Le Quotidien du 10 mars 2022

Le Quotidien

Actes administratifs

[Brèves] Refus de radier un immeuble au titre des monuments historiques : pas de consultation obligatoire de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture

Réf. : CE, 5° et 6° ch.-r., 7 mars 2022, n° 449328, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A86817P9

Lecture: 2 min

N0667BZQ

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par Yann Le Foll

Le 09 Mars 2022

► Le refus de radier un immeuble au titre des monuments historiques ne nécessite pas de consultation obligatoire de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture.

Principe. Il résulte des articles R. 621-54 N° Lexbase : L8540LDN et R. 621-59 N° Lexbase : L6230IQS du Code du patrimoine que si la décision d'inscrire ou de radier un immeuble au titre des monuments historiques suppose nécessairement l'intervention de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, il n'en va pas de même de la décision refusant de faire droit à une demande de radiation, dont aucun texte ne prévoit qu'elle doit être soumise à l'avis de cette commission et notamment pas l'article R. 621-59 précité, lequel se borne à prévoir la consultation de cette commission en cas de décision de radiation.

Rappel. Il a déjà été jugé que le refus d'engager la procédure d'abrogation d'un acte réglementaire adopté après consultation préalable obligatoire d'un organisme n'implique pas une nouvelle consultation de cet organisme (CE, 4° et 5° s-s-r., 23 décembre 2014, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8064M88). Il a aussi été jugé que les dispositions de l’article L. 341-13 du Code de l’environnement N° Lexbase : L1024LK7 qui imposent, en cas de déclassement, l’avis de la commission supérieure des sites, ne s’appliquent pas dans l’hypothèse où l’autorité administrative refuse d’engager une procédure de déclassement (CE, 1° et 6° s-s-r., 24 avril 2013, n° 350924, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8756KCB).

Conséquence/censure CAA. La cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 1ère ch., 1er décembre 2020, n° 20DA00449, 20DA00450 N° Lexbase : A711438Y) a donc entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que le préfet de région, saisi d'une demande de radiation de la « Butte des Zouaves », monticule de terre se trouvant sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Moulin-sous-Touvent (Oise) et sur lequel est géré un centre de stockage de déchets ménagers, devait recueillir l'avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, même dans l'hypothèse où il rejetterait cette demande.

newsid:480667

Actes administratifs

[Brèves] Renonciation à la consultation du public à la place de la consultation obligatoire d'une commission consultative : conséquences (ou non) sur la légalité de l'acte réglementaire

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 2 mars 2022, n° 438805, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A84147PC

Lecture: 3 min

N0705BZ7

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par Yann Le Foll

Le 09 Mars 2022

► Il est toujours loisible à l'autorité administrative qui a, préalablement à l'édiction d'un acte réglementaire, choisi d'organiser une consultation ouverte sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1803KN4) lui permettant de se dispenser de la consultation obligatoire d'une commission consultative, de renoncer à cette procédure et de procéder à la consultation de la commission consultative à laquelle elle est en principe tenue ;

► dans un tel cas, les irrégularités susceptibles d'entacher la consultation ouverte sont dépourvues d'incidence sur la légalité de l'acte réglementaire adopté après consultation de la commission consultative.

Faits. Préalablement à l'édiction du décret attaqué, le ministre chargé du logement a organisé, entre le 20 août et le 9 septembre 2018, une consultation du public sur le fondement des dispositions de l'article L. 132-1 du Code des relations entre le public et l'administration.

Cette consultation ouverte visait à se substituer à la consultation du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), requise par l'article 13-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 N° Lexbase : L7536AIX pour les projets de textes réglementaires relatifs aux conditions d'exercice des activités, telles que l'achat et la vente d'immeubles, mentionnées à l'article 1er de cette loi, en raison de la réforme alors envisagée de ce Conseil dans le cadre d'un projet de loi en cours de préparation et dans l'attente de la nomination de ses nouveaux membres.

Toutefois, trois mois avant l'adoption du décret attaqué, le ministre chargé du Logement a finalement soumis, le 2 octobre 2019, le projet de texte à la consultation du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui était alors en état de siéger après l'intervention de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8, dont l'article 151 avait modifié les dispositions le régissant.

Solution. D’une part, le moyen tiré de ce que le déroulement de la consultation préalable à l'adoption du décret attaqué serait entaché d'un détournement de procédure ne peut qu'être écarté.

D'autre part, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières ayant été consulté le 2 octobre 2019, conformément à ce qu'exige l'article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970, le moyen tiré de ce que la consultation publique initialement menée aurait été mise en œuvre dans des conditions irrégulières est inopérant (voir, sur l’absence de principe s'opposant à la réitération de la consultation d'une commission administrative, CE, 17 juin 1985, n°s 26031, 29841 N° Lexbase : A3496AMG, en l’occurrence une commission nationale d'appel saisie par le conseil national de l'Ordre des médecins).

newsid:480705

Concurrence

[Brèves] Recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence : l’ouverture d’une phase de « pré-notification »  ne peut pas faire l’objet d’un REP

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 1er mars 2022, n° 458272, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A07187PB

Lecture: 4 min

N0692BZN

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par Vincent Téchené

Le 09 Mars 2022

► La décision de l'Autorité de la concurrence d'ouvrir, à la demande des parties à un projet de concentration, une phase de « pré-notification » n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, de sorte qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC dirigée contre les dispositions du Code de commerce sanctionnant l’opposition à fonctions et l’obstruction à l'instruction.

