La lettre juridique n°352 du 28 mai 2009

La lettre juridique - Édition n°352

Éditorial

Indemnisation de la perte de chance, déterminisme et... Heisenberg

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N4435BKH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Je poursuivrai ma chance jusqu'au fond de l'eau" - Jules César

Telle pourrait être l'épitaphe du régime d'indemnisation de la perte de chance, tant le contentieux en la matière est abondant, et tant les demandes des victimes et de leurs avocats sont de plus en plus audacieuses.

Mais force est de constater que, si la Cour de cassation reste ferme sur le plan du principe d'indemnisation d'une simple perte de chance de voir se réaliser un avantage au bénéfice de la victime, elle n'en demeure pas moins stricte quant au caractère incertain du préjudice qu'il convient de réparer, réfutant par là même tout déterminisme, défini comme "la nécessité des phénomènes par le principe de causalité", de quelque nature qu'il soit.

Pour mémoire, la perte d'une chance est considérée, en droit français, comme un dommage certain. Cette notion a été définie par la Chambre criminelle dans un arrêt du 9 octobre 1975, selon lequel l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine. Autrement dit, il est certain que la personne a perdu une chance, seule l'étendue du préjudice résultant de la chance perdue étant incertaine. Ainsi, les tribunaux admettent la réparation de la perte d'une chance d'éviter un dommage, ou encore celle de guérir. Des conditions doivent être remplies pour que la perte d'une chance constitue un dommage réparable : il faut que la chance perdue ait été réelle et sérieuse, l'indemnisation accordée à la victime ne pouvant être égale au montant total de la chance perdue. Les juges disposent d'une grande liberté dans l'appréciation de ces conditions. Par ailleurs, la réalisation de la chance ne doit pas dépendre de la victime. A cet égard, un arrêt rendu par la deuxième chambre civile en date du 2 octobre 1984 pose clairement que "la perte d'une chance ne peut dépendre que d'un évènement futur et incertain dont la réalisation ne peut résulter de l'attitude de la victime" (cf. notre encyclopédie La responsabilité civile).

C'est donc la conjugaison entre cet évènement futur mais incertain et cette absence d'emprise de la victime sur la réalisation de cet évènement qui caractérise la construction complexe de ce régime particulier de la responsabilité civile.

En effet, comme souvent, le droit marie ici deux conceptions philosophiques contradictoires afin de dégager un principe tangible de gestion des rapports humains. D'une part, il semble que l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance repose sur une "nécessité déterminisme". Certes l'évènement futur est désormais impossible du fait de la perte d'une chance -qualifiée de réelle, ce qui paraît antinomique de prime abord, mais qui permet de la distinguer du hasard-, mais la suite logique, ou plus juridiquement, le lien causal implique que l'évènement aurait nécessairement dû être favorable à la victime. Le paradigme mécaniste oblige le juge à envisager le fait que, malgré une réalité probable, il convient d'indemniser un préjudice certain. C'est l'histoire, dans un arrêt rendu le 2 avril 2009, de ce plaideur, qui avait confié à son avocat la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à la société de crédit, et qui avait recherché la responsabilité de ce professionnel en lui reprochant de n'avoir pas assigné en garantie une société d'assurance. Or, les juges du fond, après avoir confirmé le manquement fautif de l'avocat à son devoir de diligence, avaient, pour fixer le montant des dommages intérêts dus par l'avocat, retenu que le client n'avait pas démontré que l'appel en garantie de la société d'assurance aurait été couronné d'un succès judiciaire complet, si bien que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, étaient purement hypothétiques, et qu'en réalité, celui-ci avait perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société de crédit. La décision est cassée, sous le visa de l'article 1147 du Code civil : la Haute juridiction décide, en effet, "qu'en statuant ainsi, sans rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, s'il existait une chance sérieuse de succès de l'action en garantie qu'il avait été chargé d'engager contre la société Cardif [l'assurance], en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge entre [le client], la société Cetelem et la société Cardif si cette dernière avait été appelée en garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

Mais, tout en s'appuyant sur les prémices d'un déterminisme aux portes de la divination, le juge -dans sa sagesse métaphysique-, refuse d'en franchir le seuil et se souvient aussitôt de la théorie de l'incertitude d'Heisenberg, pour refuser d'indemniser, d'une part, le préjudice consécutif à la perte d'une chance à hauteur du bénéfice tiré de la réalisation certaine de l'évènement et, d'autre part, les conséquences indirectes ou lointaines de la non réalisation de l'évènement favorable. C'est l'histoire, dans un arrêt rendu le 9 avril 2009 sur lequel revient, cette semaine, David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), de cet étudiant âgé de 22 ans, victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager transporté dans un véhicule assuré et conduit par un autre étudiant, qui obtient la réparation de son préjudice scolaire, universitaire ou de formation pour la perte des années d'étude consécutive à la survenance du dommage y compris l'emprunt pour régler le coût de sa scolarité à l'école de commerce, scolarité qu'il n'a pu mener à son terme n'ayant pu obtenir le diplôme de l'école. Mais, la Cour régulatrice refuse d'indemniser le préjudice de carrière professionnelle invoqué, rappelant qu'il ne peut être tenu pour acquis que cet étudiant aurait obtenu un poste de cadre supérieur afin de l'indemniser de la perte de salaire correspondante capitalisée. C'est le libre-arbitre que défend le juge en refusant d'écrire la vie de la victime au futur antérieur !

"La chance est la forme laïque du miracle" écrivait Paul Guth. Et le juge français de séculariser parfaitement la perte de chance du déterminisme kantien. Non, il n'est pas vain de croire que l'homme puisse disposer d'une liberté absolue. Le libre-arbitre n'est pas qu'un fantasme humain, il est même compatible avec la Toute-puissance de Dieu. La contingence est peut-être un faux-semblant, une illusion due à l'ignorance humaine ; mais le droit demeure parmi les sciences humaines pour échapper aux théories d'Holbach et de Laplace sur le déterminisme universel. Le juge réussit, ainsi, à combiner déterminisme scientifique, métaphysique ou religieux avec l'idée qu'il y a, finalement, dans le monde une large marge d'indétermination... qui oblige à la prudence quant à l'indemnisation.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Maintien du financement patronal des activités sociales du comité d'entreprise en cas de restructuration

Réf. : Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-12.514, Comité d'entreprise DCN Log c/ Société DCN Log, F-P+B (N° Lexbase : A9761EGM)

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N4436BKI

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Eu égard au caractère très lacunaire des dispositions légales qui réglementent le financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise par l'employeur, le montant de celui-ci est fréquemment fixé par des stipulations conventionnelles ou des usages. Lorsque tel est le cas et que la situation juridique de l'employeur vient à être modifiée au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y), la société cessionnaire se doit de respecter l'accord collectif ou l'usage en cause, au moins pendant un temps limité. Mais, ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 mai 2009, il ne peut en aller ainsi que si l'institution représentative créancière se maintien dans la nouvelle entreprise. Cette solution, au demeurant fort logique, est étroitement liée à la question du sort des institutions représentatives en cas de restructuration, qui dépend elle-même du fait de savoir si, postérieurement au transfert, l'entreprise conserve son autonomie juridique.

Résumé

En cas de modification dans la situation juridique de l'employeur au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, le montant de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, s'il a été fixé dans l'entreprise d'origine par un usage ou un accord collectif à un montant supérieur à la contribution légale, n'est conservé que si l'institution se maintient dans la nouvelle entreprise.

Ne conserve pas son autonomie l'entité faisant l'objet d'un transfert d'activité partiel, laissant subsister au sein de la société cédante les institutions représentatives du personnel existantes. Il s'ensuit que la cour d'appel, qui a constaté que la branche d'activité transférée à la société DCN Log ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société NAVFCO n'avait pas été dissous, en a exactement déduit que l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie et que le comité d'entreprise de la société DCN Log ne pouvait bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société NAVFCO.

Commentaire

I - La contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise

  • Montant

Le financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise est assuré, pour l'essentiel, par une contribution versée par l'employeur. Son mode de calcul est tel qu'il se borne à pérenniser le passé social. Il résulte, en effet, de l'alinéa 1er de l'article L. 2323-86 du Code du travail (N° Lexbase : L2957H9E) que "la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité d'entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d'entreprise". En application de ce texte, "l'importance de la contribution va dépendre de l'ampleur de l'action sociale naguère menée par l'employeur. Or, celle-ci a pu être réduite, voire inexistante, et rien n'a été prévu pour les entreprises nouvelles où aucun dépense n'a pu être effectuée avant la constitution du comité d'entreprise, de sorte qu'aucune subvention n'est légalement due par l'employeur" (1).

Compte tenu du caractère pour le moins lacunaire des dispositions légales, dans nombre de cas, le financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise va dépendre des conventions collectives ou des usages. Ces sources peuvent, en réalité, jouer un double rôle. En premier lieu, seuls des accords collectifs ou des usages peuvent garantir au comité un financement normal des activités sociales lorsque la contribution légale est insuffisante ou inexistante. En second lieu, et de manière très classique, l'accord ou l'usage peut fixer le montant de la contribution de l'employeur à un montant supérieur à la contribution légale (2).

  • Maintien du financement plus favorable en cas de restructuration de l'entreprise

Dès lors qu'un accord collectif ou un usage fixe le montant de la contribution patronale aux activités sociales du comité à un montant supérieur à la contribution légale, il convient de s'interroger sur l'avenir de ce financement en cas de restructuration de l'entreprise. Ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, "en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, le montant de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, s'il a été fixé dans l'entreprise d'origine par un usage ou un accord collectif à un montant supérieur à la contribution légale, n'est conservé que si l'institution se maintien dans la nouvelle entreprise".

Il est pour le moins difficile de ne pas se ranger à une telle solution. Il convient, tout d'abord, de rappeler que le transfert de l'entreprise à un nouvel employeur ne met pas en cause les règles d'usage, qui sont, en tant que règles en vigueur dans cette entreprise, opposables au nouvel employeur (3). Tant que ce dernier n'a pas dénoncé l'usage, il se doit de le respecter. Pour ce qui est de l'accord collectif, la situation est quelque peu différente, dans la mesure où celui-ci va être mis en cause consécutivement à la restructuration affectant l'entreprise. Cet accord va, certes, continuer à s'appliquer postérieurement à celle-ci, mais pour une durée limitée. Il convient, en effet, de rappeler qu'en application de l'article L. 2261-14 du Code du travail (N° Lexbase : L2442H9C), la convention ou l'accord collectif mis en cause continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention qui lui est substituée ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis de trois mois.

Cela étant, et ainsi que l'a décidé par le passé la Cour de cassation, "la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles ne peut être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées au cours des trois dernières années précédant la suppression de l'usage ou de l'accord collectif instituant cette contribution, sauf si la masse salariale diminue" (4). Toutefois, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, le cessionnaire ne peut être tenu de verser la contribution plus favorable aux activités sociales que si l'institution bénéficiaire se maintient dans la nouvelle entreprise.

Le nouvel employeur peut se trouver débiteur d'une obligation qu'il n'a nullement souscrite, consécutivement à la restructuration. Appliquée au cas qui nous intéresse, cela signifie que le nouvel employeur peut être tenu de verser au comité d'entreprise une contribution supérieure à celle fixée par la loi en vertu d'un usage ou d'un accord applicable dans l'entreprise d'origine. Mais cela n'a de sens que si, postérieurement à la restructuration, subsiste le créancier de l'obligation en question. Seul ce dernier peut exiger le respect de cette obligation et non le comité d'entreprise existant dans la société d'accueil ou le comité nouvellement créé. L'engagement a été pris à l'égard d'une personne, serait-elle morale, déterminée qui, seule, peut en exiger le respect. Cela étant admis, reste à savoir à quelles conditions cette personne morale subsiste postérieurement au transfert.

II - Le maintien du comité en cas de restructuration de l'entreprise

  • Règles applicables

La restructuration affectant une entreprise peut avoir des répercussions importantes sur les institutions représentatives du personnel en place. Si le Code du travail envisage le sort des mandats des représentants du personnel dans une telle hypothèse, il ne règle que très imparfaitement celui des institutions elles-mêmes (5). En effet, seuls le comité central d'entreprise et le comité de groupe font l'objet de dispositions spécifiques (C. trav., art. L. 2327-11 N° Lexbase : L9902H8A et art. L. 2331-2 N° Lexbase : L9926H87). Raisonnant par analogie, la Cour de cassation considère que le sort des comités d'établissement et d'entreprise est lié au maintien de "l'autonomie juridique" de l'entreprise. Si tel est le cas, l'institution demeure. Tout va donc dépendre de l'ampleur et de la nature de la restructuration affectant l'entreprise.

En l'espèce, une société NAVFCO était en charge, jusqu'en 1994, de deux activités, enseignement et logistique. L'activité logistique ayant été reprise par le groupe DCN, dans le cadre d'une société DCN Log en juin 1994, le comité d'entreprise de cette dernière société a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir fixer la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité à un pourcentage de 1,4 % de la masse salariale, identique à celui qui était en usage au sein de la société NAVFCO. En février 2003, un accord transactionnel a été signé entre le comité d'entreprise de la société DCN Log et cette société, fixant la contribution à un pourcentage de 1 % du jour de la scission au 1er janvier 2003, puis à 1,1 % à compter de cette date. En juin 2005, le comité d'entreprise de la société DCN Log a saisi le tribunal de grande instance en annulation de cette transaction, comme contraire à l'ordre public, et aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de la contribution qui aurait dû être versée depuis la cession, à concurrence de 1,4 % de la masse salariale.

Débouté de ses demandes, le comité d'entreprise soutenait, dans son pourvoi, qu'est autonome et conserve son autonomie au sens de l'article L. 2324-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9783H8T), l'entité économique dont le transfert, seul, permet la mise en activité d'une entreprise. Le comité faisait par suite valoir que la société DCN Log, qui provenait d'une "coquille vide", avait été constituée et mise en activité par le seul apport de la branche "logistique" de la société NAVFCO, telle qu'elle existait au sein de cette société, en sorte que l'autonomie dont l'entité "logistique" disposait nécessairement au sein de la société NAVFCO, n'avait pu qu'être conservée à la suite de son transfert. Aussi, en considérant que la société DCN Log ne procédait pas du transfert d'une entité autonome au sens de l'article L. 2324-26 du Code du travail, la cour d'appel a violé ce texte.

Cette argumentation n'a pas convaincu la Cour de cassation qui rejette le pourvoi en soulignant "que ne conserve pas son autonomie l'entité faisant l'objet d'un transfert d'activité partiel, laissant subsister au sein de la société cédante les institutions représentatives du personnel existantes ; qu'il s'en suit que la cour d'appel, qui a constaté que la branche d'activité transférée à la société DCN Log ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société NAVFCO n'avait pas été dissous en a exactement déduit que l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie et que le comité d'entreprise de la société DCN Log ne pouvait bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société NAVFCO".

  • Une solution justifiée

La solution retenue par la Cour de cassation dans le présent arrêt ne constitue pas une surprise dans la mesure où elle peut être rapprochée d'une décision rendue antérieurement (6). Elle est, par ailleurs, justifiée, quoique son énoncé puisse paraître troublant. En effet, à lire le motif de principe de la décision, dans la mesure où la branche d'activité transférée ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société d'origine n'avait pas été dissout, l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie. Outre que l'on peut s'étonner qu'une simple activité reçoive la qualification d'"entité économique", on est en droit de se demander si en lieu et place d'avoir perdu son autonomie, cette "entité" ne l'avait jamais eu. Si tel avait été le cas, l'entité aurait vraisemblablement comporté des institutions représentatives du personnel qui lui étaient propres ou, à défaut, n'aurait pas laissé subsister au sein de la société cédante les institutions existantes.

En définitive, on peut se demander s'il n'aurait pas été plus juste de considérer que l'activité transférée n'avait jamais été une entité économique autonome. Il convient, à ce propos, de rappeler que les textes relatifs au sort des mandats ou des institutions en cas de restructuration exigent que l'"entreprise" conserve son autonomie (7). En bonne logique, il convient donc d'abord de caractériser le transfert d'une entreprise avant de vérifier que celle-ci a conservé son autonomie.

