


Mes premiers remerciements s’adressent à mes directrices de thèse, les professeurs Hélène Pauliat et Clotilde Deffigier pour la confiance qu’elles m’ont accordée au cours de ces années de recherche. Ce travail n’aurait pas été possible sans leur confiance, leur soutien, leur disponibilité et leur patience. Je leur en suis extrêmement reconnaissante.
Je tiens également à remercier l’ensemble des personnels de la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges et le personnel de la bibliothèque universitaire.
Mes remerciements s’adressent aussi à ma famille qui, sans toujours bien comprendre mes choix, les a toujours respectés et suivis.
A toi Nicolas, je dois de ne pas avoir flanché pendant ses années, merci d’être toi.
La thèse est réputé être un parcours solitaire, pourtant elle fut pour moi l’occasion de belles rencontres, de belles amitiés et de moments de solidarité. A tous mes collègues, devenus amis, mes amis, et toutes les personnes que j’ai croisées, je vous adresse mes plus sincères remerciements pour avoir, à votre niveau, participé à cette aventure.
Cet ouvrage reproduit le texte intégral de la thèse établi à la date de soutenance ou dans sa version amendée à la suite des éventuelles observations du jury de thèse. Des notes de version sont susceptibles d’être insérées dans cet ouvrage de manière distincte.
Liste des principales abréviations
Publications
AJCT | Actualité juridique – Collectivités territoriales |
AJDA | Actualité juridique – Droit administratif |
BJCL | Bulletin juridique des collectivités locales |
BJDU | Bulletin de jurisprudence de Droit de l’Urbanisme |
Dr. Adm. | Droit administratif |
EDCE | Études et documents du Conseil d’État |
JCP A | La semaine juridique – Administration et collectivités territoriales |
JCP E | La semaine juridique – Entreprises et affaires |
JCP G | La semaine juridique – Edition générale |
JOCE/JOUE | Journal officiel des Communautés européennes/Journal officiel de l’Union européenne |
JORF | Journal officiel de la République française |
LGDJ | Librairie générale de droit et de jurisprudence |
LPA | Les Petites affiches |
PUAM | Presses universitaires d’Aix-Marseille |
PUF | Presses universitaires de France |
RDI | Revue de droit de l’immobilier |
RDP | Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger |
RDSS | Revue de droit sanitaire et social |
RFAP | Revue française de l’administration publique |
RFDA | Revue française de droit administratif |
RFDC | Revue française de droit constitutionnel |
Institutions, organisations et juridictions
ANCT | Agence nationale de cohésion des territoires |
CAA | Cour administrative d’appel |
CC | Conseil constitutionnel |
CDCI | Commission départementale de la coopération intercommunale |
CE | Conseil d’État |
CESER | Conseil économique social et environnemental régional |
CGET | Commissariat général à l’égalité des territoires |
CTAP | Conférence territoriale de l’action publique |
DATAR | Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale |
DGCL | Direction générale des collectivités locales |
EPCI | Établissement public de coopération intercommunale |
EPCIFP | Établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre |
HAS | Haute autorité de santé |
INSEE | Institut national de la statistique et des études économiques |
SDAN | Schéma directeur d’aménagement numérique |
TA | Tribunal administratif |
UE | Union européenne |
Autres abréviations
Aff. | Affaire |
Art. cit. | Article préalablement cité |
Ass. | Assemblée |
c. de commerce | Code de commerce |
c. env. | Code de l’environnement |
c. tourisme | Code du tourisme |
C. urb. | Code de l’urbanisme |
c/ | Contre |
Cf | Confer |
CGCT | Code général des collectivités territoriales |
CJA | Code de justice administrative |
Coll. | Collection |
CRPA | Code des relations entre le public et l’administration |
DC | Décision constitutionnelle |
Dir. | Sous la direction de |
Éd. | Édition |
Ibid. | Ibidem |
Infra | Ci-dessous |
no | Numéro |
p. | Page(s) |
PLU | Plan local d’urbanisme |
POS | Plan d’organisation des sols |
QPC | Question prioritaire de constitutionnalité |
Rec. | Recueil |
Req. | Requête |
s. | Suivant(e)(s) |
SAGE | Schéma d’aménagement et de gestion des eaux |
SCOT | Schéma de cohérence territoriale |
SDAGE | Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux |
SDAGV | Schéma départemental d’accueil des gens du voyage |
SDCI | Schéma départemental de coopération intercommunale |
SMVM | Schéma de mise en valeur de la mer |
SRADDET | Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’aménagement du territoire |
SRADT | Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire |
SRCE | Schéma régional de cohérence écologique |
SRDEII | Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation |
Supra | Ci-dessus |
Vol. | Volume |
ZAC | Zone d’aménagement concerté |
Remerciements
Avertissement
Liste des principales abréviations
Table des matières
Introduction
§1 – Objet de l’étude
A – Mouvement de planification locale
B – L’émergence et la multiplication des schémas
§ 2 – Intérêt de l’étude
§ 3 – Enjeux de l’étude
§ 4 – Construction de l’étude
Partie I – Un instrument juridique difficile à appréhender
Titre 1 – Une procédure d’élaboration complexe
Chapitre 1 – Une détermination du périmètre délicate
Section 1 – La notion ambiguë de périmètre pertinent
§1 – Une pertinence difficilement identifiable
A – Une identification délicate du territoire pertinent
1 – Une multitude de territoires
2 – Des critères particuliers aux territoires de planification
B – Une pertinence issue de la loi.
1 – Une délimitation en fonction du champ de compétences des collectivités
2 – Une couverture partielle du territoire
§2 – Les évolutions conjointes des schémas et de leur périmètre
A – La création du périmètre
1 – Un processus long
2 – Un processus complexe
B – Les extensions des périmètres
1 – L’élargissement du champ d’action du schéma
2 – L’élargissement de l’assise territoriale du schéma
Section 2 – Une pertinence relative
§1 – Une pertinence pragmatique
A – Une multiplication des territoires pertinents
1 – Une superposition des périmètres
2 – Un éparpillement de la planification
B – Un changement de logique au regard des politiques d’aménagement du territoire
1 – La fin de l’aménagement jacobin
2 – La territorialisation de l’action
§2 – Une pertinence relevant des services déconcentrés
A – L’importance du préfet dans le processus de détermination du périmètre
1 – Un préfet aux pouvoirs importants
2 – Un préfet disposant parfois de pouvoirs renforcés
B – L’encadrement par le juge des pouvoirs du préfet
1 – Le contentieux de la création des périmètres
2 – Le contentieux lié aux évolutions d’un périmètre
Chapitre 2 – Une élaboration à plusieurs niveaux
Section 1 – Une procédure de préparation reposant sur des mécanismes consultatifs nombreux
§1 – Une élaboration du projet marquée par une volonté participative
A – Le nécessaire diagnostic préalable : l’exigence d’une étude d’impact
1 – Une obligation initialement environnementale
2 – Une obligation graduée
B – L’ouverture de l’élaboration par la concertation et l’association
1 – La concertation, ouverture de la procédure d’élaboration aux non-professionnels/non-institutionnels
2 – L’association, intégration des partenaires institutionnels.
§2 – Le développement des mécanismes consultatifs post-élaboration
A – La soumission du projet à consultation
1 – Une consultation institutionnelle
2 – Une effectivité contestable
B – La soumission du projet au public
1 – Une procédure classique de consultation, l’enquête publique
2 – Une consultation perfectible
Section 2 – Une procédure d’élaboration construite autour des services de l’État
§1 – Une élaboration conjointe entre collectivités et services de l’État
A – L’omniprésence préfectorale
1 – Le préfet, co-auteur du document
2 – Le préfet, intervenant ponctuel au cours de l’élaboration
B – Le nécessaire relais étatique
1 – L’État garant du respect des normes supérieures
2 – L’assistance technique de l’État
§2 – Une élaboration exclusive par les services de l’État
A – Un maintien de compétence nécessaire
1 – Un maintien justifié géographiquement : les schémas à périmètre national
2 – Un maintien lié au domaine : les schémas spécialisés
B – Une source d’obligation pour les collectivités territoriales
1 – Une obligation de mise en œuvre
2 – Un poids financier
Titre 2 – Une notion ambiguë
Chapitre 1 – Une norme juridique non définie
Section 1 – Les schémas, actes hybrides
§1 – Un instrument empruntant aux contrats et aux actes administratifs unilatéraux
A – Des éléments contractuels.
1 – La présence de similitudes avec les éléments constitutifs d’un contrat
2 – La contractualisation des relations entre personnes publiques
B – Des caractères unilatéraux
1 – Un formalisme proche de celui de l’acte administratif unilatéral
2 – Des effets comparables à ceux de l’acte unilatéral à l’égard des tiers
§2 – Un instrument intermédiaire entre contrat et acte administratif unilatéral
A – Un acte inclassable
1 – Le schéma n’est ni un contrat, ni une décision
2 – Le schéma, possible « acte mixte »
B – Un « acte négocié »
1 – Un acte marqué par l’influence du code des relations entre le public et l’administration
2 – Une négociation nécessairement encadrée pour des raisons d’efficience
Section 2 – Les schémas, éléments de droit souple
§1 – Le schéma, substitut du plan
A – Un changement de vocabulaire progressif
1 – Le plan, ancien instrument central de la planification
2 – Les schémas, instruments de planification locale
B – Des instruments modernisés
1 – La diminution du niveau de contrainte
2 – La décentralisation de la planification
§2 – Les schémas, instruments de droit souple
A – Une souplesse relative
1 – Une adaptation du principe de légalité
2 – Une adaptation inspirée du droit de l’urbanisme
a) La compatibilité
b) La prise en compte
B – Une normativité graduée
1 – Les caractéristiques d’un élément induisant un rapport de compatibilité
2 – Une compatibilité révélant la nature souple du schéma
Chapitre 2 – Des instruments de planification prospectifs
Section 1 – Le caractère réalisable de la planification
§1 – Un instrument de constat et d’orientation
A – Le constat, mission unique de certains schémas
B – Le constat, préalable indispensable à l’élaboration d’objectifs
1 – Un diagnostic nécessaire au nom du principe de prévention
2 – Un diagnostic nécessaire à l’établissement de prévisions crédibles
§2 – Un instrument de rationalisation de l’espace et des coûts
A – Une rationalisation indicative
1 – Un caractère indicatif lié à la nature de la planification française
2 – Une rationalisation nécessitant une mise en œuvre
B – Une rationalisation imparfaite
1 – Une rationalisation des coûts juridiquement encadrée
2 – Une rationalisation des coûts délicate à mettre en œuvre
Section 2 – L’adaptation du schéma
§1 – Un document à réviser
A – L’obligation de mise en conformité
1 – Une ardente obligation de mise en conformité
2 – Diverses modalités de mise en conformité.
B – Le schéma, un instrument à durée déterminée
1 – Une durée de vie prédéterminée
2 – Une absence de révision sanctionnable
§2 – Un document nécessitant un suivi
A – Le responsable du suivi
B – Un suivi nécessaire
1 – La spécialisation du contenu des instruments
2 – L’entremêlement des instruments
Partie II – Un régime juridique complexe
Titre 1 – Le régime contentieux des schémas
Chapitre 1 – Les conditions de l’accès au juge
Section 1 – Un acte faisant grief
§1 – Une justiciabilité initialement incertaine
A – Les actes insusceptibles de recours
1 – Les mesures d’ordre intérieur
2 – L’infra-droit
B – Un acte nécessitant une contestation
§2 – L’évolution vers la justiciabilité
A – Un régime inspiré de celui des circulaires
B – L’évolution de la jurisprudence à l’égard des prises de position et des mesures de régulation
1 – L’évolution de la jurisprudence à l’aide des critères de la jurisprudence Duvignères
2 – Le complément au critère de l’impérativité : les effets de la mesure
Section 2 – Le schéma source de légalité
§1 – L’invocabilité des schémas
A – La détermination des dispositions invocables
B – Le schéma, source limitée de légalité
1 – L’indépendance des législations
2 – L’interdiction de la tutelle
§2 – L’exception d’illégalité limitée
A – La mise en œuvre de l’exception d’illégalité
1 – Les conditions classiques de la mise en œuvre
2 – L’aménagement de l’exception d’illégalité
B – La question particulière du schéma départemental de la coopération intercommunale
1 – La qualification d’acte non-réglementaire
2 – La contestation de cette classification
Chapitre 2 – L’appréciation des juridictions sur les schémas
Section 1 – L’examen classique de la légalité des schémas
§1 – Les questions de légalité externe
A – Le contrôle limité du respect de la procédure d’élaboration
1 – Le caractère complexe des procédures
2 – Une atténuation des effets des vices de procédure : la jurisprudence Danthony
B – Les interrogations suscitées par l’application du raisonnement « Danthony »
1 – La diminution du formalisme
2 – La question de la participation du public
§2 – Les questions de légalité interne
A – Les cas d’ouverture
B – L’intensité du contrôle de la qualification juridique des faits
Section 2 – Les schémas et les normes constitutionnelles
§1 – Une liberté de choix des collectivités réduite
A – L’atteinte à la liberté d’association entre collectivités
B – Le retour d’une forme de contrôle étatique
1 – La double validation des schémas
2 – La suspension de l’exécution des schémas
§2 – Les restrictions à la libre administration des collectivités territoriales
A – Des restrictions nécessaires à la cohérence territoriale
B – Une protection résiduelle de la libre administration
1 – La libre administration de la collectivité élaboratrice
2 – La libre administration des collectivités non-élaboratrices
Titre 2 – La relative inefficacité des schémas
Chapitre 1 – L’augmentation quantitative
Section 1 – Une multiplication anarchique des instruments
§1 – Une superposition problématique d’instruments de planification
A – La division de la compétence entre les différents niveaux de collectivités
B – L’augmentation des domaines nécessitant une planification.
§2 – Une efficacité limitée
A – Un paysage fluctuant
B – Une recherche permanente de nouveaux instruments
Section 2 – La contrainte à l’adoption de schémas
§1 – Les mécanismes d’incitation liés aux instruments de planification
A – L’incitation à l’adoption des documents de planification
1 – L’incitation financière
2 – Les autres modes d’incitation
B – L’incitation à la mise en œuvre des documents de planification
§2 – L’incitation par la sanction
A – Les mécanismes de sanction
1 – Le pouvoir de substitution
2 – De la constructibilité limitée à l’urbanisation limitée
B – La relative efficacité des mécanismes
Chapitre 2 – La progression qualitative des schémas
Section 1 – Des instruments tendant à une globalisation
§1 – La tentative de fusion des schémas
A – La concentration autours d’un document unique
1 – En matière d’urbanisme
2 – Au niveau régional
B – Un regroupement complexe à mettre en œuvre
§2 – La nécessité de regroupements futurs
A – Une nécessité face à l’éclatement des instruments
B – Un gain de cohérence
Section 2 – Une clarification passant par une classification.
§1 – La recherche de critères de classification
A – La mise en place d’un critère formel : la procédure d’élaboration
B – La mise en place d’un critère matériel : la prescriptibilité
C – Le critère qualitatif : le public visé.
§2 – L’absence de critère unique opérant
Conclusion
Références bibliographiques
Annexe
Index
Table des illustrations
- 1. « Gouverner c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ». Cette maxime, attribuée à Émile de Girardin, illustre parfaitement la nécessité pour les gouvernants locaux comme nationaux d’établir des prévisions avant de mettre en œuvre une politique. Cette phrase célèbre du XIXe s’est transformée au cours du XXe pour devenir : gouverner c’est planifier. La planification, selon le Dictionnaire Larousse, désigne en premier lieu « l’action de planifier » et en second lieu « l’encadrement par les pouvoirs publics du dévelopement économique et social à l’aide d’un plan ». Le Vocabulaire juridique ne s’éloigne pas du sens commun en définisant la planification comme la « définition d’objectifs économiques (industriels, agricoles), nationaux ou régionaux, à atteindre au cours d’une période déterminée ». La planification économique a initialement été une manifestation des modèles communistes. Mais celle-ci se manifestait par une obligation. En effet, les plans soviétiques étaient impératifs : les objectifs fixés devaient être atteints, quel qu’en soit le coût, quitte à falsifier les données. Le premier pays non communiste a avoir mis en œuvre une planification fut la France, mais en adaptant la planification à une économie non dirigée : la planification est devenue indicative. Initialement nationale, la planification s’est peu à peu décentralisée pour devenir plus qu’une pratique économique : toutes les politiques publiques peuvent être l’objet d’une planification.
- 2. La planification économique française a débuté après la Seconde Guerre Mondiale, avec comme double objectif de reconstruire le pays et de moderniser son éconime et ses infranstructures. Plusieurs instruments ont alors été mis en place. Cette planification avait un cadre essentiellement national. Elle a atteint une grande part de ces objectifs, mais l’évolution de la société et la décentralisation ont rendu cette forme de planification moins efficace. De nouveaux instruments ont vu le jour, sur des territoires plus restreints, sous la responsabilité des collectivités territoriales. Ces instruments locaux portent différents noms : cartes, plans, zones ou schémas. Ce dernier est l’objet de la présente étude. De plus en plus de schémas ont été créés aussi bien par le législateur que par le pouvoir réglementaire, et parfois par le biais de simples circulaires. Ce fut par exemple le cas du schéma départemental de coopération intercommunale, dont la rédaction a été préconisée, sous le nom de schéma d’orientation de l’intercommunalité, par une circulaire du 23 novembre 2005🏛, avant d’être consacré par la loi du 9 décembre 2010. Ce schéma d’orientation de l’intercommunalité doit être, selon la circulaire, « un instrument concerté de proposition et de dialogue s’inscrivant dans une perspective d’évolution à moyen terme de la carte intercommunale ». Cette affirmation ministérielle permet d’identifier une première conception du « schéma ». Celui-ci serait alors un instrument non contraignant, visant à établir des orientations identifiées après concertation des acteurs du territoire concernés par l’objet du schéma. Cette définition est cohérente avec d’autres schémas instaurés au cours des années 1990 et 2000 en droit des collectivités territoriales, comme le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire créé par la loi du 4 février 1995🏛. Ce dernier était, dans sa version intiale, un instrument identifiant les orientations en matière « d’environnement, de développement durable, de grandes infrastrucutures de transport, de grands équipements et de services d’intérêt régional », résultant d’une large concertation territoriale, mais n’ayant aucun caractère contraignant. Mais si cette idée de document d’orientation non contraignant, semble correspondre à une utilisation primaire de crertains documents, elle ne convient pas à l’ensemble des schémas. Le schéma de cohérence territoriale, adopté en 2000 pour remplacer les schémas directeurs ne peut pas s’incrire idéalement dans cette définition : il est, comme son prédécesseur, un instrument contraignant, tout en correspondant aux critères de concertation et contient des orientations. Cet écart s’est accentué avec les schémas adoptés à la fin des années 2010, et au cours de la décennie 2010. Sans pour autant l’affirmer clairement, le législateur a modifié la conception et l’utilisation des schémas. Ceux-ci sont qualifiés, dans les études d’impact et dans les exposés des motifs des dernières lois, de mesures permettant une « approche globale et intégrée », un renforcement de « la lisibilité et de la cohérence territoriale de l’ensemble des documents de planification » ; les schémas sont également présentés comme des documents de planification majeurs, avec comme objectifs de rationaliser et de centraliser l’action planificatrice des collectivités territoriales. S’il transparaît bien une volonté de faire des schémas institués depuis la fin des années 2010 l’un des instruments centraux de la planification locale, le législateur n’explique pas pour autant ce choix d’appellation : le schéma est privilégié, mais il n’est pas pour autant défini en tant qu’instrument.
- 3. L’intervention de ce nouveau document nécessite de pouvoir l’identifier. Cette nécessité se manifeste à la fois pour les personnes en charge de les élaborer, mais également pour celles devant les mettre en œuvre. L’identification et la définition du schéma sont l’objet de cette étude (§1), dont les enjeux (§2) et l’intérêt (§3) seront présentés avant d’aborder la construction de l’étude (§4).
- 4. La présente étude a pour thématique la question du développement de la planification locale, et plus particulièrement du développement de l’outil « schéma ». L’utilisation de cet instrument juridique n’est pas nouvelle en droit des collectivités territoriales. Apparu en premier lieu dans les années 1970 pour l’aménagement de l’Ile-de-France, il s’est progressivement développé tout d’abord dans le domaine de l’urbanisme puis son utilisation a progressivement été étendue à d’autres branches du droit.
La planification n’est pas initialement un mouvement local, le centralisme français a joué un grand rôle dans les premiers temps de la planification, avant que les collectivités locales puissent s’en saisir pleinement (A). La territorialisation de la planification s’est accompagnée de l’émergence – ou du fort développement – d’un nouvel outil, les schémas (B).
A – Mouvement de planification locale
- 5. La France est un État planificateur. Il est le premier État dont le modèle n’est pas fondé sur le marxisme à avoir fait le choix d’une planification de certaines de ses politiques publiques. Cette planification n’a en revanche pas été initialement économique. Elle s’est forgée autours d’une autre obsession nationale : l’aménagement du territoire. L’aménagement du territoire est une préoccupation ancienne en France. Des projets existaient déjà au cours de l’entre deux guerres. Plusieurs décisions témoignent de cette volonté de contribuer à un développement plus harmonieux du territoire, notamment en créant des plans d’aménagement et d’embellissement pour les villes de plus de 10 000 habitants. La question du rééquilibrage des territoires se concentre dans les années 1930 sur le désengorgement de la région parisienne, et – le risque d’un conflit avec l’Allemagne devenant plus important – sur la question du redéploiement des industrues stratégiques. Il s’agit alors d’une part, d’éloigner les sites de production industrielle des zones habitées, et, d’autre part, de les répartir sur le territoire, c’est-à-dire de leur faire quitter la région parisienne. Après plusieurs années de discussion, le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale a accéléré le processus, mais les usines n’ont pas eu le temps de s’implanter ailleurs avant l’invasion allemande de 1940. Le régime de Vichy n’abandonne pas l’aménagement du territoire, cherchant, via la création en février 1941 de la Délégation générale à l’Équipement national (DGEN), à amorcer un rééquilibrage industriel du territoire. En parallèle des mesures prises par le régime de Vichy, l’aménagement du territoire est également au cœur des discussions du Comité français de libération nationale, puis du Gouvernement provisoire de la République française. Les premières mesures visent, avant la Libération, à reconstruire les colonies françaises. Dès le rétablissement des institutions sur le territoire métropolitain, un ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme est créé et confié à Raoul Dautry. Le programme mis en œuvre reprend les constations établies dans les années 1930, ainsi que pendant le régime de Vichy, tout en incluant les mesures d’urgence liées aux bombardements subis par les villes et les industries française pendant le conflit. Le seul volet industriel n’a pas été jugé suffisant : le territoire français nécessitait un projet d’une plus grande envergure pour sa reconstruction. Mais au cours de la IVe République, le partage de la compétence de planification entre le Commissariat général au Plan et le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme n’a pas permis de mettre en œuvre une planification efficace dans les deux domaines. Cette période a cependant posé les jalons de la planification nationale sur la base du Plan national, en se concentrant sur le développement économique, la compétence aménagement du territoire étant gérée par une autre entité, moins puissante politiquement. Cette sur-représentation du volet économique s’explique aussi par la situation de l’économie française au sortir de la guerre : le pays était exangue et devait se reconstruire économiquement pour pouvoir nourrir sa population, ce qui explique le focus sur la question économique. Le IIe Plan adopté en 1953 commence à intégrer la question de l’aménagement du territoire, en plus du redressement économique. Un nouveau tournant est opéré par la création en 1955 du Comité de décentralisation. L’objet de cette institution est de maîtriser la croissance parisienne et de contribuer au développement de la province, elle vise à décentraliser au sens commun : éloigner du centre, et non à décentraliser au sens juridique. Cette création s’accompagne de celle des Programmes d’Action Régionale, outil devant promouvoir l’expansion économique et sociale dans le cadre régional. Ces programmes s’inscrivent dans le cadre géographique des régions de programme. En 1960, ces dernières deviennent des circonscriptions administratives, les circonscriptions d’action régionale qui préfigurent la carte des collectivités régionales créées par la suite.
- 6. L’avènement de la Ve République a relancé le processus de planification dans le domaine de l’aménagement du territoire. En 1963, la DATAR est créée et se voit confier la mission de suivi de la réalisation du Plan pour tout ce qui concerne l’aménagement du territoire. La création de cette instance, placée directement auprès du Premier ministre, constitue un progrès notable dans la planification globale : elle amoindrit la concurrence entre les instances en charge de la planification économique et celles en charge de la planification de l’aménagement du territoire. Des objectifs ambitieux sont fixés pour le rééquilibrage du territoire et la limitation de l’hypertrophie parisienne. Plusieurs chantiers sont lancés, comme l’aménagement des littoraux atlantique et méditérranéen, la construction de villes nouvelles et l’identification de huit métropoles d’équilibre. Ces projets avaient pour but de diminuer la pression sur la région de la capitale, et d’aider au développement des villes de province. La création de la DATAR s’accompagne, l’année suivante, de la création des commissions de développement économique régional (CODER). Ces commissions, présidées par le préfet, étaient composées pour moitié de socio-professionnels, pour un quart d’élus locaux (maires et conseillers généraux) et pour un quart de personnalités qualifiées nommés par le Premier ministre. Il ne s’agit pas d’une quelconque décentralisation au sens juridique du terme, mais de la création d’une instance consultative. La création de ces instances est un premier pas vers la reconnaissance de la région comme étant le territoire pertinent pour l’application des politiques de planification dans le domaine de l’aménagement du territoire. Une première étape de décentralisation de la planification est tentée via le référendum de 1969. Celui-ci prévoyait la création de la collectivité locale régionale, la dotant de compétences très larges en matière économique, mais aussi de transport. Le projet prévoyait également que la région se substituerait à l’État dans la répartition des subventions aux collectivités de rang inférieur. L’échec du référendum a mis un frein à la création des régions en tant qu’entités décentralisées. La région est consacrée en 1972 sous le statut d’établissement public. La planification s’est poursuivie nationalement à un rythme soutenu jusqu’au premier choc pétrolier en 1973. La planification change de philosophie : au cours des Trente Glorieuses, la forte croissance économique a permis de planifier de grands travaux, pour tenter de combler certaines inégalités. La crise financière consécutive au premier choc pétrolier a modifié les investissement étatiques, les diminuant fortement. Les Plans adoptés à partir du milieu des années 1970 contiennent peu de mesures relatives à l’aménagement du territoire. Celui-ci se renouvelle, de nouvelles préoccupations apparaissent : la qualité de vie, l’environnement, la rénovation des campagnes… La planification de l’aménagement du territoire demeure une politique nationale, mais ses objectifs ont été réévalués. Le dirigisme et le volontarisme des Trente Glorieuses n’est plus de mise dans la deuxième moitié des années 1970, la gestion de l’urgence sociale et économique prenant le pas sur la planification.
- 7. Un tournant plus important est pris au début des années 1980. L’acte I de la décentralisation fait intervenir de nouveaux acteurs dans la planification, les collectivités territoriales, et en premier lieu la région. La création des collectivités territoriales s’accompagne d’un transfert important de compétences, dont certaines, comme l’urbanisme, relevaient auparavant des politiques nationales de planification. Les régions demeurent des interlocuteurs privilégiés pour l’État, participant aux concertations concernant la planification nationale qui se retrouve traduite dans les contrats de plan État-région. La planification est alors partagée entre le niveau central et le niveau local avec une forte collaboration entre les deux. La question de la planification locale, et plus particulièrement régionale est renforcée au cours de la deuxième moitié des années 1990. Deux lois, une en 1995 et une en 1999, ont renforcé le rôle de planification de la région, tout en réorganisant la planification nationale. Cette période marque un tournant dans la planification : le renouveau souhaité pour la planification nationale n’a pas été concrétisé, mais le document régional, en l’occurrence le SRADT, a perduré, subi plusieurs modifications pour devenir la clef de voute de la planification locale de l’aménagement du territoire. À partir du début des années 2000, de plus en plus de documents de planification ont vu le jour ou ont été renforcés. C’est le cas par exemple du schéma directeur devenu à la suite de l’adoption de la loi SRU le SCOT, du schéma départemental d’accueil des gens du voyage créé par loi du 5 juillet 2000🏛. À ces instruments se sont ajoutés d’autres documents, notamment dans le domaine de la planification environnementale à la suite de l’adoption de la loi dite Grenelle II. Les dernières réformes de la décentralisation – loi de réforme des collectivités territoriales, loi de Modernisation de l’action publique territoriale (Maptam), loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) – ont également instauré plusieurs documents de planification, que ce soit des schémas ou des plans.
- 8. La crise sanitaire provoquée par la pandémie a entrainé une crise économique. Pour faire face aux conséquences de cette crise, le président Emmanuel Macron a décidé de faire renaître une institution tombée en désuétude, le Haut-commissariat au plan. Cette institution avait disparu en 2006, au profit de la création du Centre d’analyse stratégique, lui-même remplacé en 2013 par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, également appelé France stratégie. Les transformations successives de ces instuitutions ont contribué à la dilution de la planification nationale. La prospective restait l’objectif principal assigné au Centre d’analyse stratégique et à France stratégie, mais celle-ci ne se manifestatit plus par l’adoption d’instruments nationaux de planification. Par un décret du 1er septembre 2020, suivi d’un décret du 3 septembre 2020🏛, le Haut-commissariat au plan a été créé et François Bayrou a été nommé à cette fonction. Le rôle du Haut-commissaire, en lien avec France stratégie, est chargé « d'animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'Etat et d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ». Cette création est liée à l’adoption du plan France relance, annoncé le 3 septembre 2020. Les conséquences sur l’économie de la crise sanitaire ont conduit à reconsidérer la nécessité d’une planification économique étatique. Celle-ci est cependant différente de celle employée précédemment. Le plan de relance adopté en 2020 identifie des objectifs, et alloue des budgets visant à permettre aux entreprises répondant à certains critères de bénéficier d’aides financières. Ce plan de relance destine également une part de son budget aux aides aux particuliers. L’adoption de France-relance, est une mesure d’urgence, mais qui ne correspond pas nécessairement aux mêmes objectifs que la planification locale. Le plan national n’est prévu que pour une courte période, 2020-2022, et n’établit pas, à proprement parler, un projet pour le territoire national, simplement un renforcement des aides aux entreprises, associations et particuliers, en vue de la gestion de la crise économique engendrée par la crise sanitaire. Son objectif est, comme son nom l’indique d’ailleurs, de relancer l’économie, stoppée net par les confinements et les restrictions rendues nécessaires pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. La résurgence du Haut-commissaire au plan pourrait être plus permanente, dans la continuité de France stratégie. Mais cette création ne marque pas pour autant une nouvelle ère de la planification nationale, les fonctions du haut-commissaire demeurant assez floues. De plus, sa création ne s’est pas accompagnée de celle d’instruments de planification à moyen ou long terme. Actuellement, le Haut-commissariat, comme l’indique son site internet, se concentre essentiellement sur les états des lieux de la situation sociale, économique française. Ces premiers rapports portent sur la démographie, et son impact sur notre régime social, l’agriculture française ou encore le commerce extérieur. Ces travaux n’ont pas d’autre ambition, à l’heure actuelle, que de dresser les constats préalables à des concertations sectorielles et d’aider à la prise de décision politique ultérieure. Si cette analyse confiée au Haut-commissariat au plan est une nécessité pour pouvoir relancer une forme de planification nationale, elle ne semble pas s’accompagner, pour le moment, d’autres missions stratégiques. Elle soulève néanmoins une question fondamentale, celle de la pertinence d’une planification nationale. Les expériences des années 1990/2000 laissent penser que cette planification, longue à mettre sur pied, empreinte d’une lourdeur certaine, n’était plus adaptée à notre société. Il paraît difficile, aujourd’hui, de réintroduire celle-ci sans la repenser en profondeur, ce que la réintroduction de l’acteur centrale de la planification des années 1950/1960 ne laisse pas présager.
- 9. En environ un siècle, la planification nationale à visée essentiellement économique a changé de périmètre et de champ d’action : la planification s’exerce sur un territoire moins vaste – celui des régions, des départements, des EPCI et des communes – et dans de multiples domaines : gestion de l’eau, urbanisme, aménagement du territoire, social, ressources humaines, etc. La multiplication des interventions a contribué au développement de divers instruments, et parmi eux les schémas.
B – L’émergence et la multiplication des schémas
- 10. L’instrument naturel de la planification a pendant longtemps été le plan, symbolisée par le Plan national. Pour autant, il n’est plus le seul, il n’a sans doute jamais été le seul. La planification repose sur un ensemble d’instruments dont la dénomination et la nature sont variables. Si le plan a été l’outil principal de la planification nationale, d’autres documents sont peu à peu apparus : les cartes, les schémas, les lois de programme ou de programmation. Chaque domaine de la planification dispose de son propre document, dont l’appellation varie, sans qu’il y ait forcément de logique apparente. Le schéma est l’un de ces instruments. L’un des premiers documents dénommé schéma à avoir été adopté est le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (SDAURP) en 1965. Ce document fait suite au Plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne (PADOG), approuvé par décret le 6 août 1962. Cet outil de planification locale s’inscrivait dans les prescriptions nationales visant à rééquilibrer le territoire, et plus particulièrement à limiter le développement exponentiel de la région parisienne, tout en améliorant les infrastructures franciliennes. La rédaction de ce schéma était confiée à un établissement public, le District de la région de Paris, placé sous l’autorité du Premier ministre. Son conseil d’administration était composé d’élus départementaux et municipaux, mais ils étaient pour moitié nommés par le Gouvernement, l’autre moitié étant élus par leurs pairs. Cet instrument n’était plus centralisé : il faisait parti du mouvement de décentralisation fonctionnelle opéré dans les années 1960.
- 11. Le SDRAURP est le premier d’une longue lignée de schémas ayant une assise locale. Dans un premier temps, le principe du schéma parisien a été étendu aux métropoles d’équilibre, sous le nom de Schémas directeurs d’aménagement d’aire métropolitaine. Dans un second temps, des schémas ont été introduits dans la planification de l’urbanisme. La loi du 30 décembre 1967🏛 a créé les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme, dont l’objet était, conjointement avec les plans d’occupation des sols, d’établir des prévision d’aménagement, de développement des agglomérations et de gestion des sols. Ces schémas ont été modifiés par la loi du 7 janvier 1983🏛. D’une part, leur nom est raccourci, ils deviennent les schémas directeurs ; d’autre part, leur rédaction est confiée aux établissements publics de coopération intercommunale, il s’agit une nouvelle fois d’une décentralisation fonctionnelle. Dix ans après l’acte I de la décentralisation – marquant la première étape en direction d’une planification territorialisée et décentralisée – les schémas directeurs ne semblaient pas avoir rencontré le succès escompté. Dans son rapport intitulé L’urbanisme : pour un droit plus efficace, le Conseil d’État critiquait assez sévèrement les schémas directeurs. La question d’une planification supra communale n’était pas en cause, de même que sa décentralisation ; pour le Conseil d’État, le problème résidait dans le schéma directeur lui-même. Ce dernier nétait pas adapté, aussi bien du point de vue de son périmètre – les communes y voyant une atteinte à leur liberté – que du point de vue de sa procédure d’adoption et de révision – jugée trop complexe. Le rapport proposait purement et simplement de supprimer les schémas directeurs. Cette proposition n’a pas été suivie. Le schéma directeur a été réformé en 2000, pour devenir le SCOT. Le début des années 2000 marque un tournant dans la planification locale. À la suite des transferts de compétence opérés par l’acte II de la décentralisation, les collectivités ont vu leurs domaines d’action augmenter, et en conséquence, leurs activités planificatrices. Au cours des deux dernières décennies, les collectivités territoriales sont devenues des actrices de la planification, adoptant de plus en plus d’instruments dédiés à la planification. Parmi ces instruments, une tendance est apparue : le législateur a choisi l’utilisation du terme schéma, terme repris également dans le cadre réglementaire, par des circulaires, mais également par les collectivités elle-mêmes. Ce mouvement s’est opéré sans qu’il soit nécessairement identifié ou documenté largement. Face à ce constat, il est alors apparu nécessaire d’étudier le phénomène. A la fois pour appréhender son ampleur, mais également pour tenter d’identifier une logique, une raison à l’utilisation de ce terme. Le cadre local étant celui de son développement massif, il semblait pertinent pour circonscrire l’étude.
- 12. La présente étude s’inscrit dans un double contexte : celui du développement de nouveaux instruments moins prescriptifs d’une part, mais également de la rationalisation de la décentralisation.
- 13. La question du développement de nouveaux instruments moins contraignants que le classique acte administratif unilatéral n’est pas nouvelle. Plusieurs travaux ont été menés sur la question de la particularité juridique de certains actes, mais sans aller jusqu’à une étude particulière au droit souple en droit public. Des études ont commencé à être menées notamment en droit privé, où le mouvement – parfois qualifié de softlaw – semble plus développé. La prise en compte du droit qualifié de souple est plus récente en droit public. Elle n’est pas apparue au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle, après la publication de l’étude du Conseil d’État, mais les recherches étaient jusqu’alors peu nombreuses. La jurisprudence relative à la justiciabilité des actes de droit souple a mis plusieurs années à s’établir, et n’a pas encore répondu à l’ensemble des questions soulevées par la multiplication de ces instruments. Parmi ces instruments figurent les documents de planification dont font partie les schémas. Malgré les évolutions récentes de la jurisprudence, l’ensemble des questions apparues avec le développement du droit souple n’ont pas été résolues : quels sont les actes qui peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel ? Quelles sont ses manifestations juridiques du droit souple ? Comment le droit souple et les normes classiques interfèrent-elles ? Peut-on identifier clairement le droit souple ? Quel est son rôle ? Pourquoi l’utilise-t-on ? La présente thèse ne prétend pas répondre à l’ensemble de ces questions, mais apporter certaines réponses en étudiant les schémas locaux et leurs relations avec les autres actes des collectivités territoriales.
- 14. En complément de la question de l’augmentation de l’utilisation du droit souple et de la nécessité de clarifier sa nature et son régime juridique, une autre question est soulevée par la planification locale, celle de son but. L’augmentation des instruments de droit souple va de paire avec la volonté de rationaliser l’action des collectivités territoriales. Le développement de la décentralisation a eu des conséquences sur les activités supportées par les collectivités territoriales, celles-ci s’étant fortement développées. Depuis 2010, les réformes adoptées et intentées dans le domaine de la décentralisation concourent à mieux encadrer l’action des collectivités et leurs dépenses. Imposer aux collectivités de recourir à la planification a semblé être une réponse adaptée à cet objectif. La recherche de la définition du schéma, en tant que composante de ce mouvement, est nécessaire à deux points de vue : d’une part pour identifier les schémas ainsi que pour tenter de clarifier le paysage de la planification, d’autre part pour étudier le régime et la nature des schémas.
- 15. L’intérêt premier d’une définition est l’identification. Dans le cas des schémas, le paysage est particulièrement encombré. Non seulement du fait du législateur, qui a multiplié les références aux schémas, mais également du fait du pouvoir exécutif. Ce dernier a également choisi l’appellation schéma pour désigner des documents plus ou moins variés, ayant pour point commun d’exposer des politiques sectorielles. Il est possible de citer le Schéma national d’intervention, présenté le 19 avril 2016, dont l’objet est d’organiser la réponse rapide en cas d’attaque terroriste ; le Schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État adopté depuis 2018 qui vise à coordonner les actions en matière de formation professionnelle au sein de la fonction publique d’État. Ces documents partagent des points communs avec les schémas locaux, essentiellement au regard de leur faible normativité. Ainsi, lors de l’étude de la nature juridique des schémas, les documents de planification de portée nationale seront ponctuellement examinés. Ces schémas nationaux ne sont pas dénués d’intérêt, leur examen par le juge adminisratif a d’ailleurs confirmé que certains relevaient du droit souple et pouvaient sous certaines conditions être contestés devant le juge de l’excès de pouvoir Néanmoins, ils ne feront l’objet que d’éclairages ponctuels, dans la mesure où la présente étude se concentre sur les documents de portée locale. En effet, si l’étude des documents nationaux s’inscrit dans le premier intérêt de l’étude – le développement du droit souple – il n’éclaire que faiblement le second intérêt, l’objectif de rationalisation. Seuls les documents locaux, adoptés par les collectivités ou leurs groupements, sont la manifestation de la rationalisation.
- 16. Face au constat du développement du recours aux schémas, les difficultés liées à leur adoption peuvent apparaître, notamment au regard du développement du contentieux. Il importe alors de pouvoir définir les schémas, leur nature, leur procédure d’élaboration et leur régime. D’un point de vue pratique, il est nécessaire pour les collectivités élaboratrices, comme d’ailleurs pour celles devant mettre en œuvre ou simplement respecter le schéma, d’identifier la nature des schémas, et des rapports qu’ils induisent, pour pouvoir agir, ou ne pas agir. Le droit des collectivités territoriales, en gagnant en maturité ces dernières années, n'est pas devenu plus simple à comprendre, que ce soit pour les individus, pour les élus ou pour les agents. L’entremêlement des normes adoptées et imposées aux collectivités territoriales contribue à l’éclatement de ce droit et à son incompréhension. Il est alors nécessaire, pour pouvoir parvenir à sa lisibilité de procéder à des identification, des rassemblement. C’est un des objet de la présente thèse, parvenir à identifier des traits communs à certains actes, les schémas, pour les normaliser, ou au moins proposer une mise en cohérence des régles régissant les schémas.
- 17. Les instruments de planification ne sont pas à eux seuls responsables de cette complexification, mais ils font partie des éléments de complexification de l’action publique locale, tout en étant présentés comme devant la moderniser. Or, les différentes lois ont contribué au développement d’une certaine confusion au sein de la planification locale : création d’instruments diversement nommés, ayant des degrés de normativité variés, s’étendant sur différents territoires… De plus, ces documents, du fait de leur caractère souple, impliquent des relations adaptées – prise en compte et compatibilité – qui ne sont pas nécessairement bien identifiées et claires. Les constats liés à la complexité du droit de la décentralisation, et plus particulièrement du droit de la planification locale, conduisent à s’interroger sur les moyens de parvenir à un minimum de clarification des instruments. La définition des schémas permettrait une forme de systématisation ou, a minima, de déterminer une charte d’élaboration, sorte de guide pratique à l’égard des collectivités territoriales, pour déterminer les procédures d’élaboration de ces derniers. Une grille globale des relations entre les différents instruments de planification pourrait également faciliter l’identification, pour les collectivités, des données à prendre en considération, et des nécessités de modification à la fois de leurs propres documents, mais également des politiques soumises à cette planification.
- 18. Il semble que le plan, pourtant instrument classique de la planification nationale, soit actuellement moins utilisé au niveau local. Il n’a pas disparu, mais n’a pas connu, comme c’est le cas pour le schéma, une utilisation croissante. Cet état de fait nécessite d’identifier un état de droit : pour pouvoir clarifier l’enchevêtrement de normes adoptées et imposées aux collectivités territoriales, il faut pouvoir identifier, définir les actes. Identifier et définir le schéma ne suffira pas pour clarifier le droit des collectivités territoriales, ni même le droit de la planification locale, mais contribuera à améliorer la compréhension du domaine pour ses différents acteurs. Ainsi pourrait être définie une forme de hiérarchie, ou du moins d’articulation logique entre les instruments de planification locale. Un premier constat peut être fait : le législateur a introduit une forme de hiérarchie entre les documents de planification, le schéma devenant l’instrument stratégique le plus élevé territorialement parlant, le plan s’inscrivant sur un territoire plus restreint. Ce constat s’appuie sur la hiérarchie des instruments locaux de planification des sols. En effet, le droit de la planification urbaine a mis en œuvre une hiérarchie dès 1967 : le schéma directeur devait fixer les orientations qui seraient mises en œuvre par les plans d’occupation des sols. Cette superposition est intéressante par son ancienneté et son modèle : la planification des sols a été pensée selon un modèle hiérarchisé qui présente le schéma comme un instrument de planification stratégique à l’assise étendue, qui serait complété et précisé par un autre instrument de planification au périmètre plus étroit, le plan. Cette hiérarchie est complétée à un niveau inférieur par la carte. La généralisation de cette organisation hiérarchisée pourrait contribuer à clarifier le paysage de la planification, ou du moins à formaliser les rapports entre les différents instruments de planification. Cette hiérarchie ne peut toutefois pas être établie pour l’ensemble des instruments de planification : tous les domaines de planification ne nécessitent pas une territorialisation aussi poussée. Une systématisation peut toutefois être utile, mais elle nécessite l’établissement d’une définition du schéma.
- 19. La présente étude s’inscrit dans un paysage juridique plus large que celui de la planification. Le développement du schéma témoigne de l’évolution du droit des collectivités territoriales, et de l’évolution du droit public en général.
- 20. La rationalisation est un des enjeux des dernières réformes territoriales, comme en témoignent d’ailleurs les titres des dernières lois adoptées ou en discussion : « réforme des collectivités territoriales », « modernisation de l’action publique territoriale », « nouvelle organisation territoriale de la République », projet de loi relatif à la « différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale » dont la dernière partie a été nommée – sans grand succès – « décomplexification ». Les schémas ont été au cœur de ce changement d’orientation du droit des collectivités territoriales. Ils participent de la volonté étatique de rationalisation de l’action publique. En obligeant les collectivités à planifier leurs interventions sur leur territoire, l’État souhaite limiter ce qu’il qualifie de dépenses inutiles. Plusieurs exemples, parfois éphémères témoignent de l’utilisation de la planification et du schéma comme instrument de limitation des dépenses. Par exemple, l’introduction par la loi RCT de l’article L. 1111-9 dans le CGCT poursuivait cet objectif. En effet, la région et les départements avaient la possibilité d’adopter un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services qui devait retracer leur participation financière aux projets portés par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales. Dans une optique proche, les EPCI à fiscalité propre peuvent mettre en place avec leurs communes membres des services mutualisés prévus par le schéma de mutualisation des services. Dans les deux cas, la réalisation d’économies a initié l’adoption d’un schéma, la planification poursuivant ainsi un objectif de rationalisation. La planification locale de ce début de XXIe siècle se différencie ainsi clairement du précédent mouvement de planification post-Seconde Guerre Mondiale. Le contexte était marqué par une croissance économique importante et une nécessité de canaliser l’action des pouvoirs publics. Les objectifs de reconstruction et de modernisation des infrastructures dans un contexte économique favorable ne sont plus ceux qui guident la planification actuelle. Le but actuel de la planification est alors de réduire les coûts liés aux compétences transférées par l’État aux collectivités territoriales. L’utilisation de la planification dans un objectif d’utilisation plus efficiente des ressources des personnes publiques s’étend à l’ensemble de la sphère publique. La planification est bien un marqueur de notre société, en ce qu’elle témoigne de son évolution face à la crise : pour parvenir à une réduction des dépenses publiques tout en ne reniant pas les principes de la décentralisation – que ce soit du point de vue de la libre administration, ou de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre – l’État contraint les collectivités à adopter des instruments de droit souple.
- 21. Un tel mouvement de planification-rationalisation soulève nécessairement la question de la place de l’État dans la décentralisation et d’un éventuel retour de celui-ci. Une fois encore, l’étude des schémas participe à éclairer les relations entre l’État et les collectivités territoriales. D’une part, les autorités déconcentrées interviennent dans la procédure d’élaboration des instruments de planification, que ce soit par le biais de l’examen de la légalité, ou au cours de la procédure, par le biais des différentes consultations. D’autre part, elles sont parfois co-élaboratrices : les instruments de planification co-adoptés renouvellent les relations entre le représentant de l’État et les entités décentralisées. Dans le cas des documents adoptés par l’État territorial et mis en œuvre par les collectivités territoriales, il semble que le retour de l’État soit plus matérialisé encore, bien que justifié. La question de la place de l’État dans la décentralisation, et de son évolution, n’est pas déconnectée de la planification locale et du recours aux schémas. Elle est un des facteur d’identification du recours aux instruments de planification, et se retrouve nécessairement au centre des enjeux de la présente étude.
- 22. Le caractère souple de ces instruments est également révélateur de l’évolution du droit. Il est au croisement de deux mouvement d’évolution de l’État : d’une part l’émergence du « doit infra-étatique » lié à la décentralisation, mais également du droit souple. Le premier ne se résume pas au second, les collectivités détenant un pouvoir normatif très encadré, mais classique dans sa normativité. Le second relève d’un champ d’action également plus vaste que la seule sphère locale : la production du droit souple n’est pas l’apanage des collectivités territoriales, ni même du droit public, mais il tend à se développer de plus en plus. Le schéma se trouve alors à la confluence de plusieurs courants de renouvellement des pratiques publiques : rationalisation de l’action publique locale, meilleure concertation entre les décideurs publics et entre les décideurs et les citoyens/habitants, volonté d’adhésion plus que de coercition… Ces mouvements soulèvent de nombreuses questions, notamment quant à sa normativité vis-à-vis de ses destinataires. La présente étude ne répondra pas à l’ensemble des questions sur la normativité du droit souple, mais tente d’éclairer le domaine de la planification locale, et plus particulièrement les questions relatives à la nature et au régime juridique des schémas.
- 23. L’utilisation croissante des instruments de planification au sein du droit des collectivités territoriales est source d’interrogations quant au but de l’obligation planificatrice. L’adoption des schémas n’est pas réservée aux collectivités territoriales, certains documents relèvent de l’État territorial, voire d’une compétence partagée. Cette forme de généralisation de la planification est irrémédiablement liée à l’un des objectifs des récentes lois de décentralisation, la rationalisation de la décentralisation. Les différents marqueurs de ce mouvement se retrouvent dans la planification. D’une part, l’obligation de planifier contribue à une certaine contrainte vis-à-vis des collectivités territoriales de la part de l’État, pouvant parfois, soit par l’important contrôle étatique, soit par la co-décision, s’apparenter à une forme de recentralisation. Cette recentralisation se manifeste également par l’objectif de réduction des coûts et de rationalisation de l’action des entités décentralisées. D’autre part, elle peut être vue comme une possibilité pour les collectivités territoriales d’affirmer leurs politiques locales. En effet, confier aux élus des collectivités territoriales des instruments leurs permettant de planifier leurs actions au cours du mandat est un moyen d’autonomiser et de responsabiliser les dirigeants locaux. L’objectif des schémas n’est donc pas unique, et varie en fonction de son utilisation par ces auteurs. Il peut devenir un outil très efficace pour les collectivités, sa définition serait alors un progrès dans ce sens, pour qu’elles puissent s’affranchir des questions de forme de celui-ci, pour se concentrer pleinement sur la partie la plus importante des schémas, leur contenu.
§ 4 – Construction de l’étude
- 24. La détermination d’une problématique apparaît dans le cas de l’étude du développement des schémas assez évidente. Le schéma n’a fait l’objet que de peu d’études en tant que document autonome. La plupart des études réalisées sur les instruments de planification le sont du point de vue de leur contenu, et donc d’un seul ou de peu de documents. Il semble effectivement que les schémas, par leur diversité et leur différents domaines d’intervention ne soient reliés que par l’emploi de ce terme, sans qu’il révèle une quelconque parenté. L’enjeu ici, est de déterminer si l’hypothèse de départ, l’existence d’un lien formel entre ces instruments, conduit à l’identification d’une définition juridique du schéma. La problématique choisie pour la conduite de la présente thèse est alors la suivante : les instruments de planification locale dénommés « schéma » présentent-ils des caractéristiques communes suffisantes pour pouvoir répondre à une définition ?
- 25. Au regard de la problématique choisie, la présente étude se veut essentiellement théorique. L’étude des contenus des schémas n’est pas sans intérêt. Mais elle ne poursuit pas les mêmes objectifs. Les schémas en droit des collectivités sont des instruments utilisés dans des domaines extrêmement différents : urbanisme, protection de l’environnement, implantation d’infrastructures, économie... Ils peuvent pour beaucoup être rattachés à l’aménagement du territoire, même s’ils émergent dans les domaines des ressources humaines et de la gestion des partages de compétences. Il ne semble pas pertinent de comparer le contenu d’un SDCI et celui d’un SCOT ; pour autant, la forme du document peut être comparée, décortiquée pour identifier les points communs de ces documents. L’étude de la forme du documents éclaire plus largement la question de la fabrication des normes et des raisons pour lesquelles leur adoption est imposée aux collectivités territoriales.
- 26. La présente étude utilise la méthode inductive pour tenter d’identifier une définition du schéma. La première étape à réaliser fut donc d’établir un panorama des schémas existants au sein des différentes législations applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Il s'agissait non pas d'établir une liste exhaustive des schémas adoptés par les collectivités ou mis en œuvre par celles-ci, mais d’identifier une logique globale, les signes forts du mouvement de planification en cours par le biais de l’instrument « schéma ». Au-delà des textes purement législatifs, il est apparu que le pouvoir réglementaire apportait également sa pierre à cet édifice. Une fois ces schémas identifés, la seconde étape a été de collecter les données permettant de retracer les règles relatives à leur forme. La forme juridique du schéma est le fondement de cette étude. Elle se divise en deux étapes que sont son élaboration et sa mise en œuvre, en somme les conditions de sa naissance et de sa vie juridique. La question de la disparition du schéma s’avère plus marginale : il est apparu que les schémas, s’ils ont une durée de validité, sont appelés à durer. Les délais imposés visent à la révision du schéma, afin d’éviter son abandon, plus que pour qu’il disparaisse. Plusieurs étapes se sont dessinées, allant de la détermination du périmètre aux diverses modalités de participation et de consultation des acteurs du territoire concerné par l’instrument de planification. Puis dans un deuxième temps, les étapes ponctuelles de révision et mise en conformité, procédures nécessaires à la mise à jour des instruments de planification.
- La recherche des textes législatifs et réglementaires encadrant les procédures d’élaboration, a été suivie par la recherche, plus fastidieuse, des données jurisprudentielles et de la doctrine relative aux schémas. Il ne s’agit pas ici de faire un panorama complet de l’ensemble des schémas adoptés par les collectivités territoriales ou par l’État territorial, mais de s’intéresser au mouvement global visant à imposer l’adoption de documents dénommés « schémas ». L’ensemble des schémas n’est donc pas évoqué, mais un certain nombre sont successivement, ou conjointement étudiés, afin d’identifier les étapes fondamentales de leur élaboration, leur nature et leur régime juridique. Cet exposé est nécessaire afin de constater l’absence de définition globale, et ainsi établir des propositions.
- 27. La méthode inductive choisie pour cette étude n’est pas sans soulever certaines critiques, critiques qui peuvent apparaître à la lecture du plan, et dans le corps de la thèse. Ainsi, il peut apparaître que les développements se concentrent sur les arguments en faveur de la théorie poursuivie, mais les exemples allant à l’encontre de l’hypothèse de travail ne sont pas pour autant écartés pour parvenir à la conclusion de l’étude. Ils sont essentiels à l’établissement des conclusions de cette étude et aux propositions finales. L’autre écueil de la méthode inductive est qu’elle ne permet pas dans le cas des schéma d’établir avec certitude la nature juridique des schémas et elle contraint à se pencher sur le traitement jurisprudentiel des instruments de planification, une fois encore en partant de la pratique du juge pour établir une constante. Une telle démarche peut sembler contre intuitive, puisque l’identification de la nature doit conduire à déterminer le régime juridique d’un acte. Mais dans le cas des schémas, cette certitude est mise à mal : le schéma n’a pas de nature juridique déterminé, il faut donc s’appuyer à la fois sur les éléments d’identification mis en lumière dans la première partie, notamment les éléments relatifs à leur appartenance au droit souple, et sur les indices jurisprudentiels issus des contentieux relatifs aux schémas eux-mêmes et ceux issus du contentieux des actes de droit souple pour parvenir à une étude complète du phénomène.
- 28. L’étude des données recueillies a permis d’orienter le propos de la présente étude et de construire un plan permettant de tenter d’apporter une réponse à la problématique choisie. Dans un premier temps, il est apparu nécessaire de se pencher sur la nature des schémas, au travers de l’étude de leurs procédures d’élaboration particulères, des rapports qu’ils induisent vis-à-vis des autres documents édictés par les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que vis-à-vis des documents mettant en œuvre les instruments de planification (Partie 1). La première partie ne permet pas de dégager des certitudes quant à la nature juridique exacte des schémas. Il faut alors dans un second temps identifier les éléments relatifs à leur contestabilité et de leur justiciabilité devant les juridictions administratives pour cerner leur régime juridique. Cette question s’avère délicate au regard de la particularité du droit souple. Le régime juridique du schéma invite également à s’interroger sur l’efficacité de cet instrument (Partie 2).
Partie I – Un instrument juridique difficile à appréhender
- 29. La pratique du schéma – en tant qu’instrument de droit souple permettant de mettre en œuvre un projet de territoire – s’est fortement développée ces dernières années. Chaque réforme du droit des collectivités territoriales s’accompagne de son lot de schémas ; ainsi, les lois du 16 décembre 2010🏛 de réforme des collectivités territoriales, du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République créent de nouveaux schémas ou modifient des schémas existants. Chaque loi intéressant le droit de l’environnement a créé ou modifié le contenu d’un schéma. Il est possible de citer, parmi de nombreux textes, les lois Grenelle I, Grenelle II ou encore la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le domaine dans lequel les instruments de planification, et les schémas en particulier se développent, est celui du droit de l’urbanisme. En effet, les premiers schémas adoptés localement l’ont été pour la gestion des sols et l’aménagement du territoire, dans les années 1960. Il s’agit du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région de Paris, adopté en 1965. Dans les domaines de l’urbanisme et de l’aménagement, les lois se sont également succédé pour adapter les instruments de planification. Si le législateur est souvent disert dans la création de nouveaux instruments de planification, il ne l’est pas particulièrement lorsqu’il s’agit d’établir la nature juridique de ces nouveaux documents.
- 30. Il existe, dans ce que l’on pourrait qualifier « d’histoire des schémas », deux périodes. La première période, qui commence dans les années 1960, réserve le schéma à deux domaines étroitement liés : l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Puis, à partir des années 2000, les schémas ont peu à peu été utilisés dans d’autres domaines, pour devenir un document incontournable aujourd’hui. Ces deux périodes expliquent le décalage existant entre les schémas issus du droit de l’urbanisme et ceux introduits au cours des années 2000 ; ainsi, le domaine du droit de l’urbanisme permet d’anticiper, dans une certaine mesure, l’évolution qui pourra être celle des documents plus récents.
- 31. Une première analyse des schémas ne laisse pas entrevoir immédiatement les points communs entre ces documents de planification. Il ne semble pas non plus que soit justifiée l’existence de plusieurs types de documents de planification, à savoir les cartes, les plans et les schémas. Pour autant, une étude plus approfondie permet de discerner leurs points communs, et d’esquisser ce qui pourrait être une nature juridique spécifique pour les schémas. Les schémas sont soumis à une procédure d’élaboration complexe (Titre 1). Ils sont, aussi bien du point de vue de la forme que du fond, des actes particuliers, qui révèlent une ambiguité intrinsèque (Titre 2).
Titre 1 – Une procédure d’élaboration complexe
- 32. Dans la détermination de la nature juridique d’un document, la procédure d’élaboration occupe une place très importante. Les étapes décrites par le législateur et qui doivent être respectées par le ou les auteurs de l’instrument sont autant d’indices qui permettent de rattacher un document à sa catégorie juridique. La procédure d’élaboration des schémas n’est pas laissée à la discrétion des auteurs de ceux-ci, elle est très encadrée par le législateur. Elle s’inscrit dans le développement des instruments de droit souple qui se caractérisent, selon la définition donnée par le Conseil d’État en 2013, par « un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit ». Si cette affirmation nous renseigne sur l’une des caractéristiques du droit souple, son absence de formalisme, et sa proximité avec la règle de droit, elle ne divulgue rien de la nature juridique du document qui en résulte.
- 33. L’étude de la procédure d’élaboration des documents de planification débute dès l’affirmation de la volonté, ou de l’obligation de le rédiger, et perdure jusqu’à son adoption et son entrée en vigueur. Cette période présente plusieurs intérêts. Tout d’abord, elle est intéressante pour sa longueur. Dans sa vision la plus étendue, entre le début de la procédure et l’entrée en vigueur du document, les auteurs du document auront dû déterminer le périmètre du schéma, mettre en œuvre une concertation, recueillir les éléments nécessaires à la rédaction, rédiger le document, le soumettre pour avis, et ensuite pour enquête publique, et modifier le projet en fonction des avis recueillis. Cette succession de phases implique naturellement une certaine lenteur, sans que cela soit péjoratif, dans l’établissement de l’instrument de planification. Cette lenteur semble nécessaire. Cette durée doit cependant être relativisée au regard de la durée de vie du document, une fois celui-ci adopté.
Ensuite, la procédure d’élaboration présente un intérêt au regard de sa diversité. En effet, elle ne comporte pas qu’une procédure d’élaboration au sens strict, qui pourrait se résumer en une rédaction par les auteurs du document. Elle implique une co-production – auteurs à proprement parler, personnes associées, participants à la concertation, participants aux enquêtes publiques – ainsi qu’une diversité de pratiques – alternance entre les périodes de rédaction et les périodes de consultation.
- 34. La complexité de la procédure d’élaboration des schémas s’exprime assez clairement dans deux domaines ; il convient d’étudier la détermination du périmètre du schéma (Chapitre 1), avant de s’intéresser à la multiplication des acteurs participant à l’élaboration du document (Chapitre 2).
Chapitre 1 – Une détermination du périmètre délicate
- 35. Un schéma se définit prioritairement par son périmètre ; en effet, cet instrument juridique, quel que soit son contenu, est étroitement lié à un territoire. La détermination du périmètre doit alors intervenir en priorité au sein de la procédure. Le périmètre est défini dans le dictionnaire Larousse comme étant « une zone de terrain définie, déterminée, réservée à quelque chose, à quelqu’un », le dictionnaire de l’encyclopédie Universalis est plus succinct, ne parlant que de « zone, surface ». Selon le Vocabulaire juridique Cornu, le périmètre est un « espace déterminé à l’intérieur duquel s’applique une réglementation particulière ». Hormis cette définition extrêmement proche de celle proposée par le dictionnaire Larousse, les dictionnaires de droit public et de droit de l’urbanisme quant à eux, ne possèdent pas d’entrées relatives au périmètre. La proximité entre la définition généraliste du périmètre et la définition juridique laisse penser que la première est satisfaisante pour êre utilisée en droit et ne revêt pas de particularisme. Il est alors possible d’en déduire que la définition non juridique est à retenir. Le périmètre est ainsi l’espace dans lequel va s’appliquer une politique particulière ; dans le cas de la planification, il s’agit de l’espace dans lequel s’applique un schéma.
- 36. Le périmètre d’un schéma doit être pertinent ; or, l’idée de périmètre pertinent est contingente, elle varie en fonction du domaine de planification. Cette contingence implique que le critère géographique, comme celui de la population ou même du domaine de planification, pris individuellement ne permet pas de mettre en lumière la pertinence d’un périmètre. Au-delà de ces critères qui peuvent être quantifiables, justifiables objectivement, le critère politique ne doit pas être négligé. En effet, la répartition des compétences et la compétence de planification sont liées : le périmètre de planification est lié au périmètre d’application de la compétence. Or, la répartition des compétences est souvent dictée par la volonté politique de mettre en avant l’un ou l’autre niveau de collectivités. Il faut alors cumuler ces critères, voire en envisager de nouveaux, pour identifier la pertinence du territoire.
- Cette pertinence n’a rien d’absolue ; chaque schéma possède ses propres caractéristiques conduisant à la variation du périmètre le plus satisfaisant. Cette relativité explique la diversité des périmètres des schémas, ainsi que leurs possibilités d’évolution. La connaissance de ces critères ne peut se faire qu’en parallèle d’une étude sur les personnes ayant mis en œuvre ces critères pour déterminer l’existence d’un périmètre pertinent.
- 37. L’identification du périmètre est délicate, du fait de l’ambiguïté de la notion de pertinence (Section 1). Cette ambiguïté s’accompagne d’une relativité de la pertinence (Section 2).
Section 1 – La notion ambiguë de périmètre pertinent
- 38. Plusieurs ambiguïtés apparaîssent au cours de l’étude des critères de la pertinence d’un périmètre. Ces ambiguïtés, liées notamment à l’absence de définition précise à la fois des critères et de leur contenu rendent l’évaluation de la pertinence assez difficile (§1). Au-delà de son indentification, une autre question se pose, celle de son évolution. Le périmètre doit être en lien avec le schéma ; or, les évolutions que peut subir un schéma entraînent nécessairement des modifications de son périmètre (§2).
§1 – Une pertinence difficilement identifiable
- 39. Dans le langage courant, la pertinence se définit comme « qualité de ce qui est pertinent, logique, parfaitement appropriée ». Lorsque cette pertinence est utilisée en référence à un territoire, cela soulève certaines questions (A). Néanmoins, cette recherche du territoire pertinent est le plus fréquemment éludée par une détermination du périmètre calquée sur les découpages territoriaux préexistants, ignorant les disparités territoriales (B).
A – Une identification délicate du territoire pertinent
- 40. La définition du périmètre pertinent est délicate dans la mesure où la définition du territoire est elle-même complexe (1), et nécessite l’établissement de critères particuliers (2).
1 – Une multitude de territoires
- 41. La première question qui se pose lors de la détermination du périmètre d’un schéma est celle du territoire sur lequel le schéma va à la fois être élaboré, mais aussi appliqué. Chaque domaine scientifique d’étude a adopté sa propre définition du territoire. Le dictionnaire Larousse propose plusieurs définitions, « étendue de pays qui ressortit à une autorité, à une juridiction quelconque », « étendue dont un individu […] se réserve l’usage », ou encore, « espace relativement bien délimité que quelqu’un s’attribue et sur lequel il veut garder son autorité ». L’encyclopédie Larousse le définit comme une « portion identifiée et appropriée de la surface de la Terre ». Ces définitions se rapprochent de la définition donnée par certains géographes : « On peut considérer comme territoire une portion de l’espace terrestre, donc une étendue finie. Tout territoire est limité et à ce titre clos par des limites ou des frontières. En tant qu’espace délimité, le territoire est approprié par un acteur (celui qui est dedans) ou, en creux, par ceux qui en sont exclus ».
- Pour les juristes, le territoire est lié à l’État ; le premier sens cité dans le dictionnaire de vocabulaire juridique Cornu est le suivant : « élément constitutif de l’État dont il forme l’assise géographique et dont il détermine le champ d’exercice des compétences », la deuxième définition renvoie aux autres personnes morales de droit public : « assise géographique des différentes collectivités ou personnes publiques territoriales. Ex. le territoire du département de la commune ». La troisième définition proposée se rapproche de celle du périmètre : « portion de territoire soumis à un régime particulier ».
- Le territoire résulte d’une partition de la surface de la Terre ; or les limites ne sont pas toujours physiquement palpables, qu’il s’agisse des frontières entre les États ou des limites entre deux collectivités territoriales. Les dictionnaires d’urbanisme sont plus diserts sur la définition du territoire :
« On parle d’une part du territoire appartenant à un propriétaire ou approprié par un animal. Mais on emploie également ce terme pour désigner l’espace délimité sur lequel s’exerce l’autorité d’un État ou d’une collectivité : en France, les communes, les départements et les régions sont les trois niveaux de collectivités territoriales. Dans les deux cas, la notion de territoire n’est pas seulement spatiale, mais implique une dimension temporelle d’appropriation et de constitution, qui peut avoir été très longue, du territoire tel qu’il est reconnu aujourd’hui : ainsi de la constitution, depuis le Moyen Âge, du territoire français. On parle aussi de circonscriptions territoriales pour l’organisation spatiale des administrations, des services, etc.
En principe, et dans les différentes acceptions précédentes, la notion de territoire implique celle de limites précises (frontières avec les territoires limitrophes). Dans certains cas cependant, on emploie ce terme dans un sens figuré qui ne comporte pas de limites franches : territoire d’une race humaine, d’une espèce animale ou végétale ; zone d’influence d’un équipement, etc.
Dans le domaine de l’aménagement, la notion de territoire est surtout liée au territoire national qui est objet des politiques d’aménagement du territoire. »
Il en est de même pour le Dictionnaire d’administration publique :
« Le territoire est un terme dont la polysémie traduit les usages sociaux, politiques et scientifiques croissants. Renvoyant à la fois à une dimension publique et privée, à un ensemble de réalités matérielles, géographiques, économiques, organisationnelles et de relations symboliques avec ces réalités, tout à la fois patrimoine hérité et construit par l’action, inscrit dans le court terme comme visant les générations futures, … le territoire exprime la complexité des rapports que les contemporains entretiennent avec l’espace. »
- 42. Se pose alors la question de la détermination de ces limites. En effet, le territoire nécessite une délimitation, et interroge sur les critères permettant cette détermination. Plusieurs critères peuvent être avancés pour permettre la détermination d’un territoire, certains ont été avancés dans l’histoire pour établir des cartographies. Le débat sur les délimitations des collectivités territoriales n’est pas récent, comme le prouvent les dizaines de cartes établies au cours de la Révolution française afin de créer les circonscriptions départementales. Le critère pragmatique choisi à l’époque, la distance à cheval entre les extrémités du département et son chef-lieu, n’est plus applicable aujourd’hui. D’autres critères tels que des critères géographiques, cours d’eau, montagnes, ont aussi contribué à cette délimitation. De nouveaux critères ont progressivement vu le jour, et actuellement, sont privilégiés les éléments liés aux lieux de vie – autrement appelés bassins de vie – aux solidarités financières, à des critères sociaux et culturels. Ces critères revèlent une modification de la conception même du territoire : son centre, son noyau dur n’est plus l’administration, mais des éléments plus centrés sur l’individu, son mode de vie et ses habitudes de consommation. L’avantage de ce changement d’approche est que ces critères sont plus réalistes pour identifier les territoires de vie.
- 43. Le remodelage de la carte des régions a permis de mettre en lumière des critères d’identification d’un territoire. Le premier élément mis en avant lors de ce redécoupage est celui de l’identité historique, plusieurs départements revendiquant leur rattachement à une région voisine, une histoire commune, afin de reconstituer, par exemple le territoire d’un ancien duché. Autre argument pour justifier ces regroupements, l’argument européen. Cet argument est développé par les rapports Balladur et Krattinger. La diminution du nombre de régions devait permettre à ces dernières de devenir compétitives vis-à-vis des régions des autres pays membres de l’Union européenne. Sont alors mis en avant des critères de population, mais aussi des critères économiques comme le PIB par habitant, ou encore la taille du territioire. Ces deux périmètres ont été mis en lumière grâce à ces critères, mais par une autorité supérieure. Le découpage final issu de la loi du 16 janvier 2015🏛 a fait l’objet de critiques, notamment du fait de la différence entre le projet présenté et la loi adoptée, ainsi qu’au regard des insuffisances de l’étude d’impact, mais également de l’absence de consultation des collectivités territoriales concernées, comme l’a reproché le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe dans sa recommandation du 22 mars 2016 La démocratie locale et régionale en France. Il est aussi possible de déterminer un nouveau périmètre par une impulsion directe du territoire. La loi du 25 juin 1999🏛 a créé les « pays », permettant à des communes et des EPCI de s’associer lorsqu’ils estiment que leur « territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale ». La DATAR qualifiait les pays de « territoires pertinents dessinés par des communes qui passent contrat autour d’un projet de développement économique ».
- 44. Les critères permettant de mettre en lumière la pertinence d’un territoire s’avèrent divers. Néanmoins, leur variation obéit à un principe, les éléments d’identification d’un périmètre sont déterminés en fonction de l’objectif fixé pour le territoire. Par exemple, lors de la délimitation des départements, le choix de constituer des territoires dans lesquels chaque citoyen se trouvait à moins d’une journée de cheval du chef-lieu de la circonscription avait pour but de rapprocher ce dernier de l’État, et de garantir l’efficience des politiques déconcentrées. Le rayon d’une journée de cheval étant, en effet, considéré comme permettant au citoyen de se rendre auprès des autorités pour contester une décision.
- 45. Dans le cadre des instruments de planification, un seul critère ne semble pas pouvoir être décisif pour identifier le territoire pertinent pour l’édiction d’un schéma. Parmi les critères, un trio a été mis en lumière, la pertinence d’un territoire se définissant, dans le cadre de la planification, « par la rencontre d’un projet, d’un bassin de vie et d’une gouvernance ».
2 – Des critères particuliers aux territoires de planification
- 46. Le premier élément permettant la détermination d’un périmètre pertinent est la définition d’un projet. Le projet émane directement du territoire, il est lié à celui-ci. Le projet doit traduire les attentes d’une population, dans une optique de valorisation du territoire.
Le projet « annonce ce qu’il serait bon de réserver pour l’avenir ». Il peut être multiple, ou plutôt global, c’est-à-dire toucher plusieurs domaines, comme dans le cadre de l’intercommunalité, mais il est aussi envisageable de sectoriser les projets. La détermination du périmètre du SCOT est imbriquée avec la définition du projet de territoire qui en émane. Le projet du SCOT est sectoriel, il vise à la détermination des orientations concernant l’utilisation des sols. Dans ce cas, le projet émane bien du territoire même, dans la mesure où l’objet même de ce schéma est la gestion raisonnée et durable des sols ; la planification ne peut donc se faire sans prendre en compte les particularités territoriales. Les dispositions relatives aux documents contenus dans le SCOT, et notamment au projet d’aménagement et de développement durable – devenu projet d’aménagement stratégique le 1er avril 2021 – se réfèraient effectivement à la prise en compte des particularités locales, « le rapport d’explication explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable et le document d’orientation et d’objectifs en s’appuyant sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, d’aménagement de l’espace, d’environnement, notamment en matière de biodiversité, d’équilibre social de l’habitat, des transports, d’équipement et de services ».
- 47. Le projet de territoire se veut au centre de la détermination de la pertinence du périmètre ;
« l’insertion recherchée de certaines politiques publiques dans le territoire, c’est-à-dire dans l’espace où elles doivent s’appliquer, favorise l’expression des intérêts locaux dans leur diversité et leurs contradictions. […] un ‘projet de territoire’ doit émaner du territoire, c’est-à-dire être élaboré au moins en partie et ‘adopté’ (sinon juridiquement, du moins socialement, voire symboliquement) par son espace d’application ».
Le SCOT s’inscrit dans ce cadre. Les documents qui le composent sont définis par le code de l’urbanisme. L’architecture du schéma, ainsi que les éléments devant être abordés, en son sein, sont figés, ils doivent être présents dans tous les schémas. L’individualisation du SCOT ne dépend pas de ses composantes formelles, mais bien du contenu de ces documents, contenu qui doit s’appuyer sur le territoire, et la vision que ses rédacteurs ont du projet du territoire.
- 48. Le second élément, le bassin de vie, n’est pas une notion juridique à proprement parler, elle est issue de la géographie. L’INSEE le définit comme étant « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements et aux services les plus courants ». Plusieurs découpages successifs ont été effectués. En 2012, une mise à jour des bassins de vie a été effectuée par l’INSEE qui a, dans le même temps, inauguré une nouvelle procédure permettant de les identifier.
- 49. L’emploi, élément qui peut pourtant paraître central, et qui était présent lors des précédentes campagnes de délimitation des bassins de vie, a disparu des critères mis en lumière par l’INSEE. L’accès au service est apparu plus important que l’emploi concernant la détermination du bassin de vie. L’éviction de ce critère est justifiée, selon l’Institut, dans la mesure où la prise en compte des trajets domicile-emploi risquerait de fausser la réalité du bassin de vie, en ce qu’il ne prendrait en compte que les actifs au sein de la population d’un bassin. Le focus en 2012 a été mis sur l’accès aux services. En s’appuyant sur la Base Permanente des Équipements (BPE), il est possible de déterminer des pôles de services. Pour être qualifiée de pôle de service, une commune doit disposer au minimum de 16 des 31 équipements intermédiaires, au sens de la BPE de 2010. Une fois ces pôles intermédiaires déterminés, les communes avoisinantes, elles-mêmes réunies en bassins de services de proximité, sont agrégées pour former les bassins de vie. Cette méthode a abouti en 2012 à la détermination de 1 666 bassins de vie sur tout le territoire français.
Carte des bassins de vie en France et revenus médians de leur population
Insee, RFL

Carte des bassins de vie en Corrèze
Insee, Préfecture de la Corrèze
- 50. Le bassin de vie est alors vu comme une zone d’accès au service, un bassin permettant à la population de disposer à la fois de services de proximité, mais aussi de services moins développés. Le bassin de vie serait alors une communauté de services. Cette idée d’accès aux services est mentionnée à l’article L. 143-3 du code de l’urbanisme🏛, comme étant un élément permettant la détermination du périmètre des SCOT. L’utilisation de cette notion de bassin de vie dans la détermination du périmètre d’un schéma permet aussi de replacer un critère que l’on peut qualifier d’« humain » dans l’action administrative. En effet, en mettant en avant les services à la population, plutôt que le simple facteur « emploi », l’Insee a choisi de s’intéresser aux activités extra-professionnelles, aux prestations de services plébiscitées par la population pour satisfaire à ce qui peut être qualifié de qualité de vie minimum.
- 51. Il existe d’autres découpages qui peuvent être pris en compte pour identifier un territoire. La notion d’« unité urbaine » qui, selon l’INSEE, « repose sur la continuité du bâti et le nombre d'habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ». Mais ce découpage semble peu pertinent dans le cas d’un maillage national. En effet, en France, les territoires identifiés comme des unités urbaines ne permettent pas d’obtenir une couverture intégrale : de nombreuses zones rurales en seraient exclues. Mais ce critère du « bâti continu » pourrait néanmoins présenter un intérêt, en permettant en négatif d’identifier des zones de bâti non continu, qui pourraient être qualifiées d’unité rurale, et ainsi permettre une différenciation territoriale sur la base du niveau d’urbanisation.
- 52. Le troisième élément est la gouvernance. Au Moyen-Âge, et plus particulièrement à partir du XIIIe siècle, elle désignait en France et en Angleterre l’organisation féodale des royaumes. Avec l’avènement des théories sur l’État au XVIe siècle, le terme gouvernance a été abandonné au profit de celui de gouvernement. Celui-ci est réapparu à la fin du XXe siècle, après la fin de la guerre froide, recouvrant une nouvelle définition. Ce retour s’est tout d’abord fait dans le domaine économique, pour désigner le management et les dirigeants, avant d’être réemployé en droit, à la fois en droit international, avec l’idée de gouvernance mondiale et régionale, mais aussi en droit interne.
La notion de gouvernance appelle plusieurs définitions possibles ; elle peut être entendue comme étant « l’ensemble des mécanismes de régulation d’un système économique et social en vue d’assurer des objectifs communs », ou encore, plus largement, comme « la somme des actions par lesquelles individus et institutions, structures publiques et privées gèrent leurs affaires communes. […] La gouvernance inclut tout autant des institutions formelles et des régimes capables d’en assurer la mise en œuvre que des arrangements informels, soit noués par des individus et des institutions, soit perçus comme conformes à leurs intérêts ».
La gouvernance pourrait se définir comme la rencontre des intérêts des acteurs locaux dans un but de gestion des affaires du territoire. Plusieurs gouvernances peuvent être identifiées, que ce soit des émanations de la population par la voie de l’élection au suffrage universel direct – comme dans le cas des conseils municipaux, départementaux et régionaux – ou par le biais d’un suffrage indirect, à l’image des élections aux conseils communautaires des communes de moins de 1000 habitants. Même lorsqu’ils ne sont qu’une émanation indirecte de la population, les conseils communautaires sont, par leur gestion intercommunale, le renouveau de la gouvernance locale.
- 53. Le choix du périmètre pertinent nécessite la réunion de ces trois éléments a minima qui permettent son identification. Dans ce cas, la pertinence est révélée par les collectivités territoriales et leurs groupements qui choisissent de se regrouper pour exercer ensemble une action collective. Or, tous les périmètres de schémas ne répondent pas à ces critères, en raison de leur détermination législative.
B – Une pertinence issue de la loi.
- 54. Lorsque le législateur désigne quel sera le périmètre pertinent d’un schéma, celui-ci s’appuie sur des périmètres préexistants, répartissant l’élaboration de schéma en fonction de sa correspondance avec les compétences de chaque niveau de collectivité (1). Cette détermination législative n’empêche pas, au sein des périmètres déterminés, d’identifier des zones, qui, du fait de leur faible intérêt du point de vue du domaine de planification, ne seront pas inscrites au sein du schéma (2).
1 – Une délimitation en fonction du champ de compétences des collectivités
- 55. Lorsque la loi détermine le périmètre d’un schéma, celui-ci est décidé en fonction de son domaine de planification. Chaque niveau de collectivité se voit attribuer l’obligation d’élaborer des schémas, dans le but de prévoir à moyen ou long terme les orientations de leurs politiques dans leurs domaines de compétences.
- 56. Le périmètre est déterminé pour correspondre à un niveau de collectivité donné et sa pertinence se justifie au regard des compétences de cette collectivité. Les compétences attribuées à chaque entité décentralisée peuvent donner lieu à l’obligation d’édiction d’un instrument de planification. Ainsi, le niveau régional, et ses compétences « polymorphes », se voit contraint de planifier dans des domaines tout aussi divers. En raison des compétences régionales en matière de transport ferroviaire, il se voit chargé de co-élaborer avec le préfet de région le schéma régional des infrastructures de transport. Le département, en raison de ses compétences en matière d’action sociale, est chargé d’édicter, en association avec le préfet de département, le schéma départemental d’accueil des gens du voyage. La commune a, par exemple, à sa charge l’élaboration du schéma d’assainissement collectif, en lien avec sa compétence dans le domaine de l’assainissement. Le CGCT maintient la compétence de la commune pour élaborer le schéma, sans évoquer l’hypothèse dans laquelle la compétence d’assainissement aurait été transférée à un EPCI à fiscalité propre.
- 57. Le choix du niveau communal, départemental ou régional comme étant le plus pertinent est directement dicté par les transferts de compétences. La compétence d’élaboration du schéma, et ainsi la pertinence de son périmètre, n’est valable que dans la mesure où le niveau de collectivité conserve la compétence. Les compétences des collectivités territoriales sont dépendantes des choix du législateur, en cas de transfert de compétence d’un niveau de collectivité à l’autre, le périmètre du schéma lié à ce domaine sera modifié, la pertinence étant liée directement à l’attribution de la compétence. Dans le cadre d’un transfert de compétences entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, par exemple, le périmètre des schémas sera appelé à évoluer. Ainsi, le schéma pluriannuel de développement des services d’accueil des enfants de moins de 6 ans peut être élaboré soit par la commune, si elle en a conservé la compétence, soit par l’EPCI auquel la commune appartient, si la compétence d’accueil des jeunes enfants lui a été déléguée. Les transferts de compétence entre les communes et les EPCI se multiplient, avec transfert de la compétence de planification. Le territoire intercommunal devient plus pertinent, en raison notamment des coûts engendrés aussi bien par l’élaboration du document que par sa mise en œuvre. La mise en commun des ressources permet d’engager des politiques plus ambitieuses. De même il apparaît que le choix d’un territoire plus vaste pour organiser la planification est plus pertinent que le territoire restreint de la commune. Les périmètres des schémas étaient appelés à évoluer suite à la recomposition de la carte des régions. Dans ce cas, ce ne sont pas des collectivités qui ont choisi, pour des raisons essentiellement financières, de déléguer une compétence, mais l’État qui a choisi de modifier le territoire des régions. Il faut alors que les documents existants soient recomposés, repensés pour s’inscrire dans un nouveau territoire plus vaste. Une telle extension du périmètre aura nécessairement une influence sur le contenu du document : afin d’assurer une cohérence du projet au regard du nouveau territoire, et de l’ensemble de ses spécificités. Ces deux hypothèses révèlent des stratégies différentes : dans le premier cas, il s’agit d’identifier un territoire plus pertinent, en changeant d’échelle : l’évolution des besoins du territoire implique une prise en charge différente de la planification. Dans le second cas, le changement de territoire n’est pas guidé par la planification, mais par la volonté politique de recomposition des régions. Ainsi, la modification du périmètre des schémas n’est pas nécessairement liée à leur propre cohérence.
- 58. La pertinence d’un territoire est nécessairement évolutive. Plusieurs éléments peuvent contraindre ou inciter à son évolution. Dans le cas de la planification de la prévention et de la gestion déchets, la compétence de planification a tout d’abord été divisée entre la région et le département, deux périmètres différents. La région était en charge des déchets industriels spéciaux, compétence résiduelle et spécifique, le département ayant la charge de la planification de l’élimination des déchets ménagers et de tous les déchets assimilés à ceux-ci. La loi NOTRe a réuni l’ensemble de la compétence planification des déchets au niveau régional. Cette décision de changement de périmètre a été pensée pour répondre à la fois à des changements nationaux, mais également européens qui ont fait perdre sa pertinence au périmètre départemental et ont fait augmenter la pertinence du périmètre régional. D’une part, la réunion de l’ensemble de la compétence relative aux déchets était souhaitée par la Cour des comptes qui préconisait, dès 2011, la recherche d’un nouveau périmètre pertinent. Cette proposition était également défendue par le sénateur Eric Doligé dans son rapport La simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. La fusion a été actée par le projet de loi NOTRe, dont l’étude d’impact justifie le choix de la région comme périmètre pertinent : « La fusion des trois plans au niveau départemental aurait permis la même rationalisation (un document unique et harmonisé), sans atteindre, cependant, ni l’objectif de vision globale que permet la régionalisation ni la reprise des éléments essentiels de ce plan unifié ». Les réformes européennes des directives déchets présentées en 2014 ont également contribué à la révision de l’ensemble de la chaine de gestion des déchets, y compris la planification de la collecte et de l’élimination de ceux-ci. Dans un soucis de cohérence, la loi du 7 août 2015🏛 a ainsi institué un double niveau de planification : le niveau national – qui était déjà présent avant la réforme – et un niveau régional qui a vocation à rassembler la planification antérieurement régionale et départementale.
- 59. Lorsque le périmètre est déterminé légalement, la pertinence n’est pas envisagée du même point de vue que dans le cas d’un périmètre fondé sur le territoire. Il ne s’agit plus d’identifier un projet commun à un territoire, mais de conférer aux collectivités les instruments leur permettant de planifier au sein de leur domaine de compétence.
2 – Une couverture partielle du territoire
- 60. Le choix d’une collectivité comme niveau pertinent pour la détermination du périmètre d’un schéma est le plus courant ; néanmoins, même lorsque le choix de l’optimum territorial coïncide avec les limites administratives d’une collectivité territoriale, il peut arriver que la couverture, au sein de ce périmètre, ne soit que partielle.
- 61. Plusieurs schémas introduisent une subtilité quant à leur périmètre. Les contours extérieurs restent bien définis ; concernant le schéma départemental d’accueil des gens du voyages, prévu par la loi du 5 juillet 2000🏛, il a pour assise le département ; néanmoins, l’article 1er de la loi de 2000 induit une absence d’obligation de couverture intégrale dans sa formulation : « Dans chaque département, […] un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées ». Le schéma, s’il est départemental, n’a pas à couvrir l’ensemble du territoire, ce qui permet d’affirmer que les schémas peuvent ne concerner qu’une partie limitée du territoire. Néanmoins, l’auteur du document ne dispose pas d’une liberté totale. Il est contraint par le législateur. Dans le cas du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, les communes de plus de 5000 habitants y sont obligatoirement inscrites. Le législateur a donc imposé un critère démographique que le préfet mettra en œuvre. Il existe un deuxième élément qui doit être pris en compte dans l’inscription des communes au sein du schéma, le critère permettant d’y inscrire des communes de moins de 5 000 habitants. Le préfet doit prendre en compte les zones de passages fréquemment empruntées par les gens du voyage et déterminer les communes les mieux à même d’accueillir des aires de passage ou de grand passage, et qui donc doivent être incluses dans le schéma.
- 62. Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage n’est pas unique en son genre. Le schéma régional éolien n’a pas pour objet de couvrir l’ensemble du territoire de la région dans laquelle il est adopté. L’article R. 222-2 IV alinéas 1 et 2 du code de l’environnement🏛 dispose :
« le volet annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, intitulé "schéma régional éolien", identifie les parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne compte tenu d'une part du potentiel éolien et d'autre part des servitudes, des règles de protection des espaces naturels ainsi que du patrimoine naturel et culturel, des ensembles paysagers, des contraintes techniques et des orientations régionales. Il établit la liste des communes dans lesquelles sont situées ces zones. Les territoires de ces communes constituent les délimitations territoriales du schéma régional éolien au sens de l'article L. 314-9 du code de l'énergie🏛 ».
Les parties du territoire devant être mentionnées au schéma sont déterminées en fonction du potentiel éolien, c’est-à-dire les zones susceptibles, au regard de leur situation géographique, climatologique, mais aussi de leur niveau de peuplement, ou encore de l’impact de l’éolien sur le territoire et l’environnement, d’accueillir un parc éolien. Dans ce cas, il s’agit plutôt d’un critère lié à la géographie du territoire, mais qui permet aux préfets de conserver une marge de manœuvre dans l’inscription des zones au sein du schéma.
- 63. Ces deux schémas, s’ils semblent avoir une assise déterminée légalement, le département pour le schéma d’accueil des gens du voyage, la région pour le schéma régional éolien, ont en réalité un périmètre plus sélectif. Ne sont intégrés dans ces documents que les zones, communes ou groupes de communes, que les pouvoirs publics jugent localement pertinents, en fonction de l’objet du document lui-même. Ainsi, alors même que la pertinence semble déterminée par la loi, d’autres éléments proprement locaux vont intervenir pour déterminer, au sein même du schéma, les zones qui doivent être intégrées, en fonction des critères pré-établis par le législateur. La pertinence demeure une notion contingente au territoire sur lequel le schéma a vocation à s’appliquer.
- 64. La notion de périmètre pertinent est difficilement évaluable, en raison des divers éléments territoriaux qui président à sa détermination. La pertinence n’est pas figée dans le temps, le schéma étant appelé à évoluer, la pertinence devra évoluer de manière simultanée.
§2 – Les évolutions conjointes des schémas et de leur périmètre
- 65. La détermination du périmètre est la première étape dans l’élaboration d’un schéma ; il doit être créé au terme d’une procédure déterminée à l’avance (A). Toute évolution, aussi bien du contenu du schéma que de son périmètre, entraîne des conséquences (B).
A – La création du périmètre
- 66. La création du périmètre intervient au terme d’une procédure longue (1) et parfois quelque peu complexe (2).
1 – Un processus long
- 67. La détermination d’un périmètre, lorsque celui-ci n’est pas identifié à l’avance, repose sur les critères énoncés précédemment. Elle est aussi guidée, le législateur ayant, dans les cas où il n’a pas défini explicitement l’étendue du périmètre, fixé la procédure permettant sa détermination. La détermination du périmètre du SCOT est un exemple parlant concernant la procédure d’élaboration du périmètre du schéma : tout d’abord il est l’un des document pour lequel le périmètre n’est pas législativement pré-établi, et ensuite, la procédure implique à la fois des autorités décentralisées et déconcentrées.
« Un projet de périmètre est déterminé, selon les cas, par les conseils municipaux ou l'organe délibérant du ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents, à la majorité :
1° Soit des deux tiers au moins des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ;
2° Soit de la moitié au moins des communes intéressées représentant les deux tiers de la population totale.
Si des communes ne sont pas membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de schéma de cohérence territoriale, la majorité comprend, dans chaque cas, au moins un tiers d'entre elles.
Pour le calcul de la majorité, les établissements publics de coopération intercommunale comptent pour autant de communes qu'ils comprennent de communes membres. »
- 68. L’adoption du projet de périmètre du SCOT est soumise à des conditions de majorité renforcée, exigence connue et en voie de développement en droit de l’intercommunalité. La règle de la majorité renforcée des deux tiers présente des avantages, notamment au regard des déséquilibres pouvant exister entre les communes du périmètre. Cette consultation est certes très démocratique et assortie de diverses conditions de majorité qui permettent à chaque commune de faire entendre son point de vue, mais elle allonge la procédure de création du périmètre.
- 69. L’acceptation du projet de périmètre par les communes et les EPCI membres du SCOT n’est que la première étape.
« Le projet de périmètre est communiqué à l'autorité administrative compétente de l'État qui recueille l'avis du ou des départements concernés. »
« L'autorité administrative compétente de l'État arrête le périmètre du schéma de cohérence territoriale sous réserve que le périmètre retenu réponde aux critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 143-3 et permette la mise en cohérence des questions d'urbanisme, d'habitat, de développement économique, de déplacements et d'environnement. Il est tenu compte des situations locales et des autres périmètres arrêtés ou proposés. »
- 70. La détermination du périmètre du SCOT se fait en deux étapes ; la première peut être qualifiée de politique, au sens où elle résulte d’un compromis entre des collectivités, en l’espèce des communes, et des EPCI. Le compromis obtenu, le projet de périmètre est établi, mais celui-ci ne restera qu’un projet sans la seconde phase d’adoption qu’il est possible de qualifier d’administrative, qui sera évoquée par la suite. La phase politique ne connaît, juridiquement pas de limite, l’article L. 143-1 du code de l’urbanisme🏛 reste évasif quant à l’existence d’un délai encadrant la recherche de cet accord. Il se contente de rappeler que le périmètre doit émaner du territoire, et énonce les règles de majorité qualifiée. Cette procédure de détermination du périmètre est marquée à la fois par la liberté laissée aux collectivités et à leurs groupements pour déterminer dans quelles conditions, et avec quelles autres collectivités elles souhaitent mettre en œuvre un projet de planification ; elle est aussi marquée par la liberté laissée aux collectivités : l’article en question laisse le champ libre aux collectivités, le préfet ne devant intervenir que postérieurement à la détermination de ce périmètre. La constitution du périmètre du SCOT est nécessairement liée à un projet de territoire, c’est pour cette raison que la première étape, la proposition du périmètre, doit émaner des collectivités qui vont construire ce projet et le mettre en œuvre.
L’article L. 143-1 témoigne plus encore de la liberté laissée aux collectivités lorsqu’il est comparé à l’article L. 143-7 du code de l’urbanisme🏛. Ce dernier permet au préfet, lorsqu’il constate « que l'absence de schéma de cohérence territoriale nuit gravement à la cohérence des politiques publiques d'urbanisme, d'habitat, de développement économique, de développement rural, de transports et de déplacements et de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques ou conduit à une consommation excessive de l'espace », ou que les périmètres existants sont insuffisants pour satisfaire à ces objectifs, de saisir les EPCI compétents pour tenter de déterminer un périmètre cohérent. Le préfet adresse alors une demande aux communes et EPCI concernés de délibérer pour établir un périmètre ou étendre un périmètre existant. Dans un premier temps, la procédure demeure la même : les collectivités contactées par le préfet sont décisionnaires du nouveau périmètre. Mais si l’article L. 143-1 ne mentionne pas de délai, l’article L. 143-7 ne laisse aux collectivités territoriales que 6 mois pour proposer un périmètre, délai après lequel le préfet pourra lui-même proposer un projet. Celui-ci sera alors présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale pour avis avant d’être arrêté par le préfet. Les communes et EPCI concernés disposent de 3 mois pour donner leur avis sur ce nouveau projet. Elles peuvent alors faire échec au périmètre proposé, dans la mesure où l’accord doit être recueilli sous des conditions de majorité qualifiée. Ces pouvoirs ont été conférés au préfet par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, et elle s’inscrit dans la volonté affichée depuis 2010 de rationalisation de la carte intercommunale et de diminution du nombre d’EPCI. Si cette procédure limite l’action des collectivités, elle a le mérite d’encadrer temporairement la phase politique de la procédure de détermination du périmètre.
- 71. La seconde phase, qu’il est possible de qualifier d’administrative, bénéficie d’un encadrement temporel précis. En effet, celle-ci débute par une vérification de la conformité du périmètre vis-à-vis des obligations mentionnées par le code de l’urbanisme. Une fois ce contrôle de légalité effectué, le préfet transmet le projet de périmètre aux conseils départementaux concernés, qui disposent de trois mois pour émettre un avis sur le projet, leur avis étant réputé favorable si le conseil ne s’est pas prononcé dans les délais . Une fois ces avis recueillis, ou bien le délai expiré, le projet de périmètre est adopté par arrêté.
- 72. La procédure d’élaboration s’étire dans le temps, sous l’effet des consultations, mais aussi du fait de la complexité de la procédure de création du périmètre.
2 – Un processus complexe
- 73. L’article L. 143-2 du code de l’urbanisme🏛 ne contient apparemment qu’une seule grande condition de fond quant à la délimitation du périmètre, l’exigence du périmètre « d’un seul tenant et sans enclaves ». Un second élément apparaît, le périmètre du SCOT doit intégrer la totalité des périmètres des EPCI souhaitant participer au SCOT.
- 74. Néanmoins, l’article L143-3 du code de l’urbanisme🏛 énonce d’autres conditions. Mais alors que l’exigence de continuité territoriale est affirmée de manière inconditionnelle, les autres éléments incidents sont présentés comme devant simplement être pris en compte.
« Le périmètre du schéma de cohérence territoriale permet de prendre en compte de façon cohérente les besoins de protection des espaces naturels et agricoles et les besoins et usages des habitants en matière d'équipements, de logements, d'espaces verts, de services et d'emplois.
Il prend également en compte :
1° Les périmètres des groupements de communes, des pays et des parcs naturels, ainsi que les périmètres déjà définis des autres schémas de cohérence territoriale, des plans de déplacements urbains, des programmes locaux de l'habitat et des chartes intercommunales de développement et d'aménagement ;
2° Les déplacements urbains, notamment les déplacements entre le domicile et le lieu de travail et de la zone de chalandise des commerces, ainsi que les déplacements vers les équipements culturels, sportifs, sociaux et de loisirs ;
3° Dans les zones de montagne, la communauté d'intérêts économiques et sociaux à l'échelle d'une vallée, d'un pays, d'un massif local ou d'une entité géographique constituant une unité d'aménagement cohérent. »
- 75. La détermination du périmètre du SCOT s’avère complexe au regard de plusieurs éléments. Si la condition de continuité territoriale est, aujourd’hui, vue comme une condition première et essentielle, cela ne semble pas avoir toujours été un obstacle à la création du périmètre. L’exigence du périmètre d’un seul tenant et sans enclave a été introduite par la loi SRU. Avant cette date, le code de l’urbanisme faisait référence aux territoires intercommunaux, mais comme guide de détermination du périmètre du schéma directeur : « Le périmètre du schéma directeur ou du schéma de secteur tient notamment compte des groupements de communes existants ainsi que des périmètres déjà définis en matière de chartes intercommunales, de plan d'aménagement rural, de schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme et d'agglomération nouvelle. ». Il n’est nullement fait état d’un territoire d’un seul tenant et sans enclave pour créer l’établissement public en charge du schéma directeur. L’absence de cette exigence peut paraître étrange, et même contraire aux principes actuels de l’amanégement du territoire. Il semble en effet aujourd’hui qu’un projet de territoire soit obligatoirement associé à un territoire d’un seul tenant et sans enclave. Mais cette exigence est en réalité récente. Si elle apparaît pour le SCOT en 2000, il s’agit de la conséquence de la modification de la définition du périmètre des EPCI. En effet, la loi du 12 juillet 1999🏛 prévoit, pour la première fois, que le périmètre de la communauté de communes est « d’un seul tenant et sans enclave », de même que les autres structures qu’elle crée, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines. La loi SRU confirme que le périmètre doit être d’un seul tenant et sans enclave pour porter un projet de territoire. L’article L. 143-3 du code de l’urbanisme🏛 semble introduire une plus grande complexité. Si au premier abord, la référence à la notion de « prise en compte » tempère la portée de ces conditions de fond ; l’abondance de documents, de données démographiques et sociales qui doivent entrer en ligne de compte dans la détermination du périmètre, rendent celui-ci délicat à identifier. Si la formulation ne semble pas très contraignante, l’article L. 143-6 rappelle qu’avant d’arrêter le périmètre, le préfet doit vérifier le respect de ces dispositions.
