La lettre juridique n°295 du 6 mars 2008 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Passage d'un temps partiel à un temps partiel modulé : la modification doit être acceptée

Réf. : Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-43.349, M. Hervé Vidal, FS-P+B (N° Lexbase : A0569D79)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Beaucoup pratiqué et souvent imposé, le travail à temps partiel peut être mis en oeuvre dans les entreprises industrielles, commerciales et agricoles, les professions libérales, les offices publics et ministériels, les sociétés civiles, les syndicats professionnels et les associations de quelque nature que ce soit. Ce type de contrat est fondé sur un dispositif conventionnel collectif (convention ou accord collectif de branche ou d'entreprise, décision unilatérale de l'employeur après avis des représentants du personnel) ou individuel, qui doit être transmis à l'inspection du travail. Il doit faire l'objet d'un écrit, et ne peut être modifié sans l'accord du salarié. Ainsi, le passage d'un temps partiel à un temps partiel modulé doit avoir été proposé et accepté par ce dernier. C'est ce principe qu'est venue réaffirmer la Haute juridiction dans un arrêt du 20 février dernier. Elle rappelle, à cette occasion, que la mise en oeuvre du contrat de travail à temps partiel modulé, au sens de l'article L. 212-4-6 du Code du travail (N° Lexbase : L7890HBT), qui se traduit par une modification de la répartition du travail par semaine ou sur le mois, constitue, pour le salarié déjà titulaire d'un contrat de travail à temps partiel, une modification du contrat, qui nécessite son accord exprès. Cette solution, bien que parfaitement justifiée et classique du point de vue des règles de droit applicables au contrat de travail à temps partiel, nécessite quelques précisions au regard des règles entourant la réduction du temps de travail.
Résumé

La mise en oeuvre du travail à temps partiel modulé, au sens de l'article L. 212-4-6 du Code du travail, qui se traduit par une modification de la répartition du travail par semaine ou sur le mois, constitue pour le salarié, déjà titulaire d'un contrat de travail à temps partiel, une modification de son contrat de travail, qui nécessite son accord exprès.

Commentaire

I. Conditions entourant la conclusion d'un contrat de travail à temps partiel

  • Spécialité du contrat de travail à temps partiel

On qualifie de contrat de travail à temps partiel le contrat conclu pour une durée inférieure à la durée légale hebdomadaire. S'agissant d'un contrat dérogatoire au contrat de travail à durée indéterminée à taux plein, il doit faire l'objet d'un écrit et contenir des mentions obligatoires.

L'article L. 212-4-3 du Code du travail impose, ainsi, que le contrat de travail à temps partiel fasse l'objet d'un écrit. A défaut d'écrit, outre les sanctions pénales encourues par l'employeur, ce dernier s'expose à voir le contrat requalifié en un contrat de travail à temps complet. En l'absence d'écrit, en effet, le salarié est présumé travailler à temps plein, la présomption instituée étant une présomption simple (Cass. soc., 29 janvier 1997, n° 94-41.171, Mme Barba c/ M. Renard N° Lexbase : A6457AHM).

Parmi les éléments obligatoires du contrat de travail à temps partiel, figurent la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification de cette répartition peut intervenir et la nature de la modification.

Il n'existe pas un contrat à temps partiel, mais des contrats à temps partiel. Dans certains cas, le contrat de travail à temps partiel revêt une forme spéciale, soit pour tenir compte des particularités tenant à la personne du salarié (mi-temps thérapeutique, retraite progressive), soit pour tenir compte des particularités de l'emploi occupé (temps partiel annualisé, temps partiel modulé).

C'était de temps partiel modulé dont il était question dans la décision commentée.

  • Particularité du contrat de travail à temps partiel modulé

Le contrat de travail à temps partiel modulé permet, dans des limites fixées par le législateur, de faire varier la durée du travail sur tout ou partie de l'année (C. trav., art. L. 212-4-6). Sa mise en place est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif étendu ou d'un accord d'entreprise en prévoyant le régime (C. trav., art. L. 212-4-6). Ce contrat est soumis aux mêmes conditions de fonds et de forme que le contrat de travail à temps partiel classique (écrit, mentions obligatoires...), ces conditions devant être combinées avec celles qui lui sont propres.

En premier lieu, la durée annuelle du travail du salarié ne doit pas excéder la moyenne de la durée prévue au contrat. Elle ne peut pas, en second lieu, varier dans une proportion supérieure à un tiers de la durée initialement prévue au contrat et ne doit ni égaler, ni dépasser la durée légale hebdomadaire.

Les heures que le salarié peut être amené hebdomadairement ou mensuellement à effectuer, au-delà de la durée prévue au contrat et dans la limite du tiers de la durée prévue, sont des heures complémentaires, qu'il ne peut refuser d'effectuer, à peine de commettre une faute (pour un contrat de travail à temps partiel classique, les heures complémentaires sont limitées par semaine à 10 % de durée prévue au contrat : C. trav., art. L. 212-4-3 N° Lexbase : L7888HBR).

Le passage d'un contrat de travail à temps partiel classique à un contrat de travail à temps partiel modulé requiert-il des conditions particulières ? Le salarié doit-il accepter la modulation ou l'employeur peut-il la lui imposer ?