Mais à dire vrai, cette voie aurait-elle été empruntée, cela n'aurait rien changé à l'issue de l'affaire dans la mesure où, là non plus, le comité d'entreprise de la société cessionnaire n'aurait pu bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société cédante.


(1) J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 24ème éd., 2008, § 964, avec notre coll..
(2) J. Pélissier et alii, ouvrage préc., § 965.
(3) Cass. soc., 23 septembre 1992, n° 90-41.363, SA Novaservices c/ Mme Bouarour (N° Lexbase : A6811AHQ) ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 05-43.652, Société Hervé Léger, F-D (N° Lexbase : A8024DYT).
(4) Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-13.837, Comité d'entreprise de la société anonyme Kodak industrie c/ Société Kodak industrie (N° Lexbase : A0943DEN) et les obs. de Ch. Alour, La scission d'entreprise et le sort de la contribution aux activités sociales et culturelles, Lexbase Hebdo n° 146 du 8 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3842ABW).
(5) V. sur la question, P.-Y. Verkindt, L'incidence des transferts d'entreprise sur les instances de représentation du personnel, Dr. soc., 2005, p. 752. V., aussi, nos obs., Transfert d'entreprise et subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 308 du 11 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2397BGU).
(6) Cass. soc., 22 février 1995, n° 93-14.105, Comité d'établissement de la société Ziegler c/ Société Docks de Bourgogne et a. (N° Lexbase : A1177AB9).
(7) V., notamment, C. trav., art. L. 2324-26 et art. L. 2327-11.


Décision

Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-12.514, Comité d'entreprise DCN Log c/ Société DCN Log, F-P+B (N° Lexbase : A9761EGM)

Rejet, CA Paris, 18ème ch., sect. C, 1er décembre 2007

Textes concernés : C. trav., art. L. 2323-86 (N° Lexbase : L2957H9E), L. 2324-6 (N° Lexbase : L2976H94) et L. 2327-11 (N° Lexbase : L9902H8A)

Mots-clefs : comité d'entreprise ; activités sociales et culturelles ; financement ; montant ; usage plus favorable ; restructuration ; maintien de l'usage

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Impôts locaux

[Jurisprudence] Evaluation des locaux commerciaux par application de la méthode par comparaison, en l'absence de local-type dans la commune

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 27 avril 2009, n° 296920, Commune de Valdoie, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon (N° Lexbase : A6400EG7)

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N4451BK3

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par Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

Le 07 Octobre 2010

Dans le cadre de l'évaluation des locaux commerciaux pour l'établissement des impôts locaux, le Conseil d'Etat retient, dans un arrêt du 27 avril 2009, qu'en l'absence de locaux-types situés dans la commune, le juge a l'obligation de regarder si chaque local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier au sens du a du 2° de l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT). Le Conseil d'Etat, par cet arrêt "Commune de Valdoie", poursuit la construction jurisprudentielle qui vise à pallier les carences nées de l'absence de révision des valeurs locatives cadastrales afin d'en faciliter leur détermination. Les faits dans cette affaire sont les suivants : la commune de Valdoie a, par lettre du 17 août 1999, demandé à l'administration fiscale de procéder, en vue de l'établissement des cotisations de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'année 2000, à la rectification de la valeur locative de divers locaux, en particulier des locaux commerciaux situés sur son territoire, et d'émettre pour ces locaux des rôles supplémentaires au titre des années 1998 et 1999. Le directeur des services fiscaux du Territoire de Belfort a signé le 23 décembre 1999, un procès verbal complétant la liste des locaux types ce qui a permis, à partir de l'année 2000, l'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux concernés en utilisant, pour l'application de la méthode par comparaison prévue à l'article 1498 du CGI pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de nouveaux locaux types. L'administration a cependant rejeté la demande de la commune aux fins d'émettre des rôles supplémentaires pour les mêmes immeubles au titre des années 1998 et 1999. En première instance, le tribunal administratif de Besançon avait, par un jugement en date du 3 avril 2003, partiellement fait droit aux conclusions de la commune (TA Besançon, 3 avril 2003, n° 0000281 N° Lexbase : A7970EGB), alors que la cour administrative d'appel de Nancy avait rejeté ses demandes (CAA Nancy, 2ème ch., 29 juin 2006, n° 03NC00584 N° Lexbase : A3233DQS). La cour avait jugé que les immeubles commerciaux en litige ne présentaient pas, par eux-mêmes, un caractère particulier ou exceptionnel et que, dès lors, leur valeur locative devait être déterminée par comparaison avec des locaux-types situés dans la commune puis, qu'en l'absence de tels immeubles pouvant servir de termes de comparaison pour les années 1998 et 1999, l'administration avait pu refuser d'émettre des rôles supplémentaires pour l'ensemble des locaux commerciaux dont la liste lui avait été communiquée par la commune de Valdoie. Le Conseil d'Etat vient censurer l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel et juge qu'il appartenait à celle-ci, en l'absence de terme de comparaison approprié dans la commune, de s'assurer d'office si chaque local à évaluer pouvait être regardé comme présentant un caractère particulier au sens du a du 2°) de l'article 1498 du CGI, de nature à autoriser le service à recourir à un terme de comparaison pris hors de la commune.

L'arrêt "Commune de Valdoie" tire les conséquences pour l'office du juge de l'arrêt "Société Darty Alsace-Lorraine" (CE Contentieux, 18 juillet 2006, n° 267894, Société Darty Alsace Lorraine N° Lexbase : A6470DQP), qui avait tranché le débat entre la conception absolue ou relative de "la notion d'immeuble à caractère particulier", et se place dans le prolongement de plusieurs décisions rendues en 2008 par lesquelles le Conseil d'Etat assouplit le recours à la méthode par comparaison, organise les conditions d'un dialogue plus efficace entre administration et contribuables sur le choix des termes de comparaison, et surtout rappelle que le juge de l'impôt, juge de plein contentieux, lorsqu'il censure la décision de l'administration, se doit de la remplacer par sa propre décision.

1. En l'absence d'un local de référence, le juge doit d'office apprécier si le local à évaluer doit être regardé comme présentant un caractère particulier

L'arrêt "Commune de Valdoie" apporte sa pierre à l'effort jurisprudentiel initié depuis plusieurs années par le Conseil d'Etat et qui vise à faciliter la fixation des valeurs locatives cadastrales.

1.1. La notion d'immeuble à caractère particulier est "relative"

L'article 1498 du CGI prévoit que les immeubles commerciaux peuvent être évalués selon un bail en cours au 1er janvier 1970 (CGI, art. 1498 1°), ou bien par comparaison à des locaux eux-mêmes loués au 1er janvier 1970 (CGI, art. 1498 2°), ou enfin, à défaut par appréciation directe (CGI, art. 1498 3°). En l'absence d'un terme de comparaison approprié dans la commune, le local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier au sens du a du 2° de l'article 1498 du CGI, de nature à autoriser l'administration a recourir à un terme de comparaison pris hors de la commune.

C'est l'arrêt de section en date du 18 juillet 2006, "Société Darty Alsace-Lorraine" qui a tranché entre deux conceptions de la notion de "local présentant un caractère particulier". Pour les uns, le caractère particulier ou exceptionnel d'un immeuble dépend de caractéristiques intrinsèques, tel un aspect architectural, des dimensions ou une affectation particulière (CE Contentieux, 17 novembre 1986, n° 47250, Société française immobilière de location pour l'industrie et de commerce (SOFILIC) N° Lexbase : A7595AMA ou CE 8° s-s., 25 novembre 2005, n° 263670, Société Groupe Envergure N° Lexbase : A8211DLP). La Haute juridiction a reconnu un tel caractère à un hypermarché (CE, 15 décembre 1982, n° 24895, Société anonyme Sovac-Sovabail N° Lexbase : A0614ALC) ou à un grand magasin (CE Contentieux, 28 juillet 1993, n° 76560, Société Samadoc N° Lexbase : A0486ANC). Pour les autres, un local présente un caractère particulier, dès lors qu'il n'existe pas dans la commune de terme de comparaison. Cette seconde conception rallie les plus importants suffrages et a été retenue pour un supermarché de quartier situé en banlieue parisienne (CE Contentieux, 24 juin 1987, n° 48627 et n° 72132, Société française des magasins Uniprix N° Lexbase : A2874AP7 : RJF, 8-9/87 n° 890) ou pour une "supérette" (CE 23 mars 1992, n° 72936, M. Payot N° Lexbase : A5278ARW), ou encore, pour un garage situé à Saint-Martin, dans l'île du même nom (CE 9° et 10° s-s-r., 12 janvier 2005, n° 250135, SA Automar N° Lexbase : A0956D3S). La section du contentieux est venue clore le débat d'école en jugeant, à propos d'une grande surface spécialisée dans l'électroménager, qu'un local présente un caractère particulier dès lors qu'il n'existe pas de terme de comparaison approprié sur le territoire de la commune (CE section, 18 juillet 2006, Société Darty Alsace-Lorraine, précité). La solution retenue par le Conseil d'Etat, dans l'arrêt de section "Darty Alsace-Lorraine", permettait d'allier droit et mise en pratique du droit en donnant plus de souplesse au service dans la détermination des valeurs locatives, le nombre de locaux types pertinents se réduisant, et la solution ne privant pas le contribuable d'une garantie.

Si l'arrêt de section du 18 juillet 2006 précise "la notion de caractère particulier d'un local" au sens du a du 2° de l'article 1498 du CGI, il ne circonscrit pas l'office du juge dans la mise en oeuvre de ces dispositions en l'absence d'un terme de comparaison dans la commune, c'est cette lacune que comble l'arrêt du Conseil d'Etat "Commune de Valdoie".

1.2. L'arrêt "Commune de Valdoie" tire les conséquences pour l'office du juge du relativisme de la notion de local à caractère particulier

Il appartient au juge de rechercher si, en l'absence de terme de comparaison approprié dans la commune, chaque local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier au sens du a du 2° de l'article 1498 du CGI. L'arrêt "Commune de Valdoie" étend la portée de l'arrêt de section "Société Darty Alsace-Lorraine" et renforce les pouvoirs du juge. Les règles de la méthode en matière de détermination des valeurs locatives cadastrales ont été progressivement précisées par le juge administratif. Le juge doit, tout d'abord, se prononcer sur les différents locaux types proposés par les services fiscaux ou par le contribuable pour fixer la valeur locative du bien en litige et doit, en l'absence de locaux types pertinents, ordonner un supplément d'instruction (CE 8° s-s., 8 mars 2006, n° 264561, SCI Champ Redon N° Lexbase : A4855DN7). Ce rôle actif du juge est régulièrement expliqué par les rapporteurs publics du Conseil d'Etat par le caractère "réel" des impositions foncières qui supposent qu'aucune propriété ne doit demeurer non taxée.

Dans l'arrêt "Commune de Valdoie", le renforcement des pouvoirs du juge peut aussi s'expliquer par la volonté de ne pas exposer l'administration à des actions en responsabilité. D'une certaine façon, il faut, vaille que vaille, trouver des termes de comparaisons et fixer une valeur locative cadastrale. Dans l'arrêt du 27 avril 2009, le service a refusé d'émettre des rôles supplémentaires pour l'ensemble des locaux commerciaux dont la liste lui avait été communiquée par la commune de Valdoie. Ce refus est illégal et les erreurs commises par le service lors de l'exécution d'opérations qui se rattachent aux procédures d'établissement de l'impôt sont, en principe, susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat dans le cas où elles constituent une faute lourde.

L'arrêt "Commune de Valdoie" apporte sa pierre à un mouvement qui renforce les pouvoirs du juge, initié depuis plusieurs années.

2. L'arrêt "Commune de Valdoie" : une nouvelle étape dans la clarification des pouvoirs du juge de l'impôt saisi d'une contestation sur la valeur locative des biens à évaluer

Les pouvoirs du juge, juge de plein contentieux, ont été progressivement renforcés, et lui confèrent un rôle actif dans la fixation des valeurs locatives cadastrales qui rencontre, toutefois, une limite économique.

2.1. Un portefeuille d'obligations classiques contraint par un critère d'analogie économique

Les pouvoirs du juge pour la fixation des valeurs locatives cadastrales dérogent assez largement au droit commun. Ainsi, le juge de l'impôt examine la portée de la contestation du local retenu par l'administration que le contribuable propose une alternative ou non. Il se prononce sur les termes avancés par le service et aussi sur ceux proposés par le contribuable. Si le local-type ne convient pas, le juge doit obligatoirement statuer sur les mérites des propositions alternatives formulées par le contribuable (CE, 8 mars 2006, n° 264561, SCI Champ Redon, précité). Lorsque, comme dans l'arrêt "Commune de Valdoie", l'instruction fait apparaître qu'aucun des locaux-types soumis au débat n'est adapté, sauf à ce qu'il soit établi qu'aucun autre local-type ne pourrait l'être, le juge ne peut légalement faire droit aux conclusions de l'une ou l'autre des parties, et il ordonne, dans ce cas, un supplément d'instruction (CE 3° et 8° s-s-r., 5 mai 2006 n° 268395 Société Monoprix N° Lexbase : A2346DPL).

Les pouvoirs larges du juge ont pour objet de faciliter la mise en oeuvre de l'article 1498, 2° du CGI et de permettre la taxation des valeurs locatives. Ils rencontrent, toutefois, une limite, dès lors qu'ils doivent aussi respecter la règle selon laquelle le local-type doit se situer dans une commune présentant une analogie suffisante, d'un point de vue économique, avec la commune d'implantation du local à évaluer (CE, 1er février 1989, n° 66144, Société des grands hôtels d'Aix en Provence N° Lexbase : A0698AQW). Le Conseil d'Etat a récemment jugé que l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas l'existence d'une analogie économique suffisante entre la commune de Buc (Essonne) et la ville de Paris (CE, 8 mars 2006, n° 267987 SARL Invest hôtel N° Lexbase : A4869DNN), ou entre les communes de Meyreuil et d'Aix-en-Provence, toutes deux situées dans les Bouches-du-Rhône, eu égard à l'importance respective de leur population, 4 000 habitants pour l'une et 130 000 pour l'autre ainsi qu'au volume et à la nature de l'activité économique, 30 entreprises pour l'une et un millier pour l'autre (CE 3° et 8° s-s-r., 19 juin 2006, n° 262650, Société Groupe Envergure N° Lexbase : A9764DPC). La mise en oeuvre du critère d'analogie économique a pu apparaître trop sévère et comme devant être limité aux cas où les disparités économiques entre communes sont susceptibles d'exercer une influence réelle sur la valeur locative des locaux ; un arrêt du 6 novembre 2006 semble infléchir quelque peu la sévérité dans la mise en oeuvre du critère de l'analogie économique (CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2006, n° 266429, GIE Good' Year Mireval N° Lexbase : A2870DS4).

2.2. L'arrêt "Commune de Valdoie" participe d'une évolution de la jurisprudence contraire au principe d'interdiction pour le juge de procéder lui-même à la substitution de base légale

Antérieurement à l'arrêt "Commune de Valdoie", une série d'arrêts récents en date du 19 novembre 2008, relevant d'un même esprit que ce dernier, est venue préciser que, dans le cas où le juge retient une appréciation par voie de comparaison, il doit, pour l'application du 2 de l'article 1498 du CGI, statuer d'office sur le terme de comparaison qu'il estime, par une appréciation souveraine, pertinent et dont il a vérifié la régularité, au vu des éléments dont il dispose ou qu'il a sollicités par un supplément d'instruction (CE 8° et 3° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 305318, Société Euro Disney SCA N° Lexbase : A3164EBS, n° 305319, Société Hôtel New-York associés N° Lexbase : A3165EBT, n° 305320, Société Newport Bay Club Associés N° Lexbase : A3166EBU, n° 305321, Société Cheyenne Hôtel Associés N° Lexbase : A3167EBW, et n° 305322, Société Hôtel Santa Fé Associés N° Lexbase : A3168EBX). Ainsi, bien que sous contrainte du critère de l'analogie économique, l'office du juge en matière de taxe foncière lui impose de fixer la valeur locative des biens dont il est saisi. Ce pouvoir emporte des conséquences étonnantes, par exemple lorsque le juge décharge l'ancien propriétaire, il est tenu simultanément d'assujettir le redevable légal (CE 8° et 9° s-s-r., 24 mars 1999 n° 170982, M. Vilain N° Lexbase : A4722AX8). Les décisions de 2008 et l'arrêt "Commune de Valdoie", laissent penser qu'au moins en ce qui concerne la fixation d'une imposition primitive, il relève de l'office du juge de déterminer la valeur locative, soit à partir de termes proposés par le contribuable, soit en l'absence de ceux-ci de les chercher sur le territoire de communes voisines dans le respect du critère de l'analogie économique. La recherche de ces termes de comparaison conduit donc le juge à procéder d'office à une substitution de base légale quand bien même celle-ci n'aurait pas été demandée par le service. Ce pouvoir déroge à une règle classique selon laquelle il n'appartient pas au juge lorsqu'il n'y est pas invité par le service défendeur, de substituer au fondement de l'imposition contestée un autre fondement sur lequel serait justifié le maintien de cette imposition (CE section, 21 mars 1975, n° 85496 N° Lexbase : A6892AYW). L'arrêt "Commune de Valdoie", en renforçant les pouvoirs du juge, vise à s'assurer que chaque propriété foncière puisse être imposée.