- 76. La création du périmètre revêt une double signification, elle est à la fois une étape préalable à l’établissement d’un schéma, mais également la première étape de l’élaboration du contenu du schéma, le projet de territoire exposé dans le schéma n’est pas dissociable du territoire sur lequel il s’établit. Les diverses consultations ont pour objectif de permettre aux communes à la fois d’exprimer leur accord quant à leur appartenance à ce périmètre, mais aussi leur adhésion à la réalisation d’un projet en commun. Cette double acceptation trouve un écho dans les liens unissant l’évolution du contenu du schéma et celle de son périmètre.
B – Les extensions des périmètres
- 77. L’extension du périmètre d’un schéma peut résulter de plusieurs facteurs, que ce soit un élargissement de son domaine d’intervention (1), ou plus classiquement un élargissement de son assise territoriale (2).
1 – L’élargissement du champ d’action du schéma
- 78. Le périmètre du schéma peut être élargi par une augmentation de son champ d’action, ce qui implique un accroissement de la compétence de planification, ou un regroupement des différentes compétences appartenant à un même niveau de collectivités ou de groupement de collectivités, au sein d’un seul et même document.
- 79. Une telle extension, si elle porte sur le fond du document, et non sur son périmètre territorial, nécessite une mise à jour du document dans l’optique d’intégrer les nouveaux paramètres de planification qui lui ont été adjoints. S’ouvrent alors deux possibilités d’intégration des nouveaux éléments : lorsque l’extension provient d’une fusion de deux schémas préexistants, le schéma intégré peut alors simplement devenir une nouvelle partie du schéma intégrateur ; dans le cas où l’extension porte sur une matière non planifiée, l’ensemble du schéma devra faire l’objet d’une modification. Si elles diffèrent par leurs conséquences, ces deux procédures partagent la même cause, l’extension du champ d’action du schéma est la résultante d’une modification des textes qui le régissent.
- 80. Le schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) peut être considéré comme une exception à la fusion contrainte résultant d’une modification textuelle, dans la mesure où son adjonction à un SCOT n’est que possible. Le SMVM était initialement un document de planification élaboré par l’État, visant à la protection des espaces littoraux. Adopté par décret en Conseil d’État, il était le signe de la prééminence de l’État concernant la protection du domaine maritime. Cette compétence exclusive a tout d’abord été déconcentrée, l’adoption ayant été transférée au préfet. La loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a permis aux établissements porteurs d’un SCOT de devenir porteurs d’un SMVM, sous la forme d’un chapitre individualisé. Le code de l’urbanisme précise que
« Lorsqu'ils comprennent une ou des communes littorales, les schémas de cohérence territoriale peuvent fixer les orientations fondamentales de l'aménagement, de la protection et de la mise en valeur du littoral.
Ces dispositions prennent la forme d'un chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer tel que défini par l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983🏛 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, à condition que celui-ci ait été élaboré et approuvé selon les modalités définies au présent chapitre. »
Si l’établissement public en charge du SCOT accepte la charge du SMVM, il en devient alors rédacteur, et l’approuve. Le SMVM, instrument déconcentré, devient décentralisé, lorsqu’il est intégré à un SCOT. Les collectivités reprennent une part de décision sur l’aménagement du littoral et sa protection.
- 81. Le droit de l’urbanisme commercial a peu à peu été rapproché du droit commun de l’urbanisme, en vue d’une intégration du premier dans le second. Cette intégration étant motivée par la volonté de « favoriser une meilleure intégration des politiques publiques de l’urbanisme, du développement commercial, des transports et de l’habitat ». Le premier pas de ce rapprochement a été opéré par la loi du 4 août 2008🏛 de modernisation de l’économie qui a introduit un nouveau document, le document d’aménagement commercial, dont l’adoption n’a été rendue obligatoire que deux ans plus tard ; le DAC est, depuis 2010, compris dans le document d’orientation et d’objectif qui, entre autres, « précise les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal ». La pression s’est accentuée concernant la prise en compte de l’urbanisme commercial dans les SCOT dans la mesure où, outre le caractère obligatoire de l’élargissement du champ d’action du document d’orientation et d’objectifs, les éléments concernant l’urbanisme commercial qu’il contient ne seront pas de simples objectifs, mais une matérialisation de la place du commerce sur un territoire. En d’autres termes, les éléments relatifs aux zones commerciales doivent être inclus dans les SCOT et auront valeur prescriptive. Le SCOT voit ainsi son périmètre d’intervention s’élargir.
- 82. L’élargissement du périmètre du schéma peut certes être un élargissement de son périmètre d’intervention, en raison d’une adjonction de compétence, ou d’une fusion de deux schémas préexistants. Néanmoins, l’élargissement direct du périmètre se fait par l’élargissement de son assise territoriale.
2 – L’élargissement de l’assise territoriale du schéma
- 83. Le périmètre du schéma peut subir une extension territoriale, notamment en cas d’adjonction de nouvelles communes, de nouveaux territoires, mais aussi, hypothèse plus rare, mais envisageable, en cas de fusions de collectivités ou de leur groupements porteurs d’un schéma.
- 84. L’une des hypothèses qui conduit à un élargissement de l’assise géographique du schéma, dans le cadre d’un périmètre déterminé par la loi et qui correspond à celui d’une collectivité territoriale, est celle de la fusion de collectivités. Lorsque deux ou plusieurs collectivités de même niveau, communes, départements ou région, ou de niveau différents, département et région, fusionnent, les schémas qu’elles édictaient subissent une extension de leur périmètre géographique. Néanmoins, cette extension, si elle semble automatique, doit être relativisée temporellement parlant. La fusion de collectivités, si elle entraîne une substitution de personnes morales, n’entraîne pas immédiatement le regroupement des différents documents de planification, qui nécessitent une révision. Si cette hypothèse pouvait paraître marginale, elle s’est développée suite à la volonté de diminuer le nombre de régions françaises. La loi du 16 janvier 2015🏛 a redessiné la carte des régions de France. Suite à cette nouvelle répartition, la loi du 7 août 2015🏛 indique le devenir de certains instruments de planification régionaux. La loi instaure deux nouvelles dénominations pour les documents de planification régionaux : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Concernant ce dernier, il est appelé à remplacer le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, le changement de périmètre de ce dernier se fera via une refonte de l’instrument. De plus, l’article 13 de la loi habilite le gouvernement à « procéder aux coordinations rendues nécessaires par l’absorption au sein du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires du schéma régional d’aménagement et de développement du territoire […], du schéma régional des infrastructures et des transports […], du schéma régional de l’intermodalité […], du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie » et du schéma régional de cohérence écologique. L’ordonnance en question a été adoptée le 27 juillet 2016. Elle s’attache essentiellement au remplacement de dispositions législatives et de références aux nouvelles dénominations des schémas préexistants. Mais elle comprend aussi des mesures transitoires pour la gestion des documents existants vis-à-vis de la rédaction et de l’adoption des nouveaux documents. Le choix de la fusion des documents permet, au sein du nouveau territoire, la définition d’un projet commun.
- 85. Les extensions du périmètre géographique d’un schéma concernent les instruments dépourvus de périmètre prédéfini par la loi ou le règlement ; cette affirmation circonscrit ces développements essentiellement au SCOT. Le code de l’urbanisme décrit une procédure liant l’évolution du périmètre de l’établissement public porteur du SCOT à celle du document lui-même. Les articles L. 143-10 et suivants du code de l’urbanisme🏛, contenus dans la première section (Périmètre) du chapitre intitulé « Procédure d’élaboration, d’évaluation et d’évolution du schéma de cohérence territoriale », explicitent les différentes démarches et obligations liées aux modifications du périmètre du SCOT. Il ne fixe pas de procédure ad hoc concernant l’évolution du périmètre de l’établissement porteur du SCOT, se contentant de renvoyer aux procédures fixées par le CGCT, à savoir, pour l’extension, une initiative concurrente de l’organe délibérant de l’établissement des communes souhaitant être intégrées ou encore du représentant de l’État dans le ou les départements concernés ; et pour le retrait, une initiative unique, émanant de la commune souhaitant se retirer. Dans les deux cas, la décision est soumise à diverses consultations, avant d’être approuvée par arrêté du représentant de l’État dans le département ou par arrêté conjoint des représentants de l’État lorsque le périmètre s’étale sur plusieurs départements.
- 86. L’extension ainsi que la réduction du périmètre de l’établissement porteur du SCOT, entraînent une extension ou une diminution du document lui-même, comme indiqué aux articles L. 143-10 – pour l’extension – et L. 143-11 – pour la réduction – du code de l’urbanisme🏛. Le lien entre périmètre de l’établissement et périmètre du SCOT est d’apparence simple, mais quelques subtilités se sont ajoutées à ce principe. Ces éléments concernent l’adhésion de communes membres d’un EPCI à fiscalité propre lorsque le périmètre du SCOT ne couvre qu’une partie de celui-ci. Cette hypothèse est envisagée par l’article L. 143-12 du code de l’urbanisme🏛. Lorsque le SCOT ne couvre pas l’ensemble du périmètre d’un EPCI, ce dernier devient dans les 3 mois membre de plein droit de l’établissement porteur du SCOT. Cette extension d’office peut être empêchée par une délibération de l’EPCIFP. Les articles suivants exposent d’autres hypothèses relatives aux évolutions du périmètre et leurs conséquences, afin de parer à toutes les éventualités
- 87. La notion de périmètre pertinent est ambigüe dans la mesure où, lorsqu’elle n’est pas législativement déterminée, elle implique la réunion de plusieurs éléments eux-mêmes contingents. De plus, la notion même de périmètre pertinent est appelée à évoluer, par le jeu des extensions territoriales, mais aussi des évolutions du contenu du schéma, qui influencent son périmètre. La notion de pertinence n’est pas seulement floue, elle est aussi relative.
Section 2 – Une pertinence relative
- 88. La pertinence est guidée par une certaine forme de pragmatisme : elle est constituée par la rencontre d’un domaine de planification et du territoire dans lequel il s’inscrit. Ces deux éléments imposent une dose de pragmatisme dans l’identification du périmètre pertinent (§1). Pour éviter une incohérence complète entre les différents périmètres, une position prépondérante a été confiée aux autorités déconcentrées, qui ont la charge d’identifier les critères de la pertinence (§2).
§1 –
Une pertinence pragmatique
- 89. La pertinence d’un périmètre ne peut pas être analysée in abstracto, elle doit nécessairement être analysée en fonction du contexte territorial. Ce contexte est marqué par deux facteurs : d’une part, les réformes successives de la décentralisation ont permis l’émergence d’une multitude de territoires, chaque politique publique semblant devoir avoir un territoire dédié (A) ; d’autre part, les changements intervenus dans la politique d’aménagement du territoire ont fortement influé sur l’évolution de la pertinence du territoire (B).
A – Une multiplication des territoires pertinents
- 90. Les diverses réformes mises en place en France ont eu pour conséquence un émiettement des territoires. Les divers périmètres, que ce soit ceux des collectivités territoriales, ceux des intercommunalités et des divers schémas, ont été superposés (1), ce qui a eu pour conséquence de multiplier les autorités planificatrices (2).
1 – Une superposition des périmètres
- 91. La superposition des périmètres des schémas se manifeste de différentes manières. Elle peut contribuer à une forme de superposition « idéale » : les schémas se développent sur un seul et même territoire – celui d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités – et ont en pratique les mêmes frontières. Il existe une deuxième forme de superposition, plus complexe, qui ne se limite pas aux seuls périmètres des schémas, mais permet de constater l’excès de zonage que le territoire français a subi dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire.
- 92. La région et le département ont été identifiés par le législateur comme étant des périmètres pertinents dans divers domaines ; en conséquence, ces collectivités se révèlent être le territoire support d’une grande majorité de schémas. Il en résulte une superposition exacte des périmètres des divers schémas. Cette superposition idéale présente un avantage, elle ne morcelle pas le territoire au-delà de sa division administrative. Mais elle ne reflète pas pour autant une stratégie planificatrice : les schémas se superposent sur le territoire, mais demeurent juxtaposés quant à leur contenu.
Le territoire français est morcelé en circonscriptions administratives, en entités décentralisées, elles-mêmes ayant la faculté de se regrouper, créant ainsi de nouveaux périmètres. Les divisions issues des phénomènes de déconcentration et de décentralisation ne sont pas les seuls zonages qui découpent le territoire français. Dans La France redécoupée, Jean-Marc BENOIT, Philippe BENOIT et Daniel PUCCI constatent cet émiettement territorial ; selon eux, « découper et redécouper le territoire national est une question imposée à chaque acteur majeur de notre pays, dans la sphère privée et marchande comme dans la sphère publique ». Les schémas participent à ce morcellement territorial. Les auteurs prennent comme exemple la Normandie, illustrant leur propos en détaillant les quarante zones délimitées sur ce territoire. Cet article se fonde sur une étude commandée par la préfecture de la région Basse-Normandie, et éditée en partenariat entre cette dernière et la Direction Régionale de l’Insee. En 1995, l’établissement de cette cartographie, qui se veut exhaustive, a permis de délimiter 4 500 zones sur le territoire bas-normand. La présentation des différentes cartographies territoriales est divisée en 9 grandes catégories, qui recoupent en partie les domaines de la planification : l’agriculture, l’aménagement du territoire, les découpages administratifs, la catégorie enseignement-emploi-formation, l’environnement, la santé et l’action sociale, les services publics, le tourisme et le patrimoine et l’urbain et le rural. Chacune de ces catégories est elle-même divisée en sous-catégories qui a permis l’établissement d’une carte.
- 93. L’exemple de la Basse-Normandie illustre parfaitement les réticences qui peuvent naître du fait de l’établissement de nouveaux périmètres de la planification : le territoire est d’ores et déjà extrêmement morcelé, les périmètres issus des différents découpages se superposent, sans réelle clarté. Néanmoins, la pertinence du périmètre du schéma demeure cruciale ; elle permet d’établir un diagnostic et un projet au plus près des besoins du territoire et de sa population. Sans cette analyse, et ce lien entre le périmètre de la zone d’action et l’action projetée, le découpage serait plus artificiel et ne permettrait pas une action ciblée, dans une optique de spécialisation et d’efficience de la planification. Ce lien entre le territoire et le contenu de l’instrument de planification entraine une certaine sectorisation des politiques publiques : en ne s’attachant aux besoins que d’une partie limitée du territoire, en plus de morceler les périmètres, il devient complexe d’identifier une cohérence d’ensemble, celle-ci devenant parcellaire. Les instruments de planification se juxtaposent sur le territoire sans identification possible d’une cohérence. La superposition verticale est également problématique.
2 – Un éparpillement de la planification
- 94. Outre l’absence de clarté pour le grand public, l’augmentation du nombre de périmètres de planification emporte une autre conséquence. La différence de périmètre implique une gouvernance distincte. Or, dans le cas d’une compétence divisée entre différents niveaux de collectivité, il revient à chaque autorité décentralisée de gérer l’instrument de planification qu’elle doit éditer.
- 95. Le tourisme fait partie des compétences qui ont été transférées aux collectivités territoriales, mais pour laquelle l’État conserve lui aussi des prérogatives. La région dispose d’une compétence en matière d’édiction des « objectifs à moyen terme du développement touristique régional ». Dans ce cadre, elle doit créer un comité régional du tourisme qui élabore le schéma régional de développement du tourisme prévu par l’article L. 131-7 du code du tourisme🏛. Le département s’est vu reconnaître des compétences semblables, à savoir l’édiction d’un schéma d’aménagement touristique départemental, mais celle-ci est facultative, ou plutôt conditionnée à l’existence d’une nécessité de planification, ainsi que la constitution d’un comité départemental du tourisme, à la différence que ce dernier ne semble pas compétent pour élaborer le schéma relatif au tourisme. Les communes, ainsi que leurs groupements, ne se sont pas vu reconnaître de compétence d’édiction d’un instrument de planification dans le domaine du tourisme, néanmoins, elles peuvent créer des offices de tourisme dont les attributions se rapprochent des comités départementaux et régionaux. L’établissement d’un document prévisionnel demeure exigé au niveau régional, et au niveau départemental, dans des termes plutôt similaires, celui-ci se devant de retracer les orientations de la politique de développement du tourisme sur le territoire. Il semble donc s’agir d’un doublon, d’un éparpillement de la compétence de planification. Pourtant, si le schéma départemental doit « prendre en compte les orientations » du schéma régional, la formulation choisie par le code du tourisme n’implique pas une contrainte renforcée.
- 96. Les périmètres de planification se superposent sur le territoire, multipliant ainsi les instruments de planification, et les autorités planificatrices. La décentralisation de ces responsables participe d’une évolution de l’appréhension de l’aménagement du territoire.
B – Un changement de logique au regard des politiques d’aménagement du territoire
- 97. L’aménagement du territoire a longtemps été l’apanage de l’État, qui peu à peu a décentralisé cette compétence (1), dans une optique de territorialisation des actions d’aménagement (2).
1 – La fin de l’aménagement jacobin
- 98. L’idée d’aménagement du territoire est née dans la seconde moitié du XXe siècle, postérieurement à la Seconde Guerre Mondiale. Le constat est à l’époque simple : la région parisienne supplante le reste du pays, aussi bien économiquement qu’en termes de population. L’aménagement du territoire est alors envisagé comme un instrument permettant d’inverser une certaine centralisation des ressources. Néanmoins, cet outil est détenu entièrement par l’État, dans la mesure où il était le seul à pouvoir en assumer la direction. La politique d’aménagement se manifeste par le biais de plans, les plus importants et les plus efficients ayant été mis en œuvre entre 1962 et 1975 ; « l’État souhaitait en effet combattre les effets négatifs de la concentration en créant des pôles de croissance capables de réorienter les flux économiques ». Le symbole de cette omnipotence étatique se matérialise par la création de deux instances, le Comité Interministériel du Territoire (CIAT) en 1960 et la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) en 1963. La DATAR a été conçue comme une structure de pilotage, une administration de mission, qui devait élaborer les politiques, conseiller le premier ministre, mais sans mettre la politique en œuvre. Elle devait ainsi marquer l’emprise gouvernementale sur la conception même de la politique d’aménagement du territoire. Plusieurs leviers se retrouvent entre les mains de cette structure : elle détermine l’implantation des infrastructures, promeut l’emploi, et gère l’attribution de plusieurs aides financières. La DATAR est devenue en 2005 la DIACT (Délégation interministérielle à l’aménagement et à la com-pétitivité du territoire), avant que son acronyme soit rétabli en 2009, mais avec une nouvelle définition, Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’activité régionale. Cette dernière a été remplacée par le CGET, lui-même supprimé et intégré dans l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) le 1er janvier 2020.
- 99. La politique étatiste d’aménagement du territoire a connu, entre 1962 et 1975, des succès, notamment du point de vue de la répartition des emplois sur l’ensemble du territoire, mais aussi quelques échecs, notamment concernant les « villes-nouvelles ». Le département et la commune sont alors relégués au rang d’exécutants des décisions nationales. Néanmoins, quelques éléments permettent d’identifier les prémisses d’une certaine décentralisation de l’aménagement du territoire. L’échelon communal s’est vu reconnaître, par le Conseil d’État, une capacité d’intervention économique sur son territoire, compétence affirmée par le décret du 20 mai 1955🏛 relatif aux interventions des collectivités locales dans le domaine économique. Mais ce pouvoir reste limité aux seules actions économiques. Il est néanmoins possible d’ajouter la capacité d’intervention reconnue aux communes, et à elles seules depuis la loi NOTRe, de se saisir d’une compétence non attribuée à une autre personne publique et justifiée par la présence d’un intérêt local particulier. La transformation des régions, circonscriptions administratives depuis les décrets du 14 mars 1964🏛, en établissements publics par la loi du 5 juillet 1972🏛 confirme cette tendance : l’établissement public régional est lié au développement économique du territoire, il est vu comme une force de proposition, de discussion sur la base des projets nationaux, mais n’est ni décisionnaire final, ni gestionnaire.
- 100. Au début des années 1970, l’État est au paroxysme de son interventionnisme, les quelques compétences consenties à l’échelon communal ou régional demeurent cantonnées à une certaine forme d’interventionnisme économique limité. Mais à partir du premier choc pétrolier de 1974, la France a vécu une fracture économique qui a contraint l’État à repenser la politique d’aménagement du territoire. La sauvegarde de l’emploi est devenue l’objectif principal de l’État ; il ne s’agit plus alors d’aménager le territoire à proprement parler, mais de maintenir les activités et infrastructures existantes. Profitant du désengagement de l’État, les collectivités ont opté pour une politique d’aménagement du territoire basée sur des mesures incitatives. Le milieu des années 1970 marque alors le basculement progressif de la compétence d’aménagement du territoire. Ce dernier est juridiquement traduit au début des années 1980, tout d’abord par la loi du 3 mars 1982, puis par celles du 29 juillet 1982 et du 7 janvier 1983, qui ont conféré aux collectivités territoriales une autonomie dans leurs compétences en matière d’aménagement du territoire, marquant ainsi la fin d’une période d’aménagement centralisé et introduisant une part de territorialisation dans l’action des pouvoirs publics.
2 – La territorialisation de l’action
- 101. Au cours des années 1990, plusieurs lois ont mis en avant l’élément territorial dans la prise de décision, prenant ainsi en compte l’idée selon laquelle l’aménagement du territoire doit être en lien avec ce dernier afin de valoriser au mieux ses particularités.
- 102. La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire peut être vue comme un tournant dans la politique d’aménagement du territoire. Même si l’article 1 de cette loi rappelle que « la politique d'aménagement et de développement du territoire est déterminée au niveau national par l'État », il ajoute immédiatement qu’ « elle est conduite par celui-ci en association avec les collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de la décentralisation ». Les collectivités territoriales sont affirmées en tant que co-auteurs de l’aménagement du territoire. Le partage des compétences est confirmé par le titre même du chapitre III de la loi, « Des documents de portée régionale et de la conférence régionale », l’instrument phare de la région étant le schéma régional d’aménagement du territoire, document élaboré par le conseil régional, en association avec les conseils généraux des départements concernés, les communes chefs-lieux de ces mêmes départements, les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d’aménagement du territoire. Il s’agit bien, avec cet instrument, de confier aux acteurs locaux la détermination de la politique d’aménagement du territoire la plus appropriée pour leur territoire.
- 103. De plus, la loi introduit une nouvelle notion, ou plutôt une nouvelle formule de découpage du territoire, le pays ; « la loi d’orientation organise un processus destiné à identifier des pays comme des territoires différents de ceux déjà institués par le droit positif ». « En fait et en droit, la loi d’orientation introduit le pays comme territoire nouveau sur lequel la puissance publique et ses partenaires doivent porter des diagnostics de situation et d’évolution, y conduire des actions correctrices de certaines déficiences présentes ou virtuelles identifiées tant par l’État que les collectivités territoriales et les habitants ». La loi consacre un titre aux pays, titre composé de 3 articles, les articles 22, 23 et 24 de la loi. Le premier concerne les raisons de la création d’un pays, qui est possible « lorsqu’un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale », et que cette cohérence est constatée par la commission départementale de la coopération intercommunale. La création d’un pays est alors soumise à l’initiative de cette commission, essentiellement composée de membres de conseils municipaux. Les pays ne disposent pas d’une compétence de planification, néanmoins, ils marquent la volonté de l’État de permettre aux collectivités territoriales de mener leurs propres politiques pour leur territoire. Il s’agit, dans le cas des pays, de la même logique présidant à la détermination du périmètre du SCOT.
- 104. Le deuxième article du titre, et en particulier le second alinéa, témoigne de la territorialisation de l’action ; « les collectivités territoriales et leurs groupements définissent, dans le cadre du pays, en concertation avec les acteurs concernés, un projet commun de développement ». L’idée de concertation des acteurs locaux concernant le développement de leur territoire marque bien la décentralisation de la prise de décision dans le domaine de l’aménagement du territoire, le local revient au centre de la prise de décision. Au demeurant, l’État ne se désengage pas des politiques d’aménagement du territoire ; il demeure, selon les termes de l’article 24, le coordinateur de ces politiques.
- 105. La pertinence des périmètres de planification se révèle empreinte de pragmatisme ; ils doivent composer à la fois avec les réalités territoriales, mais aussi avec les évolutions des politiques territoriales d’aménagement du territoire. Si, ces dernières années, l’objectif affiché a été celui de la décentralisation de l’aménagement du territoire, les services déconcentrés n’ont pas pour autant perdu leur influence dans la détermination d’un périmètre pertinent.
§2 – Une pertinence relevant des services déconcentrés
- 106. L’État, au travers de ses représentants sur le territoire, conserve une place prééminente dans la détermination de la pertinence du périmètre (A) ; les juridictions administratives encadrent néanmoins cette omniprésence (B).
A – L’importance du préfet dans le processus de détermination du périmètre
- 107. La détermination d’un périmètre permet au préfet de s’immiscer au sein de la prise de décision par les collectivités locales, manifestation de son pouvoir de décision (1), qui est périodiquement renforcé (2).
1 – Un préfet aux pouvoirs importants
- 108. L’autorité préfectorale est détentrice d’importantes compétences en matière de détermination du périmètre pertinent d’un établissement de coopération intercommunale. Le préfet est appelé à intervenir à chaque étape de la modification du périmètre : il préside à sa création, valide ses extensions, comme ses réductions. Le titre de l’article d’Urbain Ngampio-Obélé-Bélé, « Le préfet, acteur principal de l’intercommunalité », illustre parfaitement cette réalité.
- 109. Le premier et principal pouvoir reconnu à l’autorité préfectorale est celui de la détermination du périmètre du futur établissement, y compris lorsque celui-ci est porteur d’un SCOT. Aux termes de l’article L. 5211-5 du CGCT :
« Le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale peut être fixé par arrêté du représentant de l'État dans le département lorsque les communes font partie du même département ou par arrêté conjoint des représentants de l'État dans les départements concernés dans le cas contraire :
1° Soit, dans un délai de deux mois à compter de la première délibération transmise, à l'initiative d'un ou de plusieurs conseils municipaux demandant la création d'un établissement public de coopération intercommunale ;
2° Soit à l'initiative du ou des représentants de l'État, après avis de la ou des commissions départementales de la coopération intercommunale concernées. Cet avis est réputé négatif s'il n'a pas été rendu à l'issue d'un délai de deux mois. ».
Le préfet dispose d’un large pouvoir d’interprétation quant à la détermination de ce périmètre, l’article L. 5212-2 du CGCT n’impose pas d’obligation d’action : il ouvre une possibilité d’arrêter le périmètre de l’EPCI. En effet, le préfet doit rester le garant de la cohérence du périmètre. Cette cohérence ne semble pourtant pas définie par les textes régissant les conditions de création du périmètre des EPCI, pour autant, elle est au cœur des dispositions relatives à la progresion de l’intercommunalité et à l’achèvement de la carte intercommunale :
« Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. »
La cohérence est alors issue de la rencontre d’un territoire et des compétences exercées par l’entité sur le territoire. L’inconvénient de cette définition est qu’elle s’applique plus à l’analyse d’un périmètre existant, ou à son extension qu’à la création d’un périmètre. Les pouvoirs d’appréciation du préfet sur les extensions de périmètre, précisés à l’article L. 5211-18 du CGCT, sont d’autant plus justifiés :
« Le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale peut être ultérieurement étendu, par arrêté du ou des représentants de l'État dans le ou les départements concernés, par adjonction de communes nouvelles :
1° Soit à la demande des conseils municipaux des communes nouvelles. La modification est alors subordonnée à l'accord de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ;
2° Soit sur l'initiative de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale. La modification est alors subordonnée à l'accord du ou des conseils municipaux dont l'admission est envisagée ;
3° Soit sur l'initiative du représentant de l'État. La modification est alors subordonnée à l'accord de l'organe délibérant et des conseils municipaux dont l'admission est envisagée. ».
La compétence du préfet est aussi retranscrite, en des termes plus succincts, concernant la réduction du périmètre, à l’article L. 5211-19 du CGCT, « La décision de retrait est prise par le ou les représentants de l'État dans le ou les départements concernés ».
- 110. L’omniprésence préfectorale est issue de la loi du 16 juillet 1971🏛. Par cette loi, la coopération intercommunale, d’initiative essentiellement communale, a été doublée d’une compétence préfectorale. La loi ATR du 6 février 1992 vient renforcer ce dispositif, dans une optique de renforcement de l’intercommunalité. Le préfet, en tant que représentant de l’État dans le département, est placé au cœur du dispositif, dans la mesure où il est considéré comme le garant de la pertinence et de la cohérence du périmètre, qualités sur lesquelles repose l’efficacité de la coopération.
- 111. La volonté d’efficacité dans la coopération intercommunale a justifié que soient donnés aux préfets de nouveaux pouvoirs pour rationaliser les périmètres intercommunaux existants, notamment au travers de l’adoption et de la mise en œuvre du schéma départemental de coopération intercommunale.
2 – Un préfet disposant parfois de pouvoirs renforcés
- 112. La loi du 16 décembre 2010🏛 a renforcé les pouvoirs des autorités préfectorales dans leur rôle de détermination de la pertinence d’un périmètre intercommunal. Ces pouvoirs exorbitants n’ont pas vocation à être en permanence à la disposition du préfet de département, mais lui sont offerts périodiquement, à savoir après chaque renouvellement du schéma départemental de coopération intercommunale. Ces pouvoirs ont pour objectif l’achèvement de la carte intercommunale : toutes les communes doivent appartenir à un EPCI, et un critère de pertinence du périmètre a été ajouté. Ce nouveau critère, qui s’ajoute à la condition devenue classique de périmètre d’un seul tenant et sans enclave, est démographique : la population minimale des communautés de communes, seule catégorie d’EPCIFP à ne pas avoir eu de seuil minimal de création auparavant, a été fixée.
- 113. Les pouvoirs spécifiques du préfet dans le cadre de la détermination du périmètre pertinent des intercommunalités s’expriment à deux moments. Tout d’abord, dans le cadre de l’élaboration du SDCI, le préfet est l’initiateur du projet de schéma, et est au centre du processus de concertation, il recueille les avis des différents acteurs de l’intercommunalité avant de soumettre le projet pour adoption à la commission départementale de coopération intercommunale, qu’il préside lui-même. Le préfet est également prépondérant dans le cadre de la mise en œuvre du schéma.
- 114. Selon la loi RCT, ainsi que sa circulaire explicative, les lois qui l’ont suivie et les instructions pour l’élaboration du schéma départemental de la coopération intercommunale, le préfet a la charge « d’élaborer un schéma départemental de coopération intercommunale », cette élaboration devant être mise en œuvre comme « un exercice de production conjointe entre le préfet et les élus ». Au cours de cette phase, les pouvoirs du préfet demeurent assez classiques, dans la mesure où il coordonne le recueil des informations et la concertation avant de prendre sa décision finale, et d’adopter le schéma départemental de coopération intercommunale. Néanmoins, le caractère exceptionnel de son action s’exprime à travers la durée de l’élaboration. En effet, le préfet, s’il doit mener une concertation approfondie et ne négliger aucun acteur territorial au cours du projet, doit également adopter le schéma dans un délai d’un an. La circulaire du 27 décembre 2010 insiste sur cette dualité du rôle du préfet, soulignant la nécessaire consultation en vue de l’obtention d’un consensus le plus large possible quant à la nouvelle carte de l’intercommunalité, tout en rappelant la contrainte principale : les consultations doivent être rapidement menées, afin que les autres phases de l’élaboration du schéma puissent être réalisées avant le 31 décembre 2011, date butoir pour l’adoption. Au terme de ces diverses consultations, le préfet demeure la seule autorité apte à déterminer quels sont les périmètres pertinents. Son pouvoir se voit renforcé dans le cadre de la mise en œuvre de l’instrument.
- 115. Les pouvoirs exceptionnels accordés aux préfets dans le cadre de la rationalisation de l’intercommunalité devaient initialement s’exprimer postérieurement à l’adoption des schémas, qui devait avoir lieu avant le 31 décembre 2011, ou, à défaut d’adoption dans les délais, à partir du 1er janvier 2012. Les article 60 et 61 de la loi RCT prévoyaient leur étendue. Dans une optique d’achèvement de la carte de l’intercommunalité programmé au cours de l’année 2013, les services déconcentrés de l’État ont reçu compétence pour inclure les communes isolées au sein des périmètres intercommunaux existants ainsi que pour rationaliser ces derniers. L’un des objectifs poursuivi par les fusions était la réduction de l’intercommunalité sans fiscalité propre – syndicats de communes – au profit de l’intercommunalité à fiscalité propre. Les pouvoirs exceptionnels des préfets avaient deux buts, la couverture intégrale et la réduction du nombre de structures. La loi NOTRe, dans son article 35, reprend une philosophie assez semblable : le préfet dispose de pouvoirs exceptionnels pour la mise en œuvre du SDCI, mais cette fois les objectifs diffèrent un peu : partant du principe que la carte intercommunale est achevée, le préfet dispose alors de pouvoirs permettant de continuer la suppression progressive des structures jugées trop peu intégrées, et de diminuer le nombre d’EPCIFP, par l’application des nouveaux seuils de population minimums.
- 116. Une procédure ponctuelle permet aux représentants de l’État dans les départements d’imposer plus aisément leur vision du périmètre pertinent. Alors que la procédure de droit commun relative aux fusions nécessite une majorité qualifiée des deux-tiers des communes représentant au moins la moitié de la population du nouveau périmètre, ou de la moitié des communes représentant au moins les deux-tiers de la population, pour que le regroupement puisse avoir lieu, l’exigence d’une majorité qualifiée a été provisoirement abandonnée. La proposition préfectorale de fusion doit recueillir, pour être mise en œuvre, l’accord des conseils municipaux de la moitié au moins des communes représentant la moitié de la population, et seul l’avis, et non l’accord, de l’organe délibérant de l’EPCI est nécessaire.
- 117. La condition de majorité assouplie a pour objectif de faciliter la rationalisation des périmètres de l’intercommunalité, diminuant la force d’opposition des communes dans la délimitation du périmètre pertinent. Néanmoins, l’opposition des communes n’est pas un obstacle définitif ; la loi du 16 décembre 2010🏛 a prévu qu’« à défaut d'accord des communes et sous réserve de l'achèvement des procédures de consultation, le ou les représentants de l'État dans le ou les départements concernés peuvent, jusqu'au 1er juin 2013, par décision motivée, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale, modifier le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ». L’ensemble de ce dispositif, pourtant contraignant et attentatoire au principe de libre administration des collectivités territoriales et plus particulièrement des communes, a été jugé conforme à la Constitution dans la décision Commune de Puyravault.
- 118. Ces pouvoirs dérogatoires qui renforcent le rôle du préfet dans la détermination de ce que doit être le périmètre pertinent ont été mis en œuvre entre le 1er janvier 2012 et le 1er juillet 2013, mais peuvent être réactivés après chaque révision du schéma départemental de coopération intercommunale, prévue tous les 6 ans.
- 119. La reconnaissance de la pertinence des périmètres intercommunaux est une compétence des services déconcentrés de l’État. Cette compétence s’accompagne pour les préfets de pouvoirs leur permettant d’imposer aux collectivités territoriales leur vision du périmètre pertinent pour la conduite de projets communs, en particulier ceux liés à la planification. Si les pouvoirs du préfet sont importants, ils demeurent encadrés par les juridictions.
B – L’encadrement par le juge des pouvoirs du préfet
- 120. Les juridictions administratives peuvent être saisies des décisions prises par le préfet dans le cadre de sa détermination du périmètre compétent, que ce soit lors de sa création (1) ou lorsqu’il est amené à évoluer (2).
1 – Le contentieux de la création des périmètres
- 121. Le préfet est impliqué dans la procédure de création d’un EPCI et de détermination de la pertinence du périmètre dans la mesure où l’autorité préfectorale dans le département est la seule compétente pour adopter l’arrêté délimitant les frontières d’un nouvel EPCI. Or cet arrêté étant un acte administratif, il peut être déféré devant les juridictions administratives, permettant ainsi aux communes incluses ou non incluses dans le périmètre initial qui s’opposent à la décision préfectorale, implicite ou explicite, de tenter de remettre en cause les limites du futur établissement. Le recours pour excès de pouvoir est alors un moyen pour les collectivités territoriales de faire obstacle aux décisions des autorités déconcentrées.
Les requêtes à l’encontre des décisions préfectorales arrêtant, ou refusant d’arrêter un périmètre peuvent être divisées en plusieurs catégories. La première catégorie rassemble les contestations des refus opposés par le préfet aux demandes de création d’un EPCI émanant des communes elles-mêmes. Le moyen parfois invoqué par les communes reposant sur l’existence d’une compétence liée du préfet est classiquement rejeté par les juridictions. Ainsi, il n’existe pas d’obligation pour le préfet, confronté à la volonté de collectivités territoriales de se regrouper, de donner suite à cette demande, quant bien même les collectivités demanderesses auraient unanimement plaidé en faveur de cette création.
- 122. Lorsque l’argument invoqué n’est pas celui de la compétence liée, le juge peut alors contrôler la décision par laquelle le préfet a refusé d’entériner le périmètre qui lui a été proposé. L’examen au fond de la décision des services déconcentrés demeure limité à l’erreur manifeste d’appréciation. Les juridictions administratives ont été à plusieurs reprises amenées à réaffirmer l’intensité de ce contrôle, que ce soit les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel ou la juridiction suprême : « s'il revient aux seules communes de prendre l'initiative de demander la création d'une communauté de communes, le représentant de l'État a la faculté de ne pas y donner suite, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir ». Le contrôle est limité dans la mesure où le pouvoir du préfet est un pouvoir discrétionnaire.
- 123. Les décisions par lesquelles le préfet entérine un périmètre, que ce soit de sa propre initiative, sous l’impulsion de la commission départementale de coopération intercommunale ou en réponse à une proposition émanant des communes, ne bénéficient pas d’un examen plus poussé de la part des juridictions. Ce contrôle limité quant à la pertinence du périmètre s’explique par plusieurs éléments. Tout d’abord, la pertinence n’est pas définie juridiquement parlant. Des indices sont disséminés, notamment dans les circulaires adressées aux préfets, mais sans qu’il existe de critères précis. De plus, si le préfet dispose en effet d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination de la pertinence, il se voit contraint de soumettre son projet à l’approbation des communes concernées, à savoir les communes inscrites dans l’arrêté de périmètre. Celles-ci doivent exprimer leur accord, soit par la majorité des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou inversement, soit par la moitié au moins des communes représentant la moitié de la population. Le respect de cette procédure est examiné par le juge qui vérifie alors la réalité de la consultation et que les conditions de majorité sont bien remplies. Dans le cadre de cet examen, les juridictions ont pu rappeler que l’opposition d’une commune à son intégration au projet de périmètre n’entraîne ni l’échec du projet global, ni son exclusion du périmètre de l’EPCI, « que la circonstance que le conseil municipal de Foussignac, par une délibération en date du 6 octobre 1993, a manifesté son opposition au projet de communauté de communes de Jarnac est sans influence sur la légalité de l’arrêté du 15 novembre 1993, dès lors que la majorité requise par l’article L167-1 du Code des communes🏛 était remplie à la date à laquelle a été pris l’arrêté litigieux ».
2 – Le contentieux lié aux évolutions d’un périmètre
- 124. Tout comme lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à la création d’une communauté de communes, le préfet peut refuser de donner suite à une demande visant à inclure une nouvelle commune au sein d’une communauté existante. Dans une telle situation, le contrôle juridictionnel ne s’étend pas. Dans une décision de 2005, le tribunal administratif de Nice a, dans un premier temps, rappelé l’absence de nécessité de motivation des décisions préfectorales, lorsqu’il ne donne pas suite aux demandes relatives à la fois à la création, mais aussi à l’inclusion d’une nouvelle commune au sein du périmètre.
« La décision par laquelle le représentant de l’État dans le département refuse d’étendre le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à une nouvelle commune n’est pas, en tout état de cause, au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979🏛 relative à la motivation des actes administratifs […] que les dispositions précitées […] laissent au représentant de l’État […] la faculté de ne pas y donner suite, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, alors même que seraient satisfaites les conditions auxquelles est subordonnée cette admission ».
- 125. Les contentieux liés au rattachement d’une commune isolée à un EPCI ont tout de même permis aux juridictions de consacrer certains principes en faveur des collectivités territoriales. En 2002, le Conseil d’État a reconnu que la libre administration des collectivités territoriales avait le caractère d’une liberté fondamentale, et que le rattachement d’une commune à un EPCI sans son accord portait atteinte à cette dernière. Néanmoins, si le juge permet ainsi aux communes de former un référé-liberté issu de l’article L. 521-2 du CJA, en vue de l’annulation de son rattachement à un EPCI contre son gré, l’annulation n’a pas dans cette affaire été prononcée, l’atteinte n’étant pas manifestement illégale. Le juge des référés a accepté de donner aux collectivités territoriales un accès aux mesures d’urgence dans le cadre des procédures liées aux extensions de périmètre des intercommunalités.
- 126. Les conditions de l’extension du périmètre de l’intercommunalité ont été précisées dans le cadre des pouvoirs conférés aux préfets par la loi du 16 décembre 2010🏛, complétée par la loi du 29 février 2012🏛 puis la loi du 7 août 2015🏛. Sous l’empire des dispositions des lois de 2010 et 2012, plusieurs recours ont été intentés à la fois pour contester les choix inscrits dans les schémas, mais aussi pour contester la mise en œuvre du schéma par les préfets. Plusieurs communes ont contesté devant les juridictions administratives leur rattachement à un EPCI, soit en raison de leur isolement, soit en raison d’un redécoupage de la carte intercommunale. L’argument principal avancé par les communes demanderesses reposait sur une atteinte à leur libre administration, constitutionnellement garantie. À l’appui des recours pour excès de pouvoir, certaines ont formé des questions prioritaires de constitutionnalité qui ont donné lieu à deux décisions du Conseil constitutionnel.
- 127. La première décision, ou plutôt les trois décisions rendues le même jour, ont validé les pouvoirs exceptionnels du préfet permettant de rattacher une commune à un EPCI contre son gré en raison des diverses garanties procédurales et de la durée limitée de ces pouvoirs, et, reprenant sa jurisprudence traditionnelle, le Conseil constitutionnel a réaffirmé que « si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ».
La deuxième décision de QPC rendue en 2014 a censuré l’article L. 5210-1-2 du CGCT qui organisait des pouvoirs exorbitants du préfet dans le cadre de la rationalisation de l’intercommunalité. Cette censure a été réalisée sur le fondement d’une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, en ce que cet article ne prévoyait pas de procédure de consultation de la commune que le préfet décidait d’intégrer à un EPCI.
- 128. Ces quatre décisions permettent de préciser les conditions d’encadrement procédural des évolutions des périmètres des intercommunalités ; le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire qui lui permet de définir ce que doit être un périmètre pertinent. La force de décision que représente l’autorité déconcentrée, que ce soit dans le cadre de ses pouvoirs ordinaires ou des pouvoirs renforcés qui lui ont été accordés, trouve une limite dans le respect des procédures de consultation des différents acteurs de l’intercommunalité concernés par le projet de périmètre.
- 1.
- 129. Conclusion de chapitre
L’élément préalable à l’élaboration d’un schéma est de déterminer sur quel territoire il devra se réaliser. Cette affirmation semble simple ; néanmoins, la détermination du périmètre le mieux à même d’accueillir une activité de planification donnée n’est pas aisé. Plusieurs critères, tenant aussi bien au territoire en lui-même, qu’aux collectivités concernées, qu’à la compétence devant être mise en œuvre, mais surtout à l’instrument de planification, doivent être pris en compte. Les phénomènes de décentralisation des compétences et de territorialisation de l’aménagement du territoire ont contribué à une multiplication des périmètres.
L’élément central permettant de conserver une cohérence face à la multiplication des périmètres est le représentant de l’État. Ce dernier s’est vu attribuer un rôle de régulation dans le cadre de la détermination du périmètre des schémas, lorsque celui-ci n’est pas légalement déterminé. Il est l’auteur de l’arrêté de périmètre, mais n’est pas nécessairement son initiateur. Son rôle dans la planification est important, dès l’étape préalable à l’élaboration du document que constitue l’identification du périmètre. Cette omniprésence du préfet, dès les premières étapes de la planification marque une forme de recentralisation de l’action locale : il détient un pouvoir d’initiative, d’opposition et d’approbation finale. Pour autant les collectivités ne sont pas privées intégralement de leur marge de manœuvre, mais elles sont encadrées. Un autre indice de l’encadrement étatique de l’action des collectivités territoriales apparaît avec la détermination par le législateur, au moment de la création du schéma, du périmètre pertinent, retirant ainsi toute marge de manœuvre aux rédacteurs du schéma quant à l’assise territoriale de celui-ci.
Chapitre 2 – Une élaboration à plusieurs niveaux
- 130. La procédure permettant l’élaboration du document de planification est cruciale. Au cours de cette phase, les auteurs du document se doivent de déterminer son contenu. Or, les objectifs liés aux instruments de planification, et notamment l’objectif de stabilité, imposent une élaboration lente et minutieuse, s’attachant aux moindres détails du document.
- 131. Ainsi, l’élaboration d’un schéma procède de différentes étapes : les consultations en amont de l’écriture du document, sa rédaction, l’adoption du projet de schéma, la présentation de ce dernier et finalement son approbation . Chacune de ces phases voit intervenir une multitude d’acteurs, pour diverses consultations et éclairages. L’objectif premier de cette multiplicité d’intervention demeure la rédaction d’un document le plus en adéquation possible avec la réalité, appuyé sur des données et des connaissances certaines et précises afin de prévoir de manière réaliste le sens de leur évolution. Le niveau d’élaboration des instruments de planification revêt lui aussi une importance cruciale pour sa mise en œuvre. Il ne s’agit pas de justifier le choix de l’auteur du document au regard de son assise géographique, mais en fonction de sa nature. C’est en raison de la particularité des entités déconcentrées que se justifie leur place au sein des processus d’élaboration, que ce soit en qualité de consultant dans la procédure, ou d’auteur du document.
- 132. Deux éléments sont remarquables au sein de la procédure d’élaboration des documents de planification. Tout d’abord, cette phase est marquée essentiellement par son aspect participatif ; en effet, de nombreuses consultations sont organisées, en amont de la rédaction du projet, jusqu’à son adoption finale (Section 1). Ensuite, il est intéressant de remarquer la place importante occupée par l’État au sein des procédures d’élaboration des instruments de planification en droit des collectivités territoriales (Section 2).
- 133.
Section 1 – Une procédure de préparation reposant sur des mécanismes consultatifs nombreux
- 134. La convention d’Aarhus, dans son article 8, dispose que « chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié et tant que les options sont encore ouvertes durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. […] Les résultats de la participation du public sont pris en considération dans toute la mesure possible ». Les choix établis par le législateur français reflètent cette préconisation : des consultations sont mises en œuvre à presque toutes les étapes de la procédure d’élaboration des schémas. De plus, l’entrée en vigueur le 1er janvier 2016 du code des relations entre le public et l’administration marque plus encore la volonté de faire participer les citoyens et plus largement le public, à l’élaboration des décisions administratives.
- 135. Les consultations ont lieu tout au long de l’élaboration, témoignant de la volonté d’introduire les mécanismes nécessaires à l’avènement d’une procédure participative (§1), tout en ne négligeant pas les consultations post-élaboration (§2).
§1 – Une élaboration du projet marquée par une volonté participative
- 136. Les instruments de planification interviennent dans des domaines très variés ; néanmoins, depuis plusieurs décennies, les effets environnementaux des actions des collectivités ont été pris en compte par les autorités élaborant les schémas.
La prise en compte des effets potentiels des schémas est marquée par deux obligations, la première concernant l’étude d’impact préalable au projet (A), la seconde l’obligation d’intégrer certaines personnes à l’élaboration du projet (B).
A – Le nécessaire diagnostic préalable : l’exigence d’une étude d’impact
- 137. L’étude d’impact est apparue par le prisme du droit de l’environnement (1), avant de voir son champ d’application évoluer (2).
1 – Une obligation initialement environnementale
- 138. L’étude d’impact en matière environnementale a été introduite par la loi du 10 juillet 1976🏛 relative à la protection de la nature, et plus particulièrement par son article 2 dont l’alinéa 1 dispose que « les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation ainsi que les documents d’urbanisme doivent respecter les préoccupations d’environnement ». L’alinéa 2 concrétise cette obligation, « les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences ». Ces deux alinéas marquent le point de départ de l’obligation d’évaluation des conséquences d’un projet. Initialement, seul l’environnement était concerné, au niveau local.
- 139. A l’obligation législative s’est ajoutée une obligation européenne, par l’intermédiaire de la directive no 85/337/CEE du 27 juin 1985. En 2001, une nouvelle directive, éditée conjointement par le Parlement européen et le Conseil, est intervenue pour codifier les dispositions préalablement édictées, en se fixant « pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale ». La directive 2001/42/CE a été transposée par une ordonnance du 3 juin 2004, et ses dispositions ont été intégrées au sein du code de l’environnement, notamment aux articles L. 122-4 et suivants.
- 140. L’obligation d’évaluer les conséquences d’un projet, d’une règlementation, d’un instrument de planification apparaît en filigrane dans plusieurs articles de la Charte de l’environnement. En effet, selon l’article 3, « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ; selon l’article 5, « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». La Charte de l’Environnement, incluse dans le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, impose une obligation globale et non détaillée de procéder à l’évaluation des conséquences environnementales d’un projet. Cette obligation, peu développée dans le texte constitutionnel, dispose néanmoins de la pleine valeur constitutionnelle, comme l’ensemble des dispositions de la Charte :
« que ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ; que, dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que le législateur n'a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres à garantir son respect par les autres autorités publiques »
Prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a également rappelé la pleine valeur constitutionnelle de ces principes et leur invocabilité devant les juridictions administratives.
- 141. La réalisation d’une étude d’impact ne se limite pas aux décisions administratives, même si, dans ce domaine, comme le souligne Michel Prieur, « le processus de décision administrative a été assez largement transformé à la suite de l’introduction de l’étude d’impact », elle est aussi apparue comme un élément essentiel dans la préparation des textes législatifs. L’objectif est plus large que la seule évaluation de l’impact environnemental d’un projet, l’étude d’impact en amont des projets de loi vise à définir leur effet général pour améliorer sa qualité. Le Conseil d’État, dans son rapport public pour 2011 – Consulter autrement Participer effectivement – préconise d’amplifier le recours aux études d’impact.
L’étude d’impact, appliquée aux schémas, change d’appellation, elle devient une évaluation environnementale. Celle-ci se concentre sur les conséquences sur l’environnement de ces instruments. L’article L. 122-6 du code de l’environnement🏛 décrit la substance de l’évaluation environnementale. Le rapport établi au titre de l’évaluation environnementale doit déterminer quels seront les effets du document sur l’environnement, et les moyens de les atténuer ou de les compenser. Le rapport doit aussi justifier les choix faits au regard de l’environnement : il doit exposer les autres solutions envisagées et les raisons pour lesquelles elles ont été écartées. De même, le rapport doit retracer les indicateurs qui ont été choisis pour déterminer les effets du document sur l’environnement. Le contenu détaillé de l’évaluation environnementale est décrit par l’article R. 122-20 du code de l’environnement🏛. Le rapport rendant compte de la démarche d’évaluation environnementale doit suivre neuf étapes. Il débute par une présentation générale qui doit exposer les objectifs de l’instrument de planification. Le rapport doit ensuite décrire l’état initial de l’environnement sur le territoire, en prenant en compte à la fois ses enjeux et ses caractéristiques environnementales, ainsi que ses perspectives d’évolution, en l’absence d’adoption du schéma. La troisième étape met en rapport les deux premières, en évaluant les différentes solutions permettant d’atteindre les objectifs du document projeté, ainsi que leurs avantages et inconvénients. Après avoir envisagé les différentes hypothèses, le rapport présente le projet retenu, et les raisons de ce choix « notamment au regard des objectifs de protection de l’environnement ». Les deux étapes suivantes s’attachent à détailler les effets notables du projet sur l’environnement. Tous les effets doivent être envisagés, y compris les effets combinés des différents documents se chevauchant sur un même territoire. Le document retraçant l’évaluation environnementale doit être concret, et ne doit en aucun cas se contenter d’une analyse déconnectée de la réalité du territoire et des autres instruments présents sur celui-ci. Cet exposé est suivi par une présentation des mesures envisagées en vue d’éviter les effets négatifs de l’instrument de planification sur l’environnement, et si l’évitement n’est pas possible, de réduire leur impact. Les deux éléments suivants devant obligatoirement figurer au sein du rapport d’évaluation environnementale visent à expliquer le raisonnement suivi, et permettre ainsi un examen de l’évaluation. Il s’agit tout d’abord d’énoncer des critères qui permettront, postérieurement à l’adoption du document, la bonne évaluation des impacts environnementaux, la détection des effets non prévus, et la mise en place de mesures de résolution. Puis sont exposées les méthodes ayant été utilisées afin de réaliser l’étude, accompagnées des raisons ayant conduit au choix de cette méthodologie. Le rapport s’achève sur un « résumé non technique des informations prévues ci-dessus ». Ce dernier est destiné à l’information du public.
- 142. Le rapport de l’évaluation environnementale laisse entrevoir la lourdeur de cette procédure, très encadrée et très observée. L’évaluation ne doit pas être abstraite, elle doit refléter la réalité environnementale du territoire concerné, à la fois dans sa globalité, mais aussi en prenant en compte les particularismes de certaines parties de son périmètre. Il en va de même concernant les interactions entre les différents plans, schémas et programmes avec le document évalué.
Le rapport mentionné au sein du code de l’environnement est considéré comme le rapport d’évaluation environnementale de droit commun. Une évaluation dérogatoire a été instaurée au sein du code de l’urbanisme. Si le contenu ne diffère que peu entre les deux procédures, la place du document n’est pas la même : alors que l’évaluation environnementale issue du code de l’environnement donne naissance à un document indépendant de l’instrument qu’elle évalue, le rapport exigé par le code de l’urbanisme doit être intégré au rapport de présentation du document.
- 143. L’évaluation environnementale est donc concrète, mais aussi graduée, son intensité est variable. Elle est sans doute appelée à se développer : la protection de l’environnement est une compétence partagée, inscrite à l’article L. 1111-2 ; elle est également une préoccupation majeure de notre société. Il semble donc que l’ensemble des activités des collectivité, y compris la planification, puisse être considérée comme ayant une influence sur l’environnement, et donc soumise à une étude d’impact environnemental.
2 – Une obligation graduée
- 144. L’évaluation environnementale, qu’elle soit issue du code de l’urbanisme ou du code de l’environnement, n’est pas applicable à l’ensemble des instruments de planification, plusieurs distinctions doivent être établies. Les schémas, selon leur niveau d’incidence sur l’environnement, sont soit soumis de manière obligatoire à l’évaluation environnementale, soit soumis, sous conditions, à l’évaluation environnementale. La distinction entre l’obligation d’évaluation et la possibilité d’évaluation est réintroduite lors des révisions de ces documents.
- 145. L’article R. 122-17 I du code de l’environnement🏛 établit la liste des schémas devant obligatoirement faire l’objet d’une évaluation environnementale. Ces schémas sont les suivants :
- - schéma décennal de développement du réseau,
- - schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables,
- - schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux,
- - schéma d’aménagement et de gestion des eaux,
- - schéma régional de biomasse,
- - schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie,
- - schéma de cohérence écologique,
- - schémas susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000,
- - schéma régional des carrières,
- - schéma régional d’aménagement des bois et forêts,
- - schéma régional de gestion sylvicole,
- - schéma départemental d’orientation minière,
- - schéma régional de développement de l’aquaculture marine,
- - schéma national et régional des infrastructures de transport,
- - schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires,
- - schéma de mise en valeur de la mer,
- - schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris,
- - schéma des structures des exploitations de cultures marines,
- schéma directeur territorial d'aménagement numérique,
- schéma directeur de la région d'Ile-de-France,
- schéma d'aménagement régional de Guadeloupe, de La Réunion, de Guyane, de Martinique et du Département de Mayotte,
- schéma de cohérence territoriale,
- schéma d’aménagement de plage.
L’article R. 122-17 II du code de l’environnement🏛 dresse une liste, plus courte des documents ne devant faire l’objet d’une évaluation environnementale qu’après un examen au cas par cas. Cette liste ne comprend pas de schéma.
- 146. L’article L. 104-1 du code de l’urbanisme🏛 expose les 6 catégories de documents devant faire l’objet d’une évaluation environnementale. Au sein de ces documents se trouvent le schéma directeur de la région Ile-de-France, le schéma d’aménagement régional adopté par les régions de Guadeloupe et de la Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et le Département de Mayotte, les SCOT et les schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre-mer. L’article L. 104-2 ajoute 3 catégories de documents, dont un schéma, le schéma d’aménagement des plages. Le code de l’urbanisme🏛 et le code de l’environnement sont redondants dans l’établissement de la liste des documents soumis à l’évaluation environnementale. La question peut alors se poser de quelle procédure doit être suivie. Les deux s’appuient sur la directive européenne de 2001, néanmoins, l’évaluation du code de l’environnement semble plus appropriée, dans la mesure où elle est, légèrement, plus complète que celle du code de l’urbanisme.
- 147. Au-delà des schémas mentionnés au sein des codes de l’environnement et de l’urbanisme, qui sont obligatoirement soumis à l’évaluation environnementale, d’autres instruments peuvent ponctuellement faire l’objet d’une telle étude. Au sein des instruments de planification qui doivent être soumis à évaluation, l’obligation ne se révèle pas homogène. « L’évaluation environnementale est proportionnée à l’importance du plan, schéma, programme et autre document de planification, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu’aux enjeux environnementaux de la zone considérée ».
- 148. Ce principe d’adaptation de l’intensité de l’évaluation environnementale à l’importance du document conditionne l’obligation de la réaliser. En effet, les documents dispensés de cette évaluation ne le sont qu’en raison de leur faible importance du point de vue de l’environnement. Dans le cadre de l’évaluation environnementale issue du code de l’urbanisme, le plan local d’urbanisme est dispensé de cette étude préalable. Cette dispense disparaît lorsque dans le périmètre du plan se trouvent une commune littorale, une commune située en zone de montagne, ou lorsque le territoire couvert comprend un site classé Natura 2000. De même, l’évaluation environnementale doit être réalisée si le document est susceptible « d’avoir des incidences notables sur l’environnement ». La soumission du plan local d’urbanisme à l’évaluation peut n’être plus obligatoire ; comme le relève Pierre Soler-Couteaux, « les PLU ainsi astreints à l’évaluation environnementale en sont néanmoins dispensés lorsque la commune est couverte par un SCOT et que celui-ci a lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ».
- 149. La proportionnalité de l’intensité de l’évaluation environnementale se manifeste tout autant dans le contenu même du rapport. L’adaptabilité du contenu est rappelée par la circulaire no 2006-16, « le degré d’analyse est fonction de la complexité et la sensibilité environnementale du territoire concerné et de l’importance des projets que le document permet ». Le législateur a prévu une procédure appelée « cadrage préalable ». L’autorité chargée d’élaborer le document a la possibilité, prévue par l’article R. 122-19 du code de l’environnement🏛, de « consulter l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement […] sur l’ampleur et le degré de précision des informations à fournir dans le rapport environnemental ». Elle précisera « les éléments permettant d’ajuster le contenu du rapport environnemental à la sensibilité des milieux et aux impacts potentiels du plan, schéma, programme ou document de planification sur l’environnement ou la santé humaine ». La réponse apportée par l’autorité environnementale constitue le cadrage préalable.
- 150. L’évaluation environnementale est devenue indispensable à l’établissement des documents de planification. En 2005, Yves Jégouzo estimait que « l’obligation d’analyser les incidences sur l’environnement des travaux et projets d’aménagement susceptibles d’y porter atteinte est maintenant bien acquise dans le droit positif », mais qu’en « revanche, reste très embryonnaire l’analyse des effets sur l’environnement des décisions qui, en amont, prévoient et rendent juridiquement possibles les opérations matérielles soumises à l’étude d’impact ». Or, ce constat, exprimé alors que l’évaluation environnementale venait d’être consacrée pour les documents de planification, est à nuancer. Après presque 10 ans d’application, il semble qu’elle soit, elle aussi, devenue un élément essentiel de l’élaboration des instruments de planification en matière environnementale, dans la mesure où « la promotion de l’urbanisme durable a été récemment réaffirmée comme une priorité à l’occasion du Grenelle de l’environnement. Elle se traduit notamment par l’obligation d’examiner les incidences sur l’environnement lors de leur élaboration ou de leur évolution ».
- 151. Le projet de schéma doit, lorsqu’il est mentionné dans la liste des documents soumis à l’évaluation environnementale, présenter ses effets sur l’environnement s’il est adopté. Ces constatations doivent permettre une élaboration éclairée du document. La collecte des informations nécessaires à la bonnne élaboration des instruments de planification se poursuit par le bias de la concertation et de l’association des personnes intéressées.
B – L’ouverture de l’élaboration par la concertation et l’association
- 152. La phase d’élaboration des schémas s’est peu à peu ouverte. Deux modalités d’élargissement du corps élaborateur ont été mises en place. Ces deux ouvertures se font vers deux populations différentes, la procédure de concertation permet aux habitants de s’impliquer (1), alors que la procédure d’association appelle à l’investissement des institutions locales (2).
1 – La concertation, ouverture de la procédure d’élaboration aux non-professionnels/non-institutionnels
- 153. Le mot « concertation », comme le rappelle Myriam Fritz-Legendre, est issu du « terme latin ‘concertatio’, c'est-à-dire, dans son sens ancien, l’accord de personnes poursuivant le même but ». La procédure de concertation a été imposée dans le cadre de l’élaboration des documents d’aménagement par la loi du 18 juillet 1985🏛, insérée dans un premier temps à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme🏛, avant que la recodification opérée en 2015 ne la transpose aux articles L. 103-2 à L. 103-6 du code de l’urbanisme🏛🏛. Lors de son adoption, en 1985, le principe de concertation est une extension de la procédure déjà prévue depuis 1976. La concertation préalable a été rendue obligatoire pour le SCOT, qui est resté jusqu’en 2010 le seul schéma concerné.
- 154. La loi portant engagement national pour l’environnement a introduit au sein du code de l’environnement une nouvelle section, intitulée « Autres modes de concertation préalable à l’enquête publique », qui ne contient actuellement qu’un seul article, l’article L. 121-16. Aux termes de celui-ci, « la personne responsable d'un projet, plan ou programme ou décision mentionné à l'article L. 123-2 peut procéder, à la demande le cas échéant de l'autorité compétente pour prendre la décision, à une concertation préalable à l'enquête publique associant le public pendant la durée d'élaboration du projet, plan, programme ou décision ». À la différence de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme🏛, il n’est pas question d’obligation dans le code de l’environnement, simplement d’une possibilité offerte au responsable du schéma d’associer la population à sa rédaction.
- 155. Néanmoins, si l’élargissement législatif de la portée de la concertation est relativement récent, les conditions de sa bonne utilisation avaient été mis en lumière dès 1996 par le Ministère de l’environnement via l’adoption d’une Charte de la concertation. Ce texte est composé de neuf articles, précédés d’un préambule. Ce dernier se termine en établissant les trois objectifs du texte, la promotion de la participation « des citoyens aux projets qui les concernent », en garantissant une information complète, « l’écoute de leurs attentes » et un débat ; l’amélioration du contenu des projets par l’association « du plus grand nombre possible d’acteurs concernés » ; le dernier objectif s’attache moins aux effets de la participation qu’au contenu de la Charte en lui-même, dans la mesure où elle se veut un « code de bonne conduite » dans la mise en œuvre de la concertation. Le corps de la Charte présente les principes qui doivent être mis en œuvre au cours de la procédure de concertation. Elle doit être préalable au projet, « aussi large que possible », les pouvoirs publics doivent en être les initiateurs, et doivent la rendre à la fois transparente, attractive, organisée. La Charte évoque ensuite certains points liés à cette organisation : elle peut requérir la présence d’un « garant », les frais engendrés par la concertation sont à la charge du maître d’ouvrage. Ce dernier devra participer à l’établissement du bilan de la concertation, bilan joint au dossier d’enquête publique et qui fera « l’objet d’une large diffusion ».
- 156. Ce document, si volontariste qu’il soit, n’a pas de valeur contraignante : édité par le Ministère de l’environnement, il n’est rattaché à aucun texte, il n’a donc pas de fondement juridique : « la charte de la concertation ne répond à aucun des critères traditionnels de juridicité, et le fait qu’elle soit signée solennise sans doute l’engagement de son signataire, mais ne suffit pas à lui conférer ce caractère d’opposabilité et d’invocabilité, indispensable à une sanction par le juge ». Même sans valeur juridique, la Charte de la concertation demeure une indication quant à la marche à suivre dans le cadre d’une concertation. Cette procédure présente un double intérêt : elle permet à la population locale au sens le plus large du terme de prendre part au débat public, mais elle demeure relativement souple dans la mesure où l’autorité organisatrice en fixe les modalités.
- 157. Du point du vue du public visé, l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme🏛 exprime bien la volonté de s’adresser à un panel aussi large que possible, en ouvrant l’association aux habitants, aux associations locales et aux « autres personnes concernées ». Le code de l’environnement est plus lacunaire encore, évoquant seulement « le public », sans faire mention d’une quelconque appartenance territoriale ou d’un intérêt pour le projet, même si celui-ci est sans doute sous-entendu par le fait de prendre part à la concertation. Le choix de l’indétermination du public visé témoigne effectivement de la volonté d’établir une discussion entre les auteurs du schéma et la population locale, ainsi que de ne pas segmenter les types de populations susceptibles de participer.
- 158. La concertation se veut une procédure plus souple, ou du moins, moins rigide que la procédure d’enquête publique. Alors même que la Charte de la concertation fixe une procédure détaillée du point de vue des grandes étapes à suivre, elle n’a pas de valeur contraignante, les responsables de l’élaboration d’un schéma demeurent donc libres quant aux règles qu’ils souhaitent s’imposer. Elles doivent être fixées au sein de la délibération instaurant la mise en œuvre de la concertation. Le non-respect par les auteurs du schéma des règles qu’ils ont eux-mêmes fixées pourra entraîner l’illégalité de la procédure : lorsque l’administration a fixé les modalités d’organisation de la concertation, elle doit les respecter. Par exemple, l’absence de mise à disposition d’un registre permettant au public d’inscrire ses observations, alors qu’il a été prévu par la délibération entraine l’annulation de l’acte final. Néanmoins, l’ensemble des irrégularités n’entraînent pas la nullité de la procédure, et cela en application de la jurisprudence Danthony. Ainsi, l’organisation d’une seule réunion publique, alors qu’un minimum de deux réunions était fixé par la délibération organisant la concertation, ne constitue un vice de procédure substantiel entrainant la nullité de l’acte. Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, cette irrégularité n’avait pas, « eu égard aux dispositions prises par ailleurs, privé les habitants d'une garantie et, au regard des pièces du dossier, a[vait] été sans incidence sur le sens de la décision attaquée ». Seul le non-respect de certaines modalités de la concertation est susceptible d’entraîner la nullité du schéma.
- 159. Dans le cadre du rapport public pour 2011, Consulter autrement Participer effectivement, le Conseil d’État présente les résultats de la concertation issue, selon la codification alors en vigueur, de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme🏛. Les données récoltées par les préfectures portent sur les années 2009 et 2010. Au cours de ces deux années, 28 concertations préalables ont eu lieu dans le cadre d’un SCOT, que ce soit pour une élaboration, une révision ou une modification. Du point de vue du bilan, les concertations menées n’ont conduit qu’à des modifications qui ne touchaient pas aux grandes orientations du projet. Sur ce point, la conclusion est la suivante, « peu de propositions ou d’idées sont émises avant que les choix communaux ne soient établis. La concertation apparaît comprise de façon restrictive par les personnes qui y participent, comme un moyen de savoir comment sera zoné le terrain ou le secteur qui les intéresse ». Le principal handicap de la concertation réside dans cette confusion faite par le public entre information et concertation. Les participants n’étant pas conscients des enjeux de cette procédure et de la place qui leur est réservée, tout au long de la procédure d’élaboration, ils ne saisissent pas la possibilité d’influencer en profondeur l’orientation du projet.
- 160. L’importance de la concertation et de la participation du public en amont des décisions administrative est au cœur des préoccupations du législateur. En effet, au-delà des procédures prévues par les codes spécifiques que sont les code de l’environnement et de l’urbanisme, le code des relations entre le public et l’administration offre la possibilité aux personnes publiques d’organiser une consultation du public. Celle-ci est prévue à l’article L. 131-1 :
« Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. »
L’article est volontairement vague quant à la nature de cette procédure de participation à l’élaboration d’un acte, afin de permettre à toutes les personnes publiques de pouvoir s’approprier la procédure. En ce sens, le CRPA rejoint les objectifs de la concertation en matière environnementale et d’urbanisme, ainsi que la Charte de la concertation. Ces différentes modalités permettant au public de participer à la décision prise par l’administration ont toutes le même but, par la simplification de leur procédure : encourager ce mode de consultation. Le Conseil d’État a confirmé la relative liberté des collectivités dans le cadre de l’utilisation du CRPA pour déterminer le nom d’une région. Cette décision intervient pour préciser les principes encadrant ces consultations. Pour le Conseil d’État, la consultation organisée dans le cadre de l’article L. 131-1 du CRPA doit être réalisée « dans le respect des principes d'égalité et d'impartialité », et également de sincérité. Le juge détaille ensuite ce que doivent recouvrir ces trois principes. La personne publique organisatrice doit délivrer une information claire et suffisante à la fois sur l’objet de la consultation, mais aussi sur sa procédure ; un délai raisonnable doit être laissé au public pour exprimer son opinion ; les résultats doivent faire l’objet d’une publication. Une autre série de conditions tient à la détermination du public lui-même. D’une part, le public dit « pertinent » doit être identifié en fonction du sujet de la consultation. Cette condition permet d’établir une différenciation claire entre la consultation du CRPA et celle codifiée dans le CGCT. La consultation issue de la loi du 6 février 1992, modifiée🏛 par la loi du 13 août 2004🏛, n’implique comme participant que les personnes inscrites sur les listes électorales sur le territoire de la collectivité. L’appréciation plus large du public dans le cadre du CRPA permet l’inclusion des résidents, ou des personnes ayant un attachement à la collectivité. D’autre part, l’autorité organisatrice de la consultation doit s’assurer que les modalités de participation ne conduisent pas à ce qu’une personne puisse multiplier les avis et ainsi fausser la sincérité de la consultation. Ainsi, même si le Conseil d’État a renforcé les conditions d’exercice de la consultation issue du CRPA, celle-ci demeure plus souple que les mécanismes dédiés à la prise de décision inclus dans le CGCT. De plus, elle permet la participation à la décision publique de personnes pour lesquelles aucune procédure particulière n’est exigée, mais qui pourraient apporter une plus-value à la décision finale.
- 161. Les personnes visées par la procédure de concertation ne sont ni des représentants des institutions locales, ni des professionnels, contrairement aux personnes appelées à participer par le biais de la procédure d’association.
2 – L’association, intégration des partenaires institutionnels.
- 162. Parallèlement à l’information générale permettant d’inciter le public à participer, la délibération qui marque le début du projet doit aussi être adressée à une liste limitative de personnes, en vue de leur association au projet. La procédure d’association s’adresse essentiellement aux autorités, généralement institutionnelles, mais pas seulement, dans une optique d’assistance technique dans l’élaboration du projet. Ce mécanisme d’association est présent notamment dans le cadre de l’élaboration du SCOT, mais aussi pour le schéma directeur territorial d’aménagement numérique.
- 163. Dans le cadre d’un SCOT doivent être associés :
« l'État, les régions, les départements, les autorités organisatrices prévues à l'article L. 1231-1 du code des transports🏛, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux […] les chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement🏛, des sections régionales de la conchyliculture».
Sont également associés « Les syndicats mixtes de transports […] les établissements publics chargés de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes ». À ces personnes publiques s’ajoute, conformément à l’alinéa 2 de l’article L. 143-17 du code de l’urbanisme🏛, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
- 164. La liste des institutions associées à l’élaboration du schéma directeur territorial d’aménagement numérique est moins longue. Il s’agit « des opérateurs de communications électroniques, du représentant de l'État dans les départements ou la région concernés, des autorités organisatrices mentionnées à l'article L. 2224-31 et au deuxième alinéa de l'article L. 2224-11-6 et des autres collectivités territoriales ou groupements de collectivités concernés ». La particularité tenant à ce schéma réside dans l’absence d’obligation quant à la participation effective des personnes associées. En effet, l’article L. 1425-2 du CGCT indique que l’association n’a en rien un caractère obligatoire ; dans ce cas, les institutions identifiées ne sont associées au projet que dans la mesure où elles en font la demande.
- 165. La liste des personnes associées peut paraître longue, cette impression est renforcée pour le SCOT au regard des territoires qu’il couvre. Néanmoins, la procédure est allégée dans la mesure où, si l’information en ouverture de la procédure est obligatoire, les personnes concernées ne sont ensuite consultées que lorsqu’elles en font la demande. Cette précision limite ainsi l’influence des ces personnes. L’association permet une double expression. Tout d’abord, suite à la notification de la délibération marquant le début de la procédure, les personnes concernées peuvent demander à être informées, voire provoquer les réunions. Elles peuvent aussi demander à participer activement à l’élaboration. La seconde expression de cette association prend la forme d’une obligation de consultation. Le projet de schéma, une fois adopté par l’assemblée élaboratrice, est transmis pour avis aux personnes associées au projet, celui-ci sera joint au dossier d’enquête publique.
- 166. Le recueil de l’avis des personnes associées marque la fin de la procédure d’élaboration, en ce qu’elle constitue la dernière étape avant que le projet ne soit soumis à enquête publique, mais elle peut aussi être considérée comme la première étape de la phase post-élaboration et pré-adoption, en ce qu’elle est une modalité de consultation sur le projet.
§2 – Le développement des mécanismes consultatifs post-élaboration
- 167. La fin de l’élaboration du projet permet l’ouverture de la phase consultative préalable à l’adoption définitive du schéma. La phase de consultation est double, à la fois du point de vue du public, comme de ses modalités. Le projet est tout d’abord soumis à consultation auprès des partenaires institutionnels des collectivités territoriales (A). Puis, dans un second temps, le projet est présenté au public (B).
A – La soumission du projet à consultation
- 168. La première phase de consultation suite à l’élaboration du projet est tournée essentiellement vers les institutions locales au sens large (1), le recueil de leur avis étant nécessaire à la poursuite de la procédure de consultation (2).
1 – Une consultation institutionnelle
- 169. La délibération arrêtant le projet de schéma marque une étape importante dans la procédure d’élaboration, elle est l’acte de transition entre l’écriture de l’acte et sa présentation aux différents acteurs du territoire. Le document établi, s’il comporte toutes les caractéristiques du document final, n’a pas encore de caractère définitif, et peut être modifié, au regard des avis recueillis.
- 170. La liste des personnes destinataires du projet de schéma est variable, mais il est possible d’identifier trois catégories. La première catégorie comprend les autorités déconcentrées, la deuxième, les entités décentralisées. La dernière catégorie, peut-être la moins présente, mais aussi la moins institutionnelle, est constituée par les associations. Or, n’importe quelle association ne peut pas prétendre être consultée sur un projet de schéma. L’association doit, pour être appelée à donner son avis, avoir un objet lié à celui du schéma. Il en est ainsi par exemple des associations impliquées dans l’habitat des gens du voyage qui sont membres de la commission consultative qui rend un avis sur le projet de schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
- 171. L’article L. 143-20 du code de l’urbanisme🏛 indique les différentes avis devant être sollicités dans le cadre du SCOT, établissant six catégories de personnes devant être consultées. La consultation est soit automatique, soit mise en œuvre suite à la demande d’une personne publique, soit réalisée au regard du contenu du schéma. Les personnes associées, ainsi que les membres de l’EPCI porteur du SCOT, recevront automatiquement le projet de SCOT. Les communes limitrophes ne seront interrogées que dans la mesure où elles en font la demande. Quant aux commissions spécialisées, telle que la commission spécialisée du comité de massif en cas de création d’une unité touristique nouvelle, leur avis n’est réclamé que dans des hypothèses limitativement énoncées, tenant soit au contenu du document, soit au territoire sur lequel il s’appuie. Si les règles d’élaboration du SCOT impliquent le recueil de l’avis de l’ensemble des communes se trouvant sur son territoire, cette règle ne s’applique pas à l’ensemble des schémas. Dans le cas du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, seules les communes inscrites au schéma peuvent émettre un avis. Dans le cadre du schéma de cohérence écologique, schéma élaboré conjointement par la région et le préfet de région, l’ensemble des communes ne sont pas consultées, seules les « communes concernées » reçoivent le projet de schéma et peuvent émettre un avis sur celui-ci. La notion de « communes concernées » n’est pas explicitée dans les dispositions relatives au schéma de cohérence écologique. Pour autant, l’idée de « concernées » semble évoquer assez clairement les communes, et plus largement les collectivités et leurs groupements, qui sont mentionnées dans le document soumis à consultation. En effet, dans le cas du schéma de cohérence écologique, les conseils régionaux et le préfet sélectionnent les parties du territoire présentes dans le document, notamment celles sur lesquelles sont identifiées les « trames vertes et bleues », celles-ci sont donc par définition des communes concernées par le projet de schéma qui doivent avoir la possibilité de s’exprimer sur son contenu.
- 172. La catégorie des personnes consultées se révèle assez hétérogène. Cette hétérogénéité permet de répondre à une nécessité, obtenir les avis les plus divers possibles sur le projet. Dans le cadre du SCOT, les avis doivent être rendus, selon l’article R. 143-4 du code de l’urbanisme🏛, « dans les limites [des] compétences propres » des personnes consultées. L’avis émis sur le projet de schéma doit donc exprimer une compétence technique, ou du moins particulière, détenue par la personne consultée. Sur ce point, la consultation prend toute son importance, elle se révèle être une étape absolument nécessaire à la bonne élaboration du projet, elle permet un éclairage spécialisé. Dans le cadre du SCOT, l’avis de l’autorité environnementale est très important. Cette dernière dispose d’une compétence sectorielle, elle ne se prononce que sur l’évaluation environnementale préalable, pour vérifier qu’elle ait été réalisée de manière complète et que les résultats de cette étude ont bien été pris en compte dans le projet de schéma.
- 173. La phase de consultation institutionnelle n’est pas une simple obligation procédurale, n’apportant aucune plus-value au projet de schéma. Plusieurs intérêts émergent quant aux différentes entités consultées. Dans le cas de projet de schémas édités par les autorités déconcentrées, l’avis des collectivités territoriales permet d’obtenir une forme de légitimité démocratique, en choisissant de ne pas écarter les représentants élus d’un territoire de la décision publique. À l’inverse, dans le cas des documents élaborés par les collectivités territoriales, l’avis des autorités déconcentrées permet une vision technique du sujet. Dans les deux cas, les avis des associations apportent un éclairage plus pratique, parfois plus en lien avec les besoins des destinataires du schéma qu’elles cotoient de manière privilégiée. Ainsi, les auteurs du document peuvent, par exemple, modifier les projets contenus dans le schéma, au regard d’une erreur d’interprétation dans l’impact environnemental du projet. Les orientations du document adopté par une collectivité ou un groupe de collectivités seront alors modifiées sous l’influence de l’avis d’une autorité déconcentrée. De même, les collectivités territoriales consultées dans le cadre d’un schéma élaboré par l’État peuvent, par leur connaissance de leur propre territoire, apporter des précisions, ou permettre la correction d’erreurs matérielles comprises dans le document. De la même manière, les associations consultées peuvent apporter leurs éclairages au regard de leurs propres connaissances du terrain. Par exemple, les associations intervenant auprès des gens du voyage peuvent, dans les avis qu’elles émettent, alerter les auteurs du documents sur certains manques dans leurs prévisions, notamment au regard des besoins matériels des gens du voyage. Ces avis, dans leur diversité, ont un point commun : l’apport d’une vision différente mais complémentaire de l’instrument de planification par rapport à celle de l’auteur de l’acte.
- 174. Les avis rendus dans le cadre de la consultation constituent des éléments importants pour l’élaboration du schéma, ils apportent un éclairage extérieur et distancié à celui-ci. Néanmoins, si ces avis sont importants, les institutions interrogées ne doivent pas pouvoir entraver, voire interrompre la procédure d’élaboration du document. Afin d’éviter que la phase de consultation ne devienne un moyen d’entrave, le rendu de l’avis est encadré dans un délai qui commence à courir au moment de l’envoi du schéma aux personnes consultées. Le délai que l’on pourrait qualifer de droit commun est de trois mois. L’avis est réputé favorable si dans le délai imparti la personne consultée ne s’est pas prononcée. Une fois les avis rendus, ou à la fin du délai en cas de silence de la personne consultée, s’ouvre la seconde phase de consultation, la consultation du public. La compilation des avis rendus doit venir enrichir les documents soumis à l’avis du public ; or, même en présence de ceux-ci, une question demeure, celle de la valeur et de l’efficience de ces consultations.
2 – Une effectivité contestable
- 175. Le projet de schéma est soumis, selon une procédure claire et encadrée, à la consultation. Or si les textes sont bien établis, plusieurs questions restent en suspens quant à son efficacité.
- 176. Tout d’abord, l’encadrement de la consultation est plus formel et organisationnel que qualitatif. Les obligations des structures porteuses de SCOT demeurent assez limitées. Elles doivent envoyer le projet à une liste de personnes déterminées par voie législative ou règlementaire, et attendre trois mois pour pouvoir procéder à l’enquête publique, ou, à défaut d’enquête publique, à l’adoption du projet.
- 177. Les exigences imposées aux auteurs du schéma sont limitées à la transmission du projet dans son intégralité, au respect du délai de consultation et à l’annexion au dossier d’enquête publique des avis rendus. Les obligations d’envoi et de délai d’attente étant respectées, la structure porteuse du schéma peut poursuivre la procédure d’adoption, il n’est pas fait mention dans les textes d’un quelconque quorum d’avis à respecter. En d’autres termes, même si aucune des personnes consultées n’émet d’avis, il ne semble pas que cela puisse empêcher que la procédure d’élaboration soit poursuivie. Les auteurs du schéma sont soumis à une obligation de moyen, assurer la transmission du projet, et non à une obligation de résultat, obtenir des avis de toutes les personnes consultées. Les exigences quant aux personnes consultées sont presque inexistantes. Seule obligation, l’avis, afin d’être intégré au dossier d’enquête publique, doit être envoyé dans le délai imparti. Si ces règles peuvent paraitre peu contraignantes, leur relative souplesse est nécessaire au bon déroulement de la procédure qui ne doit pas être paralysée par le refus de réponse des personnes consultées.
- 178. Le contenu des avis des personnes consultées permet de comprendre à la fois l’intérêt global de cette diffusion ciblée du projet, mais aussi l’importance liée à la diversité de la qualité des personnes consultées. Chaque catégorie de personnes consultées, autorités déconcentrées, autorités décentralisées et associations, apporte un avis différent et un éclairage inédit sur le projet.
Les différents avis apportés par les autorités déconcentrées présentent un intérêt pour les auteurs du schéma au regard du niveau de précision, de détail que doit contenir le document, ainsi qu’au regard de la bonne interprétation du contenu des documents qui composent le schéma. Ils peuvent permettre de relever certaines erreurs, notamment matérielles. Ce rôle de conseil apparaît, par exemple, dans l’avis rendu par le préfet de la Haute-Vienne sur le projet de SCOT de l’agglomération de Limoges, préconisant des ajustements, des précisions. Le rapport se conclut sur l’appréciation globale du projet : « Le SCOT de l’agglomération de Limoges, tout en s’appuyant sur un diagnostic pointant atouts et dysfonctionnements, à partir duquel sont élaborés des enjeux et orientations, devra préciser les moyens et outils nécessaires à la mise en œuvre de ses prescriptions, constituant ainsi le cadre adéquat pour orienter les décisions opérationnelles des communes ». L’avis rendu dans ce cadre est général, et porte sur l’ensemble du document, sa cohérence et le respect des prescriptions nationales quant à son contenu.
- 179. L’autorité préfectorale est aussi consultée en tant qu’autorité environnementale. L’avis n’est alors plus général, mais spécifique. Il ne s’agit plus d’examiner le projet dans son ensemble, mais seulement le respect des dispositions environnementales. L’examen portera sur l’évaluation environnementale, qu’elle soit issue du code de l’environnement ou du code de l’urbanisme, le respect de son contenu, et sa bonne réalisation. L’autorité environnementale effectue un double niveau de vérification ; tout d’abord, une première étude porte sur la réalisation de l’évaluation environnementale, sa sincérité, le respect de toutes les étapes ; puis l’autorité environnementale vérifie que les auteurs du schéma ont bien tiré les conséquences de cette évaluation. Dans ce cas, les avis des autorités déconcentrées demeurent nécessaires au cadrage du projet de schéma, ils permettent de rappeler les exigences quant au contenu du document.
- 180. L’avis des collectivités territoriales, des intercommunalités et des associations présente un tout autre intérêt. L’étude des avis rendus à propos du schéma régional de cohérence écologique de la région Rhône-Alpes apporte un certain éclairage sur l’apport de ces avis pour le projet. Le premier constat porte sur la précision de tels documents. Ce point est particulièrement intéressant pour le SRCE Rhône-Alpes, du fait de la taille de son périmètre. Plusieurs intercommunalités ont émis des avis défavorables, ou simplement réservés, du fait d’un manque de précision du document. Les communautés de communes consultées, ainsi que les syndicats porteurs de SCOT, soulignent les imprécisions, les erreurs et les oublis de certains projets inscrits dans les documents locaux de planification. En soulignant ces points, les personnes consultées permettent une amélioration du document dans la mesure où elles ne se contentent pas d’une opposition stérile mais apportent des propositions de modification pour améliorer le document qui leur a été adressé, pour le rendre plus conforme à la réalité locale.
- 181. Les avis des entités dont le périmètre est contenu dans celui de la collectivité de l’auteur du document permettent de révéler les inquiétudes quant à la mise en œuvre du schéma. En effet, des éléments émergent : toujours dans le cadre du SRCE, plusieurs intercommunalités soulèvent l’absence de précision concernant les moyens financiers alloués liés aux préconisations du schéma, ainsi que les difficultés liées à la mise en cohérence des documents existant, notamment le SCOT. Dans les avis émis sur le SRCE du Rhône, les intercommunalités émettaient des réserves concernant l’emplacement des trames vertes et bleues, et plus particulièrement sur les frais engagés pour les opérations de conservation et de remise en état de ces zones.
- 182. La phase de consultation institutionnelle étant achevée, le projet de schéma, auquel sont adossés les différents avis émis, est soumis à la seconde phase de consultation, la consultation du public.
B – La soumission du projet au public
- 183. Le public est solicité au cours de la concertation, mais c’est dans le cadre de la phase de consultation que le public semble le mieux à même de s’exprimer, que ce soit de manière classique, au travers de la procédure d’enquête publique (1), ou, depuis quelques années, au travers de nouveaux modes de recueil des avis, notamment par des consultations dématérialisées (2).
1 – Une procédure classique de consultation, l’enquête publique
- 184. L’enquête publique n’était pas, à son origine, une modalité de participation du public à la décision administrative. L’enquête publique est apparue au XIXe siècle, dans la loi du 8 mars 1810 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique, elle permettait aux propriétaires concernés par le projet de se prononcer sur la procédure en cours. Si cette procédure inclue les personnes susceptibles de voir leur droit de propriété mis en cause, il n’était nullement question de participation plus large à la décision publique, ou encore de prise en compte des effets d’un projet sur l’environnement.
- 185. La première ouverture de l’enquête publique en direction des projets ayant une incidence sur l’environnement a eu lieu avec l’adoption de la loi Bouchardeau en 1983. Le titre de cette loi, loi relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la protection de l’environnement, témoigne de la double volonté du législateur : élargir le recours à l’enquête publique, et ainsi la participation des citoyens à la prise de décision, tout en inscrivant cet élargissement dans le cadre de la protection de l’environnement. Ce développement s’est effectué en parallèle à la prise en compte des questions environnementales par le biais de l’étude d’impact et de l’évaluation environnementale. À partir de 1983, deux types d’enquête publique ont pu être distingués, les enquêtes publiques préalables à une déclaration d’utilité publique, dans le cadre de la procédure d’expropriation, et les enquêtes publiques préalables à l’adoption d’un projet ayant une incidence sur l’environnement. La distinction était implicite depuis l’adoption de la loi Bouchardeau, mais elle devient explicite suite à l’adoption de la loi portant engagement national pour l’environnement en 2010. Ce texte a rationnalisé le droit des enquêtes publiques et redéfini son champ d’application, mais sans réellement bouleverser son économie générale. L’adoption du CRPA a contribué à la création d’une troisième enquête publique, décrite aux articles L. 134-1 et 2 et R. 134-3 à R. 134-14. L’article L. 134-1 du CRPA donne une définition négative du champ d’application de cette nouvelle enquête publique : « Sans préjudice de dispositions particulières figurant dans d'autres textes, le présent chapitre régit les enquêtes publiques qui doivent être organisées par l'administration et qui ne relèvent ni du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ni du code de l'environnement. » Néanmoins, il existe une liste évolutive de ces enquêtes : plusieurs textes prévoyant une enquête publique renvoient au CRPA. Ces renvois visent plutôt à remplacer l’utilisation du code de l’expropriation ; les renvois à la procédure prévue par le code de l’environnement sont conservés, ainsi, l’introduction d’une nouvelle procédure d’enquête publique au sein du CRPA n’a que peu d’effet sur les instruments de planification.
- 186. Depuis 2010, les enquêtes publiques sont régies par l’article L. 123-1 du code de l’environnement🏛, qui dispose que « l’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionné à l’article L123-2. Les observations et propositions recueillies au cours de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision ». Elle s’applique, au regard de l’article L. 123-2 I 2°, aux « plans, schémas, programmes et autres documents de planification soumis à une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou des articles L. 104-1 à L. 104-3 du code de l’urbanisme🏛🏛 ». Le champ d’application de l’enquête publique est donc le même pour les schémas que celui de l’évaluation environnementale. Elle s’inscrit comme l’élément final de la participation, complément de la concertation et de la consultation, les règles relatives à l’ensemble de ces procédures étant concentrées dans le deuxième titre du livre premier du code de l’environnement, intitulé « Information et participation des citoyens ».
- 187. Néanmoins, si la législation applicable est dorénavant concentrée, la procédure elle-même demeure complexe. La rigidité de l’enquête publique est illustrée par le nombre important d’articles du code de l’environnement qui la régissent. En effet, la procédure qui encadre l’enquête est entièrement saisie par le droit. Cette volonté législative d’encadrement contribue à la lourdeur de la procédure d’enquête publique, le moindre des éléments étant codifié. Certains assouplissements ont tout de même été apportés, notamment par l’adoption d’une procédure d’enquête unique lorsqu’auparavant un seul et même projet nécessitait plusieurs enquêtes. Cet aménagement permet donc de s’exprimer non plus sur une partie du projet, mais sur la globalité de celui-ci, ce qui paraît plus logique au regard de l’objectif de l’enquête. Le dossier n’est cependant pas allégé, il doit en effet comporter tous les éléments nécessaires aux différentes enquêtes qu’il remplace. De plus, si le commissaire ne rend qu’un seul rapport, celui-ci doit comporter les conclusions relatives à toutes les enquêtes préalablement prévues. Une seconde adaptation est à noter, elle concerne les modifications apportées au projet, à la fois en cours d’enquête comme à la suite de celle-ci pour éviter la réédition de celle-ci. L’enquête publique demeure une procédure extrêmement réglementée, que ce soit du point de vue de son ouverture, de sa durée, des étapes de sa réalisation, du contenu du dossier soumis à enquête, ou du rôle du commissaire enquêteur.
- 188. L’enquête publique est ouverte par arrêté de l’autorité en charge du schéma. Cet arrêté doit préciser l’objet de celle-ci, sa date d’ouverture, sa durée, les décisions qui découleront de l’enquête, le nom et la qualité du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d’enquête, les lieux et les heures de consultation du projet, ainsi que le siège de l’enquête, les lieux et horaires de permanence du commissaire enquêteur, les lieux et dates des réunions d’information et d’échange, l’existence d’une évaluation environnementale ou d’une étude d’impact, les avis rendus par les autorités de l’État, si elle a lieu la transmission du dossier à un autre pays membre de l’Union européenne, l’identité des personnes responsables du projet et, s’il existe, l’adresse du site sur lequel les informations relatives à l’enquête seront disponibles et quels sont les moyens électroniques mis à la disposition du public. L’arrêté intervient au moins quinze jours avant le début de l’enquête. L’adoption de l’arrêté doit s’accompagner de mesures de publicité, une première fois au moment de la publication de l’arrêté, puis la première semaine de l’enquête. L’arrêté doit être publié dans au moins deux journaux locaux ou régionaux pour un projet d’importance infranationale, ou deux journaux nationaux si le projet a une portée nationale. Puis l’arrêté est publié par voie d’affichage, dans les lieux choisis par l’autorité en charge de l’enquête pour leur pertinence et leur visibilité
- 189. En dehors du projet de schéma, le dossier d’enquête publique doit comprendre l’étude d’impact ou l’évaluation environnementale ou à défaut d’une telle étude, une note de présentation du projet, les textes applicables à l’enquête publique et son inscription dans la procédure globale d’adoption du document, les avis rendus sur le projet, le bilan de la procédure de concertation avec le public et la mention des autorisations nécessaires à l’aboutissement du projet. L’enquête est délimitée dans sa durée, elle ne doit pas être inférieure à trente jours, ni excéder deux mois.
- 190. Avant même qu’elle ne soit ouverte, le processus débute par la désignation du commissaire-enquêteur. La nomination de ce dernier est effectuée par le président de la juridiction administrative territorialement compétent. Le choix se fait à partir d’une liste d’aptitude établie dans chaque département annuellement, sans que le choix ne se limite au département dans lequel se situe l’enquête, ou même au ressort territorial du tribunal administratif. La liste d’aptitude permet la vérification des compétences, mais aussi la vérification des incompatibilités prévues par le code de l’environnement. Les compétences vérifiées par la commission ne sont pas explicitées dans le code de l’environnement. Ces dispositions se contentent de lister les pièces devant être fournies par les personnes désirant assumer les fonctions de commissaire enquêteur, ainsi que la composition de la commission chargée d’examiner ces candidatures. L’objet principal de ces dispositions est la vérification de l’absence de lien et d’intérêts du commissaire enquêteur quant à l’aboutissement du projet.
- 191. Après l’ouverture, plusieurs modalités d’expressions de leur avis sont proposées au public. Ils peuvent consulter le projet de schéma ainsi que les documents qui constituent le dossier d’enquête publique, et inscrire leurs observations sur le registre d’enquête publique, ou les communiquer par correspondance à l’adresse du commissaire-enquêteur. Il s’agit du premier, et du principal mode de recueil des avis du public. Ils peuvent formuler des observations orales, dans le cadre d’auditions ou de réunions d’information et d’échange, les observations apparaissant alors dans les comptes-rendus des réunions.
- 192. À la fin de l’enquête, les registres, ainsi que tous les avis recueillis par les autres moyens mis à la disposition du public sont centralisés et remis au commissaire-enquêteur. Ce dernier rencontre une dernière fois l’autorité en charge du projet de schéma pour lui communiquer les observations recueillies, et lui permettre de formuler à son tour ses observations dans un délai de quinze jours. Le commissaire-enquêteur dispose de 30 jours pour établir et remettre son rapport à l’autorité en charge du schéma. Ce délai peut être prolongé à la demande du commissaire-enquêteur, mais en cas de non respect, un mécanisme de mise en demeure, suivi d’un dessaisissement du commissaire-enquêteur au profit de son suppléant ou d’un autre commissaire, a été introduit. Ce changement de commissaire prolonge le délai de remise du rapport d’un mois.
- 193. L’enquête publique en elle-même ne pourra, sauf cas exceptionnel, excéder deux mois. Si ce délai paraît tout à fait raisonnable, il doit être réévalué au regard des délais périphériques. En effet, l’autorité souhaitant organiser une enquête publique doit saisir le président du tribunal administratif afin que celui-ci désigne, dans un délai de quinze jours un commissaire enquêteur. L’arrêté d’ouverture ne peut intervenir que suite à cette nomination, et doit précéder de 15 jours la date de l’ouverture. Après la fin de l’enquête, le commissaire enquêteur a trente jours pour rendre son rapport, auquel peut s’adjoindre un délai supplémentaire. La durée réelle de l’enquête publique est alors, en dehors de toute prolongation, de quatre mois.
- 194. Si l’enquête publique est très encadrée, elle demeure tout de même une procédure de consultation perfectible.
2 – Une consultation perfectible
- 195. L’enquête publique est une procédure certes très utile et très développée pour ce qui est des schémas ayant une influence ou susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, mais elle demeure critiquée.
- 196. Les premières critiques portaient sur l’absence de clarté, la complexité du système d’enquête publique environnementale hérité de l’enquête publique d’expropriation, et de la loi Bouchardeau. Cette dernière a consacré l’obligation de soumettre à enquête publique les projets, documents et schémas susceptibles de porter atteinte à l’environnement, mais sans créer de cadre unique pour les régir. À la suite de la loi de 1983, des textes ponctuels sont intervenus pour introduire de nouvelles procédures d’enquête publique, sans envisager la création d’une législation unique et homogène des enquêtes publiques environnementales. La réforme, une première fois envisagée en 2004, est intervenue en 2010 avec l’adoption de la loi portant engagement national pour l’environnement. La loi a, comme le souligne Yves Jégouzo, rationnalisé l’enquête publique et redéfini son champ d’application. L’enquête codifée dans le code de l’environnement, qui est celle applicable aux schémas, rassemble soixante-douze anciennes procédures. L’adoption en 2016 du code des relations entre le public et l’administration a inauguré une troisième procédure d’enquête publique, mais celle-ci ne semble pas devoir s’appliquer dans le cadre de l’adoption des instruments de planification.
