faire établir.

  • Reprise d'entreprise industrielle en difficulté : déchéance du régime de faveur en cas de cession partielle de l'activité reprise (CE 3° et 8° s-s-r., 29 avril 2009, n° 296884, Société In-Lhc N° Lexbase : A6399EG4)

A la fin des années 80, le législateur est intervenu afin de faciliter la reprise des entreprises industrielles en difficulté faisant l'objet d'une cession ordonnée par la juridiction compétente au profit d'une société créée dans ce but (loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988, art. 14 ; CGI, art. 44 septies N° Lexbase : L1524HLZ). Dans ce cadre, il était prévu une exonération temporaire d'impôt sur les sociétés, au profit de la société créée à cet effet, à raison des bénéfices réalisés. Par une décision du 16 décembre 2003, la Commission européenne a déclaré contraire au droit communautaire le régime de l'article 44 septies du CGI (13). Cette décision a fait l'objet d'importants débats au cours de l'année 2004 compte tenu des incidences pour les entreprises françaises alors tenues de restituer les aides d'Etat à l'exception de celles n'ayant pas dépassé le plafond de minimis (QE n° 41179 de Mme Sylvia Bassot, réponse publiée au JOANQ du 27 juillet 2004, p. 5816, 12ème législature N° Lexbase : L9898GQN). L'Etat français sera condamné par la Cour de justice des Communautés européennes pour ne pas avoir récupéré ces aides illégales (CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-214/07, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A2172EB3 ; A. Maitrot de la Motte, Condamnation de la France pour absence de récupération d'aides d'Etat fiscales illégales, Dr. fisc. 2008, act. 365). Le régime de l'article 44 septies du CGI fut refondu substantiellement afin d'en assurer la légalité au regard de l'encadrement communautaire des aides d'Etat (loi n° 2004-1485, 30 décembre 2004, de finances rectificative pour 2004, art. 41 N° Lexbase : L5204GUB) introduisant, notamment, un plafonnement en fonction du lieu d'implantation et de la taille de l'entreprise ainsi qu'une exclusion de certains secteurs d'activité (14). Le toilettage communautaire ayant entraîné une considérable complexification des dispositions applicables rétroactivement à la date du 16 décembre 2003, l'administration est venue apporter d'utiles précisions (instruction du 27 juillet 2005, BOI 4 H-3-05 N° Lexbase : X3296ADG ; instruction du 1er avril 2005, BOI 4 H-1-05 N° Lexbase : X0158AD9).

Au cas particulier, une société, créée en 1994 pour la reprise d'une activité industrielle d'une société en difficulté, a cédé, en 1995, à un tiers "la partie de son fonds de commerce et d'industrie correspondant à l'activité circulation du carburant, comprenant, selon les termes mêmes de l'acte de cession, la clientèle et le matériel, soit deux commandes numériques". Or, en vertu de la loi applicable, la conséquence attachée à une telle interruption de l'activité reprise dans les trois premières années d'exploitation, consistait en l'exigibilité immédiate de l'impôt sur les sociétés. La société requérante entendait opposer une distinction entre une interruption totale ou partielle de l'activité reprise. Mais une telle argumentation, qui ne trouvera pas grâce devant la juridiction d'appel (CAA Nantes, 1ère ch., 21 juin 2006, n° 05NT00231, Société IN-HR N° Lexbase : A3811DRL), ni devant le Conseil d'Etat (CE 3° et 8° s-s-r., 29 avril 2009, n° 296884, Société In-Lhc N° Lexbase : A6399EG4), semblait vouée à l'échec en application de l'adage Ubi lex non distinguit nec debemus distinguere : le législateur ayant eu recours à une formule générale ("Lorsqu'une société [...] interrompt, au cours des trois premières années d'exploitation, l'activité reprise" (15)), les dispositions légales interdisaient que le contribuable se prévale d'une modalité particulière d'interruption de l'activité. Que l'activité en question ait été totalement ou partiellement cédée, ou encore abandonnée par le repreneur de son propre chef ou non, et ce quelle qu'en soit la cause, l'application du régime de l'article 44 septies du CGI consistait en une simple alternative. L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nantes et la décision du Haut conseil valident la doctrine administrative (Doc. adm. 4 H-1394, 1er mars 1995, § 70) en ce sens (16). Et la société requérante ne pouvait arguer de l'absence de cession d'une branche complète et autonome d'activité -à laquelle la doctrine administrative précitée fait référence- car celle-ci devait être entendue comme un moyen d'expliciter la position générale du législateur sans la restreindre à la seule hypothèse d'une cession d'une branche complète et autonome d'activité. On rapprochera cette décision de celle rendue par la Haute juridiction administrative en 2005 à propos d'une société ayant repris deux activités en difficulté dont l'une fut abandonnée avant l'échéance des trois ans ; ce qui avait entraîné la déchéance du régime de l'article 44 septies du CGI pour l'ensemble des activités reprises (CE 3° et 8° s-s-r., 8 juillet 2005, n° 264641, Société Endupack N° Lexbase : A0010DKL ; concl. E. Glaser, Dr. fisc., 2005, p. 2013). Ainsi, les arguments selon lesquels la cession de l'activité ne s'est accompagnée d'aucun transfert de personnel, ou que cette activité représentait une faible partie du chiffre d'affaires de la société reprise, ou encore que la société requérante avait conservé ses propres services de gestion ne pouvaient prospérer devant le juge de l'impôt. La seule porte de sortie honorable pour la société requérante aurait été de se placer sur le terrain de la cession isolée de certains actifs qui n'aurait alors pas constitué une cession partielle de l'activité en question. Mais, au cas d'espèce, les stipulations du contrat conclu entre la société et son cocontractant démontrent que les parties ne s'inscrivaient absolument pas dans ce cadre. Dura lex...


(1) M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, coll. : Manuel, 21ème édition, 2008, p. 343 ; Y. Guyon, Les sociétés, LGDJ, coll. : Traité des contrats, dir. : J. Ghestin, 5ème édition, 2002, p. 324 ; P. Mousseron, Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux, Nouvelles Editions Fiduciaires, 2ème édition, 1998.
(2) "Considérant, d'une part, que si, en vertu d'un protocole d'accord en date du 22 juin 1964 conclu entre le sieur x et le président-directeur-général de la société w, le sieur x a mis en dépôt jusqu'au 19 décembre 1968 5 000 des actions w reçues par lui dans les caisses de la banque t, séquestre, il résulte de l'instruction que ce dépôt a été effectué à titre de garantie de la gestion du sieur x, maintenu par le nouvel actionnaire majoritaire dans ses fonctions de président-directeur-général de la société y ; que l'indisponibilité de ces actions ne saurait, en tout état de cause, faire regarder la plus-value susmentionnée comme n'ayant pas été acquise par le sieur x a la date du 19 mai 1964".
(3) J.-C. Parot, L'exécution des conventions de garantie de passif : la nouvelle donne fiscale, Dr. fisc. 2002, p. 790.
(4) Ou si elle est confirmative ou encore, en matière pénale, si la sanction est plus douce : rétroactivité in mitius (H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. : Traités, 1ère édition, 2003, p. 225).
(5) "Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge de l'impôt de déterminer, en fonction de l'objet du redressement et du déroulement de la procédure d'imposition, le régime de dévolution de la charge de la preuve applicable au litige qui lui est soumis".
(6) Par exemple, lorsque l'imposition a été établie d'office (LPF, art. L. 193 N° Lexbase : L8356AE9) ou lorsque le contribuable entend se prévaloir d'une option (CE Contentieux, 1er avril 1987, n° 60501, Goesin N° Lexbase : A2786APU ; CAA Lyon, 2ème ch., 7 octobre 1998, n° 95LY01766, Pion N° Lexbase : A9643BEU).
(7) Par exemple, lorsque l'administration fiscale invoque la mauvaise foi (aujourd'hui "manquement délibéré") du contribuable (LPF, art. L. 195 N° Lexbase : L8353AE4) ; ou encore s'agissant des formalités lui incombant notamment lors d'une opération de contrôle fiscal externe (en cas de contestation de la réception de l'avis de vérification : CAA Marseille, 3ème ch., 10 octobre 2002, n° 98MA00682, Peyrot N° Lexbase : A8519A4B).
(8) C. de la Mardière, La preuve objective dans le contentieux fiscal, Dr. fisc. 2006 ét. 13. "Dans l'affaire Société Sylvain Joyeux, le commissaire du Gouvernement, Emmanuel Glaser, avait indiqué que le raisonnement suivi n'était pas très éloigné du système de la preuve objective. M. Séners ne mentionne pas cette technique, alors que l'arrêt SELAFA Géomat s'en approche encore davantage. En effet le Conseil d'Etat y contraint le juge du fond à ne pas faire peser tout le poids de la preuve sur une seule des parties, mais à considérer l'ensemble des éléments présentés par les plaideurs, pour former sa conviction. C'est d'autant plus frappant que la cour administrative d'appel a exigé de la société une preuve impossible, soit l'une des hypothèses de la preuve objective. [...] Il est en effet extrêmement difficile d'établir la valeur d'un travail. Dans une pareille hypothèse, la preuve objective a le mérite de ne pas faire peser une obligation probatoire insurmontable sur une seule des parties. Il serait bon que cette logique soit officiellement reconnue car, de plus, elle correspond à la pratique", C. de la Mardière, Dialectique de la preuve : nouvelles précisions, Dr. fisc., 2008, comm. 430.
(9) "Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du LPF, tel qu'il résulte de l'article 10-1 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : 'Lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission' ; qu'il appartient cependant, dans tous les cas, au contribuable, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires ait été saisie ou non, de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité".
(10) "Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve".
(11) L'entreprise n'a pu également présenter aucun autre document susceptible "de corroborer l'existence d'une contrepartie à cette facturation".
(12) "Les factures produites émanaient de la société mère, ce qui constituait incontestablement un facteur d'affaiblissement de la présomption attachée à la production de factures. La cour a explicitement tenu compte de ce facteur, en jugeant que, en contrepartie de la mise à disposition de salariés, le montant des charges déductibles par la filiale ne pouvait pas être justifié par les seules factures. Le bien fondé de cette analyse de principe n'est pas contesté par le pourvoi et il nous paraît solide, car la présomption qui s'attache aux factures repose pour une part déterminante sur le fait qu'elles émanent de tiers qui ne peuvent pas être suspectés de complaisance a priori, tandis que la complaisance ne peut pas être exclue s'agissant de relations entre société étroitement liées".
(13) F. Girard de Barros, La Commission invalide les aides fiscales à la reprise d'entreprises en difficulté, Lexbase Hebdo n° 100 du 25 décembre 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N9867AAP ; instruction du 4 mars 2004, BOI 4 H-2-04 N° Lexbase : X0821ACE.
(14) Les secteurs exclus sont les suivants : le transport, la construction de véhicules automobiles, la construction de navires civils, la fabrication de fibres artificielles ou synthétiques, la sidérurgie, l'industrie charbonnière, la production ou la transformation de produits agricoles, la pêche, l'aquaculture.
(15) La loi visait, également, l'un des événements mentionnés au premier alinéa du 2 de l'article 221 du CGI (N° Lexbase : L4144HL3) : dissolution, transformation entraînant la création d'un être moral nouveau, apport en société, fusion, transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger.
(16) "Il n'y a pas lieu de distinguer selon que l'interruption de l'activité reprise est totale ou partielle. Ainsi la sanction prévue à l'article 44 septies est applicable en cas de cession ou cessation partielle d'une branche complète et autonome d'activité. Il en est de même quelle que soit la cause de la cession ou de la cessation d'activité".