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[Chronique] La Chronique de responsabilité civile de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI) - Mai 2009

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la Chronique de responsabilité civile de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI). Au sommaire de cette nouvelle chronique, un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 9 avril 2009, qui énonce, sous la forme d'un attendu de principe, que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. A l'honneur également, un arrêt de la première chambre civile, rendu le 30 avril 2009, et qui revient sur la mise en oeuvre de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit pour manquement à son devoir de mise en garde.
  • Préjudice professionnel et perte d'une chance (Cass. civ. 2, 9 avril 2009, n° 08-15.977, F-P+B N° Lexbase : A1156EGW)

Il est décidément des questions qui, en dépit des interventions répétées de la Cour de cassation, continuent de générer un important contentieux. Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile en constituent, à cet égard, un exemple tout à fait révélateur. Nul n'ignore, en effet, les difficultés suscitées par l'appréciation du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ou, précisément, de la condition tenant à la certitude du dommage. Les deux questions ne sont d'ailleurs pas sans rapport : la perte de chance permet, en effet, bien souvent aux tribunaux d'allouer une réparation à la victime dans des hypothèses dans lesquelles il existe un doute sur le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ; autrement dit, le concept de perte de chance permet, dans certaines utilisations extensives, de remédier à l'insuffisance de lien de causalité lorsqu'on ne sait pas trop si telle faute a entraîné tel dommage. Toujours est-il qu'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 avril dernier, à paraître au Bulletin, mérite, sous cet aspect, d'être signalé.

En l'espèce, un étudiant, âgé de 22 ans, avait été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager et transporté dans un véhicule conduit par un autre étudiant. L'accident l'avait non seulement empêché de suivre les cours dispensés dans l'école de commerce dans laquelle il était inscrit, mais encore avait diminué ses capacités intellectuelles, remettant ainsi en cause son avenir professionnel, en tout cas celui auquel il pouvait légitimement prétendre, compte tenu de la formation qui était la sienne. On passera sur la condamnation de l'assureur du responsable à lui payer une certaine somme au titre du préjudice scolaire tant il n'est pas douteux, comme le rappelle d'ailleurs la Cour de cassation, que "le poste de préjudice scolaire, universitaire ou de formation a notamment pour objet de réparer la perte d'années d'étude consécutive à la survenance du dommage", ce qui était manifestement le cas, les pièces versées au dossier ayant permis d'établir que l'intéressé avait perdu au moins deux années scolaires en raison des séquelles dues à l'accident (1). Une fois cette question tranchée, il restait tout de même à apprécier le préjudice professionnel subi par la victime. Or, précisément sur ce terrain, pour condamner l'assureur à payer à la victime la somme de 600 000 euros au titre du préjudice professionnel, les juges du fond avaient retenu que le préjudice professionnel était certain et que les éléments du dossier démontraient que les chances de réussite de l'étudiant à l'école de commerce étaient très sérieuses. Aussi bien avaient-il considéré qu'il avait perdu la chance, avec une très forte probabilité, d'avoir un emploi de cadre supérieur, et que la diminution de ses capacités intellectuelles, si elle ne l'empêchait pas de trouver un emploi d'employé, ne lui permettaient pas d'espérer beaucoup mieux. Partant, ils avaient estimé que la perte de chance subie par la victime pouvait être retenue comme équivalente à la différence de revenus entre ceux d'un cadre supérieur et ceux d'un employé, équivalent à un SMIC.

Cette décision est cassée, sous le visa des articles 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) et 3 de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d''accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d''indemnisation, art. 3 N° Lexbase : L4291AHE) : la Haute juridiction, rappelant, sous la forme d'un attendu de principe, que "la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée", décide, en effet, "qu'en statuant ainsi, en tenant pour acquis que [la victime] aurait obtenu un poste de cadre supérieur et en indemnisant la perte de salaire correspondante capitalisée, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Est-il utile de redire ici que si, dans le droit de la responsabilité, la condition tenant à la certitude du dommage est essentielle et évidente, en sorte que le dommage qui ne serait qu'hypothétique ne saurait ouvrir un droit à réparation au profit de la victime (2), il reste que la jurisprudence admet, depuis de nombreuses années déjà, que le préjudice constitué par la perte d'une chance (de réaliser un gain, d'éviter une perte ou un dommage plus important) est, en lui-même, réparable, dès lors, bien entendu, que la chance a pu apparaître comme étant réelle et sérieuse ? Sans doute pas, tant la question est, en tant que telle, parfaitement connue. Encore faut-il relever que la mise en oeuvre de la règle, pour classique qu'elle soit, n'est cependant pas sans soulever quelques difficultés. Déjà évoquions-nous ici même très récemment, à ce titre, et après beaucoup d'autres, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 2 avril dernier rendu dans une affaire dans laquelle un plaideur, qui avait confié à son avocat la défense de ses intérêts, avait recherché sa responsabilité au motif qu'il avait manqué à son devoir de diligence et, ainsi, lui avait fait perdre une chance de gagner son procès. La Cour avait cassé, sous le visa de l'article 1147 du Code civil, la décision d'une cour d'appel qui avait fait droit à la demande "sans rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, s'il existait une chance sérieuse de succès de l'action [...] en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge" (3). L'occasion était ainsi donnée de rappeler que l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance présente, en tant que tel, un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine (4). Il appartient, dès lors, aux juges du fond de rechercher la probabilité d'un événement favorable, autrement dit de mesurer l'éventualité de réalisation de l'événement favorable allégué, étant entendu que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (5), alors qu'un risque, fût-il certain, ne suffit pas à caractériser la perte certaine d'une chance, le préjudice qui en résulte étant purement éventuel (6).

Parmi les très nombreux exemples qui peuvent être trouvés en jurisprudence, la perte d'une chance d'évolution favorable de l'activité professionnelle occupe une place de choix (7). Il faut alors établir la réalité de la perte et, ainsi, démontrer que la victime avait bien "les fonctions et l'aptitude professionnelle permettant de prétendre à des possibilités d'évolution de carrière" (8). Or, tel n'est pas toujours le cas. Un arrêt de la cour d'appel de Lyon, en date du 17 août 2005, relevait, ainsi, pour rejeter la demande en réparation, "l'absence d'élément relatif au cursus scolaire et professionnel permettant d'apprécier les perspectives d'évolution de carrière et de promotion" (9). La question se pose, également, comme en l'espèce, lorsque l'accident frappe un étudiant et que ce n'est plus seulement une promotion dans le cadre du travail qui est perdue mais, plus radicalement, la possibilité de prétendre à une carrière satisfaisante ou, en tout cas, espérée (10). Pour évaluer le quantum du préjudice réparable, autrement dit la perte de gains professionnels futurs, les magistrats prennent certes en compte la durée et le niveau des études suivies, mais doivent nécessairement intégrer, dans leur appréciation, l'incertitude inhérente à toute carrière professionnelle.

On comprend dès lors bien que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 9 avril dernier, la Cour ait censuré la décision des premiers juges qui, pour allouer à la victime la somme de 600 000 euros au titre de son préjudice professionnel, qui en tant que tel était indiscutable, avaient tenu pour acquis qu'il aurait obtenu un poste de cadre supérieur. Sans doute les éléments du dossier faisaient-ils apparaitre que les chances de réussite de l'étudiant à l'école de commerce étaient très sérieuses. Mais cette constatation n'était pas suffisante pour considérer qu'il aurait nécessairement eu un poste de cadre supérieur, le fait d'accéder à un tel poste n'étant, par hypothèse, jamais une certitude. Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 novembre 2002 avait, d'ailleurs, plus sagement, à propos pourtant d'un étudiant en école de commerce -en l'occurrence à l'ESCP, dont la réputation n'est plus à faire-, relevé, pour évaluer son préjudice professionnel consécutif à l'accident de la circulation dont il avait été victime et qui avait laissé des séquelles, "l'absence de certitude quant à la réussite aux hautes études commerciales et la profession exacte ensuite embrassée" (11). En tout état de cause, à supposer même que la victime, en l'espèce, ait effectivement pu obtenir, sans l'accident, un poste de cadre supérieur, le montant du préjudice ne pouvait pas être égal, comme l'avaient cru les juges du fond, à la différence de revenus entre ceux d'un cadre supérieur et ceux d'un employé équivalent au SMIC : encore une fois, comme le répète justement la Cour de cassation, "la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée". C'est que, du point de vue de la réparation, il importe de distinguer le préjudice perte de chance du préjudice dit "final" : ce qui est, en effet, réparé, ce n'est jamais la perte du gain escompté en matière professionnelle, la perte de l'avantage recherché en justice ou encore la maladie ou l'état d'invalidité ; seule est réparée la perte d'une chance, ce qui, concrètement, justifie que la réparation de ce préjudice, autonome, soit moindre que celle à laquelle aurait donné lieu le préjudice final.

  • La mise en oeuvre de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit pour manquement à son devoir de mise en garde (Cass. civ. 1, 30 avril 2009, n° 07-18.334, FS-P+B+I N° Lexbase : A6440EGM)

L'occasion a souvent été donnée d'insister sur l'importance de l'obligation d'information et de conseil en matière contractuelle, au point d'ailleurs d'avoir pu voir dans l'émergence d'une telle obligation l'un des traits essentiels de l'évolution contemporaine du droit des contrats. En dehors de l'intérêt pratique considérable que peut présenter cette tendance, s'y attache également un intérêt théorique évident dans la mesure où cette évolution témoigne, fondamentalement, d'une mutation de la notion même de contrat, en l'occurrence du passage d'une conception subjective à une conception plus objective. La jurisprudence a progressivement généralisé l'obligation d'apporter au cocontractant la connaissance dont il a besoin pour pouvoir valablement s'engager, dont l'intensité peut d'ailleurs varier selon qu'il s'agit d'une obligation d'information, de conseil ou de mise en garde, soit par rattachement à un certain nombre de notions du droit commun des contrats -dol, bonne foi, équité-, soit de façon autonome. Sous cet aspect, on sait que le banquier dispensateur de crédit peut voir sa responsabilité engagée pour avoir consenti des crédits excessifs au regard des capacités de financement de l'emprunteur. Un récent arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 30 avril dernier, à paraître au Bulletin, en constitue un nouvel exemple et mérite d'être signalé, quand bien même il ne ferait, fondamentalement, que confirmer un certain nombre de solutions aujourd'hui acquises.

En l'espèce, une emprunteuse avait assigné une banque en réparation du préjudice né de la faute ayant consisté dans le fait de lui avoir consenti deux prêts dont le remboursement excédait ses facultés contributives. Les juges du fond, pour rejeter la demande, avaient retenu que, bénéficiant lors de l'octroi des prêts litigieux de l'assistance de son ex-mari, présenté comme exerçant les activités ou profession de conseil ou consultant financier, l'emprunteuse était en mesure d'obtenir de celui-ci toutes les informations utiles à l'appréciation de l'opportunité et de la portée de l'engagement qu'elle contractait, de sorte qu'à supposer que l'intéressée n'ait pas disposé elle-même des compétences nécessaires pour porter seule une telle appréciation, elle ne pouvait se présenter comme une emprunteuse profane. Aussi bien ne pouvait-elle rechercher la responsabilité de la banque pour avoir manqué au devoir de mise en garde auquel celle-ci n'était pas tenue à son égard. Sans véritable surprise à vrai dire, cette décision est cassée, sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) : "qu'en statuant ainsi, alors que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé".

La Cour de cassation réaffirme ainsi, dans le dispositif de la décision, deux principes à présent solidement établis qu'il convient de reprendre successivement.

D'abord, la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenue à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt. On rappellera, à ce titre, que, par deux arrêts du 12 juillet 2005 (12), la première chambre civile de la Cour de cassation avait déjà apporté quelques précisions sur la mise en oeuvre de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, réaffirmant le principe de la responsabilité civile du banquier pour avoir consenti des crédits excessifs, tout en tenant compte de la qualité de l'emprunteur, selon qu'il était, ou non, un emprunteur profane (13). On avait pu en déduire que, si l'emprunteur avait la qualité de profane, alors le caractère excessif du prêt faisait présumer, sinon établissait, un manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde ; au contraire, si l'emprunteur était un professionnel, la jurisprudence entendait se montrer bien plus indulgente à l'égard de l'établissement de crédit dont la responsabilité ne pouvait alors être engagée, quand bien même le caractère excessif du prêt serait avéré, qu'à la condition qu'il soit démontré qu'il avait, sur les revenus et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles de l'emprunteur, des informations que lui-même auraient ignorées (14). La Cour de cassation, à la faveur de deux arrêts rendus en Chambre mixte le 29 juin 2007 (15), était ensuite venue affiner ces solutions en y apportant quelques éclaircissements, ce qu'un arrêt de la première chambre civile du 6 décembre 2007 avait d'ailleurs assez nettement repris (16). Ainsi était-il précisé, quant à l'objet de l'obligation du banquier, qu'il est tenu d'un devoir de mise en garde eu égard aux "capacités financières" de l'emprunteur et "aux risques de l'endettement né de l'octroi des prêts", ce qui doit conduire le juge à apprécier la bonne exécution de cette obligation non seulement au regard du patrimoine et des revenus de l'emprunteur, mais aussi des risques d'endettement généré par l'octroi du ou des prêts, le devoir de mise en garde du banquier se trouvant, fort logiquement d'ailleurs, limité aux risques qu'il contribue à créer.

Ensuite, la Cour confirme que la banque ne peut pas être dispensée de son devoir de mise en garde par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie. La solution s'inscrit dans le courant de rigueur à l'égard des professionnels à propos desquels la jurisprudence décide, depuis quelques années déjà, qu'ils ne sont pas déchargés de leurs obligations d'information, de conseil ou de mise en garde, par les compétences professionnelles du débiteur, pas plus qu'il ne le sont par le fait que ce dernier se soit fait assister par une personne compétente (17).