- 197. Depuis la loi de 2010, une tendance est à noter concernant l’enquête publique, celle de la dématérialisation. Comme le constate Jean-Claude Hélin dans son commentaire de la loi de 2010, « le législateur a, pour la première fois dans le droit des enquêtes publiques, consacré le recours aux nouvelles techniques d’information et de communication (NTIC) dans les modalités d’information du public. C’était une pratique, elle reste provisoirement une faculté, elle a vocation à devenir une obligation ». La loi réformant les enquêtes publiques a simplement introduit, selon les termes de l’article L. 123-10 du code de l’environnement🏛, une expérimentation, dont les modalités, et notamment la liste des enquêtes éligibles, devaient être précisées par voie réglementaire. Cette introduction semblait laisser une grande marge de manœuvre aux autorités en charge des enquêtes publiques. Le décret no 2011-2018 qui devait établir cette liste a choisi une autre voie. Au lieu de diviser les schémas, et autres documents et projets devant faire l’objet d’une enquête en deux catégories, le décret fait un choix plus pragmatique, « l'avis d'enquête est également publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête, lorsque celle-ci dispose d'un site » ; celui-ci devra indiquer, « le cas échéant, l'adresse du site internet sur lequel des informations relatives à l'enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer ses observations par voie électronique ». Il semble donc que l’expérimentation doive concerner l’ensemble des enquêtes publiques, lorsque l’autorité qui la conduit dispose d’un site internet. Mais les dispositions réglementaires confortent les regrets exprimés en 2010 par Jean-Claude Hélin, sur la limitation à la mise en ligne des informations préalables à l’ouverture, dans la mesure où elles ne prescrivent pas la dématérialisation du dossier d’enquête et des conclusions du commissaire du gouvernement.
- 198. Dans le cadre de l’enquête publique, la mise à disposition des informations via internet commence à se démocratiser, alors que pour certains autres schémas, la dématérialisation de la procédure est quasi-complète. Le projet régional de santé, prévu à l’article L. 1434-1 du code de la santé publique🏛, au sein duquel on retrouve trois schémas, bénéficie d’une consultation presque entièrement dématérialisée. En effet, l’article L1434-3 du code de la santé publique🏛 prévoit la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de région d’un avis de mise en consultation, qui inaugure la période de deux mois au cours de laquelle le projet est mis en consultation sur le site internet de l’Agence Régionale de Santé .
- 199. L’introduction d’une part de dématérialisation de l’enquête publique, et plus largement de l’ensemble des procédures d’élaboration des documents de planification, paraît, au premier abord, être un progrès du point de vue de la démocratisation ; néanmoins, ce constat pourrait être à nuancer, comme le souligne Jean-Claude Hélin. En effet, d’une part la mise à disposition en version numérique du dossier d’enquête publique, et plus largement du projet de schéma, assure une diffusion et une accessibilité larges, mais elle présente aussi des inconvénients. Présentée comme un palliatif à la crise de la participation, la dématérialisation présente des écueils, comme l’expliquent Hafida Belrhali-Bernard et Thierry Vedel. Tout d’abord, l’utilisation de procédures dématérialisées n’incite pas à la modération ou à la retenue des propos, et ne permet pas de conduire à une quelconque forme de consensus. Les personnes participant aux enquêtes, à l’abri derrière leur ordinateur, ne nuancent pas leur propos. Même si, dans le cadre de l’enquête publique, la recherche du consensus relève du rapport du commissaire enquêteur, le développement de la consultation en dehors du cadre strict de l’enquête publique pourrait rendre cette recherche plus délicate. L’écueil principal porte sur le public participant. La démocratie participative, et les consultations sur internet, favorisent la participation des personnes informées, et dans le cadre de l’enquête publique, les participants seraient alors les mêmes, que la participation soit dématérialisée ou non.
Il ne faut pas pour autant exclure la dématérialisation et l’utilisation d’internet pour développer les consultations. « Internet n’est certainement pas la solution à la crise du politique, mais un outil qui, si les mouvements sociaux parviennent à bien se l’approprier et s’il est accompagné par des politiques publiques de promotion de la démocratie, peut à longue échéance affecter substantiellement le fonctionnement des systèmes politiques ».
- 200. L’effectivité de l’enquête publique est aussi mise à mal par sa rigidité, qui conduit, dans les faits, à ce que les modifications du projet soient très limitées. Toute modification substantielle du projet, même liée aux résultats de l’enquête, entrainait l’organisation d’une nouvelle enquête publique. La loi Grenelle II a assoupli les conditions de modification du projet. D’une part en donnant la possibilité au responsable de l’enquête de suspendre celle-ci, après avoir entendu le commissaire enquêteur, pour une durée maximum de 6 mois au cours desquels les consultations obligatoires devront être renouvelées à partir du projet amendé. L’enquête reprendra par la suite, pour une durée minimum de 30 jours, et devra faire à nouveau l’objet de mesures de publicité, afin de faire connaître les modifications. Une deuxième procédure a été initiée pour les modifications apportées au projet en conséquence des conclusions de l’enquête publique et qui auraient pour conséquence de modifier son économie générale. Dans ce cas, après consultation, les éléments modifiés et la présentation de leurs avantages et inconvénients sont soumis à une enquête publique complémentaire. Il est alors possible de limiter également l’étendue géographique de l’enquête complémentaire aux seuls territoires concernés par la modification. Ces deux aménagements permettent d’envisager de manière plus souple les modifications d’un projet en cours ou à l’issue de l’enquête publique, et ainsi de rendre celle-ci plus effective.
- 201. La procédure d’élaboration des schémas est longue. Sa durée est augmentée par les nombreuses consultations, participations et soumissions à avis. Or, si les procédures tendent vers une plus grande précision, les textes régissant chaque phase de l’élaboration ayant été précisés, simplifiés ou plus simplement réunis, la participation n’est pas aussi efficiente qu’elle pourrait l’être. En effet, tous ses enjeux ne sont pas forcément toujours saisis par les destinataires de ces procédures. Si certains défauts pourraient être corrigés, comme la rigidité de l’enquête publique – celle-ci a toutefois bénéficié de quelques assouplissements – il apparaît que ces modalités de consultation et d’association sont un gage de qualité de l’acte final : les consultations doivent permettre d’enrichir le document final. Leur apport pourrait cependant gagner en pertinence : les enjeux des instruments de planification ne sont pas toujours identifiés par les personnes consultées, il serait peut être intéressant de sensibiliser les élus locaux à ces documents ; il en va de même pour la population : celle-ci devrait être plus sensibilisée aux questions de participation du public.
- 202. Outre ses aspects participatifs, la procédure d’élaboration des schémas est marquée par la présence, du lancement du projet à sa mise en œuvre, en passant par son adoption, de l’État.
Section 2 – Une procédure d’élaboration construite autour des services de l’État
- 203. La France est un État décentralisé, mais cette décentralisation s’accompagne d’une organisation déconcentrée. Ces deux organisations se superposent et sont en dialogue permanent. Le dialogue entre les représentants de l’État, leurs services et les collectivités territoriales et leurs groupements est nécessaire pour la coordination des actions, lorsqu’elles sont menées indépendamment, et a fortiori lorsque leur conduite se fait conjointement.
La présence des services déconcentrés de l’État se manifeste de deux manières. Il peut choisir de collaborer avec les collectivités et leurs groupements dans le cadre d’une co-élaboration (§1), ou bien maintenir une compétence exclusive (§2).
§1 – Une élaboration conjointe entre collectivités et services de l’État
- 204. Les procédures de co-élaboration des documents de planification supposent un dialogue entre les services déconcentrés et les collectivités. Celui-ci est mené par le représentant de l’État (A), et s’avère nécessaire à la rédaction de documents légaux et cohérents (B).
A – L’omniprésence préfectorale
- 205. La présence du préfet, que ce soit le préfet de région ou le préfet de département, se manifeste de deux manières, soit par la présence du préfet en tant que co-auteur du document (1), soit par une intervention ponctuelle au cours de l’élaboration (2).
1 – Le préfet, co-auteur du document
- 206. Le cas dans lequel le préfet est le plus présent est sans conteste celui de la co-élaboration du schéma. Le document est élaboré conjointement par une autorité décentralisée, département ou région, et par une autorité déconcentrée. Le schéma de cohérence écologique, ainsi que le schéma départemental d’accueil des gens du voyage sont des exemples de documents co-élaborés. Le premier résulte d’une coopération entre le conseil régional et les services déconcentrés au sein de la région. Le second émane d’une collaboration entre le conseil départemental et le préfet de département.
- 207. Il est alors bien question d’une collaboration, d’un partenariat de rédaction entre les deux autorités. Ce partenariat a été renforcé suite à l’adoption de la loi ATR du 6 février 1992, comme le montre la formulation choisie pour l’article premier : « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'État ». La collaboration entre les entités déconcentrées et décentralisées apparait évidente, à tous les niveaux ; comme le souligne en 2010 Jean-Marie PONTIER, « la réforme de l’administration territoriale de l’État ne peut être pensée sans la prise en compte de l’administration des collectivités territoriales, et l’inverse est également vrai, tant ces deux administrations doivent coopérer ». L’imbrication des deux entités sur un même territoire induit la collaboration. L’article 1er décret du 7 mai 2015🏛, portant charte de la déconcentration, inaugure une nouvelle formulation qui accentue encore cette idée de collaboration :
« La déconcentration consiste à confier aux échelons territoriaux des administrations civiles de l'État le pouvoir, les moyens et la capacité d'initiative pour animer, coordonner et mettre en œuvre les politiques publiques définies au niveau national et européen, dans un objectif d'efficience, de modernisation, de simplification, d'équité des territoires et de proximité avec les usagers et les acteurs locaux. »
Les collectivités ne sont plus mentionnées expressément, mais la nouvelle formulation « acteurs locaux » permet de mettre en lumière l’importance de nouveaux acteurs essentiels de l’action décentralisée, et de la planification, les EPCIFP.
- 208. La co-élaboration ouvre pour l’État une possibilité de conserver une forme d’emprise sur certains domaines, qu’ils soient sensibles ou techniques. Ainsi, le schéma départemental d’accueil des gens du voyage nécessite la présence du préfet en raison de son objet qui rend son élaboration par des élus délicate. Il s’agit de déterminer dans chaque département, à partir des données collectées sur le passage et le stationnement des gens du voyage, quelles sont les communes, ou plus largement les zones du département dans lesquelles une aire d’accueil doit être implantée. Le schéma est arrêté par le préfet de département et le président du conseil départemental et son élaboration se fait en collaboration avec les communes de plus de 5 000 habitants du département. Cette codécision, si elle est le mode d’adoption choisi, « suppose qu’une collaboration efficace se noue entre élus et l’État ». En effet, si le préfet et le président du conseil départemental sont les deux auteurs du document, ils doivent composer le schéma en collaboration avec une commission – qu’ils co-président – considérée comme représentative, qui comprend à la fois des collectivités ou groupements de collectivités qui seront sollicités pour la mise en œuvre du schéma, mais aussi des représentant de la communauté des gens du voyage, et des associations et institutions intervenant auprès de ces populations. Cette double présidence a pour but de canaliser les débats au sein de cette commission, avec en ligne de mire la nécessité pour le schéma initial d’être adopté dans un délai de dix-huit mois. Le SRCE suit la même double adoption. Il est élaboré sous la direction du préfet de région et du président du conseil régional. Le schéma entre en vigueur après adoption par l’assemblée délibérante de la région et adoption par arrêté du préfet de région.
- 209. La position de co-auteur du préfet permet l’identification d’une collaboration apparemment égalitaire entre les collectivités territoriales, essentiellement département et région, et autorité déconcentrée. Cette égalité s’explique a minima par l’identité de territoire entre l’autorité décentralisée et l’autorité déconcentrée. Néanmoins, il semblerait qu’il demeure une certaine prévalence en faveur du préfet. En effet, deux éléments de la procédure d’élaboration pourraient témoigner d’une forme de prééminence de l’autorité déconcentrée. Tout d’abord, dans tous les cas où l’entrée en vigueur est soumise à une double adoption, l’autorité préfectorale est amenée à se prononcer en second. Cet élément peut être qualifié d’anecdotique, mais le second point de procédure est moins ambigu et atteste de la relative supériorité de l’autorité préfectorale. Dans le cas du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, la codirection du projet est limitée. En effet, lorsque le schéma n’a pas été arrêté dans un délai de dix-huit mois, le préfet devient le seul responsable du schéma et peut l’arrêter sans tenir compte de l’avis du président du conseil départemental.
- 210. Le préfet, lorsqu’il n’est pas directement auteur ou coauteur, n’est pas pour autant absent de la phase élaborative. Il effectue des interventions ponctuelles au cours de la procédure.
2 – Le préfet, intervenant ponctuel au cours de l’élaboration
- 211. L’État, au travers de son représentant, intervient à plusieurs moments de l’élaboration, que cette incursion soit rendue législativement obligatoire, ou qu’elle soit mise en place à la demande de l’auteur du schéma. Comme l’exprime Jean-François Struillou, « la décentralisation ne s’est toutefois pas accompagnée d’un retrait total de l’État de la procédure qui mène à l’approbation des documents de planification ».
- 212. Les diverses interventions sont programmées ; la première, qui correspond pour le SCOT au « porter à connaissance », s’inscrit au commencement de la procédure, pour fixer le cadre dans lequel doit s’inscrire le schéma. L’autorité préfectorale peut ensuite, à sa demande ou à la demande de l’autorité chargée du schéma, être associée à l’élaboration. Vient ensuite l’étape de l’avis rendu par l’autorité préfectorale. Celui-ci peut être double, un avis général sur le projet, et un avis plus spécifique portant sur l’évaluation environnementale. Les services de l’État seront à nouveau appelés à se prononcer sur le schéma, après son adoption, lorsqu’il sera transmis dans le cadre du contrôle de légalité.
- 213. L’intervention la plus importante de cette participation est le « porter à connaissance ». Il est obligatoire, et peut s’étendre tout au long de la procédure. Il s’agit pour le préfet de communiquer, à l’autorité en charge de la rédaction du schéma, l’ensemble des éléments nécessaires à la bonne rédaction du document. La circulaire du 6 mars 2006🏛 confirme l’importance de ce « porter à connaissance », en insistant notamment sur la nécessité de son alimentation en continu. Le « porter à connaissance » doit comprendre le cadre juridique, aussi bien législatif que réglementaire, mais aussi « les projets des collectivités territoriales et de l'État en cours d'élaboration ou existants », ainsi que « l'ensemble des études techniques nécessaires à l'exercice de leur compétence en matière d'urbanisme dont [le préfet] dispose ».
- 214. En l’absence de statut d’auteur ou de co-auteur du schéma, les services déconcentrés de l’État ne demeurent pas inactifs ; ils interviennent à différents moment de la procédure d’élaboration. Ils s’assurent ainsi une présence et une influence dans la détermination du contenu du projet. Le « porter à connaissance » est sans doute la modalité de participation de l’État à l’élaboration des schémas leur permettant la plus grande influence. « […] le porter à connaissance est loin d’être neutre, la mission confiée à l’Administration pouvant conduire celle-ci à préciser les bases sur lesquelles sera effectué le contrôle de l’État sur le projet, et par là même, à orienter le contenu même du document d’urbanisme ». L’État a alors un rôle ambigü : il indique, dans ce « porter à connaissance », comment ses services interprètent les normes applicables aux schémas, et ainsi les éléments auquels une attention particulière sera portée lors du contrôle de légalité opéré en fin de procédure. Cette interprétation est utile à l’élaboration d’un document légal, mais elle laisse transparaître l’interventionnisme de l’État dans le contenu du document. L’éclairage normatif et contextuel n’est ainsi jamais neutre.
- 215. Le « porter à connaissance » est une obligation que le préfet doit remplir. La responsabilité de l’État peut être engagée du fait d’une négligence ou d’une insuffisance dans cette étape. En effet, dans une décision du 21 juin 2000, le Conseil d’État, tout en refusant en l’espèce de la mettre en œuvre, reconnaît la possibilité d’engager la responsabilité de l’État pour une faute dans l’accomplissement du « porter à connaissance ». Dans cette espèce, deux questions étaient posées aux juges du Conseil d’État, concernant le rôle de conseil du préfet. Il s’agissait, tout d’abord, de la question de l’engagement de la responsabilité de l’État en cas de faute dans le « porter à connaissance » ; puis de l’engagement de la responsabilité de l’État en cas de faute commise par les services mis à disposition des communes dans l’aide à la rédaction et à la délivrance de certains documents d’urbanisme. La première question examinée par les juges est celle de l’engagement de la responsabilité pour faute dans le « porter à connaissance ». Il ne s’agissait pas de l’élaboration d’un schéma, mais de la création par une commune d’une zone d’aménagement concerté, mais elle implique le même « porter à connaissance » que tout document de planification en matière d’urbanisme. Dans ce premier cas, le juge a retenu la possiblité d’engagement de la responsabilité sur le fondement de la faute de nature à, aussi appelée faute simple. Dans le second cas, la responsabilité de l’État pour une faute commise par ses services dans le cadre de leur mission d’appui aux collectivités territoriales et à leur groupements pour la rédaction d’autorisation d’urbanisme, ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde. Ainsi, le juge différencie bien les missions de l’autorité déconcentrée, le « porter à connaissance » est une simple information, les services adressent aux collectivités la liste des normes territorialement applicables et qui entrent en ligne de compte dans le cadre du document qu’elles envisagent de rédiger. L’activité étant simple et ne comportant pas de difficulté majeure, le juge considère que la faute simple engage la responsabilité de l’État. Dans le second cas, l’activité d’appui à la rédaction d’actes, le concours apporté par les services de l’État est par définition technique, il s’agit d’une activité complexe, technique, qui doit de plus être réalisée dans le respect du principe constitutionnel de libre administration. L’appui aux collectivités, comme le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales sont deux acivités que le juge considère comme ne pouvant entrainer la reponsabilité de l’État que sur le fondement de la faute lourde en raison de leur caractère délicat, difficile. Dans le cadre du « porter à connaissance », l’activité n’est pas considérée comme délicate, la faute simple est suffisante pour engager la responsabilité de l’État, et pourra être caractérisée par l’absence de réalisation de cette étape, ou une réalisation incomplète du « porter à connaissance ».
- 216. La place de l’État a été renforcée pour ce qui est de l’entrée en vigueur du SCOT. En effet, contrairement aux autres actes des collectivités territoriales et des intercommunalités, le SCOT n’est pas immédiatement exécutoire, il ne le deviendra que deux mois après sa transmission à la préfecture. De plus, le préfet peut bloquer cette entrée en vigueur. Cette possibilité lui est ouverte en cas d’illégalité classique, mais aussi lorsqu’il estime que les dispositions du schéma :
« 1° Ne sont pas compatibles avec les prescriptions particulières prévues à l'article L. 122-26 et, en l'absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l'article L. 131-1 ;
2° Compromettent gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques. »
Le préfet peut, par lettre motivée, bloquer le projet de SCOT adopté, et il ne laissera le schéma entrer en vigueur qu’une fois que les modifications demandées auront été apportées.
- 217. Le préfet intervient à des étapes stratégiques de l’élaboration des documents de planification, et semble donc incontournable dans cette phase. Au-delà de ce constat, il apparaît que le relais apporté par le préfet est nécessaire à la bonne élaboration du document.
B – Le nécessaire relais étatique
- 218. Comme le constate Hélène Bras, « si le préfet a conservé sa faculté d’intervenir dans l’exercice du pouvoir local, celle-ci se manifeste sous de nouvelles formes moins autoritaires ». Il est en effet devenu le garant du respect de la hiérarchie des normes (1), mais aussi un appui technique incontestable pour les collectivités (2).
1 – L’État garant du respect des normes supérieures
- 219. Le préfet est chargé d’une mission institutionnelle auprès des collectivités territoriales ; l’ensemble des actes édictés par les collectivités, y compris les instruments de planification, sont transmis aux services de la préfecture, pour être soumis à un contrôle de légalité. Néanmoins, cette étape n’intervient que postérieurement à l’adoption du projet de schéma. Les services déconcentrés disposent, tout au long de la procédure d’élaboration, de moyens permettant « […] de vérifier la légalité du projet et, par là même, d’affermir la sécurité juridique du futur document ».
- 220. L’autorité déconcentrée, qu’elle soit régionale ou départementale, est, avant tout, en charge de la bonne application, et de l’application homogène, du droit. Dans le cadre de cette mission, les services de la préfecture veillent à la légalité des documents de planification. Au-delà des seuls documents d’urbanisme, pour lesquels la surveillance a été législativement renforcée, l’ensemble des instruments de planification est examiné dans le cadre du contrôle de légalité. En dehors de l’examen classique de la légalité, la bonnne articulation des instruments entre eux doit elle aussi être vérifée. Il semble que le représentant de l’État, en tant qu’il est le garant de la légalité et de l’état de droit, soit le mieux à même de vérifier le respect de la légalité par ces documents. Plusieurs éléments viennent renforcer cette affirmation, qui tiennent pour la plupart à la complexité et à l’enchevêtrement des instruments de planification. Il intervient dans ce cadre pour assister juridiquement les collectivités territoriales. Cette intervention est nécessaire, au regard de la complexité des rapports qu’entretiennent les schémas entre eux, et de la compréhension partielle que les collectivités peuvent en avoir. Il est possible de se référer, par exemple, pour illustrer cette difficile compréhension des rapports entre les différents instruments de planification, aux avis recueillis par les auteurs du SRCE de la région Rhône-Alpes, adopté par le Conseil régional le 19 juin 2014, et par l’arrêté préfectoral du 16 juillet de la même année. Dans ceux-ci, les départements de la région et les établissements porteurs de SCOT étaient appelés à se prononcer sur le projet. Or, dans les avis, la confusion entre la hiérarchie des instruments est évidente ; cette confusion s’exprime également dans l’utilisation indistincte des termes « prise en compte », « mise en cohérence » ou encore « mise en compatibilité ». Il est notamment mentionné à plusieurs reprises, notamment dans l’avis des syndicats mixtes chargés de la rédation du’un SCOT qui s’interrogent sur ce que signifie la prise en compte. Il est possible de citer l’avis émis par le syndicat mixte SCOT Val de Saône-Dombes à propos des corridors relatifs aux trames vertes et bleues : « Ces coupures sont retranscrites dans le SRCE sous forme de corridors qu’il ne s’agit pas uniquement de préserver, mais qui sont ‘à remettre en état’. Le bureau se questionne sur le point suivant : jusqu’où doit-on aller dans la remise en état de ces corridors ? ». Un autre avis révèle également l’importance de l’appui des services préfectoraux dans l’explication des contenus et des relations entre les documents : « Toutefois, nous tenons à attirer votre attention sur la difficulté rencontrée par notre collectivité à vous formuler un avis sur ce dossier technique car nous ne disposons pas des compétences requises en interne ». Dans la suite de l’avis émis par cette communaité de communes, il est d’ailleurs question non pas de prise en compte, mais de mise en compatibilité des documents d’urbanisme. Ces imprécisions, et l’aveu d’incompétence pris en exemple, illustrent la nécessité pour les services préfectoraux, que ce soit dans le cadre de la co-élaboration des documents, ou dans son simple rôle de conseil, d’expliciter les relations entre documents de planification. Il est alors en charge de l’accompagnement des collectivités terrioriales.
- 221. Dans le cadre du contrôle de légalité des actes administratifs des collectivités territoriales, le préfet ne dispose pas du pouvoir d’annulation ou de réformation des actes. Il a seulement la possibilité, dans le cas où la collectivité n’a pas suivi les observations qui lui ont été adressées pour purger l’acte de son vice, de saisir la juridiction administrative par la voie du déféré préfectoral, seule autorité apte à annuler les actes d’une entité décentralisée. Néanmoins, le préfet n’a pas limité son action à une simple saisine du juge. Au préalable a été instaurée une forme de dialogue, inaugurant une négociation entre les entités décentralisées et déconcentrées, « l’autorité préfectorale joue largement son rôle de négociation par des interventions préalables à la saisine du juge ». Il faut tout de même apporter une nuance à ce propos, selon un préfet, ce dialogue s’apparente à une « pratique systématique de [l’]information préalable et approfondie de la collectivité dont l’acte est estimé illégal ». Il ajoute qu’« il ne s’agit pas d’une négociation mais de l’explication par le représentant de l’État de la règle de droit en vigueur […] le but à atteindre n’est pas la sanction, mais la suppression de l’illégalité ». Dans l’esprit de ce préfet, le contrôle de légalité opéré par les autorités déconcentrées témoigne à la fois du rôle de garant du respect de la hiérarchie des normes, mais aussi de celui d’accompagnateur des collectivités territoriales, et ainsi, « l’action du préfet tend à privilégier la négociation administrative ». Cette négociation tend à devenir une part importante de l’activité des services de contrôle de légalité. La Cour des comptes en 2016 a analysé le contrôle de légalité et relevé que 30 % de l’activité des services audités était consacré à la mission de conseil auprès des collectivités. Cette activité était informelle, jusqu’à ce que le législateur étende la procédure du rescrit au contrôle de légalité, par la loi du 27 décembre 2019🏛. L’article 74 crée un nouveau chapitre intitulé « Prise de position formelle » au sein du Titre 1 du Livre 1 de la Première partie du Code général des collectivités territoriales, contenant un article unique :
« Avant d'adopter un acte susceptible d'être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l'État chargé de contrôler la légalité de leurs actes d'une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif. La demande est écrite, précise et complète. Elle comporte la transmission de la question de droit sur laquelle la prise de position formelle est demandée ainsi que du projet d'acte.
« Le silence gardé par le représentant de l'État pendant trois mois vaut absence de prise de position formelle.
« Si l'acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l'État ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif. »
Si cette nouvelle disposition a l’avantage de sécuriser les collectivités territoriales vis-à-vis de la légalité des actes en préparation, elle conduit surtout à compliquer les relations entre les collectivités et les services du contrôle de légalité en formalisant une procédure précédemment informelle.
- 222. L’effectivité du contrôle de légalité soulève des interrogations. En effet, face à l’augmentation du nombre d’actes adoptés par les collectivités, il est possible de se demander dans quelle mesure les services chargés de contrôler la légalité de ces actes peuvent effectuer un contrôle réellement approfondi sur l’ensemble des actes qui leur sont transmis. L’inflation des textes soumis à transmission a conduit le ministère de l’Intérieur à introduire des priorités. Cette volonté de rationaliser le contrôle de légalité apparaît très clairement au travers de la circulaire du 25 janvier 2012. Celle-ci divise les actes transmis par les collectivités en trois catégories, définissant pour chaque groupe d’actes quel niveau de contrôle devra être appliqué. Les deux premières catégories sont celles pour lesquelles les contrôles sont prioritaires.
La première catégorie comprend trois domaines qui sont considérés comme étant des priorités nationales : les actes liés à la commande publique, l’urbanisme et la fonction publique territoriale. Les actes contenus dans la seconde catégorie sont identifiés au sein de chaque département : il s’agit des actes qui, au regard des particularismes de leur département d’adoption, présentent des risques du point de vue de la légalité. La circulaire indique que, pour cette catégorie, il « appartient [aux préfets de département] d’effectuer un contrôle qui soit adapté au contexte local et notamment détecter les risques particuliers liés soit aux caractéristiques de [leur] département, soit à ses différents acteurs ». La troisième catégorie rassemble les autres actes des collectivités territoriales. La circulaire ne fait pas de ces actes des actes non soumis à un quelconque contrôle. Néanmoins, dans un souci de conciliation entre les obligations constitutionnelles de contrôle et la réalité des capacités des services déconcentrés, elle crée une forme de contrôle a minima : « pour les actes n’entrant pas dans les priorités de contrôle, il conviendra donc de mettre en œuvre un contrôle organisé selon les ressources dont disposent les services préfectoraux ».
Au sein de la première catégorie, chaque sous-catégorie est régie par une circulaire qui détaille l’étendue du contrôle à effectuer. Il est à noter que le SCOT, par exemple, est un acte d’urbanisme et doit donc être contrôlé de manière approfondie. L’ensemble des documents de planification liés à l’urbanisme appartient à cette catégorie. Les autres documents de planification devrait appartenir à la seconde catégorie, en raison de leur contenu : les instruments de planification
- 223. Au-delà de son aspect pédagogique, l’adoption de cette circulaire, ainsi que des instructions particulières à chaque type d’actes nationalement prioritaires, est une démarche absolument nécessaire à la cohérence des actes locaux. Cette uniformité de contrôle est souhaitable dans le domaine de la planification, dans la mesure où celle-ci doit certes s’adapter à son territoire, mais toujours demeurer cohérente au regard de la législation nationale.
- 224. Les relations entre les collectivités et le service du contrôle de légalité sont essentiellement fondées sur la coopération, comme en témoignent les données relatives au déféré préfectoral. Le rapport relatif aux années 2010 à 2012 fait état d’un volume d’actes contrôlés compris entre entre 1,1 et 1,7 millions, pour in fine, 2 234 déférés sur les trois années analysées. L’évolution du nombre de déférés est d’ailleurs sur la période en baisse, passant sous la barre des 1000 déférés annuels pour la première fois depuis 1982. Plusieurs facteurs ont été identifiés par la DGCL pour expliquer cette diminution. Tout d’abord le rôle pré-contentieux des services préfectoraux est primordial. Celui-ci prend la forme de lettres d’observation. Ces documents, adressés aux collectivités identifient les vices de fond comme de forme présents dans les actes contrôlés, ainsi que les indications relatives à leur supression, à savoir soit la modification de l’acte, soit son retrait. Ces lettres ne relèvent pas de la simple observation, mais entrent dans la catégorie des recours précontentieux, en ce qu’elles contiennent des indications de délais laissés aux collectivités pour apporter une réponse aux observations émises par le représentant de l’État. En cas d’absence de réponse ou de réponse non adéquate, le préfet pourra procéder au déféré. Au cours de la période analysée par le rapport, le nombre de lettres d’observation a diminué, passant de 40 493 en 2010, à 32 226 en 2011, et à 29 507 en 2012. Pour la DGCL, cette baisse du nombre de lettres d’observation est essentiellement due à une nouvelle pratique, qui relève plus de la fonction de conseil que sont les lettres pédagogiques. Ces lettres ont pour but d’attirer l’attention des collectivités sur les irrégularités courantes, généralement de moindre importance, qui se retrouvent dans leurs actes et auxquelles ils doivent préter un attention particulière. L’avantage de cette pratique est que, d’une part, elle n’a aucune conséquence contentieuse, et d’autre part elle permet un double effet, elle prévient de futures irrégularités, et contribue généralement à la modification de l’acte transmis et qui a motivé la lettre pédagogique. Dans ce cadre, les services du contrôle de légalité sont plus proches d’une mission de conseil, d’appui à destination des collectivités afin de ne pas commettre de futures illégalités.
- 225. La nouvelle procédure de la prise de position formelle semble s’inscrire dans un mouvement différent de celui présenté précédemment. Alors que le développement des lettres pédagogiques a une fonction liée au conseil adressé par les préfectures aux collectivités et sans lien direct avec un acte précis, la prise de position formelle est un mécanisme déclenché par la collectivité sur un projet d’acte. De plus, la prise de position implique des conséquences contentieuses. Les services du contrôle de légalité ne sont plus dans un rôle de conseil, mais de pré-contrôle de légalité.
- 226. Le rôle des services déconcentrés de l’État ne doit pas être vu comme se limitant au contrôle du respect de la hiérarchie des normes, il peut également, tout au long de l’élaboration des documents, être sollicité par les rédacteurs afin d’obtenir une assistance technique.
2 – L’assistance technique de l’État
- 227. Les plus petites structures ne disposent pas des ressources techniques et humaines permettant d’assurer la bonne élaboration de documents tels que les schémas. Face à ce constat, la mission d’assistance aux collectivités des services de l’État dans les départements et les régions est cruciale. Il ne s’agit pas de la seule raison pour laquelle l’État reste un interlocuteur privilégié du point de vue de l’assistance technique qu’il peut apporter. Les services déconcentrés sont également sollicités par les collectivités pour obtenir des informations. En effet, le préfet est le détenteur de l’ensemble des informations liées à un territoire.
- 228. L’assistance technique de l’État envers les collectivités et leurs groupements n’est pas une obligation, mais une simple possibilité, « les services déconcentrés de l’État peuvent concourir par leur appui technique aux projets du développement économique, social, et culturel des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération qui en font la demande ». Cet article met en lumière la différence entre l’assistance qui peut être apportée aux collectivités, et les interventions ponctuelles de l’État au sein de la procédure d’élaboration. Ces dernières sont prévues par la loi et obligatoires, alors que l’assistance, ou bien le cadrage préalable – scoping –, ne sont que facultatifs. Les collectivités territoriales souhaitant en bénéficier doivent en faire la demande, l’autorité déconcentrée délivrera alors les informations demandées.
- 229. La procédure de cadrage préalable s’inscrit en amont de l’évaluation environnementale. Une collectivité, ou un groupement de collectivités, peut, avant de débuter l’évaluation environnementale du schéma, adresser aux services déconcentrés compétents une demande visant à identifier les éléments devant entrer en ligne de compte pour réaliser l’évaluation, ainsi que leur degré de précision. Une telle pratique est favorisée par l’État, comme en en témoigne un extrait d’une circulaire de 2006 : « cette consultation, souvent appelée « cadrage préalable » ou ‘scoping’ en anglais, peut s’avérer très utile et doit être encouragée. En effet, elle permet de clarifier le cadre d’analyse, définir l’aire d’étude pertinente, faciliter le repérage précoce d’éventuelles difficultés et donc d’adapter des documents en préparation ». L’avantage d’une telle procédure réside dans la possibilité d’orienter, dès avant l’évaluation, les éléments qui doivent être pris en compte, et ainsi, éviter aux collectivités ou groupements de collectivités la lourdeur d’une nouvelle procédure. En effet, l’avis sur l’évaluation environnementale n’intervient que postérieurement à la rédaction du schéma, préalablement à sa soumission au public. Or, les choix proposés par le document sont formulés à partir de l’évaluation environnementale ; en conséquence, si celle-ci s’avère erronée, imprécise ou incomplète, cela aura des répercussions sur le document final. Dans l’hypothèse où l’évaluation a été réalisée sans cadrage préalable et ne répond pas aux exigences, ce faux-pas dans l’évaluation aura pour conséquence un retour en arrière dans la procédure. En effet, l’auteur du document devra effectuer une nouvelle évaluation environnementale et adapter le document. Un tel retour en arrière implique à la fois une perte de temps, mais aussi une perte financière dans la mesure où de nouvelles analyses, de nouvelles études devront s’ajouter aux précédentes déjà effectuées. Les éclairages apportés par les services déconcentrés sont alors essentiels pour appuyer l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements. L’objectif est d’éviter la multiplication des études, comme le souligne la circulaire de 2006 qui prévoit que le scoping intervient « avant que l’organisme responsable d’un plan ou document n’ait engagé des études approfondies ».
- 230. Le préfet a un double intérêt pour les collectivités territoriales. Il est le garant de l’application de la loi sur le territoire : « la circonscription départementale est l'échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationales ». Mais sa fonction ne s’arrête pas là, il a aussi une fonction de recueil d’informations : « il apparaît que le représentant de l’État bénéficie d’un véritable droit à être informé de tout ce qui concerne ou intéresse les services des préfectures, les services déconcentrés ainsi que les établissements publics situés dans leur circonscription. De même, il est censé ne pas ignorer le contenu des échanges entre les services déconcentrés et les administrations ou les collectivités locales ». Le préfet est donc tenu informé des activités des collectivités territoriales ce qui lui permet de diffuser auprès de ces mêmes collectivités les informations nécessaires à l’élaboration des documents de planification.
- 231. Mais le représentant de l’État ne se contente pas d’être un relais, une source d’informations qu’il diffuse horizontalement ou verticalement, il met aussi à disposition ses services extérieurs dans une optique d’assistance à l’élaboration ou la rédaction d’un projet. Ainsi, dans le cadre de la rédaction des documents d’urbanisme, tels que les SCOT, des agents de l’État peuvent être mis à la disposition des collectivités et des groupements de collectivités pour effectuer un appui technique à la rédaction du projet. Cette compétence s’explique par le rôle joué par les services extérieurs des préfectures antérieurement à la décentralisation de l’urbanisme. Il s’agit alors de répondre à un besoin de compétence suite à la décentralisation, mais sans pour autant transférer de nouveaux personnels. De plus, les besoins des collectivités et de leurs groupements ne sont pas permanents, mais ponctuels. Cela ne justifie donc pas le transfert éventuel de personnel. La mise à disposition est plus adaptée dans ce contexte.
- 232. Le rôle des services déconcentrés est important pour les collectivités territoriales, que ceux-ci soient co-élaborateurs ou assurent simplement une assistance pour les collectivités rédactrices. Le poids des services déconcentrés se manifeste d’autant plus lorsqu’ils sont directement en charge de la rédaction des schémas.
§2 – Une élaboration exclusive par les services de l’État
- 233. La planification locale n’a pas été entièrement décentralisée, certains schémas demeurent élaborés par l’État. Ces documents n’ont pas été décentralisés en raison de leur objet, qui nécessite un maintien de la compétence étatique (A). Ces documents s’imposent aux entités décentralisées qui y voient une source d’obligations supplémentaires (B).
A – Un maintien de compétence nécessaire
- 234. Ce maintien est nécessaire à deux niveaux ; tout d’abord, concernant les schémas à visée nationale, en raison de leur assise territoriale (1), mais aussi au niveau local, dans des domaines techniques nécessitant une expertise particulière (2).
1 – Un maintien justifié géographiquement : les schémas à périmètre national
- 235. Les schémas ne sont pas des documents de planification à échelle exclusivement locale ; certains documents de planification, adoptés sous la dénomination « schéma », ont eu pour périmètre l’ensemble du territoire national.
- 236. La loi no 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire avait introduit au sein des instruments de planification un nouveau document, le schéma national d’aménagement et de développement du territoire. Ce schéma devait lui-même être divisé entre plusieurs schémas, appelés schémas sectoriels. Ces subdivisions avaient la même assise territoriale que le schéma national, mais devaient venir préciser le premier dans des domaines spécifiques. Le schéma national d’aménagement du territoire est un document d’orientation, il « propose une organisation du territoire fondée sur les notions de bassins de vie, organisés en pays, et de réseaux de villes. Il tient compte des solidarités interdépartementales, interrégionales et européennes ainsi que des spécificités et handicaps de chaque territoire. Il tient également compte de la nécessité de concilier le développement économique et la préservation des espaces, milieux et ressources naturels. Il énonce les principes qui seront appliqués par l'État en matière de logement, d'implantation des administrations et de localisation des investissements publics ».
- 237. Le choix du contenu de ce schéma national, et sa formulation législative ne laissent planer aucun doute sur la nécessité de son élaboration par le pouvoir central. Si la procédure d’élaboration implique un volet territorial, le niveau régional ayant été désigné comme le plus pertinent pour le recueil des informations, la circulaire du 25 août 1995 rappelle que la coordination du projet était assurée au niveau national par la DATAR. L’approbation du schéma est législative.
Le schéma national devait initialement être complété par des schémas sectoriels, disposant eux aussi d’une portée nationale. Ces schémas, rebaptisés en 1999 schémas de services collectifs, interviennent dans huit domaines jugés stratégiques pour l’aménagement du territoire :
« Les choix stratégiques sont mis en œuvre dans les schémas de services collectifs suivants : le schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le schéma de services collectifs culturels ; le schéma de services collectifs sanitaires ; le schéma de services collectifs de l'information et de la communication ; les schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises ; le schéma de services collectifs de l'énergie ; le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux ; le schéma de services collectifs du sport ».
La loi du 25 juin 1999🏛 n’a pas seulement procédé à un changement d’appellation, elle a restructuré les instruments de planification nationaux. Le schéma national d’aménagement et de développement du territoire a été supprimé. Les schémas de services collectifs ont alors changé de statut : d’instruments de mise en œuvre et de spécialisation des orientations contenues dans le schéma national d’aménagement, ils sont devenus les instruments nationaux de référence.
- 238. Le schéma national d’aménagement et de développement du territoire issu de la loi de 1995 n’a jamais été adopté. Cet échec a donné lieu à la réforme de 1999. Des schémas de services collectifs ont été adoptés par décret le 18 avril 2002. L’élaboration de chaque instrument a été confiée aux ministères compétents. Comme le relève Yves Jégouzo commentant le décret, cette compétence ministérielle a certes donné le jour à des documents hétérogènes, mais « a eu l’avantage d’impliquer beaucoup plus fortement les administrations compétentes dans la planification et de faire prendre conscience de la nécessité de développer, au sein des administrations centrales, une culture plus prospective et stratégique ». Cette expérience d’élaboration d’un instrument de planification au sein des ministères est restée unique, les schémas de services collectifs n’ayant pas été révisés. Elle a néanmoins permis de rappeler que les instruments de planification, et notamment le schéma, lorsqu’ils fixent les orientations d’un domaine sur l’ensemble du territoire ne peut être décentralisé. La compétence ne peut appartenir qu’à l’État central : lui seul dispose d’une vision globale du territoire, nécessaire à la cohérence de tels instruments.
- 239. Le maintien de la compétence de l’État central est tout à fait naturel dans la mesure où l’enjeu du document est la détermination d’orientations nationales. Il s’impose tout autant lorsque le document nécessite une expertise particulière.
2 – Un maintien lié au domaine : les schémas spécialisés
- 240. Les instruments de planification, et en premier lieu les schémas, recouvrent une multitude de domaine d’intervention des collectivités territoriales, allant de l’aménagement du territoire, à l’urbanisme, à la gestion du domaine forestier, l’implantation des carrières… Cette variété s’accompagne d’une certaine complexité ; en effet, certains schémas nécessitent de collecter des données en amont de la rédaction, et au cours de la rédaction, de disposer de personnels avec une qualification technique, qui ne sont pas nécessairement disposnibles au sein de la fonction publique territoriale. Cet état de fait justifie le maintien de la compétence de l’État, que ce soit par le biais de son représentant, mais aussi parfois au travers du concours d’établissements publics ou d’agences.
- 241. Le schéma régional d’aménagement des bois et forêts illustre la nécessité, pour des domaines particuliers, de confier l’élaboration des documents de planification à un établissement public. Ce schéma retrace « les éléments d'analyse, les critères de décision et les recommandations techniques communs aux bois et forêts ou à l'ensemble des bois et forêts auxquelles il s'applique. Il précise, compte tenu du programme régional de la forêt et du bois, des éléments de stratégie de gestion durable de ces bois et forêts ». En raison de la spécificité et de la technicité de son contenu, le schéma régional d’aménagement des forêts est élaboré par les services de l’Office National des Forêts. L’approbation de ce document se fait par arrêté du ministre en charge des forêts.
- 242. De même que pour la gestion des forêts, l’implantation des carrières est prévue au travers du schéma départemental des carrières, instrument élaboré sous la direction du préfet de département. Ce document, appelé à changer de périmètre, retrace les « conditions générales d'implantation des carrières et les orientations relatives à la logistique », et doit ainsi prévenir les atteintes à l’environnement que pourraient provoquer ces exploitations. La complexité du domaine n’est pas le seul argument permettant d’expliquer la conservation, par l’autorité déconcentrée, de la compétence de planification. Cela se justifie aussi au regard de la nécessité de réunir et de coordonner l’ensemble des acteurs d’un secteur. Or ce rôle de coordonnateur est l’une des compétences dévolues au représentant de l’État, aussi bien dans les départements que dans les régions : « c’est pourquoi le préfet, chargé des « intérêts nationaux », a pour mission de faire comprendre les grandes actions prioritaires (insertion, développement du territoire, XIe plan…), et de susciter l’adhésion de tous les acteurs ».
- 243. Au-delà des domaines que l’on peut considérer comme techniques ou complexes de par leur contenu même, la compétence du préfet se révèle intéressante lorsque l’objet de la planification est « politiquement sensible ». En d’autres termes, lorsque l’objet de l’instrument de planification soulève une opposition, réelle ou supposée, de la population locale, les élus peuvent se montrer réticents, voire opposés, à l’adoption du document en question ou à sa mise en œuvre. Il paraît alors plus avantageux de confier celui-ci au représentant de l’État sur le territoire, pour garantir leur adoption. L’exemple le plus parlant de ces sujets « politiquement sensible » est celui de l’accueil des gens du voyage. La procédure d’élaboration du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, si elle prévoit une co-élaboration du document entre le président du conseil départemental et le préfet, envisage aussi la possibilité d’un blocage politique en ouvrant la possibilité, en cas d’échec du dialogue, à une élaboration et une adoption directes par le préfet. Le préfet se présente alors comme un arbitre face aux oppositions politiques des élus locaux.
- 244. Lorsque l’État détient la compétence d’élaboration et d’adoption des instruments de planification, ceux-ci sont susceptibles d’avoir des incidences sur les collectivités territoriales, les orientations dégagées par l’État ayant des conséquences sur les entités décentralisées.
B – Une source d’obligation pour les collectivités territoriales
- 245. L’édiction par l’État, au niveau national comme au niveau local, de documents de planification peut emporter plusieurs conséquences pour les collectivités territoriales, d’une part des obligations liées à la mise en œuvre des schémas (1) et d’autre part des contraintes financières (2).
1 – Une obligation de mise en œuvre
- 246. L’adoption par l’État d’instruments de planification n’est pas sans conséquence ; en effet, même lorsque le document ne contient que des orientations, celles-ci ne sont pas de simples vœux pieux, elles doivent a minima être prises en compte par les instruments que les collectivités territoriales éditent elles-mêmes, ou alors mises en œuvre directement par ces dernières.
- 247. Les documents de portée nationale que sont les schémas de service collectif illustrent l’obligation qui peut peser sur les entités décentralisées. En effet, le schéma de service collectif, tel qu’il avait été prévu par la loi de 1999, devait procéder à l’établissement d’un cadre normatif national qui se déclinerait au travers des contrats de plan État-région. Or, les contrats de plan ont été signés avant l’adoption, en 2002, des premiers schémas. Les schémas, adoptés unilatéralement par l’État, contenaient des éléments non négociés par les régions, mais devant figurer au sein des contrats, sans possibilité d’aménagement. Les schémas de services collectifs ont permis à l’État de faire peser des obligations sur une entité décentralisée, et d’imposer ainsi une priorisation des actions sur le territoire. En ce sens, les collectivités régionales ont pu perdre une part de leur compétence dans le cadre de l’aménagement de leur territoire et notamment de la détermination des projets prioritaires dans chaque région. Ainsi les régions pouvaient être contraintes de mettre en œuvre des dispositions non négociées des contrats de plan, issues des schémas nationaux.
- 248. L’obligation de mise en œuvre des instruments de planification adoptés par les instances nationales n’est pas le seul exemple du poids pesant sur les entités décentralisées du fait des instruments de planification, les représentants de l’État sur le territoire sont eux aussi compétents pour élaborer et adopter des schémas, que les collectivités territoriales devront mettre en œuvre. C’est le cas par exemple du SRCE, mais aussi du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Le SRCE est adopté conjointement par le préfet de région et le conseil régional, mais doit être mis en œuvre notamment par les communes, et les groupements de communes. Ce sont en effet les communes ou leurs groupements qui sont les acteurs directs des remises en état de l’environnement, ainsi que des mesures visant à sa préservation. La mise en œuvre de ce document régional passe aussi par l’adaptation des documents d’urbanisme inférieurs. En effet, la hiérarchie des documents d’urbanisme impose que le SCOT soit compatible avec le SRCE. Cette mise en compatibilité, en cas de SCOT antérieur au SRCE, devra prendre la forme d’une modification du document. Cette modification pourra, toujours en suivant les mêmes règles, entraîner la modification du PLU, ou d’une carte communale, si ces documents existent. Dans le cadre des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, le préfet adopte conjointement avec le conseil départemental le document de planification, mettant à la charge des communes et de leurs groupements la mise en œuvre de ce document. Cette dernière se résume essentiellement à la construction et à l’entretien des aires d’accueil des gens du voyage.
- 249. L’ensemble des documents de planification adoptés par l’État, et ses représentants sur le territoire, ont des conséquences sur la libre administration reconnue aux collectivités territoriales. Alors que celles-ci ne participent pas, ou du moins pas de manière active, à l’élaboration de ces documents, elles ont l’obligation de les mettre en œuvre. Au-delà de cet effort de réalisation, ces instruments de planification ont aussi un coût financier pour les collectivités territoriales.
2 – Un poids financier
- 250. La mise en œuvre des instruments de planification, que ce soit par la modification de documents inférieurs, par la remise en état ou la préservation de l’environnement, ou encore par la construction d’infrastructures, constitue une charge pour le budget des collectivités.
- 251. De ce point de vue, l’exemple des obligations découlant du schéma départemental d’accueil des gens du voyage est assez intéressant. Les dépenses d’acquisition, d’aménagement et de fonctionnement des aires d’accueil des gens du voyage sont inscrites à l’article L. 2321-2 qui liste les dépenses obligatoires des communes. Les communes de plus de 5 000 habitants inscrites au schéma départemental, même si cette compétence leur échappe progressivement, ont l’obligation d’aménager, ou de réaménager, une aire sur leur territoire lorsque, suite au diagnostic établi en amont du schéma départemental, cela s’avère nécessaire. La loi de 2000 qui prévoit cette procédure fixait des délais stricts, avec, en cas de non-respect, une substitution du préfet. De telles mesures auraient dû permettre la réalisation des aires nécessaires aux populations itinérantes. Or, la Cour des comptes, dans un rapport rendu public en 2012, relève que le taux national de réalisation des aires d’accueil des gens du voyage au 31 décembre 2010 était de 52 %. Mais cette moyenne nationale cache de grandes disparités dans la mise en œuvre des préconisations des schémas. En effet, alors que certaines régions affichent des taux de réalisation proches de 90 %, d’autres oscillent entre 25 et 30 %.
- 252. La première raison avancée pour expliquer ce faible taux de réalisation, deux ans après la fin du délai laissé aux collectivités pour réaliser ces infrastructures est politique, les communes refusant de mettre en œuvre ce schéma. Néanmoins, il existe un second frein à la mise en œuvre par les communes et les EPCI des préconisations des schémas. Cet obstacle est financier. Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, « sur la période 2008-2011, le coût moyen de réalisation par place est de 34 393 € en aire d’accueil nouvelle pour 7 178 places réalisées, de 28 950 € par place en aire d’accueil réhabilitée pour 126 places réalisées et de 2 827 € en aire de grand passage pour 3 662 places réalisées ». Ces estimations ne concernent que les dépenses liées à la construction ou à la réhabilitation d’une place et ne prennent pas en compte les frais engendrés par l’entretien de ces aires.
- 253. Le financement de ces places de stationnement doit être assumé par les communes et leurs groupements. Afin d’inciter à la réalisation de ces installations, la loi de 2000 a introduit un subventionnement de l’État. Cette mesure a eu l’effet escompté, « le contraste entre le nombre de places en aires d’accueil réalisées à l’issue de la loi de 1990 (4 085 places), qui n’instaurait pas de participation financière de l’État, et le taux de réalisation des aires à l’issue de la loi du 5 juillet 2000🏛, plus satisfaisant, met en évidence le rôle des financements de l’État dans la mise en œuvre de la loi ». Les subventions prévues par la loi de 2000 ont pris fin le 1er janvier 2009. La comparaison entre le nombre de places réalisées avant et après la fin des subventions confirme l’effet important du subventionnement sur la mise en œuvre du schéma. En effet, en 2008, 3520 places ont été construites, 3255 en 2009, contre seulement 399 places en 2010 et 4 en 2011.
Néanmoins, la subvention ne couvre pas l’ensemble des dépenses engendrées par la construction. En effet, la Cour des comptes estime que les projets d’aires de stationnement sont subventionnés à hauteur de 70 %, les 30 % restants étant à la charge des communes.
- 254. La loi du 7 août 2015🏛 pourrait simplifier, ou du moins atténuer quelque peu les problèmes liés au financement initial, ainsi qu’à l’entretien des aires d’accueil des gens du voyage. En effet, en choisissant d’exclure la compétence « aires d’accueil des gens du voyage » de la catégorie compétences pouvant être déléguées, afin de l’ajouter à la liste des compétences obligatoirement transférées par les communes à leurs groupements, le législateur divise le poids du financement. L’obligation auparavant supportée financièrement par un seul budget communal sera dès lors prise en charge par le budget intercommunal, et donc le poids sera réparti entre l’ensemble des membres de l’établissement. Si cette communautarisation de la compétence présente un avantage certain pour les communes auparavant inscrites au schéma, elle ne l’est pas du point de vue des communes de moins de 5 000 habitants, exclues par la loi de 2000 du schéma, qui ne participaient pas à l’accueil des gens du voyage. Elles se voient donc contraintes de participer au financement et à l’entretien de ces infrastructures. Au-delà de la contrainte financière les collectivités bénéficient des avantages mis en place pour inciter à la mise en œuvre des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage. En participant financièrement à la réalisation d’infrastructures, ces collectivités voient leurs pouvoirs de police augmenter dans le cadre de la lutte contre les stationnements en dehors des emplacements prévus.
- 255. Les contraintes financières liées à la mise en œuvre des instruments de planification édités, ou co-édités par l’État, sont plus ou moins importantes, mais surtout, elles peuvent devenir un frein à la mise en œuvre de ces documents.
- 256. Conclusion de chapitre
La procédure d’élaboration des schémas est accompagnée d’une forte procédure participative. Cette participation est très encadrée, décrite par les textes, encadrée dans le temps. Elle prévoit de faire intervenir diverses catégories de personnes. Ces nombreuses interventions allongent le délai d’élaboration des schémas. Mais elles présentent des avantages importants : les personnes consultées peuvent avoir une vision plus précise des réalités du territoire. De même, ces consultations permettent de recueillir une certaine adhésion de la part des personnes susceptibles de mettre en œuvre les schémas.
Les services de l’État sont très solicités au cours de cette phase de la procédure. Ils ont un rôle particulier en raison de leurs nombreux domaines de compétence. Cette présence révèle les liens particuliers existants entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés. L’expertise technique demeure détenue par l’État, rendant cette collaboration nécessaire, mais pouvant parfois s’apparenter à une forme de tutelle technique. Cette dernière contribue à une forme de recentralisation : les services déconcentrés disposant par leur compétence technique d’une certaine influence sur les décisions des entités décentralisées.
Le développement de ces procédures semble avoir plus complexifié et allongé la phase d’élaboration des schémas que contribué à la participation effective du public ou à une plus grande compréhension de la décision finale.
- 257. Conclusion de titre
L’élaboration des documents de planification est une procédure longue et complexe. Néanmoins, cette longueur et cette complexité sont un avantage du point de vue du schéma définitivement adopté. Si on reprend les étapes de l’élaboration, la première étape, et sans doute la plus délicate est la détermination du périmètre. Certes, ce dernier peut paraître un élément négligeable dans la mesure où il est le plus souvent déterminé par le législateur avant même le début de l’élaboration du document. Pourtant, ce choix est crucial pour la réussite de l’opération de planification, dans la mesure où elle doit être réalisée sur le territoire pertinent.
L’élaboration du document au sens strict est elle aussi essentielle pour la réussite de la planification. C’est pour cette raison que la participation, directe – celle des personnes identifiées comme les auteurs – ou indirecte – par le biais des diverses consultations −, est au cœur du processus d’élaboration des schémas. Elle permet tout à la fois une information des personnes, privées comme publiques, concernées par le schéma et sa mise en œuvre, et une prise en compte des différents intérêts, divergents ou non, portés par les acteurs du territoire. Mais s’il existe des avantages à ces nombreuses consultations, il existe aussi un inconvénient majeur : la procédure d’élaboration est très longue. Cette longueur peut alors handicaper le schéma, qui risque de se retrouver en décalage avec la situation initiale qui a suscité ou justifié son élaboration.
La phase d’élaboration des schémas, pas sa longueur et sa complexité, est le marqueur des enjeux liés à la planification locale. D’une part, celle-ci témoigne de la volonté de démocratie participative ou du moins d’une démocratie administrative : les acteurs locaux doivent être concertés et participer à l’élaboration du projet en lien avec le territoire, inscrit dans un territoire donné. Pour être mieux accepté, le projet de schéma doit pouvoir être discuté et questionné par les personnes – publiques comme privées – liées à ce territoire. D’autre part, la place du représentant de l’État, et de ses services, dans la procédure d’élaboration révèle la volonté de rationalisation de l’action des collectivités locales. Le temps d’élaboration est suffisamment long pour permettre aux services déconcentrés de dialoguer avec les collectivités élaboratrices, pour les conduire parfois à revoir leurs projets, et ainsi à mieux les établir en fonction des autres politiques publiques, planifiées ou non, en cours sur le territoire.
L’étude de la procédure d’élaboration, et de l’ensemble des étapes préalables à l’adoption du schéma est intéressante à divers points de vue, mais elle souffre d’un handicap majeur : elle ne renseigne pas sur la nature juridique du schéma, la notion même de schéma n’est pas éclairée par sa procédure d’élaboration.
Titre 2 – Une notion ambiguë
- 258. La planification présente des particularités qui expliquent l’incertitude quant à la nature des schémas. Ceux-ci présentent les caractères d’élaboration des actes administratifs, mais la question de leur force obligatoire demeure incertaine. Ces incertitudes sont renforcées par le vocabulaire désignant le contenu des schémas. Il est question de « projet d’aménagement », d’« orientations », de « documents d’orientation et d’objectifs », de « documents techniques », de « propositions », de « cartes synthétiques », de « fascicules »… Ces éléments sont, entre autres, les intitulés choisis pour identifier les éléments contenus dans les schémas et au-delà dans l’ensemble des instruments de planification. Sous ces différentes appellations se retrouvent les mêmes éléments qui constituent le contenu des schémas.
Un second élément perturbateur peut être identifié, c’est le vocabulaire qui entoure ces documents. Si l’incertitude perdure quant à sa force obligatoire, elle n’existe pas quant à l’adoption de ces documents par les collectivités territoriales. La loi impose leur élaboration, leur contenu, leur suivi et leur révision. Ces éléments ne permettent pas d’entrevoir la nature de l’instrument de planification, mais celle, qui lui est intimement liée, de la planification française. Ainsi, il exsite une distinction entre l’activité planificatrice, qui présente le caractère d’une obligation – les personnes publiques doivent adopter les instruments nécessaires à la planification – et l’instrument de planification en lui-même, dont le contenu présente une valeur juridique incertaine.
- 259. La planification n’est pas une pratique nouvelle en France, elle accompagne les politiques publiques économiques, mais aussi d’aménagement du territoire depuis le milieu du XXe siècle. Néanmoins, les interrogations quant à la nature de ces documents n’ont pas été entièrement levées. Cette question n’a pas été abordée clairement par le législateur, celui-ci, renvoyant à une légalité adaptée, qu’il ne définit pas non plus, laisse le juge administratif déterminer sa consistance. Cette adaptation du principe de légalité implique une adaptation de la normativité des schémas.
- 260. L’étude du contenu des schémas laisse apparaître qu’il constitue une norme juridique non définie (Chapitre 1), et a un caractère prospectif (Chapitre 2).
Chapitre 1 – Une norme juridique non définie
- 261. L’instrument juridique schéma est adopté par les collectivités territoriales ou leurs groupements, par l’État, ou encore par au moins deux personnes morales de droit public. Sa procédure d’adoption est complexe, elle nécessite plusieurs phases. Les schémas émanant de personnes publiques sont élaborés et adoptés dans une « ambiance de droit public ». Le caractère public de tels actes ne peut pas réellement être contesté. Pour autant, si « l’ambiance de droit public » qui régit leur élaboration n’est pas contestable, elle n’est guère éclairante quant à la nature de l’acte qui sera adopté.
Au regard des caractéristiques de leur élaboration, il peut s’avérer délicat de répondre de manière claire et assurée à la question de la nature juridique des schémas. Or, la détermination de leur nature juridique préside à la détermination du régime juridique qui leur sera applicable.
- 262. Ces deux éléments, nature juridique et régime, une fois identifiés, révèlent l’originalité des instruments de planification. En effet, les schémas constituent des actes hybrides (Section 1), entrant dans la catégorie du droit souple (Section 2).
Section 1 – Les schémas, actes hybrides
- 263. L’hybride se définit, en parlant d’un animal ou d’une plante, comme un être « qui provient du croisement naturel ou artificiel de deux individus d’espèces, de races ou de variétés différentes » ; en parlant d’un mot, c’est celui « dont les éléments sont empruntés à des langues différentes » ; au sens figuré, il s’agit d’un élément « qui n’appartient à aucun type, genre, style particulier ; qui est bizarrement composé d’éléments divers ». Pour un acte, il serait alors possible de considérer celui-ci comme empruntant des éléments constitutifs, des éléments de définition à la fois aux deux catégories d’actes édités par l’administration, que sont les actes administratifs unilatéraux et les contrats. Cette typologie n’est pas réellement nouvelle, la distinction entre acte administratif unilatéral et contrat étant depuis longtemps poreuse, comme en attestent les recherches d’Yves Madiot sur l’acte mixte. Cette appellation recoupe partiellement celle de l’hybride : elle induit nécessairement que l’acte final, dit mixte, emprunte ses caractéristiques à la fois à l’acte administratif unilatéral, mais également au contrat.
- 264. L’utilisation de la définition de l’acte hybride est appropriée dans le cadre de l’étude de la nature juridique des schémas. En effet, ce dernier emprunte aux deux grandes catégories d’actes édictés par les personnes publiques (§1), ce qui lui confère le caractère d’acte intermédiaire entre ces deux catégories (§2).
§1 – Un instrument empruntant aux contrats et aux actes administratifs unilatéraux
- 265. L’examen des éléments de définition des schémas permet de les rapprocher pour une part des contrats (A), et pour une autre part des actes administratifs unilatéraux (B).
A – Des éléments contractuels.
- 266. Les schémas et les contrats présentent des caractéristiques comparables (1), proximité renforcée par les liens existant entre les mouvements de planification et de contractualisation (2).
1 – La présence de similitudes avec les éléments constitutifs d’un contrat
- 267. « Le contrat est un accord de volontés conclu entre deux personnes au moins, d’où résultent des droits et obligations ». Cette définition, considérée comme classique, permet de mettre en lumière trois éléments caractérisant le contrat. À partir de ces éléments, il sera possible de confronter le contrat et le schéma afin de constater leurs points de ressemblance. Il s’agit de la présence d’un accord de volonté, qui induit une négociation préalable, de la présence de plus d’un auteur et de la création de droits et obligations réciproques.
- 268. Le premier critère de comparaison s’attache à l’existence d’une forme de négociation entre les parties. L’élaboration des schémas est marquée par une procédure très concertée, ainsi que par une volonté de faire participer le public à l’élaboration du document final. Pour autant, il ne paraît pas évident que ce simple élargissement des consultations constitue une réelle négociation. Dans son sens commun, la négociation est l’ « action de négocier, de discuter des affaires communes entre des parties en vue d’un accord », alors que la concertation recouvre la « pratique qui consiste à faire précéder une décision d’une consultation des parties concernées ». Les implications de ces deux termes sont proches mais non identiques : le premier induit la recherche d’un accord, alors que le second s’apparente plutôt à une information préalable à la prise de décision.
- 269. La définition juridique donnée à ces deux termes varie quelque peu, le sens de la négociation est plus précis : « action de traiter une affaire, un marché et par extension […], opérations préalables diverses […], tendant à la recherche d’un accord […] désigne aussi bien la discussion d’un contrat en vue d’arriver à sa conclusion […] que les efforts déployés en vue du règlement d’un différend ». La concertation recouvre, quant à elle, « la recherche en commun, par les personnes dont les intérêts sont convergents, complémentaires ou même opposés, d’un accord tendant à l’harmonisation de leurs conduites respectives », qui va du « simple dialogue jusqu’à la négociation la plus complète ». Dans son acception juridique, la concertation engloberait donc la négociation, sans pour autant en être synonyme. Néanmoins, certains traits de l’élaboration des schémas peuvent laisser penser que la concertation tend vers la négociation. Le rapprochement est perceptible dans le cadre des instruments de planification visant à la mutualisation. En effet, les discussions relatives au choix des compétences à exercer en commun est plus proche d’une négociation que d’une simple concertation telles que celles pratiquées dans le cadre des documents d’urbanisme.
Une très grande partie des schémas sont des actes co-élaborés, dans la mesure où au moins deux personnes publiques en sont les auteurs. En effet, le schéma d’accueil des gens du voyage, par exemple, est adopté conjointement par le préfet de département et le président du conseil départemental. Le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services devait être conclu entre le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux. Ce document avait été introduit à l’article L. 1111-9 du CGCT par l’article 75 de la loi du 16 décembre 2010🏛, afin de rationaliser l’action des régions et des départements. L’article 3 de la loi du 27 janvier 2014🏛 a réécrit l’article L. 1111-9, faisant disparaître le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, les remplaçant par les conventions territoriales d’exercice concerté d’une compétence. Les deux personnes co-auteurs du schéma peuvent être soit deux collectivités ou leur représentant, soit une collectivité et l’État. L’adoption conjointe, ou du moins concomitante, d’un schéma révèle la marque de deux volontés distinctes qui s’accordent : les deux signataires étant des personnes morales de droit public. L’adoption conjointe d’un schéma est ainsi la marque de ce multilatéralisme, de la rencontre de la volonté de deux personnes publiques.
- 270. Le dernier indice apparentant les schémas à des contrats tient à leurs effets. Les documents de planification engagent ses signataires, ou du moins ses co-élaborateurs. Le schéma est un engagement à réaliser les objectifs qui sont fixés en son sein, en ce sens, il est créateur de droits et d’obligations. Dans le cas des schémas, il semble qu’il soit plutôt question d’imposer des sujétions à leurs auteurs. Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage est un exemple des contreparties entre les différents intervenants au schéma ; les collectivités inscrites au schéma s’engagent à construire des aires d’accueil en échange du financement des travaux. Le document impose donc une obligation : la construction d’aires d’accueil, et octroie un droit : celui d’obtenir une aide pour réaliser cet objectif. Un second type de schéma s’avère plus parlant : les schémas de mutualisation. Que ce soit le schéma qui aurait dû être signé entre le département et la région – et qui ne sera finalement pas élaboré – ou bien les schémas qui devront être conclus entre les communes et les départements ; dans les deux cas, une collectivité, ou un groupement de collectivités, s’engage auprès d’une autre collectivité, ou d’un groupement de collectivités auquel elle appartient. Ces engagements sont l’occasion d’obtenir pour celui qui s’engage un avantage, ou une contrepartie. En effet, l’objectif de ces schémas est de réaliser des éconnomies en déléguant, ou en mutualisant des compétences. Dans ce cas, le législateur aurait tout à fait pu utiliser la terminologie « convention » au lieu de « schéma ». L’idée que ces deux termes seraient interchangeables s’est accentuée dans le cadre de la suppression du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. La loi Maptam du 27 janvier 2014 a modifié l’article L. 1119-1, qui instaurait le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre le département et la région. Le projet de loi enregistré au Sénat le 10 avril 2013 prévoyait d’instaurer un « pacte de gouvernance territoriale », qui était composé de « schémas d’organisation » adoptés conjointement par la région et le département dans les domaines dans lesquelles elles peuvent avoir une action commune. Cette première mouture des articles L. 1111-9 et suivants du CGCT accrédite la thèse de la porosité entre la notion de « contrat » et celle de « schéma », en faisant des schémas le contenu d’un pacte. L’article L. 1111-9 adopté le 27 janvier 2014 abandonne toute référence aux « schémas », mais aussi au « pacte de gouvernance territoriale », laissant place aux « conventions territoriales d’exercice concerté des compétences ». Le glissement s’est opéré entre 2010 et 2014 : les schémas de mutualisation sont devenus des conventions d’exercice des compétences. Si la terminologie a changé, l’objet demeure le même : réorganiser le partage des compétences entre les différents niveaux de collectivités et de groupement de collectivités, dans un but de rationalisation des coûts et d’effectivité de l’exercice des compétences. Ces éléments révèlent la proximité existante entre la convention et le schéma. Cette proximité est renforcée au regard de la définition même de la convention : « nom générique donné – au sein des actes juridiques – à tout accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à produire un effet de droit quelconque : créer une obligation, transférer la propriété, transmettre ou éteindre une obligation ». Le caractère général de cette définition de la convention semble laisser penser qu’elle englobe le contrat. Il semble pourtant qu’il faille distinguer le contrat et la convention d’administration. Cette dernière catégorie se distinguerait de la précédente par l’absence de dispositions impératives, elles ne comprendraient « que de simples directives guidant l’action publique […] leurs clauses se born[ant] à donner des objectifs aux parties, et parfois même à des tiers, dont la teneur est dépourvue de toute impérativité ». La convention, par son contenu moins impératif que celui des contrats au sens strict, semble l’acte de l’administration le plus proche, formellement, du schéma.
- 271. Au-delà des liens entre la définition des contrats et les schémas, une autre forme de proximité formelle peut être envisagée. Au sein des contrats administratifs se sont développées ce que le juge a qualifié de clauses réglementaires. Ce caractère réglementaire était défini par deux critères : un critère matériel – la clause doit être relative au fonctionnement du servie public – et un critère formel – la clause confère des droits ou des obligations aux tiers au contrat. Cette définition était issue de la doctrine, en s’appuyant sur les jurisprudences du Conseil d’État et sur les conclusions prononcées par Raymond Odent sur l’arrêt Compagnie générale des eaux. Ces clauses pouvaient, depuis la décision Cayzeele, faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de la part des tiers au contrat, mais sans avoir reçu de définition précise. La définition des clauses réglementaires des contrats administratifs a été consacrée par le juge administratif en 2018, dans la décision Communauté d’agglomération Val d’Europe agglomération : sont qualifiées de réglementaires « les clauses d’un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l’organisation ou le fonctionnement d’un service public ». Le tiers au contrat peut demander l’annulation de ces stipulations particulières si « elles portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts ». Ainsi, les contrats, comme les schéma ne contiennent pas uniquement des dispositions négociées, ne liant que les co-auteurs, mais également des dispositions ayant une incidence sur les tiers.
- 272. Le lien existant entre les actes contractuels, et plus particulièrement les conventions, et le schéma s’est accentué du fait du mouvement de contractualisation en droit public.
2 – La contractualisation des relations entre personnes publiques
- 273. Le contrat n’est pas un acte étranger à l’administration. Cette dernière a appris à user du procédé contractuel pour satisfaire l’intérêt général. Un nouveau mouvement de contractualisation a été étudié par les auteurs dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le changement qu’ils soulignent porte sur le choix du cocontractant. Les premiers contrats passés par les personnes publiques avaient pour cocontractant une personne privée, puis les personnes publiques ont commencé à contracter entre elles, ce qui a permis un nouveau développement de l’idée de contractualisation.
- 274. Jean-Claude Douence expliquait le développement de la contractualisation entre personnes publiques ainsi : « l’accroissement des tâches de la puissance publique a entraîné une multiplication quasi cancéreuse des services dotés de la personnalité morale et les relations qui s’établissent entre les diverses composantes du système administratif s’accommodent de moins en moins des cadres juridiques classiques ». La contractualisation des relations entre personnes publiques a été renforcée par le développement de la planification. En effet, les différents plans adoptés au niveau national ont donné lieu, pour leur mise en œuvre, à des contrats. Depuis les premières études qui ont pu lui être consacrées, le phénomène a encore connu de nouveaux développements. L’acte I de la décentralisation a doublement permis d’encourager ce mouvement, en premier lieu en créant de nouvelles personnes morales de droit public aptes à contracter, en second lieu parce que la loi du 2 mars 1982🏛 a encouragé ces nouvelles entités à contracter, à la fois entre elles, mais aussi avec l’État.
- 275. Jean-Marie Pontier, qui s’est longuement interrogé sur le développement du phénomène de contractualisation, la définit comme « le mouvement, […], par lequel les relations contractuelles entre des personnes se développent, se multiplient, au point de devenir un mode normal et habituel de relations entre ces personnes ». Ce mouvement s’est produit en droit français, en parallèle, et même parfois en concomitance, avec l’important mouvement de planification mis en place dans la seconde moitié du XXe siècle. Cette parenté entre les deux mouvements se manifeste de différentes manières.
- 276. Les contrats ont accompagné la mise en œuvre de la planification. L’un des exemples de cet accompagnement concerne la conclusion des contrats de plan État-région, devenus en 2007 des contrats de projets État-région, et redevenus contrats de plan en 2014. L’État a développé avec les régions des relations qu’il a lui-même qualifiées de contrat. Or, l’appellation choisie est trompeuse. Si certaines dispositions sont bien négociées, la grande majorité du contenu de cet accord relève de la seule volonté de l’État ; la négociation portait essentiellement sur la mise en œuvre des décisions inscrites au sein du plan, voire, dans les dernières moutures, leur adaptation aux réalités du territoire. Dans ce cadre, le mouvement de contractualisation n’est pas une simple transposition des pratiques contractuelles de l’administration avec les personnes privées ou des personnes privées entre elles. Le vocabulaire employé dans la circulaire du 2 août 2013 adressée aux préfets de régions révèle cette ambiguïté ; il est demandé aux préfets de mener « une réflexion stratégique concertée […] dans chaque région », avant de mener « la seconde phase, dite de négociation contractuelle [qui] identifiera les opérations qui bénéficieront d’une programmation contractualisée ». Les contrats de plan semblent alors se retrouver au croisement du contrat et de l’instrument de planification : ils portent l’appellation de contrat, mais leur objet est proche de celui des schémas. Les deux mouvements témoignent néanmoins tous les deux de l’assouplissement des relations entre l’État et les collectivités dans la mesure où ils ont permis l’introduction d’une plus grande part de négociation et de concertation.
- 277. Il convient toutefois de s’interroger quant à la réalité contractuelle des CPER, qu’ils soient contrats de programme ou contrat de plan. Au premier abord, ils revêtent l’apparence d’acte ayant une valeur contractuelle : l’article 11 de la loi du 29 juillet 1982🏛 l’affirme : « L’État peut conclure avec les collectivités territoriales, les régions, les entreprises publiques ou privées et éventuellement d’autres personnes morales des contrats de plans comportant des engagements réciproques des parties en vue de l’exécution du plan et de ses programmes prioritaires. ». Quelques lignes plus loin, il est ajouté que l’État et les régions s’engagent au sein du contrat par « voie contractuelle ». Ces affirmations sont corroborées par la forme des CPER : ils revêtent la forme d’un contrat. Dans une décision du 8 janvier 1988, le Conseil d’État a confirmé la valeur contractuelle de ces documents. Pour autant, cette décision n’a pas mis fin aux questionnements concernant la valeur juridique des CPER. Sans renier la valeur contractuelle des schémas, le Conseil d’État a par la suite limité leur valeur : « qu’il ressort de l’ensemble des dispositions du chapitre III du titre Ier de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification que ce contrat de plan n'emporte, par lui-même, aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions ou opérations qu'il prévoit ». La plus haute juridiction administrative suit l’avis du commissaire du gouvernement Jacques-Henri Stahl :
« S'agissant des contrats de plan, nous ne croyons pas qu'ils produisent par eux-mêmes d'effets juridiques suffisants pour justifier un recours pour excès de pouvoir. Nul ne conteste l'importance politique qu'ils ont aujourd'hui acquise, ni l'intérêt programmatique qu'ils présentent pour la réalisation de lourdes opérations d'aménagement. Mais ces éléments ne suffisent pas à eux seuls à justifier la recevabilité d'un recours juridictionnel. Quant aux effets juridiques immédiats des contrats de plan, nous ne pouvons nous empêcher de les juger bien maigres : pour nous en tenir au contrat de plan contesté dans la présente affaire, c'est-à-dire le contrat de plan signé entre l'État et la région Pays de Loire pour la période 1994-1998, ce document énumère les objectifs recherchés d'un commun accord par les parties contractantes, ces objectifs étant formulés en des termes généraux ; ils ne sauraient en eux-mêmes se voir reconnaître une portée normative. »
Cette description des CPER, si elle écarte ces actes des contrats, les rapproche des schémas par leur aspect programmatique, et leur contenu : des objectifs. Depuis le changement de dénomination des CPER, devenus contrats de projet, le lien est rompu avec la qualification législative de contrat, ce qui pourrait permettre aux juridictions administratives de requalifier ces actes. Cette évolution semble rapprocher les CPER des conventions d’administration.
- 278. D’autres évolutions du droit des collectivités territoriales contribuent à rapprocher les schémas et les contrats. L’article 75 de la loi du 16 décembre 2010🏛 avait prévu l’élaboration d’un schéma entre la région et les départements qui la composaient. Cet instrument avait pour objectif de prévoir la répartition des compétences au sein du couple département-région, ainsi que des mutualisations entre les services. Ce schéma n’a pas été mis en œuvre. Néanmoins, l’idée initiale a été conservée : la loi du 24 janvier 2014, dite loi Maptam, en créant les conférences territoriales de l’action publique, a poursuivi l’objectif d’exercice en commun des compétences, en vue d’une meilleure efficacité, mais aussi pour limiter les financements croisés. Elle a cependant élargi les parties à la convention : l’ensemble des niveaux de collectivités, ainsi que leurs groupements, figurent parmi les membres de la conférence. Les décisions prises par cette conférence seront mises en œuvre par la voie contractuelle. Le passage d’une organisation par schéma à une organisation contractuelle marque bien le lien entre ces deux mouvements. La planification telle qu’elle est conçue au travers de l’instrument schéma présente de nombreux liens avec les politiques de contractualisation, législativement prévues, entre collectivités territoriales.
- 279. Si les liens entre planification et contractualisation, qui se matérialisent notamment par la proximité entre l’instrument schéma et le contrat, sont indéniables, le schéma ne peut pas être totalement assimilé à un contrat, en raison de ses liens avec l’acte administratif unilatéral.
B – Des caractères unilatéraux
- 280. Le schéma présente des similitudes avec l’acte administratif unilatéral, à la fois du fait de son formalisme (1), mais aussi du fait de ses effets (2).
1 – Un formalisme proche de celui de l’acte administratif unilatéral
- 281. Les schémas, de par leur forme, sont des instruments calqués sur les actes administratifs unilatéraux. Deux éléments peuvent être relevés pour illustrer cette parenté : la formulation de l’acte et son adoption. Ces deux éléments de définition de l’acte administratif unilatéral appliqués aux schémas les rapprochent de l’acte administratif réglementaire.
- 282. L’acte administratif unilatéral se reconnaît au regard de sa formulation générale et impersonnelle. Au sein des ces actes, les actes réglementaires se distinguent des actes infdividuels par leur absence de destinataire identifié. Ces éléments définissant l’acte administratif unilatéral se retrouvent au sein des instruments de planification que sont les schémas : « Le SCOT impose : […] de réaliser prioritairement les logements collectifs dans les secteurs du pôle urbain desservies par les transports en commun, les commerces, les services et les équipements ». Ce formalisme est accentué au regard des textes instituant les schémas. Le rapprochement avec les actes réglementaires s’explique au regard du contenu même des documents. Les instruments de planification, par leur objet, ne peuvent pas se dissocier d’une telle formulation.
- 283. La forme réglementaire de l’acte est aussi guidée par son adoption, et par le fait que l’auteur de l’acte détienne la compétence réglementaire. Les collectivités territoriales disposent de ce pouvoir dans la limite de leurs compétences. L’adoption des schémas entrant dans la liste des compétences de celle-ci, l’existence de cette capacité n’est pas contestée, elle résulte de l’application de l’article 72 de la Constitution. Concernant les EPCI et les syndicats, la compétence réglementaire leur est conférée par la loi. Toutefois, les derniers développements du droit de la décentralisation tendent à infirmer cette compétence d’attribution, la frontière entre les EPCI à fiscalité propre et les collectivités devenant poreuse.
- 284. Les schémas, pour leur entrée en vigueur, sont soumis aux mêmes règles que les actes des collectivités. Pour pouvoir produire ses effets, le SCOT, par exemple, doit être publié et transmis à l’autorité administrative compétente. L’article L. 143-24 du code de l’urbanisme🏛 qui organise cette transmission procède à un renvoi aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du CGCT qui expose les modalités de transmission des actes des communes. Les établissements porteurs de SCOT sont donc assujettis aux mêmes règles que les communes pour la transmission de l’instrument de planification dont ils ont la charge. Une seule différence est notable. Alors que les actes des collectivités territoriales sont directement exécutoires dès leur publication et leur transmission, le SCOT n’entre en vigueur que deux mois à partir de sa transmission. Ce délai témoigne de la particularité de l’instrument schéma. De par son importance, et sa singularité, celui-ci doit subir un examen plus approfondi qu’un acte classique des collectivités territoriales. Cet examen est nécessaire au regard du nombre d’interractions entre le SCOT et les autres réglementation, ainsi que la complexité de sa procédure d’élaboration.
- 285. La forme des instruments de planification témoigne de leur proximité avec les actes administratifs unilatéraux, tout comme la comparaison entre les effets de ces deux types d’actes.
2 – Des effets comparables à ceux de l’acte unilatéral à l’égard des tiers
- 286. « L’acte unilatéral est un acte mettant des droits ou des obligations au compte de sujets actifs ou passifs, indépendamment du consentement de ceux-ci ». Au regard de cette définition de l’acte unilatéral, le schéma aurait des effets semblables ; il crée des droits et obligations à la fois à l’égard des tiers, des agents et des autres personnes publiques qui ne sont pas parties au schéma. Cet élément plaide en faveur d’un effet erga omnes des schémas, opposé à l’effet relatif des contrats.
- 287. Les documents de planification sont source d’obligations pour les personnes privées. Ce sont essentiellement les documents d’urbanisme qui imposent des sujétions aux personnes privées, qu’elles soient personnes morales ou personnes physiques. En effet, les orientations de l’utilisation des sols ont des conséquences sur les choix des individus, qu’il s’agisse des constructions des particuliers, ou de l’implantation de locaux commerciaux. Ces actes, pourtant initiés par des personnes privées devront respecter les préconisations inscrites dans un document de planification, le SCOT. En effet, l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme🏛, qui organise le respect du SCOT, précise les documents qui doivent être rendus compatibles avec celui-ci. Parmi ceux-ci, deux actes, établis par les communes, sont réalisés à la demande d’une personne privée, qui devra donc présenter sa demande en fonction du contenu du SCOT. Ces deux documents sont les projets soumis à autorisation, catégorie au sein de laquelle se retrouvent, par exemple, les autorisations d’exploitation commerciale, ainsi que les permis de construire soumis à autorisation d’exploitation commerciale. Les schémas peuvent donc être considérés comme des actes administratifs au regard de leurs effets à l’égard des tiers.
- 288. Les agents des collectivités territoriales peuvent être eux aussi concernés par les effets d’un document de planification. Dans le cadre des schémas de mutualisation des services élaborés conjointement par les EPCI et leurs communes membres, certaines dispositions ont pour objet la réaffectation des fonctionnaires territoriaux, notamment les modalités de transfert de la gestion de leur activité de leur collectivité d’origine vers le groupement. Le document, négocié entre les entités membres de l’établissement et celui-ci, est adopté de manière définitive par l’organe délibérant de l’EPCI et aura une influence sur la commune membre à laquelle l’agent public est rattaché. Celui-ci pourra changer d’autorité de contrôle : il demeure un agent de la commune mais ses missions seront effectuées sous la direction et pour le compte de l’EPCI. Cette hypothèse confirme l’existence d’effets des schémas sur les agents des collectivités, ce qui accrédite la théorie selon laquelle les schémas sont bien des actes administratifs unilatéraux.
- 289. Les effets des schémas à l’égard des tiers existent également. Ils apparaissent généralement au moment de la mise en œuvre des instruments de planification, notamment lorsque ceux-ci ont pour objet la réalisation d’infrastructure. Ce cas de figure se retrouve par exemple dans le cadre des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage. Dans le cadre de la procédure d’élaboration, seules les communes de plus de 5 000 habitants sont consultées et associées au projet. Or, le lieu d’implantation des aires d’accueil prévues par le schéma, lorsqu’elle a fait l’objet d’un transfert de compétence à destination d’un EPCI, peut ne pas être le territoire de la commune ayant participé à l’élaboration du document. Le Conseil d’État a confirmé cette interprétation à plusieurs reprises, à la condition toutefois que la commune choisie soit incluse dans le même secteur géographique que la commune initialement mentionnée au schéma. L’existence d’effets à l’égard des collectivités territoriales non signataires du schéma, mais aussi à l’égard des collectivités non consultées au cours de la procédure d’élaboration, conforte l’idée d’effet erga omnes des schémas, et ainsi, leur rattachement à la catégorie des actes administratifs unilatéraux.
- 290. L’étude de la procédure d’élaboration des schémas, de même que l’observation de sa forme et de ses effets, révèlent une parenté avec les contrats, mais aussi une proximité avec les actes administratifs unilatéraux. Ces caractéristiques tendent à faire des schémas des actes intermédiaires entre le contrat et l’acte administratif unilatéral.
§2 – Un instrument intermédiaire entre contrat et acte administratif unilatéral
- 291. Le schéma est un acte intermédiaire dans la mesure où ses éléments de définition ne répondent parfaitement à aucune des deux catégories classiques d’actes (A) ; il est néanmoins possible de le qualifier d’« acte négocié » (B).
- 292. Le schéma ne semble être ni un contrat, ni un acte administratif unilatéral (1), il pourrait cependant appartenir à la catégorie des « actes mixtes » (2).
1 – Le schéma n’est ni un contrat, ni une décision
- 293. Même si le rapprochement est tentant entre le schéma et le contrat, et plus largement entre la contractualisation et la planification, il ne peut y avoir réellement d’assimilation entre les deux types d’actes. De la même manière, l’assimilation n’est pas non plus complète entre l’acte administratif unilatéral et le schéma.
- 294. Les mouvements de planification et de contractualisation se différencient. Jean-Marie Pontier, en 1993, identifiait deux points de dissemblance : une différence de fondement et une différence de logique. Dans un premier temps, la contractualisation est sous-tendue par une idée de liberté, « les personnes sont d’abord libres (en principe, bien entendu) de contracter ou de ne pas contracter, et, si elles veulent contracter, elles sont libres du choix du cocontractant », alors que la planification serait « une application de l’idée d’égalité ». Le contrat est un acte volontaire et accepté par l’ensemble des parties, le schéma est lui un acte volontariste qui emporte la conviction de ceux qui l’ont établi, mais pas nécessairement celle des personnes chargées de l’appliquer. Du point de vue de la logique, le contrat a pour objectif de satisfaire des besoins, que ceux-ci soient ponctuels ou permanents, alors que les instruments de planification ont pour objectif la régulation, par l’établissement de prévisions. De plus, le schéma et le contrat se différencient au regard de la notion d’obligation. La comparaison opérée s’appuie sur les instruments nationaux de planification. Or, le schéma n’est pas un instrument national, mais un instrument essentiellement local. Le constat établi en 1993 ne semble pas pour autant à remettre en cause. Le passage d’une planification nationale à une planification locale n’a pas eu d’impact sur les soubassements ou la logique d’un tel mouvement.
- 295. L’obligation en droit privé se définit comme « un lien de droit […] entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur une prestation ou une abstention ». Le contrat de droit privé est alors constitué par deux éléments : un « accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». Le schéma, s’il implique en cas de co-auteurs un accord de volonté, ne correspond pas à la définition du contrat, en ce qu’il ne crée pas nécessairement d’obligations réciproques. Ainsi, même si le schéma présente certaines caractéristiques proches du contrat, il ne répond pas à sa définition.
- 296. Le principal élément différenciant l’acte administratif unilatéral du schéma repose sur son caractère décisionnel. La décision exécutoire est définie comme « l’acte par lequel l’administration met en œuvre [son] pouvoir de modification unilatérale des situations juridiques ». L’acte administratif unilatéral a pour vocation de modifier l’ordonnancement juridique, de créer du droit, qui sera opposable aux tiers. Au sein de l’ordonnancement juridique, les actes administratifs unilatéraux s’inscrivent dans la hiérarchie des normes et impliquent des rapports de conformité avec les actes qui leur sont inférieurs. Le schéma peut alors être distingué de l’acte administratif unilatéral : leur respect ne s’inscrit pas uniquement dans un rapport de conformité. La souplesse de ces documents appelle à une adaptation des rapports entre les schémas, mais aussi entre les schémas et les autres documents administratifs. Par exemple, le SRCE doit être pris en compte par le SCOT, mais ce dernier n’a pas à lui être strictement conforme.
En outre, les dispositions mêmes des schémas ne sont pas opposables. Les juridictions administratives ont, à plusieurs reprises, nié la qualité d’acte administratif du schéma départemental de coopération intercommunale. Suite à l’adoption de ces documents en 2012, plusieurs collectivités et groupements de collectivités ont saisi la juridiction administrative pour faire annuler les arrêtés adoptant les SDCI. Les décisions de premiière instance ont pu hésiter quant à la recevabilité des recours, certains les estimant irrecevables, d’autres examinant les griefs contre ce documents sans se prononcer explicitement sur la recevabilité du recours. Les juridictions du second degré se sont accordées sur l’irrecevabilité du recours contre les SDCI : le SDCI « constitue un document d'orientation et de programmation de l'organisation intercommunale dans le département […] il ne comporte aucun effet prescriptif qui soit directement et immédiatement opposable aux communes et établissements publics de coopération intercommunale qu'il concerne, la traduction des orientations du schéma devant faire l'objet de décisions ultérieures du représentant de l'État ». La reconnaissance de l’absence d’effet prescriptif de ces schémas est en accord avec l’appréciation apportée par le Conseil d’État, saisi d’une demande de transmission d’une QPC portant sur les dispositions encadrant le SDCI. Celui-ci, en examinant les conditions de la transmission, a qualifié le schéma en question :
« les dispositions de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales🏛, dans leur rédaction issue de la loi du 16 décembre 2010🏛, n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet d'assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations ou à des charges ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la décision arrêtant le schéma de coopération intercommunale implique, par elle-même, la création, la modification ou la dissolution d'établissements intercommunaux, auxquels certaines communes seraient tenues d'adhérer, ni la définition des compétences obligatoirement transférées par les communes à ces établissements »
La solution retenue n’est pas évidente, dans la mesure où l’ensemble des instruments de planification ne bénéficient pas d’une jurisprudence constante sur ce point : alors que le SDCI ne pouvait, pendant un temps, pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le SDAGE ou le schéma régional d’organisation sanitaire sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Ces hésitations quant à la recevabilité des recours s’inscrivent dans les interrogations de la jurisprudence sur la nature des nouveaux instruments de droit souple, dont font partis les schémas, et traduisent la nature ambiguë de ceux-ci.
- 297. La confrontation entre le schéma et certaines caractéristiques des contrats administratifs et des actes administratifs unilatéraux révèle que cet instrument ne peut pas être entièrement assimilé à l’une des deux catégories. Il pourrait alors être assimilé à une nouvelle forme d’acte mixte.
2 – Le schéma, possible « acte mixte »
- 298. Le schéma pourrait s’inscrire dans la catégorie mise en lumière par Yves Madiot, celle de l’acte mixte. Plusieurs définitions de l’acte mixte peuvent être énoncées. Pour Charles Eisenmann, un acte mixte est un acte adopté conjointement par une autorité publique et une personne privée. Cette définition a été mise en lumière concernant les contrats. L’identification d’un acte mixte ne se limite pas à ses auteurs, des critères liés à leur contenu ont aussi été mis en avant. Charles Eisenmann ajoute un critère matériel au critère organique : un acte mixte doit contenir une obligation, élément impératif, et un droit, élément permissif. Pour Gaston Jèze, la possibilité d’identifier au sein d’un acte des dispositions créant une situation juridique objective et d’autres créant une situation juridique subjective permet d’identifier un acte mixte. Yves Madiot a choisi d’axer son étude de l’acte mixte en partant de l’hypothèse que celui-ci serait « un contrat (de droit privé ou de droit public) produisant des effets réglementaires ».
- 299. La définition ainsi établie ne semble pas pouvoir être transposable au schéma, celui-ci n’est pas majoritairement contractuel, l’instrument juridique schéma ayant plus de caractéristiques communes avec l’acte administratif. En effet, au-delà des points de dissociation mentionnés préalablement, les instruments de planification sont plus proches des actes administratifs que des actes contractuels. Or la définition envisagée par Yves Madiot part du postulat que l’acte mixte est un acte contractuel et que la mixité est introduite par des dispositions non soumises à la négociation, les dispositions réglementaires. Pour le schéma, la logique est inversée, mais similaire. Le schéma est essentiellement un acte administratif, mais au sein duquel peut être décelée une forme de mixité, une hybridation, due à l’insertion de dispositions négociées. En renversant la définition, l’acte mixte serait alors constitué lorsqu’est adopté un acte administratif contenant des dispositions quasi-contractuelles, ou bien issues d’une négociation similaire, ou du moins assimilables au procédé contractuel. Cette définition renversée de l’acte mixte pourrait par exemple être applicable aux schémas de mutualisation : les décisions de mutualisation sont des décisions ayant le caractère d’un acte administratif, mais cette disposition a été préalablement l’objet d’une négociation entre les communes concernées et l’EPCI dont elles sont membres.
- 300. Il est possible de se tourner vers la théorie de l’acte juridique collectif, développée en droit privé. Il s’agirait alors d’un acte à formation collective qui tendrait vers un but commun, mais également la question des actes liant des personnes autre que leurs signataires. Cette définition s’applique notamment aux actes des assemblées de copropriétaires, en s’appuyant sur une volonté commune qui s’exprime à travers l’acte. Cette théorie présente des similarités avec le schéma : lorsqu’il est co-élaboré, le schéma manifeste la volonté commune de ses auteurs, volonté concertée, et a des implications au-delà des signataires de celui-ci. Pour autant, cette proximité ne permet pas de ranger les schémas dans la catégorie des actes collectifs.
- 301. Néanmoins, pour éviter toute confusion, il serait peut-être plus aisé d’écarter l’appellation d’acte mixte ou d’acte collectif, qui renvoie au domaine contractuel pour utiliser l’expression d’acte négocié.
- 302. Le schéma, par sa procédure d’élaboration, s’inscrit pleinement dans le mouvement de démocratisation de l’administration (1), mais cette ouverture de la prise de décision au profit du citoyen doit s’accompagner d’un encadrement pour des raisons d’efficience (2).
1 – Un acte marqué par l’influence du code des relations entre le public et l’administration
- 303. Les instruments de planification sont marqués par la volonté de concertation et de participation du public. Ces deux nouvelles modalités d’inclusion du public dans la procédure d’élaboration font partie des éléments mis en avant par l’administration dans une optique de démocratisation de la prise de décision, mouvement qui a abouti à l’adoption du code des relations entre le public et l’administration.
- 304. Jean-Bernard Auby écrivait en 2006 que « l’un des étages essentiels à venir de la construction historique de notre discipline [le droit administratif], tourne autour de la préoccupation de la démocratie : la démocratie dans le quotidien du droit administratif ». Il ne renie pas l’existence de tels mécanismes, et souligne même que « depuis les années 1970, des efforts sont faits pour améliorer les rapports entre les citoyens et l’administration » et « c’est carrément de ‘démocratie administrative’ que l’on parle ».
- 305. L’idée de démocratisation de l’administration par le biais de consultation n’est pas récente. Dans sa thèse, Yves Weber analyse la multiplicité des procédures de consultation, mais limite son étude aux consultations organisées auprès d’institutions mises en place dans ce but. Dans cette hypothèse, l’administration décideuse s’appuie sur des organes disposant de la compétence consultative. Cette forme de consultation existe dans le cadre des schémas et fait partie des éléments de particularité de ces actes, que ce soit pour consulter des commissions spécifiquement prévues à cet effet, ou pour consulter des collectivités territoriales. Il est possible, par exemple, de citer la consultation de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) dans le cadre de l’élaboration du SDCI. Il s’agit, dans ce cas, de consulter une commission représentant les collectivités territoriales du département, concernées par l’intercommunalité et son évolution. Les schémas mettent en œuvre une deuxième forme de consultation, qu’Yves Weber qualifie de « consultation individuelle ». Il s’agit de recueillir les avis d’individus, essentiellement dans le cadre des enquêtes publiques.
- 306. L’accumulation de ces processus d’élargissement de la prise de décision, ou plus exactement de la participation à cette prise de décision, mettent à mal l’unilatéralisme de la décision. En effet, certaines commissions consultatives peuvent avoir une influence sur l’adoption de la décision finale, allant de l’obligation de modifier l’acte à un quasi droit de veto. Le schéma est aussi marqué par la publicité qui accompagne les consultations. La mise à disposition du public de l’ensemble des données ayant contribué à l’édiction de l’acte final marque un progrès dans les relations entre l’administration et les citoyens.
- 307. Les dispositions applicables à l’association du public dans la prise de décision ont été codifiées au sein du code des relations entre le public et l’administration. Il a été adopté par le biais de l’ordonnance no 2015-1341 du 23 octobre 2015, et est entré en vigueur le 1er janvier 2016. Ce code est composé de cinq livres précédés de dispositions préliminaires. Au sein du premier livre, intitulé Les échanges entre l’administration, un titre, le 3e, est consacré à « L’association du public aux décisions prises par l’administration ». Ce dernier comprend cinq chapitres : « Principes généraux », « Consultations ouvertes sur un site internet », « Commissions administratives à caractère consultatif », « Enquêtes publiques », « Participation du public aux décisions locales ». Le contenu du code n’est pas novateur, il reprend et codifie, dans une très grande mesure, des dispositions préexistantes.
- 308. Les auteurs des instruments de planification sont astreints à une certaine négociation, en raison des différentes procédures de mise à disposition et de concertation entourant l’édiction de l’acte, mais ces procédures sont encadrées, pour des raisons d’efficience.
2 – Une négociation nécessairement encadrée pour des raisons d’efficience
- 309. Les instruments de planification, s’ils sont marqués par une certaine ouverture, par une grande place laissée à la négociation, n’en demeurent pas moins très encadrés, afin de ne pas perdre en efficacité. En effet, le législateur a décrit l’ensemble de la procédure d’élaboration, tout en laissant à la personne publique une certaine liberté.
- 310. La personne publique responsable du schéma dispose de la maîtrise de celui-ci. Ainsi, même dans les cas de schémas adoptés par plusieurs auteurs, il existe des prérogatives particulières en faveur de l’un d’entre eux. Ces pouvoirs spécifiques peuvent être mobilisés en cas de blocage par l’autre partie au schéma. Il est aussi possible de limiter les effets des consultations et autres concertations, en conférant la possibilité pour l’auteur de l’acte de passer outre, sous conditions de motivation, les oppositions des organes consultés.