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[Jurisprudence] Cautionnement souscrit par une personne physique au profit d'un créancier professionnel : une mention manuscrite exigée ad validitatem

Réf. : Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-11.616, M. Dominique Le Maner, FS-P+B (N° Lexbase : A6490EGH)

Lecture: 9 min

N0781BK7

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef

Le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article L. 341-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5668DLI), "toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : 'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même'". C'est au visa de ce texte que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, pour la première fois, un arrêt sur le fondement de cette disposition introduite par la loi sur l'initiative économique (loi n° 2003-721 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3557BLC). En l'espèce, une banque a assigné en paiement la caution solidaire du compte courant ouvert par son fils dans les livres de l'établissement de crédit et son épouse commune en biens, l'engagement du garant ayant été souscrit par acte du 18 janvier 2005. Condamnée à payer un certain montant à la banque, la caution forme un pourvoi en cassation reprochant à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande en nullité de son engagement. C'est dans ce contexte que la Cour régulatrice énonce, à la manière d'un arrêt de principe, "qu'est nul l'engagement de caution, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention manuscrite exigée par [l'article L. 341-2 du Code de la consommation]". Aussi en déduit-elle que la cour d'appel a violé ledit texte en retenant que l'épouse s'était valablement engagée en qualité de caution après avoir, d'une part, constaté qu'elle avait porté de sa main sur l'acte du 18 janvier 2005 la mention "Bon pour accord exprès au cautionnement donné à hauteur de la somme de 60 000 euros couvrant le principal, tous les intérêts, frais, commissions et accessoires y compris toute indemnité de résiliation anticipée comme indiqué ci-dessous" suivie de sa signature, et, d'autre part, relevé, dans ses conclusions du 22 septembre 2006, qu'elle avait reconnu implicitement son engagement en qualité de caution et que cet aveu, extérieur à l'acte, constituait l'élément extrinsèque venant parfaire le commencement de preuve par écrit résultant de l'acte.

Ce faisant, la Cour de cassation, qui fait une stricte application du texte applicable en l'espèce, rappelle une règle intangible (I) et nie, fort logiquement, toute valeur à l'aveu judiciaire du cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel (II).

I - La mention manuscrite de l'article L. 341-2 du Code de la consommation : condition ad validitatem du cautionnement

Le texte de l'article L. 341-2 du Code de la consommation ne soulève pas de difficulté sur la valeur de la règle qu'il énonce puisqu'il prévoit expressément que la mention manuscrite de la caution, personne physique, qui s'engage envers un créancier professionnel, est exigée à peine de nullité de l'acte. Il s'agit donc là d'une condition de validité et non d'une simple condition de preuve, comme l'ont retenu les juges d'appel dont la décision est cassée par l'arrêt du 28 avril 2009, opérant par là même une distinction entre les engagements souscrits par les cautions, personnes physiques, à l'égard des créanciers professionnels et le cautionnement de droit commun. En effet, si la sanction du non-respect de la règle issue de la loi sur l'initiative économique, et donc la valeur de la condition énoncée n'appellent aucune discussion, tel n'est pas le cas de la règle contenue dans l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT), siège de l'existence d'une mention manuscrite pour le cautionnement de droit commun et objet d'une jurisprudence abondante et d'une littérature non moins foisonnante. Les juges et la doctrine se sont longtemps demandés si l'exigence de la mention manuscrite que ce texte contient était une condition de validité du cautionnement ou s'il s'agissait d'une simple règle de preuve.

On ne reviendra pas sur les vifs débats qui entourèrent cette question, mais on rappellera seulement que la jurisprudence a longtemps hésité. Ainsi, alors que les juges de la première chambre civile de la Cour de cassation considéraient que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituaient pas de simples règles de preuve mais avaient pour finalité la protection de la caution (cf., par ex., Cass. civ. 1, 22 novembre 1988, n° 86-19.266, Epoux Cosquer c/ Société anonyme La pellicule cellulosique N° Lexbase : A2210AHC), la Chambre commerciale estimait, au contraire, qu'il s'agissait de simples règles de preuve (Cass. com., 29 janvier 1991, n° 89-14.162, M Desmazières c/ Société d'exploitation forestière d'Egleny N° Lexbase : A4487AHN). Finalement, la première chambre civile a suivi cette dernière et retient, désormais, à l'instar de la formation commerciale, qu'en l'absence de mention manuscrite, l'acte sous seing privé est irrégulier et peut constituer un commencement de preuve par écrit de l'engagement de la caution qui peut être complété par des éléments extrinsèques (cf., par ex., Cass. civ. 1, 13 novembre 1996, n° 94-16.091, Mme Six c/ Société Franfinance bail N° Lexbase : A8554ABG). La solution est, aujourd'hui largement, acquise : la mention manuscrite exigée par l'article 1326 du Code civil n'est plus qu'une règle de preuve.

Mais, le rôle de preuve de la mention manuscrite s'étiole, comme en témoigne notamment l'arrêt du 28 avril 2009, le droit commun ayant curieusement tendance à devenir résiduel pour laisser la place à un cautionnement solennel.
Relevons, tout d'abord, que la première limite est directement issue de l'article 1326 lui-même, lequel ne vise que les engagements sous seing privé : les cautionnements par actes authentiques sont donc exclus expressément du champ d'application de ce texte.
Au-delà, le premier "coup de canif législatif" dans le rayonnement de l'article 1326 du Code civil en droit du cautionnement a été donné par la loi du 31 décembre 1989 (loi n° 89-1010, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles N° Lexbase : L2053A4S), abrogée, mais dont les dispositions ont été reprises par les articles L. 313-7 (N° Lexbase : L1523HIA) et suivants du Code de la consommation. La mention manuscrite exigée est identique à celle prévue par l'article L. 341-2, mais ne s'applique qu'aux cautionnements souscrits, par des personnes physiques, par acte sous seing privé en garantie des crédits à la consommation et des crédits immobiliers.
C'est, ensuite, la loi du 24 juillet 1994, qui, modifiant la loi du 26 juillet 1989 (loi n° 89-462, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH), a soumis le cautionnement des sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d'un contrat de bail d'habitation à la même exigence d'un écrit ad validitatem (loi n° 89-462, art. 22-1).
Enfin, on l'a vu, la loi sur l'initiative économique du 1er août 2003 a fini de réduire considérablement le champ d'application de l'article 1326 du Code civil, en imposant la mention manuscrite, à peine de nullité, à l'engagement de caution, personnes physiques qui se portent garantes au profit d'un créancier professionnel.