David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)


(1) Pour d'autres illustrations de l'existence d'un droit à réparation du préjudice scolaire : CA Paris, 22ème ch., sect. A, 25 mars 2009, n° 06/13164 (N° Lexbase : A5068EEG) ; CA Lyon, 6ème ch., 27 octobre 2005, n° 03/06964, (N° Lexbase : A4437DMB) ; Cass. crim., 6 février 2005, n° 04-82.237 (N° Lexbase : A3029EHN).
(2) Voir, not., Cass. crim., 7 juin 1989, n° 88-86.173, Althuser Marie-Jeanne (N° Lexbase : A0173ABZ), Bull. crim. n° 245, énonçant que "l'allocation de dommages-intérêts ne peut réparer qu'un préjudice réel et certain et non pas purement éventuel".
(3) Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 08-12.848, M. Kamel Zobiri, F-P+B (N° Lexbase : A5253EEB) et nos obs. in La Chronique de responsabilité civile de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI) - Avril 2009, Lexbase Hebdo n° 348 du 30 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0417BKN).
(4) Cass. crim., 9 octobre 1975, n° 74-93.471, Dame Saignol, Electricité de France EDF c/ Lemaire (N° Lexbase : A2248AZB), Gaz. Pal., 1976, 1, 4 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163, Leger Ginette (N° Lexbase : A1138AC7), Bull. crim., n° 224.
(5) Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-15.674, M. Christian Tomme, F-P+B (N° Lexbase : A5286DSL), Bull. civ., I, n° 498, RDC, 2006, p. 266, obs. D. Mazeaud.
(6) Cass. civ. 1, 16 juin 1998, n° 96-15.437, Epoux Mazé c/ Epoux Djindjian et autres (N° Lexbase : A5076AWW), Bull. civ. I, n° 216, Contrats, conc., consom., 1998, n° 129, obs. L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 05-15.716, M. Louis Vincent, FS-D (N° Lexbase : A0934DTR), JCP éd. G, 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg.
(7) Voir, not., Cass. civ. 2, 13 novembre 1985, n° 84-11.450, Epoux Desplat c/ Compagnie d'Assurances la Foncière, Mirland Avenat, CPAM de Maubeuge (N° Lexbase : A0695AH9), Bull. civ. II, n° 172.
(8) CA Paris, 3 février 2005.
(9) CA Lyon, 5ème ch., 17 août 2005, n° 02/05398, M. Philippe D. c/ ATL Rhône-Alpes (N° Lexbase : A7703DMA).
(10) Voir, not., CA Nîmes, 16 décembre 2008, pour un étudiant de 15 ans au jour de l'accident, et de 17 au jour de la consolidation, dont les séquelles (désintérêt et apathie) ont eu un retentissement certain sur ses capacités à suivre un certain niveau d'études ; CA Toulouse, 14 octobre 2008, réparant le préjudice professionnel de la victime consistant dans la perte d'une chance d'occuper un emploi correspondant aux facultés intellectuelles.
(11) CA Paris, 17ème ch., sect. A, 13 novembre 2002, n° 2001/16597, Monsieur Olivier B. c/ Association Bureau des élèves de l'ESCP (N° Lexbase : A3944A4T).
(12) Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, trois arrêts, n° 03-10.770, M. Franck Guigan c/ Crédit lyonnais, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9139DIC), n° 02-13.155, M. Joël Seydoux c/ Société BNP Paribas, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0277DKH) et n° 03-10.921, M. Simon Jauleski c/ Société BNP Paribas, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9140DID) ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" (N° Lexbase : E8172D33) ; D., 2005, AJ p. 2276, obs. X. Delpech ; Jur., p. 3094, note B. Parance ; D., 2006, Pan., p. 167, obs. D.-R. Martin et H. Synvet ; Banque, n° 673, octobre 2005, p. 94, note J.-L. Guillot, M. Boccara Segal ; JCP éd. G, 2005, II, 10140, note A. Gourio, et JCP éd. E, 2005, p. 1359, note D. Legeais ; Banque et droit, 2005, n° 104, p. 80, obs. T. Bonneau ; RLDC, 2005, n° 21, p. 15, note S. Piedelièvre ; RD bancaire et fin., septembre-octobre 2005, p. 20, obs. D. Legeais, et novembre-décembre, p. 14, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; Resp. civ. et assur., n° 10/2005, p. 22 ; BRDA, 2005, n° 20, p. 11 ; Dr. et patr., 2005, n° 143, p. 98, obs. J.-P. Mattout et A. Prüm, et 2006, n° 145, p. 123, obs. L. Aynes et P. Dupichot ; RTDCom., 2005, p. 829, obs. D. Legeais.
(13) Sur l'adhésion de la Chambre commerciale de la Cour de cassation à cette solution : Cass. com., 3 mai 2006, n° 02-11.211, M. Gilbert Joffre c/ Banque française commerciale Océan Indien (BFCOI), FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A2447DPC), Bull. civ. IV, n° 102 ; D., 2006, p. 1618, note J. François ; Gaz. Pal., 28-29 juin 2006, p. 5, note S. Piedelièvre ; RD bancaire et fin., 2006, n° 4, p. 12, note F.-J. Crédot, T. Samin ; Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-15.517, Crédit lyonnais c/ M. Jean Pouth, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A2486DPR), Bull. civ. IV, n° 101, D., 2006, p. 1445, note X. Delpech ; Gaz. Pal., 28-29 juin 2006, p. 5, note S. Piedelièvre ; JCP éd. E, 2006, p. 996, note D. Legeais ; D., 2006, Jur. p. 1618, obs. J. François ; Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-19.315, Mme Eliane Daviot, épouse Mainguy c/ Société Natiocrédibail, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A2499DPA), Bull. civ. IV, n° 103, Gaz. Pal., 28-29 juin 2006, p. 5, note S. Piedelièvre ; RLDC, juillet -août 2006, p. 36, note G. Marraud des Grottes. D. Chemin-Bomben, Devoir de mise en garde du banquier : un arrêt ça va trois... bonjour les débats !, Rev. Lamy dr. aff., septembre 2006, p. 34.
(14) Voir déjà, en ce sens, Cass. com., 26 mars 2002, n° 99-13.810, M. Patrick Thiery c/ Banque régionale d'escompte et de dépôt (BRED), FS-P+B (N° Lexbase : A3794AY8), Bull. civ. IV, n° 57 ; comp., en matière de cautionnement, Cass. com., 8 octobre 2002, n° 99-18.619, M. David Nahoum c/ Banque CGER France, FP-P (N° Lexbase : A9624AZH), Bull. civ. IV, n° 136 ; JCP éd. G, 2003, II, 10017, note Y. Picod.
(15) Cass. mixte, 29 juin 2007, deux arrêts, n° 05-21.104, Epoux X. c/ Société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre-Est (CRCAMCE) (N° Lexbase : A9645DW7) et n° 06-11.673, Mme Régine X., épouse Y. c/ Société Union bancaire du Nord (UBN) (N° Lexbase : A9646DW8) ; et les observations de Richard Routier, Devoir de mise en garde : les précisions de la Chambre mixte, Lexbase Hebdo n° 268 du 12 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7831BBN).
(16) Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-15.258, M. Paul Briquet, FS-P+B (N° Lexbase : A0307D3R).
(17) Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-12.415, M. Michel Donsimoni c/ Société d'expertise comptable BPERC, F-P+B (N° Lexbase : A8415DDZ), Bull. civ. I, n° 256. Comp., décidant que les compétences professionnelles d'un client ne peuvent, à elles seules, dispenser l'avocat choisi par celui-ci de toute obligation de conseil : Cass. civ. 1, 12 janvier 1999, n° 96-18.775, Compagnie générale de garantie c/ Les Mutuelles du Mans et autres (N° Lexbase : A2743ATR), Bull. civ. I, n° 15 ; Cass. civ. 1, 19 mai 1999, n° 96-20.332, M. X et autre c/ Société Interfimo (N° Lexbase : A3250AUW), Bull. civ. I, n° 164. Voir encore, jugeant que les notaires ne sont pas déchargés de leur obligation d'information et de conseil par les compétences personnelles de leurs clients : Cass. civ. 1, 25 novembre 1997, n° 95-18.618, Epoux Batt et autres (N° Lexbase : A0663ACK), Bull. civ. I, n° 329 ; Cass. civ. 1, 9 juin 1998, n° 96-13.785, Consorts Oliva c/ Mme Vaxelaire (N° Lexbase : A2742ATQ), Bull. civ. I, n° 205 ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 03-19.321, Caisse fédérale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre c/ M. François Penot, FS-P+B (N° Lexbase : A0284DKQ), Bull. civ. I, n° 323 ; Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-12.831, M. Bernard Thomas, FS-P+B (N° Lexbase : A9109DUW). Encore convient-il tout de même de préciser que la faute commise par le client et qui constitue une cause du dommage qu'il a subi peut, le cas échéant, être retenue pour fonder un partage de responsabilité : Cass. civ. 1, 29 février 2000, n° 97-18.734, Société civile professionnelle X et Y c/ Consorts Courtignon et autres (N° Lexbase : A5258AWN), Bull. civ. I, n° 72.

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Marchés publics

[Textes] La transposition de la Directive "recours" par l'ordonnance du 7 mai 2009 : entre modernisation et innovation

Réf. : Ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3)

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

Bouleversé, au cours de ces dernières années, par le Conseil d'Etat (1), le droit du contentieux des contrats administratifs est modifié, aujourd'hui, par le législateur délégué. Edictée en application de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, relative aux contrats de partenariat (N° Lexbase : L7307IAU), l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique transpose la Directive (CE) 2007/66 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 (N° Lexbase : L7337H37), modifiant les Directives (CE) 89/665 du 21 décembre 1989 (N° Lexbase : L9939AUN) et 92/13 du 25 février 1992 (N° Lexbase : L7561AUL), en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, dite Directive "recours". L'on sait, par ailleurs, qu'elle constitue le complément utile des Directives (CE) du 31 mars 2004, 2004/17, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT), et 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU), dites Directives "marchés publics". Largement commentée, la Directive "recours" a immédiatement retenu l'attention de la doctrine qui n'a pas manqué de souligner que sa transposition en droit interne ne serait pas "une partie de plaisir" (2). En renforçant le référé précontractuel, d'une part, et en contraignant les Etats membres à créer une voie de recours destinée à sanctionner le contrat illégalement conclu, d'autre part, le droit communautaire impliquait, en effet, de faire bouger certaines lignes du contentieux national des contrats administratifs.

Alors qu'une partie de la doctrine estimait que ce nouveau texte communautaire ne contenait pas de nouveautés véritablement surprenantes (3) et prédisait une législation nationale "minimaliste" (4), l'ordonnance du 7 mai 2009 a pris un tout autre parti en n'hésitant pas à modifier en profondeur le contentieux des contrats administratifs (5). Une nouveauté doit être immédiatement soulignée et a trait au champ d'application de ladite ordonnance. Sont concernés, en effet, les "contrats de la commande publique". Après avoir été consacrée par le Conseil constitutionnel en 2003 (6), et après plusieurs tentatives restées sans suite d'élaboration d'un Code de la commande publique, cette notion trouve, enfin, une expression significative avec le texte commenté. Ses contours sont, en effet, précisés puisque sont rangés dans la catégorie des contrats de la commande publique l'ensemble des contrats entrant dans le champ d'application des Directives "marchés publics", c'est-à-dire les contrats ayant pour objet "l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation", ainsi que "les délégations de service public". De cette précision, il ne faut surtout pas déduire que seuls les marchés publics et les délégations de service public au sens national sont des contrats de la commande publique. Sont, également, concernés les contrats de partenariat, les concessions de travaux, ou encore, les conventions d'aménagement et, sans doute, certains montages contractuels associant occupation domaniale et construction d'un ouvrage destiné à devenir la propriété de la collectivité publique.

Des dispositions de l'ordonnance du 7 mai 2009, qui seront applicables aux contrats pour lesquels une consultation sera engagée à partir du 1er décembre prochain, il ressort un réel effort des pouvoirs publics de renforcer l'efficacité des recours contentieux en matière contractuelle. Cela se manifeste pour le référé précontractuel qui est très opportunément consolidé (I), mais aussi au travers de la création du nouveau référé contractuel (II)

I - La consolidation du référé précontractuel

L'ordonnance du 7 mai 2009 introduit une nouveauté essentielle dans le référé précontractuel en instituant, conformément aux exigences de la Directive "recours", un délai de standstill à compter de la saisine du juge des référés précontractuels (A). Parallèlement, les larges pouvoirs de ce juge sont réaffirmés, même s'ils prennent toujours fin avec la signature du contrat (B).

A - L'instauration d'un délai de suspension automatique en cas de saisine du juge des référés précontractuels

Le nouvel article L. 551-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1601IEZ) dispose que "le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif, et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle". Avec cette nouvelle disposition, le législateur délégué a, sans doute, mis fin à toute tentative de ce qu'il était convenu d'appeler la "course à la signature" du contrat.

Sans doute n'est-il pas inutile de rappeler dans quelles conditions cette dérive s'est développée. De la jurisprudence du Conseil d'Etat, il ressort que le juge des référés précontractuels doit être saisi avant la conclusion du contrat, le référé étant, à défaut, irrecevable (7). De cette jurisprudence, il ressort, également, que la signature du contrat en cours d'instance met fin aux pouvoirs du juge des référés précontractuels et débouche, alors, sur un non-lieu à statuer (8). Pour faire obstacle à la saisine du juge des référés précontractuels et à ce qu'il puisse se prononcer sur le fond, les parties contractantes ont donc pris l'habitude de signer le contrat aussi rapidement que possible. Une première limite s'opposait à une signature prématurée, puisque les différents textes applicables aux contrats publics (voir, par exemple, l'article 80-I du Code des marchés publics N° Lexbase : L2691ICN) imposaient le respect d'un certain délai entre le rejet d'une candidature et la signature du contrat. Il reste qu'une fois ce délai respecté, les parties contractantes pouvaient, alors, rapidement procéder à la signature du contrat pour provoquer le rejet du référé précontractuel. Cette "course à la signature" s'est amplifiée avec l'obligation faite aux requérants potentiels de saisir le pouvoir adjudicateur d'un recours administratif préalable tendant à ce qu'il respecte les obligations de publicité et de mise en concurrence. Perçu au départ comme un moyen d'évitement du contentieux, ce recours s'est transformé en un signal permettant au pouvoir adjudicateur d'identifier les risques de saisine du juge des référés précontractuels et, finalement, comme un facteur d'aggravation de la "course à la signature". Pour endiguer ce phénomène, le décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 (N° Lexbase : L1856A4I), a, alors, supprimé ce recours administratif obligatoire préalable à la saisine du juge, et la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives (N° Lexbase : L0703AIU), a doté le juge des référés précontractuels du pouvoir d'enjoindre au pouvoir adjudicateur de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure, et pour une durée maximum de vingt jours.

Il reste que ce pouvoir d'enjoindre de différer la signature du contrat n'était pas totalement satisfaisant (9). D'abord, parce que la suspension n'était pas automatique et dépendait donc du bon vouloir du juge. Ensuite, parce que le juge des référés précontractuels pouvait être saisi dans les tous derniers jours, voire dans les toutes dernières heures du premier délai de standstill (c'est-à-dire le délai de suspension minimal devant séparer le rejet d'une candidature de la signature du contrat), et qu'il lui fallait se prononcer en toute urgence, et parfois même dans la précipitation, sur l'opportunité de suspendre la signature du contrat dans l'attente de pouvoir se prononcer au fond. L'alternative était, alors, la suivante : ordonner la suspension de la signature et prolonger, ainsi, la suspension pour préserver l'effectivité du référé précontractuel, ou ne pas ordonner la suspension et prendre le risque d'une signature avant qu'il n'ait eu le temps de rendre son ordonnance au fond.

C'est pour éviter ces difficultés que l'article L. 551-4 précité pose le principe d'une suspension automatique du processus de conclusion du contrat en cas de saisine du juge des référés précontractuels. Il n'est donc plus nécessaire, désormais, de solliciter ce dernier afin qu'il enjoigne la suspension. La seule saisine du juge des référés précontractuels suffit, en effet, à paralyser la conclusion du contrat jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle.

B - La réaffirmation des pouvoirs du juge des référés précontractuels

Le juge des référés précontractuels est, comme chacun sait, un juge de plein contentieux et il ne faut donc pas s'étonner du fait qu'il dispose de pouvoirs extrêmement larges qu'il peut prononcer d'office (CJA, art. L. 551-12 N° Lexbase : L1588IEK), c'est-à-dire indépendamment d'une demande formulée par le requérant. Il dispose, en effet, d'un pouvoir d'injonction lui permettant d'ordonner au pouvoir adjudicateur de se conformer à ses obligations. Il peut, également, suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat sauf s'il estime, "en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et, notamment, de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages" (CJA, art. L. 551-2 N° Lexbase : L1559IEH). Il peut encore annuler les décisions se rapportant à la conclusion du contrat, et même supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat qui méconnaissent les obligations de publicité et de mise en concurrence (10).