- 311. Les effets de la négociation sont parallèlement très encadrés par les textes législatifs et réglementaires qui guident l’élaboration des schémas. Cette dernière est tout d’abord organisée temporellement : l’ensemble des différentes phases de l’élaboration sont délimitées dans le temps. Les textes déterminent aussi le contenu des différentes phases : les négociations et les consultations doivent être exécutées dans les limites prévues par les textes. Par exemple, les consultations opérées par le préfet sur le projet de SDCI et l’avis des communes et des EPCI sont recueillis. Cet avis est limité : les collectivités et leurs groupements ne se prononcent que sur le devenir de leur propre intercommunalité. De même, au cours de l’élaboration les personnes associées ne prennent pas part à l’ensemble des négociations. Dans le cas du SCOT, l’article R. 122-6 du code de l’urbanisme🏛 se contente de mentionner que la conduite de l’élaboration du schéma revient au président de l’EPCI. L’article R. 122-7 ajoute que les personnes associées à la procédure sont consultées à leur demande et à celle du président de l’EPCI. Ces dispositions témoignent de la limitation des négociations ; la négociation ne précède pas l’ensemble des décisions. Deux débats sont obligatoires, un premier sur les orientations du schéma et le second sur le projet lui-même. Ces dispositions paraissent limiter très fortement les négociations. Cette limitation se justifie au regard du caractère technique des débats mais aussi de la nécessité de limiter la longueur des procédures d’élaboration.
- 312. Les dispositions mises en place pour encadrer la procédure d’élaboration du schéma ont pour objectif de concilier deux objectifs en apparence contradictoires : d’une part la volonté de réserver une place aux citoyens en introduisant des procédures de consultation ; d’autre part la nécessaire efficacité dans l’élaboration des documents. En effet, l’encadrement de la temporalité permet d’organiser des consultations, de faire participer le public à la prise de décision, sans provoquer un blocage de celle-ci.
- 313. L’étude de la nature juridique du schéma soulève de nombreuses questions. Le schéma est un acte ayant des points communs, des caractéristiques communes avec les contrats, mais aussi avec les actes administratifs unilatéraux. Il s’avère que le schéma doit être classé dans la catégorie des actes administratifs unilatéraux, bien que celui-ci bénéficie de quelques aménagements, notamment au regard de son élaboration multilatérale. Outre ce caractère hybride, le schéma se caractérise par sa souplesse.
- 314.
Section 2 – Les schémas, éléments de droit souple
- 315. Il peut sembler étrange de qualifier un acte administratif de souple. La souplesse se définit comme « qui n’est pas rigide ou systématique dans son application », « se dit d’une méthode, d’un règlement, d’une structure susceptibles d’accepter des aménagements, des modifications ». En effet, une décision, si elle peut être adaptée, notamment au regard des exigences du service public, est appliquée sans exception.
- 316. Au-delà des définitions de la souplesse en langage courant, le Conseil d’État a consacré, en 2013, son étude annuelle au « droit souple », proposant alors une définition générique du droit souple. Trois critères permettent l’identification de cette nouveelle tendance : le droit souple a pour objectif de « modifier et d’orienter les comportements de leur destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion », il ne crée pas de droits et d’obligations pour leur destinataire, et son contenu ainsi que son élaboration l’apparentent, par son formalisme, aux règles de droit. Les schémas ont le caractère d’instruments de droit souple au regard des deux derniers critères, même si la question de l’absence de création de droits et d’obligations peut être relativisée. L’objectif assigné par le Conseil d’État au droit souple, modifier et orienter les comportements, est révélé à la fois au regard de l’héritage des schémas (§1), mais aussi au regard de leur régime juridique (§2).
§1 – Le schéma, substitut du plan
- 317. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les instruments de planification se sont étoffés. Progressivement, le vocabulaire a évolué (A), ainsi que le niveau de contrainte associé à ces documents (B).
A – Un changement de vocabulaire progressif
- 318. La Plan national a été l’instrument central de la planification (1), avant que celle-ci ne change d’assise territoriale (2).
1 – Le plan, ancien instrument central de la planification
- 319. En 1946, le Gouvernement Provisoire de la République Française fait le choix de la planification, à la fois dans un objectif de reconstruction des infrastructures détruites par le conflit mondial, mais aussi de relance de l’économie du pays. Le choix du plan s’est fait en référence aux plans soviétiques. Néanmoins, le plan français a été qualifié dès son origine de plan indicatif, pour le distinguer du plan soviétique impératif. Le choix de la planification n’était à l’époque pas contesté : « la nécessité de planifier l’économie française était, au sortir de la seconde Guerre Mondiale, quasi unanimement admise par les équipes dirigeantes […]. Seul un plan définissant un ordre de priorité dans l’affectation des maigres ressources disponibles paraissait de nature à mobiliser les énergies et assurer dans les meilleurs délais le relèvement du pays ».
- 320. Le plan a eu une très grande importance au cours des vingt premières années de son existence, avant de perdre en intérêt. La nécessité de reconstruction post-guerre mondiale, ainsi que la croissance des années 1950-1960 ont contribué au succès des plans portés par Jean Monnet puis par Pierre Massé. A partir de 1966 et du départ de Pierre Massé du poste de commissaire général au plan s’est ouverte une période de « déplanification » ou de désaffection du plan, avant que celle-ci ne renaisse quelque peu de ses cendres avec la création en 1981 d’un ministère du plan. Mais si la planification nationale réapparaît au début des années 1980, elle ne présente plus les mêmes caractéristiques que sous la IVe et au début de la Ve République.
- 321. Le renouveau de la planification débute par une réforme de son organisation. La loi du 2 juillet 1982 remodèle à la fois l’élaboration et l’exécution du plan de la nation. Deux éléments sont particulièrement novateurs, tout d’abord une augmentation de la concertation, ainsi qu’une première décentralisation de la planification. L’ouverture de la concertation se manifeste par la création de commissions nationales de concertation thématiques, au sein desquelles le ministère du plan recueille les avis des différents membres. Le second point principal de la réforme introduit une décentralisation à la fois dans l’élaboration et dans l’exécution du plan. Les régions deviennent des partenaires de l’État dans la définition des objectifs et la mise en œuvre des décisions. Mais, malgré cette relative décentralisation, le plan reste un instrument à visée nationale.
- 322. A l’origine, le plan de la nation est un instrument de prospective et d’encadrement à visée économique. Néanmoins, l’objectif économique est vu au sens large du terme : il comprend les politiques d’habitat, d’industrialisation, de reconstruction ainsi que les politiques d’aménagement du territoire. Le domaine du plan était alors généraliste, dans la mesure où il doit être une « réflexion globale sur l’avenir de notre société ». L’approche globale retenue avait pour objectif d’encadrer l’économie française dans toutes ses manifestations. Le plan était donc un instrument à la fois central et global de la planification post seconde Guerre mondiale.
2 – Les schémas, instruments de planification locale
- 323. Les schémas se différencient des plans à la fois par leur aspect local, mais aussi par leur champ d’action plus sectoriel, même si cette affirmation peut être relativisée.
- 324. Le premier schéma, en tant qu’instrument de planification locale, date de 1965, il s’agit du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris, créé par la loi du 2 août 1961🏛 relative à l’organisation de la région de Paris, et adopté pour la première fois en 1965. Celui-ci n’a pas d’envergure nationale, il ne couvre, comme son nom l’indique, que la région parisienne. Le plan français quant à lui, a toujours affirmé sa visée nationale, manifestée par le commissariat général au plan (CGP) et l’adoption du rapport général, constitutif du plan, par le Parlement. Cette approbation marque l’engagement unilatéral de l’État dans la mise en œuvre du plan. L’exécution du plan, instrument national, prend plusieurs dimensions, à la fois nationale, mais aussi locale. Mais il ne deviendra, sous sa forme de planification globale de l’économie, jamais un instrument local, contrairement au schéma qui s’est peu à peu affirmé comme étant un instrument local.
- 325. Le schéma n’a pourtant pas toujours été un instrument local. Les lois Pasqua de 1995 et Voynet de 1999 ont créé des schémas d’envergure nationale. La première a instauré un schéma national d’aménagement et de développement du territoire. Cet instrument de planification nationale avait pour objectif d’établir les orientations nationales de la politique d’aménagement du territoire. Il est le premier schéma national consacré uniquement à l’aménagement du territoire. Ce schéma suit, pour son adoption, la même règle que le plan, à savoir une présentation devant le Parlement suivi du vote d’une loi de ratification. La loi de 1995 ne développe pas plus la partie relative à l’adoption du schéma. Il est possible d’imaginer que la discussion sur le schéma serait assez limitée, en suivant le mode d’adoption des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, sans qu’il y ait de modification possible du contenu. L’objet du schéma, l’aménagement du territoire, ne fait pas partie des domaines de compétence du Parlement énoncés à l’article 34 de la Constitution, il ne relève donc pas de la compétence du Parlement, mais de celle du pouvoir exécutif. La présentation du schéma et le vote sur celui-ci auraient alors plutôt pris la forme d’une information du Parlement que d’une véritable procédure législative. Il devait être élaboré par une commission ad hoc sous la présidence du Premier Ministre, autre point de ressemblance avec le plan. Ce schéma global devait être complété par des schémas sectoriels. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un découpage territorial, mais d’un découpage par domaine d’intervention. La loi Pasqua prévoyait cinq schémas sectoriels :
- - le schéma de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
- - le schéma des équipements culturels ;
- - le schéma relatif aux infrastructures de transport ;
- - le schéma des télécommunications ;
- - le schéma d’organisation sanitaire.
Ce dispositif a été remanié par la loi Voynet de 1999. Celle-ci fait disparaitre le schéma national d’aménagement et de développement du territoire, et introduit de nouveaux schémas, qui porteront le nom de schémas de services collectifs :
- le schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche,
- le schéma de services collectifs culturels,
- le schéma de services collectifs sanitaires,
- le schéma de services collectifs de l’information et de la communication,
- le schéma de services collectifs de transports de voyageurs et de transports de marchandises,
- le schéma de services collectifs de l’énergie,
- le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux,
- le schéma de services collectifs du sport.
- 326. Les schémas de services collectifs ont été adoptés par décret le 18 avril 2002, suite à une procédure d’élaboration de plus de deux ans. Les étapes de cette élaboration sont assez similaires à celles des documents locaux, étudiés précédemment. Plusieurs questions ont été soulevées à leur égard, notamment au regard de leur portée juridique, ainsi que, dès leur adoption, de leur avenir. Les schémas de services collectifs sont des instruments de planification à long terme, l’objectif poursuivi par leurs rédacteurs était de prévoir les orientations des politiques d’aménagement du territoire à l’horizon 2020. L’ordonnance du 8 juin 2005 réforme la procédure de révision des schémas de services collectifs, mais reste extrêmement vague quant à la durée de vie de ces instruments, « élaborés par l'Etat dans une perspective à vingt ans », « révisés en tant que de besoin ». Les schémas de services collectifs ont été adoptés, mais la longueur de la procédure d’élaboration a retardé cette adoption. En conséquence, les contrats de plan Etat régions, qui devaient mettre en œuvre une partie des orientations, ont été signés avant la fin de la procédure d’élaboration des schémas. La portée de ces derniers a fortement été contrariée par l’adoption des contrats qui ont été établis sans considérations pour les schémas de services collectifs.
- 327. L’échec des modèles nationaux, ou du moins leur faible actualité, ainsi que la faible attention qui est actuellement portée à ceux-ci, doit être comparé à la multiplication des instruments locaux de planification. Les schémas de services collectifs adoptés en 2002 n’ont pas été abrogés, ils demeurent dans l’ordonnancement juridique. Mais aucune réévaluation de leurs prescriptions n’a été entamée, malgré une réforme de leur procédure de révision. Les régions ont, quant à elles, acquis de nouvelles compétences de planification, que ce soit par le biais des contrats de plan ou par le développements des schémas. Ces deux mouvements opposés marquent la pertinence de la décentralisation de la planification, et de ses documents.
B – Des instruments modernisés
- 328. La modernisation des instruments de planification est marquée par le diminution du niveau de contrainte (1), mais aussi par la décentralisation des instruments (2).
1 – La diminution du niveau de contrainte
- 329. Dans son étude réalisée en 1967, Henri Jacquot qualifie ainsi les plans : « les plans français ne sont sans doute pas impératifs, mais ils semblent plus qu’indicatifs ». La planification française se caractérisait ainsi, sous l’empire du plan français ; le plan, sans être impératif comme pouvaient l’être les plans soviétiques, n’allait pas sans impliquer une part de contrainte. Celle-ci s’exprimait en premier lieu à l’égard de l’Etat et des personnes publiques en charge de sa mise en œuvre, mais les personnes privées ne devaient pas être considérées comme liées par les orientations prises par le plan. L’auteur ajoute, « le plan ne se bornait pas en effet à indiquer la meilleure route à suivre ; sans être impératif, et c’est précisément une des raisons de son ambiguïté juridique, il possède un appareil d’exécution qui fait que ces dispositions, ou tout au moins certaines d’entre elles, ne peuvent être, purement et simplement, assimilées à de simples vœux »
- 330. Toute l’ambiguïté du plan français se manifeste dans l’idée du général de Gaulle qui a fait de l’adoption et de l’exécution du plan une « ardente obligation ». L’État s’impose la rédaction, l’approbation et la mise en œuvre de celui-ci. Néanmoins, il reste un document essentiellement prospectif, qui implique intrinsèquement une part d’incertitude, d’ajustement qui n’est pas compatible avec une obligation stricte. C’est d’ailleurs cette incompatibilité qui a entraîné le déclin du plan, ce dernier ayant du mal à s’adapter aux changements de situation économique.
- 331. Le plan comporte les orientations économiques pour la période qu’il doit couvrir. Ces orientations ne doivent pas être prises en compte, mais mises en œuvre. Même si le plan n’est pas strictement obligatoire, les documents adoptés dans le cadre de celui-ci doivent respecter ses dispositions. Les rapports entre le plan et les documents qui en découlent sont donc plus étroits que les simples rapports existants entre les schémas et les documents subalternes. Cet élément est un des marqueurs des changements opérés dans la politique française de planification.
- 332. La planification française a peu a peu évolué, notamment du fait de sa décentralisation.
2 – La décentralisation de la planification
- 333. Le changement le plus remarquable dans la politique française de planification repose sur le choix du territoire et de l’autorité en charge du schéma. Le plan national, même s’il a peu à peu introduit une part de territorialité, avait pour périmètre l’ensemble du territoire français et était élaboré par le commissariat général au plan (CGP), institution placée auprès du Premier ministre. Les schémas ont désormais une assise territoriale moindre ; soit une collectivité, soit un groupe de collectivités, et sont placés sous l’autorité d’une collectivité territoriale, d’un groupement de collectivités, d’une entité déconcentrée ou sous l’autorité conjointe d’une collectivité décentralisée et de l’État.
- 334. Le passage du plan au schéma résulte d’un transfert de la compétence de planification de l’Etat central vers des entités décentralisées ou déconcentrées. Ce changement de niveau pour la conception de l’instrument de planification induit plusieurs conséquences, du point de vue de l’égalité des territoires, ainsi que de la compétence des rédacteurs des schémas.
- 335. Le passage du plan au schéma, en déléguant la charge de l’élaboration des instruments de planification à des entités locales, a rompu l’égalité des territoires qui pouvait exister dans un cadre national. En effet, chaque collectivité chargée de l’élaboration va déterminer, pour son territoire, sans prise en compte des mesures adoptées au sein des territoires voisins, les mesures les plus appropriées. Cette territorialisation de la planification présente des avantages, notamment au regard de la meilleure prise en compte des réalités d’une collectivité. Néanmoins, si la décentralisation de la planification présente l’avantage d’une meilleure prise en compte des intérêts locaux, elle introduit une forme de rupture d’égalité entre les territoires. Le niveau de collectivité responsable de l’élaboration du document, région, département, commune ou groupement de communes, détermine les orientations prioritaires pour lui-même. Ainsi, deux entités de même niveau peuvent choisir différentes orientations pour leur territoire, en fonction notamment d’objectifs politiques, de différences d’appréciation sur les priorités à donner à l’action de la collectivité. Il est possible de prendre comme exemple le schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Les orientations prises au sein de ce schéma, lorsqu’il a été adopté, varient en fonction des départements. Ces variations sont liées d’une part aux différences quant à la réalité du passage des gens du voyage au sein de chaque département, mais aussi, et plus particulièrement, à des oppositions aux populations itinérantes, ou à des choix politiques. Cet exemple illustre le risque de créer des inégalités territoriales par la décentralisation de la planification.
- 336. Ce risque doit tout de même être relativisé. Tout d’abord, l’ensemble des schémas n’a pas été décentralisé, ou ne l’a été que partiellement. Une partie des documents de planification a été confiée aux autorités déconcentrées, régionales ou départementales. Dans ce cadre, le contenu du schéma est adapté au territoire sur lequel il s’applique, mais demeure encadré de manière plus stricte par des directives nationales. Un autre élément permet de relativiser ce risque. Si les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent définir les orientations d’un schéma, elles doivent les déterminer dans le respect des textes qui ont institué l’instrument. Il est possible de citer, par exemple, les différentes obligations de consultation imposées par les textes régissant l’élaboration des instruments. Le SCOT, lorsque son élaboration est terminée, et avant que le projet ne soit soumis à enquête publique, est transmis pour avis à l’autorité préfectorale territorialement compétente. Cet avis a notamment pour objectif de vérifier la conformité du schéma au regard des textes qui lui sont supérieurs, ainsi que le respect des règles qui régissent l’élaboration du schéma. Cette contrainte n’empêche pas des différences entre les schémas en fonction des territoires, mais parvient tout de même à les limiter.
- 337. Au-delà du rôle de régulateur assumé par le préfet, la loi NOTRe semble avoir choisi de confier à la région un rôle d’organisateur en matière de planification. Le législateur a décidé en 2015 d’imposer, au sein du SRADDET, l’inscription de règles générales. Ces dernières seront directement opposables aux documents d’urbanisme. La région dispose alos d’un rôle moteur sur son territoire pour encadrer l’action des échelons territoriaux inférieurs. La mise en avant de la région résulte d’un constat : l’ancien SRADT, qui n’avait qu’une valeur indicative, n’a pas permis, en presque trente ans d’existence, d’influencer les politiques locales d’aménagement du territoire. C’est ce qui ressort de l’étude d’impact de la loi NOTRe : « son absence de caractère contraignant affecte toutefois sensiblement sa portée et son développement ». L’étude qualifie le caractère indicatif du schéma « d’insuffisance majeure ». L’évolution de la valeur du schéma est matérialisée par l’article L. 4251-3 du CGCT, qui dispose que le SCOT doit prendre en compte les orientations du SRADDET, et être compatible avec les règles générales. L’introduction de dispositions ayant une force contraignante s’inscrit dans le mouvement opéré par les réformes de l’« acte III » de la décentralisation : renforcer le rôle de la région sur le territoire. La conférence territoriale de l’action publique instaurée par la loi Maptam, en identifiant une catégorie de collectivité comme chef de file dans l’organisation d’une compétence, participe du même mouvement. Il s’agit, dans le cas d’une compétence qui peut être exercée sur le territoire par plusieurs collectivités, de déterminer une collectivité qui sera chargée de coordonner l’action des autres collectivités. Au sein de cette nouvelle entité, la région a un rôle primordial : le président du conseil régional préside cette conférence et les compétences pour lesquelles elle peut être désignée comme chef de file sont les plus nombreuses. La loi Maptam avait indentifié huit domaines, que la loi NOTRe a ramené à cinq. La région est valorisée par les dernières réformes territoriales, afin qu’elle canalise et organise les actions des autres niveaux de collectivités. Mais cet apparent verrouillage doit être doublement relativisé, tout d’abord du point de vue de l’étendue du chef de filât tel qu’interprété par le législateur, mais aussi du point de vue de la place de l’État dans l’adoption des schémas prescriptifs de la région.
Dans un premier temps, l’attribution à une collectivité territoriale de la qualité de chef de file ne lui octroie qu’un pouvoir limité, au nom du principe de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre. Cette interprétation est tout d’abord sous-tendue par l’article 72 alinéa 5 de la Constitution : le chef de filât ne peut exister que dans le respect du principe de non-tutelle. Cette condition est confirmée par la loi du 7 août 2004, et plus récemment par les lois Maptam et NOTRe. Ces deux textes ont pris en compte les objections émises par le Conseil constitutionnel en 1995 et en 2008. Dans les deux cas, le Conseil constitutionnel avait sanctionné la loi en ce qu’elle laissait aux collectivités le choix de décider, par voie contractuelle, le chef de file. Tout en laissant le choix aux collectivités des modalités du partenariat, les dernières lois identifient le chef de file par compétence partagée. Ainsi, le législateur a respecté les limites énoncées par le Conseil constitutionnel : ne pas créer de tutelle entre les collectivités en leur laissant organiser les modalités d’exercice d’une compétence partagée par la voie contractuelle. La notion de tutelle d’une collectivité sur l’autre a été précisée par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Pour les deux juridictions, le pouvoir de tutelle implique un pouvoir de substitution, d’opposition et de contrôle de la collectivité « supérieure » sur la collectivité « inférieure ». Le chef de file ne dispose pas de pouvoirs importants sur les autres collectivités, il ne fixe pas le partage des compétences, se contente de l’organiser ; de plus, ses pouvoirs s’avèrent limités par le rôle de la conférence territoriale de l’action publique, au sein de laquelle les modalités de l’action commune des collectivités devront être débattues. Le rôle de la région n’est donc valorisé qu’a minima, dans la mesure où elle n’exercera pas l’ensemble de sa compétence de chef de file.
Le renforcement de la région s’exprime par son rôle dans la planification : elle a obtenu des compétences pour éditer de nouveaux schémas, au moins partiellement prescriptifs, et notamment le SRDEII. Mais une fois encore, la région n’a pas une entière liberté quant à l’établissement de ce document. Le préfet conserve un droit de regard. Aux termes de l’article L. 4251-16 du CGCT, le préfet approuve par arrêté ce schéma et peut s’opposer à son entrée en vigueur, du point de vue du respect de la procédure d’élaboration ; mais aussi du point de vue de « la préservation des intérêts nationaux ». Cette limitation est assez ambiguë : elle introduit, pour le préfet de région, une large part d’appréciation. Comme le souligne à ce propos Pierre Villeneuve, il est paradoxal, dans une optique de renforcement de la région, d’introduire une telle approbation étatique. Un autre élément limite l’action des régions dans ce domaine : dans le cas où il existe une métropole au sein de la collectivité régionale, celle-ci dispose de la compétence pour élaborer, pour son territoire, les orientations du SRDEII. Celles-ci sont normalement élaborées conjointement avec la région, néanmoins, à défaut d’accord entre les deux entités, la métropole élaborera elle-même les orientations stratégiques en prenant en compte le schéma régional. Cette articulation s’inscrit dans la rivalité entre les métropoles et la région mise en place par la loi NOTRe : la région détenant la compétence principale en matière de développement économique, tout en étant concurrencée par la métropole. En cas d’opposition entre la métropole, ou les métropoles, présente sur un territoire et la région, cela peut avoir pour conséquence, du fait du poid économique d’une métropole, d’entraver la politique économique régionale. La région est donc doublement limitée dans ses compétences, par le contrôle de l’État et par les compétences des métropoles.
Ces limitations sont comparables à l’ensemble des limitations induites par la décentralisation de la planification. Les collectivités territoriales se sont vues reconnaître de nouveaux pouvoirs de planification, sous une nouvelle appellation, le schéma. Mais ces pouvoirs demeurent limités, d’une part par les pouvoirs des autres collectivités elles-mêmes, afin de respecter le principe de non-tutelle, et d’autre part par les contrôles exercés par l’État sur ces schémas.
- 338. Le schéma s’est substitué progressivement au plan. Mais le changement opéré n’est pas uniquement lexical, les caractéristiques des deux instruments de planification divergent. Cette évolution a permis de consacrer le schéma comme un instrument de droit souple.
§2 – Les schémas, instruments de droit souple
- 339. Le caractère souple des schémas s’exprime dans les rapports qu’ils entretiennent avec les autres actes intervenant dans le même domaine à un rang inférieur, ou dans un domaine connexe, mais relié à celui du schéma. L’adaptation se traduit par l’utilisation des rapports de « compatibilité » et de « prise en compte » qui ont émergé dans un premier temps du droit de l’urbanisme. Ainsi, le choix a été fait dans ce paragraphe de se concentrer sur les instruments de planification de l’urbanisme, notamment le SCOT, à la fois dans leurs rapports avec les autres documents d’organisation de l’occupation des sols que sont le PLU et la carte communale, mais aussi dans ses rapports avec les autres schémas relatifs à l’environnement qui entrent en interaction avec lui. Ce choix s’explique au regard de plusieurs arguments. Les instruments de planification urbaine bénéficient d’une plus grande longévité au regard des autres instruments décentralisés. Cette ancienneté s’accompagne d’une organisation plus aboutie que dans les autres domaines. De plus, ils bénéficient d’une plus grande stabilité législative. Les autres schémas, notamment les schémas régionaux, adoptent les mêmes mécanismes, mais leur faible ancienneté, et les modifications subies par ces instruments au cours des dernières réformes ne permettent pas encore d’étudier leur articulation entre eux, notamment les suites de leur première modification. Il est cependant plausible que dans quelques années, les mécanismes applicables aux documents d’organisation des sols soient étendus aux documents d’aménagement du territoire. Cette application est révélée à la fois par l’emploi du même vocabulaire, mais aussi des caractéristiques des schémas.
- 340. Les schémas sont des instruments de planification qui se caractérisent par une forme de souplesse dans leurs rapports avec les autres instruments de planification. Cette souplesse présente deux caractères : elle est relative (A), mais aussi progressive (B).
A – Une souplesse relative
- 341. Les schémas peuvent être qualifiés d’instruments de planification souples. Cette affirmation s’appuie sur le faible niveau de contrainte conféré aux schémas (1), mais cette souplesse doit être relativisée au regard des dispositions instaurant une hiérarchie entre les instruments (2).
1 – Une adaptation du principe de légalité
- 342. Les rapports entre les instruments de planification se caractérisent en premier lieu par une adaptation du principe de légalité. Ce principe, selon lequel l’administration est soumise au droit, implique que les normes adoptées par les personnes publiques doivent respecter l’ensemble des règles de droit qui leur sont supérieures. Dans cette conception de la légalité, les rapports entre les différents textes sont des rapports de conformité, c’est-à-dire que l’acte inférieur ne doit pas être contraire à l’acte supérieur, il ne doit pas s’écarter des dispositions supérieures.
- 343. Les instruments de planification urbaine ne sont pas soumis entre eux à des rapports de conformité, le principe de légalité est adapté pour répondre à plusieurs exigences. Les documents d’urbanisme, sur lesquels nos développements s’appuieront, ont été transférés de la compétence de l’Etat à celle des collectivités, suite à l’acte I de la décentralisation. Mais pour autant, le domaine de l’aménagement du territoire et de l’utilisation des sols n’a pas échappé totalement à l’Etat. Ainsi à partir du début des années 1980, la compétence urbanisme a été partagée entre l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements. Les rapports entre les différents documents d’urbanisme doivent donc concilier plusieurs intérêts contraires. En effet, d’une part, les choix liés à l’utilisation des sols et leur orientation dépassent les frontières des collectivités et de leurs groupements. Il est impossible de nier que le domaine de l’urbanisme possède des enjeux nationaux. Les intérêts nationaux doivent donc être pris en compte dans l’établissement des documents locaux. D’autre part, chaque collectivité, en élaborant son propre document d’urbanisme, privilégiera l’intérêt local. Or cet intérêt local peut s’opposer, pas forcément de manière totalement frontale, mais partiellement, ou tout simplement dévier quelque peu des orientations nationales. Il en va de même au niveau inférieur, les choix établis par une région peuvent ne pas être exactement similaires à ceux d’une commune. Dans ces deux cas, des volontés s’opposent, qui doivent être conciliées. Il n’est pas possible d’imposer une conciliation trop stricte, notamment à l’égard des collectivités, au risque de nier l’existence de leur libre administration. La conformité n’était donc dans ce cas pas réellement envisageable.
- 344. La non soumission des documents d’urbanisme à une légalité classique a donné lieu à l’établissement de divers degrés de rapports entre eux. Sont consacrés les rapports de compatibilité et de prise en compte. Dans le premier cas, le document inférieur ne doit pas contenir de dispositions contraires à celles contenues dans le document supérieur ; dans le second cas, les dispositions du document inférieur ne doivent pas, sauf motif d’intérêt général, s’écarter des dispostions fondamentales du document supérieur. Ces deux modalités d’organisation des rapports entre ces documents permettent une relative souplesse entre eux.
- 345. Cette souplesse dans les relations entre les dispositions des différents documents d’urbanisme s’accompagne d’une souplesse dans leur mise en cohérence. En effet, lorsqu’un nouveau schéma est adopté ou un document existant est révisé ou modifié, les documents inférieurs doivent être mis en cohérence avec celui-ci. C’était par exemple le cas lorsque le schéma régional de cohérence écologique était adopté ou révisé : l’EPCI en charge d’un SCOT pouvait se voir contraindre d’engager une révision du schéma en vue de respecter l’obligation de prise en compte découlant de l’article L. 131-2 du code de l’urbanisme🏛. Néanmoins, pour éviter une paralysie de l’action publique et permettre aux auteurs du document de prendre connaissance des modifications réalisées et de celles engendrées, la loi a fixé des délais au cours desquels les instruments doivent être modifiés. Pour le SCOT, le délai laissé à l’EPCI pour mettre en cohérence le document est de 3 ans. Le législateur a choisi d’assouplir encore les conditions de mise en cohérence du SCOT, suite à l’adoption d’un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Si un SCOT est en vigueur lors de l’adoption de ce document, le délai de mise en conformité n’est pas fixe, cette dernière est reportée à la première révision du SCOT.
- 346. Les rapports entre les schémas, ainsi que les autres instruments de planification, sont caractérisés par une souplesse, que ce soit dans leurs rapports directs à l’occasion de l’élaboration, ou de la révision programmée d’un instrument. Cette souplesse s’étend aussi aux modifications qui peuvent être nécessaires suite à l’adoption de nouveaux instruments, ou leur révision programmée. L’affirmation d’une certaine souplesse est nécessaire à la bonne application des documents. En effet, celle-ci a pour objectif de limiter un mouvement de modification permanente, mais aussi de limiter le développement des recours contentieux à l’encontre des schémas.
- 347. Cette souplesse des rapports entre instruments doit cependant être relativisée, elle ne s’oppose pas à la création d’une hiérarchie entre ces instruments.
2 – Une adaptation inspirée du droit de l’urbanisme
- 348. « La compatibilité d'une opération ou d'une décision avec une orientation donnée suppose que cette dernière ne l'interdise pas, ou du moins qu'il n'y ait pas de contradiction entre elles (a) […] la notion juridique de prise en compte implique que la décision concernée ne méconnaisse pas les mesures du SDAGE sous peine d'encourir le reproche d'erreur manifeste d'appréciation par le juge administratif. » (b).
a) La compatibilité
- 349. La première notion organisant les rapports entre les instruments de planification est celle de compatibilité. Elle est définie classiquement comme impliquant qu’il n’existe « pas de contrariété entre normes supérieures et inférieures, et que cette dernière n’empêche pas la mise en œuvre de la norme supérieure ». En examinant cette définition, deux éléments caractérisent ce rapport : les deux instruments ne doivent pas être contraires, et la norme inférieure ne doit pas entraver l’application de la norme supérieure.
- 350. La compatibilité est le rapport liant les instruments de planification en matière d’urbanisme. Le PLU doit être compatible avec le SCOT. En conséquence, le PLU ne doit pas comporter de dispositions contraires à celles du SCOT, mais il ne doit pas non plus adopter des dispositions ou prendre des orientations qui empêcheraient le SCOT de produire ses effets. Ainsi, le rapport de compatibilité impose de confronter les instruments à deux niveaux, concret et abstrait. Dans un premier temps, les documents doivent être examinés in abstracto afin de confronter les dispositions. Puis dans un second temps, il s’agit d’examiner in concreto quels sont les effets de la mise en œuvre des dispositions de l’instrument inférieur sur l’application du document supérieur. Ce rapport en apparence souple implique un double rapport, à la fois dans la lettre de l’acte, mais aussi dans son application.
Au-delà de la définition théorique de la compatibilité, il apparaît que les juridictions ont pu avoir des interprétations variées de ce que le rapport de compatibilité implique dans les relations entre instruments de planification hiérarchisés. En effet, comme le relevait déjà Jean-Pierre Lebreton en 1991, les juges font varier l’intensité de la définition de compatibilité. Parfois, l’exigence de compatibilité confine à la conformité, alors que dans d’autres cas d’espèce, le juge transforme la compatibilité en possibilité pour le document inférieur d’entrer dans une forme de contradiction avec le document supérieur. Cette fluctuation trouve une explication dans l’évolution même des SCOT, ceux-ci ayant tendance à être de plus en plus précis. Le Conseil d’État a formalisé cette nécessité d’appréciation fine de la compatibilité, pouvant aller jusqu’à la quasi-contrariété :
« Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs ; que les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs ; que si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent ; que, pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier ; »
Le Conseil d’État a précisé ce qu’il entendait par compatibilité aussi bien du point de vue du document supérieur, que du document inférieur. Le Conseil d’État rappelle ainsi ce qui doit être utilisé dans le rapport de compatibilité du point de vue du document supérieur : les orientations et objectifs, ainsi que l’équilibre général du document. Du point du vue du document supérieur, la recherche de compatibilité doit être contextualisée. Une telle définition de la compatibilité permet au juge de palier les effets que peuvent avoir des SCOT trop précis sur la marge de manœuvre des auteurs des PLU. Il est également possible de voir dans la volonté de contextualiser le contrôle de compatibilité la prise en considération du périmètre de plus en plus large des SCOT. En effet, en couvrant des territoires de plus en plus étendus, ces documents trouvent à s’appliquer à des réalités territoriales et urbanistiques différentes. Il est alors nécessaire d’adapter, d’assouplir la compatibilité.
- 351. Le rapport de compatibilité entre les instruments de planification en matière d’urbanisme a subi un autre aménagement, pour devenir une compatibilité limitée. Dans l’hypothèse d’une compatibilité au sens strict, l’ensemble des instruments doivent être rendus compatibles. Par exemple, le PLU, aux termes de l’article L. 131-4 du code de l’urbanisme🏛, doit être compatible avec quatre documents, dont le SCOT. Lui-même doit être mis en compatibilité avec dix-huit documents énumérés à l’article L. 131-1 du code de l’urbanisme🏛. En l’absence d’aménagement de la règle de compatibilité, le PLU, instrument placé au plus bas dans la hiérarchie des normes de l’exemple, devrait être rendu compatible, à la fois avec les cinq documents mentionnés par le code de l’urbanisme, mais aussi avec l’ensemble des documents supérieurs à ceux-ci. Pour éviter la multiplication des obligations de mise en compatibilité, ce principe a été assoupli sous la forme de la compatibilité limitée.
- 352. Dans le cadre d’une compatibilité limitée, le rapport de cohérence aménagé implique que l’instrument inférieur ne doit être compatible qu’avec le document qui lui est directement et immédiatement supérieur. L’objectif de cet aménagement est de réduire les contraintes pesant sur les rédacteurs d’un document. Outre la simplification de la tâche des rédacteurs des instruments de planification, le principe de compatibilité limitée permet de diminuer les effets des recours contentieux. En effet, cette règle empêche la confrontation entre un instrument et l’instrument supérieur à celui qui lui est directement supérieur. Ainsi, les dispositions contenues dans une carte communale ne peuvent pas être directement confrontées aux dispositions d’un SCOT. Néanmoins, cette règle souffre d’une première exception comme en témoigne par exemple la décision du Conseil d’État du 21 mai 2008 : « les prescriptions fixées par le schéma directeur de la région d'Ile-de-France ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre du plan d'occupation des sols de la commune d'Attainville qu'en l'absence de schéma directeur mettant en œuvre ces prescriptions ». Ainsi, le juge ne se limite pas à la hiérarchie théorique, il a pris en compte les déficits d’adoption des documents de planification urbaine, adaptant le contrôle à la réalité territoriale.
- 353. La règle de compatibilité limitée a également été précisée par le gouvernement à l’occasion de la saisine du Conseil constitutionnel par les députés en vue de l’examen des dispositions après l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.
« La règle de compatibilité avec la seule norme de niveau immédiatement supérieur ne vaut que dans la mesure où cette norme traite des matières régies par la norme située au-dessus d’elle. Ainsi, si une directive territoriale d’aménagement laisse en dehors de son champ d’application une partie des matières traitées par une loi d’aménagement et d’urbanisme, celle-ci reste directement applicable pour le solde aux schémas directeurs et aux schémas de secteur ».
Les rapports entre le SCOT et les instruments qui lui sont supérieurs sont donc limités tout d’abord dans la mesure où seuls les documents directement et réellement supérieurs peuvent lui être confrontés, et où cette confrontation ne peut avoir lieu que dans la mesure où le document de référence réglemente dans le même domaine que le SCOT.
- 354. Le premier rapport entre les instruments de planification est la compatibilité. Ce rapport en apparence assez contraignant bénéficie de plusieurs aménagements. Il demeure néanmoins plus rigide que le rapport de prise en compte.
b) La prise en compte
- 355. Le second rapport entre les instruments de planification orchestré par le législateur est le rapport de prise en compte. La notion de prise en compte est plus souple que celle de compatibilité. Celle-ci a été précisée, dans une circulaire portant sur l’approbation du SDAGE, comme impliquant que la décision ne soit pas manifestement en contradiction avec l’acte qu’elle doit prendre en compte.
- 356. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser la portée de la prise en compte dans une décision du 28 juillet 2004, Association de défense de l’environnement et autres. Les requérants contestaient la légalité du décret du 4 mars 2003🏛 déclarant d’utilité publique les travaux d’aménagement d’une route nationale. A l’appui de leur demande, les requérants invoquaient la contrariété entre cette déclaration d’utilité publique et le schéma d’aménagement et de gestion des eaux de bassin Artois-Picardie. En effet, celui-ci préconisait que les grandes infrastructures de transport évitent la traversée des champs captants, afin de limiter les pollutions qui résultent de ces aménagements. Or, le tracé de la route nationale traverse des champs captant. En conséquence, la déclaration d’utilité publique contredisait les dispositions du schéma, alors qu’elle devait les prendre en compte.
- 357. Le juge administratif a ainsi précisé que : « les décisions administratives prises au titre de législations distinctes de celle de l’eau ne doivent pas, en principe, s’écarter des orientations fondamentales du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l’intérêt de l’opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie ». La prise en compte, au regard de l’interprétation qu’en donne le Conseil d’État, n’interdit pas que le document soumis à cette obligation puisse s’écarter des prescriptions de l’instrument à prendre en compte, voire les contredire. Le juge devra alors examiner si la contrariété entre les documents se justifie.
- 358. Ce mécanisme a été exposé plus en détail par Mattias GUYOMAR, dans ses conclusions relatives à cette affaire.
« La nécessité de prise en compte nous paraît traduire un degré d’exigence moindre que celui qu’implique un rapport de compatibilité. Que signifie-t-il concrètement ? A tout le moins, la prise en considération des orientations générales du schéma et la recherche, autant que faire se peut, d’une conciliation entre les dispositions d’un schéma et celles de la décision administrative. Nous ne croyons toutefois pas que l’exigence posée par le dernier alinéa de l’article L. 212-1 du Code de l’environnement🏛 aille jusqu’à imposer, dans tous les cas, l’absence de contrariété. Il va de soi qu’en principe, les décisions administratives ne doivent pas s’écarter des orientations fondamentales du SDAGE. Mais en recourant aux termes de ‘prise en compte’, le législateur a entendu, selon nous, ne pas exclure la possibilité d’une dérogation aux dispositions du schéma directeur. Certes, cette dérogation, soumise au contrôle du juge, ne peut être décidée que pour un motif tiré de l’intérêt de l’opération envisagée et dans la stricte mesure où ce motif le justifie ».
Les précisions apportées par la décision du Conseil d’Etat, ainsi que par les conclusions du rapporteur public, sont utiles à la compréhension des relations mises en œuvre dans le cadre de la prise en compte. Lors de l’élaboration d’un document, lorsque ce dernier doit « prendre en compte » un schéma, ses dispositions doivent normalement s’abstenir de s’écarter des grandes orientations du document supérieur. Toutefois, la contradiction entre les orientations contenues dans le schéma et le document inférieur peut être acceptée, ou du moins tolérée à certaines conditions. Cette possibilité de dérogation est strictement encadrée, dans la mesure où elle ne sera possible que si elle est justifiée. Cette exigence de justification nécessite, de la part du juge, un contrôle approfondi ; il devra vérifier que l’atteinte aux principes contenus dans le document supérieur est justifiée au regard des avantages que cette dérogation apporte. Le juge sera donc amené à effectuer un contrôle du bilan coût-avantage de la dérogation.
- 359. La notion de prise en compte crée un rapport plus souple entre les instruments de planification, et permet de ne pas entraver outre mesure la prise de décision. En effet, si on reprend l’exemple de la planification relative à l’eau et du SDAGE, le code de l’environnement avait créé une distinction entre les documents devant être compatibles avec le schéma et ceux devant simplement le prendre en compte. Cette distinction était fondée sur le domaine dans lequel s’inscrit le document. Les documents intervenant directement dans le domaine de l’eau devaient et doivent toujours être compatibles ou rendus compatibles avec le schéma, alors que les autres décisions administratives devaient prendre en compte le schéma. La prise en compte permet un assouplissement des liens hiérarchiques entre les instruments de planification, tout en ne niant pas leur normativité.
B – Une normativité graduée
- 360. Les rapports entre le droit souple et le droit dur, mais aussi entre les instruments de planification entre eux, ne peuvent pas être qualifiés d’uniformes, la jurisprudence a mis en lumière différents rapports (1), mais ceux-ci sont moins simples qu’ils peuvent le paraître (2).
1 – Les caractéristiques d’un élément induisant un rapport de compatibilité
- 361. L’utilisation des rapports de compatibilité et de prise en compte a un objet précis : ne pas imposer dans un contexte où les documents de planification d’urbanisme et plus largement d’aménagement du territoire sont nombreux et émanent de divers institutions, des contraintes trop importantes. La définition de ces rapports qui aménagent le principe de légalité a été peu à peu établie par les juridictions, qui se sont interrogées dès les années 1970 sur les rapports entre les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme et les autres documents d’urbanisme. Dans les domaines de l’urbanisme, ces rapports sont bien définis et bien établis. Néanmoins, si les autres instruments de planification empruntent le même lexique que les documents d’urbanisme, à savoir « doit être compatible » ou « doit être mis en compatibilité », il convient de s’interroger sur la bonne utilistion de ces expressions. En d’autres termes, les schémas peuvent-ils induire un rapport de compatibilité ? Il faut, pour le savoir, s’interroger sur les origines de la compatibilité, les premières utilisations de ce terme, et les besoins auxquels il répond.
- 362. L’obligation de compatibilité, si elle a bénéficié d’une consécration et d’un perfectionnement de sa définition dans le domaine des documents d’urbanisme, est un élément classique du droit admnistratif, et plus particulièrement du contentieux. En 1957, Charles Eisenmann, en s’interrogeant sur l’appréhension du principe de légalité en droit administratif, définissait ainsi le principe de légalité, « ‘L’Administration doit agir légalement’ implique au minimum qu’elle ne doit tenir que des conduites compatibles avec le système des règles législatives c’est-à-dire qui ne méconnaissent, ne contredisent, ne heurtent ou n’enfreignent aucune disposition de la loi ». Le rapport de compatibilité serait alors défini comme l’acception minimale du principe de légalité, par opposition à sa conception étroite qu’est la conformité, « le principe de compatibilité ou non contrariété, nous l’avons dit, est une exigence infiniment plus modeste que le principe de conformité ». Mais alors se pose la question de l’application de la conformité et de la compatibilité. Le contentieux des documents d’urbanisme a permis, à partir des années 1970, de déterminer les cas dans lesquels le rapport de compatibilité devait être préféré à la conformité. William Coulet estime que les dispositions source de compatibilité doivent revêtir deux caractères, être acquises et limitées.
Tout d’abord, le caractère acquis de ces dispositions implique lui-même deux éléments : les dispositions doivent être suffisamment précises, la précision doit être interprétée comme la certitude de la dispostion ; elles ne doivent pas être remises en cause, cette deuxième condition ne s’applique que dans le cas où le document a été mis en révision. La révision doit être suffisamment avancée pour que l’adoption des dispositions avec lesquelles un document inférieur doit être compatible soit quasi-certaine. Puis, le document doit avoir un caractère limité, c'est-à-dire que l’ensemble du document n’appelle pas ce besoin de compatibilité. Les documents soumis à cette obligation ne présentent pas un caractère uniforme : l’ensemble des éléments qu’ils contiennent n’ont pas la même portée, tous ne seront donc pas source de compatibilité. Le champ d’application du document est donc limité quant à la portée de son contenu. Le caractère limité s’applique également au champ d’application dans l’espace du document. Il n’est en effet pas possible d’exiger un rapport de compatibilité, et même au-delà, un quelconque rapport juridique, entre des documents n’ayant pas la même assise géographique.
Se pose alors la question de la nature juridique que doivent revêtir ces dispositions. Cette question trouve une réponse rapide selon William Coulet, « La compatibilité implique la comparaison d’éléments à respecter ou subordonnés, qui présentent des natures juridiques très diverses. […] Cette variété ne comporte en elle-même aucune conséquence dans la mesure où les éléments considérés ont tous valeur juridique permettant de contrôler la compatibilité dans le cadre du recours pour excès de pouvoir ». Il semble donc que, selon William Coulet, la nature juridique n’ait pas d’impact : seule la question de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir importe. Ainsi, pour mettre en œuvre un rapport de compatibilité, il est nécessaire que le schéma soit un acte faisant grief, ayant des dispositions acquises et limitées.
- 363. Les schémas répondent à ces conditions ; ceux-ci présentent un caractère acquis à partir du moment de leur adoption, et il est aussi possible de considérer que le document tel que soumis à l’enquête publique présente des orientations certaines qui peuvent être utilisées par les auteurs des documents qui doivent leur être compatibles. Le caractère limité est lui aussi présent dans le cadre des schémas. L’ensemble des dispositions contenues dans les documents de planification ne revêtent pas la même portée, certaines relèvent de la description, alors que d’autres relèvent de la prescription. La limitation de l’application du schéma dans l’espace est aussi une de ses caractéristiques. Les schémas adoptés obligatoirement par les collectivités territoriales recouvrent certes l’ensemble du territoire en théorie. En pratique, certaines zones des collectivités ne sont pas forcément concernées par les prescriptions, dans ce cas, le schéma est limité dans ses effets territorialement. Au regard de ces éléments, il paraît logique d’attribuer aux schémas un caractère acquis nécessaire pour que ceux-ci deviennent des documents source de compatibilité. La valeur juridique peut soulever plus d’interrogations : la juridicité des instruments de droit souple que sont les schémas n’est pas absolue, la jurisprudence étant encore en construction.
- 364. Les schémas présentent les caractéristiques des documents qui induisent un rapport de compatibilité, tels qu’ils ont été définis initialement au regard de la planification du droit de l’urbanisme. L’instauration de ce rapport s’accorde avec la nature même de ces schémas, le droit souple.
2 – Une compatibilité révélant la nature souple du schéma
- 365. Les instruments de planification emportent un certain niveau de contrainte, sans être de simples recommandations, ils ne relèvent pas non plus de la catégorie du droit dur, ils relèvent d’une forme de droit souple. Or, cette catégorie, mise en lumière par le Conseil d’État en 2013, n’est pas elle-même uniforme, et ainsi, il existe différents niveaux de souplesse, qui vont de l’absence de création d’obligation au quasi droit dur. Il semble que par certains aspects, notamment liés aux rapports entre les schémas et les documents inférieurs, les schémas appartiennent à la catégorie intermédiaire du droit souple : ils sont créateurs d’obligations mais n’entraînent pas une obligation de conformité à l’égard de leurs orientations.
- 366. Le rapport de compatibilité a été utilisé par le juge administratif et par la doctrine pour permettre la réalisation d’un contrôle lorsque l’élément de référence, dans notre cas le schéma, ne présente par un degré suffisant de précision, mais dispose des caractéristiques précédemment exposées. Il permet alors d’assouplir les rapports de légalité entre des instruments voisins, entre lesquels il existe un rapport qui peut être qualifié de hiérarchique, mais dont la nature empêche l’application de la conformité. Ce sont les mêmes arguments qui justifient l’application de ce rapport en droit de l’urbanisme.
Deux éléments viennent corroborer cette idée, tout d’abord, le rapport entre les normes résulte de la substance même du document ; puis, et c’est cet élément qui est à la fois le plus fluctuant, mais aussi le plus utile, la volonté du législateur.
- 367. Jean-Pierre LEBRETON utilise, pour justifier l’utilisation du principe de compatibilité en droit de l’urbanisme, l’argument de la substance même du document. Pour l’auteur, « l’opposabilité découle du principe hiérarchique qui commande les relations entre les diverses strates du principe normatif. La norme supérieure s'impose à l'inférieure de telle sorte que la seconde doit être subsumée sous la première, c'est-à-dire entrer dans le champ de ses prévisions ». L’opposabilité demeure invariable, elle est l’incarnation du principe de légalité. Le principe de légalité n’implique pas, pour autant, l’existence d’une seule modalité de contrôle du respect de cette hiérarchie. L’intensité du contrôle est dépendante de la substance du document. Lorsque celui-ci intime un ordre, une marche à suivre qui ne ménage pas de marge de manœuvre, le rapport de légalité entre les documents supérieur et inférieur est alors étroit. Le document inférieur devra être conforme au document supérieur.
Dès lors que le document supérieur laisse une marge de manœuvre, ouvre une latitude au profit de l’auteur du document inférieur, le contrôle ne peut plus être celui de la conformité, et doit s’adapter à la substance de celui-ci. S’instaure alors un nouveau contrôle, le contrôle de compatibilité, au cours duquel le juge va s’attacher à déterminer quelles sont les orientations fondamentales du document qui devront être confrontées avec le document inférieur. Cette marche à suivre apparaît au sein des articles relatifs au SRADDET :
« Les décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets et, notamment, les décisions prises en application du titre Ier du présent livre et les délibérations d'approbation des plans et des programmes prévus à la présente sous-section sont compatibles : […] 2° Avec les objectifs et règles générales du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. ».
Il conviendra alors pour les auteurs des documents concernés, dans un premier temps, puis, en cas de contentieux, pour le juge administratif, de déterminer quelles sont les orientations fondamentales qui ont un impact sur le document inférieur.
- 368. L’argument de la substance du document est directement lié aux choix exprimés par le législateur. En effet, il n’est possible de mettre en œuvre le contrôle de compatibilité, ou bien la notion de prise en compte, qui a elle aussi migré du droit de l’urbanisme vers le droit de la planification, que dans la mesure où le législateur la mentionne. Ainsi, les rapports entre les instruments de planification sont soumis au bon vouloir du législateur, et sont donc assujettis aux modifications législatives fréquentes. Le législateur fait des aller-retour entre les différentes modalités d’articulation entre les instruments de planification. C’est par exemple le cas pour les schémas régionaux : le SRCE, créé en 2008 par la loi Grenelle 1, puis intégré par la loi NOTRe au SRADDET, n’induisait initialement que des rapports de prise en compte avec les documents inférieurs d’aménagement du territoire et de gestion des sols. Or, après son intégration au SRADDET, il se pourrait que ces rapports évoluent ; en effet, le législateur impose que les documents inférieurs soient compatibles avec le règlement du schéma et ses orientations fondamentales. Or l’instauration des trames vertes et bleues et les mesures liées à leur préservation, si elles sont interprétées comme appartenant aux orientations fondamentales, bénéficieraient du rapport de compatibilité, et plus, comme précédemment, du rapport de prise en compte. Du point de vue des auteurs des documents inférieurs, cela implique une contrainte plus importante.
- 369. Néanmoins, une interrogation demeure, dans le cas où le législateur n’a pas mentionné quel seront les rapports entre le schéma et les documents qui pourraient en découler, ou du moins intervenir dans le même périmètre : le schéma se retrouve-t-il sans valeur juridique ?
Il semble que, dans un premier temps, les juges aient considéré que la valeur juridique du schéma pouvait être négligeable, nous nous attacherons ici plus particulièrement au contentieux du SDCI, cette interprétation s’opposait alors à la contestation directe de ces documents devant le juge de l’excès de pouvoir. Il leur était tout de même reconnu une forme de normativité, en ce qu’ils permettaient, selon certaines juridictions, d’appuyer un recours par voie d’exception. Les magistrats s’accordaient pour affirmer que ces documents ne faisaient pas grief . Or, ces interprétations ne résultaient que de décisions issues de tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel, le Conseil d’État n’ayant pas était saisi dans un premier temps. Puis, par une décision en date du 21 octobre 2016, le Conseil d’État reconnaît la justiciabilité du SDCI. Ce changement de point de vue s’est fait en suivant les conclusions du rapporteur public. Ce dernier a notamment appuyé son analyse sur les termes choisis par le législateur. S’il n’est pas possible, comme pour d’autres schémas de se référer à un article de code listant la liste des documents qui doivent prendre en compte ou être rendus compatibles avec le SDCI, il existe quelques minces indices au sein du CGCT. En effet, l’article L. 5211-41-3 du CGCT dispose que la fusion d’EPCI peut inclure des communes extérieures aux EPCI concernés dans un objectif de cohérence, « dans le respect » du SDCI ; l’article L. 5111-6 du CGCT impose, en cas de création d’un syndicat de communes, que celle-ci soit « compatible » avec le SDCI. Il semblerait alors que le législateur ait disséminé les indices concernant la valeur juridique du SDCI, à moins que ces éléments de langage aient échappé à sa vigilance.
- 370. Il semble que les schémas soient appelés à suivre, dans le cadre de leur évolution, le chemin tracé par les instruments de planification du droit de l’urbanisme. Les choix à la fois du législateur et du juge, tendent à rapprocher le contenu de ces documents, par leur substance même : les instruments de planification présentent des objectifs, mais laissent nécesairement une marge de manœuvre importante à ses destinataires. Ces objectifs ont un caractère acquis par leur adoption définitive, et limité dans la mesure où l’ensemble des dispositions n’est pas contraignante. Par exemple, le SDCI présente des possibles regroupements intercommunaux. Les regroupements qu’ils proposent sont acquis au jour de son adoption, mais limités : toutes les dispositions qu’il contient ne sont pas contraignantes – sont exclues par exemple les dispositions relatives à l’état de l’intercommunalité – et celles-ci ne s’appliquent que sur le territoire d’un seul département. Les dispositions du SDCI ne sont pour autant pas absolues : le préfet peut choisir de ne pas suivre les orientations adoptées au sein du schéma, mais il devra consulter la Commission départementale de la coopération intercomunale pour y déroger. Les rapports de légalités induits ne peuvent donc pas relever de la conformité. Il en est de même concernant le schéma départemental d’accueil des gens du voyage : les implantations d’aire d’accueil sont géographiquement réparties en fonction des nécessités dictées par les flux de population, mais elles ne sont pas absolues. Les aires peuvent être construites sur le territoire d’une autre commune membre du même EPCI, lorsque celui-ci a acquis la compétence construction et gestion des aires d’accueil. Il demeure néanmoins une différence entre les documents d’urbanisme et une partie des autres instruments de planification locale : l’architecture de la planification des sols est plus aboutie et plus intégrée que celles des autres documents. Une telle intégration n’est pas encore réalisée pour les domaines tels que l’aménagement du territoire, même si le SRADDET tend vers celle-ci, en s’imposant aux documents d’urbanisme. En revanche, dans le domaine de la planification intercommunale, il semble très peu probable qu’un autre instrument de planification puisse voir le jour, l’échelon départemental étant le plus adapté pour cette activité.
- 371. Conclusion de chapitre
L’originalité des schémas réside dans deux éléments : leur emprunt aux deux catégories d’actes, acte administratif unilatéral et contrat, et la souplesse de ces instruments. Ces deux caractéristiques contribuent à faire du schéma une norme juridique indéfinie. Cette indéfinition doit néanmoins être relativisée : si les schémas possèdent des similitudes avec l’acte contractuel, ils demeurent des actes administratifs unilatéraux, et doivent être soumis à leur régime juridique quant à leur mise en œuvre. Mais ce rattachement est atténué. Cette atténuation se manifeste de manière très prégnante dans les rapports entre les schémas, ils ne doivent pas perdre en efficacité et en efficience du fait d’une application trop stricte du principe de légalité. Les notions de prise en compte et de mise en compatibilité, initialement issues du droit de l’urbanisme, ont été étendues à l’aménagement du territoire, dans les rapports entre les différents schémas. Cette extension présente plusieurs avantages. Elle permet de maintenir le caractère indicatif de la planification française, en ne faisant pas des objectifs fixés par les instruments de planification des obligations ; elle permet aussi de ne pas paralyser l’action publique, en obligeant les collectivités à réformer constamment des instruments, alors que par définition, ceux-ci, pour avoir une action efficace, doivent avoir une certaine permanence.
Les schémas sont des actes juridiques difficilement identifiables, qui sont apparentés à l’acte administratif unilatéral, mais dont le régime juridique a été assoupli.
Chapitre 2 – Des instruments de planification prospectifs
- 372. Le contenu d’un document est qualifié de prospectif lorsqu’il établit, à partir d’une collecte préalable d’informations, des prescriptions, des orientations sur les perspectives d’évolution du domaine étudié, ainsi que les comportement à adopter pour atteindre, dans un temps déterminé, un but. Les dispositions contenues dans un document prospectif sont de deux ordres, à la fois certaines, lorsqu’il s’agit d’établir l’état des lieux, et probables, lorsqu’il s’agit de déterminer les orientations à apporter au domaine concerné. L’idée de document prospectif, en ce qu’il s’inscrit dans les évolutions d’un domaine pour le futur, ne peut demeurer figé. En effet, pour que le document ne perde pas de son intérêt, il doit pouvoir évoluer. La partie certaine, pour conserver ce caractère, est la première à devoir évoluer, pour intégrer de nouvelles données, ces nouvelles données feront à leur tour évoluer la partie probable.
Les schémas en tant que documents de planification semblent, au regard de cette définition succincte, pouvoir être qualifiés de documents ayant un contenu prospectif. Ils présentent un caractère réalisable (Section 1), et nécessitent, pour conserver ce caractère, une adaptation (Section 2).
Section 1 – Le caractère réalisable de la planification
- 373. L’instauration du schéma en tant qu’instrument de planification nécessite que les orientations incluses dans ces documents soient crédibles, qu’elles soient réalisables. Le réalisme dans les prescriptions des documents de planification présente plusieurs intérêts. Il permet tout d’abord de fixer des objectifs qui soient atteignables. Il permet aussi, et ce second intérêt n’est pas dissociable du premier, de susciter une adhésion aussi bien des personnes concernées par sa procédure d’élaboration, que des personnes ayant en charge sa mise en œuvre. Dans les deux cas, le caractère réaliste a une influence sur la confiance et l’implication des acteurs de la planification. Ces éléments servent de moteur à la volonté de créer une planification réaliste.
La volonté d’établir des prescriptions réalistes se manifeste dans le contenu du document, qui comporte une double nature, il constate et oriente (§1). Ce caractère réaliste est particulièrement marqué au sein des schémas ayant pour objectif une rationalisation (§2).
§1 – Un instrument de constat et d’orientation
- 374. Le schéma comporte, en règle générale, deux volets. Au sein du premier volet, les auteurs dressent la liste des informations relatives aux structures ou éléments déjà existants. Il s’agit là du volet constat de ce document. Ce dernier n’apporte aucun nouvel élément, il se contente de réaliser un état des lieux, de lister les éléments existants. Intervient alors un second volet, au sein duquel sont consignées les prévisions et propositions, qui permettent d’atteindre les objectifs d’amélioration de l’existant.
Il arrive néanmoins que les schémas ne soient que des instruments de constat (A), alors que le recueil des éléments existants ne devrait être qu’un préalable à la planification (B).
A – Le constat, mission unique de certains schémas
- 375. Les schémas ne contenant à proprement parler qu’un constat sont assez rares au sein de cette vaste et hétérogène catégorie, dans la mesure où la notion même de planification implique des prévisions. Néanmoins, certains schémas ne comportent qu’un volet constat, sans comporter de propositions. Il s’agit du schéma d’assainissement collectif prévu par l’article L. 2224-8 du CGCT et du schéma de distribution d’eau prévu par l’article L. 2224-7-1 du CGCT.
Selon les termes du CGCT, « les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution » ; « les communes sont compétentes en matière d'assainissement des eaux usées. Dans ce cadre, elles établissent un schéma d'assainissement collectif comprenant, avant la fin de l'année 2013, un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées ». Les deux documents sont décrits de la même manière, avec un objet principal, la description des installations existantes. La rédaction des articles du code ne laisse pas de place à une quelconque planification : les schémas d’assainissement et de distribution d’eau semblent avoir pour unique objet d’établir un descriptif des installations existantes. L’absence d’orientation dans ces documents est corroborée par la lecture des alinéas suivants des articles du CGCT. En effet, les deux documents doivent être révisés annuellement pour prendre en compte les travaux effectués sur les réseaux.
- 376. Concernant le schéma de distribution d’eau potable, le caractère uniquement descriptif du document est clairement affirmé par la jurisprudence et par la doctrine. A l’occasion d’un commentaire de la loi du 30 décembre 2006🏛 sur l’eau et les milieux aquatiques, Éric et Yann Landot expliquent que « les communes ou leurs groupements doivent arrêter ‘un schéma de distribution d’eau potable’ par lequel le service détermine les zones desservies ou devant être desservies par le réseau de distribution d’eau potable. Ce schéma permet en réalité d’éviter qu’en rendant le service de distribution obligatoire du fait de la loi, le service soit astreint à une desserte de l’intégralité du territoire communal (ou de l’établissement public) ». Le document ne peut alors avoir qu’un caractère déclaratif. En effet, en ne faisant que constater les réseaux existants, et donc en ne couvrant pas systématiquement l’ensemble du territoire, le schéma ne revêt pas de caractère prescriptif, et ne peut être opposé à son auteur pour obtenir le raccordement d’une partie du territoire.
Cette interprétation ressort également d’un jugement rendu par le Tribunal administratif de Grenoble le 10 mars 2011. Les requérants reprochaient au schéma de distribution d’eau potable adopté par la commune de Saint-Christophe-sur-Giers de ne pas couvrir certaines parties du territoire de la collectivité. Or, ces parties du territoire, non présentes dans le document, étaient connectées au réseau de distribution d’eau. Le juge ne s’appuie pas directement sur cet élément, en effectuant un contrôle du bilan coûts-avantages entre les coûts liés à un réseau défaillant et celui des travaux nécessaires à la réhabilitation du réseau, pour conclure à l’illégalité de la délibération approuvant le schéma de distribution d’eau potable.
Comme le souligne Fortuné Ahoulouma, il aurait été possible, pour les juges, d’aboutir à la même solution en utilisant la nature même du schéma. Selon lui, « l’existence d’un réseau de distribution d’eau potable dans lesdits hameaux ne pouvant donc pas être contestée, il est de toute évidence logique que la commune devait intégrer les hameaux concernés dans le schéma de distribution d’eau ». Ainsi, la seule absence d’une partie du territoire au sein du schéma alors qu’il est inclu dans le réseau de distribution d’eau, devrait pouvoir permettre de conclure à l’illégalité du document. Le caractère uniquement descriptif du schéma de distribution d’eau potable est résumé par cette affirmation.
Cette affirmation est renforcée par les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2224-7-1 du CGCT. En effet, ces deux paragraphes ne traitent pas directement du schéma, mais plus particulièrement de son utilité. Le descriptif des installations permet de surveiller la consommation d’eau, mais aussi le taux de perte du réseau, et, lorsque celui-ci s’avère trop élevé, d’intervenir au travers d’un plan d’action. L’intégration des travaux permet par la suite de poursuivre l’évolution du taux de perte du réseau.
- 377. Si, concernant le schéma de distribution d’eau potable, l’absence de dispositions planificatrices semble avérée, il n’en est pas de même en pratique concernant le schéma d’assainissement collectif. Au regard des dispositions du CGCT, les deux instruments semblent avoir le même contenu et le même rôle, le premier concernant la distribution d’eau, le second l’assainissement. L’étude des différents contentieux consécutifs à l’adoption d’un schéma d’assainissement collectif révèle un élargissement de la conception littérale du schéma.
Les juridictions administratives ont eu l’occasion à plusieurs reprises de se prononcer sur le caractère des schémas d’assainissement de l’article L. 2224-8 du CGCT, et notamment la question de leur appartenance à la catégorie des « documents d’urbanisme ». Afin de répondre à cette question, le juge analyse le contenu du schéma. Or, il semble intégrer au schéma les zonages prévus par l’article L. 2224-10 du CGCT qui ont pour objet de déterminer « les zones d’assainissement collectif […] les zones relevant de l’assainissement non collectif […] les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation […] les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement. ». En assimilant le zonage de l’article L. 2224-10 et le schéma d’assainissement, le juge administratif contribue à un changement de la nature de celui-ci. En effet, il passe d’un simple document de constat à un véritable instrument de planification. Cette assimilation est affirmée dans une décision du Conseil d’État :
« Il ressort du rapprochement de ces dispositions que le zonage prévu par le 1° et le 2° de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales🏛 a principalement pour objet, dans un but de salubrité publique, de déterminer, d'une part, les zones de la commune dans lesquelles l'assainissement sera collectif, ce qui entraîne l'obligation pour celle-ci d'assurer la collecte puis le traitement des eaux usées, ainsi que de s'acquitter des dépenses correspondantes qui, en vertu de l'article L. 2224-8 du même code, ont un caractère obligatoire, et, d'autre part, les zones dans lesquelles la commune est seulement tenue de contrôler et, si elle le décide, d'entretenir les dispositifs d'assainissement individuels. L'acte qui procède à la mise en œuvre de ces dispositions relatives à l'assainissement, qui a un caractère réglementaire, est au nombre des règles dont les autorités compétentes pour délivrer les autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol doivent s'assurer du respect. ».
Ainsi, la délimitation des zones implique que l’auteur du document établisse, pour son territoire, des prévisions en vue de travaux de raccordement futurs. Le schéma d’assainissement ne serait alors plus un simple instrument de constat, mais pourrait devenir un véritable instrument de planification.
- 378. Les schémas ne contenant que des éléments de constat peuvent difficilement être qualifiés de documents de planification, alors même que cette première étape est absolument nécessaire à l’élaboration d’un document de planification.
B – Le constat, préalable indispensable à l’élaboration d’objectifs
- 379. Le constat s’avère nécessaire au regard tout d’abord du principe de prévention (1), mais aussi afin d’établir des prévisions crédibles (2).
1 – Un diagnostic nécessaire au nom du principe de prévention
- 380. L’établissement d’un recensement des éléments existant préalablement à la détermination des objectifs contenus dans les instruments de planification est issu du principe de prévention. La prévention, après avoir été consacrée législativement, est constitutionnalisée en 2005 à l’article 3 de la Charte de l’environnement. Initialement, la prévention était désignée sous la formule du « principe d’action préventive ». Le texte constitutionnel ne reprend pas exactement la même formule : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Depuis 2005, la prévention est devenu un devoir, et non un principe, comme précédemment.
Ce devoir implique que toute personne, et en particulier les personnes publiques, doivent évaluer les risques, et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour qu’ils ne se réalisent pas ou, tout au moins que leurs effets soient le plus limités possibles. La prévention induit donc l’obligation de connaissance des caractéristiques environnementales du territoire concerné par le projet. Cette connaissance étant absolument nécessaire à l’évaluation des risques, ainsi qu’à leur prévention. C’est ce que relève Marianne Molinier-Dubost à propos du volet prévention des plans de prévention et de gestion des déchets, « la prévention correspond à toute mesure prise avant qu’une substance, une matière ou un produit ne devienne un déchet ».
- 381. Le devoir de prévention, inscrit dans la Charte de l’environnement, est initialement une notion appliquée aux projets ayant des impacts sur le droit de l’environnement. Elle est à l’origine de la généralisation des études et notices d’impact. Il s’agit alors de mettre en œuvre la même logique pour élaborer les objectifs contenus dans les instruments de planification. En effet, le devoir de prévention implique une évaluation préalable, « gage de transparence, qui est un gage de ‘bonne gouvernance’ ». Or, la même logique préside à l’obligation d’établir un constat préalable à l’établissement des objectifs contenus dans les instruments de planification. L’état du domaine dans lequel la collectivité publique souhaite établir un schéma doit être connu de celle-ci afin qu’elle puisse prévenir les atteintes qui pourraient être portées à ces éléments existants.
- 382. L’établissement d’un diagnostic préalable, s’il est sous-tendu par le devoir de prévention consacré à l’article 3 de la Charte de l’environnement, est rendu nécessaire afin de réaliser une planification crédible.
2 – Un diagnostic nécessaire à l’établissement de prévisions crédibles
- 383. Le diagnostic préalable à l’établissement des documents de planification est une absolue nécessité au regard de la finalité de ces instruments. Elle s’impose au regard de la nature même des schémas : l’objet de ces documents est d’établir une prévision, à moyen ou long terme, dans un domaine donné. Or, pour aboutir à des objectifs crédibles, la connaissance des éléments préexistants est cruciale.
- 384. Le recensement des informations nécessaires à l’établissement de prévisions et d’objectifs cohérents est mis en avant par les textes législatifs eux-mêmes. Concernant le SCOT, le code de l’urbanisme dispose que « le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables et le document d'orientation et d'objectifs en s'appuyant sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques, notamment au regard du vieillissement de la population et des besoins répertoriés en matière de développement économique, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'agriculture, de préservation du potentiel agronomique, d'équilibre social de l'habitat, de transports, d'équipements et de services ».
Cette exigence se retrouve à l’article L. 5210-1-1 du CGCT :
« dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. »
L’accent est mis sur la réalisation d’un diagnostic préalable à l’élaboration des objectifs de la recomposition territoriale issue du SDCI. Cette volonté est confirmée par les termes employés dans la première circulaire relative à l’élaboration de ces documents. Au sein de cette instruction à destination des préfets, il est exposé aux préfets la marche à suivre pour l’élaboration des SDCI issus de la loi du 16 décembre 2010🏛. La circulaire détaille une « méthode de travail technique » qui indique les éléments préparatoires à l’élaboration du schéma, et notamment le recueil des informations sur la composition du territoire, sur les compétences des EPCI existants, sur les périmètres existants. Cette partie de l’instruction s’achève sur une consigne : « J’appelle votre attention sur le fait que cette analyse préalable est obligatoire et qu’elle doit être explicitement présentée ».
- 385. Ces deux exemples attestent de l’importance du diagnostic préalable à l’édiction des axes du schéma. Il serait possible de multiplier les exemples, tant l’obligation de réaliser un état des lieux de l’existant est importante. Il rappelle la dualité du schéma, et plus largement de l’ensemble des instruments de planification. En effet, ces derniers ont nécessairement besoin de comprendre un volet que l’on peut qualifier de descriptif ou d’antécédents, et qui a pour objet de constituer le socle du document, les fondations des objectifs contenus dans la seconde partie du schéma. Le schéma réalise un lien entre le passé et le futur. C’est un instrument qui, en s’appuyant sur les éléments existants et passés, tente de prévoir le développement pour l’avenir à proche ou moyen terme, d’une matière ou d’un domaine donné.
- 386. Le schéma comporte, de manière systématique, des éléments permettant d’établir quel est l’état du domaine concerné par la planification, puis, dans les versions révisées des documents, quelles sont les prévisions et propositions qui ont été réalisées. Ces éléments sont nécessaires à la planification, à sa crédibilié. Ces traits se retrouvent plus prégnants encore dans le cadre des instruments de planification ayant pour objet la rationalisation de l’espace et des coûts.
§2 – Un instrument de rationalisation de l’espace et des coûts
- 387. Lorsque les schémas sont utilisés dans une optique de rationalisation, c’est-à-dire dans un objectif de diminution des coûts pour une meilleure efficacité de l’action concernée, celle-ci présente un caractère indicatif (A), ce qui nuit quel que peu à son efficience (B).
A – Une rationalisation indicative
- 388. Le caratère indicatif de la planification est expliqué par la nature de la planification en France (1), il nécessite tout de même une mise en œuvre pour produire des effets (2).
1 – Un caractère indicatif lié à la nature de la planification française
- 389. Les instruments de planification français se caractérisent par leur souplesse, ainsi que par leur caractère indicatif.
- 390. Le premier élément accréditant le caractère indicatif des schémas réside dans les termes désignant le contenu de ces instruments. Ceux-ci contiennent des objectifs, des orientations. Or, un objectif s’attache au but à atteindre, sans imposer la conduite qui doit être tenue pour l’atteindre ; quant aux orientations, elles ne font qu’établir une ligne directrice, sans forcément définir un but précis, ni les moyens d’atteindre son but.
La volonté de rationaliser le territoire, en utilisant un instrument indicatif, est très prégnante dans le cas du SDCI. Dans la loi du 16 décembre 2010🏛 de réforme des collectivités territoriales, ce schéma a été désigné comme l’instrument permettant de réaliser l’objectif de rationalisation des périmètres de l’intercommunalité. Après l’adoption par les préfets des SDCI, des membres du Parlement ont fait part, par le biais de questions écrites, de leurs interrogations quant à la possibilité de contester devant le juge administratif ces documents. Dans l’une des réponses, publiée le 30 octobre 2012, le Ministre de l’Intérieur a affirmé que le SDCI ne pouvait, selon lui, être susceptible de recours. Il développe à l’appui de cette réponse plusieurs arguments. Tout d’abord, le SDCI ne bénéficierait que d’une normativité limitée, dans la mesure où « le préfet doit prendre des arrêtés pour mettre en œuvre le SDCI dès lors qu’il a été adopté ». Il s’attache ensuite aux dispositions contenues dans la loi du 16 décembre. Deux éléments plaident en faveur de l’impossible contestation juridictionnelle du SDCI. Tout d’abord, le préfet n’est pas lié par le contenu du schéma, il lui est possible de s’en écarter ; de plus, les décisions qu’il prend, en matière de syndicat notamment, doivent seulement être compatibles avec le SDCI. Le ministre conclut sa réponse en faisant une référence à la catégorie des actes préparatoires. Ceux-ci peuvent être définis comme des actes « qui ont en commun de ne pas tendre à modifier l’ordre juridique, mais seulement de préparer la prise d’une décision ultérieure ».
La réponse apportée par le ministre de l’Intérieur était en accord avec les solutions apportée par les juridictions administratives du premier degré, ainsi que les décisions d’appel. Dans ses conclusions prononcées devant la Cour administrative d’appel de Nancy, Jean-Marc Favret effectuait le même examen du SDCI. Il déduisait des articles du CGCT son absence de normativité. Il s’attachait, tout comme le ministre l’avait fait, à l’obligation de compatibilité entre le schéma et la décision de création d’un syndicat. Si cette disposition « reconnaît une certaine intensité normative au SDCI […] cela signifie seulement qu’il constitue un document de référence pour apprécier la légalité d’un autre acte ». Le rapporteur public exposait ensuite les arguments relatifs à la nécessité de mettre en œuvre le schéma. Celle-ci est assurée par le préfet, et peut même intervenir en l’absence de schéma, ce qui confirmait l’absence de recours pour excès de pouvoir contre ce document, « l’adoption du schéma n’emporte en elle-même aucun effet sur les structures de coopération intercommunales ; elle permet seulement au préfet d’initier des procédures susceptibles d’aboutir à des décisions ultérieures affectant les EPCI et l’appartenance des communes ». Il terminait ses conclusions en proposant de confirmer la qualification apportée par les juges de première instance : le SDCI présentait les caractéristiques d’un acte préparatoire. La CAA de Nancy avait suivi le rapporteur, rejetant les conclusions de la communauté de communes, mais sans utiliser la mention « acte préparatoire », la cour préférant la qualification de « document d’orientation et de programme ».
- 391. Le Conseil d’État, saisi dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, avait eu, lui aussi l’occasion de se prononcer indirectement sur le caractère normatif du SDCI. Il était saisi d’une demande de transmission de deux QPC portant sur la conformité à la libre administration des collectivités territoriales du SDCI. À l’appui du refus de transmission, le CE a relevé que l’absence d’effet sur les collectivités territoriales ou leurs groupements faisait obstacle à ce que ces dispositions soient « regardées comme affectant la libre administration des collectivités territoriales ».
Dans un premier temps, les juridictions administratives du fond avaient bien relevé la nature indicative du SDCI, et plus largement des instruments de planification. Ce caractère indicatif semblait, au moment du rendu de ces décisions, nécessaire pour que ces documents ne se heurtent pas aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales, lorsque le schéma émane d’une autorité déconcentrée à destination des collectivités territoriales ; et de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre, lorsque le schéma est adopté par un niveau de collectivité ou un groupement de collectivités, et peut peser sur les autres niveaux de collectivité.
Cette position jurisprudentielle a prévalu concernant ce qu’il est possible de qualifier de « première vague » de recours : les recours dirigés directement contre le SDCI. Ces recours n’ont pas fait l’objet de pourvoi en cassation. En revanche, dans un second temps, des recours ont été intentés à l’encontre des actes mettant en œuvre les SDCI, en arguant entre autres arguments de l’illégalité du SDCI. Cette « deuxième vague » de recours a permis au Conseil d’État d’être saisi et de se prononcer sur la nature du schéma dans une décision du 21 octobre 2016. Le SDCI était contesté par voie d’exception pour la première fois devant le Conseil d’État par le biais d’un recours pour excès de pouvoir. Les requérants contestaient la légalité de deux arrêtés mettant en œuvre le SDCI, en évoquant à l’appui de leur recours l’illégalité supposée du SDCI. Le Conseil d’État doit donc préalablement à l’examen du moyen tiré de l’illégalité du SDCI, se prononcer sur la nature de l’acte. Ainsi, il qualifie le schéma d’acte non-réglementaire, rejetant la requête de la communauté de communes du Val-de-Drôme comme étant présentée trop tardivement pour que le moyen tiré de l’illégalité par voie d’exception du SDCI puisse être accueilli. La décision du Conseil d’État a permis de mettre fin aux hésitations jurisprudentielles relatives à la qualification du schéma, mais demeure quand même lacunaire. Le SDCI est un acte non-réglementaire : cette affirmation permet de rejeter la requête, et de ne pas se prononcer sur les dispositions contenues dans le document. La valeur d’acte non-réglementaire ouvre les recours directs contre les SDCI, ainsi que les recours par voie d’exception dans le délai contentieux, mais ce recours concerne-t-il tous les éléments du document ou seulement une partie de celui-ci ? Cette question ne pourra, en l’état actuel des SDCI, pas être définitivement tranchée.
- 392. Les schémas, en tant qu’instrument de rationalisation du territoire, ont un caractère indicatif, ce qui implique une mise en œuvre des principes contenus dans ceux-ci.
2 – Une rationalisation nécessitant une mise en œuvre
- 393. Le caractère indicatif des schémas ne doit pas entraver leur objectif de rationalisation. Afin d’atteindre ce but, sans pour autant mettre à mal la libre administration des collectivités territoriales, ou le principe de non-tutelle, les schémas indicatifs doivent être mis en œuvre.
- 394. La mise en œuvre des schémas nécessite une action spécifique de l’auteur du schéma ou de son destinataire. Dans le cadre du SDCI, la mise en œuvre des objectifs se fait au travers des arrêtés de périmètres pris par le préfet. Dans le cadre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, la mise en œuvre est à la charge des communes ou groupements de communes mentionnés au sein du schéma. La mise en œuvre de la rationalisation peut être réalisée de deux manières, soit par l’auteur lui-même, c’est le cas du SDCI, soit par des entités différentes de l’auteur de l’acte, c’est le cas du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
- 395. La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, en redéfinissant le rôle du SDCI, ainsi que celui des préfets dans l’achèvement de la carte intercommunale, a fait du représentant de l’État dans le département le personnage central de la rationalisation. Il préside à l’élaboration du SDCI, véritable socle de la rationalisation de l’intercommunalité. L’élaboration de ce document est concertée, elle convoque les avis des communes, des EPCI et de la CDCI. Néanmoins, l’auteur du schéma demeure le préfet. Il a aussi en charge la mise en œuvre des dispositions adoptées.
Si le schéma n’a pas été considéré comme faisant grief initialement, dans la mesure où il ne constituerait qu’un acte préparatoire, il demeure le premier acte de la rationalisation du périmètre, qui s’achève par les arrêtés de périmètre. Dans la décision Commune de Poligny, le Conseil d’État justifie la non transmission de la question prioritaire de constitutionnalité relative au SDCI par la nécessité de mise en œuvre des orientations du schéma : « il ne résulte pas de ces dispositions que la décision arrêtant le schéma de coopération intercommunale implique, par elle-même, la création, la modification ou la dissolution d'établissements intercommunaux, auxquels certaines communes seraient tenues d'adhérer, ni la définition des compétences obligatoirement transférées par les communes à ces établissements ». Les orientations discutées au cours de l’élaboration et inscrites dans le document de programmation prendront corps au sein d’arrêtés. Ces derniers incarnent la part juridiquement contestable de la rationalisation de la carte intercommunale. La mise en œuvre est donc nécessaire à l’aboutissement des orientations adoptées dans le SDCI.
- 396. Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage est un autre exemple d’instrument de planification nécessitant une mise en œuvre. Mais celle-ci s’avère souple. En effet, l’implantation des aires d’accueil des gens du voyage adoptée au sein des schémas n’est en aucun cas figée. Lorsque la compétence de gestion des aires d’accueil des gens du voyage a été déléguée par les communes à un EPCI à fiscalité propre, il appartient à cet établissement de déterminer, sur son territoire, l’emplacement le mieux approprié pour accueillir les installations nécessaires.
- 397. Cette question a été plusieurs fois tranchée par les juridictions administratives, saisies par des communes, non mentionnées au sein du schéma, mais membres d’un EPCI auquel la compétence a été déléguée, et qui se voyait imposer sur leur territoire la construction d’une aire. C’est ce qui a été choisi par la communauté de communes de Dinan : la commune de Dinan était inscrite au schéma en vue de l’implantation d’une aire d’accueil de 15 places. Le conseil communautaire, compétent en matière d’aménagement des aires d’accueil, a décidé de l’implantation non pas sur le territoire de la commune de Dinan, mais sur celui d’une commune limitrophe, Quévert, non inscrite au schéma. L’association « Bien-être » a formé un recours contre la décison d’implantation de l’aire, en argant notamment du non-respect des prescription du schéma. Le Conseil d’État a confirmé en 2013 que « toute commune sur le territoire de laquelle le schéma départemental d'accueil des gens du voyage a prévu la réalisation d'une aire permanente d'accueil doit participer à la mise en œuvre de ce schéma », mais précise qu’il n’est pas exclu que « cette participation soit prise en charge par un établissement public de coopération intercommunale ». La prise en charge de la compétence par un EPCI n’est pas sans condition, les juges vérifient deux éléments avant de valider la nouvelle implantation de l’aire. Il faut tout d’abord que la compétence ait été transférée par les communes à l’EPCI, et que la commune « soit incluse dans le secteur géographique d'implantation prévu par le schéma départemental ». Il est donc possible de déroger aux dispositions du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, sa mise en œuvre n’est pas stricte. En l’espèce, le Conseil d’État a cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes sur le fondement de l’erreur de droit – la CAA avait annulé les délibérations contestées au motif que la commune de Dinan et la commune de Quévert auraient dû, préalablement à la décision de la communauté de communes, signer une convention relative à l’implantation de l’aire – et a renvoyé l’affaire devant cette même juridiction. L’arrêt de renvoi a rejeté les demandes de l’association, estimant que le choix de l’implantation de l’aire d’accueil des gens du voyage respectait la zone géographique d’implantation. Le schéma d’accueil des gens du voyage laisse une certaine marge de manœuvre aux instances en charge de sa mise en œuvre, les dispositions géographiques sont donc indicatives.
- 398. Ces deux exemples illustrent parfaitement le caractère indicatif de la planification française, qui est une incarnation du droit souple, au sens du rapport du Conseil d’État. Dans son rapport pour 2013, le Conseil d’État relève l’un des traits important des schémas, ils ont « pour objet commun d’accroître la cohérence des politiques publiques, par la définition de stratégies et d’objectifs ». Pour le schéma d’accueil des gens du voyage, l’objectif est d’organiser l’implantation d’aire d’accueil aux endroits les mieux adaptés, permettant aux populations itinérantes d’avoir accès à des infrastructures de première nécessité, ainsi qu’aux écoles, sans occupation de terrains non dédiés. L’emplacement exact est laissé à l’appréciation des personnes publiques en charge de la mise en œuvre. En revanche, certaines dispositions ne laissent pas de marge de manœuvre, elles sont alors plus impératives qu’indicatives : le nombre de places ou encore la nature de l’aire à construire. L’appartenance des schémas à la catégorie du droit souple induit une obligation de mise en œuvre, à la fois de préciser la stratégie, mais aussi, face à la normativité limitée des schémas, afin de préciser les objectifs contenus en son sein.
- 399. Le schéma peut être un instrument de rationalisation, cette rationalisation semble imparfaite, elle ne serait pas assez contraignante pour pouvoir produire de réels effets.
B – Une rationalisation imparfaite
- 400. La rationalisation, contenue au sein de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 et poursuivie par les lois du 27 janvier 2014🏛 et du 7 août 2015, ne s’attache pas uniquement à la redéfinition des périmètres des intercommunalités, elle étend cet objectif aux coûts liés aux services publics, ainsi qu’aux financements croisés. Dans ce cas, la mutualisation est planifiée par le biais d’un schéma. Néanmoins, cette rationalisation des coûts juridiquement encadrée (1) se révèle délicate à mettre en œuvre (2).
1 – Une rationalisation des coûts juridiquement encadrée
- 401. La rationalisation des coûts par le biais de la mutualisation entre EPCI et communes soulève des interrogations du point de vue du droit de l’Union européenne, et plus particulièrement des règles relatives au droit de la commande publique.
- 402. Par un avis motivé en date du 27 juin 2007, la Commission européenne a assigné la France en manquement. Pour la Commission, les mises à disposition des services par les communes, au profit des EPCI à fiscalité propre ou des syndicats, entrent en conflit avec les obligations issues de la législation applicable aux marchés publics, notamment au regard de l’obligation de mise en concurrence et de transparence.
Le Conseil d’État, en 1998, avait tenté d’apporter une réponse aux questionnements nés des mises à dispositions des services dans une décision de 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr. Prenant en compte les obligations de mise en concurrence et de transparence issues de la législation européenne imposées aux personnes publiques, et le développement de la mutualisation, celui-ci a indiqué que « le code des marchés publics ne s'applique pas à un contrat […] entre deux établissements publics de coopération intercommunale dont l'un est adhérent de l'autre et qui contractent pour gérer, par leurs moyens communs, un service entrant dans le champ de leurs compétences ». Ainsi, les mutualisations entre EPCI sont soustraites au droit de la concurrence lorsque celles-ci n’entrent pas dans le champ concurrentiel.
- 403. La Cour de justice des communautés européennes a, elle aussi, limité les effets de la législation européenne sur les marchés publics en 1999. La décision Teckal prévoit que les contrats des personnes publiques sont soumis aux règles des marchés publics quand le contrat est conclu entre deux personnes distinctes, mais, dans « l’hypothèse où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent », les contrats sont soustraits aux obligations de mise en concurrence et de transparence. Si cette décision a permis de limiter les effets de la réglementation européenne, elle ne résout pas la question de la mutualisation des services entre EPCI et communes membres de celui-ci. En effet, le problème posé par les mises à disposition des services entre communes et EPCI n’est pas le même que celui envisagé dans l’affaire Teckal, dans la mesure où il est difficile de considérer que les communes exercent sur l’EPCI dont elles sont membres un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leur service.
- 404. La Cour de Luxembourg a pris en compte la particularité de la coopération intercommunale en Europe et a élargi les exceptions à l’application des règles de passation des marchés publics. Deux affaires viennent préciser les conditions dans lesquelles les communes et les structures intercommunales peuvent coopérer. Dans la décision Asemfo, la Cour étend la notion de contrôle analogue, qui peut alors être exercé par plusieurs personnes publiques, et celle de l’essentiel de l’activité qui doit être exercée avec les personnes publiques qui la contrôlent. La décision Coditel Brabant va plus loin en considérant que le contrôle peut être indirect, exercé par un conseil d’administration au sein duquel sont présentes les personnes publiques détenant l’entité concessionnaire. Néanmoins, si ces décisions laissent entrevoir un assouplissement qui pourrait bénéficier à la mutualisation française entre EPCI et communes, des questions demeurent. Dans les deux affaires présentées, il est question de mise à disposition de services, mise à disposition effectuée par une commune à destination d’une structure intercommunale. Mais la structure « d’accueil » se trouve, dans les deux cas, pouvoir être apparentée, au sens du droit interne de la coopération intercommunale, à des syndicats à vocation unique. Or, les mutualisations préconisées en France, et pour lesquelles doit être adopté un schéma de mutualisation, sont celles entre communes et structures intercommunales de projet.
- 405. En 2009, la Cour de Justice des communautés européennes s’écarte un peu plus de la jurisprudence Teckal pour définir le cadre de la coopération entre collectivités et groupement de collectivités territoriales et de la mise à dispositions des services. Dans cette affaire, quatre circonscriptions administratives (Landkreise) avaient conclu un contrat avec les services de la voirie de la ville de Hambourg pour organiser le traitement des déchets. Un tel contrat aurait dû, au regard de la jurisprudence de la Cour, permettre la condamnation de l’Allemagne, pour ne pas avoir imposé que ce type de convention soit soumis à la législation européenne sur les marchés publics. Or, les juges n’ont pas retenu l’argumentation de la Commission européenne, préférant « tenir compte de la spécificité des relations entre les services de voirie de la ville de Hambourg et les quatre Landkreise qui ont conduit à la conclusion du contrat ». Au terme de cette analyse, elle déduit que le contrat en question était l’aboutissement d’une coopération entre collectivités pour accomplir une mission d’intérêt général, et pour cette raison, ne devait pas être soumise à l’obligation européenne de mise en concurrence. Cette exception est toutefois encadrée : les cocontractants doivent être des personnes publiques, et la mutualisation doit avoir pour objet une mission d’intérêt général.
Or, les schémas de mutualisation participent bien de cette mise en place de la coopération entre personnes publiques dans une optique de gestion d’un, ou de plusieurs, services publics. L’abandon en 2011 de la procédure en manquement, suite à la fois à la jurisprudence Commission contre République Fédérale d’Allemagne et à la réforme du droit des collectivités en 2010, confirme l’exclusion de la coopération intercommunale du champ du droit européen de la concurrence. Cette exclusion a été entérinée par l’adoption en 2014 de la directive sur la passation des marchés publics
- 406. L’encadrement juridique des mesures de rationalisation des coûts au sein de l’intercommunalité est important. Cet encadrement n’est pas le seul obstacle à la mise en œuvre de la rationalisation des coûts.
2 – Une rationalisation des coûts délicate à mettre en œuvre
- 407. La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 introduit deux schémas relatifs à la mutualisation entre deux collectivités. Ces deux documents ont pour objectif de rapprocher, d’une part le département et la région, pour ce qui est du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services ; et, d’autre part, l’EPCI et ses communes membres, pour ce qui est du schéma de mutualisation. La loi de réforme des collectivités territoriales avait choisi, au travers de ces schémas de mutualisation, de donner aux collectivités la possibilité de régler entre elles la question du partage sur le territoire de leurs compétences.
- 408. Les politiques de rationalisation, et notamment celles mises en place par la loi de 2010, ont été réalisées avec pour objectif une réduction des coûts. La masse salariale ainsi que les dépenses des collectivités territoriales étant en constante augmentation, l’État a choisi de leur confier les moyens de réduire les coûts, et de planifier les moyens de parvenir à cet objectif en adoptant des schémas de mutualisation. Deux instruments de planification de la mutualisation ont été initialement présentés comme la solution face à l’augmentation des dépenses publiques, ainsi que le moyen de responsabiliser les élus locaux. Or, si ces schémas ont été très observés, les promesses de réduction des coûts n’ont pas forcément été tenues, plusieurs éléments permettent d’expliquer ce relatif succès de la rationalisation.
- 409. Tout d’abord, les schémas de mutualisation adoptés par un EPCI ne bénéficient pas, eux-non plus, d’une grande portée normative. En effet, dans le cas du schéma entre communes et intercommunalité, plusieurs indices révèlent cette normativité limitée, confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Dijon ayant rejeté le recours pour excès de pouvoir contre la délibération approuvant le schéma de mutualisation comme dirigé contre un acte ne faisant pas grief. Tout d’abord, la loi de 2010 créant le schéma, rendu obligatoire avec l’instauration par la loi Notre d’une date butoir d’adoption au 31 décembre 2015, n’a pas prévu de sanction en cas de non adoption. Comme le souligne Anne Gardère, « nonobstant l’obligation législative pesant sur l’élaboration du rapport et du schéma, il n’en demeure pas moins que l’éventuelle non-adoption, ou une approbation tardive de ces documents, ne fait l’objet d’aucune sanction directe, dans la mesure où le retard ou l’absence de schéma n’entraîne pas l’impossibilité, pour l’EPCI à fiscalité propre, de mettre en place tel ou tel mécanisme de mutualisation ».
De plus, l’utilité du document paraît affaiblie. Il avait été introduit par la loi Maptam un coefficient de mutualisation, en lien avec le schéma, qui devait être appliqué dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement et, ainsi, inciter l’adoption et la mise en œuvre du schéma. Ce dispositif a été abrogé par la Loi de finances pour 2017, le législateur préférant le volontarisme des EPCI à la « carotte financière ». Le caractère obligatoire de l’adoption du schéma a également été revu par la loi du 27 décembre 2019🏛.
Enfin, la loi reste très vague quant au contenu du schéma lui-même, laissant une grande marge de manœuvre aux élus. La loi RCT, tout comme les lois postérieures, ne définit pas ce que doit recouvrir et inclure la mutualisation : les services à mutualiser ne sont pas mentionnés ou suggérés par la loi. L’explication la plus simple et évidente à cette absence de contenu, est celle de la volonté de laisser la liberté aux communes et à leur communauté de déterminer, au cas par cas, quelles mesures doivent être prises et sous quelle forme. Chaque intercommunalité peut alors décider de son niveau d’intégration et, au sein de la structure, peut aussi choisir avec quelles communes la mutualisation peut être plus importante.
- 410. Au-delà de la question du contenu du document de mutualisation, une autre question se pose, celle de sa forme. Que ce soit dans le cas du schéma de mutualisation au sein d’un EPCI, ou dans celui du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services conclu entre la région et le département, aucun formalisme n’est exigé, ni indiqué.
- 411. Or, cette absence de document clair permettant d’organiser les mutualisations est nuisible, surtout dans un paysage où les modalités d’action commune sont déjà complexes. « Les services communs, bien qu’élargis et simplifiés, restent complexes à mettre en œuvre et on peut se demander si les modalités de mutualisation ne sont pas trop nombreuses, trop conditionnées, trop élaborées ; à quand un modèle commun de mutualisation au sein de la sphère publique ? ». Il est intéressant de laisser une marge de manœuvre aux collectivités, afin de ne pas rigidifier les possibilités de mutualisation, et permettre à chaque structure de déterminer, en fonction des besoins de son territoire, quel modèle de mutualisation lui convient le mieux, c’est sans doute ce qui a conduit le législateur à choisir de ne pas limiter les domaines dans lesquels la mutualisation est possible. En revanche, l’absence de modèle de document, et quand il existe un modèle, l’absence de définition de son contenu, est réellement un frein à la mutualisation.
- 412. L’argument politique semble expliquer l’abrogation des dispositions législatives relatives aux schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Ces schémas avaient pour objectif la mise en place de guichets uniques et la limitation des financements croisés dans le cadre du rapprochement opéré entre région et départements. La version politique de ce rapprochement était la création du conseiller territorial, élu unique siégeant dans les deux collectivités ; la version administrative pourrait être symbolisée par le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Ces derniers devaient être élaborés et adoptés dans les 6 mois suivant la première élection des conseillers territoriaux, or, la suppression du conseiller territorial, acté en 2013, a annoncé la suppression du schéma par la loi Maptam.
- 413. Les schémas de mutualisation conclus entre un EPCI et ses communes membres n’ont pas été supprimés et ont été élaborés. La rationalisation financière annoncée n’a pas été réalisée. Il faut néanmoins souligner que la mutualisation entre les structures communales et intercommunales n’est pas encore aboutie. Mis en place à partir de 2014, année au cours de laquelle ont eu lieu des élections municipales, les schémas ont été confrontés à la nouvelle refonte de la carte intercommunale. Il s’avère ainsi délicat de mettre en place un projet crédible et durable, lorsque le périmètre de l’intercommunalité est appelé à évoluer dans l’année qui suit l’adoption du schéma de mutualisation. Cette contradiction s’accentue au regard du temps nécessaire à la mise en place d’une mutualisation cohérente, « une mutualisation réussie prendrait de 18 mois à 2 ans ».
- 414. L’autre écueil auquel les schémas de mutualisation se heurtent est la difficile quantification des économies réalisées grâce à ces instruments. En effet, les études, notamment menées par la Cour des comptes, attestent du fait que « les efforts de rationalisation que traduisent les mutualisations au plan local ne peuvent encore être mesurés dans les données financières agrégées du secteur communal ». Le rapport ajoute que « bien que susceptible à moyen terme de se traduire par des économies d’échelle et des gains de productivité, la création des services mutualisés est parfois couteuse à court terme ». La rationalisation des coûts par le biais de la mutualisation entre communes et intercommunalité semble donc plus longue à mettre en œuvre que ce que la loi RCT semblait indiquer ; mais elle permet, par le biais de l’utilisation d’un instrument de planification, le schéma de mutualisation, d’introduire une vision à moyen terme des évolutions en matière de coûts de fonctionnement et de coûts de personnels.
- 415. L’assouplissement de la planification s’exprime au travers de l’examen de son contenu. Il se compose d’un état des lieux, à partir duquel sont élaborées des orientations. Elle s’exprime également au regard de sa mise en œuvre. Le schéma, quelle que soit sa valeur juridique, nécessite une mise en œuvre. Cette mise en œuvre est absolument nécessaire, notamment pour les schémas ayant une visée de rationalisation. Mais cette mise en œuvre n’est ni uniforme, ni aisée, ce qui peut entraver leur efficience.
Les dispositions contenues dans les schémas ont été assouplies, mais aussi encadrées, dans le cas des instruments de rationalisation. Ils présentent un caractère prospectif. Pour que ces prévisions demeurent réalistes, elles doivent être adaptées.
Section 2 – L’adaptation du schéma
- 416. Les instruments de planification ont besoin d’être adaptés aux évolutions de la matière dans laquelle ils s’inscrivent. Cette adaptation est qualifiée ainsi par Pascal Blanchet : « le dernier défi est d’ordre temporel. S’il est le moins visible et le moins commenté, il est peut-être aussi le plus difficile à affronter. Chaque exigence sectorielle, qu’elle ait un caractère économique, social, environnemental ou qu’elle relève de problématiques d’aménagement du territoire, comporte un rapport au temps qui lui est propre. Les objectifs poursuivis se situent dans des durées variables. L’échelonnement des projets s’effectue selon des calendriers différents. Les évaluations et réajustements qu’ils nécessitent s’opèrent selon des rythmes tout aussi singuliers. Les textes donnent un aperçu de l’éclatement des temporalités lorsqu’ils fixent la durée d’un document de planification ou envisagent les conditions de leur évolution. ».