Il convient, toutefois, de relativiser les incidences de ce texte. En effet, la loi prévoit que sont entrés en vigueur six mois après la promulgation du texte, soit le 5 février 2004, les articles L. 341-2 (mention manuscrite), L. 341-3 (mention manuscrite N° Lexbase : L6326HI7), L. 341-5 (bénéfice de discussion N° Lexbase : L8753A7C) et L. 341-6 (information N° Lexbase : L5673DLP) du Code de la consommation. Il est inutile de rappeler qu'en vertu de l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4), la loi ne dispose que pour l'avenir. Elle n'a donc point d'effet rétroactif sauf précisions inverses expresses du législateur. Il faut, par conséquent, en déduire que seuls les cautionnements souscrit après le 5 février 2004 sont soumis ad validitatem à l'exigence d'une mention manuscrite, les engagements antérieurs étant toujours soumis à l'article 1326 et à la jurisprudence y relative. D'ailleurs, la solution contraire serait surprenante, puisqu'elle aurait pour effet d'annuler l'ensemble des cautionnements en cours. C'était pourtant ce que certaines cours d'appel avaient retenu (CA Caen, 1ère ch., 10 juin 2004, n° 01/03700, Madame Marie-France Quesnel épouse Marin c/ SA Banque nationale de Paris - Paribas N° Lexbase : A5440DDT, qui estime que les dispositions relatives à la proportionnalité du cautionnement issues de la loi "Dutreil" sont applicables ; lire D. Bakouche, A propos d'une difficulté relative à la mise en oeuvre de la loi du 1er août 2003 applicable au cautionnement, Lexbase Hebdo n° 137 du 7 octobre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N2995ABK), solution que la Cour de cassation, dans sa grande sagesse, a formellement écartée (Cass mixte, 22 septembre 2006, n° 05-13.517, M. Guy Bonnal c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Oise, P+B+R+I N° Lexbase : A3192DRN).

Dans les faits ayant donné lieu à l'arrêt du 28 avril 2009, le cautionnement avait été souscrit le 18 janvier 2005 et était donc soumis, sans difficulté, aux exigences imposées par la loi du 31 août 2003. Or, la mention portée par l'épouse commune en bien de la caution solidaire ne reproduit  pas celle prévue par l'article L. 341-2 du Code de la consommation. Elle en est même très éloignée puisqu'elle indique "Bon pour accord exprès au cautionnement donné à hauteur de la somme de 60 000 euros couvrant le principal, tous les intérêts, frais, commissions et accessoires y compris toute indemnité de résiliation anticipée comme indiqué ci-dessous". Le prononcé de la nullité ne faisait, par conséquent, ici aucun doute.
Cela signifie-t-il que la mention manuscrite doit reproduire à l'identique les termes de l'article L. 341-2 du Code de la consommation ?

Il faut, nous semble-t-il, apporter une réponse nuancée à cette question. En effet, certaines cours d'appel ont admis la validité de la mention, raturée ou surchargée, qui reproduit le texte de l'article L. 341-2 (cf., notamment, CA Rennes, 1ère ch., sect. B, 1er février 2008) et, surtout, la Cour de cassation, elle-même, fait preuve d'une certaine souplesse, puisque, au sujet de la mention manuscrite exigée par l'article L. 313-7 du Code de la consommation -qui rappelons-le est identique à celle prévue par l'article L. 341-2 du même code-, elle a retenu que l'omission de la conjonction de coordination "et" entre, d'une part, la formule définissant le montant et la teneur de l'engagement et, d'autre part, celle relative à la durée de celui-ci, n'affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite et que, par conséquent, un tel cautionnement n'encourt pas la nullité (Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-17.028, FS-P+B N° Lexbase : A8425DDE). La mauvaise foi de la caution était ici évidente, compte tenu des seuls éléments manquants dans la mention manuscrite, et la solution retenue était donc opportune. Toutefois, en distinguant les omissions graves qui peuvent affecter le sens et la portée de la mention et les omissions qui sont sans conséquence, la Cour de cassation ouvre une brèche relativement incertaine. En tout état de cause, la mention dans l'espèce commentée s'éloignait tant de celle exigée par l'article L. 341-2 qu'elle ne pouvait en aucun cas relever des "omissions sans conséquence".

Pour terminer sur ce point, on relèvera que les dispositions issues de la loi "Dutreil" ont pour objet de protéger les cautions personnes physiques, et que, par conséquent, la nullité encourue est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par la caution.

II - Le rejet de l'aveu judiciaire

La cour d'appel saisie du litige avait retenu que, si la mention portée et signée par la main de l'épouse de la caution ne reprenait pas les termes de l'article L. 341-2 du Code de la consommation, celle-ci avait, néanmoins, reconnu implicitement dans ses conclusions son engagement en qualité de caution et que cet aveu, extérieur à l'acte, constituait l'élément extrinsèque venant parfaire le commencement de preuve par écrit résultant de l'acte. Etant donné que la Haute juridiction refuse de voir dans l'acte un commencement de preuve par écrit, puisque celui-ci est exigé ad validitatem et non ad probatem, elle en déduit que l'aveu judiciaire n'a aucune conséquence sur l'invalidité de l'engagement de caution.

D'ailleurs, à l'époque où la mention manuscrite de l'article 1326 du Code civil était considérée comme une condition de validité du cautionnement par la première chambre civile de la Cour de cassation, cette dernière refusait que l'aveu judiciaire ou extra-judiciaire puisse manifester la preuve de l'engagement de la caution, comme en témoigne un arrêt du 26 mai 1993 (Cass. civ. 1, 26 mai 1993, n° 91-17.126, Epoux Wautier c/ Caisse foncière de crédit N° Lexbase : A3705AC9). Au contraire, à partir du moment où la mention manuscrite de l'article 1326 du Code civil a une simple valeur probatoire, la reconnaissance dans les conclusions déposées devant les premiers juges, qu'ils s'étaient portés tous deux cautions solidaires fait preuve du cautionnement litigieux, et dispense le juge de procéder à un examen de l'écrit contesté (Cass. civ. 1, 15 juin 2004, n° 02-10.700, F-P N° Lexbase : A7329DCG).

La mention manuscrite de l'article L. 341-2 du Code de la consommation n'étant pas une règle de preuve, les dispositions du droit de la preuve et, plus précisément, la règle de l'article 1356 du Code civil (N° Lexbase : L1464ABT), aux termes duquel "l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait", ne peut donc s'appliquer ici. 

Aussi, la solution retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 avril 2009, respectueuse des règles du droit de la consommation et de son objectif de protection de la caution, personne physique et en parfaite harmonie avec la jurisprudence traditionnelle de la Cour régulatrice, doit être pleinement approuvée.

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Fonction publique

[Jurisprudence] La liberté d'expression des agents publics n'est pas sans limite

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 23 avril 2009, n° 316862, M. Guigue (N° Lexbase : A4950EGG)

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N0801BKU

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par Frédéric Dieu, Rapporteur public près la Cour administrative d'appel de Marseille

Le 07 Octobre 2010

Par une décision en date du 23 avril 2009, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur les conditions dans lesquelles il peut être mis fin aux fonctions d'un sous-préfet d'arrondissement et sur les motifs pouvant justifier une telle mesure. En l'espèce, un administrateur civil, détaché en qualité de sous-préfet de Saintes depuis 2007, publiait des articles sur un site internet dédié à l'actualité de l'islam francophone. En mars 2008, ce fonctionnaire y avait rédigé un article polémique en réponse à une tribune du Monde relative à Israël intitulée "Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l'ONU". Par un décret en date du 2 avril 2008, le président de la République a mis fin à ses fonctions de sous-préfet. A la suite du recours du fonctionnaire demandant l'annulation de ce décret, le Conseil d'Etat a considéré qu'eu égard à ses responsabilités, ce fonctionnaire s'était placé dans une situation incompatible avec l'exercice de ses fonctions, et a confirmé la légalité du texte. Cette décision est singulière et complexe puisque, outre qu'elle confirme que l'obligation de réserve de l'agent public vaut dans toutes les circonstances (y compris hors du service et pour un objet totalement étranger au service) et pour tous les medias, y compris internet (1), elle semble transposer aux fonctions de sous-préfet le régime et la jurisprudence applicables aux emplois à la discrétion du Gouvernement, ceci afin d'exclure la qualification de sanction disciplinaire de la mesure en cause, tout en soumettant la décision attaquée à un contrôle normal, bien plus étendu que le contrôle exercé sur les décisions mettant fin à l'exercice de tels emplois. Cet arrêt à paraître au Recueil est donc une sorte de décision d'espèce, c'est-à-dire propre à une situation individuelle difficilement transposable et reproductible.