Si importants soient-ils, les pouvoirs du juge des référés précontractuels ne valent qu'antérieurement à la signature du contrat. Cette solution a pu être critiquée par la doctrine à une époque où la signature du contrat marquait la fin de toute possibilité de contester efficacement le contrat. Tel n'est plus le cas aujourd'hui, puisque les candidats évincés disposent de la possibilité de saisir le juge de plein contentieux d'un recours en contestation de la validité du contrat (recours "Tropic") qu'ils peuvent, éventuellement et utilement, compléter par un référé-suspension (CJA, art. L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS). Plus encore, l'ordonnance du 7 mai 2009 renforce l'arsenal des recours contentieux à la disposition des candidats évincés en créant un nouveau recours, le référé contractuel.

II - La création du référé contractuel

Le nouveau référé contractuel des articles L. 551-13 (N° Lexbase : L1581IEB) et suivants du Code de justice administrative est, assurément, la grande nouveauté introduite par l'ordonnance du 7 mai 2009 dans notre droit. Il constitue la réponse apportée à la Directive "recours" qui impose aux Etats membres de veiller "à ce qu'un marché soit déclaré dépourvu d'effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur, ou à ce que l'absence d'effets dudit marché résulte d'une décision d'une telle instance" en cas de méconnaissance, notamment, des délais de suspension. L'analyse du régime du nouveau référé contractuel montre qu'il a vocation à compléter utilement le référé précontractuel (A) et qu'il pourrait bien devenir, en pratique, un recours complémentaire du recours "Tropic" (B).

A - Un recours complémentaire du référé précontractuel

Comme son nom l'indique, le référé contractuel est un recours qui ne peut être exercé qu'après la conclusion du contrat. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à le conclure et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence (11), ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats conclus par une collectivité territoriale ou un établissement public local.

Affirmer que le référé contractuel a vocation à compléter le référé précontractuel ne signifie absolument pas qu'un requérant pourra effectuer l'un, puis l'autre. L'article L. 551-14, alinéa 2, du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1603IE4) pose, en effet, le principe selon lequel le référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant intenté un référé précontractuel. Cette interdiction nous semble logique car l'on ne voit pas trop quelles raisons pourraient conduire un requérant à poser deux fois la même question, forcément relative à la violation d'une obligation de publicité ou de mise en concurrence, à deux juges différents. Autoriser la succession des deux référés aurait, sans doute, conduit à des abus et à une instrumentalisation des recours contentieux (volonté de gagner du temps, de freiner un concurrent, etc.). A ce principe du non cumul, l'article L. 551-14, alinéa 2, précité apporte, toutefois, une exception bienvenue qui correspond à un scénario auquel a été récemment confronté le Conseil d'Etat dans l'affaire "Société Biomérieux" (12) : en l'espèce, une personne publique avait signé le contrat malgré l'injonction de différé de signature prononcée par le juge des référés précontractuels. La dérogation concerne l'hypothèse dans laquelle le pouvoir adjudicateur n'aurait pas respecté la suspension automatique déclenchée par la saisine du juge des référés précontractuels, ou aurait méconnu la décision rendue par ce même juge. Le référé contractuel permet, dans ces deux hypothèses, de préserver l'effectivité du référé précontractuel et évite aux requérants d'avoir à suivre un parcours contentieux sinueux et complexe (recours "Tropic" assorti d'un référé suspension) (13).

Les pouvoirs du juge des référés contractuels sont évidemment importants. Celui-ci peut suspendre l'exécution du contrat pour la durée de l'instance sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et, notamment, de l'intérêt public, que les conséquences négatives de cette mesure pourraient l'emporter sur ses avantages (CJA, art. L. 551-17 N° Lexbase : L1555IEC). L'ordonnance du 7 mai 2009 a prévu l'obligation, pour ce même juge, de prononcer la nullité du contrat dans certaines hypothèses. Cette nullité s'imposera à lui, tout d'abord lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour la passation du contrat n'aura été prise, ou lorsque aura été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne alors que celle-ci était obligatoire. La nullité s'imposera, encore, en cas de méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou sur un système d'acquisition dynamique. La nullité s'imposera, enfin, mais avec une limite importante, en cas de signature du contrat avant l'expiration du premier ou du second délai de standstill. Dans ces derniers cas, la nullité est, en effet, conditionnée. Le juge des référés contractuels ne sera tenu de la prononcer que si la méconnaissance des délais de standstill prive le demandeur de son droit d'exercer un référé précontractuel, et si les obligations de publicité et de mise en concurrence sont méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat.

En vérité, même dans les hypothèses où la nullité semble être de droit, c'est-à-dire s'imposer au juge, ce dernier peut encore ne pas la prononcer lorsqu'il lui apparaît qu'une raison impérieuse d'intérêt général s'y oppose (CJA, art. L. 551-19 N° Lexbase : L1605IE8) (14). Dans ce cas, possibilité lui est donnée de prononcer une sanction moins grave comme la résiliation du contrat, la réduction de sa durée, ou encore une pénalité financière.

B - Un recours complémentaire du recours "Tropic"

Le référé contractuel n'est pas seulement complémentaire au référé précontractuel. Il est peut-être, également, complémentaire du recours "Tropic", c'est-à-dire du recours en contestation de validité du contrat que peuvent intenter les candidats évincés devant le juge de plein contentieux.

Il est certain, tout d'abord, que les candidats évincés pourront parfaitement intenter un référé contractuel en invoquant des moyens tirés de la méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence, puis poursuivre leur action contentieuse en exerçant un recours "Tropic" pour demander, par exemple, à être indemnisés des illégalités affectant le contrat. Il est probable, en outre, que les recours "Tropic" fondés sur la méconnaissance des seules obligations de publicité et de mise en concurrence seront rares en pratique. L'on peut penser, en effet, que les questions touchant aux obligations de publicité et de mise en concurrence seront réglées en priorité par le juge des référés précontractuels et, éventuellement, par le juge des référés contractuels. L'office du juge de plein contentieux saisi d'un recours "Tropic" risque donc de se resserrer sur des questions étrangères aux règles de publicité et de mise en concurrence. Au total, le recours "Tropic" pourrait devenir, en pratique, un recours d'utilisation exceptionnelle, et l'on ne peut que s'en féliciter. Parce qu'il est un recours postérieur à la conclusion du contrat et que son retentissement sur la vie du contrat et la sécurité juridique peut être énorme (annulation du contrat, par exemple), le recours "Tropic" ne doit pas se banaliser.


(1) L'on pense, notamment, aux arrêts CE Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic Travaux Signalisation (N° Lexbase : A4715DXW) et CE Contentieux, 3 octobre 2008, n° 305420, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion (N° Lexbase : A5971EAE), et nos observations, Le resserrement de l'intérêt à agir dans le référé précontractuel, Lexbase Hebdo n° 85 du 3 octobre 2008 - édition publique (N° Lexbase : N4990BHB).
(2) F. Llorens et P. Soler-Couteaux, La nouvelle Directive "recours" et la conclusion du contrat, Contrats Marchés publ., 2008, repère 2. Pour J.-F. Lafaix, "Les nouvelles règles communautaires sont subtiles et les mesures que leur transposition appelle ne sont pas simples à formuler" (La nouvelle "Directive recours" ou l'esquisse d'une exigence de "sanction adaptée" - Commentaire de la Directive (CE) 2007/66 du 11 décembre 2007, Contrats Marchés publ., 2008, chron. n° 4).
(3) J.-P. Jouguelet, La nouvelle Directive "recours" : des nouveautés surprenantes ?, BJCP, n° 56, p. 2.
(4) J.-F. Lafaix, préc., p. 10.
(5) Modification qui concerne, également, les contrats privés puisque l'ordonnance se divise en deux chapitres distincts, le premier concernant les contrats administratifs et le second les contrats privés.
(6) Cons. const., décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : A9631C89).
(7) CE, 3 novembre 1995, n° 157304, CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées (N° Lexbase : A6724AND), Rec. CE, p. 394, concl. C. Chantepy, AJDA, 1995, p. 888, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux, CJEG, 1996, p. 67, concl. C. Chantepy, RFDA, 1995, p. 1077, concl. C. Chantepy, GACA, n° 17.
(8) CE contentieux, 3 novembre 1995, n° 152650, Société Stentofon Communication (N° Lexbase : A6671ANE), Rec. CE, p. 393, mêmes références que pour l'arrêt "CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées" précité.
(9) F. Rolin, Recherches sur un point obscur du référé précontractuel : la décision de "différer la signature du contrat", Contrats Marchés publ., 2008, chron. n° 8.
(10) L'on doit relever que le juge des référés précontractuels dispose d'un pouvoir supplémentaire dans le cadre du référé de l'article L. 551-5 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1572IEX) (référé précontractuel applicable aux entités adjudicatrices), celui de prononcer une astreinte.
(11) Cette exigence est commune au référé précontractuel et au référé contractuel et doit, sans aucun doute, être appréciée au regard de la jurisprudence "Smirgeomes" du 3 octobre 2008.
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 6 mars 2009, n° 324064, Société Biomérieux (N° Lexbase : A5824ED3), Contrats Marchés publ., 2009, comm. 144, note J.-P. Pietri, CP-ACCP, juin 2009, note J. Bon et A. Claeys (à paraître), JCP éd. A, 2009, I, 2107, note F. Linditch, RJEP, juin 2009, note F. Brenet (à paraître).
(13) Il faut savoir que le référé contractuel ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) a accompli la même formalité. La même exclusion concerne les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique lorsque le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) a envoyé aux titulaires la décision d'attribution du contrat, et observé un délai de seize jours entre cet envoi et la conclusion du contrat (ce délai est réduit à onze jours si la décision a été communiquée à tous les titulaires par voie électronique).
(14) Cette raison impérieuse d'intérêt général ne peut être constituée par la prise en compte d'un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat, ou si le contrat porte sur une délégation de service public.

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Famille et personnes

[Evénement] Etat des lieux du droit de la filiation après la réforme par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation, ratifiée le 16 janvier 2009

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par Anne Lebescond - Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"On est toujours l'enfant de quelqu'un, mais l'enfant de qui ?". Ces propos ont introduit l'atelier portant sur la filiation après la réforme, animé par Dominique Piwnica, avocat au Barreau de Paris, et Frédérique Bozzi, chargée de mission auprès du premier président de la cour d'appel de Paris. Cette formation était proposée dans le cadre des cinquièmes Etats généraux du droit de la famille, organisés par le Conseil national des Barreaux et qui se sont tenus les 14 et 15 mai 2009. Les intervenantes ont exposé les différents pans d'une réforme de simplification et d'harmonisation du droit de la filiation -dont le point phare tient à la suppression des notions de filiation légitime et de filiation naturelle-. Cette réforme a été initiée par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (1) et récemment entérinée par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (2). Le texte législatif ratifie l'ordonnance plusieurs années après son entrée en vigueur (le 1er juillet 2006) et introduit des dispositions nouvelles, la plupart substantielles, entraînant une situation originale dans laquelle trois régimes bien distincts gouvernent les procédures en cours (celui existant avant le 1er juillet 2006, celui prévu par l'ordonnance de 2005 et, enfin, celui introduit par la loi promulguée début 2009). Cette complexité requiert la plus grande prudence de la part des praticiens, dont la responsabilité sera engagée s'ils se méprennent sur les règles applicables. Nul n'est, en effet, à l'abri d'une erreur, d'autant que la majorité des contentieux présente des aspects internationaux. Démêler les règles internes applicables n'est, ainsi, pas suffisant (I), encore faut-il appréhender la filiation sous l'angle du droit international privé (II).

I - La filiation en droit interne

L'article 310-1 du Code civil (N° Lexbase : L8852G9Q), relatif aux modes d'établissements de la filiation distingue le cas de la filiation légalement établie en dehors d'un contentieux (A), de celle établie dans un tel cadre (B).

A - Mode d'établissement non contentieux de la filiation

L'article 310-1 envisage trois cas d'établissement de la filiation en dehors de tout contentieux : l'effet de la loi (1), la reconnaissance volontaire (2) et la possession d'état constatée par un acte de notoriété (3).

1 - La filiation établie par l'effet d'une loi : le maintien de la présomption de paternité

Si la loi a supprimé la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle, elle a, en revanche, maintenu l'interdiction de l'établissement de la filiation incestueuse prévue à l'article 310-2 du Code civil (N° Lexbase : L8853G9R). En pareil cas, dès lors que "la filiation est déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit".

Hors ce cas particulier, l'ordonnance du 4 juillet 2005 fixe un régime unifié de la filiation, quel que soit le "cadre" dans lequel l'enfant a été conçu. Ainsi que le rappelle Dominique Piwnica cette suppression est la suite logique des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme (3), fustigeant la discrimination résultant des deux statuts, fondée sur aucune justification objective raisonnable. Pour autant, le texte a conservé la spécificité propre à la filiation légitime : la présomption de paternité (pater is est), fixée à l'article 312 du Code civil (N° Lexbase : L8883G9U). Le texte pose le principe selon lequel "l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari" (4).

La loi du 16 janvier 2009 aménage cette présomption de façon chronologique (C. civ., art. 313 N° Lexbase : L5813ICB) ; la présomption de paternité sera écartée :
- lorsque l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en qualité de père ;
- ou, lorsque l'enfant est conçu pendant une période de séparation légale.

La présomption sera, toutefois, rétablie :
- de plein droit, si l'enfant a la possession d'état à l'égard du mari et s'il n'a pas une filiation paternelle déjà établie à l'égard d'un tiers (C. civ., art. 314 N° Lexbase : L5826ICR) ;
- en justice (C. civ., art. 315 N° Lexbase : L5828ICT), l'action étant ouverte aux époux, durant la minorité de l'enfant, et à celui-ci, pendant les dix années qui suivent sa majorité.

Le mari pourra, également, reconnaître l'enfant (C. civ., art. 315), sous réserve que celui-ci n'ait pas été préalablement reconnu par un autre (C. civ., art. 320 N° Lexbase : L8822G9M).

2 - La filiation établie par la reconnaissance volontaire

Dominique Piwnica a souligné l'importance de l'obligation du père, pour le cas du couple non marié, de reconnaître son enfant pour établir la filiation. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation l'illustre : la simple indication de la filiation du défunt dans un acte de décès ne peut valoir reconnaissance (Cass. civ. 1, 14 janvier 2009, n° 07-11.555, FS-P+B N° Lexbase : A3382ECA).

En application de l'article 316 du Code civil (N° Lexbase : L8817G9G), la reconnaissance prénatale est valable, étant précisé que celle-ci peut intervenir même dans le cadre d'un accouchement sous X (Cass. civ. 1, 7 avril 2006, n° 05-11.285, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9588DNG).

L'article 320 du Code civil reprend la règle de chronologie de la filiation : "tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait". Le conflit de filiation positive est, quant à lui, réglé par l'article 336-1 du Code civil (N° Lexbase : L5821ICL) : "lorsqu'il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l'officier de l'état civil compétent [...] établit l'acte de naissance au vu des informations communiquées par le déclarant et en avise sans délai le procureur de la République". Celui-ci élève le conflit de paternité sur le fondement de l'article 336 (N° Lexbase : L8872G9H) (5). Ce texte vise, notamment, le cas d'une reconnaissance prénatale effectuée par une autre personne que le mari, censé bénéficier de la présomption de paternité. Le conflit sera, alors, tranché, ainsi que l'indique l'intervenante, par le jeu de l'article 332 (N° Lexbase : L8834G93), aux termes duquel, "la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père". La preuve consistera, ici, le plus souvent, par une expertise biologique. Celle-ci, selon la Haute juridiction, est de droit en matière de filiation (notamment, cf. Ass. plén., 23 novembre 2007, n° 05-17.975, M. Bernard Romero c/ M. Bernard Trouillet, P+B+R+I N° Lexbase : A9299DZG (6)).

3 - La filiation par possession d'état

En application de l'article 311-1 du Code civil (N° Lexbase : L8856G9U), la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Celle-ci doit être continue, paisible, publique et non équivoque (C. civ., art. 311-2 N° Lexbase : L8857G9W). Elle peut faire l'objet de la délivrance d'un acte de notoriété (C. civ., art. 317 N° Lexbase : L5805ICY).

La loi du 16 janvier 2009, par rapport à l'ordonnance du 4 juillet 2005, apporte deux éléments nouveaux au régime de l'acte de notoriété :
- le délai de cinq ans prévu pour la délivrance de l'acte court à compter de la cessation de la possession d'état ;
- et la possession d'état prénatale est expressément prévue.