Les schémas, pour répondre au défi de leur adaptation, doivent être révisés (§1), et pour déterminer le moment opportun de cette révision, le schéma doit bénéficier d’un suivi efficace (§2).
§1 – Un document à réviser
- 417. Pour Pascal Planchet, « de par sa nature, la norme planificatrice a vocation à être régulièrement régénérée ». Il résulte de cette affirmation une obligation de mise en conformité du schéma (A), qui s’acompagne de l’instauration d’une limite temporelle au-delà de laquelle l’obligation de révision prend toute sa dimension (B).
A – L’obligation de mise en conformité
- 418. L’obligation de mise en conformité s’impose aux auteurs du document (1), qui peuvent y répondre par plusieurs mécanismes (2).
1 – Une ardente obligation de mise en conformité
- 419. L’obligation de mise en conformité des documents de planification est sous-tendue par le principe de mutabilité. La mutabilité, ou encore adaptation constante, implique que les actes administratifs unilatéraux, même légaux, et les activités de service public soient voués à s’adapter en fonction des variations de l’intérêt général. Dans une décision de 1961, le Conseil d’État a affirmé que « les usagers d’un service public administratif n’ont aucun droit au maintien de ce service ». Par cette formule, le Conseil d’État a reconnu à l’administration le pouvoir à la fois de modification et d’abrogation, mais en imposant des contraintes, l’abrogation ou la modification ne doivent pas avoir été interdites par la loi, ni avoir des effets rétroactifs. Le principe de mutabilité s’applique aux instruments de planification, qui sont contraints d’évoluer au regard de raisons à la fois extrinsèques et intrinsèques.
- 420. Tout d’abord, les documents de planification doivent être mis en conformité au regard des obligations liées à la hiérarchie des normes. Le constat opéré par Soazic Marie à propos des documents d’urbanisme, selon lequel « la multiplication des sources et la complexité de leur agencement rendent les normes règlementaires, et surtout les normes locales situées à la base de l’édifice particulièrement vulnérables à toute modification de ces sources », est transposable aux documents de planification en général. Il est réellement plus prégnant pour ce qui est des documents de planification issus du code de l’environnement et du code de l’urbanisme, au sein desquels les instruments de planification se superposent. Il est possible de citer par exemple le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), adopté par la région. Le SCOT doit être mis en compatibilité avec les règles générales figurant dans le schéma, et doit prendre en compte les objectifs d’aménagement et les orientations stratégiques.
- 421. En dehors des documents locaux, l’obligation de mise en cohérence, ou de modification est aussi induite par les normes ou politiques nationales. Les diverses réformes induisent des ajustements, voire des refontes des instruments de planification. Il est possible de citer en exemple les modifications anticipées apportées au SDCI postérieurement à la loi Notre. Cette modification avait été annoncée en amont, dans l’exposé des motifs du projet de loi :
« L'article 14 propose une nouvelle orientation de la rationalisation de la carte intercommunale resserrée autour des bassins de vie et axée à la fois sur un accroissement de la taille minimale des EPCI à fiscalité propre de 5 000 à 20 000 habitants et sur la réduction du nombre des structures syndicales intervenant en particulier dans les domaines de l'eau potable, de l'assainissement, des déchets, du gaz, de l'électricité et des transports. Cet article propose une clarification des règles de révision des schémas départementaux de la coopération intercommunale, qui devront s'articuler autour des bassins de vie ».
Il s’agit là de la cause principale qui contribue à la modification des instruments de planification. Ce bousculement législatif conduit à une accélération du temps de la planification, qui ne laisse pas les auteurs indifférents :
« Entre les bouleversements législatifs fréquents dont l’entrée en vigueur est souvent progressive, l’évolution locale des planifications spatiales issue de procédures plus ou moins urgentes, elles-mêmes en constante adaptation, les applications anticipées ou différées, les normes maintenues à titre individuel au-delà de leur abrogation, les retraits, les hypothèses de caducité, les effets de la rétroactivité des annulations plus ou moins bien maitrisées par le juge et par l’administration, la montre du droit dispose-t-elle encore de repères ? »
- 422. Les schémas sont aussi soumis au principe de mutabilité du fait de raisons intrinsèques. Plus précisément, deux types d’arguments peuvent être présentés, les évolutions des éléments objets de la planification, mais aussi, de manière plus sporadique, les évolutions voulues par les auteurs de l’acte.
- 423. Tout d’abord, les auteurs des instruments de planification jouent un rôle dans la forte mutabilité des actes qu’ils élaborent. En effet, il existe parmi les auteurs une certaine propension au souci du détail qui contribue à une tendance à la modification perpétuelle.
- 424. Le facteur intrinsèque le plus important tient à l’objet de la planification. Les schémas étant des documents prospectifs, ils comportent nécessairement une part d’incertitude. Le principe de mutabilité est appelé à jouer dans l’hypothèse où les éléments factuels du schéma ont évolué. Il est possible d’imaginer, à titre d’hypothèse, l’évolution d’un bassin de vie, et son impact sur un SCOT. Une modification d’un bassin de vie implique des évolutions au regard de l’utilisation des sols, de l’urbanisation d’un territoire. Les documents de planification sont extrêmement dépendants des évolutions du territoire sur lequel ils se développent. Autre preuve de cette dépendance, le sort réservé aux schémas régionaux postérieurement à la refonte de la carte régionale. Plusieurs options ont été retenues, qui mettent toutes en œuvre, à plus ou moins long terme, le principe de mutabilité.
- 425. Les instruments de planification, comme l’ensemble des actes administratifs, sont soumis au principe de mutabilité, que ces évolutions soient rendues nécessaires au nom de circonstances de droit ou de fait. Le principe de mutabilité n’implique pas une seule modalité d’évolution du document, mais plusieurs.
2 – Diverses modalités de mise en conformité.
- 426. La mise à jour des schémas peut être faite selon diverses procédures qui ne sont pas applicables à l’ensemble des instruments de planification. Il existe deux grandes procédures permettant de mettre en conformité ou de mettre à jour les documents de planification : la révision et la modification.
- 427. La révision est une procédure de mise à jour qui permet d’évaluer l’ensemble du document et de mesurer les ajustements, voire les changements qui doivent leur être apportés. Dans la mesure où l’ensemble du document sera examiné, et pourra être renouvelé, cette modalité de mise à jour est, du point de vue de la procédure, la plus lourde. En effet, la procédure choisie pour réviser les schémas est généralement la même procédure que celle employée pour l’élaboration. La similitude entre les procédures d’élaboration et de révision est logique au regard de l’objet même de ces deux processus parallèles. L’élaboration marque la naissance du document, c’est pour cela qu’elle nécessite une procédure longue et émaillée de consultations, afin d’établir un document contenant un projet ou des prévisions adaptées au territoire sur lequel il s’inscrit. La révision poursuit un objectif similaire, réétudier le document adopté quelques années plus tôt, confronter les prévisions émises en son sein aux évolutions du territoire, mais aussi les orientations prises dans le domaine concerné, pour déterminer un nouveau projet pertinent.
- 428. La révision peut être prévue par le texte législatif ou réglementaire instaurant le schéma, elle intervient alors selon une périodicité prédéterminée. Cependant, ce délai peut être bousculé par deux éléments. La réduction du délai, ou bien son allongement, peut résulter d’une obligation anticipée de révision voulue par le législateur. Il est possible de citer en exemple le SDCI. Rénovés par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, ces documents devaient être révisés tous les 6 ans. La date initiale d’adoption, avant sa prorogation de 6 mois par la loi du 29 février 2012🏛, était le 31 décembre 2011, la révision aurait ainsi dû intervenir au cours de l’année 2017 ou 2018, selon que la révision devait intervenir avant l’expiration du délai, ou à l’expiration de celui-ci. Or, la révision des SDCI a été anticipée par la loi NOTRe, qui a fixé comme date butoir le 31 mars 2016 pour adopter la nouvelle version du schéma. Cet avancement de la date de la révision correspond à une refonte du contenu du schéma et notamment des objectifs à atteindre en matière de rationalisation des périmètres des intercommunalités.
- 429. La révision peut être impérative ou non. Dans le cas du SDCI, le CGCT se bornait à fixer un délai à l’expiration duquel la révision devait être engagée. La loi du 29 décembre 2019 a modifié les conditions de révision du SDCI : celle-ci n’est plus engagée tous les 6 ans, mais seulement à la discrétion du préfet ou en cas de demande émanant de la moitié des membres de la commission départementale de la coopération intercommunale. Le code de l’urbanisme, en ce qui concerne le SCOT, impose un délai au terme duquel devra être évaluée la possibilté, et surtout l’intérêt d’une mise en révision du schéma. L’article L. 143-28 prévoit que « Six ans au plus après la délibération portant approbation du schéma de cohérence territoriale, la dernière délibération portant révision complète de ce schéma, ou la délibération ayant décidé son maintien en vigueur en application du présent article, l'établissement public prévu à l'article L. 143-16 procède à une analyse des résultats de l'application du schéma […]. Sur la base de cette analyse […] l'établissement public prévu à l'article L. 143-16 délibère sur le maintien en vigueur du schéma de cohérence territoriale ou sur sa révision ». L’absence de cette délibération entraîne la caducité du SCOT. La révision est donc conditionnée à sa nécessité au regard de l’application du schéma, ce qui n’apparaît pas comme illogique, au regard notamment de la lourdeur de la procédure de révision. Une deuxième explication peut être trouvée : il est possible pour les SCOT, ainsi que pour d’autres documents d’urbanisme, d’être mis à jour par le biais de la procédure de modification.
- 430. Si la révision implique une refonte partielle ou totale du document de planification, qui s’accompagne d’une procédure lourde, la modification bénéficie d’une procédure plus souple, assouplie encore lorsque la modification est dite simplifiée. La modification ne concerne pas l’ensemble des schémas, mais essentiellement les instruments de planification issus du droit de l’urbanisme parmi lesquels il est possible de citer le SCOT et les SAGE.
- 431. La modification est possible en dehors des cas où la procédure de révision est requise pour le SCOT. Elle est applicable pour le SAGE lorsque la « modification ne porte pas atteinte aux objectifs de ce schéma ». Dans le cas du SCOT, la décision de modification est proposée et préparée par le président de l’EPCI porteur du SCOT, qui la soumet à l’assemblée délibérante, et notifiée au préfet et aux personnes associées. Le projet de modification est ensuite soumis à enquête publique, à l’issue de laquelle le projet, accompagné du rapport d’enquête, est présenté à l’organe délibérant pour être potentiellement modifié avant qu’il soit adopté. Dans le cadre de la modification simplifiée, l’enquête publique est remplacée par une simple mise à disposition du public. L’établissement porteur du SCOT n’est cependant pas libre quant au choix de la version simplifiée ou normale de la modification. L’article L. 143-34 du code de l’urbanisme🏛 renvoie aux cas dans lesquels l’enquête publique doit être organisée. Néanmoins, en dehors des cas pour lesquels l’enquête publique n’est pas obligatoire, elle n’est pas non plus exclue, l’établissement porteur du SCOT peut décider de l’engager.
- 432. La procédure de révision concerne l’ensemble des schémas, alors que la procédure de modification est encore limitée aux instruments de planification du droit de l’urbanisme. Or il pourrait être intéressant, en raison de de l’interdépendance des instruments entre eux, et des conséquences de l’adoption de l’un sur les autres, d’élargir la procédure de modification à l’ensemble des instruments de planification.
- 433. Les auteurs du document sont soumis à une obligation de mise en conformité vis-à-vis des instruments avec lesquels ils sont en rapport. Cette obligation s’accompagne d’une limite temporelle à l’application des documents.
B – Le schéma, un instrument à durée déterminée
- 434. Les dispositions législatives et réglementaires instaurant les documents de planification établissent une durée de vie pour ceux-ci (1), mais ces dispositions ne prévoient pas systématiquement de sanction en cas de non-respect de la temporalité du schéma (2).
1 – Une durée de vie prédéterminée
- 435. Comme l’explique Pascal Planchet, « la planification urbaine est par essence une réglementation éphémère. Elle n’existe qu’au regard d’une durée déterminée, durée pas nécessairement précise, mais au moins suggérée par les objectifs poursuivis. Elle n’ambitionne aucune éternité. ». Cette affirmation est généralisable à l’ensemble des instruments de planification, et pas uniquement à ceux touchant à l’urbanisme. Le schéma, par essence, doit avoir une date limite d’application, ou du moins, une durée au-delà de laquelle il doit être repensé. Le caractère prospectif des documents de planification impose une réévaluation périodique. « Le droit de l’urbanisme ne se contente pas d’opérer dans l’immédiat. Il fonctionne essentiellement par projection sur l’avenir. L’action normative des autorités publiques s’appuie sur des prévisions qu’il s’agit de traduire en projet ». Or, la traduction d’une orientation en projet implique une évaluation de la réalisation de celui-ci.
- 436. La loi fixe la durée de vie du schéma. Celle-ci ne semble pas répondre à une logique précise, même si le délai de 6 ans apparaît comme étant la durée la plus fréquemment prescrite. Cette longévité permet de qualifier les schémas d’instruments de planification à moyen terme. Il existe un schéma dont la durée de vie est supérieure ; dans le cas des schémas de services collectifs, la « durée de vie » est de 20 ans. Une telle différence entre le schémas de services collectifs et le SCOT, ou le SDCI, peut être expliquée au regard à la fois de l’objet de la planification, mais aussi du territoire sur lequel elle s’inscrit. Les schémas de services collectifs ont pour assise l’ensemble du territoire, alors que le SDCI est départemental et le SCOT intercommunal. Ils s’appuient sur une connaissance plus précise du territoire. Les objectifs contenus dans les schémas de services collectifs ne sont pas contraignants, ils exposent la vision stratégique du développement d’une politique, alors que les dispositions du SDCI ont pour objectif de proposer une évolution à court ou moyen terme de l’intercommunalité. En tant qu’instruments de stratégie globale, il est donc logique que les schémas de services collectifs aient une longévité plus importante que les schémas locaux, plus sujets à variation. La plupart des schémas ont une durée de vie aux alentours de 6 ans, ce qui en fait des instruments de planification à moyen terme.
- 437. La durée de vie la plus courante pour les instruments de planification est donc de 6 ans. Pour autant, certains schémas comme le SCOT ont eu initialement une durée maximale avant obligation de remise en question, supérieure à 6 ans. Une question a alors été soulevée, quand doit débuter l’analyse des schémas adoptés antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau délai ? La question a été soulevée par plusieurs parlementaires et a donné lieu à une réponse de la Ministre de l’Écologie, du développement durable, des transports et du logement. En s’appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'État, la Ministre a répondu que « le nouveau délai est immédiatement applicable, mais que, à peine de rétroactivité, il ne peut commencer à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et, d'autre part, que le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du nouveau délai ». Cette interprétation s’appuie directement sur la jurisprudence du Conseil d’État. Le Ministre cite la décision Société Westco Trading Corporation, qui reprend la jurisprudence SCI L’Orée du bois, dont le considérant de principe est le suivant :
« Considérant que, lorsqu'une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable, mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que le délai ancien, s'il a commencé de courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau ; que, toutefois, cette règle générale ne s'applique pas lorsque le législateur a prévu expressément, comme il l'a fait par l'article 18 de la loi susvisée du 11 juillet 1986, des dispositions spécifiques réglant l'entrée en vigueur du nouveau délai abrégé de prescription. »
Selon ce principe, les schémas adoptés antérieurement à l’adoption du nouveau délai conservent leur durée de vie, sauf dans un cas, lorsque la révision interviendrait après la date prévue pour la révision d’un schéma ayant été adopté le jour de l’entrée en vigueur de la loi. Dans le cas du SCOT, le nouveau délai étant de 6 ans, les schémas adoptés avant l’entrée en vigueur de la loi (le 13 juillet 2011), conservent leur délai limite d’évaluation, 10 ans, sauf si la date envisagée est postérieure au 13 juillet 2017. Donc les schémas adoptés avant le 13 juillet 1997 bénéficient de l’ancien délai de 10 ans, alors que ceux adoptés entre cette date et le 13 juillet 2001 doivent être mis en révision avant le 13 juillet 2017.
- 438. La durée des schémas locaux est adaptée à celle des mandats des élus : la mention du renouvellement du conseil régional est instituée comme le point de départ du délai de révision du document. Dans le cas du SRADDET et du SRDEII, la révision du document peut être entreprise dans l’année suivant l’élection des conseillers régionaux. De la même manière, la durée de vie du SCOT, 6 ans, est adaptée aux mandats des élus. Les membres des conseils des EPCI en charge du SCOT sont élus au sein des communes pour un mandat de conseiller municipal de 6 ans. De même, le SDCI, alors qu’il est établi par le préfet, se fonde sur une durée de 6 ans, durée du mandat des élus directement impliqués dans l’intercommunalité, les conseillers municipaux. Il est logique que les instruments de planification n’engagent qu’une mandature, il est necessaire que les schémas et leurs orientations puissent être interrogés, remis en cause pour faire suite à l’expression de la démocratie locale. Le conseil nouvellement élu – qu’il soit municipal, intercommunal, départemental ou régional – doit pouvoir s’exprimer sur les orientations votées par la précédente assemblée. Il est alors logique que le délai pour se prononcer sur une éventuelle révision soit identique à la durée des mandats locaux.
2 – Une absence de révision sanctionnable
- 439. La mention dans les textes d’un délai au-delà duquel la révision d’un schéma doit être mise en œuvre est parfois sans conséquence juridique. En d’autres termes, la loi ne prévoit aucune sanction en cas de non révision du document dans la temporalité prévue. C’est par exemple le cas du SDCI, pour lequel le CGCT ne mentionne pas de sanction à l’absence de mise en révision du document. Néanmoins, il est possible d’avancer une explication logique à ce silence de la loi. Les SDCI, bien qu’élaborés et adoptés localement, sont soumis à une volonté nationale de révision. De plus, alors même que les différentes réformes territoriales ont semblé vouloir pérenniser le SDCI, ses objectifs ne permettent pas d’être aussi catégorique. En effet, l’objectif de rationalisation, une fois atteint, devrait faire perdre son intérêt au document. L’objectif affiché par la réacualisation du SDCI en 2010 était l’achèvement de la carte intercommunale, à savoir le rattrachement de l’ensemble des communes françaises à un EPCI à fiscalité propre. Cet objectif était quasiment atteint dès 2015 : au 1er janvier 2015, il ne restait en France que 70 communes isolées, contre 1 908 au 1er janvier 2011. La loi NOTRe a fixé un nouvel objectif pour le schéma, atteindre une taille minimum pour les communautés de communes de 5 000 habitants. Ils conservaient ainsi le statut de documents prospectifs. Or, au 1er janvier 2020, il ne reste que 4 EPCI à fiscalité propre comptant moins de 5 000 habitants, contre 278 en 2016. Dans le cas du SDCI, le schéma a été un instrument efficace pour remplir les objectifs assignés par le législateur au préfet et aux EPCI. Mais il semble qu’une fois celui-ci atteint, l’instrument perde son intérêt prospectif. Soit un nouvel objectif est assigné, pour lequel le SDCI sera utilisé, soit l’instrument redevient ce qu’il était avant 2010, un instrument de constat de l’état de l’intercommunalité au sein du département. Dans ce cas, la non adoption du schéma n’entraine pas de conséquences juridiques, et n’entrave aucune action, ce qui justifie l’absence de sanction si le délai légal de révision n’est pas respecté. Cette analyse est renforcée suite à l’adoption de la loi du 1er aout 2019 qui a supprimé le délai de révision du SDCI.
- 440. Si, dans le cas du SDCI, il n’existe pas de sanction en cas d’absence de révision du schéma, dans le cas du SCOT, le retard dans la révision emporte des conséquences importantes. Une fois le délai expiré, le schéma est frappé de caducité, c’est-à-dire un « état de non-valeur auquel se trouve réduit un acte initialement valable du fait que la condition à laquelle était suspendue sa pleine efficacité vient à manquer par l’effet d’un évènement postérieur, que cet anéantissement s’opère de plein droit ou du seul fait de la défaillance de la condition ». Les dispositions du schéma ne sont plus applicables une fois sa « date limite de révision » dépassée. Cette caducité n’intervient que dans un seul cas précis et limité : le schéma ne devient caduc que dans la mesure où l’établissement porteur du SCOT n’a pas adopté une délibération permettant la mise en révision de celui-ci. La caducité n’interviendra donc que rarement, dans la mesure où la révision n’est pas mise en œuvre. Dès l’instant où elle débute, la durée de vie du schéma est prolongée, tant que durera la procédure d’évaluation et de mise en révision du document.
- 441. La détermination d’une date à laquelle l’instrument de planification doit être révisé, qu’elle soit imposée initialement ou qu’elle soit le fruit d’une décision ponctuelle, est absolument nécessaire pour assurer l’efficacité et l’efficience de ces documents. L’obligation d’évaluer le contenu et les effets des documents de planification permet à la fois une correction de certaines orientations, mais aussi une vérification de ce que les orientations choisies sont toujours adaptées au territoire sur lequel elles s’appliquent, ainsi que conformes aux normes supérieures.
- 442. Les schémas prévoient leurs propres conditions de révision, ainsi que les procédures qui s’y attachent. Mais ces dispositions ne sont pas suffisantes pour une meilleure efficience de ces documents. En effet, il n’est pas satisfaisant de ne se préoccuper du caractère réaliste et adapté des dispositions des schémas qu’une fois leur date limite de révision atteinte ; c’est pour cela qu’un suivi des documents a été mis en place.
§2 – Un document nécessitant un suivi
- 443. Les schémas, dans le cadre de la nécessité de les adapter, doivent être suivis, c’est-à-dire être régulièrement évalués pour qu’ils respectent les rapports instaurés par la loi entre eux et les autres instruments de planification. Afin de mettre en œuvre ce suivi, il doit être identifié un responsable pour ce suivi (A), suivi qui s’avère absolument nécessaire (B).
A – Le responsable du suivi
- 444. Le schéma est un instrument évolutif. Il nécessite, à la fois par son caractère souple, mais aussi par la sensibilité des domaines dans lesquels il intervient, que soit identifiée la personne morale, ou, a minima, l’entité chargée de son suivi. Quelle que soit la nature du responsable de ce suivi, il est chargé de la même mission : accompagner la mise en œuvre et l’évolution du document de planification. Il est possible d’identifier plusieurs degrés de spécialisation pour le responsable : la première possibilité implique une gestion par une entité identifiée, dont ce n’est pas le seul domaine d’intervention, la seconde possibilité est la création d’une structure dédiée, ou du moins spécialisée pour la gestion du domaine de planification. Les collectivités, leurs groupements ou bien les entités déconcentrées peuvent se charger elles-mêmes de la gestion de leurs propres instruments de planification. La délégation de la gestion du suivi, ou bien la création, pour le faire, d’une entité n’a absolument aucun caractère obligatoire. Par exemple, les schémas édités par les communes dans le cadre de l’assainissement et de la distribution d’eau potable sont directement gérés et mis à jour par la commune.
- 445. La gestion directe par la collectivité porteuse du document peut être limitée à un service. Par exemple, les régions disposent d’un pôle dédié à la planification. Pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l’un des pôles porte la dénomination : « planification stratégique et développement soutenable ». Au sein de celui-ci se retrouvent plusieurs directions telles que la « direction de la prospective et de la démocratie de proximité », ou encore la « direction du développement soutenable ». L’appellation n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire, néanmoins il demeure possible d’identifier une direction, un pôle ou un service chargé de la « stratégie », de la « prospective » ou de la « planification ». Il est aussi possible que le schéma ne soit pas rattaché à un service « planification », mais au pôle dédié à son contenu, par exemple le pôle ou la direction en charge du « tourisme » aurait la responsabilité du schéma régional du tourisme. Une question peut cependant être soulevée par ce mode de gestion : si la gestion par le pôle spécialisé permet d’avoir une vision exacte du domaine dans lequel le schéma devra intervenir, elle peut se révéler moins efficace du point de vue de la cohérence entre les différents instruments de planification adoptés par la collectivité. La gestion du schéma par un service dédié à la planification peut être accusée des maux inverses : une mauvaise connaissance du domaine mais une plus grande cohérence entre les instruments de planification. Il semble plus logique de choisir la seconde option, qui permet une planification harmonieuse, ou du moins cohérente, au sein d’une même collectivité. La majeure partie des documents de planification, s’ils sont gérés par des services, demeurent instruits et gérés directement par les collectivités ou par l’État.
- 446. Il existe une possibilité de gestion qui pourrait être dite « déléguée » des instruments de planification. Deux exemples illustrent ces alternatives, le SAGE, pour lequel un établissement public territorial de bassin est créé afin d’assurer la révision et le suivi du schéma , et le SCOT pour lequel il est constitué un EPCI. Ces deux modalités appellent les mêmes remarques : dans les domaines techniques que sont l’utilisation des sols et la gestion des eaux, la responsabilité des documents de planification échoit à des entités spécialisées, auxquelles sont adjointes des personnels eux-aussi spécialisés. Ce choix permet de mettre en avant une volonté d’efficacité dans l’établissement de ces documents. Ces entités développent ainsi une expertise quant à l’élaboration du schéma.
Ces entités sont aussi en charge du suivi du document. On entend par suivi la modification, l’ajustement du document, mais aussi la détermination de ce qui relève de la modification, et de ce qui n’en relève pas. En effet, une distinction est opérée entre les éléments qui conduisent à la mise en œuvre d’une procédure de modification, et ceux qui peuvent être adaptés par une procédure dite simplifiée, et c’est à la personne publique en charge du suivi du document de déterminer quelle sera la procédure d’adaptation. Son rôle est donc crucial dans le suivi du document.
- 447. Il s’avère important d’instaurer un suivi des documents, au regard de la spécialisation des instruments (1), mais aussi de leur entremêlement (2).
1 – La spécialisation du contenu des instruments
- 448. Le contenu des instruments de planification tend vers une ultra-spécialisation et vers une plus grande précision. Or, au regard de ces caractères, l’adaptation du document devient plus pressante.
- 449. Le schéma est utilisé en tant qu’instrument de planification dans des domaines divers et variés, tels que la gestion durable des carrières, ou bien la gestion des ressources cynégétiques ; il faut alors reconnaître une évolution vers une plus grande spécialisation d’une partie des documents. Les schémas spécialisés se caractérisent par deux éléments : d’une part, ils nécessitent l’intervention de spécialistes du domaine pour les établir, d’autre part, alors même qu’ils interviennent dans des domaines spécifiques, ces documents ont des rapports avec les instruments de planification plus généraux.
La spécialité des documents est illustrée, par exemple, par le schéma départemental de gestion cynégétique. Ce document est prévu aux articles L. 425-1 et suivants du code de l’environnement🏛. Il doit contenir obligatoirement six points relatifs à la chasse et à la gestion du gibier dans chaque département. Ce dernier est élaboré dans chaque département par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, avant d’être arrêté par le préfet de chaque département. Si le document n’entre en vigueur que suite à l’arrêté du préfet, qui a compétence pour vérifier qu’il est « compatible avec les principes énoncés à l'article L. 420-1 et les dispositions de l'article L. 425-4 du présent code et qu'il prend en compte le schéma régional de maîtrise des dangers sanitaires défini à l'article L. 201-12 du code rural et de la pêche maritime🏛 », le représentant de l’État ne dispose pas de la compétence pour le modifier lui-même. Ainsi, la spécialité du document entraîne une rédaction de ce dernier par un organe spécialisé et une stricte restriction de la modification de celui-ci par son auteur.
- 450. Les schémas spécialisés, gestion cynégétique ou encore implantation des carrières, induisent une élaboration par ceux que l’on qualifie de spécialistes, ou du moins par des familiers de la discipline. Néanmoins, ils ne sont pas pour autant en autarcie par rapport aux autres documents de planification : ils doivent les prendre en compte, ou doivent eux-mêmes être pris en compte ou leur être compatibles, selon l’intensié des rapports existant ente eux. Ces spécialités doivent être intégrées dans le cadre du suivi du document.
- 451. L’élément le plus important justifiant la mise en place d’un suivi particulier des instruments de planification est l’entremêlement de ceux-ci.
2 – L’entremêlement des instruments
- 452. Le suivi devient plus pressant au regard de la multiplication des instruments de planfication. Il convient d’adopter dans ce cas une vision globlale des instruments de planification. Il devient alors complexe d’identifier l’ensemble des éléments qui ont une influence les uns sur les autres. Ces difficultés sont accentuées par les différentes interprétations qui peuvent être données des rapports juridiques existant entre les instruments de planification.
- 453. La planification est devenue une compétence partagée entre l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ou, plus exactement, l’ensemble des acteurs publics du territoire disposent de la capacité, ou de l’obligation, d’établir des documents de planification dans les domaines de compétences qui leur sont attribués par la loi. Ainsi, les instruments de planification ont été, au fil des transferts de compétences, multipliés, et la lisibilité a en conséquence diminué. Cet élément justifie la nécessité d’un suivi dédié des schémas.
- 454. Au-delà de la question de la multiplication des instruments, se pose le problème de l’articulation des instruments dans le temps. En effet, trois paramètres entrent en jeu : la « durée de vie » du document, la durée de son élaboration et la date d’adoption du document. Les différents schémas adoptés actuellement par les collectivités, leurs groupements et l’État n’ont pas la même longévité, les délais dans lesquels ils doivent être révisés ou simplement évalués, varient. Le suivi est alors soumis à ces fluctuations d’instruments liés aux différences de périodicité.
- 455. Le suivi doit aussi être renforcé en raison des modifications législatives, nombreuses et fréquentes dans les domaines liés aux compétences des collectivités territoriales. En effet, si certains schémas sont bien établis et confortés dans leur fonction, comme par exemple le SCOT ou le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, d’autres ont subi, en peu de temps, plusieurs réformes : changement de nom, de périodicité, de procédure d’adoption, élargissement de leur champ d’intervention… La frénésie de réforme a essentiellement concerné les instruments de planification adoptés par la région, notamment les documents en lien avec l’aménagement du territoire et l’économie. Il est possible de citer en exemple le SRADT, instrument de planification régionale de l’aménagement du territoire instauré en 1988, qui a été métamorphosé par la loi NOTRe. Le SRADT, s’il bénéficiait d’une certaine anicenneté, n’avait pas une grande influence sur l’aménagement du territoire régional. Il était entouré d’une dizaine d’autres instruments, parmi lesquels il est possible de citer le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie créés par la loi Grenelle II ou encore le schéma régional de l’intermodalité apparu avec la loi Maptam. L’ajout progressif de ces instruments a dilué l’impact de la planification globale de l’aménagement du territoire souhaitée en 1988 et réaffirmée en 1999. Les rapports juridiques souples, prise en compte et compatibilité, ont également contribué à l’affaiblissement de cet intrument, ce dernier n’arrivant pas à être imposé aux instruments locaux de planification des sols, SCOT et PLU, qui en parallèle étaient renforcés.
Les critiques formulées contre le SRADT n’ont pas vu le jour au cours de l’élaboration de la loi NOTRe. L’absence d’effet obligatoire et l’enchevêtrement des instruments étaient mis en avant en 1998 par Yves Morvan : il constatait déjà les problèmes liés au trop grand nombre de documents à la fois supérieurs et inférieurs au SRADT, ainsi que le problème lié à son absence de valeur contraignante. Un autre argument, plutôt factuel, est mis en avant : le SRADT, instauré en 1988, n’était pas, 10 ans plus tard, adopté dans l’ensemble des régions, certaines n’ayant pas débuté les phases d’élaboration. Les préconisations présentées suite à ces constats semblent étrangement faire écho aux problématiques d’enchevêtrement rencontrées actuellement. Yves Morvan soulève quatre grandes questions : le schéma est-il utile ? Que doit-il contenir ? Comment doit-il être élaboré ? Doit-il avoir un caractère prescriptif ?
Ces questions se sont de nouveau posées lors de l’élaboration du projet de loi NOTRe et sa discussion devant le Parlement, et ont permis une modification en profondeur du SRADT, qui est devenu le SRADDET. Ce document est l’aboutissement provisoire de près de trente ans de réflexions sur le rôle de planification des régions, et du transfert de la compétence d’aménagement du territoire. Afin de simplifier le rôle de planification de la région, il rassemble près d’une dizaine d’instruments de planification préexistants, mettant un premier terme à un enchevêtrement au sein d’une même institution. Il confère ensuite à une partie de ce document un caractère prescriptif : un des volets du SRADDET, les règles générales du fascicule, est opposable aux SCOT et à défaut de SCOT aux PLU, qui doivent être rendus compatibles. Les objectifs du SRADDET doivent seulement être pris en compte par les SCOT. Le choix d’un double effet juridique a été privilégié pour respecter les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre, tout en assurant que le schéma ne soit pas un simple vœu pieu. De plus, les orientations et objectifs, qui induisent un rapport de prise en compte, sont de nature généraliste, n’entrainant pas d’obligations précises. Il peut s’agir par exemple d’objectifs de développement du logement. Les documents inférieurs auront ainsi une marge de manœuvre importante dans la mise en œuvre de ces objectifs. S’ajoute à cela le fait que les règles générales entrainent un rapport de compatibilité. Elles demeurent donc indicatives, et les documents inférieurs peuvent partiellement s’en écarter. Ces règles générales ont pour but de « contribuer à atteindre les objectifs » mentionnés dans le schéma. Elles sont donc des déclinaisons plus précises des objectifs. La compatibilité permet d’assurer une cohérence dans les actions des collectivités, et de donner au SRADDET une force normative plus importante que celle de son prédécesseur.
Et enfin, le rôle du représentant de l’État est revu. Alors que précédemment il était en charge de l’élaboration conjointe du document, il n’est plus qu’associé à celle-ci, au même titre que les autres collectivités intéressées par le schéma. Il conserve néanmoins un rôle majeur, similaire à celui du préfet de département dans le cadre de l’élaboration du SCOT.
- 456. Cette nouvelle mouture de la planification régionale facilite doublement le suivi du document. Il diminue considérablement le nombre de documents de planification, aux calendriers divers, et les unifie, ce qui limite la nécessité de suivi du document. Néanmoins, le suivi demeure absolument nécessaire pour ses responsables dans le cadre de l’opposabilité croissante des schémas.
- 457. Conclusion de chapitre
Les schémas se caractérisent par une volonté de réalisme, réalisme dans les constats qu’ils établissent, en premier lieu, mais aussi en second lieu, réalisme dans les orientations qu’ils proposent. Il s’agit d’une condition du succès de la planification : aucune prévision crédible ne peut résulter d’un constat non réaliste. Autrement dit, il est nécessaire de référencer de manière précise et exacte la situation antérieure à l’édiction de l’instrument de planification pour établir son contenu.
L’état des lieux nécessaire à tout schéma permet d’utiliser les schémas comme des instruments de rationalisation de l’action des collectivités territoriales. La rationalisation ne peut pas être contraignante, seulement indicative, ce qui conduit à ce que les objectifs qui lui étaient assignés n’aient pas été complètement atteints. D’une part, la contrainte ne peut pas être employée, sauf à nier l’existence même de la libre administration, mais la nature du schéma, son caractère prospectif, est également un obstacle à la réalisation complète des objectifs assignés. La planification peut se réaliser mais des facteurs externes peuvent empêcher que les prévisions établies soient atteintes. Dans le cas de l’utilisation des schémas dans un objectif de rationalisation, cette réalité conduit nécessairement à ce que la rationalisation soit imparfaite. Mais cela ne remet pas en cause pour autant l’utilisation des instruments de planification en tant qu’instruments de rationalisation.
Les domaines dans lesquels la planification intervient ne sont pas figés, et étant donné la longévité des schémas, environ 6 ans, la situation précédant l’établissement du schéma est amenée à évoluer, parfois indépendamment du document de planification, ce qui implique que ce dernier doive évoluer également. Mais les éléments intrinsèques au document ne sont pas les seuls à justifier une révision des objectifs, l’environnement juridique du schéma a une influence sur son évolution. Il faut donc que le schéma bénéficie d’un suivi. S’il existe diverses modalités pour l’exercer, les procédures d’évolution contribuent à la réalisation d’un seul et unique objectif : garantir le suivi des schémas et s’assurer qu’ils ne perdent pas leur pertinence.
- 458. Conclusion de titre
L’appréhension des schémas soulève des interrogations nombreuses. Il apparaît, au premier abord, difficile de déterminer la catégorie juridique à laquelle se rattachent les instruments de planification. Le schéma emprunte des caractéristiques aux deux catégories juridiques que le droit a consacrées : l’acte administratif unilatéral et le contrat. Cette double relation pourrait conduire à la création d’une nouvelle catégorie d’actes, à mi-chemin entre le contrat et l’acte administratif. Néanmoins, il semble que les caractéristiques globales du schéma conduisent à son rattachement à la catégorie de l’acte administratif. Les éléments contractuels, comme notamment la longue phase consultative qui s’apparente à la négociation, sont la conséquence d’une part de la volonté de démocratisation de l’action publique, et, d’autre part, de l’inscription du schéma dans le mouvement du droit souple. Le schéma a accompagné le développement de ce mouvement tout en participant à la rénovation des instruments de planification. La rénovation de ces documents a tout d’abord concerné le vocabulaire des documents de planification, pour réintroduire le schéma, et progressivement remplacer les plans. La multiplication du recours au schéma s’inscrit dans le mouvement du droit souple. Le caractère souple des schémas ne les rend pas dépourvus d’effets juridiques. Ils sont prescriptifs, mais, en raison de leur souplesse, les rapports avec les autres documents sont adaptés.
Le caractère prospectif des instruments de planification éclaire lui aussi la notion de schéma. Il permet de révéler les particularismes propres au contenu des schémas, ainsi que les exigences d’adaptation de ces documents. L’organisation interne du document de planification est marquée par une forme d’originalité, ce qui renforce la particularité des schémas.
Néanmoins, il est possible de déterminer, à partir des éléments présentés, la nature des schémas. Ceux-ci sont des actes administratifs particuliers, en ce qu’ils sont élaborés à la fois selon les codes de l’acte administratif unilatéral, mais aussi par des méthodes de type contractuel. Il présente un double contenu, consignant d’une part les éléments existants, pour ensuite développer des objectifs en fonction du but à atteindre. Il se révèle alors comme un document prospectif s’inscrivant dans le développement du droit souple.
- 459. Conclusion de partie
La nature juridique des schémas est un sujet qui demande une attention particulière. Elle est essentielle dans la définition du schéma, en tant qu’instrument de planification. Le premier élément mis en avant lors de l’étude de la nature du schéma est la complexité de la procédure d’élaboration. Celle-ci témoigne à la fois de l’importance accordée à la planification par l’administration, mais aussi du caractère délicat de cette planification. Le contenu du document, son organisation interne, confirme l’importance des instruments de planification, et plus particulièrement des schémas.
L’étude formelle des instruments de planification permet peu à peu d’identifier des composantes de la nature juridique de ceux-ci. Ils se définissent alors au regard des indices disséminés à la fois dans les conditions de forme, mais aussi de fond qui entourent leur élaboration et leur contenu.
Le schéma est un acte administratif, même s’il présente des similitudes, dans son élaboration, avec le contrat, élaboré en concertation entre les différents acteurs du territoire. Il est également marqué par l’ouverture de son élaboration au public. Cet acte administratif est considéré comme appartenant à la catégorie émergente du droit souple, il n’est pas, dans ses effets, comparable à l’acte administratif classique. Il n’implique pas un respect strict de ses dispositions : les schémas fixent des orientations, en fonction d’une part des objectifs à atteindre, locaux ou nationaux, en fonction d’autre part des constats établis lors de l’élaboration du document. Le schéma est un document de référence, ce qui implique que ces orientations n’ont pas le caractère d’obligations, leur respect est donc adapté. Les documents devant respecter les schémas ne sont pas tenus à une stricte légalité, ils peuvent s’écarter de ses orientations, à condition de tendre vers le même but.
Les schémas, par leur nature et leurs utilisations, témoignent des relations entre l’État et les collectivités territoriales : en imposant l’adoption de schémas, les autorités nationales incitent les collectivités territoriales à mieux prévoir leurs actions, à mieux planifier leurs politiques publiques. Il ne s’agit que de prévisions, celle-ci ne sont pas toujours réalisées, mais elles permettent de fixer des objectifs, et indirectement utiliser les schémas comme instruments de rationalisation de l’action des collectivités territoriales. Il arrive que les schémas soient directement désignés comme un moyen de rationalisation de l’action publique locale. Dans tous les cas, il n’est pas possible de nier ce caractère du développement de la planification locale : elle participe du renouvellement des relations entre l’État et les collectivités territoriales dans un contexte de réduction des dépenses.
Les schémas, en tant qu’instruments de planification, présentent des caractéristiques propres qui induisent une nature juridique particulière. Cette spécificité implique un régime juridique dérogatoire.
Partie II – Un régime juridique complexe
- 460. La nature juridique d’un acte doit guider son régime juridique. Mais dans le cas d’un acte dont la nature juridique est incertaine, ou en cours de définition, le régime juridique est également soumis à interrogation. Il faut alors, pour dresser un panorama, et envisager une cohérence, s’appuyer à la fois sur les données existantes dans le domaine contentieux, mais également sur des analogies faites à partir de documents appartenant à la catégorie du droit souple. Au-delà du statut contentieux des schémas, une question s’impose, celle des effets des schémas : l’utilisation dans le domaine de la planification de ces documents se révèle-t-elle efficace ?
- 461. L’étude du régime juridique du schéma ne peut s’affranchir de létude de son régime contentieux dans un premier temps. L’appréhension par le juge administratif de ces instruments s’avère être un élément crucial pour permettre d’identifier les caractéristiques communes du régime juridique des schémas. Mais une telle étude ne peut être que partielle : la jurisprudence relative aux actes de droit souple, catégorie au sein de laquelle les schémas s’inscrivent, n’est pas définitivement fixée par le Conseil d’État. Néanmoins, au regard des décisions rendues, une certaine logique se dégage, permettant de se prononcer à la fois sur la recevabilité des recours, mais aussi sur les conditions de légalité externe et interne de ces documents (Titre 1).
- 462. L’étude du régime juridique des schémas ne doit pas écarter la question de leur mise en œuvre, et plus particulièrement de l’efficacité de ces instruments. En effet, le développement des schémas au cours des deux dernières décennies ne semble pas avoir été réalisé, dans un souci de cohérence, en poursuivant un objectif clair. Or, il est nécessaire, pour que la planification soit efficace, qu’elle soit concertée et cohérente, et non dispersée et anarchique. Il faut ainsi identifier les éléments permettant une progression qualitative, par le biais, notam-ment, de classifications, de définitions, et de regroupements pertinents d’instruments (Titre 2).
- 1.
Titre 1 – Le régime contentieux des schémas
- 463. Les schémas n’appartiennent pas à la catégorie des actes administratifs unilatéraux, mais relèvent de la catégorie des actes de droit souple. En tant qu’actes de droit souple, les schémas auraient dû échapper pour partie aux recours contentieux. Leur objet, la planification, ne les prédestine pas à être classés dans la catégorie des actes administratifs faisant grief, mais plutôt dans celle des actes ne faisant pas grief.
- 464. Néanmoins, au regard de l’augmentation du nombre d’actes de droit souple, et de leur influence sur les autres normes ainsi que sur les comportements de leurs destinataires, il appa-raît que cette exclusion n’est plus satisfaisante juridiquement. Au-delà des seuls effets juri-diques, qui paraissent certes limités, l’objet du droit souple est la modification des comportements, l’orientation de ceux-ci. Ainsi, il convient de permettre la contestation de ces documents devant le juge administratif. Or, si cette situation impose une contestation, celle-ci doit être adaptée à la nature particulière de l’acte, mais aussi à son contenu. En effet, la catégorie des actes de droit souple n’est pas homogène, elle recoupe différentes réalités de la vie administrative, comprenant les schémas, les lignes directrices, les recommandations et les prises de positions éditées par les autorités de régulation, etc. Ces catégories d’actes elles-mêmes ne sont pas homogènes : si les actes de chaque catégorie disposent de caractéristiques comparables, voire semblables, justifiant leur dénomination commune, ils ne sont pas identiques quant à la portée de leur contenu. Il n’est donc pas justifié que l’ensemble des actes de droit souple puissent être contrôlés par le juge administratif. L’hétérogénéité de chaque catégorie d’acte ne permet pas non plus de consacrer une recevabilité par catégorie d’acte. Il convient alors de mettre en avant des critères permettant de déterminer les conditions dans lesquelles le juge pourra connaître des recours contre les schémas (Chapitre 1).
- 465. La question de la recevabilité ne révèle toutefois qu’une partie des interrogations relatives aux schémas. Le contrôle exercé, ou qui pourrait être exercé, par le juge sur de tels actes doit également être examiné. Tout d’abord au regard de la nature de ces actes – ceux-ci n’exigeant que rarement un rapport de conformité, préférant les rapports de compatibilité et de prise en compte –, et des différents aménagements du contrôle de la légalité, le contrôle du juge doit être étudié vis-à-vis de son adaptation aux schémas. De plus, l’inscription de ceux-ci dans le cadre du droit des collectivités impose qu’une attention particulière soit portée, dans le cadre de leur contrôle contentieux, au respect des différents principes constitutionnels irriguant ce domaine d’action (Chapitre 2).
Chapitre 1 – Les conditions de l’accès au juge
- 466. Jean-Marc Sauvé, dans l’avant-propos de l’Étude annuelle du Conseil d’État pour l’année 2013, soulève la nécessité d’une évolution des critères de recevabilité des normes de droit souple devant le juge administratif :
« Ce droit [le droit souple], si du moins il s’agit bien d’un droit, qui a priori ne bénéficie pas d’une grande forme normative ni d’une quelconque justiciabilité, peut-il réellement intéresser le conseiller du Gouvernement et du Parlement ou le juge des « vrais » actes de l’administration, ceux dont la valeur normative est suffisamment affirmée pour qu’ils soient saisis, justement, par ce juge au contentieux ?
Une telle lecture de l’ordonnancement juridique et du rôle du Conseil d’État est à tout le moins datée, sinon erronée. Étranger au Conseil d’État, le droit souple, pourquoi le resterait-il ? »
Ces quelques lignes traduisent très bien la problématique soulevée par le droit souple : son développement et ses effets ne permettent pas de le maintenir écarté des prétoires, le juge administratif doit pouvoir connaître du droit souple, et donc des schémas.
- 467. Au-delà du constat selon lequel les actes de droit souple ne doivent pas être en dehors du droit, il est nécessaire de définir comment le juge doit déterminer les actes pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, et ceux devant rester sous l’empire de l’adage « de minimis non curat praetor ». En effet, l’ouverture des prétoires à l’ensemble des recours contre les actes de droit souple n’aurait pas d’effet positif : cela ne reviendrait qu’à encombrer plus encore les tribunaux administratifs, et par la faible importance des actes contestés, cela n’apporterait rien au raisonnement juridique. Il conviendrait donc de mettre en place des critères de recevabilité spécifiques à ces actes, en les comparant aux critères déjà établis par le juge concernant d’autres catégories d’actes relevant également du droit souple (Section 1).
- 468. Une deuxième question doit alors être soulevée, celle de l’utilisation du droit souple, et des schémas, par le juge administratif. Dans l’optique où certains schémas, ou certaines parties du schéma, pourraient être contrôlés par le juge administratif, il faut également se poser la question de leur potentielle utilisation dans le cadre d’un recours contre un autre acte. Deux hypothèses sont alors envisageables : celle de l’exception d’illégalité, et celle du schéma comme fondement juridique du contrôle de légalité (Section 2).
Section 1 – Un acte faisant grief
- 469. Pour qu’un acte puisse être soumis au contrôle des juridictions administratives, celui-ci doit être considéré comme faisant grief. Les schémas sont des actes faisant grief. Cette affirmation peut paraître évidente ; la justiciabilité du schéma a pourtant pu poser problème (§ 1), mais le juge administratif semble avoir fait évoluer sa position en faveur de la recevabilité des recours à l’encontre des schémas (§ 2).
§1 – Une justiciabilité initialement incertaine
- 470. Les schémas, en tant que documents issus du droit souple, ont été relégués soit dans la catégorie des actes infra-réglementaires, exclus du recours pour excès de pouvoir (A), soit dans la catégorie des actes périphériques (B).
A – Les actes insusceptibles de recours
- 471. Les schémas auraient pu appartenir à deux catégories d’actes insusceptibles de recours, les mesures d’ordre intérieur (1), ou les actes classifiés comme infra-droit (2).
1 – Les mesures d’ordre intérieur
- 472. La question de la possibilité pour un requérant de contester l’ensemble des actes édictés par l’administration n’est pas une nouveauté. Au début des années 1930, Jean Rivero a consacré sa thèse à la question des caractères que revêtent les actes de la vie interne des services publics. Il s’interrogeait, à partir d’une étude de la jurisprudence du Conseil d’État, sur les modalités d’acceptation des recours à l’encontre des actes de la vie intérieure des administrations que sont les instructions, circulaires et autres actes qu’il rassemblait sous l’appellation « mesures d’ordre intérieur ».
- 473. Néanmoins, il ne s’agit pas à proprement parler d’une catégorie juridique, mais simplement d’une expression désignant un ensemble d’actes dont le point commun est d’être insusceptible de recours ; le terme désigne alors un « acte d’administration intérieure qui ne peut être l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ». Près de quarante ans plus tard, cette définition a été jugée trop extensive pour pouvoir revêtir les caractères d’une catégorie juridique. Le champ des mesures d’ordre intérieur doit être réduit aux seuls actes non contestables dont l’irrecevabilité est justifiée par l’emploi du terme : « d’ordre intérieur ». La mesure d’ordre intérieur a alors pris le sens qui est le sien actuellement, cet acte de l’administration dont les effets sont « des décisions relevant du pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative ; elles échappent au contrôle du juge qui considère qu’elles ne font pas grief à leurs destinataires et qu’elles ne sont que la manifestation de la ‘vie intérieure’ du service public ». La mesure d’ordre intérieur devient alors l’une des catégories d’actes ne faisant pas grief, le juge ne leur reconnaissant pas l’importance nécessaire pour faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette catégorie juridique a connu une forte diminution au cours des 25 dernières années. Après avoir déclaré que certaines décisions prises dans le milieu scolaire n’étaient plus exemptes de recours juridictionnel, le Conseil d’État, par deux arrêts de 1995, Marie et Hardouin, a entamé la réduction de la catégorie des mesures d’ordre intérieur. En basant son analyse sur les effets sur la situation, ainsi que sur l’atteinte aux droits et libertés du destinataire de la mesure, le Conseil d’État a institué un critère permettant de déterminer, au sein des décisions prises par l’administration pour la gestion de ses affaires internes, les décisions pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Par la suite, ces critères ont été précisés pour obtenir une meilleure prévisibilité des recours. Cette ouverture des prétoires n’a pourtant pas mis fin à l’existence de la catégorie des mesures d’ordre intérieur. Elles continuent d’exister au sein de l’administration.
- 474. Le schéma aurait pu s’inscrire dans la définition de l’acte intérieur donnée par Jean Rivero, notamment pour ce qui est des schémas de mutualisation qui se veulent internes à un groupement de collectivités. Mais ils ne relèvent pas du pouvoir discrétionnaire de l’administration, et n’ont pas pour objet la vie intérieure du service public. Même s’il était possible de faire coïncider la définition de certains schémas avec celle des mesures d’ordre intérieur, toujours en se concentrant sur les schémas de mutualisation qui ont pour objet l’organisation des services, ils n’en constitueraient pas d’avantage des mesures d’ordre intérieur. Au regard du développement de la jurisprudence réduisant la catégorie des mesures d’ordre intérieur sur le fondement de sa nature et de ses effets, les schémas de mutualisation, lorsqu’ils ont pour conséquence des modifications de lieux d’exercice de leur activité pour des personnels, des changements d’autorité de gestion, ne peuvent être regardés comme dénués de tout effet sur les agents ; il serait alors logique que les dispositions prévoyant ces modifications soient contrôlées par le juge, étant donné leurs effets sur les tiers au schéma que sont les agents.
- 475. Néanmoins, la catégorie des mesures ne faisant pas grief ne se limite pas aux seules mesures d’ordre intérieur, mais se révèle assez vaste et recouvrant diverses réalités.
2 – L’infra-droit
- 476. Les mesures ne faisant pas grief font partie de ce que Jean-Marie Pontier qualifie de normes « infra-réglementaires », celles-ci « concernent l’organisation interne du service ». Elles ne relèvent donc pas, à proprement parler, des normes inférieures aux normes réglementaires, mais pourraient être vues comme constituant les normes les plus basses de la pyramide des normes réglementaires. Ces règles sont réputées ne pas intervenir en dehors du service, n’être cantonnées qu’à la sphère administrative. L’absence d’effet juridique extérieur à l’administration, ainsi que les faibles effets juridiques internes à l’administration, justifient l’irrecevabilité des recours contre ces actes. Pour autant, ces actes ne sont pas dépourvus d’effets sur les situations juridiques, même si ceux-ci peuvent paraître très limités.
- 477. Cette catégorie juridique, l’infra-réglementaire, comprend également les actes dits préparatoires. Il s’agit d’actes qui « s’insère[nt] dans le processus d’édiction d’une décision encore hypothétique ». Ils ont pour point commun avec les mesures d’ordre intérieur de ne pas pouvoir faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Néanmoins, cette catégorie uniquement contentieuse recouvre diverses réalités : les actes qualifiés par le juge administratif d’actes préparatoires ne forment pas un groupe homogène, et au sein de cette catégorie, certains actes ne sont pas dépourvus de caractère normatif. Même dans le cas où les actes ne sont pas dénués de caractère normatif, le juge estime que contester cet acte ne permettra que de retarder l’adoption de l’acte définitif, et que « la décision ultérieure […] déploiera les effets les plus importants ». La contestation n’est donc que simplement différée, et ne sera dirigée que contre l’acte final. Avec l’intérêt particulier, contrairement à d’autres actes ne faisant pas grief, de pouvoir contester par la voie de l’exception d’illégalité l’acte préparatoire . Les actes préparatoires, bien que ne faisant pas grief, pourront néanmoins voir leur légalité examinée.
- 478. Les juridictions administratives ont considéré, lors des premiers recours contre les schémas départementaux de coopération intercommunale issus de la loi du 16 décembre 2010🏛, que ceux-ci ne pouvaient pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Ils étaient alors relégués à la catégorie des actes ne faisant pas grief. Pour autant, les fondements de ce refus d’examen n’étaient pas identiques. Alors que la Cour administrative d’appel de Lyon qualifie le schéma d’acte préparatoire, la Cour administrative de Nancy le considère comme un acte insusceptible de recours en raison de son absence de normativité : « le schéma départemental de coopération intercommunale constitue un document d’orientation et de programmation de l’organisation intercommunale dans le département […] il ne comporte aucun effet prescriptif qui soit directement et immédiatement opposable aux communes et établissement publics de coopération intercommunale ». Certes, l’effet immédiat pour le justiciable est semblable : le recours contre le SDCI n’est pas possible directement. La qualification a un intérêt pour les recours futurs. La qualification choisie par les juges lyonnais, acte préparatoire, permettait de ménager une possibilité de contestation par la voie de l’exception d’illégalité, ce que ne semblait pas évoquer la juridiction nancéenne. Ainsi, dans un cas, un recours pouvait être envisagé afin de contester les SDCI, ce qui permettait de répondre à la nécessité de contester les instruments de planification.
- 479. Le choix de reléguer les SDCI au rang des actes ne faisant pas grief est explicable. En effet, ceux-ci n’emportent en eux-mêmes aucun effet juridique, ils ne modifient aucune situation juridique, ne créent pas de droits. Le SDCI pourrait être apparenté à un rapport d’étape, au sein duquel chaque préfet présente une synthèse des regroupements intercommunaux existants, et les prévisions de regroupements et de diminution de ceux-ci. Il n’emporte pas en lui-même de conséquences juridiques immédiates. Dans ces conditions, le rejet des recours directement dirigés contre lui était logique. Néanmoins, d’autres caractéristiques de ce document contredisent la position jurisprudentielle selon laquelle le SDCI, et d’autres schémas, appartiendraient à la catégorie des actes ne faisant pas grief.
B – Un acte nécessitant une contestation
- 480. Les documents de planification, définis comme de simples documents d’orientation, n’entraient pas dans le champ des actes contrôlés par le juge administratif. Les raisonnements adoptés par les cours administratives d’appel étaient justifiés par cette définition du schéma. Le SDCI est bien un acte fixant des objectifs de rationalisation de la carte intercommunale. En d’autres termes, il est l’acte au sein duquel le préfet établit un état des lieux de l’intercommunalité et les recompositions qui doivent être opérées afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi. Ces indications, si elles présentent des intérêts certains pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, ne restent que des orientations, sans effet de droit saisissable. Pour le rapporteur public de la Cour administrative d’appel de Nancy, « les SDCI ne définissent rien, ne fixent rien, ne déterminent rien » ; il ajoute : « les textes ne nous inclinent pas à reconnaître aux SDCI une intensité normative telle qu'elle justifierait que ces schémas soient susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, puisque l'article 60 dit clairement que le SDCI ne se suffit pas à lui-même, que sa mise en œuvre nécessite l'adoption d'actes ultérieurs ». Pour le magistrat, suivi par la juridiction sur ce point, le SDCI n’a pas de caractère normatif. Deux éléments sont évoqués dans ses conclusions, et qui ne sont pas repris dans la décision de la CAA de Nancy : la divisibilité des dispositions du schéma et le caractère d’acte préparatoire. Tout d’abord, la qualité d’acte préparatoire, reconnue par d’autres décisions, et notamment par la décision des juridictions de première instance dont les requérants relevaient appel, est proposée par Jean-Marc Favret, mais n’est pas retenue par la juridiction d’appel. L’hypothèse de la détachabilité de l’acte est aussi rapidement envisagée. Il s’agit d’identifier au sein d’un acte les dispositions normatives, et celles qui n’ont pas ce caractère. Cette méthode est écartée par le rapporteur, sans même une tentative d’application. Mais les hésitations présentes dans ces décisions et ces conclusions laissent entrevoir les problématiques soulevées par les recours contre les documents d’orientation et plus particulièrement les schémas.
- 481. L’affirmation selon laquelle le schéma, et, plus largement, les instruments de droit souple, ne produisent pas d’effets juridiques est de moins en moins convaincante. L’absence de contrainte directe, qui est la marque des instruments de droit souple, selon la définition donnée par le Conseil d’État, ne s’oppose pas, et n’a jamais été opposée, à l’existence d’effets juridiques. Au contraire, le choix a été fait de limiter la valeur contraignante des nouveaux instruments, notamment pour associer plus d’acteurs du territoire et établir des documents issus d’une concertation, dans l’optique d’obtenir des résultats. C’est bien cet objectif, parvenir, par la modification des comportements, à un résultat initialement identifié, qui est poursuivi par les instruments de droit souple. Cette constatation peut expliquer la confusion qui s’est emparée des juridictions administratives, comme avant elle des services de la préfecture.
- 482. La position adoptée par les juridictions lyonnaises reflète également cette confusion, dans la mesure où, sans reconnaître de recours direct contre le SDCI, elle lui confère une certaine normativité en le qualifiant d’acte préparatoire. Par cette qualification, les juges avaient ouvert, au bénéfice des collectivités et EPCI affectés par la mise en œuvre du SDCI, une possibilité de recours, afin de vérifier la compatibilité entre les orientations du schéma et les actes qui le mettent en œuvre : « à cet égard, ce schéma paraît bien constituer une mesure préparatoire insusceptible de recours mais dont la légalité pourrait être contestée par voie d'exception à l'appui du recours dirigé contre la décision finale du préfet prononçant la création, la transformation, la fusion ou la suppression d'un EPCI. » En effet, en consacrant la contestation possible du SDCI par la voie de l’exception, les juges reconnaissent qu’il a des effets, qu’il exerce une influence sur les documents finaux de l’opération.
- 483. De nombreuses hésitations ont marqué les premiers recours contre les schémas, opposant deux interprétations du droit souple : le schéma appartient au droit souple qui, pour être efficace, ne doit pas être trop prescriptif, et ne peut donc être contesté devant le juge ; le droit souple n’est certes pas prescriptif, mais il n’est pas dénué d’effets, sa contestation est alors envisageable, mais elle ne doit pas être la même que pour les actes « classiques ». C’est cette seconde interprétation qui semble devoir être retenue au regard de l’évolution de la position des juridictions administratives.
§2 – L’évolution vers la justiciabilité
- 484. La position des juridictions administratives à l’égard des actes ne faisant traditionnellement pas grief évolue depuis une trentaine d’années : cette catégorie a tendance à diminuer, les juges étendant leur contrôle. En s’inspirant du régime des circulaires (A), les juges font évoluer le régime des instruments de droit souple (B).
A – Un régime inspiré de celui des circulaires
- 485. Longtemps cantonnées au domaine de l’infra-droit, les circulaires étaient peu examinées par le juge administratif. Pour autant, leur examen était nécessaire : le non-examen par les juridictions ne signifie pas l’absence de vice. Ce problème n’avait pas échappé aux juges qui, dès 1954, ont cherché une parade permettant d’inclure dans le champ de leur contrôle les circulaires qui créaient du droit, en dépit de l’incompétence de leur auteur. Néanmoins, si la distinction créée par cette décision entre les circulaires réglementaires et interprétatives était opportune du point de vue du vice d’incompétence, elle n’était pas satisfaisante du point de vue de la légalité de ces actes dans son ensemble. Ce principe a été conservé pendant près d’un demi-siècle, sous réserve de certaines adaptations, avant que le Conseil d’État n’opère une clarification des conditions de recevabilité des recours contre les circulaires : « les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief ». La recevabilité des recours à l’encontre des circulaires est conditionnée par l’identification, au sein de celles-ci, de dispositions impératives à caractère général. La notion de « dispositions impératives à caractère général » n’est cependant pas explicitée dans la décision Duvignères. Les juges ont précisé, au fil des recours, sa signification, ce qui a permis à la doctrine de déterminer un faisceau d’indices pour identifier les dispositions impératives à caractère général. Le juge s’intéresse tout d’abord aux intentions de l’auteur, mais aussi à la perception du destinataire de la circulaire. Le juge n’est pas tenu par l’appellation choisie par l’administration, il examine le contenu de la circulaire ou de l’instruction. Il s’attache à examiner les orientations, afin de définir si les auteurs de la circulaire ont laissé aux destinataires une marge de manœuvre ou si la circulaire prescrit une attitude à suivre.
- 486. Le juge administratif a ainsi amendé sa jurisprudence et dégagé une nouvelle modalité lui permettant de distinguer entre les actes ne faisant pas grief, les dispositions non-impératives des circulaires, et les actes faisant grief, les dispositions impératives des instructions ou circulaires. Il est possible d’établir un parallèle entre les circulaires, instrument initialement propre à la vie interne de l’administration qui s’est développé jusqu’à pénétrer le champ du droit, et les schémas. En effet, suivre le raisonnement indiqué pour les circulaires permettrait d’établir, pour les instruments de droit souple en général et pour les schémas en particulier, une grille de lecture pour déterminer leur justiciabilité. Ce parallèle se justifie au regard de la nature des schémas. Ces derniers n’ont pas vocation à modifier directement ni unilatéralement l’ordre juridique, mais visent à influer sur les comportements. Or, il est possible de comparer, sur ce point, le sens premier des circulaires et la définition des instruments de droit souple. Ces deux types d’acte ont vocation à expliciter une marche à suivre, un objectif à atteindre, mais sans contrainte, ou du moins, sans ordre direct. Il en va de même des lignes directrices. Ainsi, il est logique, au regard de la nature de ces actes, mais aussi de leur rédaction, que soit appliqué aux schémas le même raisonnement que pour les circulaires ou encore les dernières évolutions relatives à la recevabilité des recours contre les lignes directrices.
- 487. Dans le cas où le critère de l’impérativité pourrait être retenu, il présenterait un second avantage. Dans le cadre des recours à l’encontre des circulaires, le juge ne retient pas la recevabilité de l’ensemble des dispositions du document, mais uniquement de dispositions impératives à caractère générale. Le juge opère alors, au sein de la circulaire, une distinction entre les dispositions indicatives, et impératives, seules les dernières pouvant faire l’objet d’un recours. Or, dans le cas des schémas, l’ensemble des dispositions n’ont pas le même caractère : il convient alors de se pencher sur la formulation de ces dispositions, pour pouvoir déterminer la recevabilité du recours. La transposition du critère de recevabilité des circulaires aux schémas paraîtrait alors possible.
- 488. Le domaine des circulaires n’est pas le seul à exister dans le cadre de la recevabilité des actes au préalable considérés comme ne pouvant faire l’objet de recours pour excès de pouvoir.
B – L’évolution de la jurisprudence à l’égard des prises de position et des mesures de régulation
- 489. Le juge administratif a, depuis quelques années, élargi son champ d’action contentieux, se reconnaissant le droit de connaître de la légalité d’actes de plus en plus nombreux, et de plus en plus divers. Il a tout d’abord fait évoluer sa jurisprudence en s’appuyant sur les critères mis en lumière par la jurisprudence Duvignères (1), avant d’identifier des critères propres aux prises de positions et aux mesures de régulation (2).
1 – L’évolution de la jurisprudence à l’aide des critères de la jurisprudence Duvignères
- 490. Le premier mouvement permettant l’ouverture du prétoire à ces actes de droit souple s’est fait en corrélation avec la jurisprudence Duvignères : le juge administratif ayant eu tendance à voir les instruments de droit souple que sont les avis et recommandations comme des circulaires. Néanmoins, cette assimilation a pu provoquer des critiques dans la mesure où les recommandations en question n’émanaient pas d’une autorité hiérarchique, mais de la Haute autorité de santé (HAS), autorité administrative indépendante, et étaient publiées par arrêté du ministre de la Santé. Elles sont destinées aux praticiens de santé. Or, les médecins, à qui ces recommandations de bonne pratique sont adressées, ne sont pas hiérarchiquement soumis à l’HAS, ni même au ministre de la Santé qui homologue les recommandations. Cette solution a pourtant été étendue à d’autres recommandations émises par des autorités administratives indépendantes : « une telle clé de lecture n’est cependant guère satisfaisante car l’auteur de ces actes n’exerçant généralement pas de pouvoir hiérarchique sur les destinataires, il ne peut leur donner un caractère impératif au sens de la jurisprudence Duvignères, à moins d’édicter un véritable règlement de droit dur ».
- 491. La position adoptée par le Conseil d’État concernant les recommandations de la HAS a évolué, sans doute à la suite des critiques liées à l’absence de lien hiérarchique, le recours étant ouvert dans la mesure où :
« les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute Autorité de santé sur la base de ces dispositions ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ; qu'eu égard à l'obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d'assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu'elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir »
La recevabilité du recours n’est donc plus fondée sur l’impérativité et le lien hiérarchique, mais sur, d’une part, une donnée plus objective : les connaissances médicales ; et sur, d’autre part, un élément subjectif : l’obligation déontologique. Mais cette obligation, si elle lie les destinataires de la recommandation, ne créée pas de lien entre l’auteur de la recommandation et son destinataire : le destinataire obéit sur un autre fondement que celui de l’autorité hiérarchique. Le lien hiérarchique est donc remplacé par le lien déontologique.
- 492. L’argument du lien hiérarchique doit être étudié également dans le cas des schémas. Il n’est pas totalement inexistant, notamment dans le cas des schémas de mutualisation, ceux-ci ayant vocation à s’appliquer au sein de la collectivité l’ayant adopté. Dans ce cadre, le critère des dispositions impératives à caractère général peut s’avérer utile pour déterminer la recevabilité du recours. Il ne peut en aller de même des autres schémas : en dehors de certains cas, ceux-ci sont édictés par une collectivité, un groupement de collectivités, ou une autorité déconcentrée, et ont vocation à s’appliquer sur un territoire. Le lien hiérarchique doit alors être écarté. En effet, dans le cas des schémas adoptés par les autorités déconcentrées, il est impossible au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales ; dans le cas des schémas adoptés par une collectivité, il est limité par le principe de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre. Ces deux principes sont énoncés à l’article 72 de la Constitution. À cette absence de pouvoir hiérarchique, doit être ajoutée l’absence d’obligation déontologique. En effet, il n’est pas possible d’assimiler les collectivités territoriales aux médecins. Il est alors plus approprié de rechercher des critères complémentaires à celui des dispositions impératives à caractère général pour reconnaître la recevabilité des recours contre les schémas.
2 – Le complément au critère de l’impérativité : les effets de la mesure
- 493. Les autorités de régulation, autorités administratives indépendantes, sont dotées d’une double compétence : elles disposent d’un pouvoir de sanction – dans le cadre duquel leurs décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif – mais aussi d’un pouvoir non répressif, leur permettant de préciser le cadre de leurs propres actions, mais aussi de se prononcer sur les actions des opérateurs du domaine dans lequel elles interviennent. Ce second pouvoir, donne lieu à l’adoption, ainsi qu’à la publication d’actes, qui sans pour autant modifier l’ordonnancement juridique, ne sont pas dénués d’effet. C’est en raison de ces effets que le juge a peu à peu accepté de connaître de ces actes. Pour ce faire, il a dû ajuster sa jurisprudence et déterminer de nouveaux critères de recevabilité.
- 494. Tout en ne reniant pas le critère de Duvignères, le juge a ajouté d’autres critères :
« Considérant qu'il est loisible à l'Autorité de la concurrence, lorsqu'elle exerce la faculté d'émettre un avis que lui reconnaît l'article L. 462-4 du code de commerce🏛, de faire toute préconisation relative à la question de concurrence qui est l'objet de son analyse, qu'elle s'adresse au législateur, aux ministres intéressés ou aux opérateurs économiques ; que les prises de position et recommandations qu'elle formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief ; qu'il en irait toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l'Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance ; »
- 495. Le Conseil d’État intègre peu à peu le droit souple, avant de lui accorder une reconnaissance particulière, et augmente le nombre d’actes susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette tendance s’est confirmée en 2016. Par deux décisions, le Conseil d’État a de nouveau affirmé sa volonté de pouvoir connaître de certains actes qualifiés par lui-même de droit souple. Néanmoins, ces deux décisions ne concernent pas directement les recours contre les actes de droit souple de la planification. Elles déterminent les conditions de recevabilité et de légalité des actes de droit souple, mais uniquement pour ceux émanant des autorités de régulation. En l’espèce, il s’agissait d’un communiqué de mise en garde publié par l’Autorité des marchés financiers (affaire Société Fairvesta international GMBH) et d’une prise de position de l’Autorité de la concurrence qui constatait une modification de la situation de fait qui influait sur l’application d’une injonction précédemment émise par cette même autorité administrative indépendante (affaire Société Numéricable). Ces critères ne semblent pas pouvoir s’appliquer directement aux instruments de planification que sont les schémas, mais ne sont pas sans intérêt du point de vue du droit souple et de ses effets. En effet, en plus de l’ouverture du recours en cas de « dispositions générales et impératives », le recours est possible lorsque ces actes « énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ». Le Conseil d’État ajoute : « ces actes peuvent également faire l’objet d’un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».
- 496. Le Conseil d’État tend à unifier les conditions de recevabilité des actes de droit souple, et, à cette fin, a introduit une nouvelle formulation quant aux conditions de recevabilité :
« Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. »
Cette formulation « fusionne » les jurisprudences relatives aux circulaires, aux lignes directrices et aux actes des autorités de régulation. Cette nouvelle formulation réunit les critères d’impérativité et d’effets notables sur les tiers, ou plutôt il fait de l’impérativité une des possibilités par lesquelles un acte est susceptible de produire des effets notables sur les tiers. Le Conseil d’État procède ainsi à l’extension de son contrôle sur la « littérature grise » de l’administration. Le caractère impératif n’est plus l’unique critère de recevabilité des recours dirigés contre les circulaires, mais devient un critère alternatif. Si la condition d’impérativité n’est pas remplie, le juge pourra s’appuyer sur l’existence d’effets notables à l’égard des tiers, et ainsi prendre mieux en compte le fonctionnement réel de l’administration. La question des effets devient centrale dans l’examen de la recevabilité des recours contre les actes de droit souple, comme le démontre les applications récentes de la jurisprudence GISTI.
- 497. Les deux critères mis en lumière par les décisions Fairvesta et Numéricable – produire des effets notables et influer de manière significative sur les comportements – semblent être liés à la nature particulière des actes édités par les autorités de régulation, tout en apportant une précision quant à la prise en compte des effets des instruments de droit souple. Ceux-ci ne sont pas dénués d’effet, juridique ou non juridique. Ils ont pour but de modifier une situation de fait ou de droit. Ce critère pourrait être utilisé dans le cadre des recours contre les schémas. En effet, ce dernier est assez modulable, le Conseil d’État ayant laissé entrouverte une possibilité d’utilisation de ce critère : en précisant « de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique », le juge semble nous indiquer qu’il est possible d’identifier d’autres effets, non-économiques, qui permettraient de rendre le recours recevable. Il a par exemple estimé que les appréciations émises par la Haute Autorité pour la transparence dans la vie publique assorties à la déclaration de situation patrimoniale d’un député étaient susceptibles de recours en raison de ses effets en termes de réputation, et de l’influence que ces appréciations pouvaient avoir sur les électeurs. La dernière condition énoncé par le Conseil d’État, « ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent », illustre parfaitement la nature des instruments de planification que sont les schémas. Ceux-ci, dans leur mise en œuvre n’imposent pas une action, mais s’intéressent plus volontiers à l’obtention d’un résultat. Influer sur le comportement des autres collectivités, ou groupements de collectivités – destinataires de ces actes – est l’objectif de la planification locale. Il est possible de penser que ce critère serait alors applicable aux documents locaux de planification, pour lesquels le doute demeure quant à leur recevabilité.
- 498. En octobre 2016, le Conseil d’État a pour la première fois pu connaitre de la recevabilité d’un recours dirigé contre un SDCI. Toutefois, la décision de la plus haute juridiction administrative française est très laconique sur les raisons de la recevabilité d’un tel acte. Elle a qualifié la nature du SDCI, acte non-réglementaire, avant de rejeter le recours de la communauté de communes dirigé contre le schéma, comme ayant été introduit tardivement. Le considérant de principe consacré par les décisions Fairvesta et Numéricable n’a pas été utilisé dans le cadre de ce contentieux. Mais cette absence d’utilisation est logique au regard de l’objet même de la requête : il ne s’agissait pas de contester le SDCI directement, mais par la voie de l’exception d’illégalité.
- 499. L’apparition des actes de droit souple a soulevé diverses questions quant à leur régime juridique, et en premier lieu la question de la recevabilité des recours exercés à leur encontre. Le droit souple ne produit certes pas de contrainte directe comme celle induite par la notion d’acte décisoire, mais il n’est pas dépourvu d’effets juridiques et extra-juridiques, ce qui a conduit les juridictions à ouvrir leurs prétoires à certains de ces actes, dont une grande partie des schémas. La reconnaissance de la recevabilité des schémas est importante pour permettre leur contestation directe, mais la question de leur invocabilité peut se révéler toute aussi importante.
Section 2 – Le schéma source de légalité
- 500. Le schéma, en tant qu’acte de planification, contient des orientations qui doivent être mises en œuvre. La mise en œuvre n’est pas uniforme, elle peut être directe, ou par l’intermédiaire de documents de planification plus précis. Mais, quelle que soit la nature de ces actes, leur source de légalité sera le schéma qu’il met en œuvre. La légalité du document de mise en œuvre est alors liée au contenu du schéma. Pour que ce lien soit respecté, les moyens d’atteindre les objectifs du schéma doivent pouvoir être confrontés par le juge au contenu du schéma qu’il met en œuvre. Il est alors nécessaire que les schémas soient invocables, dans le cadre d’un recours contre un document le mettant en œuvre (§ 1). Il convient également, au-delà de la question de l’invocabilité, de s’interroger sur l’application de la théorie de l’exception d’illégalité aux schémas (§ 2).
§1 – L’invocabilité des schémas
- 501. L’invocabilité des schémas est rendue nécessaire par leur mise en œuvre : le contrôle de légalité des actes de mise en œuvre des dispositions des schémas ne serait pas complet ni effectif s’il n’était pas possible de les confronter aux dispositions des schémas. Néanmoins, cette invocabilité ne peut être absolue, elle connaît deux séries de limites, une limite intrinsèque à l’acte (A) et des limites extrinsèques (B).
A – La détermination des dispositions invocables
- 502. La violation de la loi est « le vice qui entache le contenu de l’acte administratif, lorsque les dispositions de celui-ci transgressent directement le droit en vigueur. Le terme de ‘loi’ doit en effet être entendu largement, désignant aussi bien les sources formelles de la légalité (Constitution, normes internationales, lois proprement dites…) que jurisprudentielles ». Dans le cadre de ce cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir, il convient de déterminer quelles sont les « sources » utilisables. La question qui se pose concernant les schémas est celle de leur possibilité d’être invoqués, en tant que source du droit. La réponse semble assez évidente : ils sont des documents, certes souples, mais qui nécessitent une mise en œuvre, et donc l’adoption d’actes non-réglementaires. Or, dans le cadre du contrôle de légalité des actes de mise en œuvre d’un schéma, ce dernier devient une source.
- 503. La première manifestation de cette invocabilité réside dans la loi elle-même. Lorsqu’il est inscrit dans le code de l’urbanisme, par exemple, que tel ou tel document doit être compatible ou prendre en compte un SCOT, il consacre l’invocabilité de celui-ci. Si pour le SCOT, les dispositions sont claires et ne laissent entrevoir que peu de marge de manœuvre, les termes choisis par le législateur peuvent se révéler ambigus ; ils ne présentent pas clairement le rapport juridique existant entre les schémas et les documents les mettant en œuvre.
Dans le cadre du SCOT, le code de l’urbanisme énonce clairement « Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale ».
Dans le cas du SRADDET :
« Les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, ainsi que les plans de déplacements urbains, les plans climat-air-énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux :
1° Prennent en compte les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ;
2° Sont compatibles avec les règles générales du fascicule de ce schéma, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables. »
Concernant le SDAGV :
« Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l'article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage les aires permanentes d'accueil aménagées et entretenues, les terrains familiaux locatifs et les aires de grand passage dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur leur territoire. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en œuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires et terrains dans le cadre de conventions intercommunales. »
Pour le SDCI :
« Sans préjudice de l'article L. 2113-9 et du V de l'article L. 5210-1-1, lorsque le représentant de l'État dans le département constate qu'une commune n'appartient à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou crée une enclave ou une discontinuité territoriale au sein du périmètre d'un tel établissement public, il définit, par arrêté, un projet de rattachement de cette commune à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, en tenant compte du schéma départemental de coopération intercommunale. »
- 504. Ces quatre exemples illustrent les différences de formulation choisies par le législateur pour encadrer l’invocabilité des schémas. Certes, les deux premiers, SCOT et SRADDET, présentent des similitudes dans la formulation, qui peuvent s’expliquer assez aisément. Tout d’abord, les deux documents trouvent à s’appliquer dans le même champ de compétence : aménagement du territoire et urbanisme. Mais cet élément seul ne suffit pas à justifier cette similitude, le SDAGV doit également être apparenté aux schémas d’aménagement du territoire, or il ne présente pas les mêmes caractéristiques quant à son invocabilité. Celle-ci est déduite du fait de l’obligation de mise en œuvre, par les communes et leurs groupements, du schéma. Cette mise en œuvre, devra donc se faire en accord avec les dispositions du schéma. Le domaine d’intervention du schéma ne semble donc pas pertinent. Autre point commun, la présence de ces schémas au sein d’un code – code de l’urbanisme et CGCT – même si celui-ci est différent. La codification des dispositions applicables serait alors un élément pouvant justifier la clarté de la formulation. Pour autant, cet argument se révèle contre-balancé par le flou entourant les effets du SDCI sur les actes de rationalisation de la carte intercommunale. Le code ne semble pas non plus être la bonne explication à la similitude de la formulation.
- 505. Il est possible de déceler une explication factuelle : la recodification du livre premier du code de l’urbanisme a été menée temporellement en parallèle de la rédaction et de l’examen au Parlement du projet de loi NOTRe ayant créé la formule actuelle du SRADDET. En ajoutant à cette concomitance la superposition de ces deux documents – le SCOT devant être compatible, ou rendu compatible avec le SRADDET – la similitude dans leur rédaction est explicable. Néanmoins, dans un souci de meilleure appréhension des schémas, il pourrait être intéressant d’harmoniser les dispositions relatives à leur respect et à leur mise en œuvre.
- 506. Au regard de la définition même de la violation de la loi, tous les schémas nécessitant une mise en œuvre devraient être sources de droit dans le cadre du contentieux des mesures d’application de ces derniers. La définition de la violation de la loi étant cependant plus large que le cadre de la seule mise en œuvre d’un document, il convient également de déclarer les schémas, sous condition de normativité, invocables de manière générale. Cette invocabilité est cependant limitée, d’une part en raison du principe d’indépendance des législations et de non-tutelle, d’autre part en fonction du contenu de chaque schéma.
- 507. Dans un second temps, il faut alors tenter de trouver des critères pour déterminer quelles seraient les dispositions pouvant être utilisées par le juge pour contrôler les mesures de mise en œuvre et les mesures inférieures aux schémas. Le contenu des documents de planification n’est pas homogène. Ils présentent un double caractère : constat et prévision. Au sein de la partie prévision, l’ensemble des dispositions ne présentent pas le degré normatif suffisant pour produire des effets de droit. Il est alors important, pour maintenir une efficacité contentieuse, de déterminer au sein des dispositions de la partie « prévision », lesquelles peuvent être utiles comme sources dans le cadre du contrôle de légalité. Cette identification est primordiale pour le juge, mais aussi pour les collectivités et autres acteurs locaux appelés à prendre des actes dans le champ d’action des schémas.
- 508. La loi demeure la première source permettant d’identifier, au sein d’un schéma, les dispositions pouvant devenir source de légalité. En effet, dans certains cas, le législateur identifie quelles sont les dispositions, ou, a minima, les parties de chaque schéma, qui doivent être respectées, et donc qui deviendront source de légalité dans le cadre du contrôle d’un acte d’application. Une fois encore, il n’existe pas de règle générale concernant cette détermination. Outre le cas où aucune partie du document n’est identifiée, seule une partie du document, un volet de celui-ci, peut être visé. C’est le cas par exemple concernant le SRADDET : l’obligation de compatibilité pesant sur les documents locaux d’urbanisme porte uniquement sur la partie du schéma dénommée « règles générales » ; dans le cas du SCOT, l’obligation de compatibilité porte sur le document d’orientation et d’objectifs. Au sein même de ces parties identifiées des documents, le législateur, ou le pouvoir réglementaire, peuvent opérer un second tri, en précisant que toutes les dispositions ne sont pas normatives. Dans d’autres cas, l’obligation portera sur des dispositions disséminées dans le schéma. Elles peuvent porter différentes appellations : orientations, objectifs… Toujours en prenant l’exemple du SRADDET, le législateur a choisi le terme « objectifs » qui doivent être pris en compte, et sont bien identifiés comme source de légalité pour les documents locaux d’urbanisme. Les termes d’objectifs et d’orientation se retrouvent également au sein du SCOT : le document d’orientation et d’objectifs se compose de trois parties, dont des orientations générales, qui doivent elles-mêmes être édictées dans le respect des orientations contenues dans le PADD.
- 509. Il n’existe pas de dénomination commune à l’ensemble des schémas, ce qui a conduit les juges à devoir identifier quelles dispositions deviennent source de légalité. Mais la diversité des terminologies, le législateur semblant ne pas avoir choisi d’utiliser un vocabulaire spécifique à la catégorie des schémas, entraîne une certaine incertitude. Il pourrait être envisagé de déterminer un critère, ou un ensemble de critères, permettant d’isoler, au sein des schémas, les dispositions pouvant fonder un contrôle, et celles ne le pouvant pas. Cette absence d’unité est renforcée par la conception du droit souple affichée par le Conseil d’État en 2013, qui écartait toute idée d’invocabilité de ces instruments au nom de leur caractère non obligatoire. Toutefois, cette justification n’est pas satisfaisante pour les schémas : certains présentent un caractère obligatoire, et pour une part des documents non obligatoires, leur adoption est tellement incitative, qu’elle se rapproche de la coercition. De plus, avant l’édiction de ce rapport, le juge administratif avait déjà reconnu que certaines dispositions des actes de droit souple, même non obligatoirement adoptés, pouvaient être invocables en tant que fondement d’une erreur de droit.
- 510. Une analogie peut être faite entre les dispositions contenues dans un schéma et d’autres actes de droit souple, notamment entre les circulaires et les lignes directrices. Traditionnellement, ces deux types d’actes de droit souple se distinguent par leur objectif : la circulaire s’intéresse aux moyens – expliciter les dispositions applicables – alors que la ligne directrice s’intéresse au but à atteindre – guider la prise de décision de l’administration. Si l’on examine les dispositions composant les schémas, certaines – celles qui relèvent du constat – ont une visée explicative, alors que les autres – les objectifs ou orientations – délimitent les conditions de fond dans lesquelles les actes inférieurs doivent s’inscrire. L’analogie semble alors possible. Elle peut être renforcée par la différence de régime : la circulaire ne peut pas être utilisée dans le cadre d’un contrôle d’un acte inférieur, contrairement aux lignes directrices. En d’autres termes, les circulaires, qu’elles aient un caractère impératif ou non, ne sont normalement pas invocables. Il peut arriver que sous couvert de l’appellation circulaire, soient éditées des lignes directrices, le juge devra alors déterminer, au-delà de la dénomination, quelles dispositions relèvent de la catégorie des circulaires, et quelles dispositions relèvent de la catégorie des lignes directrices. Le Conseil d’État a, par une décision Cortes-Ortiz, donné une réponse à cette question. En l’espèce, la question posée au juge était celle de la nature des dispositions contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers et situation irrégulière. Le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d’appel de Paris avaient tous deux estimé que cette circulaire était, en réalité, des lignes directrices invocables par le requérant dans le cadre de son recours contre une décision individuelle. Le Conseil d’État annule la décision de la Cour administrative d’appel. Il choisit d’établir au sein de l’acte une distinction entre les lignes directrices et les orientations :
« Considérant que, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, l'autorité compétente peut, alors qu'elle ne dispose pas en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'Administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation ; que, dans ce cas, la personne en droit de prétendre à l'avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles lignes directrices si elles ont été publiées ; qu'en revanche, il en va autrement dans le cas où l'Administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit ; que s'il est loisible, dans ce dernier cas, à l'autorité compétente de définir des orientations générales pour l'octroi de ce type de mesures, l'intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif ; »
Cette décision ne remet pas en cause la distinction entre circulaires et lignes directrices, mais vient la préciser. Cette précision peut avoir une application dans le cadre des schémas. Les orientations n’ont pas pour objet d’imposer un sens à la décision finale, elles sont essentiellement descriptives, alors que les lignes directrices imposent une direction à la décision finale, direction qui peut néanmoins être écartée, et n’impose pas une stricte conformité. Ainsi, au regard de l’objet des schémas, la même distinction peut être faite en suivant cette approche, entre les différentes dispositions des schémas. Celles impliquant une décision inférieure guidée par les critères établis dans les schémas, desquels elles ne peuvent s’écarter que pour des raisons d’intérêt général ou en raison de particularismes locaux, doivent pouvoir être invocables, alors que les dispositions ayant une visée explicative ne peuvent l’être.
- 511. La première limitation relative à l’invocabilité des schémas trouve sa source dans le caractère hétérogène des dispositions de leur contenu. En effet, ceux-ci associent des éléments descriptifs et prescriptifs, sans qu’ils soient forcément délimités, ce qui implique alors une délimitation, disposition par disposition, de l’invocabilité. Au-delà de cette limite consubstantielle aux schémas, son inscription au sein du paysage juridique induit d’autres limites à l’effectivité de son invocabilité.
B – Le schéma, source limitée de légalité
- 512. Le schéma, en tant qu’acte administratif, peut être source de légalité : il peut être le fondement d’un recours, dans la mesure où il s’impose à des actes qui lui sont inférieurs. Néanmoins, ces obligations ne sont pas absolues, elles sont limitées et aménagées. L’assouplissement des rapports entre les schémas et les actes qui leur sont inférieurs s’explique par deux facteurs, tout d’abord par la nature de leur mission (1), mais aussi par l’interdiction de la tutelle (2).
1 – L’indépendance des législations
- 513. Confronté à l’inflation législative, mais aussi normative, et surtout à l’interpénétration des normes, le juge administratif a développé un principe, qu’il vaudrait sans doute mieux qualifier de notion : l’indépendance des législations. Appliqué dès 1959, ce principe apparaît sous la plume du Conseil d’État sous la forme suivante : « que ces deux décisions, qui doivent être prises en vertu de législations distinctes et selon des procédures entièrement indépendantes, ont chacune une portée et un contenu propre et sont sans connexité l’une avec l’autre ».
Il est possible de définir l’indépendance des législations du point de vue de ses conséquences : « l’autorisation accordée au titre d’une législation A ne vaut pas autorisation au titre d’une législation B et ceci alors même que des similitudes existeraient entre ces deux législations. Corrélativement l’illégalité de l’autorisation accordée au titre d’une législation A n’entraîne pas nécessairement d’illégalité au titre d’une législation B. ». D’un autre point de vue, « c’est l’illégalité d’un seul acte qui est recherchée, avec la question de savoir si l’on peut invoquer, à côté d’une norme dont l’invocabilité n’est pas discutée, une autre qui lui est similaire et qui semble, de ce fait, susceptible d’être applicable à l’espèce »
L’indépendance des législations s’applique lorsque sont réunis plusieurs indices ; pour que deux législations soient déclarées indépendantes, elles doivent répondre aux conditions suivantes : « les autorités compétentes pour se prononcer ne sont pas les mêmes », « les règles de procédure applicables ne sont pas identiques », « les motifs de refus sont différents », « les voies de recours ouvertes aux intéressés sont distinctes » et « les sanctions encourues n’ont pas la même gravité ».
- 514. L’urbanisme est l’un des domaines dans lequel la notion d’indépendance des législations s’est développée. Les juridictions ont affirmé que les législations sur les occupations temporaires de terrains dans le cadre d’un projet de travaux publics et celle sur les opérations susceptibles d’avoir une influence sur l’eau étaient indépendantes ; de même que les législations régissant l’expropriation et celles régissant les créations de zone d’aménagement concerté (ZAC) : « les règles de fond et de procédure régissant la délivrance du permis de construire relèvent d’une législation distincte de celle applicable à l’arrêté de protection du biotope, qui est pris pour l’application des articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1976🏛🏛 relatifs à la protection de la faune et de la flore ».
- 515. Le développement de la planification est intervenu dans ce contexte jurisprudentiel. Or, les schémas interviennent dans des domaines certes variés – aménagement du territoire, urbanisme, environnement, eau – mais sont de plus en plus imbriqués. La position adoptée dans le cadre de l’indépendance des législations présente d’incontestables avantages, il permet d’éviter « une paralysie complète de l’action administrative », « des annulations contentieuses en cascade ». Il présente donc des avantages aussi bien du point de vue des administrés que de l’administration. Les conséquences ne sont pour autant pas toutes positives. Dans le cadre de la planification, l’indépendance des législations ne semble pas présenter d’intérêt : les différents instruments de planification, et plus particulièrement les schémas, ne peuvent pas, lorsqu’ils interviennent sur le même territoire, ou du moins partiellement, être cloisonnés. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le SCOT et le SDAGE dépendent de législations distinctes – le droit de l’urbanisme pour le premier, le droit de l’eau pour le second – sont adoptés par deux autorités différentes – l’organe délibérant d’un EPCI, le comité de bassin – selon des procédures différentes, et ont des objectifs différents. Pour autant, il serait illusoire de séparer ces deux planifications : pour garantir une cohérence dans cette projection, les différents acteurs doivent interagir.
- 516. Il est nécessaire de s’interroger sur la nature que doivent prendre les rapports entre ces actes de planification. Les législations en cause, si elles ne peuvent plus être qualifiées d’indépendantes, ne sont pas pour autant intégrées. Elles sont voisines et interviennent de manière à la fois parallèle et complémentaire. Le rapport de conformité n’est alors pas adapté à cette absence de hiérarchie réelle, il ne permet pas d’harmoniser des documents. Le rapport de prise en compte présente alors deux avantages. Tout d’abord, il limite les dispositions à prendre en compte, seules les orientations fondamentales du document pourront produire des effets. Ensuite, le respect de ces orientations ne sera pas absolu : il sera possible de déroger à ses orientations. Ainsi, ce rapport entre des normes, qui ne sont pas issues de la même législation, mais qui présentent tout de même un lien, pourra être aménagé pour mettre en œuvre une planification cohérente, mais sans pour autant paralyser l’action des différentes autorités.
- 517. Le principe d’indépendance des législations a été atténué pour atteindre une certaine cohérence entre les différents instruments de planification issus de législations distinctes, mais cette exception n’entraîne pas la mise en œuvre d’une légalité classique, les rapports étant eux aussi aménagés. Le principe de non-tutelle justifie également l’aménagement de la légalité.
2 – L’interdiction de la tutelle
- 518. Les schémas ne disposent pas d’une force obligatoire complète : ils impliquent, pour une partie de leurs dispositions, des rapports de compatibilité et/ou de prise en compte. Ces atténuations de la légalité sont justifiées au regard du principe de non-tutelle entre collectivités.
- 519. La tutelle est un pouvoir de direction et de contrôle d’une personne morale de droit public sur l’autre qui implique quatre facultés : le pouvoir d’annulation, le pouvoir d’autorisation, le pouvoir de substitution d’action et le pouvoir d’autorisation. Ce sont les pouvoirs dont l’État disposait vis-à-vis des collectivités avant 1982. L’interdiction de toute tutelle entre collectivités n’a cependant pas été oubliée dans l’acte I de la décentralisation, la loi du 7 janvier 1983🏛 dispose que « la répartition de compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l’une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d’entre elles ». Ce principe a par la suite été introduit au sein de l’article 72 de la Constitution par la réforme constitutionnelle de 2003.
- 520. En revanche, l’idée de tutelle demeure assez incertaine en droit des collectivités, faute de définition dans la loi. Le juge administratif a dû se prononcer sur son contenu. Dans une décision rendue en 2003, Département des Landes, le Conseil d’État a dessiné les contours de ce qu’il considérait comme une tutelle entre collectivités. À l’origine de ce contentieux, un département avait choisi de moduler de 5%, à la hausse ou à la baisse, les subventions accordées aux communes et groupements de communes en fonction du mode de gestion du service public de l’eau choisi par celles-ci. Si les collectivités choisissaient la gestion en régie, la subvention était majorée, si elles choisissaient la gestion déléguée, la subvention était minorée. Ce règlement conditionnant les subventions a été adopté par le Conseil général des Landes le 7 février 1996. Le préfet des Landes, estimant qu’il portait atteinte au principe – à l’époque législatif – de non-tutelle a déféré ce règlement qui a été annulé par leTtribunal administratif de Pau par un jugement du 13 mai 1997, annulation confirmée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 31 mai 2001. Le département des Landes a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État qui a pu ainsi se prononcer sur la définition de la tutelle entre collectivités territoriales. Après avoir rappelé les textes applicables, à savoir le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et le principe législatif de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre en matière d’attribution de subvention, la juridiction suprême donne son interprétation de ces dispositions.
« Si la délibération litigieuse a entendu, par une modulation du taux des subventions, inciter financièrement les communes ou leurs syndicats à gérer en régie leurs réseaux d'eau et d'assainissement plutôt que de les affermer, elle n'a pas subordonné l'attribution de ces aides à une procédure d'autorisation ou de contrôle ; que, dès lors, en jugeant que cette délibération avait institué une tutelle et méconnu ainsi les dispositions précitées de l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales🏛, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ».
Ainsi, pour la juridiction administrative, il n’existe de tutelle que dans la mesure où une collectivité dispose d’un pouvoir d’autorisation et de contrôle. Le simple fait d’utiliser ses compétences pour modifier le comportement d’une autre collectivité n’est pas une influence suffisante pour être qualifiée de tutelle. Si cette pratique n’est pas qualifiée de tutelle au sens juridique, elle demeure une forme de tutelle politique : la collectivité départementale utilise ses compétences pour influer sur le comportement des communes de son territoire. Il s’agit alors pour la collectivité d’imposer ses choix politiques aux autres collectivités. Celles-ci demeurent néanmoins libres de ne pas suivre les orientations décidées, mais elles seront alors privées des avantages proposés par la collectivité.
- 521. Afin de contrer cette jurisprudence, ou plutôt de contrer les orientations décidées par l’assemblée délibérante du département des Landes, le législateur a introduit à l’occasion de la loi sur l’eau de 2006, à l’article L. 2224-11-5 du CGCT, l’interdiction de modulation des subventions relatives à l’eau potable ou à l’assainissement. Une fois encore, le département des Landes s’est opposé à cette vision en adoptant un règlement modulant les subventions accordées aux communes et aux groupements de communes en fonction du mode de gestion choisi. Utilisant la nouvelle arme contentieuse mise à sa disposition, le département des Landes a déposé à l’appui de la défense de son règlement une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été transmise par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel qui ainsi eu l’occasion de se prononcer sur la définition de la tutelle. Cette seconde décision confirme indirectement la définition donnée par le Conseil d’État 8 ans plus tôt : elle déclare inconstitutionnel l’article interdisant la modulation des aides départementales en matière d’eau potable et d’assainissement. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel reprend le considérant de principe classique exposant la nécessaire mise en balance entre la libre administration des collectivités territoriales et la poursuite par le législateur de l’intérêt général. Il analyse ensuite la disposition contestée. Pour le juge constitutionnel, l’interdiction de moduler la subvention en fonction des critères déterminés par le département porte atteinte à sa libre administration. La disposition avait été introduite notamment pour protéger la libre administration des communes et les laisser libre de choisir leur mode de gestion de l’eau potable. Mais cet aspect n’a pas été retenu par le Conseil constitutionnel qui a fait prévaloir la possibilité pour les départements de moduler leurs aides en fonction de leurs propres critères économiques ou politiques.
- 522. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel s’accordent donc sur la définition à donner de la tutelle d’une collectivité sur l’autre. Toutefois, en considérant qu’il n’existe de tutelle que lorsqu’une collectivité possède un pouvoir de contrôle et d’autorisation sur une autre, les juges ont limité sa définition. En effet, il aurait été possible de considérer que, sans pour autant disposer d’un pouvoir de contrôle sur les actes des collectivités, le fait de conditionner le montant d’une subvention aux choix de gestion opéré par elles était un moyen d’avoir une très large influence sur la prise de décision. Comme le souligne plusieurs commentateurs de ces décisions, dans ce cas, il s’est agi de faire prévaloir la libre administration des départements par rapport à celle des communes et des EPCI.