I - Une décision qui justifie la fin des fonctions de sous-préfet à la fois en refusant tout caractère créateur de droits à la nomination dans cet emploi...

A - L'emploi de sous-préfet est-il assimilable à un emploi à la discrétion du Gouvernement ?

Le régime selon lequel ces emplois sont pourvus est une exception, justifiée par l'intérêt général, non seulement au principe du recrutement par concours, mais aussi au principe de l'égal accès aux emplois publics. L'article 3 de la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946, relative au statut général des fonctionnaires (N° Lexbase : L1807IEN), avait qualifié ces postes d'"emplois à la discrétion du Gouvernement". Le changement sémantique opéré par l'article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L4920AHP), qui traite, désormais, des "emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement", n'a pas modifié la teneur de cette notion. Ainsi que le souligne le professeur Chapus (Droit administratif général, tome II, § 220, 2001), "situés au point de jonction entre la politique et l'administration, ils doivent être occupés par des personnes ayant, notamment, en raison de leur orientation politique, la confiance du Gouvernement, et cela de façon que sa politique générale soit mise en oeuvre, au plus haut niveau, avec le minimum de risques de déformation ou de blocage". Un tel objectif a conduit le législateur et le juge à admettre une dérogation à l'un des principes fondamentaux du droit de la fonction publique en France depuis 1946 : le système de la carrière, en vertu duquel "l'agent public, une fois recruté, devient membre d'un corps ou d'un grade hiérarchisé et a vocation à occuper des emplois successifs de niveau différent où il passera toute sa vie professionnelle, en franchissant divers grades et en occupant divers postes". Les emplois à la décision du Gouvernement conduisent, en effet, à appliquer le système de l'emploi, "marqué par son caractère discrétionnaire et sa précarité", l'agent étant alors recruté pour occuper un emploi public sur des fonctions déterminées.

L'article 25 de la loi du 11 janvier 1984 indique que ces emplois sont "essentiellement révocables", tout en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en fixer la liste. Précisément, c'est le décret n° 85-779 du 24 juillet 1985 (N° Lexbase : L9323HI7), qui, succédant aux décrets n° 49-1036 du 20 juillet 1949 (N° Lexbase : L1972IER) et n° 59-442 du 21 mars 1959 (N° Lexbase : L1973IES), accomplit cette tâche. Aux termes de son article 1er, "sont, aux termes de l'article 25 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, des emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement en ce qui concerne tant la nomination que la cessation de fonctions, les emplois suivants :
Dans toutes les administrations :
- commissaires généraux, hauts-commissaires, commissaires, secrétaires généraux, délégués généraux et délégués, lorsqu'ils sont placés directement sous l'autorité du ministre ; - directeurs généraux et directeurs d'administration centrale. Auprès du Premier ministre : - secrétaire général du Gouvernement ; - secrétaire général de la défense nationale ; - délégués interministériels et délégués.
[...] Au ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation : - préfets ; - chef du service de l'inspection générale de l'administration ; - directeur des services actifs de police en fonctions à l'administration centrale et chef du service de l'inspection générale de la police nationale [...]". L'on voit donc que, contrairement aux préfets, les sous-préfets ne figurent pas parmi les emplois à la décision du Gouvernement tels que le pouvoir réglementaire les définit.

Toutefois, l'énumération ainsi faite n'est pas exhaustive et n'a pas le caractère limitatif que l'on pourrait lui reconnaître puisque, selon la jurisprudence, les dispositions en cause ne s'imposent pas au juge administratif (2). Autrement dit, c'est sous le contrôle du juge que le Gouvernement détermine les emplois qui sont à sa discrétion et, ainsi que le rappelait Bernard Stirn dans ses conclusions sous la décision n° 60852 du 14 mai 1986 (CE Contentieux, 14 mai 1986, n° 60852, Rochaix N° Lexbase : A4995AMX), la catégorie des emplois discrétionnaires a d'abord été reconnue par la jurisprudence (CE, 3 janvier 1936, Roussel, Recueil, p. 3).

Dans la décision du 23 avril 2009, le Conseil d'Etat, sans avoir explicitement qualifié l'emploi de sous-préfet d'emploi à la décision du Gouvernement au sens du décret du 24 juillet 1985, semble l'avoir, au moins, assimilé à cette catégorie. Le Conseil considère, en effet, que "le décret portant nomination d'un sous-préfet d'arrondissement n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits pour l'intéressé" et il ajoute qu'en l'espèce, la décision litigieuse, prise dans le seul intérêt du service, ne constitue pas "une mesure disciplinaire", avant de conclure que "par suite, le décret attaqué n'était pas au nombre des mesures dont la loi du 11 juillet 1979 exige la motivation". L'on sait que, de manière générale, les décisions de nomination dans un emploi ne sont pas, en elles-mêmes, créatrices de droits. C'est pourquoi la "mutation dans l'intérêt du service" qui consiste à retirer à un fonctionnaire un emploi que son grade lui donne vocation à occuper pour lui attribuer un autre emploi correspondant, également, à son grade, n'a pas à être motivée au titre de la loi du 11 juillet 1979 (CE, 21 octobre 1983, n° 39921, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/ Poinçon N° Lexbase : A8761AL3, au Recueil, p. 419). La nomination dans l'emploi est, en revanche, créatrice de droits lorsqu'elle est, également, une nomination dans un grade, dans un corps (3), ou encore lorsque l'emploi lui-même a un statut tel qu'il interdit tout retrait ad nutum.

Au contraire, pour les emplois supérieurs ou discrétionnaires, dès lors que l'autorité administrative a le pouvoir de mettre fin à tout moment aux fonctions de l'intéressé et, qu'ainsi, l'acte de nomination n'est pas, de ce fait, créateur de droits, la décision l'abrogeant n'a pas à être motivée (4). Le Conseil d'Etat a, en effet, considéré que, dans ce cas de figure, le Gouvernement pouvait, pour tout motif d'intérêt général, et plus spécialement pour tout motif tiré de l'intérêt du service, mettre fin aux fonctions conférées, et ce avant même le terme prévu pour leur cessation normale. Cette solution contraste avec la solution applicable aux emplois non discrétionnaires pour lesquels il est jugé que la décision mettant fin à un détachement avant son terme normal doit être motivée (CE, 7 juin 1985, n° 46091, Mas N° Lexbase : A3518AMA, aux Tables, p. 467).

La solution retenue par le Conseil d'Etat dans la décision du 23 avril 2009 est, en réalité, surtout proche de celle retenue à propos du terme mis aux fonctions du procureur général près la cour d'appel de Paris. Il a considéré, dans ce dernier cas, que la décision mettant fin à ces fonctions n'avait pas le caractère d'une sanction, et ne constituait pas une décision abrogeant une décision créatrice de droits au sens de la loi du 11 juillet 1979, avant d'en conclure qu'elle n'entrait dans aucune des catégories de décisions dont cette loi avait prévu qu'elles dussent être motivées (CE Section, 19 avril 1991, n° 102016, Monnet N° Lexbase : A9887AQA, au Recueil, AJDA, 1991, p. 509, chronique Maugüe et Schwartz, AJDA, 1991, p. 557, conclusions Lamy). Soulignons que, dans cette espèce, comme dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 23 avril 2009, si l'emploi en cause n'a pas été qualifié d'emploi à la discrétion du Gouvernement, le Conseil d'Etat a, cependant, procédé par assimilation implicite (l'assimilation était, en revanche, explicitement opérée par le commissaire du Gouvernement), en soumettant l'emploi de procureur général près la cour d'appel de Paris au régime applicable aux emplois à la discrétion du Gouvernement.

En définitive, la solution retenue par le Conseil d'Etat le 23 avril 2009 peut s'autoriser à la fois du principe général selon lequel la nomination dans un emploi n'est pas créatrice de droits et du principe propre aux emplois à la discrétion du Gouvernement, qui affirme leur caractère essentiellement révocable.