B - Le contentieux de la filiation

L'ordonnance du 4 juillet 2005 est une véritable révolution, en ce qu'elle a, selon Dominique Piwnica -et de l'avis unanime de la doctrine-, simplifié les actions relatives à la filiation, harmonisé les régimes juridiques et sécurisé les liens. Les avantages du dispositif prévu aux articles 318 (N° Lexbase : L8819G9I) à 337 du Code civil, relatifs au contentieux de la filiation, résultent, en réalité, de la suppression de la distinction entre la filiation légitime et la filiation naturelle. La réforme, si elle touche, également, d'autres points, tels l'accouchement sous X, a laissé à la loi sur la bioéthique (loi n° 2004-800 du 6 août 2004, relative à la bioéthique N° Lexbase : L0721GTU), qui fait actuellement l'objet de travaux, le soin de régler les questions de la gestation pour autrui et de l'homoparentalité.

1 - Le dispositif mis en place par les articles 318 et suivants du Code civil

L'article 320 du Code civil, introduit par l'ordonnance du 4 juillet 2005, permet, à lui seul, de simplifier considérablement les conflits de filiation. La réduction des délais de prescription de trente ans à dix ans (C. civ., art. 321 N° Lexbase : L8823G9N) et la suppression de la plupart des fins de non-recevoir y contribuent également. Les seules fins de non-recevoir désormais permises sont celles relatives :
- à l'inceste absolu ;
- à la filiation établie antérieurement ;
- et à l'action en contestation de filiation dans le cas d'une procréation médicalement assistée.

Les actions en établissement de filiation sont soit fondées sur le lien biologique, soit fondées sur le lien sociologique. Les premières sont de trois sortes :
- l'action en établissement de la filiation maternelle (C. civ., art. 325 N° Lexbase : L5825ICQ), sauf à ce que la mère ait demandé, lors de l'accouchement, que son admission et son identité soient tenus secrètes (C. civ., art. 326 N° Lexbase : L8828G9T) ;
- l'action en établissement de la filiation paternelle (C. civ., art. 327 N° Lexbase : L8831G9X) ;
- et l'action en rétablissement de la présomption de paternité.

Les secondes relèvent du domaine de la possession d'état.

Les actions en contestation de la filiation sont régies par les articles 332 (N° Lexbase : L8834G93) et suivants du Code civil : la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant et la paternité, en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. La prescription est de cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. En outre, seul le ministère public, peut contester la filiation, lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement. Enfin, à défaut de possession d'état conforme au titre, la prescription est ramenée à cinq ans, toute personne ayant un intérêt étant autorisée à agir.

L'action est introduite devant le tribunal de grande instance, qui statue sur la filiation et, s'il y a lieu, sur l'exercice de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom (C. civ., art. 331 N° Lexbase : L8833G9Z).

2 - L'accouchement sous X

La loi du 16 janvier 2009 a supprimé la fin de non-recevoir relative à l'accouchement sous X. Sous le régime antérieur, la Cour européenne des droits de l'Homme avait statué sur la conformité du dispositif français avec la Convention européenne des droits de l'Homme, notamment son article 8 (N° Lexbase : L4798AQR), relatif au respect de la vie privée (CEDH, 10 janvier 2008, Req. 35991/04, Kearns c/ France N° Lexbase : A2492D3P (7)). La Cour a, en effet, estimé que le délai de rétractation et l'information délivrée à la mère sont suffisantes. Pour autant, selon Dominique Piwnica, la France devait redouter une censure de la part de la Cour de Strasbourg, pour discrimination entre les hommes et les femmes, puisque seules ces dernières étaient "couvertes" par une fin de non recevoir.

Une telle suppression vide de sa substance la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002, relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (N° Lexbase : L1434AWZ), puisqu'elle risque d'inciter les personnes accouchant sous X à ne plus délivrer aucune information les concernant à destination de l'enfant en quête de ses origines.

3 - La gestation pour autrui

Dans le cadre des travaux relatifs à la loi sur la bioéthique (8), la question se pose du maintien de la prohibition de la gestation pour autrui, visée à l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE). La conception française veut que la grossesse et l'accouchement soient l'alpha et l'oméga de la maternité, ceci même dans le cadre de la procréation médicalement assistée. La gestation pour autrui a, dès lors, toujours été censurée, que ce soit par le législateur, ou par les juges. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a, ainsi, jugé que cette pratique est contraire aux principes d'ordre public d'indisponibilité du corps humain et d'indisponibilité de l'état des personnes (Ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105, Procureur général près la Cour de cassation N° Lexbase : A7573AHX).

L'article 16-7 du Code civil prohibe toute convention portant sur la création ou la gestation pour le compte d'autrui, mais ne vise pas la reconnaissance de la filiation. Celle-ci n'est, toutefois, pas permise non plus. La Cour de cassation (Cass. civ. 1, 17 décembre 2008, n° 07-20.468, FS-P+B+I N° Lexbase : A8646EBT (9) et lire A. Gouttenoire, Enfant issu d'une convention de mère porteuse : ordre public : 1 - intérêt de l'enfant : 0, Lexbase Hebdo n° 346 du 16 avril 2009 - édition privée générale N° Lexbase : N0216BK9) a eu à trancher le cas d'époux partis en Californie pour recourir à la gestation pour autrui. Ceux-ci ont demandé au consulat français l'inscription de la filiation sur les registres d'état civil français, l'acte étranger de filiation faisant foi. Ils se sont vu opposer un refus du consulat, jugé légitime par les magistrats, qui soulignent que la demande d'inscription résultait d'une convention de mère porteuse. Cette décision a récemment été confirmée par la cour d'appel de renvoi, dans un arrêt du 26 février 2009 (CA Paris, 1ère ch., sect. C, 26 février 2009, n° 07/18559, M. William Ajzner et autres c/ Ministère public N° Lexbase : A6272EDN (10)).

4 - L'homoparentalité

La Cour de cassation refuse, dans le cadre de l'homoparentalité, la possibilité pour la compagne de la mère de l'enfant, qui n'a pas de filiation établie à l'égard du père, de procéder à une adoption simple, car celle-ci aurait pour effet de priver la mère naturelle de son autorité parentale (Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 04-15.676, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2536DUH (11) et lire N. Baillon-Wirtz, Le couple homosexuel et l'homoparentalité à l'épreuve de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 254 du 28 mars 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3857BA4). En effet, l'exception prévue par l'article 365 du Code civil (N° Lexbase : L2884ABG) n'est possible que pour les personnes mariées. En outre, la délégation ou le partage de l'autorité parentale est antinomique et contradictoire avec l'adoption demandée, qui a pour effet de conférer l'autorité parentale au seul adoptant.

II - La filiation appréhendée sous l'angle du droit international privé

Face à un contentieux présentant des aspects internationaux, l'avocat doit, selon Frédérique Bozzi, se poser deux questions préalables :
- quelle est la compétence internationale ? (A) ;
- et quelle est la loi applicable au fond du litige ? (B).

A - Détermination de la compétence internationale

Pour savoir quel juge est compétent, il faut se reporter aux dispositions de l'article 42 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2654ADN), selon lesquelles la juridiction compétente est celle du lieu du domicile du défendeur ou, à défaut, du lieu de sa résidence. L'application de ce texte ne sera écartée, que si l'avocat revendique les dispositions de l'article 14 du Code civil (N° Lexbase : L3308AB7) (12) ou de l'article 15 (N° Lexbase : L3310AB9) du Code civil (13).

B - Détermination de la loi applicable au fond du litige

Il s'agit, ici, comme l'indique Frédérique Bozzi, de déterminer la règle de conflit applicable, qui, elle-même, désignera la loi permettant de trancher le fond du litige, sauf à ce que celle-ci ne soit pas compatible avec la conception française de l'ordre public international.

1 - Règle de conflit et droit applicable au fond du litige

La règle de conflit applicable est celle édictée à l'article 311-14 du Code civil (N° Lexbase : L8858G9X) : la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant.

Ce principe connaît, toutefois, quelques tempéraments, concernant, notamment, le cas de la mère réfugiée (la loi nationale de la mère cesse de s'appliquer à compter de la demande de dépôt du statut, dès lors que cette demande est acceptée) ou celui de la mère qui a changé de nationalité (s'applique, alors, la loi de l'état dont la mère a la nationalité au jour de la naissance de l'enfant). En outre, l'article 311-15 du Code civil (N° Lexbase : L8859G9Y) soumet à la loi française tout litige ayant trait à la possession d'état. Enfin, les dispositions de l'article 317 de ce code (N° Lexbase : L8860G9Z) demeurent d'application : "la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant". Le système est, ici, alternatif. La contestation portant sur une filiation établie par reconnaissance doit pouvoir être fondée sur la loi de son auteur et sur celle de l'enfant (qui sera, la plupart du temps, la loi de la mère).

Une fois la loi étrangère déterminée, il faut, encore, apporter la preuve de son contenu, mission qui appartient au juge, avec la collaboration des parties.

Enfin, il faut garder à l'esprit que le domaine de la loi étrangère ne s'étend pas à toutes les questions à la périphérie de la filiation, telles la nature et la forme de la procédure, l'admission de la preuve, l'aide juridictionnelle ou encore, le déroulement de la procédure.

2 - Exclusion des règles étrangères incompatibles avec la conception française de l'ordre public international

Il arrive que la teneur de la loi étrangère ne soit pas compatible avec la conception française de l'ordre public international. Dans cette matière, trois idées fortes dominent :
- l'accès de l'enfant à la vérité sur sa filiation ;
- la protection de la stabilité du lien familial ;
- le respect du corps humain et des droits de la personne.

L'ordre public international de la filiation reste en construction, la Cour européenne des droits de l'Homme jouant un rôle essentiel dans la détermination de son contenu. Celle-ci n'est, comme sur bien d'autres sujets, pas toujours en accord avec les décisions rendues par le juge français (notamment, sur la question de l'exhumation aux fins de procéder à une expertise biologique).

Seront considérées comme contraires à l'ordre public, concernant les actions en contestation des liens de filiation, les lois qui interdisent purement et simplement aux personnes de contester ou qui les restreignent au point d'empêcher l'enfant d'accéder à la vérité sur ses origines. Il en ira ainsi des lois qui dispensent le père de rapporter la preuve de sa non-paternité (cas de certains pays du Moyen-Orient). Concernant les actions en rétablissement des liens de filiation, seront, notamment, contraires à l'ordre public, celles qui interdisent la recherche en maternité ou en paternité ou celles qui interdisent la reconnaissance de l'enfant adultérin.


(1) Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation (N° Lexbase : L8392G9P).
(2) Loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation (N° Lexbase : L5763ICG) ; lire les obs. d'A. Gouttenoire, La ratification de l'ordonnance relative à la filiation : une réforme de la réforme..., Lexbase Hebdo n° 334 du 22 janvier 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N3634BIG).
(3) CEDH, 13 juin 1979, Req. 6833/74, Marckx c/ Belgique (N° Lexbase : A8858DMZ).
(4) Cette présomption n'a pas été étendue au PACS, malgré l'obligation de toit commun et la quasi-obligation (posée par la jurisprudence) de fidélité.
(5) C. civ., art. 336 : "La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi".
(6) Lire les obs. de D. Bakouche, L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N3591BDD), et les obs. d'E. Vergès, in La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II , Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007- édition privée générale (N° Lexbase : N3670BDB).
(7) Lire les obs. d'A. Gouttenoire, Le consentement de la femme qui accouche sous X doit être libre et éclairé, Lexbase Hebdo n° 297 du 20 mars 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N4397BEL).
(8) Lire les obs. d'Anne-Laure Blouet Patin, Révision de la loi de bioéthique : les points qui font débat, Lexbase Hebedo n° 349 du 7 mai 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0586BKW).
(9) Lire les obs. d'A. Gouttenoire, Mère porteuse : la Cour de cassation soutient l'action du ministère public, Lexbase Hebdo n° 332 du 8 janvier 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N2211BIQ).
(10) Lire les obs. d'A. Gouttenoire, Enfant issu d'une convention de mère porteuse : ordre public : 1 - intérêt de l'enfant : 0, Lexbase Hebdo n° 346 du 16 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0216BK9).
(11) Lire les obs. de N. Baillon-Wirtz, Le couple homosexuel et l'homoparentalité à l'épreuve de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 254 du 28 mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N3857BA4).
(12) C. civ., art. 14 (N° Lexbase : L3308AB7) : "L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français et il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français".
(13) C. civ., art. 15 (N° Lexbase : L3310AB9) : "Un français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger".

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La victime d'un accident du travail intentionnellement provoqué par un autre salarié peut bénéficier du régime d'indemnisation des victimes d'infractions : attention, un revirement peut en cacher un autre

Réf. : Cass. civ. 2, 7 mai 2009, deux arrêts, n° 08-15.738, FS-P+B (N° Lexbase : A9814EGL) et n° 08-15.739, FS-D (N° Lexbase : A9815EGM)

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N4434BKG

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Après avoir médité l'adage pendant quelques mois, la deuxième chambre civile a décidé, dans deux arrêts en date du 7 mai 2009, de revenir sur une décision extrêmement contestable rendue en 2008 (1) et qui avait interdit à la victime d'un accident du travail, provoqué par la faute intentionnelle d'un préposé, d'invoquer le bénéfice du régime d'indemnisation des victimes d'infractions pour parvenir à la réparation intégrale de ses préjudices (I). La solution doit être pleinement approuvée et l'effort pour repenser l'articulation avec le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail mené jusqu'à son terme, afin d'admettre purement et simplement le cumul, en toute circonstances, bien entendu dans la limite du principe de réparation intégrale (II).
Résumé

Les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions sont applicables aux victimes d'un accident du travail imputable à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés.

Commentaire

I - Le recours, désormais admis, au régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'un accident du travail intentionnellement causé par un préposé

  • Régimes en cause

L'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4467ADS) interdit, par principe, à la victime indemnisée par la Sécurité sociale, au titre de la législation spécifique aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, d'invoquer, contre son employeur et ses collègues de l'entreprise, les dispositions du "droit commun". Ce principe supporte certaines exceptions légales auxquelles renvoie, d'ailleurs, l'article L. 451-1 lui-même, en présence d'une faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses substitués, d'un tiers impliqué dans l'accident ou la maladie, d'accident de trajet ou d'accident de la circulation professionnel qui survient sur une voie ouverte à la circulation publique et dans un véhicule dont l'employeur, ou l'un de ses préposés, est gardien.

La détermination du "droit commun", auquel renvoie l'article L. 451-1, a fait, classiquement, difficulté et la jurisprudence s'est résolue à interpréter cette notion largement en y englobant tous les régimes de responsabilité civile et d'indemnisation extérieurs au Code de la Sécurité sociale, qu'il s'agisse de la loi dite "Badinter" du 5 juillet 1985, relative à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9) (2), ou aux dispositions des articles 706-3 (N° Lexbase : L5612DYI) et suivants du Code de procédure pénale, relatives à l'indemnisation des victimes d'infractions pénales (3).

  • Problème juridique propre à la faute intentionnelle

Au-delà du caractère éminemment discutable de l'exclusion du régime d'indemnisation des victimes d'infractions admise depuis 2003, se pose la question particulière des règles applicables à l'indemnisation de la victime lorsque l'accident du travail résulte de la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés.

Dans cette hypothèse, et comme le prévoit expressément, d'ailleurs, l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, la victime est autorisée à invoquer le "droit commun" à son profit (4). Exclu par principe en présence d'un accident du travail "ordinaire" en raison de son appartenance au "droit commun" de l'article L. 451-1 que la victime ne peut invoquer, le régime d'indemnisation des victimes d'infractions devait logiquement redevenir applicable, avec le "droit commun" de l'article L. 452-5 (N° Lexbase : L5304ADS), en présence d'une faute intentionnelle ; il ne saurait logiquement y avoir deux notions distinctes du "droit commun" au sein du même régime d'indemnisation.