C'est à cette question que devait répondre la Haute juridiction dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, un salarié avait été engagé par contrat de travail à temps partiel pour une durée initiale de 27 heures hebdomadaires. A la suite de la réduction du temps de travail dans la branche d'activité, la durée du travail du salarié avait été réduite à 24 heures 25 et modulée. Licencié pour avoir refusé d'accomplir des heures complémentaires, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires, au titre des heures de travail de nuit, d'heures complémentaires et d'heures supplémentaires pour la période de 1999 à 2004.

La cour d'appel avait fait droit aux diverses demandes du salarié en se fondant sur l'absence d'écrit. Elle avait considéré qu'en l'absence d'écrit, la modulation ne pouvait être imposée au salarié et que le refus du salarié d'effectuer des heures complémentaires ne pouvait justifier son licenciement.

Cette solution est suivie par la Cour de cassation. En effet, la Haute juridiction vient, ici, rappeler que la mise en oeuvre du travail à temps partiel modulé, au sens de l'article L. 212-4-6 du Code du travail, qui se traduit par une modification de la répartition du travail par semaine ou sur le mois, constitue pour le salarié déjà titulaire d'un contrat de travail à temps partiel, une modification de son contrat de travail qui nécessite son accord exprès.

Cette solution, désormais classique, semble, en raison de la particularité des faits de l'espèce, "contredire" les dispositions particulières à la réduction du temps de travail.

II. Conditions entourant la modification du contrat de travail à temps partiel

  • Conformité de la solution aux principes entourant la modification du contrat de travail

Depuis le 10 juillet 1996, la Haute juridiction substitue à la distinction modification d'un élément substantiel/modification d'un élément non substantiel du contrat de travail, la distinction entre la modification du contrat de travail qui doit être acceptée et le changement des conditions de travail qui peut être librement imposé par l'employeur. Le principe veut donc que l'employeur, qui souhaite modifier le contrat de travail de son salarié, recueille, au préalable, son accord (Cass. soc., 10 juillet 1996, n° 93-40.966, M. Le Berre c/ Société Socorem N° Lexbase : A2037AAP, Dr. soc., 1998, n° 120, note M.-C. Amauger-Lates). Le régime de la modification du contrat de travail s'applique aux éléments contractuels par nature : la rémunération, le lieu de travail, la qualification et la durée du travail, ainsi qu'aux éléments expressément contractualisés par les parties.

Dans le cas du temps partiel, le contrat étant écrit, la durée du travail, comme les horaires, sont au nombre des éléments devant obligatoirement figurer dans le contrat mettant en place le temps partiel. Ces deux éléments font donc partie du socle contractuel intouchable sans l'accord du salarié, en l'absence de clause particulière prévoyant la possibilité pour l'employeur de faire varier les horaires de travail du salarié (Cass. soc., 12 octobre 1999, n° 97-42.432, Mme Thomas c/ Société Pimkie N° Lexbase : A4768AGP). Cette solution est classiquement rappelée par les juges pour le contrat de travail à temps partiel.

Dans l'espèce commentée, le passage de 27 heures à 24 heures 25 modulées aurait dû faire l'objet d'un avenant au contrat de travail signé par l'employeur et le salarié. A défaut d'un tel avenant, la volonté du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail ne pouvait être présumée et son refus d'effectuer des heures complémentaires ne pouvait lui être reproché et, partant, être sanctionné.

Cette solution justifiée eu égard aux règles entourant le contrat de travail à temps partiel et la modification du contrat pourrait être "ébranlée" au regard des règles ayant accompagné la réduction de la durée légale du travail.

  • Interférence des règles entourant la réduction de la durée légale du travail

L'article L. 212-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7966AIU) dispose que la seule diminution du nombre d'heures stipulées au contrat, en application d'un accord de réduction du temps de travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. L'employeur peut donc, en se fondant sur l'accord de réduction du temps de travail, imposer une modification de la durée du travail de son salarié.

Dans l'espèce commentée, la nouvelle durée du travail était, apparemment, la conséquence d'un accord de réduction du temps de travail. Toutefois, ce n'est pas de la durée légale dont il était question, puisque le salarié bénéficiait d'un contrat de travail à temps partiel conclu pour une durée mensuelle inférieure à la nouvelle durée imposée par le législateur. La règle offrant à l'employeur la possibilité d'imposer la modification ne trouvait donc pas à jouer ici. Ce n'était, en outre, pas uniquement la durée qui était touchée par la modification, mais cette dernière concernait, également, et surtout, la répartition du travail sur la semaine ou le mois.

C'est cette modification de la répartition imposée au salarié sans son accord que sanctionne la Haute juridiction. Sur ce point, il est normal que la modification doive être proposée au salarié et acceptée par lui.

Seule la modulation acceptée aurait pu être modulée.

Décision

Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-43.349, M. Hervé Vidal, FS-P+B (N° Lexbase : A0569D79)

Rejet de CA Riom, 11 avril 2006

Mots clefs : contrat de travail à temps partiel ; passage d'un temps partiel à un temps partiel modulé ; modification des horaires de travail ; modification du contrat ; légitimité du refus par le salarié d'accomplir des heures complémentaires en application du temps partiel modulé ; caractère injustifié du licenciement fondé sur le refus du salarié d'accepter d'accomplir des heures complémentaires.

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