L'on peut, cependant, penser que l'emploi de sous-préfet territorial peut être qualifié d'emploi à la discrétion du Gouvernement ou, du moins, assimilé à un tel emploi, et ce eu égard aux deux critères jurisprudentiels habituellement retenus pour qualifier les emplois discrétionnaires (5), à savoir, d'une part, l'absence de tout statut régissant l'emploi considéré (6), et, d'autre part, la nature de l'emploi, qui désigne à la fois le niveau élevé d'exercice des fonctions et le lien de dépendance directe entre ces fonctions et le pouvoir exécutif. Sur ce second point, l'emploi à la discrétion du Gouvernement est, en effet, caractérisé par l'existence de pouvoirs de décision dans des affaires d'ordre politique et la participation à la fonction gouvernementale. Le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements (N° Lexbase : L1781DYM), précise, ainsi, dans son article 14 que le sous-préfet "assiste le préfet dans la représentation territoriale de l'Etat et, sous son autorité, veille au respect des lois et règlements, concourt au maintien de l'ordre public et de la sécurité et à la protection des populations, anime et coordonne l'action dans l'arrondissement des services de l'Etat, et participe à l'exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités territoriales". Le sous-préfet appartient, ainsi, à la catégorie des hauts fonctionnaires de l'Etat et, à ce titre, doit faire preuve de loyalisme envers les institutions qu'il représente.

B - La mesure consistant à mettre fin aux fonctions d'un sous-préfet est une mesure prise en considération de la personne

Etant prise "dans le seul intérêt du service", la mesure consistant à mettre fin aux fonctions d'un sous-préfet territorial n'est donc pas une mesure disciplinaire, mais ce qu'il est convenu d'appeler une mesure prise en considération de la personne, dont la légalité externe est seulement soumise à la communication du dossier à l'intéressé, à l'exclusion de toute obligation de motivation. Les mesures prises en considération peuvent se définir négativement comme des décisions individuelles qui ne sont la conséquence d'aucune disposition antérieure, et, notamment, ni de dispositions statutaires, ni de dispositions relatives à l'organisation des services. Positivement, ces mesures "sont prises, dans l'intérêt du service, pour des motifs touchant à la personne même de l'agent qu'elles concernent" (Droit administratif général, tome II, § 356, 2001).

La jurisprudence a, ainsi, déjà eu l'occasion d'affirmer que pouvaient être qualifiées de telles mesures les décisions mettant fin aux fonctions d'un agent occupant un emploi à la discrétion du Gouvernement (7), ou à un magistrat du parquet (CE Section, 19 avril 1991, n° 102016, Monnet, précité). Le décret n° 64-260 du 14 mars 1964, relatif au statut des sous-préfets (N° Lexbase : L0981G8T), précise, d'ailleurs, dans son article 19 que, dans tous les cas, il est fait application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui prévoit la communication du dossier.

Dans la décision du 23 avril 2009, le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que la mesure en cause pouvait intervenir sans que l'intéressé eût "été informé au préalable" et sans qu'il eût "été mis à même de présenter ses observations", relève que celui-ci "a été reçu le 26 mars 2008 par le secrétaire général adjoint du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales, qui lui a fait part de l'intention des autorités compétentes de mettre fin à ses fonctions", pour en conclure "qu'il a, ainsi, été mis à même, en temps utile, de demander la communication de son dossier et de faire connaître ses observations sur la mesure envisagée" et "que les droits de la défense n'ont donc pas été méconnus". Selon la jurisprudence, en effet, il suffit que l'intéressé ait été informé par sa hiérarchie qu'elle souhaitait mettre fin à ses fonctions pour que le principe de procédure tenant à la communication du dossier soit respectée (cf. CE Assemblée, 22 décembre 1989, Morin, précité). La décision du 23 avril 2009 rappelle donc que la communication du dossier est subordonnée à une demande de l'intéressé.

L'on peut, de prime abord, émettre quelques réserves sur le caractère non disciplinaire de la mesure en cause : le sous-préfet n'a-t-il pas été sanctionné parce qu'il avait méconnu son devoir de réserve, méconnaissance qui fait, en général, l'objet d'une sanction et non d'une simple mesure prise en considération de la personne ? N'est-on pas ici face à une sanction déguisée ? Selon la jurisprudence, la sanction disciplinaire déguisée se caractérise par la conjonction d'un élément subjectif et d'un élément objectif (cf., à cet égard, les conclusions de Bruno Genevois sous la décision CE Contentieux, 9 juin 1978, n° 8397, Sieur Spire N° Lexbase : A4887AIT, au Recueil, p. 237). L'élément objectif est relatif aux conséquences de la mesure incriminée. Il faut qu'elle ait, par elle-même, les effets d'une sanction disciplinaire, autrement dit qu'elle porte atteinte à la situation professionnelle de l'agent, du fait, par exemple, d'une réduction de ses avantages de carrière (8), d'une réduction de sa rémunération (9), ou encore de la suppression d'un titre (CE, 3 janvier 1936, Roussel, au Recueil, p. 3). L'élément d'ordre subjectif est constitué par l'intention de l'auteur de l'acte de porter atteinte à la situation professionnelle de l'agent, notamment à raison de manquements supposés ou réels aux obligations qui sont les siennes (cf CE, 22 décembre 1971, n° 78917, Ministre de l'Education nationale c/ Lesne, précité).

Ajoutons que, même si une telle mesure est, également, inspirée par des considérations tirées de l'intérêt du service, cette circonstance ne lui fait pas perdre son caractère de sanction déguisée car, dans l'intérêt de l'agent, la nature disciplinaire de l'acte prévaut (CE, 20 janvier 1989, n° 77494, Ministre de l'Education nationale c/ Dubouch N° Lexbase : A1786AQ9, n° 77494, aux Tables). Dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 23 avril 2009, l'élément objectif était, certes, caractérisé, puisqu'il ne faisait guère de doute que la situation professionnelle du requérant avait indéniablement pâti de la décision ayant mis fin à ses fonctions, d'ailleurs moins en ce qui concernait sa rémunération qu'en ce qui concernait le prestige et les prérogatives attachées à ses fonctions de sous-préfet. Toutefois, l'élément subjectif ne l'était pas puisque le Gouvernement avait véritablement cherché à préserver l'intérêt du service après avoir (justement selon nous) estimé que l'intéressé, plus d'ailleurs par le ton que par l'objet lui-même de son article, avait, pour le moins, porté atteinte à la confiance que pouvaient placer en lui, tant sa hiérarchie que les administrés de son arrondissement.

II - ...et par le caractère et le ton outranciers des propos tenus par l'intéressé

A - Au regard de la conception française de l'obligation de réserve de l'agent public...

Explicitement consacrée par la jurisprudence depuis 1935 (CE, 11 janvier 1935, Bouzanquet, au Recueil p. 41), l'obligation de réserve impose aux agents d'observer une certaine retenue dans l'extériorisation de leurs opinions, même si, en principe, ils sont libres d'écrire dans les journaux et revues, de publier des ouvrages, de faire des discours publics, de participer à des manifestations et, plus généralement, d'exprimer de toutes les façons leurs opinions, notamment politiques. Elle tient à la préoccupation d'éviter que le comportement des membres de la fonction publique, alors même qu'ils ne sont pas en service, porte atteinte à l'intérêt du service et crée des difficultés au sein même de l'administration (dans leurs rapports avec leurs collègues, leurs subordonnés ou leurs supérieurs) et, à l'extérieur de l'administration, dans les rapports avec le public. L'obligation de réserve est, en fait, le corollaire ou la manifestation de la neutralité du service public (10). Précisons que c'est le service et non l'agent qui doit être neutre, de sorte que ce dernier "n'a à moduler son comportement qu'en tant que celui-ci pourrait être en contradiction avec l'idée que chacun se fait de la neutralité du service" (C. Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, Dalloz Praxis, 2006, p. 293).

La conception française de l'obligation de réserve est, à cet égard, inverse de la conception américaine : elle impose, en effet, à l'agent une stricte réserve dans son expression publique tout en lui permettant d'entrer en politique alors que la conception américaine, si elle prohibe toute activité politique, lui confère une très grande liberté d'expression (11). La conception anglaise de l'obligation de réserve est d'ailleurs proche de la conception américaine, la Cour européenne des droits de l'Homme ayant, à cet égard, jugé que les restrictions apportées par le droit britannique à la candidature des fonctionnaires aux élections politiques étaient justifiées au regard de la convention (CEDH, 2 septembre 1998, Req. 22954/93, Ahmed c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A1566EHH, Dalloz, 1999, SC, p. 273, observations Perez, JCP éd. G, 1999, I, n° 105, chronique F. Sudre).

En fait, l'obligation de réserve n'apparaît pas dans les textes statutaires, hormis ceux spécifiques aux magistrats (12), aux Conseillers d'Etat (13), aux militaires (14), ou aux policiers (15). Il s'agit d'une notion essentiellement jurisprudentielle dont l'application révèle que "l'expression des opinions devient fautive lorsqu'elle est susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement du service" (L. Dubouis, note sous CE, 8 juin 1962, F., Dalloz, 1962, jurisprudence, p. 492).