Pourtant, en dépit du caractère imparablement logique de cette conclusion, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait choisi, dans un arrêt en date du 7 février 2008, de maintenir l'exclusion du régime d'indemnisation des victimes d'infraction, y compris en présence d'une faute intentionnelle, après avoir relevé, d'une manière lapidaire, que "les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions ne sont pas applicables aux victimes d'un accident du travail, même en cas de faute intentionnelle de l'employeur ou du préposé" (5).

  • Une exclusion critiquable

Comme nous avions eu l'occasion de l'écrire à l'époque, cette solution était non seulement illogique, le régime d'indemnisation des victimes d'infractions ne pouvant, à la fois, être inclus et exclu de la catégorie du "droit commun" visé par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, mais aussi terriblement inopportune en ce qu'elle prive la victime de la réparation intégrale de son préjudice, sous prétexte qu'elle est, par ailleurs, indemnisée par la Sécurité sociale, créant ainsi une terrible discrimination entre les victimes d'infractions qui n'a pas été voulue par le législateur (6).

  • Un revirement exemplaire

On saura gré, dans ces conditions, à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation d'avoir rectifié sa jurisprudence aussi rapidement (7) dans deux décisions rendues le même jour portant sur deux affaires identiques jugées par la même cour d'appel (8). Deux séries d'éléments plaidaient en faveur de ce revirement, indépendamment du principal grief tiré du caractère illogique et injuste de la position adoptée en 2008.

En premier lieu, de nombreuses juridictions du fond étaient entrées en résistance, ce qui démontrait que la Cour de cassation allait éprouver les plus grandes difficultés à imposer pareille solution.

En second lieu, les faits de l'espèce rendaient la tâche plus facile, parce que plus évidents encore apparaissaient les inconvénients de la position adoptée en 2008. Ces faits étaient, tout d'abord, particulièrement odieux puisque les victimes, placées sous un régime de curatelle, indiquant par là-même qu'elles devaient souffrir d'une légère altération de leurs facultés mentales, avaient été victimes d'un viol et d'agressions sexuelles, perpétrés par leur supérieur hiérarchique, et n'avaient, de surcroit, pas été indemnisées du tout par la Sécurité sociale à laquelle elles n'avaient rien demandé (9). Comment, dans ces conditions, fermer la porte du régime d'indemnisation des victimes d'infractions alors que si le viol avait été commis dans un contexte non professionnel, ces deux femmes auraient été normalement indemnisées ?

II - L'extension souhaitable du principe du cumul même en l'absence d'une faute intentionnelle

  • La nécessité de lever plusieurs doutes sur la portée du revirement

Plusieurs questions subsistent à la lecture de l'arrêt.

  • Le doute sur la portée de la décision : principe d'option ou principe de cumul ?

Le premier doute concerne le rôle joué par les circonstances de l'espèce dans l'élaboration de la décision et, singulièrement, le fait que, dans l'une des affaires au moins, la victime n'avait pas été indemnisée par la Sécurité sociale au titre de la législation professionnelle, avant de saisir une Commission d'indemnisation des victimes d'infractions. S'agit-il, ici, d'une simple circonstance de fait n'altérant pas la portée de la solution admise ou, au contraire, d'une véritable condition limitant implicitement la possibilité reconnue à la victime d'un accident du travail d'invoquer le bénéfice du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en cas de faute intentionnelle ? En d'autres termes, la Cour de cassation pourrait appliquer la solution lorsque la victime n'a pas sollicité d'indemnisation auprès de la Sécurité sociale, mais pas lorsqu'elle a préalablement été indemnisée par celle-ci ; serait donc admis le principe d'une option entre les deux régimes, mais pas celui d'un cumul.

Il ne nous semble pas que cette interprétation restrictive doive prévaloir et que la solution autorise bien le cumul.

Au-delà de la question de l'opportunité douteuse qu'il y aurait à restreindre, ainsi, la portée de la règle nouvelle, il nous semble que telle n'est pas l'intention de la Cour qui n'a pas fait apparaître cette circonstance dans la justification du rejet. Il s'agirait donc d'une simple circonstance de fait n'affectant pas le sens et la portée de la règle de droit appliquée. L'admission du cumul, qui nous semble résulter directement des deux décisions, ne pose, d'ailleurs, pas de problème particulier puisqu'il s'agit simplement de compléter les indemnités versées par la Sécurité sociale jusqu'à réparation intégrale de l'intégralité des chefs de préjudice, ce qui englobe les préjudices personnels et la fraction de la perte des revenus professionnels affectée par la méthode de calcul de la rente-loi (10).

  • Le doute sur la vocation prioritaire du régime professionnel

La solution conduit, en second lieu, à s'interroger sur la subsistance de la priorité accordée au régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladie professionnelle sur le régime d'indemnisation des victimes d'infractions, priorité fondée sur le caractère "d'ordre public" des dispositions du Code de la Sécurité sociale (11).

Or, pareille priorité n'a pas été évoquée dans les deux arrêts rendus le 7 mai 2009, alors, pourtant, qu'elle était en cause, puisque la salariée n'avait pas saisi la Sécurité sociale de demandes d'indemnisation au titre de la législation sur les accidents du travail. Même si nous sommes personnellement très favorables à l'abandon de toute idée d'ordre de priorité entre ces deux régimes d'indemnisation, et que cet abandon s'évince naturellement des deux décisions commentées, il convient de demeurer prudent et d'attendre que la question soit directement posée à la Haute juridiction qui pourrait vouloir épargner au FGVAT les démarches et risques d'une action récursoire contre la Sécurité sociale.

  • Le doute sur le cantonnement de la nouvelle jurisprudence à la seule hypothèse d'une faute intentionnelle

En l'état actuel de la jurisprudence, tout cumul est impossible entre le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et celui des victimes d'infraction, dès lors que la législation professionnelle exclut le recours au droit commun contre l'employeur. La prohibition suppose, toutefois, que l'on soit en situation de cumul possible, c'est-à-dire que la victime relève potentiellement des deux régimes. Si elle ne peut prétendre au régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail, par exemple, parce qu'elle n'appartient pas à la catégorie des "ayants droits" au sens où l'entend le livre IV du Code de la Sécurité sociale, alors elle pourra normalement bénéficier du dispositif propre aux victimes d'infractions (12).

Cette impossibilité est justifiée par la Cour de cassation, d'une part, par la priorité accordée au régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et des maladies professionnelles et, d'autre part, par l'assimilation du régime d'indemnisation des victimes d'infraction au "droit commun" exclu par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale. Cet interdit peut, également, s'expliquer par le fait qu'en permettant à la victime d'être indemnisée par le FGVAT, la jurisprudence exposerait ce dernier à des charges financières irrécupérables puisqu'agissant dans le cadre de la subrogation dans les droits de la victime indemnisée, le FGVAT se heurterait à l'immunité protégeant l'employeur et le salarié dès lors que les conditions d'application de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale seraient réunies (13).

Pourtant, nous pensons que cette extension devrait logiquement s'imposer et ce, pour différentes raisons.

  • Plaidoyer en faveur d'une extension des solutions admises en l'absence de faute intentionnelle : la justice

Le premier argument qui milite en ce sens est évident : il est injuste de priver les victimes d'infractions des droits qu'elles tirent des dispositions du régime spécial sous prétexte que cette infraction constitue, par ailleurs, un accident du travail. D'ailleurs, c'était le sens de la jurisprudence avant le revirement intervenu en 2003, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ayant justement relevé, à l'époque, que "l'article 706-3 du Code de procédure pénale n'interdit pas aux victimes d'accidents du travail de présenter une demande d'indemnisation du préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction" (14). Or, cette lecture nous semble exacte, ne serait-ce que parce que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ne figurent pas dans la liste d'exclusion de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (15).

  • La notion de "droit commun"

On sait que l'exclusion repose sur une conception historiquement très large du "droit commun" visé à l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, formule héritée de la loi du 9 avril 1898 qui excluait, de manière plus explicite sans doute, "d'aucunes dispositions autres que celles de la présente loi" (16). Il nous semble que le changement de formulation intervenu en 1945 est loin d'être anodin et qu'il doit, au contraire, produire pleinement son effet, en cantonnant l'exclusion aux seules dispositions du Code civil, à l'exclusion des régimes d'indemnisation, à plus forte raison lorsque leur création est postérieure à 1945. Or, la création du régime d'indemnisation des victimes d'infractions résulte d'une loi du 3 janvier 1977 (17) et ce régime ne pouvait donc être exclu par un article de code qui lui est antérieur de plus de trente ans.

  • La volonté de sauvegarder l'intérêt économique du FGVAT insuffisante pour justifier la solution

Dans ces conditions, ce n'est pas dans le désir de sauvegarder les grands équilibres du régime d'indemnisation des victimes de dommages professionnels qu'il faut rechercher le fondement de la solution, mais dans des raisons propres au régime d'indemnisation des victimes d'infractions. Or, dans la mesure où ce régime n'écarte pas les victimes de dommages professionnels, pourquoi empêcher ces victimes d'être indemnisées (18) ? Certes, le Fonds ne disposera d'aucun recours contre l'employeur et devra donc supporter définitivement la charge des indemnités complémentaires versées aux victimes. Mais, non seulement, c'est le propre d'un régime de solidarité que d'assumer ce risque financier, mais, de surcroît, la situation n'est pas différente lorsque le dommage résulte de faits commis par une personne non identifiée.


(1) Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 07-10.838, FS-P+B (N° Lexbase : A7323D4Y) et nos obs., Les victimes d'accidents du travail injustement privées du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'une faute intentionnelle, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1900BE4), Dr. soc., 2008, p. 506, obs. P. Chaumette : Resp. civ. et assur., 2008, comm. 139, obs. H. Groutel.
(2) Ass. plén., 22 décembre 1988, n° 86-91.864, M. Delestre et autre (N° Lexbase : A4001AGB), JCP éd. G, 1989, II, 21236, concl. Monnet, note Y. Saint-Jours ; JCP éd. G, 1989, I, 3402, chron. N. Dejean de la Batie ; Resp. civ. et assur., 1989, chron. 23, H. Groutel ; RTDCiv., 1989, p. 333, note P. Jourdain.
(3) Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGVAT) c/ M. Nicolas Brevot, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8229BSL), Bull. civ. II, n° 138, Resp. civ. et assur., 2003, chron. 23, H. Groutel, Dr. soc., 2003, p. 788, note P. Chaumette ; Cass. civ. 2, 23 octobre 2003, n° 02-16.580, M. Saïd Fadili c/ Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, FS-P+B (N° Lexbase : A9452C9X), D., 2004, p. 834, note Y. Saint-Jours ; Cass. civ. 2, 16 décembre 2004, n° 03-17.701, Mme Claire Clément, épouse Gery c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGVI), F-D (N° Lexbase : A4816DE4), RSC, 2005, p. 318, obs. Cerf-Hollander ; Cass. civ. 2, 3 février 2005, n° 04-10.629, M. Antonio Duarte c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGVI), F-D (N° Lexbase : A6400DG7) ; Cass. civ. 2, 22 septembre 2005, n° 04-15.513, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c/ M. Yannick Chotard, F-D (N° Lexbase : A5209DK7) ; Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-10.110, F-D (N° Lexbase : A6919DTG) ; Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811, Mutuelle assurance des instituteurs de France (Maif), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2841DUR) et les obs. de Ch. Willmann, Le régime des accidents du travail - maladies professionnelles exclut l'action en réparation de droit commun, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2991BAZ) ; Cass. civ. 2, 25 octobre 2007, n° 06-19.860, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGVTI), F-D (N° Lexbase : A8539DYW).
(4) CSS, art. L. 452-5 (N° Lexbase : L5304ADS).
(5) Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 07-10.838, FS-P+B (N° Lexbase : A7323D4Y) et nos obs., Les victimes d'accidents du travail injustement privées du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'une faute intentionnelle, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1900BE4), Dr. soc., 2008, p. 506, obs. P. Chaumette, Resp. civ. et assur., 2008, comm. 139, obs. H. Groutel.
(6) Rappelons que les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ne relèvent ni de la liste des exclusions du 1° de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, qui vise "l'article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 (loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 N° Lexbase : L5178AR9), ni de l'article L. 126-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0938HH9), ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (N° Lexbase : L7887AG9), et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles".
(7) La solution inaugurée en février 2008 n'avait été confirmée qu'à deux reprises dans deux décisions non publiées : Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-10.279, F-D (N° Lexbase : A4813D7E) et Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-11.124, F-D (N° Lexbase : A4889D79).
(8) Rendus le même jour : Cass. civ. 2, 7 mai 2009, n° 08-15.739, FS-D (N° Lexbase : A9815EGM) : agressions sexuelles de la part de son supérieur hiérarchique sur une salariée également en curatelle ; même entreprise, même agresseur (rejet de Douai, 13 mars 2008).
(9) A tout le moins pour les faits visés dans l'arrêt publié.
(10) Le pourcentage déterminant la perte de capacité professionnelle est divisé par deux pour les points inférieurs ou égaux à 50 % et multipliés par moitié pour les points supérieurs à 50 %. Ainsi, le salarié qui subit une perte de capacité professionnelle de 60 % percevra une rente correspondant à 40 % du revenu de référence [(50/2) + (10x1,5)]. Le salarié qui subit une incapacité de 100 % sera indemnisé à 100 % [(50/2) + (50x1,5)].
(11) Dernièrement Cass. civ. 2, 11 septembre 2008, n° 07-18.171, F-D (N° Lexbase : A1322EA9).
(12) Principe acquis depuis l'arrêt "Carlat", qui retient de l'ayant droit une conception strictement entendue au sens du droit de la Sécurité sociale (Ass. plén., 2 février 1990, n° 89-10.682, Mme Rodriguez [LXB= A4207AA3], Dr. soc., 1990, p. 449, concl. Joinet ; JCP éd. G, 1990, II, 21558, note Y. Saint-Jours ; RTDCiv., 1990, p. 294, obs. P. Jourdain ; RTDCiv., 1991, p. 306 et s., obs. J. Hauser) et appliquée à la situation des victimes d'infractions dans une décision également rendue le 7 mai 2009 ( Cass. civ. 2, 7 mai 2009, n° 07-19.365, FS-P+B N° Lexbase : A9699EGC) : "peuvent être indemnisées, selon les dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, les victimes exclues du bénéfice de la législation sociale applicable aux accidents du travail".
(13) C. pr. pén., art. 706-11 (N° Lexbase : L9596IAN).
(14) Cass. civ. 2, 18 juin 1997, n° 95-11.223, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c/ M. Sorribes et autres, publié (N° Lexbase : A0301AC7), Bull. civ., II, n° 191, p. 112, Resp. civ. et assur., 1997, chron. 21, H. Groutel.
(15) Préc., note 6.
(16) Article 2.
(17) Loi n° 77-5 du 3 janvier 1977, garantissant l'indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d'une infraction (N° Lexbase : L8214HI3).
(18) En ce sens, voir les critiques de G. Viney, Traité de droit civil. Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3ème éd., 2008, p. 359.


Décisions

1° Cass. civ. 2, 7 mai 2009, n° 08-15.738, FS-P+B (N° Lexbase : A9814EGL)

Rejet, CA Douai, 3ème ch., 13 mars 2008

Textes visés : CSS, art. L. 452-5 (N° Lexbase : L5304ADS) ; C. pr. pén., art. 706-3 (N° Lexbase : L5612DYI)

Lien base :

2° Cass. civ. 2, 7 mai 2009, n° 08-15.739, FS-D (N° Lexbase : A9815EGM)

Textes visés : CSS, art. L. 451-1(N° Lexbase : L4467ADS) et art. L. 452-5 (N° Lexbase : L5304ADS) ; C. pr. pén., art. 706-3 (N° Lexbase : L5612DYI)

Rejet, CA Douai, 3ème ch., 13 mars 2008

Lien base :

newsid:354434

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Abus du droit de grève et désorganisation de l'entreprise : la Cour de cassation gagne(rait) en clarté ?