- 523. Le raisonnement des juridictions adopté dans le cas des subventions entre collectivités est aisément transposable dans le cas des instruments de planification. Il est possible de prendre comme exemple le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). En effet, ce document, adopté par les régions puis approuvé par le préfet de région, contient « les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de l'économie sociale et solidaire, en s'appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l'économie sociale et solidaire ». Les activités des entités infrarégionales dans les domaines couverts par le schéma doivent être compatibles avec ces orientations. La portée initiale du schéma n’était pas celle consacrée par la loi NOTRe. Le SRDEII proposé dans le cadre du rapport Queyranne devait impliquer des rapports de conformité, afin d’assurer le monopole de la région en matière de développement économique. Ce choix n’a pas été repris dans le projet de loi NOTRe, pour éviter le risque de censure de cette disposition par le Conseil constitutionnel. L’obligation de conformité pesant sur les collectivités et groupements de collectivités infrarégionaux pourrait être interprétée comme un pouvoir de contrainte et de contrôle vis-à-vis des collectivités inférieures qui ne disposeraient plus de leur liberté d’action en matière d’intervention économique. Il semblerait alors que le pouvoir détenu par une collectivité par le biais d’une exigence de conformité se rapprocherait du pouvoir de détermination de l’action commune de collectivités cocontractantes censuré par le Conseil constitutionnel en 2008. Afin d’éviter tout risque de censure, la position intermédiaire qui consiste à mettre en avant la compatibilité au lieu de la conformité permet de se rapprocher de l’idée d’incitation, et d’éloigner le risque de contrainte. Le rapport de compatibilité est protecteur de la libre administration des collectivités inférieures : il laisse aux collectivités une marge de manœuvre. C’est sur la base de cette marge de manœuvre que le Conseil constitutionnel considère que la libre administration des collectivités est préservée.
- 524. Les schémas impliquent, pour ce qui est de leur mise en œuvre par les collectivités inférieures, un simple rapport de compatibilité ou de prise en compte. Ce choix est motivé, entre autres, par l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur l’autre, et de l’État sur les collectivités : la compatibilité, juridiquement, permet à l’acte inférieur de s’écarter de l’acte supérieur. Il ne s’agit donc que d’un moyen de direction, l’autorité, auteur du schéma, n’ordonne rien à la collectivité inférieure, elle se contente d’orienter son action.
- 525. Les schémas ne peuvent pas être des sources de légalité classiques. Leur nature impose un « tri » entre leurs différentes composantes et leur champ d’intervention justifie d’une part l’exclusion de leur invocabilité dans certains domaines, et d’autre part, une invocabilité limitée dans ses effets par les principes régissant les relations entre les collectivités. Les schémas en tant que source de légalité interviennent dans le contrôle direct des actes qui en découlent, mais il est également envisageable de les utiliser dans le cadre d’une exception d’illégalité.
§2 – L’exception d’illégalité limitée
- 526. L’exception d’illégalité est le « moyen permettant de contester par voie d’exception (opposée à la voie d’action) la légalité d’un acte administratif, à l’occasion d’un recours en annulation d’une mesure d’application de cet acte ». Cette possibilité est ouverte en raison d’un simple constat : à l’expiration du délai de recours contentieux, si aucun recours direct n’a été intenté contre l’acte, tout recours direct sera irrecevable, alors même que la légalité de l’acte n’est pas établie. Néanmoins, si le recours n’est plus recevable par la voie de l’action, la voie de l’exception permet l’examen de son contenu.
- 527. L’illégalité non-révélée de l’acte peut devenir problématique dans le temps, notamment lorsque celle-ci rejaillit sur les actes inférieurs Or, dans le cas des schémas, il est plus fréquent que les recours se concentrent sur les actes qui l’appliquent, ou le mettent en œuvre, que sur celui-ci directement. Il apparaît alors important d’examiner les conditions de la mise en œuvre de l’exception d’illégalité, avant de s’interroger sur le statut attribué au SDCI par le Conseil d’État.
A – La mise en œuvre de l’exception d’illégalité
« Mais ce terme [décision « définitive »], par lequel on exprime que la décision est désormais insusceptible de recours, ne signifie pas qu’elle doit être tenue pour légale ; alors qu’au contraire, les décisions juridictionnelles devenues définitives doivent être considérées comme l’expression de la vérité. En d’autres termes, relativement aux décisions administratives, l’irrecevabilité du recours n’est pas synonyme de brevet de légalité.
Il n’est donc pas étonnant qu’il existe des possibilités de se prévaloir, à l’appui du recours exercé (en temps utile) contre une autre décision, de l’illégalité d’une décision définitive et que, si cette illégalité a en quelque sorte contaminé la décision attaquée, on puisse obtenir l’annulation de celle-ci, même si elle est exempte de tout vice propre. Elle sera annulée en raison de l’illégalité, dont on aura « excipé », de la décision définitive ; en d’autres termes, en conséquence de l’exception tirée de l’illégalité de cette décision »
- 528. L’expiration du délai de recours contentieux – deux mois à compter de l’entrée en vigueur de l’acte – met met fin à toute possibilité de contestation directe d’un acte administratif. Il demeure néanmoins possible d’utiliser, sous certaines conditions, l’illégalité d’un acte devenu définitif dans le cadre d’un recours contre un acte d’application de celui-ci. Cette théorie est désignée sous le nom d’exception d’illégalité. Sa mise en œuvre répond à des conditions précises (1) et a été limitée (2).
1 – Les conditions classiques de la mise en œuvre
- 529. L’exception d’illégalité résulte d’un équilibre précaire entre le besoin de sécurité juridique – principe général du droit qui préconise une certaine stabilité des situations juridiques – et le principe de légalité, qui s’oppose à la perpétuation d’une norme ou d’une disposition illégale. Le juge administratif a construit sa jurisprudence autour de ces deux principes, les deux pouvant parfois s’opposer, et, selon les cas, l’un pouvant prendre le pas sur l’autre.
- 530. La première donnée à prendre en compte pour comprendre les différents aménagements apportés par le juge administratif à ces deux principes est la question de la nature de l’acte. En effet, dans le cas d’un acte réglementaire, l’exception d’illégalité est perpétuelle, c’est-à-dire qu’elle peut être invoquée à tout moment. Celle-ci se double d’un principe général du droit, plus récent : « l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenu d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». En cas de refus d’abrogation opposé par l’administration, le demandeur peut alors adresser à la juridiction administrative une demande tendant à l’annulation de la décision de refus d’abrogation, au motif de l’illégalité de l’acte réglementaire.
- 531. Dans le cas d’un acte individuel ou d’un acte non-réglementaire, l’exception d’illégalité est encadrée temporellement : il n’est possible d’exciper l’illégalité d’un tel acte que si celui-ci n’est pas devenu définitif. Il est toutefois possible d’exciper l’illégalité d’un acte individuel ou d’un acte non-réglementaire à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dans le cas où ces deux actes appartiennent à une opération complexe. La date de l’introduction de la requête et surtout du moyen tiré de l’illégalité de l’acte supérieur revêt alors une importance particulière. En effet, le juge examine la recevabilité du moyen à la date à laquelle il a été soulevé, et non à la date de sa décision
- 532. L’exception d’illégalité, pour être utile devant le juge, doit être considérée comme opérante : il doit exister un lien entre la décision attaquée directement et l’acte contesté incidemment. Ce lien juridique conduit à ce que l’illégalité de l’acte incidemment contesté rejaillisse sur l’acte directement contesté et mette en péril sa propre légalité. Le juge administratif a identifié deux hypothèses dans lesquelles cette condition de lien juridique sera remplie. Selon la première, la décision directement contestée est une mesure d’application de l’acte incidemment contesté. Dans la seconde hypothèse, l’acte incidemment contesté est la base légale de la décision directement contestée. Le lien juridique nécessaire à la recevabilité d’un moyen d’exception d’illégalité est ainsi strict. Le choix d’une opérance limitée s’explique assez aisément : tout d’abord, la restriction de l’utilisation de l’exception d’illégalité correspond à l’objectif de sécurité juridique auquel le juge administratif est attaché. Il permet également de faire apparaître la nécessité d’une continuité juridique entre les deux actes en cause. Cette continuité juridique permet de lier les deux actes et, ainsi, de lier leur légalité. Concernant les schémas, l’exception d’illégalité s’inscrit dans le cadre de leur mise en œuvre : leur légalité sera alors contestée par la voie de l’exception à l’occasion du recours contre une décision les mettant en œuvre. Par exemple, la contestation d’un SCOT dans le cadre d’un recours direct contre un PLU, ou encore la contestation d’un SDAGV dans le cadre d’un recours contre une délibération décidant de l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage.
- 533. Néanmoins, l’opérance de l’exception d’illégalité est freinée par le principe de l’indépendance des législations : le juge administratif considère que le caractère direct du lien nécessaire à l’opérance est rompu lorsque les deux actes interviennent en vertu de législations différentes. Comme dans le cas de l’invocabilité des schémas, cette restriction est assez problématique dans la mesure où de nombreux schémas se révèlent transdisciplinaires et ainsi ont une influence certaine sur des actes ne relevant pas directement de la même législation. Pour autant, ils peuvent avoir le caractère de mise en œuvre d’un schéma. L’exigence d’une unité de législation concernant l’opérance de l’exception d’illégalité réduit considérablement son utilisation dans le cadre du contentieux des mesures mettant en œuvre les schémas. Cette réduction de l’opérance pourrait se révéler plus restrictive encore dans le cadre actuel de diminution du nombre de schémas. En effet, le législateur, essentiellement au niveau régional, a entrepris de rassembler plusieurs instruments de planification intervenant dans des domaines proches, mais néanmoins distincts. C’est ainsi qu’ont été créés le SRADDET et le SRADEII. Or la question qui pourrait se poser est celle de leur appartenance à une seule et même législation. Le SRADDET a une portée planificatrice dépassant le seul domaine de l’aménagement du territoire au sens strict, il intervient également en matière d’orientations d’urbanisme, de droit de l’eau, de droit de l’environnement… L’exception d’illégalité ne serait alors pas opérante pour un document mettant en œuvre une seule catégorie d’orientations, puisque les deux documents n’appartiendraient pas strictement à la même législation.
- 534. Cette hypothèse doit être relativisée, notamment en ce qui concerne les schémas régionaux. Leur mise en œuvre n’est pas directe : elle est d’abord programmée au sein d’autres documents de planification, par exemple le SCOT, lequel nécessite également une mise en œuvre. Or, le lien juridique doit être direct entre l’acte de mise en œuvre et celui dont on excipe l’illégalité. Dans le cadre d’un recours contre une disposition de mise en œuvre d’un SCOT, le requérant invoquera l’illégalité du SCOT, mais l’illégalité du SRADDET ne pourra être invoquée de manière opérante. Néanmoins, l’illégalité du SCOT pourra être fondée sur une incompatibilité avec le règlement du SRADDET, ou de la réitération d’une disposition contenue dans le SRADDET, mais contraire à une norme supérieure.
- 535. Une fois que le juge a déterminé les caractères opérant et recevable de l’exception d’illagalité, s’il déclare l’acte illégal, la conséquence directe sera l’illégalité de l’acte directement contesté. Il apparaît cependant que le législateur a pu apporter certaines limites à cette conséquence.
2 – L’aménagement de l’exception d’illégalité
- 536. L’exception d’illégalité n’est pas un moyen figé, il est, par son origine jurisprudentielle, modelable et adaptable à l’évolution de la pratique administrative. Le juge administratif, mais également le législateur, ont eu l’occasion de préciser les conditions de recevabilité, comme d’opérance de celle-ci, faisant parfois prévaloir la sécurité et la stabilité des situations juridiques, et à de plus rares occasions, le principe de légalité.
- 537. La question de la stabilité juridique est très importante dans le domaine de l’urbanisme. Dans son rapport public pour 2012, le Conseil d’État constatait les risques liés au recours à l’exception d’illégalité du POS, lorsque le vice invoqué entache la forme de l’acte. L’accueil de ces moyens conduisait à l’annulation systématique de permis de construire et d’autres décisions individuelles ayant pour cadre les POS. Les juridictions administratives s’étaient saisies de ce problème, limitant les effets de la déclaration d’illégalité par voie d’exception d’un POS. Par une décision de 1986, le Conseil d’État a conditionné l’annulation d’un permis de construire, en conséquence de la décision définitive, au lien particulier entre le permis et la disposition illégale. La disposition ayant conduit à l’annulation du POS ayant été spécialement insérée dans le document pour rendre possible le permis de construire, la reconnaissance de son illégalité entraîne l’illégalité conséquente du permis. A contrario, l’absence de lien direct entre l’illégalité et la décision contestée ne conduirait pas à l’annulation de la décision. Le lien exigé classiquement dans le cadre de l’exception d’illégalité se trouve alors renforcé par le juge administratif dans un objectif de sécurité juridique. Poursuivant la même volonté de sécurité juridique, le Conseil d’État, dans une décision de 1991, a estimé, dans le cas d’un défaut de publicité du POS, que la soumission de celui-ci avait pour conséquence de couvrir l’irrégularité initiale, s’opposant à l’illégalité du POS. Mais ces solutions ponctuelles nécessitaient, toujours selon les préconisations de la section du rapport et des études, que le législateur supprime « la possibilité d’invoquer par la voie d’exception un vice de forme affectant le POS ».
- 538. Cette proposition s’appuyait sur une précédente limitation de l’effectivité, introduite par la loi du 18 juillet 1985🏛. L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme🏛 prévoyait la neutralisation des vices ayant entaché la concertation, la délibération qui la prescrit, ou la mise en œuvre de celle-ci, dans le cadre des recours contre la décision finale. Cette disposition limitait l’effet des irrégularités formelles dans la procédure de concertation et leur utilisation dans le cadre de l’exception d’illégalité. L’objectif était d’assurer une certaine sécurité juridique, en empêchant qu’une irrégularité intervenue des années avant la décision finale et n’ayant pas eu d’impact sur celle-ci puisse anéantir l’ensemble de la procédure. Cette disposition a été supprimée lors de la refonte de l’article L. 300-2 issue de l’ordonnance du 23 septembre 2015.
- 539. C’est sur la base de cette disposition que le législateur a, par la loi du 9 février 1994🏛, créé un article L. 600-1 au sein du code de l’urbanisme🏛 encadrant le champ de l’exception d’illégalité des documents de planification en matière d’urbanisme. Selon cet article :
« L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté.
Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne :
- soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ;
- soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques. »
- 540. Le code de l’urbanisme encadre doublement l’usage de l’exception d’illégalité : un cadre temporel – elle n’est plus invocable passé le délai de 6 mois – et un cadre matériel – elle n’est pas invocable lorsque les vices appartiennent aux cas d’ouverture externe que sont les vices de forme et de procédure. Au regard de la complexité de la procédure d’élaboration de ces documents d’urbanisme, de la durée nécessaire à cette procédure, ainsi que des conséquences juridiques que pourrait avoir une déclaration d’illégalité sur les actes découlant des instruments de planification des sols, cette limitation temporelle est justifiée. La limitation matérielle de l’utilisation de l’exception d’illégalité s’avère elle aussi guidée par la volonté de ne pas entraver l’action planificatrice des collectivités : l’ensemble des exigences formelles ne sont pas écartées mais encadrées. Elles ne peuvent être soulevées que dans le délai de 6 mois ; mais elles demeurent perpétuelles lorsqu’elles conduisent à l’absence de documents obligatoires. Il en va de même lorsque les vices de forme ou de procédure concernent la procédure d’enquête publique. Cette dernière est considérée comme une garantie importante pour le public, ce qui n’empêche pas une certaine souplesse dans le contrôle exercé par le juge du respect de la procédure. Cette souplesse ne doit pas contribuer à annihiler la garantie que représente la procédure d’enquête publique, un équilibre a donc été choisi entre le respect de la légalité dans le cadre de l’enquête et l’objectif de sécurité juridique : l’intérêt de l’enquête publique n’est pas que procédural, mais qualitatif, l’objectif de celle-ci est d’informer la population et de recueillir son avis.
- 541. L’équilibre entre le principe de légalité et le principe de sécurité juridique a été aménagé en matière de documents d’urbanisme en 1994. Cet équilibre permet, pour les collectivités ayant adopté ces actes, et celles les mettant en œuvre, d’être assurées d’une certaine stabilité. Mais cette stabilité n’est pas absolue : le code de l’urbanisme n’a pas exclu totalement l’exception d’illégalité, puisqu’elle demeure invocable pour les autres moyens que ceux mentionnés à l’article L. 600-1. De la sorte, le principe de légalité et les intérêts des particuliers sont préservés.
- 542. Le juge administratif semble également être très préoccupé par les considérations de sécurité juridique, de prévisibilité des recours, et de stabilité des situations juridiques, au point de briser l’équilibre précaire entre respect de la légalité et sécurité juridique, au profit de cette dernière. Le juge administratif semble enclin à limiter les effets des illégalités externes, que ce soit dans le cadre des recours directs, mais également dans le cadre des contestations indirectes : exceptions d’illégalité et obligation d’abrogation. Dans une décision du 18 mai 2018, le Conseil d’État a précisé les moyens pouvant être utilement invoqués dans le cadre de l’exception d’illégalité, comme dans le cadre de la contestation du refus d’abrogation d’un acte réglementaire :
« 2. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.
3. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.
4. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé [...] ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. »
- 543. Par cette décision, le Conseil d’État vient neutraliser les effets des vices de forme et de procédure ; passé le délai de recours contentieux, ceux-ci ne sont plus opérants dans le cadre de l’exception d’illégalité, ou de l’annulation d’une décision refusant l’abrogation d’un acte réglementaire. Ce nouveau raisonnement est expliqué et justifié par les conclusions prononcées par Aurélie Bretonneau. Elle soulève tout d’abord les inconvénients de l’exception d’illégalité telle qu’elle était définie avant l’arrêt du 18 mai 2018, avant de se prononcer sur le caractère dépassable des objections à cette nouvelle définition.
- 544. Le premier argument s’avère être lié à la pratique du juge : il peut s’avérer complexe de déterminer, parfois longtemps après l’adoption de l’acte, quelles étaient les règles de forme, et notamment de consultation, applicables. Au-delà de la détermination des règles applicables, leur bonne application peut s’avérer plus délicate encore. Or, dans le cas où il n’est pas possible de déterminer les conditions de la conduite de la procédure d’édiction de l’acte, il n’est pas non plus possible pour le juge d’apprécier les effets de l’irrégularité, et ainsi, en appliquant la logique issue de l’arrêt Danthony, de la neutraliser ou non. Le second inconvénient tient aux effets de la reconnaissance d’une exception d’illégalité : l’acte directement contesté sera annulé, et même si la reconnaissance de l’illégalité de l’acte réglementaire n’entraîne pas sa disparition, ni l’annulation automatique de l’ensemble des actes fondés sur celui-ci, elle peut entraîner une série de recours contentieux. Dans le cadre de l’exception d’illégalité, le juge administratif ne disposant pas des pouvoirs de modulation issus de la décision Association AC !, il ne lui est pas possible de limiter les conséquences de la reconnaissance de l’illégalité de l’acte réglementaire, une irrégularité formelle pourrait alors avoir des conséquences importantes sur les actes qui en découlent, alors que ceux-ci ne présenteraient pas d’illégalités internes.
- 545. Le rapporteur public expose ensuite les obstacles juridiques à la neutralisation des vices de forme et de procédure, ainsi que les arguments permettant de les dépasser. Le premier obstacle tient à la formulation à la fois de l’article L. 243-2 du CRPA, et des jurisprudences qu’elle a entendu codifier. L’obligation d’abrogation ainsi consacrée ne distingue pas entre les différents cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir. Néanmoins, la précision formulée par la décision Fédération française de gymnastique selon laquelle l’abrogation n’est plus une obligation dans le cas où l’illégalité reprochée a cessé à la suite d’un changement de circonstances de droit ou de fait, permet de déduire que seules les illégalités internes seraient visées, une irrégularité tenant à la forme ou à la procédure ne pouvant cesser du fait d’un changement de circonstances de droit ou de fait.
- 546. Cette décision est certes un progrès du point de vue de la sécurité juridique, mais elle présente également des inconvénients majeurs du point de vue du principe de légalité. Certaines règles de forme ou de procédure ne présentent pas un intérêt majeur, ce que le Conseil d’État avait déjà affirmé dans la décision Danthony, en neutralisant les effets de certains vices de procédure, et en réservant les possibilités d’annulation sur le seul fondement des vices de procédure susceptibles d’avoir un effet sur le sens de la décision, ou ayant privé les intéressés d’une garantie. Mais cette voie n’a pas été retenue par le Conseil d’État, et n’a pas été évoquée dans les conclusions du rapporteur public. Il aurait également été possible d’aligner le régime général de l’exception d’illégalité sur celui, particulier, des documents d’urbanisme – comme le législateur l’a fait pour les projets régionaux de santé − qui limite l’opérance des illégalités de forme et de procédure au délai de 6 mois suivant l’adoption de l’acte. Mais le Conseil d’État a choisi de rendre le régime général plus strict que les exceptions en matière d’urbanisme et de santé publique. Il a depuis confirmé le maintien en droit de l’urbanisme de la règle législative limitant à 6 mois la possibilité d’invoquer des vices de forme ou de procédure.
- 547. Le choix opéré en faveur du principe de sécurité juridique a subi de vives critiques. En effet, si la solution présente des avantages indiscutables pour l’administration, elle ouvre une brèche importante dans le principe de légalité. En rendant inopérantes les illégalités de forme et de procédure, le Conseil d’État protège l’administration, au détriment de l’administré. Cette protection est vue comme une atteinte à l’État de droit, qui implique que l’administration soit soumise à ses propres règles. Cette réduction des moyens opérants dans le cadre de l’exception d’illégalité s’avère plus problématique encore dans le cas des documents impliquant des consultations obligatoires, plus encore lorsqu’il s’agit de la participation du public. Les schémas, dans leur grande majorité, impliquent de nombreuses consultations, des institutions, et plus largement des personnes pouvant être impactées par le document. Le respect de ces procédures n’affecte effectivement pas directement le contenu de l’acte – cette affirmation est à relativiser dans la mesure où les consultations peuvent conduire à la modification du projet. Mais ces procédures ne sont pas séparables de l’acte lui-même dans la mesure où elles lui confèrent une légitimité, et facilitent leur mise en œuvre. En choisissant de ne pas tirer les conséquences du non-respect de ces procédures sur la légalité des actes qui le mettent en œuvre, le juge administratif porte atteinte à l’économie globale de ces actes, et envoie un message étrange aux auteurs de ces actes : s’il existe peu de risques que l’acte fasse l’objet d’une contestation directe, les règles de forme et de procédure, quelle que soit leur importance, ne sont pas impératives, il serait donc possible de s’en dispenser. Le Conseil d’État a confirmé, par une décision du 7 juillet 2021, l’applicabilité de la jurisprudence Fédération française des finances et affaires économiques de la CFDT dans le cadre d’un recours contre le refus d’abrogation d’un acte de droit souple. Les requérants sollicitaient l’annulation du refus d’abroger une recommandation de la Haute Autorité de santé relative au syndrome du bébé secoué.
- 548. L’ensemble des aménagements jurisprudentiels de l’exception d’illégalité ne visent pas à réduire le champ d’action de celle-ci. Le juge administratif a étendu la recevabilité de l’exception d’illégalité d’un acte individuel ou d’un acte non-réglementaire dans le cas de ce qu’il qualifie d’opération complexe. Il y a opération complexe « lorsqu’une décision finale ne peut être prise qu’après intervention d’une ou de plusieurs décisions successives, spécialement prévues pour permettre la réalisation de l’opération dont la décision finale sera l’aboutissement ». Dans le cas où une opération complexe est reconnue, l’exception tirée de l’illégalité des décisions antérieures, même si elles sont devenues définitives, sera recevable dans le cadre d’un recours contre la décision finale. La phase administrative de l’expropriation est qualifiée par le juge d’opération complexe, ce qui permet d’exciper l’illégalité d’une déclaration d’utilité publique – acte non-réglementaire – dans le cadre d’un recours contre l’arrêté de cessibilité. La notion d’opération complexe a également trouvé son terrain de prédilection concernant le recrutement dans la fonction publique, et plus précisément, les opérations de concours de recrutement de la fonction publique ; l’ensemble des actes édictés par l’administration se révèle nécessaire, et même indispensable, à la continuation des opérations du concours. Toute illégalité dans l’un des actes entraînera alors l’annulation de la décision finale de proclamation des résultats ou bien de nomination, en fonction du type de concours. Par exemple, une illégalité au sein de l’arrêté ouvrant le concours conduit à l’annulation de l’arrêté de nomination du lauréat. Le juge s’avère néanmoins strict quant à l’appréciation de l’existence d’une opération complexe : les différents actes doivent converger vers un même but, celui de rendre possible l’acte final.
- 549. La question de l’application de l’exception d’illégalité a été posée dans le cadre des recours contre des schémas départementaux de la coopération intercommunale, et contre les décisions prises pour son application.
B – La question particulière du schéma départemental de la coopération intercommunale
- 550. La nature juridique du SDCI est demeurée longtemps incertaine, avant que le juge qualifie celui-ci d’acte non-réglementaire (1), qualification discutable (2).
1 – La qualification d’acte non-réglementaire
- 551. Le SDCI « nouvelle formule » introduit par loi du 16 décembre 2010🏛 pour rationaliser la carte intercommunale a fait l’objet de contestations dès 2012. Mais ces contestations n’ont pas donné lieu à la saisine du Conseil d’État, laissant cohabiter deux solutions jurisprudentielles différentes. Dans les deux hypothèses de qualification, les juges du fond avaient déclaré irrecevables les recours directs contre les SDCI, mais dans l’une des hypothèses, le recours par la voie d’exception était ouvert. En effet, il avait été envisagé de qualifier le SDCI d’acte préparatoire, ce qui permettait, en application de la théorie des opérations complexes, d’exciper, lors du contrôle des mesures mettant en œuvre le schéma – typiquement l’arrêté prononçant la fusion de deux EPCIFP, ou prononçant le rattachement de communes à un nouvel EPCIFP – de l’illégalité de celui-ci. Cette solution présentait des avantages contentieux, dans la mesure où elle permettait un recours plus tardif à l’encontre des SDCI.
- 552. Les deux courants jurisprudentiels s’accordaient toutefois sur un point, celui de nier tout recours direct contre le SDCI, en refusant de lui reconnaître un quelconque caractère normatif autonome. Or, ces décisions ont été rendues à la fin de l’année 2013, avant que le Conseil d’État ne procède à l’assouplissement de sa politique de recevabilité vis-à-vis des actes de droit souple. L’adoption du SDCI ne clôturant pas la procédure relative à la rationalisation de la carte intercommunale, les recours n’ont plus été dirigés directement contre les schémas, devenus entre temps définitifs, mais contre les actes les mettant en œuvre. Dans le cas des recours contre les arrêtés de création et de modification de périmètre d’un EPCI, la qualité d’acte faisant grief n’est pas remise en cause. Néanmoins, se posait la question de la relation que pouvaient entretenir les arrêtés modifiant la carte intercommunale et le SDCI. C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a mis fin au questionnement relatif à la recevabilité des recours contre les SDCI, et à leur invocabilité dans le cadre de l’exception d’illégalité.
« Les actes relatifs à l'institution des structures des organismes de coopération entre collectivités territoriales et à la répartition des compétences entre ces organismes et les collectivités qui en sont membres ne revêtent pas le caractère d'actes réglementaires. Il en résulte que l'arrêté du 14 décembre 2011 par lequel le préfet de la Drôme a adopté le schéma départemental de coopération intercommunale ne revêt pas un tel caractère. »
Par cette décision, le Conseil d’État affirme – sans d’ailleurs s’attarder sur ce point – que le SDCI est bien un acte faisant grief, pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Il est donc bien un acte ayant des effets juridiques, sans pour autant pouvoir être qualifié de strictement normatif. Par cet aspect, le Conseil d’État confirme les évolutions jurisprudentielles relatives aux actes de droit souple : ceux-ci ne sont pas exclus du contrôle du juge administratif. Mais dans un second temps, il rejette le moyen tiré de l’exception d’illégalité comme tardivement présenté : le SDCI n’est pas un acte réglementaire, l’exception d’illégalité est donc limitée temporellement à son caractère non définitif. Le SDCI n’est donc pas un acte réglementaire, mais par l’utilisation de la qualification d’acte non-réglementaire, le Conseil d’État indique que le SDCI ne serait pas non plus un acte individuel, mais un acte relevant de la catégorie intermédiaire, qui emprunte les caractéristiques et le régime juridique des deux autres catégories, selon les indications données par le juge administratif. Ces actes ne sont, pour le juge, pas des actes réglementaires – ils ne seraient pas généraux ni absolus – ni des actes individuels – ils ne présenteraient pas de destinataires identifiés. Ils sont donc identifiés négativement. Pourtant, la terminologie utilisée dans les décisions de justice peut prêter à confusion, si l’on s’en tient à une catégorisation bipartite des actes administratifs. La répartition doit alors être tripartite au regard du développement des actes ne s’inscrivant pas dans cette vision binaire de l’acte administratif.
- 553. Deux critères semblent émerger pour identifier les actes non-réglementaires. Tout d’abord, ils se distinguent de l’acte individuel ou collectif : les actes non-réglementaires ne présentent pas de destinataires identifiés. Dans le cas du SDCI, cette absence de destinataires est bien présente : le schéma est une « photographie » de l’état de la coopération intercommunale, et des évolutions envisagées, sur un territoire déterminé, le département. Si elle présente, bien évidemment, un intérêt particulier pour les communes et EPCI à fiscalité propre et pour ceux sans fiscalité propre, identifiés au sein de celui-ci, ils n’en sont pas directement les destinataires. Le SDCI est, par sa définition et son contenu, apparenté aux autres actes qualifiés par le juge d’actes non-réglementaires, par exemple un arrêté créant une commission de remembrement et fixant le périmètre des opérations. Ces deux actes n’ont pas de destinataire direct, et s’attachent plus à un territoire qu’à des personnes, morales ou physiques. Le second élément d’identification est relatif au contenu de l’acte :
« Il existe un certain nombre d’actes dont l’apport normatif est particulièrement faible sinon inexistant. Ces actes n’apportent pas un véritable ajout à un corps de règles juridiques ; ils se bornent purement et simplement à appliquer une norme préétablie mais sans que cette application puisse aller jusqu’à fixer concrètement une situation juridique. L’application de la norme est mécanique. L’acte non-réglementaire lui donne purement et simplement vie. »
En 1980, ces actes non-réglementaires se répartissaient entre deux types de décisions, les actes qui opéraient un classement, et ceux qui relevaient du pouvoir de tutelle de l’État sur les collectivités. La fin de la tutelle de l’État sur les collectivités a considérablement réduit la première catégorie. Mais la catégorie des actes opérant un classement demeure une réalité ; par certains éléments, les schémas appartiennent à cette catégorie. Le SDCI doit, sur un territoire donné, établir la cartographie de l’intercommunalité existante et proposer, en application des critères déterminés par la loi, une nouvelle organisation intercommunale à l’échelle du département. Sous cette définition, le SDCI est bien un acte opérant un classement. Il applique les critères dictés par la loi avec une marge d’appréciation limitée, sans modifier, par lui-même, la carte intercommunale. Il constitue une étape dans la rationalisation de l’intercommunalité, mais n’emporte pas de décision en lui-même. Il est alors à rapprocher, sous cet angle, de la déclaration d’utilité publique (DUP), qui est l’exemple type de l’acte non-réglementaire. Le SDCI est apparenté à la DUP dans la mesure où tous les deux nécessitent des interventions postérieures pour que le projet qu’ils contiennent soit mené à bien.
- 554. Cette qualification emporte une conséquence contentieuse importante : passé le délai de recours contentieux contre le schéma, il n’est plus possible de le contester par le biais de l’exception d’illégalité.
« L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non-réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non-réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. »
Le choix exprimé par le juge par cette qualification, que ce soit du point de vue de l’acte lui-même ou des conséquences que cette qualification emporte, est critiquable.
2 – La contestation de cette classification
- 555. La qualification d’un acte, lorsqu’elle ne s’impose pas comme évidente au regard de son contenu, peut être fondée sur l’opportunité : « dans la plupart des hypothèses c’est la prise en considération du régime juridique de l’acte qui permet de qualifier ce dernier ». Dans le cas du SDCI, la question peut être posée : si la qualification d’acte individuel n’était pas envisageable – le SDCI n’ayant pas de destinataire – celle d’acte réglementaire aurait été possible, et sans doute souhaitable. En effet, le processus de rationalisation de la carte intercommunale implique l’adoption d’arrêté de périmètre ; or celui-ci ne suit pas immédiatement le SDCI. Ainsi, comme c’est le cas soumis à l’appréciation du Conseil d’État, le délai de recours contre le schéma est souvent dépassé lorsqu’est adopté et contesté l’arrêté de périmètre. Or, les arrêtés de périmètre, en concrétisant les orientations dessinées par le SDCI, sont bien des actes d’application de celui-ci, le lien entre les deux est de ce fait une réalité juridique.
- 556. Une autre voie pour le juge administratif, sans qualifier le SDCI d’acte réglementaire, aurait pu consister à rapprocher sa définition de celle des lignes directrices dont le régime juridique a été défini par la décision Crédit foncier de France. En effet, « il s’agit uniquement, pour reprendre les termes mêmes de la loi, d’un acte de prévision et de proposition qui contient donc, pour reprendre le vocabulaire actuellement employé par le Conseil d’État en matière de droit souple, une ligne directrice qu’il appartiendra ensuite au préfet de mettre en application – ou non, puisqu’il dispose du droit de ne pas le suivre ». Cette assimilation aurait alors donné lieu à une solution inverse : les SDCI n’auraient pas été contestables par voie d’action, mais leurs lignes directrices auraient pu être contestées par voie d’exception dans le cadre d’un recours contre les arrêtés de modification de périmètre.
- 557. Sans changer la qualification retenue, acte non-réglementaire, le Conseil d’État aurait aussi pu qualifier la procédure de rationalisation de la carte intercommunale d’opération complexe, liant ainsi le schéma et les arrêtés modifiant le périmètre des EPCI et permettant la contestation par voie d’exception du schéma à l’occasion d’un recours contre un arrêté modifiant la composition d’un EPCI, et ce, indépendamment de l’expiration du délai de recours contentieux contre le schéma. Cette éventualité n’a cependant pas été envisagée dans la décision elle-même ; la rationalisation de la carte intercommunale ne constitue donc pas une opération complexe.
- 558. Cependant, il est possible de relativiser les effets de cette qualification. Tout d’abord, la possibilité de contestation directe des SDCI, si elle intervient tardivement au regard de la périodicité d’adoption de ceux-ci, témoigne de son objectif d’influencer les décisions inférieures, et permettra de futures contestations, tout en indiquant la nature juridique du document, six ans après l’omission législative. Au-delà de cette qualification nécessaire, d’un point de vue contentieux, il semble que la qualification d’acte non-réglementaire et l’encadrement temporel de l’exception d’illégalité découlant de celle-ci aient des effets limités. En effet, les arrêtés de modification des périmètres adoptés par le préfet, aussi bien dans le cadre de la mise en œuvre du schéma, que dans le cas où ce dernier n’a pas été adopté, peuvent être contrôlés au regard des orientations définies dans le CGCT. L’article L. 5210-1-1 du CGCT expose les orientations que le SDCI doit prendre en compte pour proposer la refonte de la carte intercommunale. Ce sont les critères qui doivent guider les choix des préfets dans les propositions de fusion, modification ou suppression d’EPCI. La loi du 16 décembre 2010🏛, en prévoyant des mécanismes d’achèvement de la carte intercommunale, a envisagé deux cas : dans le premier le SDCI avait été adopté, dans le second, le SDCI n’avait pas été adopté. Dans le premier cas, le préfet pouvait s’écarter des propositions du schéma, mais uniquement après avoir recueilli l’avis, sous condition de majorité qualifiée, de la Commission départementale de la coopération intercommunale. Dans le second cas, afin de ne pas entraver l’action de rationalisation, le préfet se voyait confier des pouvoirs en dehors de l’adoption de tout schéma. Dans les deux cas, les propositions de refonte de la carte, comme les propositions s’en écartant, doivent respecter les orientations générales définies à l’article L. 5210-1-1 du CGCT, la loi prenant la place du schéma. Néanmoins, dans le cas où l’arrêté modifiant le périmètre d’une intercommunalité a été pris conformément au schéma, la nécessité de respecter les orientations légales ne disparaît pas du simple fait que l’arrêté respecte le schéma. En cas de recours contre l’arrêté, il sera alors possible d’invoquer sa contrariété avec les orientations législatives.
- 559. Conclusion de chapitre
L’utilisation des schémas dans le cadre d’une exception d’illégalité ne semble pas évidente au regard des différences de qualification existant au sein de ceux-ci. Pour autant, au regard des liens existants entre les documents de planification et les documents les mettant en œuvre, il semble que l’application du mécanisme d’exception d’illégalité présente des intérêts non-négligeables dans une optique de meilleure qualité de la règle de droit. Le schéma n’est pas un acte isolé, il s’inscrit dans le paysage juridique et interagit avec d’autres actes, de différentes natures. Ces relations juridiques impliquent que le schéma soit une source de légalité pour les actes qui lui sont inférieurs. Néanmoins, dans ce cas, la particularité de ceux-ci impose également une atténuation leurs relations avec le schéma. Le schéma est donc une source de légalité limitée. Cette particularité affecte également la recevabilité des recours directs contre les schémas. Ils ne peuvent pas être écartés. Les schémas, en tant qu’instruments de droit souple, ont une incidence à la fois sur les actes inférieurs, mais également sur les comportements. Mais les juges ne doivent pas se contenter d’une approche globale concernant ces actes, une sélection doit être opérée pour déterminer, au sein de ces actes hétérogènes, les dispositions pouvant faire l’objet d’un recours, et celles ne le permettant pas.
Les justiciables peuvent donc contester certaines dispositions des schémas, mais il reste à se demander quelle serait la nature du contrôle exercé par le juge dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir.
Chapitre 2 – L’appréciation des juridictions sur les schémas
- 560. La question de la recevabilité des schémas dans le cadre du recours pour excès de pouvoir n’est que la première étape contentieuse. Le cœur de ce régime réside dans l’analyse de la légalité du contenu des schémas. Cette analyse est principalement concentrée sur l’appréciation apportée par le juge dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. Dans le cas des schémas, certains ont eu une « vie contentieuse », dans le sens où ils ont fait l’objet de recours, et ont ainsi été examinés par les juridictions qui ont pu indiquer le contenu du contrôle qu’elles exercent sur ces documents. Néanmoins, pour la majorité d’entre eux – faute de contestation ou parce que leur adoption est toujours en cours – le juge administratif n’a pas pu exercer son contrôle. De même, l’ensemble des moyens invocables n’ont pas toujours été examinés. Il est donc possible de déterminer, parfois par analogie avec d’autres documents de planification, ou d’autres actes de nature comparable, quel pourrait être le contrôle du juge, et ainsi brosser un portrait de l’analyse des schémas par le juge de l’excès de pouvoir (Section 1).
- 561. Au-delà du recours pour excès de pouvoir, les schémas soulèvent d’autres interrogations, au regard des normes constitutionnelles. Cette question est plus large que le simple contenu du schéma ; l’activité planificatrice elle-même emporte des implications sur les droits et libertés reconnus aux collectivités territoriales, qu’elles soient élaboratrices, chargées de la mise en œuvre de ces documents, ou objet de la planification (Section 2).
Section 1 – L’examen classique de la légalité des schémas
- 562. La recevabilité des recours contre les schémas n’est que la première étape de l’examen de ceux-ci. Elle est absolument nécessaire, mais elle ne constitue pas le cœur du raisonnement du juge, ce dernier étant constitué par l’examen de la légalité. L’examen de la légalité dans le cadre du recours pour excès de pouvoir s’avère très codifié, or, le schéma n’est pas un acte administratif « classique », il faut donc s’interroger sur l’attitude du juge face à cette particularité.
- 563. La division de cette section s’avère assez classique, en étudiant tout d’abord les questions ayant trait à la légalité externe avant se s’intéresser à celles se rapportant à la légalité interne. Mais cet examen ne se veut pas linéaire : certains éléments appellent des développements plus conséquents que d’autres. En effet, les problématiques liées notamment au respect des procédures nécessitent une étude plus approfondie que les questions liées à l’examen de la qualité de l’auteur. Ces différences de traitement sont nécessaires pour pouvoir appréhender de manière pertinente le positionnement du juge face au contrôle de la légalité des schémas.
§1 – Les questions de légalité externe
- 564. Les schémas se différencient très nettement d’autres actes de droit souple, tels que les circulaires ou encore les vœux. Alors que les circulaires ne peuvent être viciées, du point de vue de la légalité externe, que par le grief d’incompétence, la légalité externe des lignes directrices – comme pour d’autres instruments de droit souple – est adaptée. Il semblerait que cette adaptation soit valable pour les schémas, de sorte que tous les moyens de légalité externe seraient potentiellement invocables. Les développements qui vont suivre ne seront pas exhaustifs, nous ne traiterons pas de l’ensemble des cas d’ouverture de légalité externe. Une distinction doit être opérée entre les vices de forme et les vices de procédure. En effet, le vice de forme affecte la présentation extérieure de l’acte, alors que les vices de procédure ressortent des conditions dans lesquelles l’acte a été élaboré. Si les premiers peuvent être intéressants, ils ne révèlent que peu d’éléments sur la spécificité du schéma. Alors qu’au regard de la complexité de leur procédure d’élaboration, l’étude des possibilités contentieuses peut se révéler plus pertinente.
- 565. Le contrôle exercé par le juge administratif sur le respect de la procédure d’élaboration des schémas est limité (A), ce qui n’est pas sans soulever certaines interrogations (B).
A – Le contrôle limité du respect de la procédure d’élaboration
- 566. Les vices de procédures sont nombreux et différemment appréhendés par le juge. Dans le cas des schémas, l’étude de l’ensemble des vices possibles n’apparaît pas pertinente, les développements suivant se concentreront ainsi essentiellement sur les phases de concertation et de consultation inscrites au sein de la procédure d’élaboration. Seront totalement écartées les questions relatives au respect du contradictoire, qui ne trouvent pas d’application dans le cadre de la planification.
- 567. Le contrôle exercé sur les règles de procédure est nécessaire, notamment en raison de la complexité de celles-ci (1), mais les effets des vices de procédure sont atténués en application de la jurisprudence Danthony (2).
1 – Le caractère complexe des procédures
- 568. Les schémas sont élaborés en suivant une procédure longue et exigeante. Ils font intervenir plusieurs catégories d’acteurs de la vie publique – notamment les élus, les services administratifs spécialisés, les associations, le public – selon des procédures à la fois longues et très organisées. Ainsi, les auteurs des schémas doivent respecter des règles qui s’apparentent non seulement à des dispositions purement procédurales, mais aussi à des règles qui ont une influence sur le contenu des schémas. Par exemple, les règles encadrant la phase de concertation sont considérées comme étant des règles de forme, affectant la légalité externe du document. Pourtant, le mauvais déroulement de la procédure de concertation peut avoir une influence directe sur le contenu du schéma. Ce lien entre forme et fond est inhérent au droit administratif : « le droit administratif, probablement par son origine largement jurisprudentielle, s'est toujours efforcé de mettre la forme, au sens large du terme c'est-à-dire englobant les formes de l'acte et les procédures d'élaboration de celui-ci, au service du fond ». C’est ce lien qui justifie que le juge examine en premier lieu le respect des conditions d’élaboration des actes administratifs. Il est possible de définir le vice de procédure ainsi : « il consiste dans l’omission ou dans l’accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auquel un acte administratif était assujetti. Ces formalités peuvent être fort diverses : consultations préalables mais aussi contradictoires, enquêtes, obligations de publicité ou d’information ou encore délais, sans que cette liste ne soit naturellement limitative. »
- 569. Dans le cas des schémas, il s’agit surtout d’une mise en cause de la procédure de consultation. Il faut dans ce cas entendre consultation au sens large : étude d’impact, concertation, mise à disposition du public, enquête publique, et toutes les étapes faisant intervenir des personnes extérieures aux auteurs du schéma. Au sein de chacune de ces étapes, peuvent être soulevés des vices dans l’organisation, des vices dans la mise en œuvre, voire des vices dans le résultat de l’opération. Le nombre d’irrégularités possibles peut être très important. En théorie, plus la procédure est longue et plus elle nécessite l’adoption d’actes intermédiaires – arrêté marquant le début de la consultation, arrêté marquant le début de l’enquête publique – l’envoi de pièces en temps et en heure – projet de schéma, mise à disposition – et l’information des personnes concernées. Chacune de ces actions est prévue par des lois et règlements et doivent respecter des formes et des délais. Par exemple, un schéma départemental d’accueil des gens du voyage peut être annulé pour non-respect de la composition de la commission départementale consultative d’accueil des gens du voyage. Dans ce cas, le Conseil d’État a censuré le schéma car l’avis rendu par la commission avait été approuvé alors que moins de la moitié des membres prévus par l’arrêté préfectoral étaient présents.
- 570. Autre exemple d’irrégularité dans la mise en œuvre de la procédure d’élaboration d’un schéma ayant conduit à l’annulation : le caractère tardif de la consultation de la commission départementale d’orientation des structures dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un schéma directeur. L’une des phases les plus réglementées, et donc sujette à contentieux est celle de l’enquête publique. Par exemple, dans le cadre de la contestation du schéma directeur de la région Ile-de-France, les requérants ont soulevé six arguments visant à contester le bon déroulement de l’enquête publique. Ils reprochaient successivement un déficit dans l’affichage et la publicité de l’enquête, une insuffisance dans le nombre de lieu et dans les horaires de l’enquête, la non-fourniture de l’étude d’impact, l’absence de la note de présentation non technique de l’enquête, le manque de certaines pièces au dossier d’enquête publique. Les contestations ne se limitent pas à la procédure ou au déroulé de l’enquête, les contestations s’étendent aux conclusions du ou des commissaires enquêteurs.
- 571. Les vices de procédure représentent une part très importante des moyens de légalité externe qui peuvent engendrer des annulations en cascade. Or, certains vices de forme, s’ils demeurent regrettables, ne modifient pas le contenu de l’acte, ou son sens. Il s’agit des vices de forme ayant une incidence sur le sens de la décision finale ou ayant privé les personnes intéressés d’une garantie, que le juge distingue des vices de forme ne présentant pas ces caractéristiques.
2 – Une atténuation des effets des vices de procédure : la jurisprudence Danthony
- 572. Les juridictions administratives ont pris en compte les inconvénients liés aux annulations sur le fondement des vices de procédure, aussi bien du point du vue de l’administration auteur de l’acte que du requérant. En effet, lorsqu’un acte est annulé sur le fondement d’une illégalité externe, l’administration devra de nouveau adopter l’acte en respectant la procédure, ce qui revêt un intérêt concernant la légalité, mais est coûteux pour l’administration ; pour le citoyen, le résultat est quelque peu désarmant : l’administration pouvant de nouveau adopter une décision allant dans le même sens. De plus, le raisonnement adopté par le juge administratif consistant à examiner la légalité externe avant la légalité interne conduit à ce qu’en cas d’annulation pour vice de procédure, le contenu de l’acte ne soit pas soumis au contrôle, ou plus exactement, à ce que le juge applique le principe dit de l’économie de moyens. Ainsi, dans le cas où l’un des moyens soulevé par les requérants, ou un moyen d’ordre public, est déterminant quant à l’issu du litige, le juge peut se limiter à celui-ci. Il peut néanmoins élargir sa motivation et répondre à d’autres moyens justifiant une annulation. Dans le cas d’un recours pour excès de pouvoir contre un acte d’urbanisme, le juge est tenu par le code de l’urbanisme de se prononcer sur l’ensemble des moyens qui pouvaient fonder l’annulation ou la suspension de l’acte contesté. Mais cette obligation législative n’est pas généralisée. Or, sans un examen par le juge, la légalité du contenu de l’acte n’est pas certaine.
- 573. L’automatisme dans l’annulation pour vice de procédure n’est alors pas satisfaisant, aussi bien du point de vue de l’administration que du citoyen. Cette impression est renforcée dans le cas où le vice est sans influence sur le contenu de la décision. Les juridictions administratives ont pris en compte cette insatisfaction et ont peu à peu limité les effets des vices de procédure. Néanmoins, cette atténuation ne résultait pas de critères établis avant l’intervention de la décision Danthony. En premier lieu, cette grille de lecture est le fait du législateur qui, au sein de la loi du 17 mai 2011🏛, a précisé le régime des vices de procédure. Le juge administratif, reprenant cet article, énonce alors le principe dont il est inspiré :
« si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ; »
En énonçant un tel principe, le Conseil d’État lui donne vocation à s’appliquer à l’ensemble des actes administratifs, pour tous les vices de procédure affectant les opérations préalables à l’adoption de l’acte. Ce principe serait, par extension, applicable aux différentes consultations préalables à l’adoption des schémas, lorsque ceux-ci mettent en œuvre des procédures participatives. Le juge peut alors, in concreto, déterminer ce que recouvrent vice substantiel et vice non-substantiel, en fonction des conséquences qu’a pu avoir l’irrégularité, ou l’omission sur le sens de la décision. Une autre possibilité pour que le vice entraîne l’annulation de l’acte, sera lorsque celui-ci aura privé les intéressés d’une garantie. C’est ce que relève le Conseil d’État en l’espèce : l’impossibilité, pour les comités techniques paritaires de deux écoles normales appelées à fusionner, de se prononcer sur les statuts du nouvel établissement avant le vote des conseils d’administration demandant ce regroupement, les a privés d’une garantie. Cette privation de garantie justifie que le vice frappe l’acte de nullité.
- 574. Le raisonnement du juge peut être qualifié de pragmatique : il s’intéresse aux conséquences du vice de procédure sur la décision finale, plutôt qu’au vice en lui-même. Cette approche concrète permet de limiter certaines critiques faites à l’égard de la trop grande rigidité du contrôle de légalité externe.
- 575. Les applications directes de la jurisprudence Danthony au contentieux des schémas sont encore peu fréquentes, néanmoins, des exemples jurisprudentiels pourront dans un futur proche être appliqués aux schémas, dans la mesure où certaines procédures d’élaboration sont communes à d’autres instruments de planification. Concernant tout d’abord l’enquête publique, le Conseil d’État a jugé en 2013 que la Cour administrative d’appel de Versailles avait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si le manquement dans la publicité de l’avis d’ouverture de l’enquête publique était de nature à entacher d’irrégularité l’ensemble de la procédure. En d’autres termes, la Cour aurait dû rechercher si le déficit de publicité de l’avis d’ouverture de l’enquête publique avait empêché l’ensemble des personnes intéressées de pouvoir s’exprimer dans le cadre de l’enquête publique. Dans le cas où une partie des personnes intéressées n’aurait pas pu s’exprimer, et ainsi aurait été privée d’une garantie, le vice aurait entaché la procédure d’illégalité. À l’inverse, si ce déficit n’avait pas limité l’audience de l’enquête publique, le vice n’aurait pas été de nature à vicier la procédure, et n’aurait pas rendu l’acte final illégal.
- 576. Toujours dans le cadre de la contestation de la procédure d’enquête publique, la Cour administrative d’appel de Paris a pu se prononcer sur le caractère substantiel des vices affectant le rapport du commissaire enquêteur. Dans cette affaire, était contesté le contenu de l’avis du commissaire-enquêteur, en ce qu’il ne mentionnait pas l’ensemble des observations émises par les personnes ayant participé à l’enquête, et n’avait pas répondu à certaines critiques. Pour la Cour, l’avis du commissaire-enquêteur « doit faire apparaître que l’enquête a porté sur l’ensemble du projet et que l’intégralité des observations formulées par le public, les dispositions précitées [Articles R. 123-19 et R. 123-22 du code de l’environnement🏛🏛 alors en vigueur] ne lui imposent pas de répondre point par point à chaque à chacune des observations présentées ; que les lacunes présentées relevées par l’association ne peuvent être regardées comme ayant été susceptibles d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou comme ayant privé les intéressés d’une garantie ». Le caractère incomplet de l’avis du commissaire-enquêteur n’est pas considéré comme étant un vice ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision ou ayant privé les requérants d’une garantie affectant la légalité de la décision finale.
- 577. D’autres exemples de vice ont été neutralisés selon la jurisprudence Danthony : l’imprécision de l’arrêté prescrivant la révision d’un PLU, les irrégularités dans la procédure de concertation préalable dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un PLU. Progressivement, les juridictions dessinent le contour de la catégorie des vices ayant une influence sur le sens de la décision finale et de celle des vices privant les requérants d’une garantie. Mais l’étude de l’application du principe issu de la décision Danthony aboutit à se questionner sur la portée de ce raisonnement, sur ses avantages et ses inconvénients.
B – Les interrogations suscitées par l’application du raisonnement « Danthony »
- 578. La jurisprudence Danthony soulève plusieurs interrogations, dans la mesure où elle permet la diminution du formalisme (1), mais interroge l’intérêt de la participation du public (2).
1 – La diminution du formalisme
- 579. En suivant la distinction mise en avant en 1995 par Jean-François Lachaume, il existe en droit administratif un « bon formalisme » et un « mauvais formalisme ». Dans le premier cas, les règles encadrant l’élaboration de l’acte ont pour objectif de servir le fond. En d’autres termes, il s’agit de n’imposer que des contraintes nécessaires à la bonne adoption de l’acte, et plus exactement, qui ont un intérêt pour que la décision finale soit la mieux adaptée possible. À l’inverse, il est possible de qualifier de « mauvais formalisme » les procédures qui n’ont d’autre objectif que le ralentissement de la prise de décision, sans bénéfice pour l’administration auteur de l’acte ou pour les destinataires de ce même acte.
- 580. Le formalisme est bien entendu nécessaire, notamment concernant les procédures de participation du public : celles-ci ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation de l’administration, au risque de créer des différences entre les modalités de consultation du public en différents points du territoire. Il faut donc que soit instaurée une certaine part de formalisme pour ne pas créer de distorsions. Pour autant, Jean-François Lachaume le soulignait déjà en 1995, « il est incontestable que, depuis une vingtaine d'années, les textes surtout, mais aussi la jurisprudence, ont renforcé le formalisme de leur élaboration et de leur présentation ». En effet, la volonté de faire participer différents acteurs à la procédure d’élaboration a conduit le législateur à multiplier les étapes : consultation, association, enquête publique…, multipliant en conséquence les formes et les procédures. Pour rendre la décision unilatérale moins unilatérale, le législateur a compliqué son élaboration, et donc les possibilités de contentieux de la légalité externe. Dans ce cadre, il apparaît bénéfique que le juge puisse, sous conditions, neutraliser des vices de procédure, lorsque la conséquence de leur reconnaissance serait de retarder les effets d’un acte parfaitement légal, en dehors du non-respect – sans effet sur le sens de la décision ou les garanties reconnues aux administrés – d’une règle de procédure.
- 581. Ce mouvement en faveur d’un certain abandon du formalisme est complété par une conception différente de la procédure. En effet, la distinction entre la forme et le fond ne semble plus aussi étanche. L’analyse du raisonnement du juge administratif depuis la jurisprudence Danthony semble confirmer cette hypothèse. En effet, en ne permettant qu’aux vices de procédures ayant une influence sur le sens de la décision ou ayant privé les personnes concernées d’une garantie, d’entraîner l’illégalité de la décision, le juge a opéré un rapprochement entre le fond et la forme. Il faudrait désormais analyser les conséquences de fond du vice de forme pour déterminer sa substantialité. D’autres indices s’ajoutent à cette théorie. Le juge a tendance, dans certains cas, à considérer que des vices appartenant aux moyens de légalité externe ont le caractère de motifs de légalité interne. En 2004, le Conseil d’État a eu à connaître de la contestation, par la voie de l’exception d’illégalité, d’un plan d’aménagement de zone, en raison de l’absence d’étude d’impact préalable. L’existence d’une étude d’impact constitue une des étapes de l’élaboration d’un acte, elle devrait donc être rattachée, en matière contentieuse, aux motifs de légalité externe. Pourtant, le juge administratif dans cette affaire a considéré que l’importance de cette omission justifiait sa requalification en obligation de fond, et non de forme.
« D[oiven]t être qualifiées d'obligations de fond celles qui, bien que relevant de la procédure, renvoient à la qualité du travail effectué, à la fiabilité des nouvelles règles et non simplement aux modalités de leur élaboration. Or, l'exigence de l'étude d'impact trouve sa justification dans l'obligation de rechercher une décision cohérente avec l'objectif de développement durable. C'est bien la qualité de la décision qui est en jeu. Si la réalisation de ce document constitue l'une des étapes de la "procédure" à suivre pour créer une ZAC, son incidence sur la qualité de la décision conduit à considérer que son absence constitue par nature un vice de fond »
Le sens de cette décision peut être relativisé : la requalification de ce vice de procédure en vice de fond se justifie aussi au regard de la demande formulée par les requérants. En effet, les requérants demandaient l’annulation de l’arrêté de création d’une zone d’aménagement, en fondant leur argumentation sur l’illégalité du document directement supérieur, le plan d’aménagement de zone. Or, en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme🏛, au-delà d’un délai de 6 mois après son entrée en vigueur, les documents d’urbanisme ne peuvent plus faire l’objet d’une contestation de leur légalité externe par le biais de l’exception d’illégalité. Si le Conseil d’État avait, comme l’avait fait la Cour administrative d’appel de Bordeaux, considéré que l’absence d’étude d’impact devait être rattachée aux moyens de légalité externe, il aurait dû rejeter l’argument comme ne pouvant plus avoir d’effet.
- 582. L’exigence de la présence d’une étude d’impact, bien que demeurant une étape procédurale, deviendrait une règle dont le non-respect affecterait le fond du document, et non plus sa forme. Une telle interprétation permet la reconnaissance de l’importance de l’étude d’impact sur le contenu du document envisagé. Cette interprétation s’applique aux schémas, dans la mesure où certains d’entre eux, considérés comme ayant une influence sur l’environnement, doivent faire l’objet d’une étude d’impact. L’absence d’une telle étude préalable permettrait alors une annulation sur un fondement de légalité interne, ainsi qu’une contestation par la voie de l’exception d’illégalité. Dans ce dernier cas, il demeure une interrogation quant à l’articulation que le Conseil d’État fera de cette jurisprudence avec la jurisprudence Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT qui est venue limiter les moyens invocables dans le cadre de l’exception d’illégalité. Si les juges maintiennent la jurisprudence selon laquelle l’absence d’étude d’impact constitue un vice de fond, la jurisprudence de 2018 limitant l’invocabilité temporelle des vices de forme n’aurait pas de conséquences. Dans le cas où le non-respect de la procédure relative à l’étude d’impact est classée comme un vice de procédure, elle ne peut être utilisée dans le cadre d’une exception d’illégalité une fois le délai contentieux terminé. Mais en considérant que le non-respect des règles relatives à l’étude d’impact ne constitue pas un moyen de légalité externe, mais interne, son invocabilité demeure perpétuelle.
- 583. Une telle réaction des juridictions, visant à extraire de la catégorie des vices de forme les vices affectant le contenu de la décision finale, contribue, d’une part, à l’atténuation de la distinction entre la légalité externe et la légalité interne, mais aussi au renforcement de l’idée selon laquelle les exigences de procédure doivent avoir pour objet de servir la qualité de l’acte, et non simplement des obligations sans objectif. Il s’agit bien alors d’un mouvement visant à atténuer le formalisme au sens strict du terme – multiplier les règles de forme sans objectif précis – afin que les règles de forme servent qualitativement le fond de l’acte.
- 584. Néanmoins, en atténuant l’impact des vices de forme sur la légalité des actes administratifs, le juge administratif semble privilégier la sécurité juridique à la participation du public.
2 – La question de la participation du public
- 585. Le caractère largement participatif de la procédure d’élaboration des schémas n’est plus à démontrer. La multiplication des procédures de consultation a fortement impacté les instruments de planification. Ce mouvement s’inscrit pleinement dans la volonté de « démocratiser l’administration ». Néanmoins, depuis 2011 et la « danthonysation » des vices de procédure, il semble que le juge souhaite privilégier la sécurité juridique et l’efficacité plutôt que la valorisation de la bonne utilisation des mécanismes participatifs. Il existe plusieurs acceptions pour ce que recouvre la sécurité juridique, à la fois sécurité par le droit et sécurité du droit. Or, la participation du public est à la fois une garantie de la sécurité juridique, et peut être entravée, voire rendue inefficace par ce même principe de sécurité juridique. Philippe Raimbault explique de quelle manière les procédures de participation du public permettent de poursuivre un objectif de sécurité juridique. Cette sécurité juridique se rattache plus particulièrement à la sécurité par le droit dans la mesure où les mécanismes participatifs permettent aux citoyens de participer à l’élaboration de la norme. L’information du citoyen participe de la sécurité juridique. Pour autant, lorsque la sécurité juridique est vue comme la stabilité des dispositions juridiques, elle conduit à laisser de côté la participation des citoyens.
- 586. Alors que les modalités de participation tendent à être simplifiées, laissant aux collectivités organisatrices la capacité de déterminer une part des règles présidant à la concertation ou la consultation, avec pour objectif d’élargir le panel des personnes participant à ces consultations, la participation effective peine à se développer. Pour susciter l’intérêt des citoyens pour les mécanismes participatifs d’élaboration des instruments de planification, il faut également que cette participation ait un impact sur la décision finale, que la consultation ne soit pas considérée comme une simple procédure supplémentaire. Or, certaines applications de la jurisprudence Danthony semblent remettre en cause cet objectif. Par exemple, dans le cadre de l’enquête publique, les juges ont neutralisé un vice de forme résultant de l’insuffisance du rapport du commissaire enquêteur. En effet, celui-ci n’avait pas répondu à l’ensemble des questions soulevées par le projet soumis à enquête. Or, s’il s’avère logique qu’un commissaire-enquêteur ne réponde pas à l’ensemble des remarques, il est somme toute assez étrange qu’il puisse ne pas répondre à une proposition d’implantation différente. Dans l’espèce en question, le point soulevé par l’association requérante ne semblait pas anodin, puisque celle-ci demandait une modification d’un des zonages contenus dans le PLU. Cependant, le juge a choisi de sécuriser la procédure d’élaboration du PLU, plutôt que de sanctionner l’irrégularité. Pour autant, il semble que le pragmatisme du juge administratif en matière de motivation des conclusions du commissaire-enquêteur trouve ses limites lorsqu’est remise en cause une « garantie offerte au public ». En d’autres termes, si le commissaire n’a pas l’obligation de répondre à l’ensemble des observations faites au cours de l’enquête, il a l’obligation de motiver ses conclusions, l’absence de motivation de celles-ci étant de nature à priver les personnes intéressées d’une garantie.
- 587. Il s’agit donc, pour parvenir à une protection des droits des citoyens, et plus largement du public participant à une procédure consultative, que le vice les ait privés d’une garantie pour que cela puisse conduire à l’annulation de l’acte contesté. Cette interprétation permet de relativiser les effets de la jurisprudence Danthony sur la participation du public : alors que la jurisprudence semblait étendre de plus en plus les cas dans lesquels le vice de procédure était neutralisé au regard de son absence d’influence sur le sens de la décision, il semblerait que le juge contrebalance cette tendance en érigeant certains points de procédure participative en garanties entraînant l’illégalité de la procédure de consultation. Le Conseil d’État, dans un arrêt de 2019, après avoir repris le considérant de prinicipe de l’arrêt Danthony a estimé que le non-respect du délai de 4 jours entre la fin de la consultation du public et la signature par le ministre de Transition écologique et solidaire de l’arrêté suspendant la chasse de certaines espèces avait privé les personnes ayant participé à la consultation d’une garantie :
« En signant l'arrêté attaqué dès le lendemain du jour de la clôture de la consultation du public, sans respecter le délai minimum de quatre jours fixé par l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement🏛 et sans qu'ait été établie la synthèse des observations et propositions recueillies lors de la consultation, l'auteur de l'arrêté ne peut être regardé comme ayant pris en considération l'ensemble des commentaires exprimés par le public. Par suite, et alors même que le ministre fait valoir qu'il aurait analysé pendant la consultation les avis exprimés au fur et à mesure de leur réception et indique qu'une synthèse provisoire des 1 000 premières observations aurait été établie, la fédération requérante est fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle attaque a été pris au terme d'une procédure irrégulière. Cette irrégularité, qui a privé les personnes ayant participé à la consultation de la garantie de voir leur avis dûment pris en considération à l'égard d'une décision ayant une incidence directe et significative sur l'environnement, entache d'illégalité la décision prise le 1er août 2018 »
En annulant l’arrêté, le juge affirme l’importance de la prise en compte réelle des avis recueillis lors des consultations publiques, faisant des consultations une garantie pour les individus y ayant participé. Une telle illégalité aurait pû également être considérée comme conduisant à l’annulation, en raison de l’influence que la procédure de consultation du public pouvait avoir sur la décision finale.
- 588. « Le souci de parvenir à une participation toujours plus authentique constitue un puissant moteur de réforme, comme en témoigne la rénovation en profondeur de l’enquête publique dans le sens d’une plus grande démocratisation. » Cette affirmation de Jacques Chevallier semble pouvoir résumer la position des juridictions quant à la légalité externe et plus particulièrement quant aux vices dans la procédure d’élaboration des schémas. Ces derniers s’inscrivent dans une démocratisation qui implique l’intervention de nombreux acteurs extérieurs, et donc la multiplication des procédures de concertation. Or, dans la mesure où les procédures sont plus nombreuses, le risque de vice augmente aussi. Pour éviter une paralysie de l’action publique, les juges ont limité les effets des vices de procédures. Toutefois, cette neutralisation des vices ne doit pas être trop étendue sous peine de vider les procédures participatives de leur substance.
- 589. Le juge administratif a assoupli l’examen de la légalité interne des actes administratifs, et cet assouplissement a profité aux instruments de planification. Il reste à se demander si les schémas disposent d’un traitement particulier dans l’examen de la légalité interne.
§2 – Les questions de légalité interne
- 590. L’examen de la légalité interne des schémas appelle à s’interroger sur le contrôle opéré par le juge administratif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. Il conviendra tout d’abord d’examiner les cas d’ouverture (A), avant de s’interroger sur l’intensité du contrôle opéré sur les motifs du schéma (B).
A – Les cas d’ouverture
- 591. L’examen de la légalité interne d’un acte administratif comporte trois cas d’ouverture. Le juge contrôle tour à tour l’absence de détournement de pouvoir et de procédure, l’absence de violation de la loi, et les motifs de l’acte.
- 592. Le premier cas d’ouverture à étudier est le cas du détournement de pouvoir ou détournement de procédure. Le détournement de pouvoir est constitué par « un abus du mandat que l’administrateur a reçu ; celui qui le commet prend, sous une fausse apparence de légalité, des décisions qu’il ne lui appartient pas de prendre, et qui sont ainsi entachées d’une sorte d’incompétence, sinon par les prescriptions qu’elles édictent, du moins par le but qu’elles poursuivent ». En d’autres termes, les prérogatives de puissance publique ont été utilisées dans un but étranger à celui initialement prévu, qu’il s’agisse d’un intérêt public ou d’un intérêt privé. À ce détournement de pouvoir est fréquemment adossé le détournement de procédure. Ces deux notions, si elles sont parfois séparées par les auteurs, ont un point commun incontestable. Dans les deux cas, qu’il s’agisse de la compétence ou de la procédure, l’objectif de la mauvaise utilisation, ou de l’utilisation dévoyée, est d’atteindre un but étranger au but mis en avant. En effet, le détournement de procédure se distingue du vice de procédure par le caractère volontaire de l’erreur : l’auteur de l’acte a choisi d’utiliser une procédure non-adaptée à la situation factuelle ou juridique afin d’atteindre un but étranger à celui annoncé. Le détournement de pouvoir ainsi que le détournement de procédure peuvent être invoqués à l’encontre des schémas. Par exemple, dans le cas du SCOT, les choix de zonage peuvent donner lieu à un détournement de pouvoir, lorsque les raisons d’une modification ne sont pas guidées par des considérations relevant de la protection des territoires ni de la mise en cohérence de l’urbanisation, mais pour des considérations d’ordre personnel, comme la favorisation d’un projet privé. Le Conseil d’État avait reconnu, à propos du changement de classement d’une parcelle au sein d’un POS d’un terrain appartenant au maire de la commune, l’existence d’un détournement de pouvoir, le reclassement de la parcelle ayant permis une augmentation du prix de vente du terrain. Le détournement de pouvoir est constitué lorsque le SCOT comporte un volet aménagement commercial, si les conditions établies pour pouvoir installer un nouveau commerce contribuent à favoriser en pratique un seul et unique projet, ou à empêcher l’installation de toute forme de concurrence.
- 593. La violation de la règle de droit constitue l’expression la plus simple du principe de légalité : le juge vérifie que l’administration a respecté les dispositions hiérarchiquement supérieures qui s’imposent à elle. Néanmoins, il ne s’agit pas de l’ensemble des normes, seulement les dispositions de fond, c’est-à-dire le contenu de l’acte. Le juge aura en charge de confronter les dispositions qui constituent le sens de l’acte avec les règles qui lui sont directement supérieures. Une fois encore, ce cas d’ouverture n’est pas étranger au contentieux des schémas. Il a par exemple été jugé par le Tribunal administratif d’Orléans que les dispositions contenues dans un SCOT ne pouvaient pas empiéter sur les compétences de la commission départementale d’équipement commercial (CDEC) ni déterminer à sa place les conditions de développement de l’urbanisme commercial. Il s’agit d’un cas dans lequel les auteurs du SCOT ont outrepassé leur compétence et, ainsi, commis une illégalité en ne respectant pas les compétences attribuées à la CDEC. Les récentes réformes des documents d’urbanisme ont incorporé un volet d’urbanisme commercial au sein des SCOT. La solution apportée en 2009 ne serait donc plus la même. Pour autant, elle demeure intéressante du point de vue du raisonnement adopté par les juridictions : elle vient encadrer la marge de manœuvre dont disposent les auteurs d’instruments de droit souple, et notamment de schéma. En effet, le caractère souple de ces instruments ne fait pas obstacle au fait qu’ils doivent respecter leurs champs de compétence propres, sous peine de subir une annulation sur le fondement d’une violation de la loi.
- 594. Autre exemple, constitue une illégalité, du fait de la violation de la loi, l’annulation de dispositions du schéma d’aménagement régional de la Martinique en 2003. L’un des articles du schéma imposait que les aménagements prévus pour accueillir du public et situés en bord de mer soient placés sous une maîtrise d’ouvrage d’une collectivité publique. Cette disposition a été interprétée par le Conseil d’État comme interdisant aux personnes privées « l’aménagement des terrains dont elle[s] serai[en]t propriétaire[s] dans les espaces littoraux, alors même que cet aménagement serait compatible avec les orientations, définies par le schéma, visant à sauvegarder le caractère public et naturel des espaces littoraux », et ayant pour conséquence de porter « une atteinte illégale au droit de propriété ».
- 595. Le juge contrôle un dernier point, l’erreur de fait. Ce cas se décompose en deux éléments, tout d’abord la vérification de l’exactitude matérielle des faits, puis la vérification de la qualification juridique des faits. Dans le premier cas, le juge devra vérifier que les faits sur lesquels s’est fondé l’auteur du schéma sont bien exacts. Dans le cadre des schémas, ce point s’avère extrêmement important. Les schémas sont des actes prévisionnels, qui doivent se fonder sur une analyse la plus complète et la plus exacte possible de la situation, des éléments factuels, au moment de leur élaboration. En l’absence de cette exactitude, les prévisions induites seraient faussées et l’ensemble du schéma perdrait alors de son intérêt. Par exemple, dans le cas du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, doit être établi un recensement des besoins en termes d’infrastructures d’accueil et de dispositifs existants
« Dans chaque département, au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, de l'évolution de leurs modes de vie et de leur ancrage, des possibilités de scolarisation des enfants, d'accès aux soins et d'exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés :
1° Des aires permanentes d'accueil, ainsi que leur capacité ;
2° Des terrains familiaux locatifs aménagés et implantés dans les conditions prévues à l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme🏛 et destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles, le cas échéant dans le cadre des mesures définies par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, ainsi que le nombre et la capacité des terrains ;
3° Des aires de grand passage, destinées à l'accueil des gens du voyage se déplaçant collectivement à l'occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, ainsi que la capacité et les périodes d'utilisation de ces aires. ».
Il est indispensable qu’en cas de contestation, le juge puisse vérifier la matérialité des constats établis par le préfet. Le juge vérifie, notamment, la présence en nombre satisfaisant des éléments de faits contenus dans le schéma, telles que les études préalables suffisantes pour permettre de définir les mesures à prendre. Il s’agissait dans ce cas d’une absence de recueil de la situation sanitaire de la population des gens du voyage circulant sur le territoire. Or, comme le relève la Cour administrative d’appel, les analyses de l’offre de soins mises à disposition des gens du voyage dans le département étaient totalement insuffisantes.
- 596. Cette erreur de fait peut être plus problématique encore, comme dans les cas des SRADDET. Ces derniers déterminent les objectifs en matière de protection et de restauration de la biodiversité. Or, ces objectifs trouvent appui dans une analyse factuelle du territoire. Sans ces éléments de fait, l’acte qui en découle perd entièrement de son intérêt. Le contrôle de l’erreur de fait prend alors tout son sens. Le contentieux dans cette matière semble très limité, notamment par le jeu de la consultation des acteurs locaux. Comme nous avons pu le voir lors de l’étude de la procédure d’élaboration des schémas, les erreurs factuelles qui apparaissent au sein des projets sont identifiées par les EPCI ou les communes sur le territoire desquels se trouvent ces erreurs. Cela permet aux auteurs des documents de corriger ces éléments.
- 597. En dehors de l’erreur de fait, le juge a la capacité de contrôler que les faits ont bien été traduits en droit, il s’agit du contrôle de la qualification juridique. Celui-ci amène le juge à vérifier que les faits relevés par l’auteur de l’acte justifient bien la décision prise, qu’il a fait appel aux bons mécanismes juridiques pour la traduire. Par exemple, dans le cadre des SRADDET, le juge vérifiera que le constat d’une dégradation de l’écosystème, en fonction de sa classification et de son régime de protection, entraînera bien les mesures nécessaires à sa protection et à sa remise en état.
- 598. Néanmoins, le contrôle de la qualification juridique des faits ne sera pas identique dans l’ensemble des contrôles effectués par le juge administratif. Son intensité est variable en fonction de la nature des pouvoirs reconnus à l’auteur de l’acte.
B – L’intensité du contrôle de la qualification juridique des faits
- 599. Le contrôle des motifs recouvre plusieurs éléments. Les deux premiers sont le contrôle de la violation de la règle de droit – aussi appelé erreur de droit – et l’erreur de fait. Le dernier élément du contrôle des motif est la vérification de la bonne traduction juridique des faits : c’est la qualification juridique des faits. La variation de l’intensité du contrôle n’est une réalité que dans le cas de la qualification juridique des faits. Le juge peut choisir entre plusieurs niveaux de contrôle : l’absence de contrôle, le contrôle restreint, le contrôle normal et le contrôle maximum.
- 600. Le premier cas peut paraître paradoxal, dans la mesure où il n’y aura pas de contrôle sur les motifs de fait. Ce contrôle, ou plutôt cette absence de contrôle, constituait la norme lorsque le juge administratif était confronté à une décision prise dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire. Lorsque l’on parle d’absence de contrôle, il ne s’agit que d’une absence de contrôle concernant la qualification juridique des faits, les autres cas d’ouverture demeurent contrôlés. Actuellement, il ne reste que peu de domaines dans lesquels le juge refuse de vérifier que l’administration a bien tiré les bonnes conséquences juridiques des faits. L’absence de contrôle est pratiquée concernant les décisions souveraines des jurys, ou encore le choix de l’attribution d’une légion d’honneur.
- 601. L’absence de contrôle, initialement pratiquée pour l’ensemble des décisions prises sur le fondement d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration, a peu à peu été remplacée par le contrôle minimal, ou contrôle restreint. Le juge recherchera l’existence d’une « erreur manifeste d’appréciation » dans la décision. Ce contrôle, apparu en 1961, a permis une grande avancée au sein du contentieux administratif, permettant au juge d’étendre ses pouvoirs. Le contrôle demeure assez sommaire, dans la mesure où le juge recherchera une erreur grossière, qui serait, selon la définition classique, visible pour un non-juriste. Si ce contrôle présente des avantages – permettre un contrôle sans trop entraver la liberté de choix de l’administration – il est néanmoins très limité.
- 602. Le juge peut avoir des pouvoirs plus étendus et effectuer ce que l’on qualifie de contrôle normal. Il vérifiera alors la bonne qualification juridique des faits en répondant à la question suivante : les faits justifiaient-ils qu’une telle décision soit prise ? Ce contrôle est aussi appelé contrôle entier. Il semble, étant donné sa dénomination, qu’il ne puisse pas y avoir de contrôle supérieur à celui-ci. Pour autant, le juge a développé ses pouvoirs, renforçant son contrôle lorsqu’il est confronté à certains types d’actes. Ce renforcement donne lieu à l’exercice par le juge d’un contrôle maximum. Ce contrôle maximum n’est pas uniforme : il peut prendre plusieurs formes, contrôle de proportionnalité ou contrôle du bilan coûts-avantages.
- 603. Le contrôle de proportionnalité est notamment utilisé dans le cadre de l’examen des mesures de police, et plus généralement, lorsque l’acte en question est susceptible de porter atteinte à une liberté fondamentale. Dans ce cas, le juge s’interrogera pour savoir si la mesure décidée est la mieux appropriée en tentant de répondre à la question suivante : une mesure moins attentatoire à la liberté individuelle aurait-elle pu avoir le même effet ? Ce contrôle va donc au-delà du simple contrôle des motifs, et se rapproche en partie d’un contrôle en opportunité. Le juge s’immisce dans le pouvoir de décision de l’administration et dans ses choix. Cette extension de pouvoir est justifiée au regard des enjeux pour le citoyen : les droits et libertés. Le juge examine alors la mesure sous l’angle d’un triple contrôle : la mesure doit être proportionnée, adaptée et nécessaire. Ainsi le juge doit déterminer si la mesure prise permettait d’atteindre son but tout en préservant les droits et libertés, et la censurera s’il apparaît qu’une mesure moins restrictrive des droits et libertés aurait eu les mêmes effets.
- 604. Le contrôle maximal recouvre aussi le contrôle du bilan coûts-avantages. Celui-ci est apparu dans les années 1970. Il s’agit pour le juge, après avoir examiné les avantages et les inconvénients du projet soumis à son contrôle, de déterminer sa légalité en fonction de ces éléments. Ce contrôle est mis en œuvre par le juge dans des cas particuliers, lorsque celui-ci est interrogé sur la légalité d’une déclaration d’utilité publique. Le juge chercher alors à vérifier que le projet qualifié présente bien une utilité publique. Ce contrôle est le plus approfondi de la gamme des pouvoirs attribués au juge administratif, à la limite entre le contrôle de légalité et d’opportunité.
- 605. Ainsi, dans le cadre du contrôle des motifs, le juge dispose d’un large éventail de contrôle, laissant plus ou moins de marge à l’administration pour prendre sa décision. Il s’agit de se demander quel serait le niveau de contrôle le mieux adapté au contrôle des schémas. Il semble tout d’abord qu’il faille écarter certains types de contrôle.
- 606. L’absence de contrôle ne semble pas appropriée dans le cas des schémas. En effet, les dispositions contenues dans les schémas ne relèvent pas d’une décision souveraine comme celle d’un jury, ou une nomination à un titre honorifique. Cette modalité semble devoir être écartée. Il serait possible d’envisager, dans certaines circonstances, un contrôle de proportionnalité. En effet, dans le cadre de la mise en œuvre des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, doivent être construites des structures permettant l’accueil des populations non-sédentaires. Lorsque ces aires existent, le stationnement doit se faire en leur sein, et les autorités locales peuvent prendre des mesures de police pour que les personnes ne stationnant pas au sein des espaces prévus à cet effet soient déplacés. Or, cet acte est un acte de police administrative qui limite la liberté d’aller et venir des personnes visées. Mais cela ne concerne pas directement les dispositions des schémas, le contrôle de proportionnalité ne semble donc pas adapté à de tels documents.
- 607. L’application de la théorie du bilan coûts-avantages pourrait sembler satisfaisante. En effet, outre la déclaration d’utilité publique, cette intensité dans le contrôle de la qualification juridique est aussi utilisée dans le cadre du contrôle de certains documents d’urbanisme, lorsqu’ils dérogent aux règles. Il pourrait être envisageable d’appliquer le contrôle du bilan coût-avantage à certaines dispositions des schémas, notamment celles mettant en jeu des considérations environnementales. Mais les schémas sont des actes de planification, même s’ils contiennent en leur sein des projets, ceux-ci ne sont que des orientations, ils nécessitent d’être concrétisés. Il est donc délicat de mettre en œuvre un contrôle aussi invasif que le contrôle du bilan coûts-avantages alors que les dispositions contenues dans le schéma ne sont pas définitives, ou du moins ne sont qu’au stade des propositions. En effet, pour pouvoir déterminer les avantages et les inconvénients d’un projet, d’une infrastructure, il est nécessaire de disposer d’éléments concrets et certains quant à sa réalisation. Or, les orientations ne disposent pas d’une consistance ni d’une précision suffisantes pour faire l’objet d’un tel contrôle.
- 608. Il semble qu’il ne reste plus que deux niveaux de contrôle possible : le contrôle normal, ou le contrôle restreint. Les décisions déjà rendues concernant les schémas directeurs nous renseignent sur l’appréhension par le juge de ce type d’acte. Ce mode de traitement s’appuie lui-même sur le contrôle appliqué à d’autres instruments de planification, les PLU. En effet, dans le cadre du PLU, et préalablement des POS, le juge administratif a créé une distinction entre les dispositions soumises aux lois spécifiques que sont les lois Montagne et Littoral et les dispositions de droit commun. Dans le premier cas, le contrôle exercé par le juge sera un contrôle normal, dans le second cas, le contrôle sera limité à l’erreur manifeste d’appréciation. Il est possible, à partir de cet exemple, de déterminer une règle qui pourrait être appliquée : lorsque les dispositions des schémas font application d’une législation de droit commun, le contrôle de la qualification juridique des faits est limité à l’erreur manifeste d’appréciation ; lorsqu’elles font application d’une législation particulière ou dérogent à la législation de droit commun, le juge effectuera un contrôle normal. Par exemple, dans le cas d’un SDCI, les dispositions proposant la fusion d’EPCI à fiscalité propre créant une structure de plus de 5 000 habitants seraient soumises à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, puisque respectant la limite minimale fixée par la loi Notre. En revanche, la mention sur la carte d’une communauté de communes ne respectant pas cette limite serait, elle, soumise à un contrôle normal, afin de vérifier si le maintien ou la création de cette structure remplissent les conditions fixées par la loi. De même, dans le cadre d’un schéma départemental d’accueil des gens du voyage, la mention au schéma de la création d’une aire sur le territoire d’une commune de plus de 5 000 habitants ne ferait l’objet que d’un contrôle restreint, mais la mention d’une commune de moindre taille désignée pour accueillir une telle infrastructure ferait l’objet d’un contrôle normal.
- 609. Cette distinction, si elle permet de déterminer le type de contrôle effectué par le juge, n’est pas figée. Depuis plusieurs années, le juge administratif semble renforcer son contrôle : dans des domaines dans lesquels il mettaint en œuvre un contrôle restreint, le juge a peu à peu renforcé son contrôle. Un domaine d’abandon du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation doit être souligné : les sanctions disciplinaires infligées aux agents publics. En effet, il s’agit d’un domaine dans lequel l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant au choix de la sanction. Dans un premier temps, le juge refusait de contrôler la qualification juridique des faits dans le cadre des mesures disciplinaires, avant d’accepter d’exercer un contrôle restreint ; l’absence de contrôle, puis le contrôle limité de la sanction prononcée poursuivaient un même but : permettre à l’administration de conserver une marge de manœuvre plus importante. Néanmoins, si le juge continue de refuser de se substituer à l’administration, il a peu à peu renforcé la protection des administrés, notamment en renforçant le contrôle sur les motifs. Il serait possible de renforcer ainsi le contrôle des motifs pour les schémas, et de passer d’un contrôle restreint à un contrôle normal.
- 610. Pour autant, ce renforcement peut paraître peu souhaitable. Comme nous l’avons déjà souligné à propos de l’inadéquation du bilan coûts-avantages, les dispositions contenues dans les schémas ne sont pas adaptées à un contrôle classique : une part de ces documents ne se révèle être que des orientations, la décision finale, et donc la qualification juridique à proprement parler, n’interviendra que postérieurement au schéma. Il semble donc plus approprié que le juge examine si le choix des orientations ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation. Cependant, pour les dispositions les plus précises des schémas, telles que le contenu de la partie réglementaire du SRADDET, il peut sembler plus opportun d’effectuer un contrôle normal. Il semble donc que le juge doive continuer à distinguer l’intensité de son contrôle en fonction des dispositions contestées devant lui.
- 611. Le choix de l’intensité du contrôle du juge sur la qualification juridique n’est pas figé : il est appelé à évoluer, notamment au regard des enjeux du document contrôlé. Ce choix s’avère alors pragmatique : le juge le faisant évoluer pour servir une autre finalité, que ce soit la protection de l’administré ou la protection d’un intérêt juridiquement supérieur. Néanmoins, actuellement l’intensité du contrôle semble le plus souvent cantonnée au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Le choix de ce contrôle présente plusieurs intérêts et est en accord avec l’ensemble de la démarche d’appréhension du droit souple et des schémas par le juge administratif. L’objet même du droit souple est de s’affranchir des normes dites « rigides », afin de faciliter les rapports entre les différents acteurs d’un domaine, il serait alors illogique que la « rigidification » soit l’œuvre du juge. Dans un objectif de droit au recours, il est normal que les actes issus du droit souple soient contestables, mais leur contestation, en raison de leur nature particulière doit être aménagée. Dans le cadre du contrôle de légalité, les schémas bénéficient, dans presque toutes les étapes de la légalité interne, d’un aménagement et ne sont pas dans ce cadre des actes administratifs classiques. Comme d’autres types d’actes, par exemple les circulaires, ils voient les étapes du contrôle de légalité modifiées, mais ces modifications s’avèrent particulières, notamment en raison de l’adaptation des rapports entre les actes eux-mêmes. Ainsi, le régime contentieux des schémas demeure en accord avec leur nature particulière. Au-delà des conditions d’examen et de l’analyse faite par le juge dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, il convient de s’interroger sur les relations entre les schémas et les principes constitutionnels protégeant les collectivités territoriales.
Section 2 – Les schémas et les normes constitutionnelles
- 612. La Constitution, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, protègent les droits et libertés des collectivités territoriales. Elles disposent de droits particuliers, notamment inscrits au Titre XII de la Constitution. Parmis ces droits et libertés figure bien entendu la libre administration des collectivités territoriales, mais également le principe de subsidiarité, l’interdiction de la tutelle entre collectivités, ou les principes liés à l’autonomie financière. Les collectivités territoriales bénéficient également d’autres dispositions constitutionnelles inscrites dans le Préambule de la Constitution, comme la liberté d’association, la liberté contractuelle, ainsi que le droit de propriété ou encore le principe d’égalité.
- 613. Les schémas sont des actes émanant des collectivités territoriales, ou des autorités déconcentrées de l’État, et d’une co-élaboration par ces deux autorités. Dans ce cadre, les dispositions des schémas, et l’exigence de leur mise en œuvre ont une influence à la fois sur les actes, mais aussi sur le sens des décisions qu’elles sont susceptibles de prendre. L’adoption et la mise en œuvre de ces documents doivent alors être mises en relation avec les principes garantis par la Constitution et applicables aux collectivités territoriales. Tous les droits et libertés reconnus aux collectivités ne sont pas impactés de la même manière. Parmi ceux-ci deux aspects semblent particulièrement intéressant ; dans les deux cas, l’adoption ou la mise en œuvre des schémas est susceptible d’entrer en conflit avec ces prinicipes constitutionnels. Il apparaît alors pertinent de s’intéresser à la manière dont le législateur et le juge constitutionnel appréhendent ces relations. Les deux principes retenus dans les développements qui suivront sont la liberté de choix des collectivités (§1) et le contenu de la libre administration (§2).
§1 – Une liberté de choix des collectivités réduite
- 614. L’atteinte à la liberté de choix des collectivités recouvre deux aspects ; il s’agit de leur liberté d’association, dans l’optique essentiellement du choix des partenariats intercommunaux (A), mais également de l’élaboration des documents, par les mécanismes de co-élaboration et d’approbation (B).
- 615. La liberté de choix des collectivités territoriales ne recouvre pas seulement ces deux aspects, mais également la liberté contractuelle des collectivités territoriales. Mais dans le cadre de l’adoption ou de la mise en œuvre des schémas, elle semble moins pertinente que les aspects retenus ici, dans la mesure où elle concerne essentiellement les relations extérieures à la planification.
A – L’atteinte à la liberté d’association entre collectivités
- 616. Il est incontestable que la liberté d’association soit au nombre des principes constitutionnellement protégés depuis 1971, date à laquelle elle a été reconnue comme étant un Principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette liberté implique la possibilité pour toute personne, physique ou morale, de se constituer en association, de rejoindre une association déjà existante, ou, dans son versant négatif, de ne pas rejoindre d’association. Ces principes sont limités par le législateur. Ce dernier a, entre autres, limité l’objet des associations en interdisant qu’elles poursuivent un objet contraire à l’ordre public, imposé certaines formalités pour reconnaître leur existence, ou encore fixé les principes minimums régissant leur organisation.
- 617. La question de la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier de l’ensemble des garanties assorties à la liberté d’association doit être posée. Le législateur et les juges considèrent-ils que les collectivités bénéficient de ce droit dans les mêmes conditions que les particuliers ? En effet, la question présente un intérêt dans le cadre des schémas dont le périmètre n’est pas celui d’une collectivité pré-identifiée par le législateur. Il s’agit alors de déterminer si les communes – principales concernées dans ce cas – bénéficient d’un droit à la liberté d’association avec d’autres communes dans la détermination d’un périmètre de schéma. Le droit à la liberté d’association dans ce cas sera interprété comme la possibilité pour les communes de choisir avec quelles autres communes elles pourront s’associer pour créer un EPCI. La formulation choisie par l’article L. 5210-1 du CGCT renforce cette idée : « Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité. ». Cette disposition législative peut être vue comme la traduction d’une forme de liberté d’association des communes. Si est affirmée une forme de liberté de s’associer, au sens large – « libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité » − il n’est fait aucune mention de la forme que doit prendre cette association. Sur cette question précise de la forme que doit adopter l’association de collectivités territoriales, les juridictions administratives se sont prononcées. La question a été soulevée devant le juge concernant une association créée par le département de l’Oise visant à associer ce dernier, ainsi que des communes et des EPCI, sous la forme d’une association régie par la loi de 1901. Le préfet de l’Oise a déféré devant le Tribunal administratif d’Amiens la décision de la commission permanente du conseil général de l’Oise. Par une décision du 11 mai 2010, le TA a annulé la décision de la commission permanente. Le département a relevé appel de la décision. La Cour administrative d’appel de Douai, le 2 février 2012, rejette l’appel formé par le département. Si, en l’espèce, le département n’a pas bénéficié de la protection de la liberté d’association, le juge administratif a par un considérant de principe affirmé le principe de la liberté d’association :
« Considérant que si la liberté d’association est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les collectivités territoriales ne peuvent décider de constituer une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou d’y adhérer que dans le respect des lois qui, en application de l’article 72 de la Constitution, fixent les conditions de leur libre administration »
- 618. Les collectivités territoriales peuvent donc se prévaloir du bénéfice de la liberté d’association, pour créer une association, dans les limites prévues par le législateur : il n’est pas possible pour les collectivités d’utiliser la forme associative de droit commun, lorsque le législateur a préalablement déterminé sous quelle forme juridique elles devaient mener une action prédéterminée.
- 619. Si la forme choisie par les collectivités pour s’associer peut être prédéterminée par le législateur, il n’est rien dit dans la décision de la Cour administrative d’appel de Douai concernant la liberté de choisir avec qui les collectivités peuvent s’associer. Or, cette question revêt une importance certaine dans le cadre des schémas : lorsque l’aire géographique de ces instruments n’est pas identifiée par le législateur, les collectivités sont-elles totalement libres de choisir leurs partenaires ? Le législateur a, au fur et à mesure des réformes de l’intercommunalité, identifié des limites à cette liberté. La première limitation tient à la qualité des personnes morales avec lesquelles une commune peut s’associer dans le cadre de la création d’un EPCI appelé à gérer un SCOT : il ne peut s’agir que de communes elles-mêmes ou d’EPCI composés eux-mêmes uniquement de communes. À la nature des personnes pouvant s’associer, s’est ajouté un critère géographique, instauré pour les EPCI à fiscalité propre par la loi Chevènement de 1999. L’établissement doit avoir un périmètre d’un seul tenant et sans enclave. Cette disposition porte atteinte à la liberté d’association des communes, dans la mesure où elle interdit l’enclavement d’une commune qui peut, en raison des règles de majorité relatives à la détermination du périmètre – deux-tiers des communes représentant la moitié de la population, ou inversement comprenant dans les deux cas la commune la plus peuplée – être intégrée contre sa volonté. Les atteintes à la liberté d’association des communes dans le cadre des EPCI à fiscalité propre ont été aggravées par l’acte III de la décentralisation. La volonté affichée en 2010 d’achèvement de la carte intercommunale, en rattachant progressivement les communes dites « isolées », suivie en 2015 par le rehaussement des seuils de population minimum pour constituer une communauté de communes a mis de côté la question de la possibilité pour les communes de s’associer avec les collectivités de leur choix, et sous la forme souhaitée. Cette disposition a conduit à la fusion d’EPCI, toujours sans exiger l’accord des communes membres. Le processus de renforcement de l’intercommunalité a été soumis au juge constitutionnel à plusieurs reprises, donnant lieu au développement d’une jurisprudence constitutionnelle relative à l’intercommunalité. Au-delà de l’intérêt pour la définition de la libre administration et des QPC soulevées par les communes ou EPCI, il est possible de remarquer que la liberté d’association des collectivités territoriales n’a jamais été utilisée dans le cadre de ces recours. Cette absence d’évocation du PFRLR peut paraître surprenante, pourtant, elle trouve une explication dans la conception même du principe de libre administration, qui l’englobe partiellement.
- 620. Les collectivités se voient contraintes par les dernières évolutions du droit de l’intercommunalité de s’associer et de construire une intercommunalité en fonction de critères dont elles n’ont pas la maîtrise, en contrariété avec les principes initiaux de la coopération intercommunale. Ces modifications contribuent à la diminution des droits des collectivités territoriales confrontées à la mise en œuvre des schémas. Leur liberté de choix n’est pas non plus absolue lorsqu’elles sont élaboratrices de ces documents.
B – Le retour d’une forme de contrôle étatique
- 621. Les schémas sont parfois soumis à un contrôle plus approfondi que les autres actes édictés par les collectivités territoriales ; certains nécessitent une forme de « double validation » (1), et leur exécution peut être suspendue (2).
1 – La double validation des schémas
- 622. Les schémas adoptés par les collectivités territoriales nécessitent parfois une double approbation pour pouvoir entrer en vigueur ; ils doivent, après validation par l’assemblée délibérante de la collectivité, être transmis aux services de la préfecture pour adoption par arrêté. Cette obligation ne concerne pas uniquement les schémas, mais également certains autres instruments de planification locaux comme les cartes communales. La carte communale, après avoir été votée au sein du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante de l’EPCI, doit être approuvée dans les deux mois par le préfet. Cette disposition a quelque peu assoupli le régime précédent puisque la loi SRU du 13 décembre 2000 mentionnant clairement la double approbation nécessaire à l’entrée en vigueur de la carte communale.
- 623. L’idée de la transmission au préfet d’un document de planification pour approbation par arrêté a été reprise dans le cadre de procédures d’adoption de certains documents de planification, notamment les schémas régionaux. Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires s’inscrit dans ce cadre. L’article L. 4251-7 du CGCT prévoit que le schéma est approuvé une première fois par l’assemblée délibérante du conseil régional, puis, dans un second temps, après la transmission prévue par l’article R. 4251-16, par le préfet de région. Il en va de même concernant le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, l’article L. 4251-16 du CGCT prévoit son approbation par le préfet, après une première adoption par l’assemblée délibérante du conseil régional.
- 624. Plusieurs remarques doivent être faites quant à ces procédures prévues pour les schémas régionaux issus de la loi NOTRe. Tout d’abord, le CGCT prévoit clairement la possibilité pour le préfet de s’opposer à l’entrée en vigueur du schéma. Cette précision s’avère importante, elle indique que l’approbation par le préfet n’est pas une simple formalité, elle est une étape à part entière dans l’élaboration du schéma, tout comme la délibération de l’assemblée de la collectivité. Cette double approbation témoigne de la nature particulière de ces documents, adoptés en codécision. Ils nécessitent l’intervention de la collectivité et du représentant de l’État. Cette idée est appuyée par l’avis rendu par le Conseil d’État le 28 novembre 2007 à la demande du Tribunal administratif de Nice, qui avait été saisi d’une requête visant à l’annulation de deux actes, la délibération d’un conseil municipal, ainsi que l’arrêté du préfet approuvant tous deux une carte communale. La question posée par le TA était la suivante : « Dans le cadre de la procédure d’adoption de la carte communale par le conseil municipal et le préfet prévue à l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme🏛, la délibération par laquelle le conseil municipal approuve cette carte revêt-elle le caractère d’une mesure préparatoire ou d’une décision pouvant être déférée au juge de l’excès de pouvoir ? ». Cette question fait suite à une interrogation née de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy qui confirme une décision du Tribunal administratif de Châlons-sur-Saône ayant rejeté la demande d’annulation de la délibération du conseil municipal approuvant la carte communale. Les juridictions avaient qualifié cette délibération, qui intervenait avant l’arrêté préfectoral, de mesure préparatoire, insusceptible de recours. Le Conseil d’État, dans son avis, infirme la position prise par la CAA de Nancy :
« L’adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation du conseil municipal et du représentant de l’État. Par suite, et nonobstant la circonstance que les dispositions introduites par la loi du 2 juillet 2003🏛 précitée précisent que le préfet intervient après le conseil municipal, la délibération par laquelle l’organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d’une mesure préparatoire à la décision du représentant de l’État mais d’une décision à effet différé jusqu’à la publication de ces deux décisions […]. La délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à l’expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication. »
- 625. Les deux décisions sont donc intimement liées, elles ont toutes les deux le caractère de décision administrative faisant grief, mais la décision de l’assemblée délibérante de la collectivité ne peut produire d’effet qu’une fois l’arrêté préfectoral adopté, et les deux décisions publiées. L’autorité préfectorale vient en quelque sorte « valider » l’acte adopté par la collectivité.