Soulignons, en outre, que l'obligation de réserve s'applique à tout agent et, plus particulièrement, à toutes les circonstances et conditions dans lesquelles il peut être amené à exprimer publiquement ses opinions. Ainsi, si elle s'applique, bien entendu (et à plus forte raison), lorsque l'intéressé s'est prévalu de son grade et/ou de la fonction qu'il exerce dans l'administration, en bref lorsqu'il a fait état de sa qualité d'agent public, elle s'applique, également, lorsqu'il indique seulement ses nom et prénom (comme dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 23 avril 2009) et même lorsqu'il a usé d'un pseudonyme (16).

Dans la décision du 23 avril 2009, le Conseil d'Etat ne s'est, toutefois, pas appuyé sur la méconnaissance de l'obligation de réserve pour confirmer la légalité de la mesure par laquelle il avait été mis fin aux fonctions de sous-préfet exercées par le requérant. Le Conseil a, en effet, simplement relevé que ce dernier s'était "placé dans une situation incompatible avec l'exercice de ses fonctions". L'on notera que cette formulation, en usant d'un verbe pronominal de sens réfléchi, permet de souligner la responsabilité exclusive de celui-ci dans le sort (la fin des fonctions) qui lui a été réservé et sa contradiction interne. Celle-ci consiste à exercer des fonctions tout en adoptant un comportement contraire à ces fonctions : comment, en effet, incarner l'autorité et la neutralité de l'Etat lorsque l'on prend à tel point partie contre un autre Etat et comment, en particulier, conserver vis-à-vis de la population de l'arrondissement (notamment de la communauté juive) les attributs qu'exige la mise en oeuvre de la politique de l'Etat ?

L'absence de référence à l'obligation de réserve peut, selon nous, s'expliquer de trois manières. L'on peut, d'abord, penser que l'assimilation de l'emploi de sous-préfet à un emploi à la discrétion du Gouvernement rendait difficile l'application de cette notion qui vaut surtout pour le "droit commun" de la fonction publique. L'on peut, ensuite, estimer que le Conseil d'Etat n'a pas voulu se référer à une obligation dont la méconnaissance donne lieu en général à une sanction disciplinaire : ainsi, en l'espèce, évoquer un manquement à cette obligation, c'eût peut-être été concéder que la décision de mettre fin aux fonctions du requérant était une sanction et non une simple mesure prise en considération de la personne. L'on peut, enfin, penser que, dès lors que le requérant avait traité "de questions sans rapport avec l'exercice quotidien de son activité de sous-préfet", l'application de la notion d'obligation de réserve, qui vaut, en général, lorsque l'agent critique le fonctionnement de son administration, d'une autre administration, ou encore la politique gouvernementale, était moins pertinente que l'application d'une notion ad hoc tenant à la nécessité pour l'agent de ne pas se placer, par son propre comportement, en contradiction avec les fonctions qu'il exerce.

Il n'en demeure pas moins qu'au fond, c'est-à-dire du point de vue de la légalité interne, la jurisprudence relative à l'obligation de réserve semble transposable au cas d'espèce et permet de comprendre pourquoi le Conseil d'Etat a jugé qu'il avait été à bon droit mis fin aux fonctions du requérant.

B - ...la décision du 23 avril 2009 semble logique, tant au regard du droit interne qu'au regard du droit européen

Selon la jurisprudence relative à l'obligation de réserve, l'appréciation du respect de cette obligation doit tenir compte de divers éléments tels que le niveau de responsabilité (un haut fonctionnaire étant soumis à une obligation plus rigoureuse qu'un agent d'exécution), de la nature des fonctions (un agent de police est tenu à plus de réserve qu'un professeur), de la publicité donnée à l'expression des opinions (plus est grande cette publicité, plus est méconnue l'obligation de réserve), et du lieu où le fonctionnaire a exprimé ses opinions (cf,. à cet égard, QE n° 48699 de M. Longuet Gérard, JOAN du 21 octobre 1991, p. 4278, réponse publ. 23 décembre 1991, p. 5357, 9ème législature N° Lexbase : L1820IE7). Ainsi, une collaboratrice directe du préfet peut légalement être révoquée à la suite de la publication d'un communiqué de presse dénonçant la suppression du ministère des Droits de la femme et critiquant la politique du Gouvernement (CE, 28 juillet 1993, Mme Marchand N° Lexbase : A0545ANI, au Recueil p. 248). En revanche, un ouvrier d'une commune traçant sur les palissades d'un chantier entourant l'hôtel de ville, et sur des véhicules municipaux, des inscriptions injurieuses à l'égard de la formation politique à laquelle appartenait le maire de la commune, ne peut être révoqué, compte tenu de la nature et du niveau hiérarchique de ses fonctions (CE, 8 juillet 1991, n° 105925, Martin et Commune de Levallois-Perret N° Lexbase : A0453AR9, aux Tables, p. 1022).

Outre ces différents critères, la jurisprudence est, également, attentive au ton plus ou moins violent ou agressif utilisé par l'agent public. L'on peut, d'abord, estimer que l'obligation de réserve est méconnue dès lors que l'intéressé tient des propos qui sont susceptibles d'une qualification et d'une incrimination pénales en ce qu'ils peuvent être qualifiés de diffamations ou d'injures (17). L'on voit, ensuite, que les critiques émises par un agent peuvent caractériser un manquement à l'obligation de réserve "moins par leur contenu que par la forme dans laquelle elles étaient exprimées" (18).

En l'espèce, le Conseil d'Etat relève que le requérant a publié "sous sa signature un article dans lequel il s'exprimait de manière vivement polémique à l'égard tant de différentes personnalités françaises que d'un Etat étranger". Le Conseil d'Etat a donc, selon nous, essentiellement "sanctionné" le ton de l'article, ce ton résultant de l'emploi d'expressions violentes et particulièrement outrées, en parlant notamment d'Israël comme du "seul Etat au monde dont les snipers abattent des fillettes à la sortie des écoles", (par exemple) en évoquant les "geôles israéliennes, où grâce à la loi religieuse, on s'interrompt de torturer durant le shabbat" ou en estimant que "frappante est la ressemblance entre le Reich qui s'assied sur la SDN en 1933 et l'Etat hébreu qui bafoue le droit international depuis 1967". Il nous semble donc que c'est moins l'objet de l'article (apporter la contradiction à une tribune d'intellectuels ayant critiqué le fonctionnement d'une institution onusienne et surtout critiquer la politique menée par Israël vis-à-vis des Palestiniens) que le ton qui est adopté, et certains des mots qui sont choisis par l'auteur qui justifiaient qu'il fût mis fin aux fonctions de celui-ci. Autrement dit, la décision du Conseil d'Etat n'interdit nullement à un agent public d'exprimer sa désapprobation à l'égard de la politique menée par Israël vis-à-vis des Palestiniens : simplement, cette désapprobation doit s'exprimer en des termes mesurés et nuancés.

Dans la décision du 23 avril 2009, le Conseil d'Etat a enfin considéré que la décision attaquée n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4743AQQ), qui garantit à toute personne le droit à la liberté d'expression et celui de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. Cela ne doit pas surprendre. En effet, la logique juridique selon laquelle un manquement à l'obligation de réserve doit être apprécié selon la nature des fonctions occupées et le rang hiérarchique est, également, admise par la Cour européenne des droits de l'Homme. Si, selon elle, les membres de la fonction publique bénéficient de la protection de l'article 10 précité, il apparaît légitime pour l'Etat de soumettre ces derniers, en raison de leur statut, à une obligation de réserve. En particulier, la Cour admet que les "devoirs et responsabilités" visés à l'article 10 § 2 revêtent une importance spécifique lorsque la liberté d'expression des fonctionnaires se trouve en jeu (CEDH, 14 mars 2002, Req. 46833/99, De Diego Nafria c/ Espagne N° Lexbase : A2048AYI).