Réf. : Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-41.337, Société Rieffel bâtiment, F-D (N° Lexbase : A9857EG8)

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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Successivement délit pénal puis faute civile, le très médiatique droit de grève est, aujourd'hui, faut-il le rappeler, un droit constitutionnel garanti par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), entre autres principes "particulièrement nécessaires à notre temps". Cette mutation qui, si elle fût lente, n'en est pas pour le moins étonnante, ne saurait, cependant, mettre un terme à l'ambivalence de la notion. Le même préambule précise, en effet, par ailleurs, que ce droit inhérent à chaque salarié doit s'exercer dans le cadre des lois qui le règlementent. Or, en la matière, assez paradoxalement d'ailleurs, le législateur n'est que rarement intervenu -tout au moins dans le secteur privé-. Parmi les dispositions importantes, on pourra, cependant, relever l'énigmatique article L. 2141-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2149H9H) qui, s'il est tout à fait clair dans sa rédaction, n'en continue pas moins de poser certaines difficultés dans la pratique : l'exercice du droit syndical et, notamment, de la grève, est reconnu dans toutes les entreprises sous condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution et, en particulier, la liberté individuelle du travail, et la simplicité ainsi évoquée de s'avérer fort complexe en situation de crise. En témoigne un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 mai 2009. Certes, le contexte pourrait se prêter à une conception restrictive de la notion d'abus du droit de grève, pour autant, c'est la notion même d'exercice normal du droit de grève qui pourrait en pâtir. En effet, il ne s'agit pas moins de concilier, ici, des principes a priori antinomiques que sont l'exercice du droit de grève, la liberté de travailler et celle, non moins importante, d'entreprendre. Or, faute d'une intervention législative, la Chambre sociale se voit une nouvelle fois contrainte de statuer au cas par cas.
Résumé

Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans dénaturation des constats d'huissiers produits, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que les salariés grévistes aient empêché d'autres salariés de travailler ou que leurs agissements aient désorganisé l'entreprise. Elle en a déduit, à bon droit, que l'abus dans l'exercice du droit de grève n'étant pas avéré, l'engagement de procédures de licenciement disciplinaire contre les membres du personnel ayant participé au mouvement de grève constituait un trouble manifestement illicite auquel il devait être mis fin.

Commentaire

I - Caractérisation de l'abus de droit : la délicate appréciation de la désorganisation de l'entreprise

  • Désorganisation de l'entreprise et désorganisation de la production

Classiquement, l'abus du droit de grève est caractérisé par la désorganisation de l'entreprise (1), celle-ci s'entendant comme une mise en péril de son existence, ce qui la distingue de la simple désorganisation de la production, qui ne suffit pas à elle seule à rendre le mouvement illicite (2). Ainsi, même une désorganisation importante de la production n'est pas suffisante pour caractériser une grève abusive.

La grève ne dégénère donc en abus que si elle entraîne une véritable désorganisation de l'entreprise (3). La distinction est parfois délicate. En effet, si la notion de désorganisation de l'entreprise n'est pas entendue largement par la Cour de cassation, elle manque, cependant, d'une approche globale, les juges appréciant au cas par cas la "mise en péril" de l'entreprise. Ainsi, alors que la Haute juridiction avait reconnu que les pilotes de ligne doivent assurer la continuité des vols (4), elle considère, dans un autre arrêt, que l'abus du droit de grève n'est pas caractérisé lorsque le commandant de bord a avisé la compagnie suffisamment tôt pour être remplacé, peu important qu'il ait signé le planning de rotation, lequel ne vaut pas engagement de ne pas cesser le travail (5).

Certains arrêts se révèlent, cependant, plus explicites. Ainsi, les juges ont-ils précisé que la désorganisation de l'entreprise doit être manifeste et anormale (6) et, de même qu'elle ne peut être établie par la seule désorganisation de la production, elle ne saurait l'être davantage par le surcoût d'exploitation (7). Pour autant, l'on reste un peu sur sa faim. Gageons que la Cour de cassation, eu égard au contexte économique et social actuel, précise une notion aux contours encore bien flous.

  • Occupation des lieux et piquets de grève

L'occupation des locaux constitue un trouble manifestement illicite et induit un exercice abusif du droit de grève (8). La solution est, somme toute, logique et conforme à l'article L. 2141-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2149H9H) : l'exercice du droit de grève est reconnu dans toutes les entreprises sous condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution. Dès lors, de façon tout aussi cohérente, ne constitue pas un acte abusif une occupation purement symbolique des locaux alors qu'aucune entrave n'a été apportée par les grévistes à la liberté du travail (9).

Obéit au même raisonnement l'installation de piquets de grève : constitue un exercice abusif du droit de grève le fait de bloquer les portes de l'établissement et, par conséquent, d'interdire l'accès de l'usine aux autres salariés (10). En revanche, ne constitue pas un exercice abusif du droit de grève le piquet de grève situé à l'entrée principale de l'entreprise alors que le personnel gardait la possibilité de pénétrer dans l'entreprise par d'autres voies d'accès (11).

Finalement, ce n'est pas tant l'occupation des locaux en elle-même ou l'installation de piquets de grève qui sont abusives, mais davantage l'atteinte portée à la liberté du travail, c'est-à-dire le fait d'empêcher, ou non, l'accès aux locaux aux salariés non-grévistes et de les obliger, ainsi, à ne pas travailler, alors même qu'ils avaient décidé du contraire. L'on rejoint ici la notion de désorganisation de l'entreprise, qui est également étroitement liée à celle de la liberté de travailler. Pour autant, l'entrave à la liberté de travail est-elle seul constitutive d'un abus de droit ? La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 mai 2009, semble répondre par la positive.

  • En l'espèce

Plusieurs salariés, en grève depuis le 10 septembre 2007, ont saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes pour voir annuler la procédure de licenciement engagée à leur encontre, le 28 septembre 2007, et la procédure subséquente. Leur employeur fait grief à l'arrêt confirmatif d'annuler la convocation à l'entretien préalable, ainsi que la procédure subséquente de licenciement, et de le condamner au paiement d'une provision au titre du préjudice subi, alors, selon le moyen, que le blocage des accès des chantiers d'une entreprise et l'obstacle caractérisé à l'entrée et à la sortie des véhicules constituent une forme de désorganisation de l'entreprise qui caractérise un usage abusif du droit de grève. Dès lors, la cour d'appel qui, tout en constatant que les constats d'huissiers des 17, 24 et 27 septembre 2007 faisaient état d'un blocage des accès des différents chantiers de la société et que les sociétés sous-traitantes ne pouvaient, notamment, pas y effectuer leurs livraisons, a conclu qu'ils étaient insuffisants à établir une désorganisation de l'entreprise de nature à mettre celle-ci en péril, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 2511-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0237H9N).

Par ailleurs, l'occupation des lieux de travail, qui se traduit par un blocage par les grévistes des accès à l'entreprise, constitue une entrave à la liberté du travail caractérisant un usage abusif du droit de grève. Dès lors, en affirmant que les constats d'huissiers versés aux débats par la société ne caractérisaient aucune atteinte concertée à la liberté du travail alors qu'il ressortait desdits documents que les grévistes avaient bloqué l'accès des chantiers, que certains d'entre eux étaient arrêtés et pratiquement déserts, ce dont il résultait que les non grévistes n'avaient pu exercer pleinement leur liberté de travailler, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et non équivoque de ces constats, a violé, de surcroît, les dispositions de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1562ABH).

Enfin, l'entrave à la liberté du travail, sous quelque forme que ce soit, constitue nécessairement un abus du droit de grève qu'il appartient à l'employeur de sanctionner. Dès lors, la cour d'appel qui, tout en constatant que la société faisait état de graves pressions psychologiques subies par les salariés non-grévistes, a, néanmoins, conclu qu'elles ne caractérisaient pas des atteintes à la liberté du travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a, une nouvelle fois, violé les dispositions de l'article L. 2511-1 du Code du travail.

  • La solution retenue

La Haute juridiction semble, ici, vouloir couper court à toute polémique en optant pour un attendu aussi court qu'explicite : "mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans dénaturation des constats d'huissiers produits, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que les salariés grévistes aient empêché d'autres salariés de travailler ou que leurs agissements aient désorganisé l'entreprise ; qu'elle en a déduit à bon droit que l'abus dans l'exercice du droit de grève n'étant pas avéré, l'engagement de procédures de licenciement disciplinaire contre les membres du personnel ayant participé au mouvement de grève constituait un trouble manifestement illicite auquel il devait être mis fin".

Certes, l'arrêt rendu par la Chambre sociale le 13 mai dernier n'est pas appelé à la plus haute publication, il pourrait même passer inaperçu tant les décisions relatives au droit de grève risquent d'être nombreuses et le juge, à défaut du législateur, semble avoir posé les jalons d'un droit pourtant sous les feux de l'actualité sociale et donc amené à évoluer. Cependant, il apporte une petite pierre à l'édifice qui pourrait venir simplifier certaines situations en retenant clairement que, à partir du moment où les salariés grévistes n'ont pas empêché d'autres salariés de travailler, il ne saurait y avoir abus de droit. Rarement, il faut le souligner, la Cour de cassation s'est prononcée aussi clairement sur le sujet (12). La référence à la désorganisation de l'entreprise ne semble, ici, pas se suffire à elle-même et devient secondaire.

II - Les conséquences de l'abus de droit : le salarié gréviste perd son immunité

  • L'expulsion des salariés grévistes

Sur le fondement de l'article 809 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC), l'employeur peut avoir recours au juge des référés pour obtenir une ordonnance d'expulsion des grévistes occupant leurs lieux de travail (13). Nous ne nous attarderons pas, ici, sur ce point, qui n'était pas en cause en l'espèce.

  • Licenciement pour faute lourde

En principe, aucun salarié ne peut être licencié ou sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève (C. trav., art. L. 1132-2 N° Lexbase : L0676H9W). Cependant, le Code du travail prévoit, également, que l'exercice du droit de grève peut justifier la rupture du contrat de travail en cas de faute lourde imputable au salarié . Or, la jurisprudence reconnaît de longue date l'abus du droit de grève comme constitutif d'une faute lourde (14).

L'on se trouve, une nouvelle fois, face à certaines incertitudes liées à l'équivocité de la notion de faute lourde dans le droit de la grève. En effet, si, en droit du travail, la faute lourde peut se caractériser par l'intention de nuire, en matière de grève, la jurisprudence a retenu une acception plus large, dans la mesure où l'intention de nuire ne permet pas de faire la distinction entre les fautes commises par les grévistes. S'il ressort de la jurisprudence que la faute lourde doit être personnelle, c'est-à-dire que la participation du salarié doit être clairement établie (15), elle doit être d'une gravité toute particulière, salariés et employeurs étant déjà par définition dans une situation de conflit. Une nouvelle fois, encore, la Cour de cassation apprécie la notion de faute lourde au cas d'espèce. Ainsi, les salariés qui ont personnellement participé à la fermeture des accès de l'usine et qui ont fait obstacle à toute entrée et sortie de véhicules ayant entraîné une désorganisation de l'entreprise ont commis une faute lourde (16). De même, le fait de poursuivre le blocage de l'accès à une entreprise, en dépit d'une décision de justice ordonnant la cessation du trouble, constitue une faute lourde (17). Le comportement abusif des grévistes pendant une grève n'a pas pour effet de rendre le mouvement de grève illicite.

Attention, la faute lourde constitue seulement un motif légitime de licenciement sans préavis, ni indemnités. L'employeur se doit alors de respecter la procédure propre au licenciement disciplinaire.

En l'espèce, l'abus dans l'exercice du droit de grève n'étant pas avéré, l'engagement de procédures de licenciement disciplinaire contre les salariés ayant participé au mouvement de grève constituait un trouble manifestement illicite auquel il devait être mis fin. En effet, le licenciement d'un salarié gréviste en l'absence de faute lourde est nul de plein droit (C. trav., art. L. 2511-1, al. 3). Celui-ci peut demander des dommages et intérêts et, surtout, sa réintégration (18). Il est, également, important de souligner que la salarié ainsi réintégré a droit au versement des salaires qu'il aurait perçus s'il n'avait pas été licencié, sans que l'employeur puisse déduire les salaires ou les revenus de remplacement perçus pendant la même période (19).


(1) Cass. soc., 4 novembre 1992, n° 90-41.899, M. Cherki et autres c/ Société France glaces Findus (N° Lexbase : A3727AAB).
(2) Cass. soc., 30 mai 1989, n° 87-10.994, M. Langlais et autres c/ Société Le Tabac reconstitué industries (N° Lexbase : A1394AAU).
(3) Cass. soc., 18 janvier 1995, n° 91-10.476, Syndicat du livre CGT Toulouse (Haute-Garonne) et autres c/ Société Publicom (N° Lexbase : A1832AA4).
(4) Cass. soc., 25 octobre 1979, n° 78-13.528, Société Uta c/ Syndicat national du personnel navigant commercial SNPNC (N° Lexbase : A1629ABX).
(5) Ass. plén., 23 juin 2006, n° 04-40.289, Société Air France, P+B+R+I (N° Lexbase : A0244DQ4) et les obs. de Ch. Radé, Le droit de grève comme liberté fondamentale du salarié, Lexbase Hebdo n° 222 du 5 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0483ALH).
(6) Cass. soc., 10 juillet 1991, n° 89-43.147, Société auxiliaire d'entreprise de la Région parisienne c/ M. Barreiros (N° Lexbase : A1693AAX).
(7) Cass. soc., 5 juillet 1995, n° 93-20.402, Société nouvelle d'armement transmanche c/ Comité d'entreprise de la Société nouvelle d'armement transmanche (N° Lexbase : A2034AAL).
(8) Cass. soc., 21 juin 1984, n° 82-16.596, Lopez, Ottaviani, Vidal, Brau, Massard, Gilly, Filliol, Duporge c/ SA La Générale Sucrière (N° Lexbase : A0504AAW).
(9) Cass. soc., 26 février 1992, n° 90-40.760, Société Knig levage manutention c/ M. Aignelot (N° Lexbase : A1740AAP).
(10) Cass. soc., 8 décembre 1983, n° 81-14.238, Fontaine et autres c/ Mme Demery et autres (N° Lexbase : A1392AAS).
(11) CE Contentieux, 2 février 1996, n° 152406, Société Etablissements Crocquet (N° Lexbase : A7743AN4).
(12) Cass. soc., 9 mars 2004, n° 02-30.294, M. Frédéric De Jorge c/ Société Stokvis-Blanc, F-D (N° Lexbase : A4925DBZ).
(13) Voir, par exemple, Cass. soc., 1er juillet 1998, n° 96-41.385, M. X et autres c/ Société Sicup (N° Lexbase : A5614ACW).
(14) Cass. soc., 16 décembre 1992, n° 91-41.215, Electricité de France (EDF) et autre c/ M. Mns et autres (N° Lexbase : A3807AAA). Notons, ici, que constituent, également, une faute lourde les actes de violence (comme le fait de frapper un salarié non-gréviste, voir Cass. soc., 26 mai 1981, n° 79-41623, Bouchet c/ SA Entreprises Sauzet, publié N° Lexbase : A0749CKX, ou le fait de séquestrer dans les locaux de l'entreprise les membres de la direction, voir Cass. soc., 18 décembre 2002, n° 00-44.259, F-D N° Lexbase : A4968A4R), et la rétention ou la dégradation de biens.
(15) Cass. soc., 15 mai 2001, n° 00-42.200, Mme Jeanne Atoua c/ Société des bains de mer de Poe, publié (N° Lexbase : A1201AWE).
(16) Cass. soc., 30 juin 1993, n° 91-44.824, M. Le Faou et autres c/ Société Nomel (N° Lexbase : A3867AAH).
(17) Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 95-43.820, M. Charles Bodère c/ Société Sécurité Protection Surveillance Transport SPST (N° Lexbase : A8811AGG).
(18) Cass. soc., 10 octobre 1990, n° 88-41.426, Société Thermo formage méditerranéen (TFM) et autre c/ M. La Rocca et autres (N° Lexbase : A1521AAL).
(19) Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, Société Colas Ile-de-France Normandie SA c/ M. Mohamed Bitat, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI) et les obs. de Ch. Radé, L'indemnisation du gréviste réintégré : vive le cumul !, Lexbase Hebdo n° 202 du 15 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4568AKE).


Décision

Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-41.337, Société Rieffel bâtiment, F-D ([LXB=A9857EG8 ])

CA Saint-Denis-de-la-Réunion, ch. soc., 18 décembre 2007, 11 arrêts

Texte visé : C. trav., art. L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N)

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