- 626. Cette affirmation est complétée par la seconde remarque relative aux dispositions législatives qui encadrent les schémas régionaux : la possibilité pour le préfet de s’opposer à l’entrée en vigueur des schémas. Cela lui donne un pouvoir plus important encore, pouvoir détaillé dans le CGCT :
« Ce dernier s'assure du respect, par le conseil régional et, le cas échéant, par le conseil de la métropole, de la procédure d'élaboration prévue au présent chapitre et de la préservation des intérêts nationaux.
S'il n'approuve pas le schéma, le représentant de l'État dans la région le notifie au conseil régional par une décision motivée, qui précise les modifications à apporter au schéma. Le conseil régional dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification pour prendre en compte les modifications demandées. »
- 627. Pour autant, ces précisions soulèvent quelques interrogations. En effet, les éléments dont le préfet doit vérifier le respect – procédure d’élaboration et préservation des intérêts nationaux – font parties des missions dévolues au représentant de l’État sur le territoire dans le cadre de ses missions constitutionnelles. Cet alinéa semble redondant. En revanche, l’alinéa suivant se présente comme une exception au droit commun de la décentralisation qui veut que les actes des collectivités territoriales entrent en vigueur de plein droit après réalisation des mesures de publicité et transmission de l’acte aux services préfectoraux. Or, cette précision est très importante : elle a une influence sur la libre administration des collectivités, dans la mesure où l’un des acquis des lois de décentralisation est l’abandon de la tutelle, et donc du pouvoir d’approbation dont disposaient les préfets sur les décisions des assemblées délibérantes des collectivités. Les collectivités perdent ainsi une part de leur libre administration.
- 628. Ce retour de l’État dans les décisions des collectivités se manifeste également par le pouvoir de suspension de l’entrée en vigueur dont le préfet dispose parfois.
2 – La suspension de l’exécution des schémas
- 629. Les pouvoirs du préfet ne se limitent pas, en matière de planification des sols à une simple approbation : dans le cadre de l’adoption des SCOT, le représentant de l’État dispose d’un pouvoir de suspension de son caractère exécutoire. Aux termes de l’article L. 143-24 du code de l’urbanisme🏛, « le schéma de cohérence territoriale est publié et transmis à l'autorité administrative compétente de l'État dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales🏛🏛. Le schéma est exécutoire deux mois après sa transmission à l'autorité administrative compétente de l'État. »
- 630. Il s’agit d’un cas différent de celui des schémas régionaux évoqués précédemment, pour entrer en vigueur, le SCOT n’a pas besoin d’être approuvé, il devient exécutoire deux mois après la transmission de celui-ci au préfet, sauf si le préfet décide de sa suspension.
- 631. La seconde différence réside dans les pouvoirs reconnus au préfet. Dans le cadre du SCOT, le préfet ne dispose pas simplement des pouvoirs reconnus dans le cadre du déféré préfectoral, qui n’est d’ailleurs pas impossible contre le SCOT, ses pouvoirs sont différents. L’article L. 143-25 du code de l’urbanisme🏛 identifie deux situations dans lesquelles le préfet peut suspendre l’entrée en vigueur d’un SCOT.
« Toutefois, dans ce délai de deux mois, l'autorité administrative compétente de l'État notifie par lettre motivée à l'établissement public prévu à l'article L. 143-16 les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au schéma lorsque les dispositions de celui-ci :
1° Ne sont pas compatibles avec les directives territoriales d'aménagement maintenues en vigueur après la date du 13 juillet 2010 ou avec les prescriptions particulières prévues à l'article L. 122-26 et, en l'absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l'article L. 131-1 ;
2° Compromettent gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques. »
- 632. Dans un premier temps, le code de l’urbanisme🏛 précise la mission de contrôle de légalité que doit exercer le préfet, rappelant la particularité de la pyramide des normes en matière d’urbanisme. Le 2° est plus intéressant du point de vue du rôle particulier du préfet. Il s’agit dans ce cas pour le préfet d’examiner les choix urbanistiques déterminés par l’EPCI en charge du SCOT. Or il ne s’agit plus simplement de vérifier la légalité d’un acte, mais de porter une appréciation sur les choix opérés. Ce contrôle pourrait être apparenté à une appréciation en opportunité. Il apparaît, en effet, que l’appréciation que le juge est appelé à porter sur les choix est davantage subjective qu’objective. La formule « ne prennent pas suffisamment en compte », par exemple, encourage le juge à se prononcer sur la pertinence des orientations déterminées par l’EPCI. Cette appréciation diffère du classique contrôle de légalité. Pour autant, le choix des termes de cet article reflète la nature délicate du SCOT, et des schémas en général, et donc du contrôle qui doit être réalisé par les autorités déconcentrées sur ce type d’acte. Les rapports particuliers de légalité entre ces documents s’avérent complexes et les enjeux liés à l’aménagement du territoire justifient les dispositions introduites dans le code de l’urbanisme.
- 633. Les procédures liées à l’adoption des schémas diffèrent de celles en vigueur pour les autres actes des collectivités territoriales. La présence du préfet est renforcée et ses pouvoirs dépassent le cadre du droit commun de la décentralisation. Il a une influence sur les choix opérés par les collectivités, et, du fait de cette influence, il marque la prédominance des intérêts nationaux sur l’intérêt local.
§2 –
Les restrictions à la libre administration des collectivités territoriales
- 634. Le principe de libre administration des collectivités connaît des restrictions importantes qui s’avèrent nécessaires à la cohérence territoriale (A) ; il en découle une protection résiduelle du principe constitutionnel (B).
A – Des restrictions nécessaires à la cohérence territoriale
- 635. L’aménagement du territoire est une compétence traditionnellement étatique. Il s’est développé en France postérieurement à la Seconde guerre mondiale, avant qu’il ne devienne le « ‘parent pauvre’ des politiques publiques », comme le soulignent les membres du groupe de travail sur l’aménagement du territoire de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Pour autant, si les politiques publiques nationales d’aménagement du territoire ont disparu, l’aménagement du territoire, lui, n’a pas disparu, il a simplement été décentralisé. L’État n’est plus décideur dans le cadre de ces politiques mais il continue néanmoins de jouer plusieurs rôles. Il est tout d’abord à l’origine de la décentralisation de certaines politiques et de la création des nouveaux instruments permettant la mise en œuvre de politiques locales, au premier rang desquelles figurent les schémas. Il a en charge la détermination des périmètres pertinents lorsque ceux-ci englobent l’ensemble d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités, ainsi que les critères présidant à la détermination des périmètres lorsque ceux-ci ne sont pas prédéterminés. Il est également présent au moment de l’adoption, pour vérifier la légalité des documents d’aménagement du territoire. L’État, même désengagé de l’aménagement du territoire, demeure très présent dans l’action des collectivités. L’idée de cohérence territoriale découle directement de la définition française de l’aménagement du territoire, elle exprime la volonté de la part de l’État de promouvoir un développement égalitaire du territoire, afin de limiter les déséquilibres. C’est par cette limite que sont justifiées les atteintes aux libertés des collectivités territoriales. Cet objectif de cohérence territoriale légitime les limites imposées aux collectivités dans leur action de planification, pourtant, le fondement même de ces limites, à savoir les politiques étatiques d’aménagement du territoire, semble avoir été affaibli ces dernières années.
- 636. L’action des collectivités ne saurait être illimitée, le principe même de décentralisation implique un contrôle de l’État sur leur action. Néanmoins, ces limitations doivent poursuivre un but légitime pour que l’atteinte aux libertés des collectivités soit constitutionnellement justifiée. La libre administration des collectivités, ainsi que l’ensemble des principes contenus au sein du Titre XII de la Constitution du 4 octobre 1958 consacré aux collectivités territoriales, sont limités par les intérêts nationaux. Parmi les intérêts retenus par le Conseil constitutionnel figurent les nécessités liées à la cohérence territoriale. Sous ce terme, il est possible d’identifier plusieurs composantes, ou plus exactement, de regrouper différents arguments mis en avant par le Conseil constitutionnel comme participant de la volonté de préserver, ou de promouvoir, la cohérence territoriale. La volonté de préserver une certaine cohérence a par exemple été utilisée pour limiter la libre administration des collectivités ainsi que leur liberté contractuelle dans la décision de 2006, loi relative au secteur de l’énergie.
- 637. Les schémas s’inscrivent dans la politique d’aménagement du territoire. Or, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, cette politique d’aménagement du territoire a été pilotée par l’État et s’est révélée une spécificité française. Mais les enjeux mis en avant jusque dans les années 1990 – permettre le développement des territoires en dehors de Paris – ne sont actuellement plus les mêmes.
- 638. L’aménagement du territoire a longtemps été éloigné du droit :
« Le droit fut « dérouté » par l'aménagement du territoire. Il n'a pas su le « saisir ». Et cette situation n'est pas surprenante. Par son contenu, l'aménagement du territoire ne se prête guère à une approche juridique. Fondé sur une politique volontariste de relocalisation des hommes et des activités en fonction de choix de développement, il ne peut que difficilement se plier au minimum de rigueur exigé par la règle de droit »
L’absence d’adéquation entre le droit et l’aménagement du territoire n’a pas été résolue au cours de la décennie 1990 ; malgré différentes tentatives, le législateur n’a pas réussi à redonner une impulsion à l’aménagement du territoire au niveau national. Deux lois au cours des années 1990, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 1995, suivie par la loi de 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, ont tenté de mettre en œuvre une série de schémas nationaux, mais ces documents n’ont pas eu de postérité. Si les schémas de secteur ont été conservés jusqu’en 2002, le schéma général introduit par la loi de 1995 a disparu avant même son adoption, supprimé par la loi de 1999. Ces deux lois marquent l’abandon des politiques globales d’aménagement du territoire : les instruments d’aménagement ne couvrent plus l’ensemble du territoire national, et sont limités à un domaine d’action. L’abandon de ces documents soulève une question, celle de la cohérence des instruments en l’absence de document supérieur. L’adoption d’orientations au niveau national permettrait, en collaboration entre l’État et les représentants des collectivités territoriales, d’harmoniser les différents choix opérés, en premier lieu, par les régions. À défaut d’orientations nationales, la cohérence est maintenue par le biais du contrôle de légalité. Néanmoins, celui-ci peut s’avérer limité : il ne s’opère que sur la légalité, et pas directement sur les choix d’aménagement qui ne relèvent pas de manière toujours évidente du droit. Or, c’est sur ces éléments, à la frontière entre le droit et les politiques publiques, que l’État pourrait avoir une influence en édictant des orientations générales nationales. L’État n’est cependant pas absent de l’aménagement du territoire, mais cette présence se révèle au niveau local, d’une part dans l’édiction des documents régionaux et départementaux et, d’autre part, en amont, dans la négociation des contrats de plan État-région. Selon les termes de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable :
« Nous sommes passés d’une politique d’aménagement par un État puissant, à une politique de ‘ménagement’ du territoire par un État qui se contente d’atténuer partiellement les inégalités territoriales, en infléchissant à la marge les dotations et subventions aux collectivités.
Il en résulte, depuis une quinzaine d’années, un développement sans cohérence des territoires par la superposition de projets sélectionnés au regard de différents critères tels que la rentabilité financière, la valeur ajoutée, l’amélioration des conditions de vie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou encore l’articulation avec d’autres équipements déjà existants. Si chacun de ces projets, pris individuellement, peut paraître fondé, leur agrégation ne répond à aucun moment à une stratégie d’ensemble véritablement réfléchie et intégrée. Pour cause, la plupart de ces initiatives nationales sont désormais devenues de stratégies d’attribution et de rationalisation des moyens, rendues nécessaires par la contrainte budgétaire […]
Au final, l’État se révèle aujourd’hui fragmenté et presque inexistant pour porter un développement cohérent des territoires. Ses différents opérateurs se contentent d’intervenir dans le champ de leurs compétences respectives, et l’aménagement du territoire ne fait plus l’objet d’un portage national cohérent et unifié. »
- 639. Le constat fait par les sénateurs est assez sévère pour les politiques d’aménagement du territoire : il n’existe plus de politique globale nationale, seulement des projets épars et sans cohérence. Le groupe de travail établit alors des propositions pour renouer avec une réelle politique d’aménagement, et notamment retrouver ce qu’ils qualifient « d’État stratège ». L’idée défendue n’est pas celle du retour à un aménagement du territoire selon les modalités qui ont échoué au cours de la deuxième partie du XXe siècle.
- 640. Deux grands axes sont développés : un premier au plan national, et un second au plan local. Au plan national, les sénateurs préconisent deux catégories de mesures, d’une part des évaluations systématiques, s’inscrivant dans le cadre de l’étude d’impact des lois et des décrets, mais aussi des politiques publiques, des impacts sur l’aménagement du territoire, combinées à une évaluation des mécanismes déjà mis en œuvre, notamment des schémas ; d’autre part, relancer les politiques d’aménagement du territoire, en intégrant ce critère au sein de l’ensemble des politiques publiques, et en recréant une structure de pilotage d’envergure nationale. Au plan local, les sénateurs préconisent le renforcement du binôme région-EPCI, en utilisant la contractualisation, mais aussi en simplifiant les normes pour libérer l’action des collectivités. Trois ans plus tard, les sénateurs ont présenté 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, reprenant sensiblement les mêmes conclusions et proposant également des évolutions, notamment au regard des relations entre l’État et les collectivités. Les propositions 30 et 31 préconisent une mise en cohérence des actions de l’État et des collectivités par l’association de ces dernières à « la gouvernance de certains opérateurs de l’État », et par la consécration des comités État-régions. Dans la même optique, les sénateurs proposent de renforcer les études d’impact sur le point du respect du principe de subsidiarité, et d’ajouter également une évaluation a posteriori obligatoire (Proposition 32). Ces propositions auraient pû être reprises dans le projet de loi dit « 3DS », mais comme le souligne l’avis de la Commission national d’évaluation des normes rendu le 1er avril 2021, une partie des dispositions, et en particulier celles relatives aux comités État-régions sont absentes du projet de loi. De plus, les membres de la CNEN, s’ils reconnaissent que la concertation avec les élus locaux a bien eu lieu, ne sont pas satisfaits du projet ; il ne prendrait pas suffisamment en compte les éléments mis en lumière par les représentants des collectivités territoriales. Ce sont ces éléments qui ont contribué à l’adoption d’un avis défavorable au projet de loi.
- 641. Ces propositions peuvent paraître séduisantes, elles semblent, néanmoins, quelque peu contradictoires. En effet, d’une part, la région en association depuis les dernières réformes avec les EPCI est déjà reconnue comme étant l’acteur majeur de l’aménagement du territoire. Le renforcement préconisé se manifesterait, dans le cadre de la contractualisation avec les EPCI, par une adaptation des politiques aux territoires. Certes, ces mesures peuvent renforcer l’aménagement régional, mais elles ne permettent pas l’articulation avec une politique nationale. La création d’une structure nationale de pilotage pourrait contrer cet écueil, mais elle semble peu compatible avec la volonté de libérer l’action des collectivités territoriales. D’ailleurs, le rapport reste assez vague concernant les prérogatives qui devraient être dévolues au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) sous sa nouvelle forme : « le groupe de travail souhaite la transformation de cette instance en structure de pilotage transversal chargée de concevoir une vision prospective et cohérente du territoire national et d’assurer sa mise en œuvre ». Le rapport reste silencieux quant aux rapports entre le CGET et les collectivités territoriales, mais il met l’accent sur les politiques de contractualisation. Le rapport a été présenté le 31 mai 2017, quelques semaines après l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, et quelques semaines avant l’annonce de l’instauration d’une Conférence des territoires. Celle-ci doit, selon les termes de son discours inaugural : « conjuguer l’unité de la République qui nous a faits, cette mondialisation qui parfois bouscule des grands équilibres et dans laquelle nous avons à avancer, et la diversité de ces territoires qui est constitutive de nos identités, de notre identité profonde ». La création d’une agence nationale des territoires a été annoncée, et un ministère de la Cohésion des territoires a été créé. Ces éléments pourraient signaler la volonté de renouer avec une politique d’aménagement du territoire national. Néanmoins, cette volonté présidentielle ne semble pas trouver l’écho souhaité. Plusieurs facteurs peuvent être la cause de ce qui semble être un « trou d’air ». Le point de départ semble se situer en 2014, lors des élections municipales qui ont vu l’avènement de nouveaux élus, parfois inexpérimentés, ce qui a nécessité un temps d’adaptation et de familiarisation, notamment dans le contexte de l’achèvement de la carte intercommunale. La poursuite des réformes territoriales a plongé les élus dans une incertitude paralysante : annonces de la suppression des départements, de la fusion des régions, de la nouvelle carte intercommunale… Les différents niveaux de collectivités ont dû se réorganiser pour faire face à leurs nouvelles compétences et leurs nouveaux périmètres, tout en devant participer à de nouvelles instances de concertation régionale et en collaborant à la rédaction de nouveaux instruments de planification – SRADDET et SRDEII. Ces incertitudes peuvent être à l’origine des retards quant à la constitution de projets de territoire, nécessaire à la revitalisation de l’action publique locale. L’Agence nationale de la cohésion des territoires, annoncée en 2017, a vu le jour en janvier 2020, fusionnant le CGET, l’Agence du numérique et l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. La mission principale de cette nouvelle agence de l’État est d’accompagner les territoires, les collectivités territoriales et les groupements de collectivités, dans leurs projets, essentiellement par un appui stratégique et une aide au développement de leurs projets. L’agence associe, dans son conseil d’administration, des représentants des collectivités territoriales et de l’État, en donnant un avantage à l’État et la Caisse des dépôts et consignations qui disposent de la moitié des sièges. L’ANCT doit devenir un acteur priviliégié des territoires, en proposant un guichet unique pour l’aide à la constitution de projet. Son site Internet détaille d’ailleurs les projets dans lesquels l’agence est intervenue ; une rubrique est dédiée aux acteurs du territoire : elle reprend les cas prinicpaux dans lesquels elle peut intervenir, indiquant à chaque fois son offre de service disponible. L’agence n’a pas pour objectif de venir en aide à tous les territoires, mais seulement aux territoires en difficulté, ou innovants. Cela s’inscrit dans la logique liée à l’aménagement du territoire : venir en aide aux territoires les plus en difficulté, afin de rééquilibrer les différences.
- 642. La question de la planification nationale connaît une nouvelle actualité postérieurement à la crise du COVID : le Premier ministre Jean Castex, dans son discours d’investiture prononcé le 15 juillet 2020 devant l’Assemblée nationale, a annoncé la renaissance du Commissariat général au plan.
« Tout en ayant le souci de la mise en œuvre concrète, au plus près de nos concitoyens, l’État, dans le même temps, doit aussi retrouver les voies de l’anticipation. L’action de l’État est trop souvent réduite à la simple gestion des crises et des urgences. Nous avons progressivement perdu notre capacité à nous projeter dans le long terme. À planifier une politique économique à identifier les gisements de croissance futurs, à définir une perspective, à fixer un cap. C’est la raison pour laquelle le Président de la République souhaite la création rapide d’un Commissariat Général au Plan, qui aura pour mission d’incarner et d’animer une telle politique. »
Il semble toutefois que cette refonte de l’instrument de planification privilégié de l’après-guerre ne soit pas destinée à revitaliser l’aménagement du territoire, mais à procéder à une forme de relance dirigée de l’économie.
- 643. Ce contexte paralyse l’action des collectivités et la position du Conseil constitutionnel concernant le niveau de protection accordé par l’article 72 de la Constitution ne semble pas de nature à rassurer les collectivités territoriales.
B – Une protection résiduelle de la libre administration
- 644. La libre administration des collectivités territoriales est un principe constitutionnel incontestable depuis 1958 ; étoffé en 2003, il est doublement mentionné dans le corps de la Constitution : il apparaît d’une part à l’article 72, place logique en ouverture du titre consacré aux collectivités territoriales ; et, d’autre part, à l’article 34, pour fonder la compétence du législateur dans la mise en œuvre de ce principe. Dès 1979, le Conseil constitutionnel a reconnu la libre administration comme faisant partie des sources constitutionnelles invocables dans le cadre du contrôle a priori des lois.
- 645. Mais cette double protection – la mise en œuvre du principe et sa normativité – demeure en question, ainsi que son intensité : le juge protège-t-il la libre administration des collectivités territoriales, dans l’élaboration des instruments de planification, mais aussi celle des collectivités lors de la mise en œuvre, par d’autres personnes publiques, de leurs instruments de planification ?
1 – La libre administration de la collectivité élaboratrice
- 646. La libre administration des collectivités élaborant les schémas est sans doute celle qui demeure la plus effective. La question de la libre administration des collectivités dans le cadre de l’élaboration des documents d’aménagement a été posée au Conseil constitutionnel par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il s’agissait plus particulièrement de la question de la détermination de l’échelle des cartes contenues dans le plan d’aménagement et de développement durable (PADDUC) de Corse, et de la possibilité pour la collectivité de déterminer les espaces du territoire devant figurer au sein de ce document. Le requérant, la commune corse de Coti-Chiavari, a présenté, dans le cadre de son recours contre la délibération adoptant le PADDUC de Corse, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le paragraphe I de l’article L. 4424-9 du CGCT, le paragraphe II de l’article L. 4424-11 du CGCT et le paragraphe I de l’article L. 4424-12 du CGCT. Ces dispositions encadrant les pouvoirs de la collectivité de Corse pour la détermination de l’échelle des documents cartographiques et des sites remarquables seraient, selon la commune requérante, contraires aux principes de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivités sur l’autre, et seraient également entachées d’incompétence négative, en ce que le législateur n’avait pas exercé sa compétence en délégant cette détermination à la collectivité de Corse. La question était donc de savoir si, lorsque le législateur délègue une compétence d’élaboration d’un document d’aménagement du territoire à une collectivité, « il lui laisse une marge d’appréciation quant aux moyens à mettre en œuvre » pour atteindre les objectifs fixés. Le Conseil constitutionnel répond par l’affirmative :
« En vertu du paragraphe III de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales🏛, les documents d'urbanisme élaborés par les communes et leurs groupements doivent être compatibles avec le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Aussi, lorsqu'elle fixe les échelles cartographiques et la localisation mentionnées ci-dessus, l'assemblée de Corse est tenue de veiller, sous le contrôle du juge administratif, à la préservation d'un rapport de compatibilité, et non de conformité, entre les documents d'urbanisme et le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, ne méconnaissent donc ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. »
Le Conseil constitutionnel rejette les griefs d’inconstitutionnalité : le contenu des documents d’aménagement du territoire est bien déterminé par la collectivité élaboratrice. Il renvoie la question de l’atteinte à la libre administration et d’une éventuelle tutelle devant le juge administratif : celui-ci sera compétent pour déterminer les rapports de compatibilité entre les différents documents, et pour vérifier que celui-ci ne se transforme pas en rapport de conformité. En effet, dans le cas d’un rapport de conformité entre les documents édictés par les différents niveaux de collectivités, celui-ci induirait une atteinte par la collectivité de Corse à la libre administration des autres collectivités de l’île. Concernant les risques de tutelle, ceux-ci seraient sans doute moins sérieux, sauf à considérer que le rapport de conformité implique un contrôle de la part de la collectivité élaboratrice. Le rapport de compatibilité est vu comme le garant de l’absence d’atteinte à la libre administration, il en est une condition : il permet à une collectivité de mettre en œuvre ses propres décisions, sans être prise dans le carcan que constitue l’obligation de conformité. La compatibilité permet de s’écarter des prescriptions édictées au sein des autres documents de planification, sans pour autant annihiler la cohérence nécessaire à l’action collective.
- 647. La liberté dans la détermination du contenu d’un instrument de planification n’est cependant pas absolue. La nature du document contraint ses auteurs à prendre des précautions : les schémas se composent d’orientations et de prévisions. Leurs dispositions doivent revêtir une imprécision pour laisser une marge de manœuvre aux auteurs des documents qui doivent leur être compatibles. Une trop grande précision peut alors conduire à l’annulation des dispositions du schéma. Les juridictions administratives ont eu à connaître de contentieux portant sur le degré de précision du schéma. Cette question a notamment été posée dans un cadre particulier, celui de l’urbanisme commercial : jusqu’où le SCOT peut-il aller sans devenir trop précis quant à la question de l’implantation, des déplacements ou de l’agrandissement des structures à caractère commercial ? Le Conseil d’État, par une décision du 10 janvier 2007 a dégagé les principes permettant de déterminer si les dispositions du SCOT sont trop précises :
« les auteurs d'un schéma directeur peuvent légalement se fonder sur l'importance de certaines activités sur le territoire couvert par le schéma pour prévoir des prescriptions spécifiques de nature à orienter leur développement et à assurer leur compatibilité avec le respect d'autres objectifs assignés par la loi, à la condition que ces prescriptions ne soient pas en contradiction avec l'application d'autres réglementations ou procédures administratives et n'interfèrent pas, par leur précision, avec celles qui relèvent des documents locaux d'urbanisme et, en particulier, des plans locaux d'urbanisme »
- 648. Le SCOT – en l’occurrence le schéma directeur, mais la solution est transposable sans problème particulier aux SCOT – peut donc inclure des dispositions plus précises, mais elles ne doivent pas empiéter sur les prérogatives des documents inférieurs. Les données chiffrées contenues dans le SCOT sont examinées attentivement : celles-ci ne pouvant pas intervenir dans l’ensemble des domaines pour lesquels le SCOT est compétent. Il doit, comme l’a exprimé le Conseil d’État, limiter sa prescriptivité aux cas prévus par la loi :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme🏛 qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs ; qu'en matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme ; que de tels objectifs, au regard desquels les commissions d'aménagement commercial devront apprécier la compatibilité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis, peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative ; »
Le juge administratif instaure alors un équilibre entre la possibilité, lorsque cela s’avère pertinent et justifié, de fixer des objectifs précis – la précision s’entendant à partir du moment où le SCOT fixe un seuil chiffré à respecter – et le respect des prérogatives des auteurs des actes inférieurs de planification, mais aussi de celles des collectivités devant mettre en œuvre ces dispositions. La collectivité auteur du schéma se retrouve alors limitée dans la détermination du contenu de son acte par la compétence des autres acteurs de la planification, sous le contrôle du juge. Les contentieux de cet ordre s’avèrent peu nombreux, et peu satisfaisants pour les requérants, peu de SCOT ayant subi l’annulation du fait de leur trop grande précision : une décision d’espèce est à mentionner, rendue par le Tribunal administratif d’Orléans. Il s’agissait d’une disposition contenue dans le SCOT de l’agglomération chartraine qui interdisait le transfert ou la création d’hypermarchés d’une taille supérieure à 2500 m2 de surface commerciale en dehors de la rocade, et, au sein de celle-ci, en dehors de deux pôles identifiés sur les documents graphiques du schéma. La société Sodichar, exploitant une surface commerciale au sein du périmètre du SCOT, s’est vu refuser par la commission départementale d’équipement commercial – décision confirmée par la commission nationale puis annulée par décision du Conseil d’État – le transfert et l’agrandissement de cet hypermarché au sein d’une commune membre également du SCOT, mais située en dehors de la zone d’implantation identifiée. Il fallait alors, pour les juges orléanais, confronter les dispositions du SCOT au cadre fixé par le juge dans la décision Fédération départementale de l’hôtellerie de plein air de Charente-Maritime : les dispositions d’un SCOT, pour être légalement prescriptives doivent être justifiées d’une part par les particularités du territoire, et d’autre part, par le respect des objectifs fixés par la loi ; elles doivent également ne pas empiéter sur les prérogatives reconnues aux documents inférieurs. C’est sur ce dernier point que se positionne le Tribunal administratif d’Orléans pour déclarer illégale la disposition encadrant l’extension et le transfert de surfaces commerciales de plus de 2500 m2. Il faut néanmoins nuancer quelque peu l’apport de cette décision. Tout d’abord, il s’agit d’une décision d’espèce : le litige n’a pas été porté devant les juridictions d’appel ni de cassation. De plus, il semble que les juges orléanais aient choisi de retenir comme grief l’erreur de droit, et d’écarter le contexte d’adoption de la disposition qui pouvait révéler l’existence d’un détournement de pouvoir et de procédure. En effet, les zones identifiées comme étant les seules à pouvoir accueillir les transferts et agrandissement se situaient sur le territoire de la communauté d’agglomération Chartres Métropole ; la commune au sein de laquelle la société requérante voulait s’implanter n’était pas membre de cet EPCI. Les requérants soutenaient que la volonté poursuivie par le syndicat en charge du SCOT était d’empêcher le transfert de leur hypermarché, afin d’éviter que l’EPCI ne perde une partie de ses ressources. Si ce point est développé par le rapporteur public, il conseille de l’écarter, faute de preuves suffisantes. Les juges ont estimé que les auteurs du SCOT avaient outrepassé leur compétence, intégrant dans leur schéma une disposition impérative supprimant toute possibilité d’appréciation de la part de la commission départementale d’équipement commercial, dont les décisions doivent être compatibles, et non conformes, aux dispositions et orientations contenues dans les SCOT. La libre appréciation du contenu des schémas par leurs auteurs subit donc une double limitation : ils doivent respecter les dispositions éditées par les autorités supérieures, mais aussi les compétences des autorités inférieures, que celles-ci aient pour mission de mettre en œuvre directement ces orientations, ou qu’elles disposent d’une compétence de planification à l’échelle inférieure.
- 649. Si la position de collectivité élaboratrice permet de préserver la libre administration de celle-ci, lorsque la collectivité n’est pas placée dans cette situation, sa libre administration devient plus contrainte.
2 – La libre administration des collectivités non-élaboratrices
- 650. La question de la libre administration des collectivités mettant en œuvre les schémas, ou étant l’objet du schéma s’avère plus délicate puisque le Conseil constitutionnel a tendance à privilégier la volonté du législateur sur la libre administration des collectivités territoriales. Le juge administratif se trouve aussi saisi de ces questions, dans le cadre du contrôle de compatibilité des actes inférieurs, mais aussi de la mise en œuvre de ces documents.
- 651. La question de la libre administration des collectivités destinatrices des instruments de planification connaît un regain d’intérêt consécutivement aux nouvelles compétences de planification attribuées à la collectivité régionale par la loi NOTRe de 2015. En effet, la région a été renforcée dans son rôle de planification par la compétence d’élaboration de deux schémas, le SRADDET et le SRDEII, dont une partie des dispositions a valeur contraignante pour les collectivités de rang inférieur. Comme vu précédemment, il n’est pas question de conformité dans la mise en œuvre de ces documents, le législateur ayant veillé à écarter tout risque de tutelle de la région sur les collectivités inférieures, par la mise en place de garanties procédurales et de fond. Le garde-fou essentiel dans la procédure est celle de la concertation : « cette logique d'élaboration collégiale, dans l'esprit des parlementaires qui l'ont imposée, s'analysait comme la contrepartie du caractère prescriptif de ces schémas, faisant en sorte que le caractère obligatoire de ceux-ci découle de leur libre adhésion, la contrainte se trouvant déplacée à l'arrière-plan. » Les contentieux relatifs à la mise en œuvre de ces documents ne se sont pas encore développés, et ne se développeront peut-être pas dans le cas où la concertation suffirait à lever les oppositions. Il appartiendra au juge administratif de déterminer dans quelles conditions, en pratique, la libre administration des collectivités chargées de la mise en œuvre des documents régionaux peut être protégée.
- 652. Le principe de libre administration des collectivités territoriales semble actuellement se réduire comme peau de chagrin : le Conseil constitutionnel privilégiant, notamment depuis 2010, les volontés de rationalisation du législateur, et non les libertés des collectivités territoriales, et plus particulièrement des communes. Les collectivités territoriales se sont saisies de la QPC pour tenter de faire évoluer la protection de la libre administration, malheureusement sans grand succès. Si le Conseil constitutionnel a reconnu implicitement, puis explicitement, la libre administration comme un droit ou une liberté invocable dans le cadre de la QPC, cette ouverture du prétoire ne s’est pas traduite par un accroissement de la protection constitutionnelle des collectivités : « il en résulte que le droit des collectivités territoriales n'a pas été profondément renouvelé par la QPC, tant les déclarations de conformité à la Constitution ont été nombreuses dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ». Même peu nombreuses, les déclarations de non-conformité ont renforcé l’existence même de la libre administration, et surtout permis de définir plus précisément ce que recouvre ce principe constitutionnel.
- 653. Peu de décisions de QPC relèvent de la contestation des différents schémas adoptés par les collectivités territoriales, ou dont elles sont l’objet, et moins encore invoquent une contrariété entre les dispositions législatives et la libre administration. Néanmoins, un contentieux assez nourri s’est développé autours des SDCI et de leur mise en œuvre au regard du principe de libre administration, donnant lieu à plusieurs QPC, et permettant ainsi au Conseil constitutionnel de préciser le contenu de la libre administration.
- 654. Dans le cadre de la mise en œuvre des SDCI, les communes et certains groupements ont tenté de faire reconnaître la contrariété entre l’article 72 de la Constitution et les pouvoirs reconnus au préfet à la fois dans le cadre du schéma, mais aussi en dehors du schéma, pour atteindre les objectifs assignés par le législateur à celui-ci. Dans ce cadre, la réponse du Conseil constitutionnel s’est avérée plutôt décevante pour les collectivités : le juge constitutionnel ayant eu tendance à faire prévaloir l’intérêt général exprimé par la volonté du législateur au détriment de la liberté de choix des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel n’a pas eu la possibilité de se prononcer directement sur la constitutionnalité du SDCI, le Conseil d’État ayant refusé, en 2012, la transmission d’une QPC portant sur ce sujet. La plus haute juridiction administrative, dans son rôle de filtre, a estimé que la décision adoptant le SDCI n’implique pas, « par elle-même, la création, la modification ou la dissolution d'établissements intercommunaux, auxquels certaines communes seraient tenues d'adhérer, ni la définition des compétences obligatoirement transférées par les communes à ces établissements » ; et qu’ainsi « ces dispositions ne peuvent être regardées comme affectant la libre administration des collectivités territoriales », justifiant le refus de transmission de la question. La transmission de cette QPC a été examinée par le Conseil d’État avant que celui-ci n’ait déterminé la nature du SDCI, ce qu’il a fait en 2016. Or en admettant que les SDCI pouvaient faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le juge a reconnu qu’ils ont une influence sur les actes qui en découlent. Il est alors possible de se demander si la solution serait traitée de la même manière en cas de nouvelle QPC. Le Conseil d’État statuerait sans doute dans le même sens : la qualification d’acte non-réglementaire présente un intérêt pour les recours directs contre les SDCI, mais ne change pas leur contenu. Ils n’implique toujours pas, par eux-même, la modification de périmètre intercommunaux, ou le transfert de compétences. Le raisonnement du juge n’est donc pas affecté.
- 655. Néanmoins, si le schéma n’a pas été examiné dans le cadre de la QPC, les pouvoirs du préfet découlant de son adoption, et de sa non-adoption dans les délais prévus par la loi, ont été confrontés à la norme suprême. La définition donnée par le Conseil constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales dans le cadre de ces procédures permet un éclairage concernant les limites constitutionnelles concernant la mise en œuvre des instruments de planification. En effet, lorsque le Conseil constitutionnel relève une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, il vérifie si elle est justifiée. Pour cela, deux conditions doivent être remplies : l’atteinte doit être motivée par un but d’intérêt général, et elle doit être proportionnée au but à atteindre. Si ces deux conditions sont remplies, l’atteinte, même importante, sera conforme à la Constitution. L’analyse des décisions rendues par le Conseil constitutionnel relatives aux pouvoirs liés à la rationalisation de l’intercommunalité laisse entrevoir une faible protection à l’égard de la collectivité, essentiellement procédurale. Dans l’ensemble des cas de figure soumis au Conseil constitutionnel, celui-ci reconnaît bien que les pouvoirs liés à la mise en œuvre de la rationalisation sont effectivement attentatoires à la libre administration des collectivités territoriales. Mais, dans deux décisions sur quatre, cette atteinte était justifiée par un but d’intérêt général – l’achèvement de la carte intercommunale – et proportionnée par rapport à l’importance de cet objectif. Deux décisions ont abouti à une non-conformité totale, la décision Commune de Thonon-les-Bains et autre et la décision Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autres. Dans la première affaire, la disposition contestée était celle permettant au préfet de rattacher d’office à un EPCI une commune dite isolée, c’est-à-dire une commune n’appartenant à aucun EPCI, créant une enclave au sein d’un EPCI ou une discontinuité territoriale. Dans la seconde affaire, il s’agissait du rattachement contre sa volonté d’une commune nouvelle issue de la fusion de communes appartenant à des EPCI différents. Le point commun de ces deux hypothèses est la contrainte exercée sur une commune pour qu’elle rejoigne un EPCI, et surtout, et c’est sur ce point que les juges ont sanctionné les dispositions, l’absence de consultation préalable des personnes publiques intéressées. En effet, dans le premier cas, la consultation de la commune dite isolée n’était pas prévue par la loi, ni celle des autres communes membres de l’EPCI d’accueil ; dans le second cas, la consultation de la commune nouvelle était bien prévue, mais pas celle des différents EPCI en cause – à savoir l’EPCI d’accueil de la commune nouvelle, et l’EPCI duquel étaient retirées certaines communes – ainsi que des communes les composant. Dans les deux cas, l’inconstitutionnalité résultait non du caractère coercitif des pouvoirs du préfet, mais de l’absence de consultation des personnes intéressées. Il semble que l’idée de consultation, sans pour autant que la décision finale doive y être conforme, soit le cœur de la protection de la libre administration. Toute activité visant à la rationalisation serait alors constitutionnelle, dans le cas où toutes les collectivités concernées auront été consultées avant l’adoption du projet. Cette conception de la libre administration s’avère très restreinte, elle ne permet aux collectivités de s’opposer aux décisions que dans de rares hypothèses, et – pour ce qui est des regroupements intercommunaux – à travers l’opposition d’une structure consultative à la majorité qualifiée. Le sentiment qui en résulte pour les communes est assez négatif : la mise en œuvre des schémas par les autorités déconcentrées apparaît alors comme étant assez autoritaire.
- 656. Conclusion de chapitre
La Constitution offre des garanties aux collectivités pour protéger leur action, mais il apparaît, au regard de la définition donnée par le Conseil constitutionnel de ces garanties, que celles-ci ne sont que peu protectrices. En effet, les collectivités demeurent très encadrées dans leurs fonctions planificatrices par l’État, au travers de la poursuite de l’intérêt général. Ces restrictions permettent de conserver une unité dans les politiques territoriales. Si la libre administration des collectivités, objet des schémas ou chargées de les mettre en œuvre s’avère la plus réduite, celle des collectivités élaboratrices semble plus consistante. Pour autant, cela ne confère pas une immunité totale aux auteurs des schémas, leur activité est encadrée, de même que le contenu des schémas. Dans le cadre de son examen, l’activité du juge administratif est atténuée, en raison de plusieurs éléments : la nature des documents – actes de droit souple – mais également les évolutions du contentieux administratif.
- 657. Conclusion de titre
Le régime contentieux des schémas peut soulever de nombreuses interrogations, pour finalement ne pas se révéler très dérogatoire. Les principales incertitudes ont pu voir le jour quant à la question de la recevabilité des recours à l’encontre de ce type de documents. L’ensemble des actes dénommés « schémas » ne sont pas contestables devant le juge, pour la simple raison que certains schémas ne sont pas des actes de planification, mais de simples actes descriptifs. Dans le cas des « véritables schémas », il importe que le juge administratif ait l’occasion de se prononcer sur leur légalité, mais aussi que ces documents de planification, en tant qu’actes devant être mis en œuvre, puissent être utilisés dans le cadre du contrôle de légalité d’un acte lié à celui-ci. La question de la recevabilité des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les schémas n’est pas globale, mais sélective, l’ensemble des dispositions contenues dans ces actes n’étant pas de nature à faire grief. Ce sont ces dispositions qui sont saisies par le juge administratif dans le cadre de son contrôle. L’organisation du contrôle suit l’organisation classique des cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir. Certains points de contrôle sont aménagés, au regard des évolutions du contentieux administratif – notamment relativement aux vices de procédure – et à la nature particulière de ces documents. Le cadre de leur adoption et de leur mise en œuvre interroge également quant à la protection constitutionnelle dont bénéficient les collectivités territoriales. Deux cas se distinguent, celui de la protection de la collectivité élaboratrice, et celui de la protection des collectivités objets du schéma ou le mettant en œuvre. Dans le premier cas de figure, la libre administration des collectivités est encadrée afin que l’activité planificatrice ne porte pas atteinte à un autre principe constitutionnel, l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur l’autre. Dans le second cas de figure, la libre administration s’avère plus resserrée, les collectivités mettant en œuvre les schémas, ou étant objet de ceux-ci, sont contraintes, tant dans leur action et dans leurs décisions, de se plier aux nécessités d’intérêt général et de cohérence territoriale, que le juge constitutionnel privilégie.
Titre 2 – La relative inefficacité des schémas
- 658. La planification a connu ces dernières années un nouveau développement au niveau local, en lien avec les transferts de compétences réalisés au bénéfice des collectivités et de leurs groupements. Les collectivités se sont saisi de la compétence de planification, et ont, au fil des réformes, adopté, modifié, amendé les divers schémas dont elles ont la charge. Néanmoins, cette multiplication semble quelque peu anarchique : à chaque nouvelle compétence, semble se rattacher un nouvel instrument de planification. Une telle multiplication des documents de planification appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, du point de vue de la quantité des instruments de planification. Les instruments se superposent, sur le territoire, ce qui est assez normal – les collectivités se superposant elles-mêmes – mais également dans certains domaines : des collectivités différentes adoptant des documents portant sur les mêmes sujets. Puis, d’un point de vue temporel, une autre remarque s’impose : la multiplication des instruments entraîne une augmentation des périodes au cours desquelles les collectivités élaborent ces documents, ou les mettent à jour, en fonction des nouvelles dispositions législatives, réglementaires ; à ces nouvelles dispositions s’ajoutent celles issues d’instruments de planification adoptés par les autres collectivités ou groupements de collectivités. Enfin, une dernière remarque doit être soulevée : au-delà des instruments de planification obligatoire, se sont développés des instruments optionnels. Ces documents s’accompagnent de mesures, censées inciter les collectivités territoriales à les adopter et/ou les mettre en œuvre. Ces questions soulevées par la multiplication des instruments doivent être étudiées (Chapitre 1).
- 659. La planification est une nécessité pour organiser l’action des collectivités territoriales sur le territoire. Mais dans l’état actuel des choses, elle manque d’efficience. Les instruments éparpillés ont besoin d’une globalisation, d’être repensés pour devenir cohérents. La cohérence semble être la clef de l’efficacité de la planification. Il convient donc d’identifier les mécanismes ayant conduit à des fusions de schémas, pour pouvoir comprendre comment rationaliser ces instruments. Au-delà d’établir des critères de regroupement cohérents, il serait également pertinent de proposer une définition des schémas. Cette définition permettrait d’éclaircir le paysage de la planification, et ainsi d’harmoniser leur procédure d’élaboration, et leur régime juridique (Chapitre 2).
Chapitre 1 – L’augmentation quantitative
- 660. Depuis la loi du 2 mars 1982🏛, les communes, départements et régions sont devenus des collectivités territoriales de plein exercice. Dans ce cadre, elles ont été dotées de conseils et d’un exécutif élu, ainsi que de compétences propres. Néanmoins, la règle initiale de répartition – répartition par bloc de compétences – n’a pas pu être mise en œuvre. Aucune compétence n’appartient pleinement et entièrement à un seul niveau de collectivités territoriales. Les différentes vagues de décentralisation ont accru les compétences des collectivités. Les compétences des collectivités et les interventions croisées ont été accompagnées d’instruments de planification qui ne sont pas tous d’adoption obligatoire. Pour les schémas optionnels, des mécanismes ont été pensés et mis en place pour inciter à leur adoption, tantôt avec succès, tantôt en vain. D’autres mécanismes incitatifs ont été pensés, face à la réticence dans l’adoption ou la mise en œuvre de certains documents de planification.
- 661. Les instruments de planification, et en conséquence les schémas, connaissent une multiplication assez anarchique (Section 1), renforcée par les mesures d’incitation à la planification (Section 2).
Section 1 –
Une multiplication anarchique des instruments
- 662. Les réformes du droit des collectivités territoriales engagées depuis le début des années 2010 ont renforcé l’intervention locale en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Ces compétences ont été largement partagées entre l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, multipliant les intervenants. Or ces domaines sont naturellement sensibles à la planification. Ce développement a contribué à la multiplication des schémas et autres instruments de planification sur le territoire, s’entrecroisant et se superposant. Cette profusion de documents de planification n’est pas synonyme d’efficacité : l’éparpillement temporel et territorial des documents ne permet pas d’assurer une gestion cohérente et efficace des actions communes.
- 663. Les instruments de planification se sont progressivement superposés de manière problématique (§1), sans pour autant qu’il en résulte une réelle efficacité de l’action publique (§2).
§1 –
Une superposition problématique d’instruments de planification
- 664. Le domaine de la planification n’échappe pas aux reproches faits au droit des collectivités territoriales en général : les différentes lois ayant transféré des compétences aux collectivités locales ont créé un enchevêtrement des compétences ; d’une part les compétences sont divisées entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales, d’autre part, certaines sont partagées entre plusieurs niveaux. La succession des lois de décentralisation a également contribué à l’augmentation des domaines d’action des collectivités, et, dans un souci d’efficacité et d’efficience, des instruments de planification.
- 665. La planification a ainsi suivi le même chemin que le droit de la décentralisation, les compétences de planification augmentent au fil des lois modifiant le droit des collectivités territoriales (B), et ces compétences demeurent divisées entre plusieurs niveaux de collectivités (A).
A – La division de la compétence entre les différents niveaux de collectivités
- 666. L’identification des compétences des collectivités territoriales n’est pas aisée. En effet, malgré les tentatives pour la clarifier en 2010, 2014 et 2015, la répartition des compétences n’est que peu lisible, comme en témoigne le tableau de répartition des compétences édicté par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) annuellement. Les lois de décentralisation ont eu pour ambition de mettre fin aux interventions concurrentes, mais elles n’ont fait que les aménager, sans les supprimer. Dans une optique de limitation, le législateur a introduit différents modes d’organisation des compétences partagées. Tout d’abord, les dispositions constitutionnelles relatives aux collectivités chef de file ont été mises en œuvre, désignant, pour les domaines d’intervention concurrente, un niveau de collectivité en charge de la gestion de l’action commune de l’ensemble des acteurs. Une nouvelle instance de coordination a été créée, la conférence territoriale de l’action publique par la loi du 27 janvier 2014🏛, elle a été renforcée par la loi du 7 août 2015🏛. Celle-ci rassemble, sous la présidence du président du conseil régional, les exécutifs d’une partie des collectivités et groupements de collectivités intervenants sur le territoire de la région. L’objet de cette conférence est de « débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements ». Cette nouvelle instance devrait permettre la collaboration entre collectivités pour la gestion d’une part des projets nécessitant le concours de plusieurs acteurs locaux, mais aussi des compétences que le législateur a choisi de ne pas attribuer à une personne déterminée :
« La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l'État et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l'État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions.
Les compétences en matière de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier. »
Les CTAP se sont peu à peu mises en place – dans certaines régions avant le renouvellement des conseils – et en 2016, elles étaient constituées dans l’ensemble des régions. Dans un rapport rendu en 2017, l’Inspection générale de l’Administration a, à la demande de Jean-Michel Baylet, fait un bilan de la mise en œuvre des outils de coopération entre collectivités, tout en faisant un focus sur les CTAP. Avec le peu de recul dont disposaient les auteurs du rapport, ceux-ci ont pu néanmoins émettre un avis favorable sur les CTAP, instances de rencontre et de discussion entre les principaux exécutifs du territoire régional. Si les conférences n’avaient pas encore permis d’identifier de réel projet de territoire, impliquant l’ensemble des collectivités et groupements de collectivités du territoire, leurs membres étaient confiants dans la nécessité de conserver ces instances, et de leur permettre, après une période d’appropriation, de devenir de réels outils d’organisation des politiques publiques sur le territoire. Pour autant, même si les CTAP deviennent une instance efficace, certains écueils demeureront. Tout d’abord, ces instances regroupent uniquement les exécutifs des collectivités et de leurs groupements, dépossédant les assemblées délibérantes d’une part de leurs compétences. De plus, la représentation des collectivités au sein de ces conférences n’est pas égalitaire : seules les collectivités les plus importantes disposent d’un siège au sein de la conférence. L’absence de représentation égalitaire est facilement justifiable : il ne serait pas logique, tout d’abord, d’accorder le même pouvoir de décision à une métropole ou à une commune de moins de 1000 habitants. De plus, les assemblées qui résulteraient de cette représentation ne seraient pas fonctionnelles du fait de leur caractère pléthorique. Les mêmes remarques ressortent également du rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales rendu le 11 octobre 2017. Les assemblées « filtrées » mises en place à partir de la loi Maptam ont été, de fait, modifiées du point de vue de leur nombre de membres par la nouvelle délimitation des régions, certaines avoisinant les 100 membres – 93 pour la CTAP de la Nouvelle-Aquitaine. Pour rendre les débats plus efficaces, certaines CTAP ont créé des commissions, rassemblant moins de membres. Cette instance nécessite des aménagements locaux, ce que les différentes CTAP ont réalisé au travers de leur règlement intérieur, mais elle nécessite aussi une pratique, afin de dépasser les clivages locaux, pour converger vers une politique commune au sein d’une région.
Le second écueil principal repose sur le choix de la présidence de la CTAP : le président du conseil régional. Cette présidence est prévue par la loi, pour autant, certains présidents de conseils départementaux ont pu réclamer une présidence tournante. En effet, la présidence de la CTAP ne constitue pas une simple fonction honorifique, elle permet la maîtrise des débats, et de l’ordre du jour de chaque réunion. L’attribution de ces compétences à la région est un indicateur clair de la volonté de faire de ce niveau de décentralisation le moteur de l’action territoriale.
- 667. Postérieurement aux réformes de l’acte III de la décentralisation, certaines compétences demeurent partagées, sans organisation d’une action commune. Le tourisme fait partie des compétences pour lesquelles le législateur n’a pas identifié une collectivité comme disposant exclusivement de la compétence. Pourtant, le projet de loi NOTRe, présenté au Sénat le 18 juin 2014, prévoyait que la compétence tourisme était bien partagée, mais faisait l’objet d’un chef de filât, sous la responsabilité de la région. Ce chef de filât devait être accompagné d’un schéma régional : « Elle [la région] élabore le schéma régional de développement touristique qui fixe les objectifs stratégiques d'aménagement, de développement et de promotion touristiques. Le schéma précise les actions des collectivités, notamment en matière de promotion, d'investissement et d'aménagement touristique du territoire ». L’objectif principal était de clarifier la répartition de la compétence tourisme, et de réaliser des économies d’échelle. En effet, le système antérieur prévoyait que les trois niveaux de collectivités territoriales étaient compétents en matière de politique du tourisme, pour mettre en œuvre les orientations nationales. La région disposait d’une compétence de planification au travers du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs, et d’une instance dédiée, le comité régional du tourisme, chargée de son élaboration, et de la définition des orientations en matière de tourisme. Le même mécanisme, un comité du tourisme et un instrument de planification, optionnel cette fois, se retrouvait au niveau départemental. La commune, compétente également, ne disposait pas de compétence de planification, simplement de la faculté de créer des offices de tourisme. La mise en place d’un chef de filât aurait dû mettre fin à cette superposition et permettre une action commune, ou du moins plus concertée. Mais les différentes oppositions lors de la discussion du projet de loi NOTRe ont eu raison de l’article 4 prévoyant que la région deviendrait chef de file en matière de tourisme. La compétence tourisme a ainsi conservé son statut de compétence partagée, avec une superposition d’instruments de planification départementaux et régionaux. La seule évolution dans la gestion de la compétence tourisme vient de l’échelon local : les communes ont l’obligation de la transférer aux EPCI. Néanmoins, des exceptions demeurent : les communes peuvent conserver la compétence tourisme si sur leur territoire existe un site disposant d’une marque territoriale protégée. La loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 a élargi le champ des exceptions : les communes classées « stations classées de tourisme » et les communes touristiques peuvent demander à conserver, ou à récupérer, la compétence promotion du tourisme. L’échelon de proximité du tourisme devait devenir l’intercommunalité, mais il semble que ce transfert ne soit pas uniforme.
- 668. La réforme avortée de la compétence tourisme a maintenu une forme de statu quo, ne permettant pas à une collectivité de devenir « leader », ou du moins prépondérante, face aux autres. Or, en ne distinguant pas les domaines d’intervention de chaque niveau, le législateur prend le risque d’une paralysie de l’action des collectivités. En effet, le tourisme n’est pas une compétence isolée des autres domaines d’action des collectivités, elle s’inscrit à la fois dans les politiques d’aménagement et d’attractivité du territoire, mais aussi dans les politiques économiques. Or, en laissant l’ensemble des niveaux intervenir, il existe un risque que celles-ci se télescopent avec les compétences régionales, en matière d’aménagement du territoire et d’action économique. Ainsi, en théorie, le département et la région disposent d’une compétence identique, comme en témoigne le parallélisme existant entre les articles relatifs au département et à la région :
« Dans le cadre de ses compétences en matière de planification, la région définit les objectifs à moyen terme du développement touristique régional.
Le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs prévu à l'article L. 131-7 fixe les modalités et les conditions de mise en œuvre des objectifs ainsi définis par le plan régional, notamment en matière de financement.
Des conventions entre les collectivités territoriales concernées définissent, d'une part, les actions contribuant à l'exécution des objectifs fixés par le plan régional et, d'autre part, les modalités de mise en œuvre du schéma mentionné à l'alinéa précédent. »
« Dans chaque département, le conseil départemental établit, en tant que de besoin, un schéma d'aménagement touristique départemental. Ce schéma prend en compte les orientations définies par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. »
Les deux textes sont extrêmement laconiques, se contentant d’identifier un document dans lequel seront consignées les orientations en matière de tourisme. La seule délimitation des compétences serait alors de nature territoriale. Une forme de hiérarchisation entre les documents est néanmoins induite par la notion de prise en compte. Le schéma départemental doit prendre en compte le schéma régional. La prise en compte est un rapport juridique extrêmement souple, permettant une grande autonomie au département. Même si cette latitude est avantageuse, notamment dans les cas où le département peut avoir des enjeux touristiques particuliers, elle a le désavantage, combinée avec une définition floue de la compétence et une inclusion de celle-ci dans d’autres compétences, d’aboutir à une paralysie de l’action des collectivités, principalement en défaveur des départements.
« Alors que d’une part l’aménagement durable et le développement économique du territoire sont confiés aux régions et, que d’autre part la création, l’aménagement et la gestion des zones d’activité touristique reviennent aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le rôle du département risque d’apparaître comme celui d’un cofinanceur potentiel. Plus encore, afin de renforcer le champ des interventions économiques pour les régions ou celui de l’aménagement de l’espace pour les EPCI, ces mêmes collectivités pourront solliciter la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) afin de favoriser un exercice concerté des compétences… confortant le chef de file intercommunal ou régional »
La nouvelle articulation pressentie transparaît dans l’introduction du Schéma régional de développement touristique et des loisirs de la Nouvelle-Aquitaine adopté les 25 et 26 juin 2018. Celui-ci explicite, dans son introduction, l’imbrication entre les différents acteurs du tourisme et de la planification touristique. Cette présentation laisse apparaître le nouvel équilibre entre les EPCI et la région, ne mentionnant les départements que pour rappeler la limitation de leur intervention dans le domaine économique. Ils ont néanmoins, comme le précise également le rapport, été associés à la concertation sur le schéma, au même titre que les autres acteurs publics, et la concertation a aussi été portée devant la CTAP, à deux reprises. La région s’impose via son schéma et ses préconisations – déclinées dans ce cas en « défis » contenant des « enjeux » qui regroupent les « chantiers » – comme la coordonnatrice des actions des autres collectivités territoriales. Cette coordination se manifeste par la mention au sein du schéma de l’établissement de conventions territoriales d’exercice concerté avec les départements et les EPCI qui seraient spécifiques à la compétence tourisme, et par la création d’une commission tourisme au sein de la CTAP. L’organisation exacte est encore en cours d’établissement au sein de la région Nouvelle-Aquitaine pour les départements. Par exemple, le dernier schéma de développement du tourisme en Creuse a été adopté pour la période 2015-2020, avec comme référence régionale le Limousin. Pour les Pyrénées-Atlantiques, le schéma couvre la période 2016-2020. Dans les deux cas, les collectivités départementales semblent limitées dans leur action, limitation mentionnée dans le schéma des Pyrénées-Atlantiques : « Les différents niveaux d’actions qui en découleront, mis en œuvre dans le même cadre partenarial, seront néanmoins déterminés par des fortes contraintes financières pesant sur les collectivités ». La complémentarité peut être une solution face aux contraintes budgétaires affichées par les départements et l’ensemble des collectivités. Mais elle nécessite un véritable dialogue qui semble long à s’installer.
- 669. Les compétences des collectivités territoriales se trouvent morcelées. L’exercice de la compétence rend nécessaire la mise en place d’instances de dialogue, à la fois pour parvenir à une cohérence dans les interventions communes des collectivités, mais également pour assurer une cohérence entre les instruments de planification.
B – L’augmentation des domaines nécessitant une planification.
- 670. La planification n’est pas une nouveauté en France, mais sa forme a évolué : le législateur a choisi l’appellation « schéma ». Une recherche thématique au sein des divers codes – CGCT, code de l’environnement, code de l’urbanisme – permet de prendre conscience de l’importance du schéma : 132 occurrences pour le CGCT, 201 pour le code de l’urbanisme et 238 pour le code de l’environnement. L’intérêt pour le schéma se ressent également dans son utilisation au sein de certaines lois. La loi portant NOTRe comprend 201 fois le mot « schéma » en 136 articles ; la loi portant engagement national pour l’environnement contient 138 fois ce terme. Ces quelques recherches par mots-clefs sont intéressantes, elles indiquent l’importance des instruments de planification que sont les schémas dans les dernières réformes du droit des collectivités territoriales. En effet, même si le nombre d’entrées ne correspond pas au nombre de schémas existants, ceux-ci ont acquis une grande importance dans le paysage normatif local. L’ampleur des compétences accordées, notamment aux régions, a nécessité la mise en place d’une planification, afin d’inciter les collectivités à adopter une gestion à moyen terme. Ce besoin a été satisfait par l’obligation d’élaborer des schémas, rassemblant les orientations de ces politiques.
- 671. La préoccupation liée à l’inflation législative en général, et dans le domaine du droit des collectivités en particulier, n’est pas nouvelle. La multiplication des normes est une préoccupation depuis une trentaine d’années. Elle est devenue plus prégnante depuis le début des années 2000 pour les collectivités territoriales. Cette prise de conscience de la nocivité de l’inflation législative a contribué à la création en 2007 de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), inscrite aux articles L. 1211-4-2 et L. 1213-1 et suivants du CGCT. Cette instance était « consultée préalablement à leur adoption sur l'impact financier, qu'il soit positif, négatif ou neutre, des mesures règlementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics », ainsi que « chargée d'émettre un avis sur les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics ». Elle a permis une réflexion sur les textes avant leur adoption, mais elle présentait plusieurs inconvénients. Son premier inconvénient était son rattachement au comité des finances publiques et en conséquence la limitation de son champ d’action. L’impact financier des normes est important dans l’évaluation préalable des normes imposées aux collectivités. Mais d’autres facteurs doivent être pris en compte, comme la lisibilité des normes pour les élus par exemple. La multiplication des normes implique des renvois entre les différents codes, ainsi que l’application du principe jurisprudentiel d’indépendance des législations, qui est complexe à manier. Or, en maintenant l’évaluation des normes dans le champ des finances publiques, un seul aspect de leur impact était examiné. Un second reproche était fait relativement aux compétences de la commission. Celle-ci ne pouvait examiner que les projets de normes, législatives et réglementaires, et non le stock de normes déjà existantes.
- 672. La loi du 17 octobre 2013🏛 a créé une nouvelle instance, en remplacement du la CCEN, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Les compétences du Conseil sont alors élargies. Tout d’abord, son objet a été étendu : il ne s’agit plus d’analyser uniquement l’impact financier, mais également l’impact technique des mesures nationales applicables aux collectivités territoriales. Le CNEN dispose également d’un champ d’action élargi : il est consulté au sujet des normes en préparation – réglementaires ou législatives – mais également sur les normes existantes, et dans ce dernier cas, il peut s’autosaisir. Sa composition et son fonctionnement ont également fait l’objet d’une révision. Concernant la composition, elle est précisée. La CCEN comprenait trois types de membres : représentants des collectivités territoriales, du Parlement et de l’administration de l’État. Si cette composition tripartite demeure au sein du CNEN, le nombre de représentants par catégorie est identifié, permettant ainsi une meilleure représentativité des différents acteurs à la fois de l’édiction des normes – représentants du Gouvernement et du Parlement – mais également des destinataires de ces normes – les élus locaux. Depuis son installation, le Conseil publie un rapport annuel sur ses saisines et ses avis. Son activité s’est développée, toujours dans une optique de simplification des normes. Le Conseil d’État a reconnu la consultation du CNEN comme étant une formalité dont le non-respect entraine l’illégalité de l’acte au sens de la jurisprudence Danthony, mais il ne s’agit que d’une consultation, il n’existe en aucun cas une obligation d’avis conforme.
- 673. Malgré l’activité importante du conseil, les instruments de planification ont été multipliés au cours des dernières réformes. L’article concernant le partage des compétences entre la métropole d’Aix-Marseille Provence et ses territoires témoigne de cet accroissement. Au sein des 15 domaines de compétences qui ne sont pas délégables aux conseils de territoires, se trouvent 9 schémas, dont 8 ne semblent avoir d’existence qu’au sein de la structure. En dehors de la compétence relative au SCOT ou au schéma de secteur, le conseil de métropole est compétent pour adopter un schéma d'ensemble relatif à la politique de développement économique et à l'organisation des espaces économiques, et opérations métropolitaines, un schéma de la mobilité, un schéma d’ensemble de voirie, un schéma d'ensemble des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale, un schéma d'ensemble d'assainissement et d'eau pluviale, un schéma d'ensemble de la gestion des déchets des ménages et déchets assimilés et un schéma d'ensemble des réseaux de chaleur ou de froid urbains. Cette métropole ne relève pas du statut d’EPCIFP dit de droit commun. Il s’agit des métropoles prévues initialement par la loi du 16 décembre 2010🏛. Leur statut a été modifié par la loi du 27 janvier 2015, qui a créé de manière autoritaire un certain nombre de métropoles. Ce statut a été étendu progressivement par les lois du 5 août 2016 et du 28 février 2017. Les compétences de cette nouvelle métropole ont été assorties d’instruments de planification, sans définition de leur contenu ni de leurs procédures d’élaboration. Il n’est pas non plus fait mention de leur valeur juridique ou de leur opposabilité aux autres acteurs du territoire. Le conseil de la métropole a la charge de l’établissement de ces documents, sans que le législateur ou le pouvoir réglementaire, n’aient apporté plus de précisions. En créant ces nouveaux instruments, le législateur participe donc de l’augmentation des domaines de planification, mais sans qu’il ressorte une quelconque logique au sein de ces instruments.
- 674. Le droit de la décentralisation en France souffre d’imperfections nombreuses : le législateur, à chacune de ses interventions depuis 1982, a étendu les prérogatives des collectivités, mais a perdu son objectif de départ, l’attribution de compétences par blocs. Ainsi, les compétences des collectivités sont dispersées. Les compétences de planification, à l’image des compétences classiques se sont développées au fil des réformes, à la fois du droit de la décentralisation, mais aussi des matières dans lesquelles les collectivités interviennent ou disposent de compétences.
- 675. Ces réformes conduisent à une multiplication des instruments, mais la question de leur efficience reste pendante.
§2 – Une efficacité limitée
- 676. Le droit de la planification locale est un domaine mouvant, dans lequel les instruments sont fluctuants (A), en raison d’une recherche permanente de nouveaux instruments (B).
- 677. Les évolutions des instruments de planification ne sont pas uniquement dues à la volonté de leurs auteurs : le législateur ne laisse pas nécessairement aux schémas le temps de produire des effets concrets, qui puissent être évalués, avant d’être modifiés. Il s’agit ici de la modification du cadre juridique des schémas, de leur forme – à la fois dans les conditions de rédaction, mais également dans la présentation du document – ainsi que de leur contenu et leur valeur juridique. Toutes les évolutions ne s’avèrent pas problématiques et dénuées d’intérêt. Il est logique et sain de faire évoluer des instruments de planification, en raison notamment des besoins exprimés par leurs utilisateurs. Mais il arrive néanmoins que ces évolutions soient critiquables, soit de par leur rapidité – les schémas n’ayant pas eu le temps nécessaire à l’évaluation de leurs effets sur le territoire – soit de par leur caractère incomplet – les réformes n’étant pas à la hauteur des attentes des utilisateurs, ou ne reprenant pas les préconisations des évaluateurs de l’instrument.
- 678. Au cours des trois dernières décennies, la planification a fortement évolué, passant d’une planification essentiellement nationale à une planification locale. Un second mouvement a pu être observé en parallèle, l’intégration de nouveaux enjeux, notamment environnementaux qui ont modifié les objectifs, et la forme des schémas.
- 679. La région symbolise cette évolution. Avant d’être une collectivité territoriale, la région était une circonscription administrative, dont l’un des objets principaux était la planification. Elle a conservé cette fonction en devenant, à la suite de la loi du 2 mars 1982🏛, une collectivité territoriale. L’instrument central de la planification régionale est actuellement le SRADDET. Son contenu, comme son nom, ont évolué depuis sa création par la loi du 5 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Celle-ci crée le Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) et l’insère à l’article 34 de la loi du 7 janvier 1983🏛 :
« Le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire exprime les orientations fondamentales en matière d'environnement, de développement durable, de grandes infrastructures de transport, de grands équipements et de services d'intérêt régional. Il veille à la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'État et des différentes collectivités territoriales dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional.
Il prend en compte les orientations du schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Il prend également en compte les projets d'investissement de l'État, ainsi que ceux des collectivités territoriales et des établissements ou organismes publics lorsque ces projets ont une incidence sur l'aménagement du territoire de la région.
Il est élaboré et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique et social régional. Les départements, les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement, les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme sont associés à l'élaboration de ce schéma.
Sont également, le cas échéant, associées à l'élaboration de ce schéma les deux communes les plus peuplées du département qui ne répondent pas aux conditions définies à l'alinéa précédent.
Avant son adoption motivée par le conseil régional, le projet de schéma régional, assorti des avis des conseils généraux des départements concernés et de celui du conseil économique et social régional ainsi que des observations formulées par les collectivités ou établissements publics associés à son élaboration, est mis, pour consultation, à la disposition du public pendant deux mois.
Le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire fait l'objet tous les cinq ans d'une évaluation et d'un réexamen.
Le plan régional arrête en matière d'aménagement et de développement du territoire les priorités à mettre en œuvre pour la réalisation du schéma régional pour une durée de cinq ans.
Le contrat de plan entre l'État et la région, prévu à l'article 11 de la loi no 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, tient compte des orientations retenues par le schéma régional ainsi que, le cas échéant, par le schéma interrégional de littoral prévu à l'article 40 A de la loi no 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ou par le schéma interrégional de massif prévu à l'article 9 bis de la loi no 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
Sa première modification a eu lieu assez rapidement, par le biais de la loi du 25 juin 1999🏛 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire :
« L'article 34 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État est ainsi modifié :
1o Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire fixe les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional.
« Le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.
« Il veille à la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'État et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional. » ;
2o La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Il doit être compatible avec les schémas de services collectifs prévus par l'article 2 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. » ;
3o Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire intègre le schéma régional de transport au sens de l'article 14-1 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
« Il peut recommander la mise en place d'instruments d'aménagement et de planification, d'urbanisme ou de protection de l'environnement, tels qu'un schéma directeur, un parc naturel régional, une directive territoriale d'aménagement ou un schéma de mise en valeur de la mer. » ;
[…]
8o Au huitième alinéa, les mots : « tient compte » sont remplacés par les mots : « contribue à la mise en œuvre » et il est ajouté trois phrases ainsi rédigées :
« Les collectivités territoriales appelées à cofinancer les actions ou les programmes inclus dans les contrats de plan entre l'État et la région sont associées aux procédures de négociation, de programmation et de suivi des contrats relatives à ces actions ou programmes. Dans la partie financière de ces contrats, les prestations fournies par les bénévoles des associations pourront être prises en compte comme contrepartie d'autofinancement. La mise en œuvre de la politique de cohésion économique et sociale de l'Union européenne est coordonnée avec les orientations du schéma régional d'aménagement et de développement du territoire. »
Cette première révision a considérablement étendu le champ d’action du SRADT et sa portée. Par la précision de son contenu, le législateur a confirmé l’importance du schéma pour l’aménagement du territoire, en incluant notamment en son sein la planification économique. Il a également renforcé les relations entre les documents nationaux de planification, d’une prise en compte vers une compatibilité. De plus, la modification apportée par le 8o s’avère intéressante. Celle-ci vient renforcer le rôle moteur de la planification régionale par le renforcement du poids du SRADT dans les relations entre l’État et les régions. Le contrat de plan signé entre l’État et la région « contribue à la mise en œuvre des orientations retenues par le schéma régional ». Les orientations du schéma doivent servir de base à cette contractualisation ; ainsi, les décisions prises par la collectivité sont prépondérantes par rapport aux orientations souhaitées au niveau national. Le SRADT devenait, par cette modification, un outil au service des régions dans leurs rapports avec l’État. Les modifications intervenues par la suite sont assez anecdotiques, à l’exclusion de celle intervenue en 2015. Tout d’abord la loi du 12 juillet 2010🏛 répercute la nouvelle appellation du CESR, devenant le Conseil économique, social et environnemental régional. La loi du 27 janvier 2014🏛 ajoute un alinéa relatif à la possibilité pour le SRADT de comporter un volet tenant lieu de schéma directeur territorial d’aménagement numérique.
- 680. En 2015, le SRADT subit sa modification la plus profonde : il disparait tout d’abord de la loi de 1983 pour intégrer le CGCT – au sein d’un nouveau chapitre inclus dans le Titre V intitulé « Attributions de la région en matière d’aménagement et de développement économique ». Il change également de nom, devenant le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET. Son contenu est également révisé :
La région, à l'exception de la région d'Ile-de-France, des régions d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier exerçant les compétences d'une région, élabore un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.
Ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion économe de l'espace, d'intermodalité et de développement des transports, de maîtrise et de valorisation de l'énergie, de lutte contre le changement climatique, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets.
Le schéma identifie les voies et les axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional. Ces itinéraires sont pris en compte par le département, dans le cadre de ses interventions, pour garantir la cohérence et l'efficacité du réseau routier ainsi que la sécurité des usagers.
Le schéma peut fixer des objectifs dans tout autre domaine contribuant à l'aménagement du territoire lorsque la région détient, en application de la loi, une compétence exclusive de planification, de programmation ou d'orientation et que le conseil régional décide de l'exercer dans le cadre de ce schéma, par délibération prévue à l'article L. 4251-4. Dans ce cas, le schéma tient lieu de document sectoriel de planification, de programmation ou d'orientation. Pour les domaines dans lesquels la loi institue un document sectoriel auquel le schéma se substitue, ce dernier reprend les éléments essentiels du contenu de ces documents.
Les objectifs sont déterminés dans le respect des principes mentionnés à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme🏛 et dans l'ambition d'une plus grande égalité des territoires. Ils peuvent préciser, pour les territoires mentionnés à l'article L. 121-1 du même code, les modalités de conciliation des objectifs de protection de l'environnement, du patrimoine et des paysages.
Une carte synthétique indicative illustre les objectifs du schéma.
Des règles générales sont énoncées par la région pour contribuer à atteindre les objectifs mentionnés aux deuxième et quatrième alinéas, sans méconnaître les compétences de l'État et des autres collectivités territoriales.
Ces règles générales peuvent varier entre les différentes grandes parties du territoire régional. Sauf dans le cadre d'une convention conclue en application de l'article L. 4251-8, elles ne peuvent avoir pour conséquence directe, pour les autres collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la création ou l'aggravation d'une charge d'investissement ou d'une charge de fonctionnement récurrente.
Elles sont regroupées dans un fascicule du schéma régional qui comprend des chapitres thématiques. Le fascicule indique les modalités de suivi de l'application des règles générales et de l'évaluation de leurs incidences.
La partie relative au développement économique est retirée – elle fait l’objet d’un schéma particulier prévu au chapitre suivant – et le schéma « nouvelle formule » intègre d’autres instruments régionaux, développant le versant environnemental de l’aménagement du territoire. Or, ces instruments – entre autres le schéma régional de cohérence écologique – n’avaient intégré la planification régionale qu’en 2010, ce qui ne laissait que peu de recul sur leur efficacité et leur utilité en tant qu’acte autonome au moment de la rédaction du projet de loi NOTRe. Néanmoins, un argument justifie leur regroupement. Leur fusion vient limiter la prolifération des instruments de planification en les rassemblant en un seul document, et évite ainsi les décalages d’élaboration et les contraintes de mise en compatibilité dispersée des documents inférieurs. Au-delà du contenu du SRADDET, sa valeur a également été révisée. De document n’ayant aucune valeur juridique contraignante, le SRADT est devenu document contenant une partie réglementaire et des orientations, les documents inférieurs devant être compatibles avec le règlement, et devant prendre en compte les orientations. Depuis 2015, les rapports juridiques avec les documents inférieurs n’ont pas varié, mais le SRADDET, en plus des orientations, doit également contenir des règles générales. Cette distinction est nécessaire pour identifier la nature des rapports avec les documents inférieurs, ainsi que les dispositions qui entrainent ces rapports.
- 681. Le paysage de la planification est fluctuant, les instruments de planification ayant tendance à se multiplier, et à subir de fréquentes modifications. L’une des raisons présidant à cette fluctuation est la recherche de nouveaux instruments.
B – Une recherche permanente de nouveaux instruments
- 682. Les modifications apportées par le législateur aux instruments de planification peuvent entraîner plusieurs conséquences.
- 683. La première conséquence d’une modification est l’obsolescence de la forme antérieure du document. Celle-ci n’est pas nécessairement problématique lorsque le schéma modifié n’emporte que peu de conséquences sur les documents inférieurs et n’induit que peu de documents de mise en œuvre. Ainsi, la disparition du document n’emporte que peu de conséquences juridiques. Néanmoins, lorsque le schéma est inséré dans le paysage juridique local, son obsolescence directe a des conséquences juridiques importantes. En effet, lorsque le schéma est source de droit en ce qu’il est le fondement d’actes inférieurs, sa disparition pure et simple entraînerait trop de conséquences néfastes pour la sécurité juridique.
- 684. Au-delà des interrogations liées aux conséquences de ces changements, qui sont facilement identifiables et souvent identifiées – la première étant l’inefficacité de l’instrument – il est intéressant de s’intéresser aux causes de cette instabilité. Cette dernière peut résulter de plusieurs phénomènes politiques. Ainsi, si on reprend l’évolution du SRADT, notamment ces deux premières moutures, il est possible d’identifier deux volontés politiques différentes. La loi de 1995, dite loi Pasqua crée un document de planification régionale très en retrait, dans un système où le document le plus important est le document national. La première révision, quatre ans après, par la loi de 1999 dite loi Voynet, participe d’une autre logique politique. La loi ne rompt pas avec l’idée de planification nationale, mais la sectorise. En complément de cette division de l’instrument national, l’instrument régional est renforcé. Ces deux lois portent quasiment le même nom, « loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire », la seconde ajoutant la notion de « durable », et précisant, à la suite de son nom, qu’elle modifie la première. Mais elles ont été adoptées par des gouvernements différents, poursuivant des objectifs différents, ce qui explique les modifications apportées, moins de quatre ans après la première version du SRADT. La modification n’a pas été réalisée en fonction des éventuelles critiques émises du fait de l’adoption et de l’utilisation de ces documents, mais d’un projet politique national, qui n’est pas nécessairement corrélé aux volontés locales.
- 685. Les raisons politiques sont parfois sources de modifications rapides et non nécessairement concertées. Pour autant, il ne s’agit pas d’une règle générale. Toujours dans le cadre du SRADT, son évolution vers le SRADDET a été faite avec plus de concertation. Le schéma a été divisé, et ses deux nouvelles moutures ont été développées pour être directement en lien avec les compétences nouvelles de la région. Le but recherché est alors de créer un instrument plus efficace et efficient pour les collectivités. Politiquement, les deux lois majeures ayant marqué les évolutions du SRADT/SRADDET – celles de 1999 et de 2015 – ont été élaborées et votées par la « gauche parlementaire », le gouvernement de Lionel Jospin et le gouvernement de Manuel Valls. La simple orientation politique du gouvernement à l’origine de ces réformes n’est sans doute pas le seul facteur. L’expérience du pouvoir local vient aussi expliquer le développement de ces instruments. En effet, à partir de 1998, la « gauche parlementaire » a eu à gérer de plus en plus de régions, avec une apogée entre 2004 et 2015, période pendant laquelle la quasi-totalité des régions étaient administrées par une majorité de gauche. Les circonstances alliées à la sensibilité décentralisatrice de la gauche ont pu contribuer à l’élargissement des pouvoirs des régions dans le cadre de l’aménagement du territoire.
- 686. Les collectivités sont devenues les premières actrices de la planification, celle-ci passant d’un horizon national à une dimension locale. Dans la même période, la planification est devenue spécialisée ou, a minima, sectorielle. En conséquence, les collectivités et leurs groupements ont adopté de nouveaux instruments, parmi lesquels un grand nombre de schémas, sur des sujets aussi divers que le sont les compétences de leurs auteurs. Plusieurs conséquences peuvent être observées, tout d’abord, l’enchevêtrement des compétences et des instruments de planification interroge quant à leur articulation entre eux. Cette question demeure sans réponse certaine et pourrait inciter à la refonte des dispositions relatives à la planification pour tenter de clarifier les rapports juridiques existant entre les différents schémas. De plus, ce développement croissant des instruments de planification ne semble pas être synonyme d’une plus grande efficacité. Pour cela, les collectivités ont besoin d’outils plus adaptés, or, parfois, ceux-ci ne sont pas conçus après une concertation locale, ils ne peuvent donc que peu répondre aux besoins réels des auteurs d’instruments de planification. En ce sens, il pourrait être intéressant de proposer des améliorations, comme l’obligation d’inclure une concertation avec les collectivités avant toute réforme d’un schéma ou toute nouvelle création d’instrument de planification. Cette proposition fait partie de celles présentées par les sénateurs en juillet 2020.
- 687. Le développement de ces instruments n’est pas la seule contrainte à laquelle sont soumises les collectivités, elles peuvent également se voir incitées, de manière plus ou moins coercitive, au développement de leur activité de planification.
Section 2 – La contrainte à l’adoption de schémas
- 688. Les schémas se sont développés dans la législation française ; chaque domaine d’action des collectivités territoriales doit s’accompagner d’une planification. Il s’agit d’une augmentation quantitative de la planification. Cet accroissement n’est pour autant pas uniforme : si certains schémas sont d’adoption obligatoire, ils ne le sont pas tous. De nombreux documents sont proposés aux collectivités territoriales et à leurs groupements, indépendamment de toute obligation.
- 689. Pour autant, cette absence d’impératif n’entraîne pas une totale liberté d’adoption, ou de non-adoption, pour les collectivités. Si les schémas ne sont pas d’adoption obligatoire, ils présentent une utilité pour la bonne organisation et la coordination de l’action territoriale, que ce soit pour la collectivité adoptante, ou pour les autres acteurs territoriaux – collectivités, groupement de collectivités, État. Or, pour parvenir à une adoption de ces documents et par la suite à leur mise en œuvre – afin qu’ils ne restent pas lettre-morte –, le législateur – et parfois le pouvoir réglementaire – ont dû créer des conditions favorables pour que les collectivités élaborent ces instruments. Plusieurs mécanismes ont été adoptés pour inciter à l’adoption des schémas (§1) ainsi qu’à leur mise en œuvre (§2).
§1 – Les mécanismes d’incitation liés aux instruments de planification
- 690. Les mécanismes entourant l’adoption et la mise en œuvre des schémas tendent à ce que les collectivités se trouvent contraintes, ou plus exactement fortement incitées à les adopter. Les incitations aussi bien à l’adoption de schémas qu’à l’adoption de mesures de mise en œuvre des schémas sont nécessaires dans une optique d’efficacité. L’État intervient donc à ces deux niveaux, adoption des documents de planification (A) et mise en œuvre de ces documents (B), pour inciter à leur adoption.
A – L’incitation à l’adoption des documents de planification
- 691. L’incitation des collectivités peut revêtir plusieurs formes, mais la forme principale est liée aux financements particuliers qui peuvent être attribués aux collectivités sous condition de rédaction d’un schéma (1) ; il existe, parallèlement à ces mécanismes financiers, d’autres leviers incitant à la planification (2).
1 – L’incitation financière
- 692. Le premier moyen utilisé par l’État pour inciter les collectivités territoriales à adopter les instruments de planification est financier : les collectivités adoptant des documents de planification bénéficient d'avantages financiers. Ces mécanismes sont de nature assez diverses – subventions exceptionnelles, augmentation des dotations – mais ont un point commun : ils proposent aux collectivités, en échange de l’adoption d’un schéma, d’obtenir une augmentation de leurs ressources.
- 693. Si la finalité de l’incitation financière est toujours la même, accélérer, voire décider de l’adoption d’instruments de planification, les modalités varient selon l’objectif de l’acte à élaborer. Plusieurs exemples peuvent être cités pour illustrer la diversité des mécanismes incitatifs d’ordre financier.
- 694. Dans la plupart des cas, le législateur conditionne l’obtention de subventions à l’adoption d’un schéma. La loi du 17 décembre 2009🏛 relative à la lutte contre la fracture numérique a introduit un nouvel instrument de planification destiné à recenser les infrastructures de réseaux de télécommunications intitulé schéma directeur d’aménagement numérique (SDAN). Ce document, qui ne possède pourtant qu’une valeur indicative, présente un intérêt certain :
« Un SDAN constitue un document de cadrage d’une politique départementale/régionale d’aménagement numérique de moyen et long terme (20 à 25 ans), qui vise à décrire la situation à atteindre en matière de couverture numérique d’un territoire, à analyser le chemin à parcourir pour y parvenir (et la part prévisible qu’y prendront les opérateurs), et à arrêter des orientations sur les actions publiques à mettre en œuvre pour accélérer l’atteinte de ces objectifs, ou simplement permettre de les atteindre »
En parallèle à ces instruments de recensement a été créé un Fonds d’aménagement numérique du territoire, destiné à participer au financement des infrastructures nécessaires. Or, le législateur introduit une condition pour pouvoir obtenir un financement de la part du fonds : avoir adopté un SDAN.
- 695. Cette condition suspensive, comme l’ensemble des moyens financiers ayant pour but d’inciter à l’adoption de moyens de planification, trouve plusieurs explications. Tout d’abord, les moyens d’incitation financiers sont mis en œuvre concernant des instruments de planification non obligatoires. En effet, il paraîtrait assez illogique d’inciter à adopter des instruments pour lesquels les collectivités ne disposent pas d’une marge de manœuvre. La seule force contraignante de la loi devrait suffire à l’adoption d’un schéma. Pour autant, cette force contraignante n’accompagne pas l’ensemble des documents de planification. Cela ne leur enlève pourtant pas leur utilité, mais au regard des différences de pertinence selon les territoires donnés, il ne serait pas pertinent de contraindre à adopter un document inutile, ou de faible utilité. Toujours en prenant l’exemple du SDAN, l’absence d’obligation de son élaboration traduit cette différence d’utilité. Au sein des zones à forte densité de population, fortement urbanisées, la nécessité d’investir pour les collectivités territoriales dans des infrastructures pour permettre une meilleure couverture numérique sera moindre, les opérateurs privés assurant les investissements nécessaires à l’évolution des réseaux. Alors que d’autres parties du territoire, moins peuplées, et donc moins attractives pour les investisseurs privés, vont avoir besoin de l’investissement public. Les dispositions législatives relatives au SDAN révèlent l’intention du législateur, le schéma devant permettre, selon les termes de l’article L. 1425-2 du CGCT, de « favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l'investissement privé ». Le contenu du document se révèle également adaptable, toujours dans l’optique de permettre aux collectivités d’élaborer un document en accord avec leur situation particulière.
- 696. Cette adaptabilité du schéma est aussi mise en avant au regard de l’incitation à l’adoption d’un schéma départemental des services aux familles. Ce document a été créé par la lettre-circulaire LC n° 2013-152 du 30 octobre 2013 relative au rééquilibrage territorial de l’offre d’accueil du jeune enfant, afin d’améliorer la couverture territoriale en matière d’accueil des jeunes enfants. Ce schéma est établi sous l’autorité du préfet de département en coordination avec la Caisse d’allocations familiales et le conseil départemental, ainsi qu’en collaboration avec l’ensemble des organismes concernés par les politiques familiales ce qui inclut tout particulièrement les communes et intercommunalités lorsque cette compétence leur a été déléguée. Initialement, ce document a été « testé » par 16 départements entre 2013 et 2015. À la suite de cette expérimentation, le ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes a souhaité inciter l’ensemble des départements à adopter ce document, par le biais de la circulaire n° DGCS/SD2C/2015/8 du 22 janvier 2015 relative à la mise en œuvre des schémas départementaux de services aux familles, auquel s’ajoute un « guide d’élaboration du schéma départemental de services aux familles ». C’est au sein de ce second document que sont explicitées les mesures d’incitation à l’élaboration et l’adoption du schéma. Le système s’avère assez proche de celui mis en place pour le SDAN. Le schéma s’appuie sur le recensement de l’offre existante pour établir sur le territoire un zonage sur la base de critères nationaux, possiblement accompagnés des particularités locales, et déterminer le plan d’action à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs nationaux d’accueil. L’adoption de ce document permettra aux personnes publiques en charge de la création de place d’accueil de bénéficier de subventions issues du « Fonds de rééquilibrage territorial ». Ces subventions seront d’un montant supérieur à celles accordées dans la même situation aux collectivités non couvertes par un schéma.
- 697. Dans ces deux cas, le schéma, d’adoption non obligatoire, est présenté comme un atout pour la cohérence des politiques publiques et privées. Les mécanismes d’incitation financière sont un des moyens utilisés par l’État pour favoriser le développement des instruments de planification, mais ce n’est pas le seul ; d’autres mécanismes ont été expérimentés pour favoriser l’adoption des schémas.
2 – Les autres modes d’incitation
- 698. Les avantages financiers ne sont pas les seules modalités permettant d’inciter les collectivités territoriales à adopter des instruments de planification facultatifs. Le législateur a mis en place des incitations accordant un avantage aux collectivités, sans que ces mécanismes aient un quelconque caractère financier.
- 699. Dans ce cas, le législateur est plus « inventif » que dans le cadre des incitations financières, dans la mesure où sa marge de manœuvre est supérieure. Il peut développer une politique incitative plus adaptée aux compétences en cause, et qui pourrait se révéler plus efficace que le simple conditionnement de l’obtention d’une subvention à l’adoption d’un instrument de planification.
- 700. La planification des territoires soumis à la législation spécifique au littoral a fait l’objet de la part du législateur de plusieurs modifications dont le but a été d’augmenter le nombre de schémas de mise en valeur de la mer. Ces aménagements ont fait suite à un rapport parlementaire datant de 2004, L’application de la « loi littoral » : pour une mutualisation de l’aménagement du territoire . Au sein de ce dernier est constaté le peu de succès que connaissait le schéma de mise en valeur de la mer. Ce document, créé par l’article 57 de la loi du 7 janvier 1983🏛, n’avait que peu été élaboré : seules les communes riveraines de l’étang de Thau étaient couvertes par un SMVM, adopté en 1995. Or, il présentait des avantages considérables pour la bonne gestion des zones littorales. Mais il comportait un inconvénient majeur : les collectivités territoriales n’avaient que peu de prise sur ce document, élaboré sous la direction du préfet, en concertation avec les différents acteurs du littoral. Cet échec métropolitain était souligné, toujours selon les termes du rapport de M. Gélard, par le succès de ce même instrument en outre-mer. À la Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, les SMVM avaient tous été adoptés par le biais du schéma d’aménagement régional. En effet, les collectivités d’outre-mer avaient la possibilité d’intégrer au sein de ces documents élaborés par les conseils régionaux puis adoptés par décret en Conseil d’État, un chapitre individualisé valant SMVM. Le sénateur a alors proposé en 2004 de développer cette pratique en associant les SMVM aux SCOT, et donc en diminuant le nombre d’instruments de planification sur un territoire, et en rendant aux collectivités, par le biais des EPCI, une plus grande marge de manœuvre dans la détermination de l’utilisation de leur territoire. Ce rapport et cette proposition se sont traduits au sein de la loi du 23 février 2005🏛, dont l’article 235 permet aux EPCI chargés d’un SCOT de faire figurer au sein de celui-ci un chapitre individualisé valant SMVM. Cette modification n’est pas réellement un mécanisme d’incitation, elle a néanmoins participé à la modification du régime juridique du SMVM, dans le but de favoriser son adoption.
- 701. Le législateur a développé en parallèle une incitation, en proposant un assouplissement de la législation. Ces incitations s’inscrivent à la fois dans le développement des outils de planification, mais aussi dans une volonté de renouveler les politiques liées au littoral. Dans les communes couvertes par un SCOT, et par un PLU qui a été mis en compatibilité avec le SCOT, une extension limitée de l’urbanisation ne nécessite ni justification, ni motivation. Cela signifie que les règles d’urbanisme sont assouplies du fait de l’existence de ces documents. Cette possibilité diminue considérablement les formalités pour les communes souhaitant développer l’urbanisation de leur territoire, essentiellement en limitant le nombre d’avis nécessaire à l’inscription d’une urbanisation limitée au sein du PLU. Le législateur a mis en œuvre plusieurs mécanismes incitatifs pour développer la planification en zone littorale, et malgré ce volontarisme, il semble que ces incitations n’aient pas réellement trouvé d’écho au sein des collectivités territoriales.
- 702. Une autre forme d’incitation a été tentée, avant d’être abandonnée, lors de la réforme territoriale de 2010. Au sein de cette réforme, le législateur mettait l’accent sur la rationalisation des coûts, notamment par la limitation des financements croisés. Dans ce cadre, l’article 75 de la loi du 16 décembre 2010🏛 offrait aux régions et aux départements la possibilité d’élaborer un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. L’un des objets de ce document était d’organiser les financements des projets communs aux deux niveaux de collectivités. Alors même que l’article 75 ouvre une possibilité de schématiser, l’article 77 de cette même loi le rend indirectement obligatoire pour le 1er janvier 2015 : en l’absence de ce document, les départements et régions auraient vu leurs possibilités de subventionner des projets limitées. En d’autres termes, la loi n’imposait rien, elle se contentait de fournir aux régions et départements les outils leur permettant d’organiser le financement de leurs actions communes, le schéma. Puis, dans un second temps, temporellement fixé, les collectivités ont été quasiment contraintes d’adopter cet instrument, à défaut de quoi les possibilités de co-financements seront limitées. Il s’agit également d’un mécanisme incitatif, dans la mesure où les régions et les départements ont tout intérêt à adopter les schémas avant d’y être contraints, afin de disposer d’un certain recul et d’une certaine expérience dans la maîtrise des nouvelles procédures de co-financement. Une telle incitation s’avère favorable aux collectivités dans la mesure où elle permet une mise en place progressive de la planification, qui peut être faite selon le calendrier choisi par les collectivités elles-mêmes. L’incitation se manifeste alors par la perspective de l’obligation.
- 703. Ces différentes mesures sont des exemples de modalités mises en œuvre par le législateur pour favoriser l’adoption d’instruments de planification. L’exemple du SCOT est assez probant, dans la mesure où de nombreux mécanismes ont été imaginés pour que ce schéma, non obligatoire, connaisse le plus grand succès possible, à la fois par le biais de l’incitation et par celui de la sanction. L’incitation ne se limite pas à l’adoption du document, elle a aussi été utilisée pour que celui-ci produise des effets, et soit mis en œuvre.
B – L’incitation à la mise en œuvre des documents de planification
- 704. Le principal inconvénient des schémas réside dans leur absence de force obligatoire, les auteurs ne peuvent pas imposer les choix, les orientations, arrêtés au sein du schéma. Pour autant, ils ne doivent pas demeurer lettre morte, ou simples intentions non mises en œuvre. Dans le cas des mises en œuvre par l’auteur de l’acte, il ne semble pas nécessaire d’inciter la personne ayant élaboré le schéma à le mettre en œuvre. Les mesures incitatives deviennent intéressantes, et nécessaires, lorsque la réalisation des objectifs du schéma repose totalement, ou partiellement, sur un acteur territorial différent de l’auteur du schéma. L’incitation s’avère extrêmement nécessaire dans les cas où les collectivités territoriales voient la mise en œuvre du schéma comme une contrainte. L’exemple étudié est celui du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage sont sans doute les documents de planification rencontrant le plus de réticences quant à leur mise en œuvre. Ils ont donc fait l’objet de plusieurs mécanismes de mise en œuvre.
- 705. L’adoption du schéma est départementale, mais sa mise en œuvre est communale ou intercommunale. Les communes mentionnées au sein des schémas sont normalement désignées pour réaliser les infrastructures nécessaires à l’accueil des gens du voyage. La loi de 2000 sur l’accueil des gens du voyage prévoit une première série de mesures en vue de faciliter la construction ou la rénovation des aires, à la fois dans le registre de l’incitation et dans celui de la sanction. Le premier élément destiné à encourager les communes à mettre en œuvre le schéma dans un délai court se trouve dans les possibilités de financements ouverts. L’article 4 de la loi prévoyait la participation de l’État au financement des rénovations et des constructions des aires d’accueil. L’aide de l’État est plafonnée à 70% des dépenses engagées, à la condition que celles-ci aient lieu dans la limite des deux ans suivant l’adoption du schéma. Le second alinéa de cet article précise que les autres niveaux de collectivités, et les caisses d’allocations familiales, peuvent subventionner ces constructions ou rénovations. Tout en inscrivant les dépenses liées aux aires d’accueil au sein des dépenses obligatoires, le législateur a tenté de faire en sorte que ces investissements ne grèvent que de manière limitée les budgets des collectivités. De même, il a ouvert la faculté pour les communes de faire exercer cette compétence par un EPCI. Cette possibilité présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle permet de modifier l’emplacement de l’aire, celle-ci devra être située sur le territoire de l’EPCI, et dans le secteur géographique d’implantation déterminé par le schéma. La zone d’implantation de l’aire est alors plus large. De plus, la gestion par un EPCI divise les coûts liés aussi bien à la construction ou la remise en état des aires, qu’à leur gestion et entretien. Un dernier avantage réside dans l’extension de l’interdiction de stationnement en dehors des emplacements prévus. En effet, la construction de places de stationnement telle que demandée dans la loi du 5 juillet 2000🏛 permet au préfet de prononcer une interdiction de stationnement sur le territoire de la commune remplissant les obligations, en dehors des emplacements prévus à cet effet. Dans le cas où un EPCI prend en charge la compétence, l’interdiction prononcée par le préfet est étendue à l’ensemble du territoire de l’établissement en question. La construction d’une aire présente également un avantage financier à plus long terme, les emplacements destinés à l’accueil des gens du voyage entrent dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) allouée aux communes. Chaque emplacement est compatbilisé comme un habitant supplémentaire pour la commune, le nombre d’habitant étant la base de calcul de la DGF. Une fois l’aire d’accueil ou de stationnement construite, l’État continue alors indirectement à subventionner leur entretien, par le biais d’aides spécifiques attribuées par les Caisses d’allocations familiales. Le conditionnement de la DGF est un moyen d’incitation assez classique en droit des collectivités territoriales. Son augmentation, notamment en période de gel, voire de diminution, est un moyen prisé par l’État pour soutenir les mécanismes volontaires, comme les fusions de communes.
- 706. Le législateur a prévu un second mécanisme incitatif pour les communes : les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000🏛🏛 prévoient une extension des pouvoirs de police administrative des maires, en cas de réalisation des objectifs prévus au schéma. Le maire d’une commune inscrite au schéma et ayant rempli ses obligations, à savoir réaliser les aménagements nécessaires à l’accueil des populations itinérantes, peut interdire par arrêté le stationnement en dehors des emplacements prévus à cet effet. La loi NOTRe du 7 août 2015 a transféré de manière obligatoire à l’ensemble des catégories d’EPCI à fiscalité propre la compétence de création, d’aménagement, de gestion et d’entretien des aires d’accueil des gens du voyage. Tirant les conséquences de ce changement, la loi du 7 novembre 2018🏛 – issue de deux propositions de lois déposées par des sénateurs – a modifié les conditions dans lesquelles les maires peuvent adopter un arrêté interdisant le stationnement en dehors des aires prévues à cet effet sur le territoire de leur commune. L’arrêté est possible lorsque la commune est membre d’un EPCI ayant rempli ses obligations, ayant bénéficié d’un délai supplémentaire pour se mettre en conformité, disposant d’un emplacement provisoire agréé, ayant une aire d’accueil sans qu’aucune de ses communes ne soit inscrite au schéma. La loi a également ajouté une seconde possibilité, dans le cas où la commune concernée ne serait pas membre d’un EPCI compétent dans le domaine de la création, de l’entretien, de la gestion et de l’entretien des aires d’accueil. Le maire peut alors interdire le stationnement en dehors des emplacements prévus si la commune a satisfait à ses obligations, si elle bénéficie d’un délai supplémentaire, si elle dispose d’un emplacement provisoire agréé, si la commune, sans être inscrite au schéma est dotée d’une aire d’accueil, ou si elle a décidé, sans y être contrainte, de participer au financement d’une telle aire dans une autre commune. Cette seconde hypothèse semble devoir être simplement transitoire, ou marginale, en raison à la fois du transfert de compétence, mais également de la volonté étatique d’achèvement de la carte intercommunale. L’objectif de cette loi était de donner aux communes les outils nécessaires à empêcher les installations illicites sur leur territoire, et ainsi d’encourager à la mise en œuvre du schéma.