Dans cette dernière affaire, la Cour européenne devait juger la conformité à l'article 10 précité d'une mesure de licenciement prise à l'encontre d'un employé de la Banque nationale d'Espagne, à la suite de l'envoi et de la distribution sur le lieu de travail d'une lettre au vice-directeur de celle-ci, dans laquelle il accusait certains responsables de la Banque de mentir. Par cinq voix contre deux, la Cour juge conforme à l'article 10 une telle mesure car, sans apporter aucun élément factuel ou commencement de preuve à leur appui, les accusations proférées par le requérant constituaient, de par leur gravité et leur ton, des attaques personnelles gratuites. La Cour précise, en particulier, qu'"un tel comportement se prêtait d'autant plus à la censure qu'en sa qualité de haut fonctionnaire de la plus haute institution financière du pays, le requérant aurait dû faire preuve d'une plus grande retenue dans les termes utilisés" (§ 40). En de telles circonstances, pour bénéficier encore de la protection de l'article 10, le requérant aurait dû démontrer qu'il défendait, au-delà de son intérêt particulier, l'intérêt général. Toutefois, la Cour constate que les accusations du requérant ne s'inséraient pas dans le cadre d'un quelconque débat public concernant des questions d'intérêt général relatives à la gestion de la banque nationale, domaine dans lequel, ainsi que la Cour le souligne, les restrictions à la liberté d'expression appellent une interprétation étroite (§ 38). En revanche, la Cour ne paraît devoir jamais admettre la nécessité de sanctions prises à l'encontre de fonctionnaires, même si ceux-ci occupent des postes à la discrétion du Gouvernement, lorsqu'ils se contentent d'exprimer leurs opinions sans virulence sur des questions d'intérêt général (CEDH, 28 octobre 1999, Req. 28396/95, Wille c/ Liechtenstein N° Lexbase : A7661AWN).

L'on voit donc que la décision rendue par le Conseil d'Etat, fondée en particulier sur le ton "vivement polémique" employé par le requérant, est tout à fait cohérente avec la jurisprudence de la CEDH.


(1) QE n° 01709 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat du 30 août 2007, p. 1510, réponse publ. 17 avril 2008, p. 776, 13ème législature (N° Lexbase : L1808IEP), JCP éd. A, 2008, act. 397 : le fonctionnaire tenant un blog est soumis à cette obligation.
(2) CE Assemblée, 13 mars 1953, n° 07423, Teissier (N° Lexbase : A9136B7I), au Recueil, p. 133, Dalloz, 1953, p. 735, conclusions J. Donnedieu de Vabres : la décision range au nombre des emplois discrétionnaires celui -non mentionné dans le décret du 20 juillet 1949- de directeur général du CNRS.
(3) Cf par exemple, pour la nomination d'un conseiller-maître à la Cour des comptes, CE, 2 mai 1954, Association amicale des magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes, au Recueil, p. 413.
(4) CE Assemblée, 22 décembre 1989, n° 82237, Morin (N° Lexbase : A1758AQ8), au Recueil, p. 279, AJDA, 1990, p. 90, chronique Honorat et Baptiste ; CE, 23 novembre 1992, n° 114942, Portier (N° Lexbase : A9004ARW), aux Tables, p. 1042.
(5) Cf. note G. Braibant sous CE Section, 1er octobre 1954, Guille, Dalloz, 1955, p. 431.
(6) Le juge recherche si les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ne font pas relever l'emploi en cause de règles de nomination et de fin de fonctions spécifiques ; constituent, à cet égard, un indice de l'absence de caractère discrétionnaire de l'emploi l'exigence d'un décret motivé pour mettre fin aux fonctions (CE Assemblée, 27 octobre 1961, Bréart de Boisanger, au Recueil, p. 595) et la fixation d'une durée déterminée de fonctions (CE, 13 novembre 1953, Jugeau, au Recueil, p. 506).
(7) CE Section, 24 juin 1949, Nègre, au Recueil, p. 304 ; CE, 17 juin 1992, n° 102839, Leclerc (N° Lexbase : A7175AR8), aux Tables, p. 1062 ; CE, 12 novembre 1997, n° 173293, Fessard de Foucualt (N° Lexbase : A5216ASY), aux Tables, p. 899.
(8) CE, 22 décembre 1971, n° 78917, Ministre de l'Education nationale c/ Lesne (N° Lexbase : A5613B8E), au Recueil, Tables décennales.
(9) CE, 19 octobre 1938, Commune de Magery, au Recueil, p. 713.
(10) Justifiée elle-même par le souci de ne pas "faire perdre aux usagers la confiance dans le service, de lui enlever, en définitive, toute crédibilité et de porter par là même atteinte à l'autorité de la puissance publique" : J.-F. Lachaume, Grands services publics, Masson, 1989.
(11) Cour suprême, Rankin vs Mc Pherson, 483 US 378, 1987 : interdiction de révoquer un fonctionnaire qui a applaudi l'attentat contre le Président R. Reagan.
(12) Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, art. 10 (N° Lexbase : L4895AGE).
(13) CJA, art. L. 131-3 (N° Lexbase : L2712ALZ).
(14) Loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, portant statut général des militaires, art. 7 (N° Lexbase : L1292G8D).
(15) Articles 11 du décret n° 86-592 du 18 mars 1986 (N° Lexbase : L1153G89) et 14 du décret n° 2003-735 du 1er août 2003 (N° Lexbase : L1964IEH), portant respectivement Code de déontologie des polices nationale et municipale.
(16) CAA Lyon, 3ème ch., 10 juillet 1996, n° 94LY01879, Tong-Viet (N° Lexbase : A0245BG8), aux Tables, p. 982 : agent des impôts ayant publié des livres et participé à des émissions télévisées dans lesquels il avait incité les contribuables à la fraude.
(17) CE, 11 février 1953, Toure, aux Tables, p. 709 ; CE, 27 mars 1995, n° 148999, OPHLM de Saint-Quentin (N° Lexbase : A3141ANN).
(18) CE, 21 mai 1990, n° 76352, Mme Rivière (N° Lexbase : A7247AQH) ; CE, 2 juin 1989, n° 70084, Collier (N° Lexbase : A3383AQD), relevant que la lettre adressée par l'agent à son collègue était écrite "avec la plus extrême vivacité et sur un ton outrancier".

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Concurrence

[Questions à...] Concurrence dans le domaine de la commercialisation de panneaux photovoltaïques : Questions à... Jean-Pascal Pham-Ba, Secrétaire général de la société Solairedirect

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N4419BKU

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par Anne-Laure Blouet Patin, rédactrice en chef du Pôle Presse

Le 07 Octobre 2010

Par une décision en date du 8 avril 2009, l'Autorité de la concurrence enjoint à EDF de modifier sa communication commerciale de façon à séparer celle relevant de ses activités de service public et celle de ses filiales intervenant dans le secteur concurrentiel de l'énergie solaire (décision Autorité de la concurrence n° 09-MC-01 du 8 avril 2009, relative à la saisine au fond et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Solairedirect N° Lexbase : X7306AEC). Le 19 mai 2008, le Conseil de la concurrence était saisi d'une plainte émanant de la société Solairedirect reprochant à EDF et à ses filiales de faire un usage abusif de leur position dominante sur les marchés de la production, de la distribution et de la fourniture d'électricité, pour pénétrer le marché émergent de l'offre globale de services destinés à la production d'électricité photovoltaïque. La société saisissante, Solairedirect, exerce deux types d'activités dans le secteur de la production d'énergie photovoltaïque, une activité de développement de parcs solaires photovoltaïques pour le compte de société et une activité de vente aux particuliers et professionnels de solutions photovoltaïques diverses (centrales au sol, installations résidentielles, etc.). Dans sa décision, l'Autorité de la concurrence a estimé que les moyens de communication utilisés par EDF à destination de l'ensemble de ses abonnés entretiennent une confusion entre, d'une part, le rôle d'EDF en tant que fournisseur d'électricité aux tarifs réglementés et, d'autre part, l'activité concurrentielle de sa filiale. L'Autorité enjoint donc à EDF, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, de modifier, dans le délai d'un mois, sa communication commerciale de façon à séparer celle relevant de ses activités de service public et celle de ses filiales intervenant dans le secteur concurrentiel. Pour faire le point sur cette décision et comprendre ses enjeux, Lexbase Hebdo - édition privée générale a rencontré Jean-Pascal Pham-Ba, Secrétaire général de Solairedirect.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le marché de l'énergie renouvelable et ses enjeux actuels ?

Jean-Pascal Pham-Ba : L'énergie solaire photovoltaïque provient de la conversion de la lumière du soleil en électricité au sein de matériaux semi-conducteurs, comme le silicium, ou recouverts d'une mince couche métallique. Ces matériaux photosensibles ont la propriété de libérer leurs électrons sous l'influence d'une énergie extérieure, ce phénomène étant qualifié d'effet photovoltaïque.

En France, la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (N° Lexbase : L4327A3N), permet à EDF, ainsi qu'aux entreprises locales de distribution -les distributeurs non nationalisés- pour leur zone de desserte, de mettre en oeuvre les missions de service public relatives au développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, à la fourniture d'électricité, ainsi qu'au développement et à l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. Pour ce faire, EDF et les DNN, dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, sont, notamment, chargés d'acheter l'électricité produite par certaines installations utilisant les énergies renouvelables ou celle produite par cogénération, sachant que seules sont éligibles à l'achat par EDF de l'électricité photovoltaïque produite, "les installations, d'une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts, utilisant l'énergie radiative du soleil" (décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité, art. 2, 3° N° Lexbase : L1400IEL). Par ailleurs, le producteur d'énergie photovoltaïque bénéfice de mesures fiscales incitatives (crédit d'impôt, TVA réduite).