- 707. La possibilité d’adopter un arrêté interdisant le stationnement a été assortie par l’article 27 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007🏛 relative à la prévention de la délinquance d’une procédure accélérée d’expulsion ; le maire, le propriétaire d’un terrain privé ou le titulaire de droit d’usage du terrain concerné par l’occupation illégale, peut, en cas d’atteinte à l’ordre public – salubrité, sécurité ou tranquillité publiques – saisir le préfet qui pourra prononcer une mise en demeure. Cette mise en demeure ne pourra être exécutée que 24 heures plus tard. Tout recours contre la mise en demeure est encadré et doit être traité dans les 72 heures par le Tribunal administratif compétent. Le délai pour procéder à l’expulsion est donc accéléré lorsque les communes ont mis en œuvre le schéma départemental. Cette expulsion ne sera possible que dans le cas où la commune aura légalement pris un arrêté interdisant le stationnement en dehors des terrains aménagés à cet effet. Si la commune n’a pas satisfait à ses obligations ou qu’en ayant satisfait à celles-ci, son maire n’a pas adopté d’arrêté, le préfet ne peut pas ordonner l’expulsion. La mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage est accompagnée financièrement par l’État, et permet aux communes d’accroître leurs pouvoirs de police. De plus, lorsque la commune a satisfait à ses obligations en matière d’accueil, que le maire a pris un arrêté interdisant le stationnement des véhicules mobiles de la communauté des gens du voyage en dehors des emplacements prévus, le refus du préfet d’engager la force publique pour empêcher l’installation de caravanes en dehors de l’aire d’accueil peut engager la responsabilité sans faute de l’État. La reconnaissance du préjudice anormal et spécial est directement en lien avec la satisfaction par la commune de ses obligations en matière de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. En effet, concernant la spécialité, elle est avérée dès lors que la commune – ou le propriétaire privé – est la seule victime du défaut de concours de la force publique. Concernant l’anormalité du préjudice, les juges semblent déduire celle-ci de la satisfaction par la commune de ses obligations vis-à-vis de la loi du 5 août 2000 : « les dommages résultant de cette abstention revêtent un caractère grave et spécial et ne sauraient être regardés comme une charge incombant normalement à la commune de Wattrelos, commune dont il n'est pas contesté qu'elle remplit les obligations qui lui incombent en matière d'accueil des gens du voyage ». Il est possible alors, comme le fait le commentateur de ce jugement, de voir dans la reconnaissance par le Tribunal administratif de Lille de la possibilité pour une commune ayant satisfait à ses obligations d’obtenir une indemnisation sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques, une incitation à mettre en œuvre les schémas départementaux.
- 708. Dans ce domaine particulièrement sensible, le législateur a doublé les mécanismes incitatifs pour contribuer à l’aboutissement des objectifs contenus dans la loi de 2000, et à la mise en œuvre par les collectivités du document de planification qu’elle prévoit ; ces dispositions n’excluent pas la possibilité d’une indemnisation des préjudices subis en cas d’occupation illégale.
- 709. La planification n’est pas toujours obligatoire, le législateur ayant choisi de laisser, dans certains domaines, le choix aux collectivités d’adopter ou non les instruments de planification proposés. Pour autant, ces instruments ne sont pas inutiles, mais leur seule utilité ne semble pas suffisante pour que les collectivités ou leurs groupements les adoptent. Les schémas non obligatoires ont donc été assortis de mesures incitatives à leur adoption, soit par le biais d’une incitation financière, soit par d’autres procédés tels que l’assouplissement des dispositions générales applicables. L’incitation ne se limite pas à l’adoption d’un schéma, mais concerne aussi la mise en œuvre de ses dispositions. Celle-ci s’avère plus problématique : sans la mise en œuvre des dispositions des schémas, ceux-ci s’avèrent inutiles. Les mesures d’incitation sont donc renforcées pour ce qui est de la mise en œuvre des schémas.
Mais l’incitation positive peut ne pas être suffisante, le législateur a alors créé des sanctions à la non-adoption de schémas, ou à leur non mise en œuvre.
§2 – L’incitation par la sanction
- 710. Les notions d’incitation et de sanction paraissent éloignées ; pourtant, la menace d’une sanction est souvent pensée comme étant efficace pour faire adopter un acte ou modifier un comportement. Le législateur a donc développé diverses mesures (A), mais leur efficacité demeure limitée (B).
A – Les mécanismes de sanction
- 711. Les mécanismes incitatifs offrent aux collectivités territoriales des avantages lorsque celles-ci adoptent les documents non obligatoires dans un délai réduit. Mais ces mécanismes positifs n’ont pas semblé suffisants au législateur ; celui-ci a prévu des mécanismes de sanction en cas d’absence d’adoption ou de mise en œuvre. Deux exemples sont assez significatifs, le pouvoir de substitution qui peut être confié au préfet (1), ainsi que la règle de la constructibilité limitée (2). Ces deux mécanismes ne répondent pas à la même logique, le pouvoir de substitution est une sanction quasi immédiate, l’État prenant le relais de la collectivité réticente. La règle de la constructibilité limitée est une forme de sanction moins directe, elle constitue une limitation des pouvoirs des communes en cas d’absence de schéma.
1 – Le pouvoir de substitution
- 712. La suppression de la tutelle administrative par la loi du 2 mars 1982🏛 n’a pas entièrement libéré les collectivités d’une intervention étatique. L’une des manifestations de ces résurgences de la tutelle est le pouvoir de substitution du le préfet en cas d’inaction d’une collectivité territoriale. Ce pouvoir est, cependant, restreint. Le législateur a prévu dans certains cas très limités la possibilité, voire l’obligation, pour le préfet de se substituer à une collectivité défaillante. Ces procédures de substitution sont assez rares dans la mesure où elles sont attentatoires au principe de libre administration des collectivités territoriales.
- 713. Il existe néanmoins un schéma dans le cadre duquel le préfet dispose d’un pouvoir de substitution. Il s’agit du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. La loi de 2000 a mis en place un mécanisme de sanction de l’inaction des collectivités territoriales sous la forme d’une substitution du préfet. Celui-ci était prévu par l’article 3 de la loi. Le législateur laissait 2 ans aux communes ou groupements de communes compétents pour réaliser les travaux prescrits par le schéma. Passé ce délai, le préfet met en demeure la collectivité ou le groupement de réaliser les travaux nécessaires. Si dans les 3 mois qui suivent la mise en demeure, les intéressés n’ont pas rempli leurs obligations, le préfet met en œuvre le schéma. Les dépenses engendrées par ces travaux – achat de terrain, aménagements, frais de fonctionnement – sont inscrites en tant que dépenses obligatoires des communes. À la fin des travaux, la commune ou le groupement de communes compétent devient propriétaire des infrastructures. Ce régime a été modifié, notamment en assouplissant les délais au cours desquels le schéma doit être mis en œuvre, ainsi que la manière dont l’État se substitue à la collectivité défaillante.
2 – De la constructibilité limitée à l’urbanisation limitée
- 714. La règle de la constructibilité limitée repose initialement sur un principe simple : pour pouvoir délivrer de nouveaux permis de construire, les communes doivent avoir adopté un PLU, une carte communale ou un document en tenant lieu. La règle de la constructibilité limitée n’était pas auparavant attachée aux schémas. Elle est entrée dans le code de l’urbanisme en 1983, au moment de la décentralisation des compétences d’affectation des sols. Elle s’inscrit dans le prolongement des politiques initiées dans les années 1970 pour lutter contre l’étalement urbain. L’idée de la loi de 1983 est de rendre inconstructibles les zones non urbanisées dans les communes dans l’attente de l’élaboration d’un plan d’occupation des sols (POS). Cette règle a été immédiatement assortie d’exceptions. Au début des années 1980, l’intercommunalité n’étant pas encore pleinement considérée comme le remède au morcellement communal, l’échelon communal a été considéré comme le plus apte à réguler l’utilisation des sols.
- 715. La règle a été partiellement appliquée, adoucie, presque ignorée et surtout s’est révélée inefficace. La loi solidarité et renouvellement urbain, adoptée en 2000, a renouvelé la conception de la constructibilité limitée, en lui ajoutant celle de l’urbanisation limitée. En effet, là où le premier principe était lié aux POS, et interdisait la délivrance de permis de construire par le maire en l’absence de celui-ci, le second empêche, en l’absence de SCOT, la modification des PLU et cartes communales en vue d’ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation. Cette mesure, depuis son introduction sous la forme de la constructibilité limitée, a été présentée comme une forme d’incitation, pour autant, elle n’a pas été perçue comme telle. Les élus locaux la perçoivent comme une limitation de leurs pouvoirs en matière d’urbanisme et de construction. Ses évolutions depuis les années 1980 vont vers un assouplissement, le législateur prenant en compte les oppositions des élus locaux, généralement relayées par le Sénat. Des délais supplémentaires ont, par exemple, été accordés aux collectivités pour leur permettre d’adopter les documents. Malgré les divers assouplissements, ces deux règles demeurent perçues comme une sanction, et non une incitation pour les élus locaux.
B – La relative efficacité des mécanismes
- 716. Les mécanismes incitatifs sont liés aux instruments de planification dont l’adoption est facultative, mais ont eu tendance à se développer également pour les schémas dont l’adoption est obligatoire. Le législateur, convaincu de l’utilité des instruments, n’a pourtant pas jugé opportun de les rendre obligatoires, jugeant les mécanismes incitatifs suffisant. Néanmoins, il faut s’interroger sur la pertinence et l’efficience de ces dispositions.
- 717. Il semble que celles-ci ne se soient pas révélées très efficaces. En effet, si on prend comme exemple le schéma départemental d’accueil des gens du voyage – l’un des schémas cumulant le plus de mécanismes incitatifs –, plusieurs rapports, notamment celui réalisé par la Cour des comptes en 2012, révèlent que l’adoption des documents et leur mise en œuvre, en dépit des divers mécanismes incitatifs, n’ont pas eu lieu dans l’ensemble des départements français. Une grande disparité apparaît entre départements, notamment au regard de la mise en œuvre des schémas, et donc de la construction ou de la remise en état des aires d’accueil. Ce retard dans la mise en œuvre, malgré les mesures incitatives, et le risque qu’encourent les collectivités de voir l’État se substituer à elles, est dû à une double opposition, celle d’une partie de la population, mais aussi celle des élus, locaux et nationaux. En effet, la mise en œuvre d’un schéma départemental d’accueil des gens du voyage, par l’installation d’une aire d’accueil sur le territoire, peut entraîner la réaction des habitants de la collectivité, dont les logements sont voisins de la future installation. Ces types de contestations encouragent l’inaction des élus locaux, pour lesquels les avantages procurés par les mesures incitatives ne sont pas à la hauteur des inconvénients provoqués par l’installation de ces aires. Une seconde forme d’inaction peut être identifiée, ou du moins soupçonnée, de la part des autorités étatiques. En effet, l’absence de mise en œuvre des mesures de substitution, qui auraient pu conduire à ce que l’ensemble des aires d’accueil prévues, soient réalisées dans les délais prévus peut être due à une inaction de l’État, en raison de l’opposition des élus locaux. Le sujet de l’accueil des gens du voyage étant éminemment sensible, les mécanismes incitatifs sont nécessaires, mais ne sont pas suffisants pour atteindre le but souhaité. Ils présentent néanmoins un élément positif : dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique, certains départements se sont avérés être de « bons élèves » et ont respecté le calendrier fixé en 2000. Ceux-ci ont ainsi pu bénéficier des avantages financiers et fiscaux qui n’ont pas été suffisants pour inciter les départements « récalcitrants », les mécanismes ne semblent plus alors incitatifs, mais plutôt rétributifs. Depuis 2012, l’ensemble des schémas ont été adoptés, une grande partie a d’ailleurs été révisée. Néanmoins, la mise en œuvre n’est pas totale : peu de départements avaient atteint les objectifs en 2014, onze départements seulement selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Pour autant, aucun élément n’indique que les communes de ces départements aient satisfaits à leurs obligations en raison des incitations à la mise en œuvre du schéma. Toujours selon ces chiffres, les capacités d’accueil nécessaires étaient limitées : seuls trois départements prévoyaient un nombre d’aires permanentes d’accueil supérieur à 10, et le nombre d’aires maximum prévues par l’un des schémas était de 20. De plus, ces départements sont pour la plupart ruraux, le nombre de communes inscrites au schéma est dès lors limité. Par exemple pour l’Aube, huit communes comptaient en 2014 plus de 5 000 habitants, pour la Creuse deux communes seulement. Les communes des départements plus urbanisés et plus peuplés ont plus difficilement rempli leurs obligations. Il semble que, dans ce cas, les mesures prises n’ont pas été suffisantes au regard des inconvénients pointés par le rapport de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat : hostilité des populations vis-à-vis de l’installation des aires dans leur voisinage, difficultés dans la collecte des redevances d’occupation, difficultés liées au non-respect des calendriers prévisionnels par les gens du voyage. Les mesures incitatives peuvent aider à la prise de décision, mais ne semblent pas suffisantes actuellement.
- 718. L’exemple du SCOT s’avère également être intéressant pour illustrer l’efficacité relative des mécanismes incitatifs à l’adoption des instruments de planification. La règle de la constructibilité limitée, ou urbanisation limitée, n’a pas contribué à la couverture intégrale du territoire français par des SCOT. Antérieurement, la même notion avait été utilisée pour développer les POS, devenus depuis PLU. Ces mesures semblent sans effet, ou du moins ne semblent pas avoir les effets escomptés. Plus de quinze ans après, l’ensemble du territoire français n’est pas couvert par un SCOT. Par exemple, concernant le territoire de l’ancienne région Limousin, au 1er juin 2015, les SCOT de l’agglomération de Limoges, celui de Guéret-Saint-Vaury, celui du Pays de Tulle et le SCOT Sud Corrèze avaient été approuvés ; tandis que le SCOT du Pays de Haute-Corrèze et Ventadour était toujours en cours d’élaboration. Les SCOT adoptés couvraient 25 % des communes, et 60 % de la population. Le territoire de l’ex-région n’est pas couvert dans sa globalité par ces documents, il se situait même en dessous de la couverture nationale. Toutefois, la loi ALUR qui a renforcé le principe de constructibilité limitée semble avoir eu un impact sur les instruments de planification intercommunaux : en 2015, un nouveau SCOT était en cours d’élaboration, et en 2017, un nouveau périmètre de SCOT a été arrêté par le préfet sur le territoire corrézien. Pour autant, l’ensemble du département n’est pas couvert par un SCOT. Il demeure environ un tiers du territoire qui ne dispose pas d’un SCOT. Pour ce qui est des autres départements de l’ex-Limousin, aucun nouveau projet de SCOT n’a été présenté, uniquement une modification du périmètre du SCOT de l’agglomération du Limoges, afin de le mettre en conformité avec les dispositions de la loi ALUR.
- 719. La couverture du territoire national par les SCOT n’est pas réalisée. Mais il est possible de constater, en prenant notamment l’exemple du département de la Corrèze, une évolution due aux dernières dispositions législatives qui ont renforcé la règle de la constructibilité limitée. Il semblerait que cette forme de sanction attachée aux instruments de planification n’ait pas une efficacité uniforme.
- 720. La question que l’on peut se poser est alors celle de la nécessité des mesures incitatives. Ne serait-il pas plus pertinent de rendre les schémas facultatifs, bénéficiant de fortes mesures incitatives, obligatoires ? Ces mesures révèlent l’intérêt pour les collectivités d’adopter ces documents, il serait alors plus efficace de les rendre obligatoires. De plus, il peut paraître paradoxal de mettre en jeu des sanctions, apanage du droit « dur », pour modifier le comportement d’une collectivité qui ne veut pas adopter un schéma, instrument de droit souple. Les rendre directement obligatoires serait sans doute plus lisible. Il s’agirait alors de repenser leur organisation, voire de les fusionner pour contribuer à une évolution qualitative, plutôt que de continuer à conserver des documents éparpillés.
- 721. Conclusion de chapitre
Le droit de la planification locale concentre les mêmes critiques que les dispositions relatives à la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État. L’augmentation des domaines transférés a mécaniquement contribué à l’augmentation des domaines de planification, renforçant l’enchevêtrement des instruments. Le développement des instruments de planification n’est pas uniforme : si certains documents sont d’adoption obligatoire, tous ne le sont pas. L’absence d’obligation s’explique par leur utilité relative : tous les territoires n’ont pas nécessairement besoin des mêmes instruments. Pour contribuer à l’adoption de ces schémas, le législateur a mis en place des mécanismes incitatifs. Ces mécanismes ont également dû être adoptés pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre des schémas. Cet accompagnement ne semble pas avoir permis une très grande évolution, sans pour autant être totalement inutile. Une refonte des instruments de planification pourrait également contribuer à leurs meilleures adoption et mise en œuvre.
Chapitre 2 –
La progression qualitative des schémas
- 722. La planification est une nécessité pour mener une action globale sur un territoire. Dans le cadre de la décentralisation, elle doit passer par des instruments de droit souple comme les schémas, afin de ne pas attenter à la libre administration des collectivité territoriales et au principe de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre, rappelés à l’article 72 de la Constitution. Ces limites constitutionnelles entravent certaines actions des collectivités, empêchant par exemple que certains documents de planification bénéficient d’une force normative conséquente. Mais elles ne sont pas, à elles seules, responsables de l’efficacité partielle des schémas. Ceux-ci doivent gagner en cohérence, et pour cela être moins nombreux, pour que les politiques publiques proches soient pensées – et réalisées – globalement. En complément d’une refonte des documents existants, il serait intéressant de procéder à une clarification de la définition du « schéma ». La clarification peut être réalisée de plusieurs manières, soit par l’établissement de critères permettant d’identifier, de classer les schémas, soit par la création d’une définition, à partir des éléments communs identifiables. Cette seconde possibilité emporte plus de conséquences : elle nécessiterait une modification juridique d’ampleur, afin de dénommer les documents ne correspondant plus à la définition.
- 723. La progression qualitative des schémas passe par une fusion de certains documents (Section 1), mais également par l’établissement d’une classification (Section 2).
Section 1 –
Des instruments tendant à une globalisation
- 724. Le droit de la décentralisation et les compétences des collectivités ont connu de nombreux bouleversements ces dernières années. Les réformes initiées depuis 2003 ont considérablement modifié les compétences des collectivités, mais également les rapports entre elles. Le législateur a désigné de nouvelles collectivités comme étant moteur de la décentralisation dans une vision plus englobante La région supplante le département et les EPCI à fiscalité propre prennent le dessus sur les communes. L’accent a été mis sur des structures territoriales dont le périmètre a été augmenté. L’achèvement de la carte intercommunale a été accompagné de la création d’un seuil pour les communautés de communes – elles étaient auparavant le seul EPCI à fiscalité propre n’en disposant pas – puis du relèvement de ce seuil. Certaines régions ont été fusionnées afin d’atteindre une taille jugée critique. Cette volonté d’atteindre une taille suffisante pour gérer correctement certaines compétences se retrouve dans les tentatives de fusions opérées pour certains documents (§1), et appellera, pour une plus grande lisibilité, à des regroupements dans les années à venir (§2).
§1 – La tentative de fusion des schémas
- 725. La solution la plus immédiate pour parvenir à une diminution du nombre de schémas est la réunion de ceux-ci par fusion au sein d’un document unique (A), mais ces regroupements s’avèrent délicats à mettre en œuvre (B).
A – La concentration autours d’un document unique
- 726. Deux exemples de fusion peuvent être présentés, en matière d’urbanisme (1) et au niveau régional (2).
1 – En matière d’urbanisme
- 727. La planification de l’utilisation des sols est un domaine dans lequel se côtoient différents intérêts – habitation, implantation des commerces, agriculture – et différents acteurs – État, collectivités, groupements de collectivités, particuliers. Cela conduit nécessairement à un éparpillement de la planification, à une multiplication des instruments. Dans ce cadre, le législateur a procédé à des regroupements de documents. Le regroupement a été quelque peu limité dans ce domaine. En effet, à partir de 2008, les SCOT ont intégré les préoccupations commerciales. Auparavant, les zones d’implantation des commerces étaient déterminées départementalement par le biais du schéma de développement commercial, adopté par l’observatoire départemental d’équipement commercial. Ce document était utilisé par la commission départementale d’équipement commercial – autorité administrative départementale – pour délivrer les autorisations d’implantation pour les nouveaux commerces, en fonction de leur taille. Cette autorisation était le préalable à toute demande de permis de construire. Mais cette procédure, issue de la loi Royer de 1973, a été mise en cause par la Commission européenne, cette dernière lui reprochant d’être contraire au principe de liberté d’établissement, ainsi qu’à la directive no 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services. Par une communication du 13 décembre 2006, la Commission a officiellement demandé à la France de modifier sa réglementation quant à l’implantation des commerces. Cette demande a donné lieu à une première modification, par le biais de la loi du 4 août 2008🏛 de modernisation de l’économie. Les SCOT pourront alors « définir des zones d'aménagement commercial ». Les schémas d’aménagement commercial intègrent alors la planification urbaine de droit commun, sous la forme d’un document d’aménagement commercial que les auteurs des SCOT peuvent intégrer au schéma. Cette intégration a été poursuivie par la loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010. Le document d’aménagement commercial devient obligatoire et est intégré au document d’orientation et d’objectif du schéma.
« Des zones d'aménagement commercial peuvent ainsi être délimitées à l'échelle du SCOT au sein desquelles l'édification et l'extension de bâtiments à usage commercial pourront être conditionnées au respect de certains critères tel que notamment la desserte suffisante en termes de transports collectifs, la capacité et les conditions de stationnement ou la conformité des projets aux normes environnementales en vigueur »
La planification commerciale n’est plus issue d’un document départemental, mais intégrée au sein du document central pour l’aménagement local du territoire qu’est le SCOT. Une fusion de plus grande importance a été réalisée au niveau régional.
2 – Au niveau régional
- 728. La région est l’échelon au sein duquel la planification s’est fortement développée au cours des deux dernières décennies. Comme le relevaient les sénateurs lors de l’examen du projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République, sur le territoire régional, près de 12 schémas – auxquels s’ajoutent 2 plans – sont adoptés. Au-delà de la quantité, le grand nombre de documents, leur différence de durée et de valeur, ne permettaient pas l’émergence d’un réel projet de territoire non sectorisé. La région planifiait son action, mais pas de manière globale. Ainsi, la « cohérence écologique » était déconnectée du triptyque « air-climat-énergie », lui-même déconnecté des infrastructures de transport. Le projet de loi NOTRe a prévu le regroupement de certains de ces documents dans le cadre de la création d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Ce dernier devait inclure a minima le SRADT, le schéma régional air-climat-énergie (SRACE) et le plan régional de prévention et de gestion des déchets. Les régions devaient, dans le cadre de l’élaboration, pouvoir adjoindre à ce socle initial d’autres documents dont elles avaient la charge. Après discussion et amendement, la loi NOTRe prévoit la disparition des 4 schémas initiaux, auxquels s’ajoute le schéma régional de cohérence écologique, et leur intégration au sein du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Cette fusion a eu pour objectif de créer une synergie entre les instruments, de stopper les planifications sectorielles pour créer un projet global. En effet, l’ensemble des documents de planification qui ont été regroupés relèvent d’un seul et même domaine, celui de l’aménagement du territoire. Pour mener une politique efficace et efficiente, les schémas doivent être regroupés au sein d’un seul document. Cette nécessité de concentration des instruments s’accompagne également d’autres changements, visant tous à renforcer la planification régionale : en premier lieu, une adoption obligatoire avec une révision après chaque renouvellement du conseil régional, et en second lieu, la révision de sa valeur pour rendre une partie de ses dispositions prescriptives. Les dispositions du projet de loi NOTRe relatives à la planification régionale dans le domaine de l’aménagement du territoire avaient pour objectif, par le biais de la fusion et du renouveau des instruments, de développer une synergie dans la conduite des politiques publiques sur le territoire régional.
- 729. Les fusions opérées par le législateur, quels que soient leurs objectifs, sont possibles, mais doivent être réfléchies, pour aboutir à un instrument qui demeure cohérent.
B – Un regroupement complexe à mettre en œuvre
- 730. Ces regroupements soulèvent plusieurs types de questions, notamment concernant leur faisabilité, mais aussi leur organisation. L’éclatement de la planification est certes une des raisons présidant à la mise en place de regroupements de schémas, mais elle ne peut être la seule. En effet, l’ensemble des instruments de planification adoptés par une collectivité n’ont pas les mêmes finalités, les mêmes durées. L’intégration au sein d’un seul et unique document permettrait d’unifier la durée et de promouvoir un objectif global de planification, au service d’un projet de territoire cohérent. Une simple intégration, sans cohérence globale, ne serait pas pertinente.
- 731. La fusion de deux ou plusieurs documents dont la compétence relève d’une seule collectivité nécessite évidemment une adaptation de la législation. Ce fut le cas pour la création du SRADDET. Dans le cadre de la loi NOTRe, le législateur a autorisé le gouvernement à adopter les mesures transitoires nécessaires à la création de ce nouvel instrument. Ces mesures ont été prises par le biais de l’ordonnance du 27 juillet 2016. Les principales dispositions contenues dans cette ordonnance tendent à la modification induite par le regroupement des schémas préexistants. Les derniers articles, plus précisément les articles 33 et 34, sont relatifs à la mise en œuvre d’un régime transitoire. Le régime en question a été rendu doublement nécessaire par l’adoption de ces documents, mais également par la fusion des régions opérée par la loi du 16 janvier 2015. En effet, les schémas intégrés au SRADDET ne faisaient pas l’objet du même état d’avancement au sein de l’ensemble des régions métropolitaines. De plus, la réorganisation des administrations régionales imposait un délai supplémentaire pour l’adoption des premiers SRADDET. L’article 33 de l’ordonnance crée une exception au délai prévu par l’article L. 4251-7 du CGCT : ce dernier prévoit un délai de 3 ans à compter du renouvellement des conseils régionaux ; l’ordonnance reporte le point de départ de ce délai pour le premier schéma, l’approbation de celui-ci devant être réalisée dans les 3 ans suivant la publication de l’ordonnance. L’article 34 organise la transition entre les documents voués à fusionner, et le nouveau dans le cas où les premiers sont en cours d’élaboration ou de révision. Ces derniers, à la condition qu’ils soient déjà adoptés ou adoptés dans un délai de 3 ans à compter de la publication de l’ordonnance, demeurent régis par les dispositions prévues antérieurement jusqu’à la publication de l’arrêté approuvant le SRADDET.
- 732. Les dispositions mises en place par le gouvernement semblent de nature à assurer une transition entre les anciens documents, issus parfois de régions différentes, et le nouveau document. Certains éléments viennent faciliter ce regroupement. Tout d’abord, les quatre documents objet de la fusion relevaient dans leur version antérieure de la collectivité régionale. Il existe donc, au sein de la région, une certaine connaissance des dispositions attendues et nécessaires à l’élaboration de ces documents. Cette expertise régionale doit toutefois être relativisée dans la mesure où, au moment de l’adoption de la loi NOTRe, l’ensemble des régions n’avaient pas approuvé les schémas issus de la loi portant engagement national pour l’environnement : SRCE et SRCAE. De plus, deux situations doivent être distinguées : d’une part les régions ayant conservé leurs limites territoriales, et d’autre part celles ayant fait l’objet d’une fusion en 2015. Dans le premier cas, le regroupement des documents peut s’avérer assez simple, le territoire d’appui restant identique. Cependant, dans le cas de régions fusionnées, le regroupement nécessite une nouvelle analyse du territoire. En effet, pour penser une action de planification, il n’est pas pertinent de simplement juxtaposer des analyses de territoires déconnectées, il convient de procéder à une nouvelle analyse. Les conclusions relatives à la mobilité, par exemple, sont extrêmement dépendantes du territoire, la simple compilation des analyses précédentes ne permettra pas d’aboutir aux mêmes conclusions : la question de la mobilité au sein des anciennes régions composant la Nouvelle-Aquitaine ne poursuit pas la même finalité que sur le territoire, plus vaste, de la nouvelle région. En effet, l’un des premiers effets d’une fusion de régions est de repenser les déplacements, un nouveau « centre d’impulsion » est reconnu par le choix d’un nouveau chef-lieu de région. Toujours en suivant l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine, la mobilité était organisée autour des anciennes capitales régionales qu’étaient Bordeaux, Limoges et Poitiers. Or, apposer simplement les précédents documents, sans repenser intégralement la stratégie, nie les nouveaux besoins en matière de déplacements au sein d’un territoire recomposé, et notamment l’accès au nouveau chef-lieu de région. Ainsi, la fusion des documents nécessite une refonte complète de la stratégie. Cette refonte a eu lieu en Nouvelle-Aquitaine, le SRADDET a été adopté en décembre 2019. Il identifie les faiblesses de la région et propose des corrections, notamment relativement à la question des mobilités. Les politiques portés par les anciens territoires n’ont pas permis de maintenir un réseau performant entre ceux-ci, plusieurs objectifs du SRADDET ont donc pour but de pallier ces déficits. Il est également intéressant de noter qu’au sein des objectifs de la stratégie en matière d’aménagement du territoire, l’une des trois orientations est d’unir les territoires « pour le bien-vivre de tous ». Cette formulation illustre la nécessité absolue de créer un projet commun pour un territoire nouveau.
- 733. Le regroupement de ces documents a pu avoir lieu et être effectif également en raison de la nature même du schéma. En effet, le SRADDET est un document obligatoire pour l’ensemble des régions métropolitaines. Celles-ci n’ont pas de marge de manœuvre quant à son adoption, elle doit intervenir dans un délai de 3 ans à compter du renouvellement des conseils régionaux. La modification est alors concomitante pour l’ensemble des documents, et permet une uniformité de ceux-ci. Dans la majorité des cas, le schéma étant un instrument obligatoire, et dont les délais d’adoption sont fixés par la loi ou le règlement, la fusion de ceux-ci présente peu de difficultés ; les autorités nationales organisent la transition, que ce soit en termes temporel ou de contenu. Les difficultés sont plus présentes dans le cadre de la fusion de documents non obligatoires.
- 734. Le SCOT est un instrument de planification adopté par un EPCI et qui ne présente pas de caractère obligatoire. La révision du SCOT intervient dans le délai maximum de 10 ans suivant son adoption. Ainsi, lorsque des modifications sont adoptées concernant les règles l’encadrant, celles-ci peuvent ne pas être directement intégrées ; elles sont, le plus généralement, incorporées lors de la révision suivante du document. Dans le cas de la planification des sols, les documents se succèdent et cohabitent le temps de leur renouvellement. En effet, lors de la création du SCOT par la loi SRU en 2000, les schémas directeurs ont été maintenus en vigueur jusqu’à leur prochain renouvellement, à l’exception des schémas directeurs trop anciens. La même logique a présidé à l’intégration de l’urbanisme commercial au sein du SCOT. Les SCOT devront, lors de leur prochaine révision, intégrer un volet commercial. Trois situations cohabiteront alors : les SCOT qui, à la suite de leur révision, auront intégré le volet commercial, les SCOT n’ayant pas été révisés, et les territoires non couverts par les SCOT. Or, peu de dispositions sont prévues lorsque le territoire n’est pas couvert par un SCOT : « L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme🏛. »
- 735. La planification commerciale départementale a donc été intégrée aux documents locaux d’urbanisme. Mais cette intégration s’avère imparfaite : le schéma d’aménagement commercial couvrait l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas le cas des SCOT à l’heure actuelle. Ainsi, pour les communes non couvertes par un document d’urbanisme intercommunal, la planification commerciale n’existe plus. Il semble que l’absence d’instrument de planification n’empêche pas la délivrance d’autorisation d’exploitation commerciale, mais fasse perdre aux intercommunalités la possibilité d’orienter les implantations, la commission départementale d’aménagement commercial ne se basant que sur les conditions listées à l’article L. 752-6 du code du commerce🏛.
- 736. La fusion est une manière de réduire immédiatement le nombre de schémas, et plus largement d’instruments de planification. Mais si elle peut paraître simple, et assez efficace pour limiter la dispersion des documents de planification, elle s’avère complexe au sein d’un paysage marqué par une grande diversité. En effet, les regroupements doivent être pertinents, ce qui oblige parfois au transfert de compétences entre collectivités. La fusion de schémas et d’instruments de planification apparaît comme étant une bonne solution pour établir des instruments plus englobants et portant un projet local et territorialisé.
§2 – La nécessité de regroupements futurs
- 737. Les fusions déjà opérées ont ouvert la voie vers de nouvelles fusions, celles-ci permettant de pallier l’éclatement des instruments de planification (A) ; mais pour que ces regroupements soient intéressants et utiles, il est nécessaire d’identifier une cohérence (B).
A – Une nécessité face à l’éclatement des instruments
- 738. Les instruments de planification, quelle que soit l’appellation qui leur est donnée par le législateur, ont tendance à se développer depuis une vingtaine d’années. Ce développement contribue à la multiplication des documents et complique les relations entre eux. En effet, les instruments de planification ne sont pas déconnectés les uns des autres, ils interfèrent entre eux. Or, l’éclatement des instruments est aussi temporel. En effet, la durée de vie d’un schéma, ou a minima la durée de réévaluation des documents, diffère pour beaucoup de documents. De plus, le moment de la première adoption n’est pas concomitant. Pour certains documents, celle-ci est identifiée : par exemple, pour les schémas régionaux créés par la loi NOTRe, l’adoption première, puis la révision doit suivre le renouvellement des conseils régionaux. Pour d’autres, elle est à la discrétion des auteurs : le SCOT peut être adopté à tout moment et son évaluation doit intervenir dans un délai de six ans suivant son approbation. Mais cette évaluation n’est pas synonyme de mise en révision du document. Celle-ci peut intervenir à l’issue du délai, ou bien avant. Elle peut notamment être dictée en raison des rapports de compatibilité induits par des documents supérieurs. La problématique de l’augmentation quantitative des documents de planification est alors la suivante : l’imbrication des documents et leur différence de temporalité ne conduisent-elles pas à une forme de révision permanente des documents ? Par exemple, si le SCOT doit être évalué tous les six ans, sous peine de caducité, il doit également être modifié ou révisé pour prendre en compte les documents supérieurs – SRADDET, SRDEII ou DTA – dans un délai limité, généralement trois ans. Il n’est donc pas souhaitable que l’ensemble des documents soient élaborés et adoptés en même temps, cela ne permettrait pas de réaliser les mises à jour rendues nécessaires par la hiérarchie des instruments de planification.
- 739. La stabilisation des périodes d’adoption des schémas régionaux pourrait avoir une influence sur les documents inférieurs et leur rythme d’adoption et de révision. En effet, le délai de trois ans pour rendre compatibles les dispositions des SCOT et des PLU, pourrait contribuer à l’harmonisation de la temporalité de révision de ces documents. Mais dans le cas de la planification de l’utilisation des sols, les documents régionaux ne sont pas les seuls à devoir être pris en compte. Le SCOT est dépendant de documents de planification départementaux, régionaux et interrégionaux issus des services déconcentrés de l’État, dont l’élaboration et la révision ne sont pas dépendantes des élections locales.
- 740. L’identification de périodes de « révision » des documents en fonction de leur positionnement au sein d’une certaine hiérarchie présente néanmoins un inconvénient : elle pourrait conduire à une forme de paralysie de l’action publique, tous les documents étant révisés à la même période. En effet, la périodicité logique de la mise en révision serait le renouvellement des assemblées délibérantes, afin que les nouveaux élus puissent amender un projet de territoire adopté sous une majorité différente, ou tout simplement l’actualiser. Néanmoins, le risque d’inaction est limité lorsque, comme dans le cas du SCOT, le document antérieur est maintenu en vigueur le temps de sa modification, ou de l’élaboration complète d’un nouveau document.
- 741. Le regroupement des instruments est nécessaire, mais il doit poursuivre un but : permettre à la planification de gagner en cohérence.
- 742. Le regroupement des documents peut être opéré selon diverses modalités, qui impliquent des procédures et une mise en œuvre différentes.
- 743. Le législateur peut simplement associer les documents, sans pour autant avoir une vision d’ensemble du document. Les différents schémas demeurent des documents individuels, mais leur adoption est concomitante et ils sont réunis au sein d’un seul instrument. L’article 118 de la loi du 21 juillet 2009🏛 HPST crée un projet régional de santé, constitué de plusieurs documents de planification, dont trois schémas : le schéma de mise en œuvre en matière de prévention, le schéma d'organisation de soins et le schéma d'organisation médico-sociale. Ces trois documents séparés n’ont, dans un premier temps, pas été fusionnés, mais simplement regroupés, apposés pour constituer un document unique. Cette juxtaposition sera remplacée en 2016 par un seul document, intitulé schéma régional de santé. La formulation choisie marque bien la volonté de fusion des documents précédents :
« Le projet régional de santé est constitué :
[…]
2o D'un schéma régional de santé, établi pour cinq ans sur la base d'une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux et qui détermine, pour l'ensemble de l'offre de soins et de services de santé, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d'accompagnement médico-social, des prévisions d'évolution et des objectifs opérationnels. »
- 744. Le nouveau document reprend les caractéristiques des anciens instruments : il compile les éléments contenus et les insère au sein d’un seul. La volonté de réunir les éléments de planification se retrouve également dans la dernière modification apportée au projet régional de santé et au schéma régional qu’il contient. La loi du 3 août 2018🏛 a ajouté un nouveau programme, relatif à la prévention des violences sexuelles et à l’accès au soin des victimes de violences sexuelles. Le choix a été fait par le législateur de ne pas créer un nouveau document de planification, mais d’étoffer les documents existants.
- 745. Le regroupement peut être opéré par la possibilité d’inclure un schéma, initialement isolé, au sein d’un autre document de planification, schéma ou non. Ce fut le cas par exemple pour la possibilité d’intégration des schémas de mise en valeur de la mer dans les SCOT. Le schéma continue d’exister, mais est physiquement intégré au sein d’un autre document. L’objectif, dans ce cas, peut être simplement d’ordre pratique : rassembler en un document unique des instruments proches, ou ayant un objet commun pour faciliter leur accès, ou, dans le cas du SMVM, pour inciter à son adoption. Cette volonté d’incitation à l’adoption n’est pour autant pas dénuée de cohérence : il est logique qu’étant en zone littoral, le document de planification d’urbanisme prenne en compte cette particularité.
- 746. La dernière possibilité est celle qui se révèle la plus ambitieuse, et la plus utile pour l’efficience des documents de planification : réaliser une fusion complète des documents, créant une logique globale, et une planification intégrative. Une telle procédure nécessite de déterminer au préalable les critères de ce rassemblement, et implique, de la part de l’autorité élaboratrice, une réflexion plus globale. Ces deux implications permettraient ainsi de créer un document plus cohérent d’un point de vue territorial, mais également plus efficient dans son contenu. En effet, la création d’un instrument plus large dans ses objectifs implique une réflexion plus profonde, plus réfléchie. Elle peut être établie directement, ou après une transition, comme ce fut le cas pour les schémas compris dans le projet régional de santé. L’exemple le plus récent d’une telle démarche est, dans le cadre de la loi NOTRe, la création du SRADDET. L’étude d’impact effectuée à partir du projet de loi NOTRe soulignait les failles de la planification régionale :
« L’action de planification au niveau de la région en matière d’aménagement du territoire est protéiforme. Divers documents, répondant à une logique d’élaboration avant tout sectorielle, contribuent, à des degrés divers, à façonner l’aménagement du territoire, sans pour autant qu’un schéma de référence assure entre eux un lien de cohérence au regard d’objectifs partagés d’aménagement du territoire. Cet ensemble constitue un corpus juridique disparate, cloisonné et particulièrement complexe. »
Le projet de loi NOTRe s’appuie sur ce constat, et sur les exemples de la région Ile-de-France et de la Corse, pour proposer la création d’un document unique : « L’élaboration d’un document unique comportant des mesures et orientations jusqu’alors fixées dans différents schémas souvent en interaction et pourtant élaborés de manière disparate et sans véritable coordination, renforcera la synergie dans la détermination et la conduite des politiques publiques concernées. » Ainsi, face à une multiplication de documents proches, mais distincts, il est apparu plus cohérent, notamment pour faire de la région la collectivité motrice en matière d’aménagement du territoire, de réunir les différents domaines dans lesquelles elle est compétente dans un document unique. Ce document unique est le SRADDET. Il devient le document central de l’aménagement du territoire, élaboré en coordination avec les autres collectivités et groupements de collectivités du territoire et avec l’État. Il permet de planifier une action concertée et cohérente des acteurs d’un territoire, là où coexistaient préalablement plusieurs documents disparates. La recherche de cohérence des politiques publiques est liée à la qualité des instruments de planification, et plus particulièrement à la possibilité pour ceux-ci de se saisir de l’ensemble d’un domaine. Mais une approche centralisée n’est pas suffisante pour qu’une politique publique soit mise en œuvre, elle nécessite d’être acceptée par les personnes publiques impliquées dans la politique. Cette acceptation implique l’association des acteurs de la politique au plus tôt. Le schéma doit donc saisir l’ensemble d’un sujet, mais également associer l’ensemble de ses acteurs à son élaboration. La création du SRADDET semble réunir ces éléments : il prévoit une très large association des collectivités et groupements de collectivités lors de son élaboration, et il saisit plusieurs politiques assez largement pour être efficace. Mais une telle affirmation reste théorique dans l’attente de l’évaluation des premiers SRADDET.
- 747. La progression qualitative des schémas est nécessaire pour que la planification locale progresse et permette une meilleure gestion du territoire. La diminution quantitative peut être une bonne piste pour parvenir à une meilleure planification. Pour autant, la diminution du nombre de schémas doit s’accompagner d’une politique plus globale, d’une réflexion sur la pertinence de ces regroupements, de la volonté politique de porter un projet. En effet, l’intérêt principal, en dehors de la réduction du nombre de documents, est la création, via les fusions, de documents de planification portant un véritable projet de territoire.
L’établissement d’une ou plusieurs classifications au sein des schémas permettra également d’améliorer l’appréhension de la nature et du régime de ces documents.
Section 2 –
Une clarification passant par une classification.
- 748. Le regroupement de schémas s’avère être une opération nécessaire pour parvenir à une amélioration de la qualité de la planification locale. Mais elle n’est peut-être pas suffisante. En effet, l’ensemble des regroupements ne permettra pas d’aboutir à un instrument de plnification unique par niveau de collectivités. Un tel regroupement n’est ni possible, ni souhaitable : il ne permettrait pas d’obtenir des instruments aisément manipulables, et surtout, la simple juxtaposition de l’ensemble des schémas au sein d’un seul ne permet pas la création d’un projet de territoire cohérent. Il est donc nécessaire de laisser coexister sur un même territoire différents schémas, portant des projets de territoires sectoriels, afin de ne pas gâcher par un regroupement purement formel un instrument cohérent seul. Cette nécessité de coexistence de différents documents ne s’oppose pourtant pas à leur rationalisation : il doit être établi des critères, les plus objectifs possibles permettant une identification claire de la nature du document, induisant un régime unique (§1) ; mais cette recherche d’un critère permettant de créer une classification au sein des schémas n’est pas nécessairement fructueuse (§2).
§1 – La recherche de critères de classification
- 749. Dans le domaine de la planification locale se côtoient divers instruments : schémas, plans, cartes, sans qu’il soit aisé de déterminer les fonctions et différences de chaque document, ou encore ses spécificités. Les mêmes interrogations apparaissent face à la diversité des instruments rassemblés sous la dénomination « schéma ». Les schémas du droit de la décentralisation ne forment pas une catégorie homogène. À l’instar de la catégorie du droit souple, mise en lumière par le Conseil d’État, il est nécessaire d’introduire des nuances, une gradation au sein des schémas. Plusieurs critères peuvent être pensés pour identifier une classification, un critère formel (A), un critère matériel (B) et un critère qualitatif (C).
A – La mise en place d’un critère formel : la procédure d’élaboration
- 750. La mise en place d’un critère formel dans la classification des schémas présente un avantage incontestable : il permet d’établir une distinction fondée sur les règles de forme d’un document. Dans le cadre du schéma, une telle distinction est pertinente au regard, d’une part de la grande diversité des domaines dans lesquels la planification a été rendue nécessaire, et d’autre part, de la profusion de dispositions relatives à l’élaboration de ces documents, en comparaison des dispositions organisant leur contenu.
- 751. Il convient alors d’identifier le critère permettant d’établir une classification entre les schémas. Celle-ci ne semble pas pouvoir être binaire : elle correspond plus à une gradation, permettant de distinguer les schémas en fonction d’un certain niveau. Cette notion de gradation s’inspire directement des classifications proposées par le Conseil d’État en 2012 dans son rapport sur le droit souple. Le critère retenu dans le cas du schéma relève de sa procédure d’élaboration, et plus particulièrement de la consultation mise en œuvre.
- 752. En effet, la consultation semble être une étape importante dans le processus d’élaboration des schémas. Il est alors envisageable de l’utiliser comme élément permettant de catégoriser les schémas. Le premier élément de classification est la présence d’une consultation ou non. C’est au sein de cette première catégorie – les schémas issus d’une procédure de consultation – qu’il faut introduire des nuances, une gradation, fondée sur la nature des participants à la consultation. Cette modalité de consultation doit être entendue au sens large : elle engloberait tous les avis demandés au cours de la procédure d’élaboration.
- 753. Trois niveaux peuvent alors être identifiés :
- Niveau 0 : absence de consultation. Le document est adopté par la collectivité, le groupement de collectivités ou l’autorité déconcentrée sans que les autres acteurs du territoire ne soient consultés. Il s’agit ici de documents internes aux collectivités et également à l’administration déconcentrée, adoptés soit dans une optique de réorganisation interne, soit pour l’organisation des infrastructures gérées par la collectivité. Ces schémas n’ont pas vocation à être utilisés en dehors de la structure élaboratrice. Par exemple, les schémas relatifs aux eaux potables et à l’assainissement adoptés par les communes entrent dans cette catégorie. Entrent également dans cette catégorie les schémas de mutualisation entre les EPCI et leurs communes membres. Il s’agit dans ce cas d’une co-élaboration, le document n’est donc pas interne à une seule entité. Mais sa procédure n’implique pas la consultation des personnes non-signataires du schéma et celui-ci a vocation à ne s’appliquer qu’au sein de la communauté.
- Niveau 1 : la procédure d’élaboration du schéma implique une consultation mais celle-ci s’avère limitée aux personnes publiques : collectivités territoriales, groupements de collectivités, établissements publics et institutions déconcentrées. Les consultations font partie intégrante de la procédure d’élaboration. L’entité élaboratrice est tenue de communiquer le projet de schéma à ses partenaires institutionnels, et doit recueillir leur avis, ou leur silence avant de poursuivre la procédure d’adoption de l’acte. Les personnes consultées disposent en effet d’un délai limité pour répondre, passé ce délai, leur avis est réputé favorable. Il ne s’agit en aucun cas d’avis conformes, mais d’avis simples. Le but de ces procédures est double : informer les partenaires des dispositions inscrites au schéma – celles-ci pouvant entraîner des répercussions sur leurs propres documents et leurs politiques publiques – et leur permettre de faire des remarques pouvant aboutir à la modification du projet. Cette catégorie comprend, notamment, le SDCI ou le schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
- Niveau 2 : la procédure d’élaboration implique, comme pour le niveau 1, que des personnes publiques concernées par le document soient consultées une fois le projet de schéma élaboré, et que le projet soit par la suite soumis au public. Cette étape constitue la modalité de consultation la plus poussée existante. Elle peut présenter différents niveaux d’organisation. Le niveau d’encadrement de la procédure de consultation du public peut d’ailleurs être pris en compte pour créer une sous-catégorie. La procédure la moins contraignante ou la moins encadrée serait constituée par une simple mise en ligne du projet, avec la possibilité d’émettre un avis sur internet. L’enquête publique est la plus poussée des modalités de consultation du public, mais elle est aussi la procédure la plus complexe, sans être la plus efficace en termes de garantie de représentativité du public. Les schémas de cohérence territoriale sont l’exemple type de cette catégorie : ils impliquent à la fois une consultation « institutionnelle », mais également une mise à disposition du public par le biais d’une procédure d’enquête publique.
- 1.
Absence de consultation | Consultations institutionnelles | Consultation élargie (institutionnels et public) |
Consultation du public avec formalisme allégé | Consultation du public par le biais de l’enquête publique |
Schéma de distribution d'eau potable Schéma d'assainissement collectif Schéma de mutualisation des services (intercommunalité) | Schéma départemental de la coopération intercommunale Schéma départemental d’accueil des gens du voyage Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation | SDAGE (mise à disposition électronique pendant au moins 6 mois) Schéma régional de santé | Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires SCOT SAGE Schéma d’aménagement des plages |
- 754. Ce critère n’est pas idéal. Il revêt un aspect pratique en se fondant sur la procédure d’élaboration. Ce choix permet une classification aisée mais pas nécessairement effective. Les règles relatives à la consultation n’emportent pas nécessairement les mêmes conséquences sur la nature juridique du document adopté. Les schémas de mutualisation par exemple, bien qu’étant classés au « Niveau 0 », ont des répercussions importantes sur les agents de l’EPCI et de ses communes membres, ainsi que sur l’organisation des services. Dans la même catégorie, les schémas relatifs à l’eau potable et à l’assainissement ont eu une influence moindre. Ils décrivent les portions du territoire couvertes par les infrastructures, sans emporter de conséquences directes. Le critère de la consultation conduit également à séparer des documents pourtant parents comme le SAGE et le SDAGE.
- 755. Ainsi, il semble que le critère formel, s’il permet un classement, ne permet pas une classification pertinente.
B – La mise en place d’un critère matériel : la prescriptibilité
- 756. Le critère de la prescriptibilité, autrement dit la capacité d’un acte à produire des effets juridiques contraignants, peut être utile pour établir une classification au sein des schémas. Il permet de créer une distinction binaire entre les schémas, prescriptifs et non prescriptifs. Mais si le critère est facile à énoncer, il n’est pas forcément d’une utilisation aussi aisée. Il implique deux lectures de la prescriptibilité : imposer aux documents inférieurs le respect de son contenu, ou a minima de certaines de ses dispositions ; mais la prescriptibilité signifie également la possibilité de contester le document, ou certaines dispositions du document, devant le juge administratif.
- 757. Une première distinction s’opère entre les documents créant du droit, donc des obligations juridiques pour les documents inférieurs, et ceux n’en créant pas. Il convient néanmoins d’instaurer une réserve : l’ensemble des dispositions d’un schéma ne seront pas prescriptives en raison de la prescriptivité d’une partie de celui-ci ou de certaines de ses dispositions. Ces schémas seront néanmoins qualifiés de prescriptifs au sens de la classification.
- 758. Une seconde question se présente : une fois déterminés les schémas prescriptifs, il faut identifier quels sont les rapports juridiques qu’ils induisent. Trois rapports différents peuvent être identifiés dans le cadre des schémas : la prise en compte, la compatibilité et la conformité. Pour autant, ce dernier est quasiment inexistant dans le cadre des instruments de planification : leur objet et leur rédaction ne se prêtent que peu à la rigidité de la conformité. Dans la plupart des cas, les rapports induits par les documents de planification sont indiqués, soit dans le texte instituant le schéma lui-même, soit dans le texte de référence concernant le document inférieur. Mais cela présente néanmoins un inconvénient majeur : il faut faire un inventaire des documents adoptés par les collectivités pour connaître les rapports existants entre eux, et mettre en œuvre ces rapports. Ces contraintes contribuent à rendre la planification locale difficilement intelligible et lisible. Cependant, il est possible d’apporter de la clarté dans ces rapports. C’est ce que le législateur a fait lors de la recodification à droit constant du Livre Premier du code de l’urbanisme, entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Le législateur a introduit un Titre III intitulé « Dispositions communes aux documents d’urbanisme », qui débute par un chapitre dénommé « Obligations de compatibilité et de prise en compte ». Ce chapitre contient 10 articles, répartis en quatre sections portant chacune sur un document d’urbanisme – le SCOT, le PLU, les documents tenant lieu de PLU et les cartes communales, les PLU intercommunaux et les documents d’urbanisme des zones frontalières – qui font le point sur les relations entre les documents d’urbanisme. Pour chaque document ou catégorie de documents, il est établi une liste des documents qu’il doit prendre en compte ou avec lesquels il doit être compatible. L’ordonnance du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d’urbanisme a réformé le contenu de ce titre, augmentant fortement les rapports de compatibilité, et diminuant en conséquence les rapports de prise en compte en droit de l’urbanisme. Cette rédaction a permis de réunir les dispositions au préalable éparpillées au sein du code, placées dans les différents chapitres relatifs à chaque document de planification. Dès lors, il pourrait être intéressant, dans la même logique, d’insérer dans le Livre 1 du Code général des collectivités territoriales relatifs aux principes généraux de la décentralisation un chapitre supplémentaire relatif à la planification. Les articles contenus dans ce chapitre pourraient ainsi recenser les documents de planification, à la fois ceux contenus dans le CGCT, mais également dans les autres codes, afin de dresser un tableau réel de ces instruments. À ce recensement pourraient être ajoutées les relations entre les instruments, et indiquer notamment les obligations de prise en compte et de compatibilité entre les différents documents de planification, ou du moins entre leurs différentes parties. L’insertion de ce type d’article pourrait également être envisagée. La question de la prescriptibilité serait alors plus facilement accessible qu’elle ne l’est actuellement.
Non source d’obligations juridiques | Sources d’obligation juridique |
Prise en compte | Compatibilité | Conformité |
Schéma régional des infrastructures de transport | Orientation du SRADDET Schéma départemental de gestion cynégétique Schéma régional éolien | Règles générales du fascicule du SRADDET SDCI (pour la création d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte) Schéma régional de gestion sylvicole | |
- 759. Cette grille de lecture pour la classification est cependant délicate à appréhender. En effet, les rapports induits par les schémas sont dictés par les documents inférieurs, et un même schéma peut, à l’égard d’un document exiger une prise en compte, et à l’égard d’un autre une compatibilité. Il est même possible que le même schéma, à l’égard d’un seul document implique, pour certaines de ses dispositions une prise en compte, et pour une autre une compatibilité. Par exemple, les règles générales du fascicule du SRADDET induisent vis-à-vis du SCOT une relation de compatibilité, et les objectifs du SRADDET nécessitent une prise en compte par le SCOT. Ainsi, la classification sur la base de rapports juridiques induits par les schémas ne semble pas la mieux adaptée, les rapports étant extrêmement dépendants des documents inférieurs ; elle n’est sans doute pas opérante. S’ajoute à la variabilité des rapports entre les documents, les imprécisions législatives. Dans le cas du SDCI, la compatibilité est exigée pour la création d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte. Mais dans le cas du rattachement d’une commune isolée, le préfet doit tenir compte du schéma. Or, cette formulation ne correspond à aucun des rapports juridiques existants. Il pourrait sans doute se rapprocher de la prise en compte, ce qui place le SDCI dans la même situation que le SRADDET, induisant des rapports différents en fonction des actes inférieurs avec lesquels ils sont mis en relation.
- 760. La possibilité de contester le schéma peut s’avérer plus adaptée pour établir une classification, dans la mesure où elle repose uniquement sur le document lui-même. Mais elle demeure problématique dans le cadre des schémas. Le législateur n’a pas toujours pris la peine d’indiquer le statut contentieux du schéma lors de sa création, ou au fil des modifications législatives dont il peut faire l’objet. Il revient alors au juge administratif de déterminer ce statut. Les schémas appartiennent à la catégorie des actes de droit souple, identifiés par le Conseil d’État dans son étude pour 2012. Or, l’une des caractéristiques de ces actes est de ne pas apporter de modifications majeures à l’ordonnancement juridique, de s’attacher à la modification des comportements plus qu’à la contrainte juridique. Cette caractéristique devait en principe leur permettre d’échapper aux recours juridictionnels. Pour autant, cette position a été abandonnée par la section du contentieux. Les juges ont peu à peu étendu les critères de l’acte faisant grief, ouvrant le prétoire aux actes de droit souple à la fois par le biais des dispositions impératives, mais également en utilisant le critère de leurs conséquences. Les actes sont considérés comme faisant grief lorsqu’ils produisent des effets notables ou ont pour objet d’influer sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent. L’objectif du droit souple, modifier les comportements, ne signifie pas une absence de conséquences, juridiques ou extra-juridiques, et implique une recevabilité des recours dirigés contre certaines dispositions dites de droit souple. Au fil des recours, le Conseil d’État tend à identifier le statut de ces actes de droit souple, et par conséquent des schémas. Néanmoins, la jurisprudence concernant ces documents n’est pas encore clairement établie, le critère de la justiciabilité des schémas n’est pas actuellement le plus effectif.
- 761. Le critère de la recevabilité des recours dirigés contre les schémas permet l’établissement d’une première distinction, mais une seconde distinction doit être faite au sein de ces documents. Il convient de déterminer quelles sont les conditions permettant de contester la légalité d’un schéma, et plus particulièrement si cette contestation est possible par voie d’action ou par voie d’exception et dans quel délai est enfermé le recours par voie d’exception.
Insusceptible de recours | Susceptible de recours |
Recours par voie d’action et d’exception dans le délai de 2 mois | Recours par voie d’action et d’exception |
Schéma régional des infrastructures de transport | SDCI | SRADDET SDAGV SCOT Schéma de mise en valeur de la mer SDAGE SAGE Schéma départemental des carrières Schéma régional éolien Schéma régional de santé |
- 762. Le législateur n’ayant pas toujours identifié le statut contentieux des schémas, celui-ci doit être déduit, soit de la jurisprudence, soit par analogie. Mais cette classification peut s’avérer précaire. Pour certains schémas, le législateur et le juge ont adopté des positions claires et explicites : leur statut contentieux est affirmé et stable. Pour d’autres, le statut a été déterminé par le juge administratif. Il demeure encore des schémas – assez peu – pour lesquels le législateur n’a pas indiqué s’il existait des voies et délais de recours, et le juge administratif n’a pas pu se prononcer, faute de saisine. Il faut alors émettre des suppositions qui peuvent être par la suite infirmées ; par exemple dans le cas des SDCI, il a fallu attendre 2016 pour qu’ils soient reconnus comme faisant grief, après près de 4 ans d’hésitations jurisprudentielles.
- 763. Le critère lié à la prescriptibilité et à la contestabilité du schéma ne paraît pas adapté à l’établissement d’une classification lisible des schémas.
C – Le critère qualitatif : le public visé.
- 764. Il existe un troisième critère permettant d’établir une classification, il se fonde sur la qualité du destinataire. L’une des différences majeures entre les schémas actuellement adoptés par les collectivités territoriales et leurs groupements, mais également par les autorités déconcentrées, est leur objectif final, leur destination. Le classement des documents peut donc être établi en fonction de leur public de destination.
- 765. Il est possible d’identifier trois catégories en fonction de la « destination » du document :
- Les documents destinés à la collectivité elle-même : ils ont pour seul destinataire le ou les auteurs du document. Ces documents ont pour objet d’être des documents de travail, ou des documents de restructuration interne, ou entre deux niveaux de collectivités. Il s’agit d’une part des schémas communaux liés à l’eau potable et à l’assainissement, et d’autre part des schémas de mutualisation adoptés au sein des collectivités ou entre les collectivités et leurs groupements.
- Les documents « institutionnels » : les schémas ont ici vocation à sortir du cadre de la collectivité élaboratrice, mais sans pour autant s’adresser directement au public au sens le plus large du terme. En effet, ces documents demeurent des documents publics, rédigés et adoptés par les collectivités, mais leur cible sera essentiellement constituée de collectivités ou de groupements de collectivité, ainsi que d’établissements publics, parfois d’associations ou d’entreprises privées. Ces documents ont une visée technique, ils peuvent avoir une incidence sur d’autres instruments de planification, ou d’autres actes édités par les collectivités. Mais cette influence n’emportera que peu de conséquences directes sur le public, en d’autres termes, ces schémas ne leur créaient pas de droit, ni de contrainte immédiate. Ils peuvent néanmoins indirectement les affecter. Par exemple, les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage ne créent d’obligations directes que pour les communes ou les EPCI. Mais sur le fondement de ces orientations, les décisions d’implantation d’une aire entraînent des conséquences pratiques sur la vie des habitants d’une commune.
- Les documents « ouverts au public » : l’audience de ces documents s’avère la plus large. En effet, au-delà du public précédemment qualifié « d’institutionnel », l’ensemble des habitants de la collectivité, ou du groupement de collectivités à l’origine de l’instrument de planification, est un potentiel destinataire de l’acte. Il s’agit dans cette catégorie essentiellement des documents de planification liés à l’urbanisme. L’adresse au public peut ne pas sembler totalement directe, pour autant, elle existe. Ces documents, élaborés par les collectivités et leurs groupements, ont une influence juridique sur les actes adoptés par les collectivités sur demande des habitants et conditionnent aussi bien leur contenu que les conditions de leur édition. Par exemple, le code de l’urbanisme prévoit une obligation de compatibilité des permis de construire tenant lieu d’autorisation commerciale avec le document d’orientation et d’objectifs du SCOT. Dans un rapport un peu plus distendu, « l’exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements » doivent être conformes aux PLU, qui doivent eux-mêmes être compatibles avec les SCOT. Ainsi, ces instruments de planification ont un effet juridique, parfois distendu, mais certain vis-à-vis des actes adoptés à la demande des particuliers.
Destination Interne | Destination institutionnelle | Destination du public |
Schéma d’assainissement Schéma de mutualisation | Schéma départemental d’accueil des gens du voyage SDCI SDAGE | SCOT SRADDET SRDEII |
- 766. La question de la destination du document ne permet pas l’établissement de catégories cohérentes : un tel critère réunit une fois encore des documents qui, dans leur contenu, sont extrêmement différents. Ainsi, leur régime juridique ne peut pas être établi grâce à ce critère.
- 767. Les critères présentés précédemment permettent de classer les schémas, mais cette classification n’est pas toujours aisée ou pertinente. Dans le cas des rapports induits par le schéma, la classification n’est pas opérante dans la mesure où les régimes de compatibilité ou de prise en compte sont déterminés par le document inférieur. Les mêmes dispositions d’un schéma impliqueront dans certains cas une prise en compte, dans d’autres une compatibilité. Un seul critère ne semble pas opérant ; il semble alors intéressant d’explorer d’autres possibilités.
§2 – L’absence de critère unique opérant
- 768. Les critères énoncés précédemment permettent de créer des catégories au sein des schémas. Mais ils révèlent également l’hétérogénéité des documents regroupés sous le vocable de « schéma ». En effet, dans les cas les plus extrêmes, du point de vue formel, deux schémas n’ont de commun que leur nom. C’est par exemple le cas des schémas de distribution d’eau potable et des SRADDET. Ces deux documents, comme le montrent les tentatives de classifications, ne présentent pas de points communs, en dehors de leur adoption par une collectivité et de leur nom.
- 769. Pour autant, les critères développés précédemment ne sont pas inutiles. Tout d’abord, ils permettent de révéler les critères de définition de ce que l’on pourrait qualifier de « vrais schémas », en opposition aux documents n’ayant de schéma que le nom. Ensuite, ils permettent d’établir une gradation, même si elle n’est pas parfaite, entre les documents les moins « invasif », c’est-à-dire les documents internes n’ayant pas de relations juridiques avec d’autres, et les documents les plus proches d’actes administratifs classiques.
- 770. Ce constat ouvre la voie à une proposition qui serait de redéfinir le schéma en tant que réel acte de droit souple, excluant les instruments simplement descriptifs. Le schéma serait alors :
« un acte de droit souple portant un projet de territoire, issu d’une procédure plus ou moins concertée, dont l’objet est de modifier, par l’utilisation de rapport de compatibilité ou de prise en compte, le comportement des autres acteurs du territoire dans un domaine donné. »
En donnant une définition, cela revient à exclure certains documents, minoritaires, pour lesquels la dénomination ne serait alors plus en corrélation avec cette définition. Cette exclusion est dommageable, mais elle permettra d’apporter une réelle clarification quant à la nature des schémas, et par conséquent leur régime juridique.
- 771. L’établissement d’une définition législative de l’instrument de planification « schéma » est une première étape. Elle doit s’accompagner, afin d’être utile, d’une réforme législative essentiellement formelle. En premier lieu, par la modification de l’appellation des documents à ce jour nommés schémas et qui n’en présentent pas les caractéristiques. Une telle modification implique au préalable un recensement législatif des schémas existants au sein des différents codes, mais également des lois non codifiées. Une deuxième étape serait de confronter les documents identifiés à la définition établie pour déterminer ceux qui n’entrent pas dans le champ des schémas, et leur donner une nouvelle dénomination. Concernant ceux pour lesquels la définition est adéquate, ou du moins proche, de petites modifications pourraient être nécessaires, par exemple l’instauration d’une possibilité de consultation, via le code des relations entre le public et l’administration, ou bien la consultation des personnels, des instances représentatives et/ou des élus pour les documents n’ayant pas vocation à être diffusés en dehors de la collectivité élaboratrice. Cette clarification législative permettrait ensuite d’appliquer aux schémas un régime unifié, sur la base de la jurisprudence relative aux actes de droit souple.
- 1.
- 772. Conclusion de chapitre
Le domaine de la planification locale s’est fortement développé ces dernières années, les documents, dont les schémas font partie, se sont multipliés. Or l’un des reproches fait à ces documents est leur grande hétérogénéité. L’appellation « schéma » ne permet pas d’identifier les caractéristiques précises d’un document. Cette absence de points de convergence entre les documents devrait pouvoir être corrigée. La recherche de critères uniques permettant de déterminer une classification au sein de la catégorie des schémas ne permet pas d’aboutir à un résultat satisfaisant. Il apparaît alors plus pratique de choisir une définition pour ce que devrait être un schéma, et ensuite de rationaliser les instruments sur la base de cette définition. Ainsi, il faudrait non pas rechercher une cohérence dans une catégorie qui en est dépourvue, mais de définir l’instrument « schéma » et de rebaptiser les documents ne répondant pas à cette définition. La définition de l’instrument permettra une meilleure lisibilité du domaine de la planification, et ainsi une amélioration qualitative de celle-ci. En parallèle de la proposition de définition du schéma, les fusions permettront également de parvenir à une meilleure qualité des instruments en identifiant des projets de territoire cohérents et concertés.
- 773. Conclusion de titre
La planification locale a connu un fort développement depuis 1982, mais ce dernier s’est fait de manière quantitative et non qualitative. Les collectivités ont reçu la compétence, parfois facultative, d’édicter des instruments de planification portant différents noms : cartes, plans, schémas. Au sein de ces instruments, les schémas se sont développés comme l’un des outils stratégiques privilégiés. La dispersion des instruments, que ce soit dans le temps ou sur le territoire, a mis en péril la cohérence de l’action des collectivités. En effet, les décalages entre le caractère obligatoire ou non de leur adoption, le moment de leur élaboration, de leur révision, l’articulation des documents entre eux, la sectorisation à outrance, contribuent à l’inefficacité de la planification. La progression qualitative des schémas n’est pas une illusion. Il est possible de procéder, ainsi que cela a déjà été fait, à des fusions de schémas, à condition que celles-ci soient cohérentes et orientées vers la création d’un projet de territoire cohérent et concerté. En parallèle de ces fusions, il pourrait s’avérer nécessaire de clarifier la catégorie des schémas en donnant une définition de ceux-ci et en renommant les documents ne répondant pas à la définition suivante : « acte de droit souple portant un projet de territoire, issu d’une procédure plus ou moins concertée, dont l’objet est d’influencer, par l’utilisation de rapport de compatibilité ou de prise en compte, le comportement des autres acteurs du territoire dans un domaine donné ».
- 774. Conclusion de partie
Le régime juridique des schémas n’est pas clairement défini, il demeure partiellement en cours de construction. Néanmoins, une jurisprudence commence à se dessiner : les schémas appartiennent à la catégorie des actes de droit souple, ainsi, les dispositions de ceux-ci peuvent faire l’objet d’un recours, notamment lorsqu’elles sont de nature à modifier les comportements de ses destinataires. Or c’est précisément l’objet des schémas, influer sur les comportements et les actes des autres intervenants sur le territoire. La question de leur invocabilité semble, quant à elle, plus délicate. En dehors des actes relevant de la catégorie des actes d’urbanisme, il semble que leur invocabilité soit contrainte. En raison de leur objet, il semble essentiel qu’ils puissent être invoqués lors du contrôle des actes le mettant en œuvre. Une fois la question de la recevabilité résolue, celle de la légalité s’avère classique : les règles de contrôle de la légalité externe et interne s’appliquent comme pour n’importe quel acte administratif.
La problématique la plus importante relative au régime juridique des schémas est celle de leur efficacité et de leur efficience. En l’état actuel du droit, elle n’est pas certaine. Il demeure encore trop de documents éparpillés, temporellement et sur le territoire. Cette multiplication des documents nuit à une action cohérente, et doit être rationalisée, en suivant un objectif de mise en cohérence. Pour atteindre une meilleure efficacité, il conviendrait, dans un premier temps, donc de réformer les instruments existants, afin de les rendre cohérents. Puis dans un second temps, il serait nécessaire d’identifier des critères permettant de définir les schémas, ou de le définir lui-même. En définissant le schéma comme étant « un acte de droit souple portant un projet de territoire, issu d’une procédure plus ou moins concertée, dont l’objet est de modifier, par l’utilisation de rapport de compatibilité ou de prise en compte, le comportement des autres acteurs du territoire dans un domaine donné », cela permettrait de clarifier le paysage de la planification locale.
- 775. Au terme de cette étude, il apparaît clairement que les schémas ne recouvrent pas une catégorie homogène. Ils demeurent un instrument de planification prisé du droit des collectivités territoriales. Si une définition précise n’existe pas actuellement, des points communs apparaissent et peuvent être utilisées pour établir des caractéristiques d’identification des schémas. La procédure d’élaboration des schémas permet de relever les premiers éléments communs aux schémas. Alors que l’acte administratif est marqué par son caractère unilatéral, les schémas sont majoritairement des actes dont l’élaboration est a minima concertée, voire multilatérale. Cette caractéristique n’est pas spécifique aux schémas, mais est un élément majeur de leur nature : la planification locale implique les acteurs du territoire dont font partie les habitants. L’élaboration multilatérale est essentielle à l’établissement des instruments de planification, à la fois du point de vue de leur contenu – afin d’établir un panorama du territoire et de ses besoins – et du point de vue de la mise en œuvre du document – la participation des acteurs du territoire facilitant leur adhésion au projet. Elle présente cependant un inconvénient, celui d’allonger la durée de la procédure d’élaboration et de révision des schémas. Le contenu des schémas présente également des particularités : il ne sont pas normatif au sens classique du terme. Dans la plupart des cas, les dispositions contenues – orientations, objectifs, lignes de conduite – ne sont pas impératives, elles appartiennent à la catégorie du droit souple. Or, l’absence de normativité directe les rend difficile à identifier clairement. Cette identification, et donc leur définition, conditionne le régime juridique des schémas.
- 776. Les juridictions administratives ont progressivement élargi les conditions de recevabilité des actes de droit souple, admettant que l’absence de normativité directe n’était pas un obstacle à la qualification d’acte faisant grief. En effet, l’objet des schémas est d’orienter l’action des autres acteurs du territoire, en utilisant les rapports de compatibilité et de prise en compte. La normativité limitée des schémas est un atout, elle laisse aux collectivités territoriales une marge de manœuvre importante dans leur mise en œuvre. Mais la réalité de la planification locale est un handicap à son efficacité : les collectivités doivent adopter et mettre en œuvre un nombre important de documents. Il est alors nécessaire, pour améliorer la planification, de procéder à une définition des schémas. La définition pourrait être la suivante :
« Le schéma est un acte de droit souple portant un projet de territoire, issu d’une procédure plus ou moins concertée, dont l’objet est de modifier, par l’utilisation de rapport de compatibilité ou de prise en compte, le comportement des autres acteurs du territoire dans un domaine donné. »
Une telle entreprise de définition permettrait de clarifier le paysage de la planification, ainsi que de parvenir à une rationalisation des documents de planification afin de gagner en cohérence.
- 777. Cette définition ne recouvre pas l’ensemble des schémas actuellement adoptés par les collectivités ou par l’État. Il est alors nécessaire, dans l’hypothèse de l’établissement d’une définition du schéma, d’effectuer un examen des documents existants pour déterminer lesquels répondent à cette définition. Un tel examen pourrait avoir lieu en parallèle d’un étude plus large sur les possibilités de regroupement de certains documents, afin de gagner en cohérence et en efficience. Un tel travail pourrait être opéré par le Conseil national d’évaluation des normes, en vue d’une refonte législative. La première étape pourrait être de recenser les documents adoptés par chaque niveau de collectivités territoriales, pour ensuite déterminer les proximités existantes entre eux. Il s’agit de la méthode utilisée pour créer les SRADDET en fusionnant plusieurs documents adaptés par la région sur des sujets proches, voire interconnectés. Chaque niveau de collectivité pourrait alors disposer d’un ou deux document plus global en lien avec leurs compétences principales. Il semble pour autant que le législateur ne soit pas nécessairement enclin à l’optimisation des instruments de planification : la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverse mesures de simplification de l’action publique locale a créé un nouvel instrument de planification départementale, le schéma départemental de la solidarité territoriale. Ce nouveau schéma est inscrit à l’article L. 3211-1-1 du CGCT. Il est élaboré conjointement par le président du conseil départemental et le représentant de l’État, et semble reprendre une partie des dispositions encadrant les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public. L’ajout de cette nouvelle disposition vient encore complexifier le paysage de la planification locale, en ajoutant un nouvel instrument peu défini dans un paysage déjà encombré.
- 778. Au-delà de la question de regroupement des documents, un autre élément pourrait contribuer à l’amélioration qualitative des schémas, il s’agit d’améliorer les consultations, aussi bien vis-à-vis des acteurs publics – collectivités et groupements de collectivités – que privés – entreprises et habitants. Il existe actuellement des mécanismes de consultation permettant théoriquement d’impliquer l’ensemble des acteurs d’un territoire. Mais l’efficacité de ces modalités de consultation n’est pas optimale. D’une part, pour les collectivités territoriales et leur groupement, les procédures de consultation permettent une bonne information et un recueil des avis des collectivités. Mais si la demande d’avis est bien réalisée conformément aux prescriptions législatives et réglementaires, la réponse n’est pas nécessairement adaptée. Les plus petites structures, notamment communes et communautés de communes, n’ont pas toujours la capacité d’appréhender les documents édictés par les régions ou les départements, ainsi que les rapports qui en découlent. Pour améliorer la consultation institutionnelle, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Du point de vue de la formation des élus locaux, la prise en compte de la nécessité de leur formation s’est accrue ces dernières années, mais elle ne semble pas encore répondre totalement aux nouveaux enjeux de la décentralisation. Néanmoins, de nouveaux mécanismes sont en cours de déploiement via la loi du 27 décembre 2019🏛 et l’ordonnance du 20 janvier 2021 qui pourraient peut-être répondre à ces besoins. Il convient néanmoins d’être vigilant quant à leurs mises en œuvre. Du point de vue de l’association plus en amont des élus locaux, des progrès peuvent être également réalisés, notamment en vue de systématiser des réunions locales plus sectorielles, afin d’établir un réel dialogue entre les collectivités. Les régions issues des regroupements opérés en 2015 sont extrêmement vastes, et une réunion globale rassemble trop d’élus pour qu’il puisse exister un réel dialogue entre toutes les collectivités d’un si vaste territoire.
En outre, pour les personnes privées, les mécanismes de consultation tendent à se diversifier. En complément de l’enquête publique, des modalités plus souples de consultation se sont développées, notamment via des consultations numériques. Mais il semble que celles-ci ne soient pas exemptes des mêmes critiques que les procédures classiques de consultation du public. Les faibles taux de participations ne sont pas propres aux instruments de planification, il s’agit d’un problème plus global, une forme de désintérêt pour les affaires locales comme nationales, au regard des taux de participations aux dernières élections. L’amélioration de la participation du public nécessite plus largement que les pouvoirs publics regagnent la confiance des citoyens.
- 779. Au-delà de la seule question des schémas ou que celle des instruments de planification locale, il semble que ce soit le droit des collectivités territoriales et la décentralisation à la française qui nécessite d’être réformée. Il ne s’agirait pas alors d’ajouter de nouveaux transferts de compétences, mais de repenser la répartition des compétences en concertation avec les collectivités territoriales, ainsi que de repenser les instruments de planification liés à ces compétences. Les instruments de planification ont été utilisés pour tenter de résorber le développement des compétences des collectivités, ou au moins pour les canaliser. Or, s’ils sont bien un moyen de rationalisation de l’activité des entités décentralisées et de leurs groupements, le recours aux schémas ne résout pas la crise que traversent les collectivités. De même il ne renouvelle pas la question des relations entre les collectivités et l’État, les schémas permettent à l’État d’encadrer les collectivités, en les contraignant à planifier, mais également, et plus particulièrement pour les régions, à co-construire les politiques locales. La décentralisation a besoin d’un renouvellement plus ample que celui que ceux entamés au cours de la décennie 2010. Les relations entre l’État et les collectivités, ainsi que les responsabilités de ces dernières doivent être repensées pour parvenir à la fois à une redistribution des compétences et une meilleure efficience dans l’exercice de celles-ci.
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Daumas Vincent, Conclusions sur CE, Ass., 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie Pays catalan et autres, nos 403928 et 403948, « Le Conseil d’État précise les principes et les règles encadrant les consultations du public suivies à titre facultatif. Conclusions du rapporteur public », JCP A, 18 septembre 2017, no 38‑39, p. 27‑37.
Deliancourt Samuel, Conclusions sur CAA Marseille, 7 juillet 2015, no 13MA04863, « Absence de publicité de l’arrêté ouvrant une enquête publique : quelles incidences ? Conclusions du rapporteur public », LPA, 2 décembre 2015, no 240, p. 8‑14.
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Dutheillet de Lamothe Olivier, Conclusions sur CE, Section, 28 octobre 1983, Mme Cocaud, no 29640⚖️ « Urbanisme - Conclusions du commissaire du gouvernement », AJDA, 20 mars 1984, no 3, p. 173‑175.
Fort-Besnard Amélie, Conclusions sur TA Paris, 12 décembre 2013, no 1306958, « Invocabilité devant le juge d’une circulaire relative à l’administration et au séjour - Conclusions du rapporteur public », AJDA, 3 mars 2014, no 8, p. 454‑460.
Francfort Jérôme, Conclusions sur TA Orléans, 16 juin 2009, Société Sodichar, no 0602577, Commune de Barjouville, no 0602688, « Un schéma de cohérence territoriale ne peut pas interdire des opérations d’équipement commercial. Conclusions du rapporteur public », AJDA, 26 octobre 2009, no 35, p. 1958‑1964.
Frydman Patrick, Conclusions sur CE, Ass., 17 février 1995, (2 espèces) M. Pascal Marie (1) et M. Philippe Hardouin (2), « Le contrôle juridictionnel des mesures disciplinaires dans les institutions fermées », RFDA, avril 1995, no 2, p. 353‑370.
Guyomar Mattias, Conclusions sous CE, 28 juillet 2004, Association de défense de l’environnement et autres, BJCL, 2004, p. 716.
Harchi Hadi, Conclusions sur TA de Grenoble, 21 juin 2012, Cne de Saint-Martin-de-Belleville, Cne de Tignieu-Jameyzieu, Cté cnes Les vallons du Guiers (no 1200991, 1201002 et 1201186), « L’arrêté préfectoral portant schéma départemental de coopération intercommunale est-il un acte susceptible de recours pour excès de pouvoir ? », JCP A, 27 août 2012, no 34, p. 17‑20.
Genevois Bruno Conclusions sur CE, 17 décembre 1982, Société Angélica-Optique Centraix, no 35554⚖️, Lebon p. 426.
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Thiellay Jean-Philippe, Conclusions sur CE, 24 octobre 2011, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration c/ M. Shala, « Mise en ligne, publication et opposabilité des circulaires », AJDA, 16 janvier 2012, no 1, p. 43‑47.
Touret Marie, Conclusions sur TA de Rennes, 7 août 2008, no 083426, « Stationnement des gens du voyage : le maire doit ouvrir le droit au préfet de prendre un arrêté de mise en demeure de quitter les lieux », AJDA, 20 octobre 2008, no 35, p. 1962‑1965.
Touvet Laurent
- Conclusions sur CE, 2 octobre 1996, (4 espèces), Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire (1), Cne de Poulainville (2), Cnes de Bourg-Charente, Gondeville et Mainxe (3) et Cne de Civaux (4), « Difficultés liées à la création d’une communauté de communes », AJDA, 20 décembre 1996, no 12, p. 1022‑1032.
- Conclusions sur CE, 21 juin 2000, Ministre de l’Équipement et des Transports c/ Commune de Roquebrune-Cap-Martin, RDP, septembre 2000, no 4, p. 1257‑1267.
- Conclusions sur CE, Section, 18 et 19 janvier 2001 (2 espèces), Confédération nationale des radios libres (1), Cne de Venelles et Morbelli (2), « Premières applications des nouvelles procédures de référé », RFDA, février 2001, no 2, p. 378‑390.
V – Rapports, Documents parlementaires, communications, discours
Acar Bruno et Reix Patrick, « Délégation de compétences et conférence territoriale d’action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale », Paris, Inspection générale de l’Administration, 2017.
Balladur Édouard et Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider : rapport au président de la République, Paris, Fayard : la Documentation française, 2009, 289 p.
Barnier Michel, Réponse à une question écrite - Mutualisation de services entre communes et établissements publics de coopération intercommunale - P-006821/2011, http://www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=P-2011-006821&language=FR , 3 août 2011
Bockel Jean-Marie et Le Scouarnec Michel, Les aires d’accueil des gens du voyage, Paris, Sénat, 2015.
Commission européenne, Communiqué de presse - Marchés publics: procédures d’infraction à l’encontre de la France, 27 juin 2007, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-07-922_fr.htm?locale=fr, consulté le 13 juin 2016.
Conseil départemental de la Creuse, Schéma départemental de développement touristique 2015-2020, Guéret, Conseil départemental de la Creuse, 2014.
Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, Schéma départemental du tourisme. Axes stratégiques et orientations 2016-2020. Destinations Béarn Pyrénées et Pays basque, Pau, 2016.
Conseil d’État
- L’urbanisme : pour un droit plus efficace, Paris, La Documentation française (coll. « Études et Documents »), 1992, 203 p.
- Consulter autrement Participer effectivement. Rapport public 2011, Paris, France, la Documentation française, 2011, 226 p.
- Le droit souple, Paris, France, la Documentation française (coll. « Études et Documents »), 2013, 297 p.
Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine, Schéma régional de développement touristique et des loisirs Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, Conseil régionale Nouvelle-Aquitaine, 2018.
Cour des comptes
- Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, Paris, Cour des comptes, 2011, 303 p.
- L’accueil et l’accompagnement des gens du voyage : rapport public thématique, Paris, France, la Documentation française, 2012, 347 p.
- Les finances publiques locales : Rapport public thématique 2014, Paris, La Documentation française, 2014, 402 p.
- Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire : une place à trouver dans la nouvelle organisation de l’État, Paris, Cour des comptes, 2016, 38 p.
- Les finances publiques locales : Rapport annuel 2017, Paris, Cour des comptes, 2017, 510 p.
DATAR, « Tout ce qu’il faut savoir sur la loi Voynet », La Lettre de la D.A.T.A.R., Automne 1999, Supplément au n°167.
De Gaulle Charles, Allocution du 8 mai 1961, http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00072/allocution-du-8-mai-1961.html
Delebarre Michel, Rapport n° 658 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, Paris, Sénat, 2014.
Direction générale des collectivités territoriales et Ministère de l’Intérieur, Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux. Années 2010-2011-2012, Paris, 2014.
Dochon Isabelle, La contribution de l’intercommunalité à l’action régionale (SDRIF et territoires de projets), s.l., CESER d’Ile-de-France, 2008.
Doligé Éric, La simplification des normes applicables aux collectivités territoriales : rapport au président de la République, Paris, Sénat, 2011.
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Herviaux Odette et Bizet Jean, Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines, Paris, Sénat, 2014.
Hyest Jean-Jacques et Vandierendonck René, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et de l’administration générale sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, Paris, Sénat, 2014.
Krattinger Yves, Rapport d’information n° 49 « Des territoires responsables pour une République efficace », fait au nom de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, Paris, Sénat, 2013.
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Morvan Yves, Éléments en vue d’un éventuel changement de statut des schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) : rapport à Madame la Ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 1998.
Queyranne Jean-Jack, Jurgensen Philippe et Demaël Jean-Philippe, Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité, Rapport au Premier ministre, Paris, 2013.
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Sénat, Pour le plein exercice des libertés locales - 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation, Paris, Sénat, 2020.
Annexe 1 – Tableau reprenant les schémas cités
Nom | Références | Élaborateur | Numéro de paragraphe |
---|
Schéma d’aménagement de plage | Article L. 121-28 du code de l’urbanisme🏛 | Communes ou EPCI Approuvé par décret en Conseil d’État | 145 ; 146 ; 753 |
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux | Articles L. 212-3 à L. 212-6 du code de l’environnement🏛🏛 | Commission locale de l’eau | 145 ; 430 et s. ; 356 ; 446 ; 753 et s. ; 761. |
Schéma d’aménagement régional adopté par les régions de Guadeloupe et de la Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et le Département de Mayotte | Article L. 4433-7 du CGCT | Élaboré par les régions de Guadeloupe et de la Réunion, par les collectivités de Guyane et de Martinique et le Département de Mayotte | 146 ; 700 594 (Schéma de la Martinique) ; |
Schéma d’assainissement collectif | Article L. 2224-8 du CGCT | Commune | 56 ; 375 ; 377 ; 753. |
Schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris | Article 2 de la loi no 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris | Élaboré par la Société du Grand Paris Approuvé par décret en Conseil d’État | 145 |
Schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services | Article L. 1111-9 du CGCT (en vigueur entre le 16 décembre 2010 et le 27 janvier 2014) | Co-élaboration entre la région et ses départements | 265 et s. ; 407 ; 410 ; 412. |
Schéma d’organisation sanitaire | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire | État | 325 |
Schéma de cohérence écologique | Article L. 371-3 du code de l’environnement🏛 | Co-élaboré par la région Ile-de-France et l’État | 145 ; 171 ; 206 |
Schéma de cohérence territoriale (SCOT) | Articles L. 141-1 à L. 145-1 du code de l’urbanisme🏛🏛 | EPCI ou groupement d’EPCI | 46 et s. ; 67 et s. ; 73 et s. ; 80 et s. ; 85 et s. ; 103 ; 109 ; 146 ; 148 ; 153 ; 159 ; 162 et s. ; 171 et s. ; 178 et s. ; 212 ; 216 ; 220 ; 222 ; 231 ; 248 ; 282 ; 284 ; 287 ; 296 ; 311 ; 336 et s. ; 339 ; 345 ; 350 ; 352 et s. ; 384 ; 420 ; 424 ; 429 et s. ; 436 et s. ; 440 ; 446 ; 455 ; 503 et s. ; 508 ; 515 ; 532 et s. ; 592 et s. ; 619 ; 629 et s. ; 646 et s. ; 673 ; 700 et s. ; 715 ; 718 et s. ; 727 ; 734 et s. ; 738 et s. ; 745 ; 758 et s. ; 765 |
Schéma de l’enseignement supérieur et de la recherche | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire | État | 325 |
Schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) | Article 57 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État | État ou l’EPCI en charge du SCOT si les SMVM y sont intégrés | 80 ; 145 ; 700 ; 745 ; 761 |
Schéma de services collectifs culturels | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs de l’énergie | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs de l’information et de la communication | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs de transport de voyageurs et de transports de marchandises | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs du sport | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma de services collectifs sanitaires | Loi n° 99-533 du 25 juin 1999🏛 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire | État | 238 ; 325 |
Schéma décennal de développement du réseau | Article L. 321-6 code de l’énergie🏛 | Gestionnaire du réseau de transport public d’électricité | 145 |
Schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) | Loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 d’accueil des gens du voyage | Co-élaboration entre le département et le préfet de département | 7 ; 56 ; 61 et s. ; 170 et s. ; 206 ; 208 et s. ; 243 ; 248 ; 251 ; 270 ; 335 ; 370 ; 394 ; 396 et s. ; 455 ; 503 et s. ; 532 ; 569 ; 595 ; 608 ; 704 ; 707 ; 713 ; 717 ; 753 ; |
Schéma départemental d’orientation minière | Article L. 621-1 du code minier🏛 | Représentant de l’État en Guyane Approuvé par décret en Conseil d’État | 145 |
Schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) | Article L. 5210-1-1 du CGCT | Préfet de département | 2 ; 26 ; 109 ; 111 et s. ; 114 ; 118 ; 296 ; 305 ; 311 ; 369 et s. ; 384 ; 390 et s. ; 394 et s. ; 421 ; 428 et s. ; 436 ; 438 et s. ; 478 et s. ; 482 ; 498 ; 503 ; 504 ; 527 ; 550 et s. ; 555 et s. ; 608 ; 653 et s. ; 753 ; 758 et s. ; 761 et s. ; 765 et s. |
Schéma départemental de développement touristique/Schéma d’aménagement touristique départemental | Article L. 132-1 du code du tourisme🏛 | Département | 95 ; 668 |
Schéma départemental de gestion cynégétique | Article L. 425-1 et s. code de l’environnement🏛 | Élaboré par les fédérations départementales de chasse Arrêté par le préfet | 478 ; 758 |
Schéma départemental des carrières | Créé par la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, codifié à l’article L. 513-3 du code de l’environnement en vigueur jusqu’au 27 mars 2014. Remplacé par le schéma régional des carrières | Préfet de département | 242 ; 761 |
Schéma départemental des services aux familles | Lettre-circulaire LC n° 2013-152 du 30 octobre 2013 relative au rééquilibrage territorial de l’offre d’accueil du jeune enfant | Préfet de département en coordination avec la Caisse d’allocation familiale et le département | 696 |
Schéma des équipements culturels | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire | État | 325 |
Schéma des télécommunications | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire | État | 325 |
Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux | Articles L. 212-1 et L. 212-2 du code de l’environnement🏛🏛 | Comité de bassin | 145 ; 296 ; 348 ; 355 ; 357 et s. ; 515 ; 753 et s. ; 761 |
Schéma directeur d’aménagement numérique | Loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009🏛 relative à la lutte contre la fracture numérique | Région ou département | 694 |
Schéma directeur de la région Ile-de-France | Articles L. 123-1 et s. du code de l’urbanisme🏛 | Élaboré par la région Ile-de-France en association avec l’État Approuvé par décret en Conseil d’État | 146 ; 570 |
Schéma national d’aménagement et de développement du territoire | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement du territoire | Adopté par une loi de ratification | 236 et s. ; 325 |
Schéma pluriannuel de développement des services d’accueil des enfants de moins de 6 ans | Articles L. 214-2 et s. du code de l’action sociale et des familles🏛 | Commune ou EPCIFP | 57 |
Schéma régional d’aménagement des bois et forêts | Article L. 122-2 2° du code forestier🏛 | Ministre chargé des forêts | 145 ; 241 |
Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire | Article 34 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État (inséré par la loi du 4 février 1995🏛) | Région | 2 ; 7 ; 84 ; 337 ; 455 ; 679 et s. ; 684 et s. ; 728 ; |
Schéma régional d’organisation sanitaire | Article L. 1434-3 du code de la santé publique🏛 | Agence régionale de santé | 296 |
Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) | Article L. 4251-1 du CGCT | Adopté par la région Approuvé par arrêté du préfet de région | 84 ; 145 ; 345 ; 337 ; 367 et s. ; 370 ; 420 ; 438 ; 455 ; 503 et s. ; 508 ; 533 et s. ; 596 et s. ; 610 ; 623 ; 641 ; 651 ; 679 et s. ; 685 ; 728 ; 731 et s. ; 738 ; 746 ; 753 ; 758 et s. ; 761 ; 765 ; 768 ; 777. |
Schéma régional de biomasse | Article L. 222-3-1 du code de l’environnement🏛 | Co-élaboration par la région et le préfet de région | 145 |
Schéma régional de développement de l’aquaculture marine | Article L. 923-1-1 du code rural🏛 et de la pêche marine | Préfet de région (uniquement pour les régions ayant une façade maritime) | 145 |
Schéma régional de développement du tourisme et les loisirs | Article L. 131-1 du code du tourisme🏛 | Région | 667 et s. |
Schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) | Article L. 4251-13 du CGCT | Adopté par la région Approuvé par arrêté du préfet de région | 84 ; 337 ; 438 ; 523 ; 623 ; 641 ; 651 ; 738 ; 753 ; 765. |
Schéma régional de gestion sylvicole | Article L. 122-2 3° du code forestier🏛 | Ministre chargé des forêts | 145 ; 758 |
Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables | Article L. 321-7 code de l’énergie🏛 | Gestionnaire du réseau de transport public d’électricité | 145 |
Schéma régional des carrières | Article L. 515-3 du code de l’environnement🏛 | Préfet de région | 145 |
Schéma régional des infrastructures de transport | Article L. 1213-1 et s. du code des transports🏛 (version en vigueur entre le 1er décembre 2010 et le 29 juillet 2016) | Co-élaboration entre la région et le préfet de région | 56 ; 758 ; 761 |
Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie | Article L. 222-1 du code de l’environnement🏛 | Co-élaboration par la région et le préfet de région | 84 ; 145 ; 455 ; 728 ; 732 |
Schéma régional éolien | Article R. 222-1 et s. du code de l’environnement🏛 | Co-élaboration entre la région et le préfet de région | 62 et s. ; 758 ; 761 |
Schéma relatif aux infrastructures de transport | Loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire | État | 325 |
Schéma relatif aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie/Schéma départemental de l’autonomie | Article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles🏛 | Département en concertation avec le préfet de département et l’ARS | 777 |
- A -
♦ Acte administratif unilatéral : 13 ; 280 et s. ; 296 ;
- Individuel 531 ; 548 ; 552 et s.
- Réglementaire : 530 ; 542 et s. ; 552 ; 555 et s.
- Acte non-réglementaire 391 ; 498 ; 531 ; 548 ; 551 et s. ; 654.
- B -
♦ Bassin de vie : 45 ; 48 et s. ; 424.
- C -
♦ Cadrage préalable : 149 ; 228 et s.
♦ Compatibilité : 17 ; 220 ; 248 ; 344 ; 349 et s. ; 361 et s. ; 390 ; 420 ; 455 ; 482 ; 508 ; 518 ; 523 et s. ; 646 et s. ; 679 ; 701 ; 738 ; 758 et s. ; 765.
♦ Conformité : 296 ; 336 ; 342 et s. ; 362 ; 365 et s. ; 370 ; 391 ; 418 et s. ; 426 ; 516 ; 523 ; 646 ; 651 et s. ; 758.
♦ Consultation
- Collectivités territoriales (des) : 26 ; 43 ; 68 ; 76 ; 85 ; 114 ; 117 ; 127 ; 596 ; 655 ; 752 et s.
- Institutionnelle : 167 et s. ; 268 ; 305 et s. ; 336 ; 427 ; 568 et s. ; 672 ; 751 et s. ; 773 ; 780
- Public (du) : 160 ; 183 et s. ; 547 ; 580 ; 585 et s. ; 752 et s.
♦ Continuité territoriale : 74 et s.
♦ Contrat administratif : 267 et s. ; 294 et s. ; 402 et s.
- Clauses réglementaires : 271
- Mouvement de contractualisation : 273 et s. ; 293 et s. ; 640 et s. ; 679.
♦ Contrats de plan État-région : 277 et s. ; 680.
♦ Contrôle de légalité :
- Dans le cadre de la transmission des actes des collectivités : 71 ; 214 et s. ; 219 et s. ; 638.
- Dans le cadre du recours juridictionnel : 501 et s. ; 574 ; 604 ; 611 ; 632.
♦ CRPA : 134 ; 160 ; 185 ; 196 ; 303 et s. 545 ; 771.
- D -
♦ DATAR : 6 ; 43 ; 98 ; 237.
♦ Dépenses :
- Obligatoire : 251 et s. ; 377 ; 705 ; 713.
- Réduction/encadrement : 14 ; 20 ; 408.
♦ Dotation globale de fonctionnement : 409 ; 705.
- E -
♦ Eau : 357 ; 359 ; 375 et s. ; 444 ; 514 et s. ; 520 et s. ; 753 et s. ; 765 ; 770.
♦ Enquête publique : 154 et s. ; 176 et s. ; 183 et s. ; 336 ; 431 ; 540 et s. ; 570 et s. ; 575 et s. ; 586 ; 588 ; 753 ; 778.
- G -
♦ Gens du voyage : 61 et s. ; 170 et s. ; 206 et s. ; 248 ; 251 et s. ; 269 et s. ; 289 ; 335 ; 370 ; 396 et s. ; 532 ; 595 ; 608 ; 704 et s. ; 717 ; 753 ; 765 et s.
- I -
♦ Intercommunalité : 2 ; 180 et s. ; 390 ; 396 ; 400 et s. ; 409 et s. ; 437 et s.;
- Périmètres intercommunaux : 46 ; 68 ; 117 ; 125 et s. ; 395 ; 428 et s. ; 553 et s. ; 619 et s. ;
- Pouvoirs spéciaux du préfet : 108 et s. ; 113 et s. ; 655 et s.
- L -
♦ Libre administration des collectivités territoriales : 117 ; 125 et s. ; 343 ; 391 ; 393 ; 455 ; 492 ; 520 et s. ; 612 ; 627 ; 634 et s. ; 644 et s. ; 650 et s. ; 712.
- M -
♦ Marchés publics : 403 et s.
- P -
♦ PLU/POS : 248 ; 339 ; 350 et s. ; 455 ; 532 ; 537 ; 577 ; 586 ; 594 ; 608 ; 701 ; 714 et s. ; 758 ; 765.
♦ Préfet : 6 ; 56 ; 61 ; 70 et s. ; 80 ; 106 et s. ; 205 et s. ; 218 et s. ; 242 et s. ; 248 et s. ; 269 ; 311 ; 337 ; 370 ; 390 ; 394 et s. ; 429 ; 431 ; 439 ; 449 ; 480 et s. ; 523 ; 552 ; 558 ; 622 et s. ; 629 et s. ; 654 ; 696 ; 700 ; 705 ; 707 ; 712 et s. ; 759.
♦ Prise en compte : 75 ; 81 ; 184 et s. ; 220 ; 335 ; 339 ; 344 et s. ; 355 et s. ; 361 ; 368 ; 455 ; 497 ; 516 ; 518 ; 587 ; 668 ; 679 ; 758 et s. ; 776.
- R -
♦ Rationalisation : 20 ; 22 ; 58 ; 70 ; 115 et s. ; 127 ; 270 ; 387 et s. ; 413 et s. ; 421 ; 428 ; 439 ; 480 ; 504 ; 552 et s. ; 638 ; 652 ; 655 ; 702 ; 748 ; 776.
- S -
♦ Sécurité juridique : 219 ; 529 ; 532 ; 537 et s. ; 546 et s. ; 585 ; 683.
♦ Subventions aux collectivités : 6 ; 253 ; 520 et s. ; 638 ; 692 et s. ; 702 et s.
- T -
♦ Tutelle :
- De l’État : 518 et s. ; 553 ; 627 ; 712.
- Principe de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre : 337 ; 391 ; 455 ; 651 ; 506 ; 518 et s. ; 646 ; 722.
- V -
♦ Vice de forme : 537 et s. ; 564 ; 581 ; 586.
♦ Vice de procédure : 158 ; 568 ; 572 et s. ; 581 et s. ; 587 ; 592.
Insee et Préfecture de la Corrèze, Bassins de vie 2012 Département de la Corrèze, s.l., 2013.
Insee et Revenus fiscaux localisés, Répartition des bassins de vie français par décile de revenus médians (en €), s.l., 2010.