Concernant les tarifs pratiqués, l'article 4 de l'arrêté du 10 juillet 2006 (N° Lexbase : L3531HKY) plafonne l'énergie annuelle susceptible d'être achetée et prévoit que l'énergie active fournie par le producteur est facturée à l'acheteur à raison de 30 centimes d'euros HT/kWh pour la métropole. Est également prévu, dans l'arrêté, l'octroi d'une "prime à l'intégration au bâti", qui s'applique lorsque les équipements de production d'électricité photovoltaïque se substituent à l'un des éléments de construction assurant une fonction technique ou architecturale essentielle à l'acte de construction. Le montant de la prime, qui s'ajoute au tarif d'achat de base, s'élève à 25 centimes d'euros HT/kWh pour la métropole. Cette prime vise à encourager le développement de composants standards de la construction neuve intégrant la fonction de production photovoltaïque. L'arrêté prévoit enfin que le contrat d'achat est conclu pour une durée de 20 ans et n'est pas renouvelable. C'est dans ce contexte qu'a été créée la société Solairedirect en 2006. Nous nous retrouvons donc dans une situation où, sur un marché émergeant et à fort potentiel (si l'on s'en réfère au projet de loi "Grenelle 2", l'objectif est de 23 % d'énergie renouvelable d'ici 2020) où dès le début les règles doivent être posées clairement. C'est donc dans cet esprit de clarification du jeu de la concurrence, dans l'intérêt de la protection du consommateur, que nous avons saisi le Conseil de la concurrence, à l'époque, pour voir prononcées des mesures conservatoires à l'encontre de la société EDF et de ses filiales.

Lexbase : La société Solairedirect a reproché à EDF la confusion que cette dernière entretenait dans son rôle autour de sa filière photovoltaïque. Quels étaient concrètement ces reproches ?

Jean-Pascal Pham-Ba : Nous avons estimé que la société EDF avait abusé de ses avantages structurels et commerciaux, avantages qu'elle tient de par sa position dominante sur le marché. Ainsi, la confusion était entretenue sur les liens existants entre les différentes sociétés du groupe et le rôle de chacune. Par ailleurs, nous avons remarqué une publicité d'EDF indiquant que "le système solaire photovoltaïque [...] permet de produire et de vendre votre électricité à EDF à un prix jusqu'à 5 fois supérieur au tarif bleu du kWh", et ce type de publicité, sans être mensonger, induit le consommateur à contracter avec EDF, ne serait-ce qu'en raison de sa situation d'interlocuteur référent et historique. De plus, force est de constater que le positionnement d'EDF, qui est à la fois gestionnaire du réseau public de distribution et acheteur de l'électricité produite par des installations photovoltaïques, lui permet d'utiliser cette position et cet avantage marketing comme un argument de vente afin d'inciter ses clients à souscrire une offre auprès de ses services, sous-entendant que les démarches tant administratives que techniques lui seraient ainsi facilitées.

Lexbase : Il était également reproché à EDF d'avoir utilisé sa base de données clients pour promouvoir les offres de sa filiale en matière photovoltaïque à moindre coût. Peut-on dire qu'il y a eu confusion entre activité régulée et champ concurrentiel, et partant violation des dispositions communautaire (TUE, art. 82) et nationale (C. com., art. L. 420-2) ?

Jean-Pascal Pham-Ba : En effet, nous avons dénoncé une utilisation abusive de la part d'EDF de sa base de données clients pour procéder à l'envoi d'un courrier publicitaire, la "Lettre Bleu Ciel d'EDF", combiné avec la facture de consommation d'électricité, afin de promouvoir les offres de sa filiale EDF ENR en matière photovoltaïque à moindre coût. De plus, nous avons constaté que les télé-conseillers d'EDF ont accès à la totalité des informations du fichier clients d'EDF, y compris des informations aussi précises que, par exemple, la superficie habitable de la maison qui permet de pré-estimer la superficie de la toiture. Ces données sont bien entendu inconnues des autres opérateurs comme Solairedirect. Et le maintien de la situation actuelle permettrait à EDF ENR de bénéficier de la base de données de 28 millions de clients en tarifs réglementés d'EDF SA, ce qui constitue pour la filiale de l'opérateur historique, un avantage concurrentiel considérable par rapport à n'importe quel autre acteur du marché ne bénéficiant pas de cette base de prospects. Enfin, l'acquisition de fichiers clients est très onéreuse et peut se solder par un échec commercial, les opérateurs étant en mesure de constater ex post seulement que le profil de clientèle ciblé n'est pas pertinent. Nous avons donc fait état de ce que le coût de la mise à disposition d'une telle base de données a été chiffré, dans les études de deux opérateurs que nous avons mandatés, à une somme variant entre 100 et 500 euros hors taxes pour mille adresses, le potentiel d'adresses disponibles étant systématiquement inférieur à un million d'adresses, à comparer aux millions de clients d'EDF en tarifs réglementés. Dans sa décision, l'Autorité de la concurrence nous a donné raison, puisque elle a estimé que l'utilisation, dans le cadre du Conseil Energie Solaire, de la base de données non reproductible détenue par l'opérateur historique, est susceptible de donner un avantage indu à sa filiale EDF ENR, au détriment de ses concurrents sur le marché connexe en cause, partant constituer un abus de la position dominante occupée par EDF sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés, ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'entrée de concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque, et ce en violation des articles 82 du Traité CE et L. 420-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3778HBK) (décision, point 140).

Lexbase : Concernant la procédure dans cette affaire, pourquoi l'Autorité a-t-elle renoncé à la poursuite de la procédure des engagements pour revenir à une procédure contentieuse ? Quels étaient les engagements proposés ?

Jean-Pascal Pham-Ba : Fin 2008, EDF a proposé différents engagements à savoir : ne plus faire référence ni au Conseil Energie Solaire, ni aux offres photovoltaïques d'EDF ENR, de quelque façon que ce soit, dans la Lettre Bleu Ciel d'EDF qui est adressée aux clients aux tarifs réglementés avec leur facture ; faire en sorte que les informations utiles à l'activité solaire photovoltaïque ne soient jamais obtenues par l'opérateur historique dans le cadre de son activité de fournisseur d'électricité aux tarifs réglementés et que ces informations ne puissent être collectées que par les téléconseillers du 3929 ; s'engager à ce que les téléopérateurs du 3929 transmettent directement à EDF ENR, avec l'accord des appelants, uniquement les noms, coordonnées et informations utiles au photovoltaïque transmises par ces derniers ; commercialiser progressivement ses offres photovoltaïques Bleu Ciel par le biais de canaux commerciaux qui lui seraient propres dans le courant de l'année 2010 et d'achever cette transition, au plus tard, le 30 juin 2010, etc.. Or, le 24 février 2009, l'Autorité a souligné l'insuffisance de ces engagements et préconisé l'adoption des mesures conservatoires déjà discutées lors de la première séance du 26 novembre 2008. Les témoins entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L8118IBB) et la saisissante ont, également, insisté sur l'inadéquation des engagements proposés par rapport aux préoccupations de concurrence exprimées. A l'issue de cette deuxième séance, EDF a fait savoir qu'elle était disposée à soumettre au Conseil une nouvelle proposition d'engagements. Mais l'Autorité a souhaité ne pas poursuivre l'application de la procédure d'engagements, considérant que les problèmes de concurrence soulevés ne pouvaient être résolus avec les engagements proposés, la confusion entre EDF et sa filiale risquant de perdurer.

Lexbase : Au final quelle a été la position de l'Autorité de la concurrence et quelles seront les suites à donner à cette affaire ?

Jean-Pascal Pham-Ba : Dans sa décision l'Autorité a enjoint à EDF, à titre conservatoire de supprimer, dans tous les supports de communication portant la marque Bleu Ciel d'EDF, toute référence à l'activité d'EDF ENR dans la filière solaire photovoltaïque, de faire cesser, toute référence, par les agents répondant au 3929, aux services offerts par EDF-ENR, de mettre fin à toute communication à EDF-ENR d'informations recueillies par le 3929 et de ne plus mettre à la disposition d'EDF-ENR d'informations dont EDF dispose du fait de ses activités de fournisseur de services d'électricité aux tarifs réglementés. La procédure se poursuit désormais au fond, l'Autorité de la concurrence et Solairedirect demeurant très attentives au fait que les mesures conservatoires ordonnées seront parfaitement respectées par EDF.

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