Faits et procédure. Par un communiqué de presse publié le 17 mai 2021, deux groupes de médias ont annoncé avoir conclu des protocoles d'entrée en négociations exclusives en vue de fusionner les activités de TF1 et Métropole Télévision. À l'issue de cette opération, Bouygues détiendrait 30 % de la nouvelle entité tandis que RTL Group en détiendrait 16 %. La société Free, active sur le marché de la distribution de contenus audiovisuels, et la société Iliad, sa société-mère, ont alors demandé au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de la concurrence de procéder à l'instruction de l'affaire relative au projet de prise de contrôle de Métropole Télévision par le groupe Bouygues, se traduisant notamment par l'envoi de questionnaires dont elles ont été destinataires.

C’est dans ces circonstances que les requérantes ont demandé au Conseil d'État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 450-8 N° Lexbase : L6275L48 et du V de l'article L. 464-2 N° Lexbase : L6286L4L du Code de commerce.

Décision. Le Conseil d’État refuse la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel au motif que les conclusions des requérantes tendant à l'annulation de la décision qu'elles contestent ne sont pas recevables.

En effet, les juges du Palais royal relèvent qu’en amont de la notification d'une opération de concentration prévue par les dispositions de l'article L. 430-3 du Code de commerce N° Lexbase : L2043KGR, les points 191 à 200 des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations organisent une phase de  « pré-notification » susceptible d'être déclenchée à l'initiative des parties à la concentration « qui souhaiteraient présenter leur projet de concentration au service des concentrations, en particulier lorsque des incertitudes pèsent sur la contrôlabilité de l'opération ou pour anticiper des discussions sur des délimitations de marché ou une analyse concurrentielle complexe »  ou « lorsque la partie notifiante envisage un renvoi à la Commission ».

Selon les lignes directrices, cette phase de « pré-notification permet aux entreprises d'échanger de manière informelle avec le service des concentrations pour compléter leur dossier de notification et être en mesure de présenter un dossier susceptible de recevoir l'accusé de réception ». Le point 200 des lignes directrices précise que « sous réserve de l'accord préalable de la partie notifiante, une consultation de marché (test de marché) peut être effectuée afin de réunir des informations plus précises sans attendre la notification et de contribuer ainsi à minimiser le risque d'incomplétude de la notification ou à anticiper d'éventuels problèmes de concurrence ».

Ainsi, pour le Conseil d’État, la décision de l'Autorité de la concurrence d'ouvrir, à la demande des parties à un projet de concentration, une telle phase de « pré-notification » de l'opération susceptible de lui être notifiée ultérieurement en application de l'article L. 430-3 du Code de commerce constitue un élément de la procédure pouvant conduire l'Autorité à se prononcer sur l'opération de concentration en cause. Elle revêt, dès lors, un caractère purement préparatoire et n'est, par suite, et alors même qu'au cours de cette phase les agents chargés de l'instruction de l'affaire peuvent demander, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 450-8 et au V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la communication d'informations ou de documents auprès de tiers à l'opération, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Ainsi, les conclusions des requérantes ne sont pas recevables.

newsid:480692

Construction

[Brèves] Présomption de responsabilité de l’article 1792 du Code civil : rappel des principes de charge de la preuve

Réf. : Cass. civ. 3, 2 mars 2022, n° 21-10.753, FS-B N° Lexbase : A10457PE

Lecture: 3 min

N0701BZY

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 14 Mars 2022

► La présomption de responsabilité de l’article 1792 du Code civil n’implique pas un renversement de la charge de la preuve ;
► le maître d’ouvrage ou l’acquéreur de l’ouvrage doit donc rapporter la preuve du préjudice subi ainsi que du lien d’imputabilité entre la mission confiée au constructeur et ce préjudice.

Ce n’est pas parce que le constructeur est présumé responsable des dommages de nature décennale que le maître d’ouvrage peut se borner à prouver l’existence de son préjudice et rien d’autre. Autrement dit, toute objective qu’elle soit, la responsabilité civile décennale des articles 1792 N° Lexbase : L1920ABQ et 1792-2 du Code civil N° Lexbase : L6349G9Z n’implique pas, per se, automatiquement la responsabilité du constructeur. À l’exigence de la preuve de la gravité du dommage s’ajoute celle de l’imputabilité. Autrement dit, le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, pour reprendre les termes de l’article 1792 précité, doit établir le lien entre le dommage, d’une part, et les travaux réalisés par le constructeur qu’il met en cause, d’autre part. Il doit, également, rapporter la preuve du caractère caché des désordres invoqués à la réception.

Autrement dit, il appartient au maître d’ouvrage de rapporter la preuve des conditions d’application d’engagement de la responsabilité décennale des constructeurs ainsi que l’illustre l’arrêt rapporté.

En l’espèce, un maître d’ouvrage a confié à une entreprise la construction d’un bâtiment à usage industriel. La propriété de l’immeuble a été transférée à une SCI puis donnée à bail. Le nouveau propriétaire et le locataire assignent le constructeur aux fins d’indemnisation de ses préjudices résultant de l’absence d’assurance dommages-ouvrage et décennale ainsi que de différentes malfaçons et non-conformités.

La cour d’appel de Pau, dans un arrêt rendu le 24 novembre 2020 (CA Pau, 24 novembre 2020, n° 17/03287 N° Lexbase : A4779377), condamne le constructeur qui forme un pourvoi en cassation. Il articule qu’en l’état d’une réception intervenue sans réserve, il appartient au maître d’ouvrage de rapporter la preuve de ce que le défaut de conformité qu’il allègue n’était pas apparent le jour de la réception intervenue sans réserve. La cour d’appel aurait donc inversé la charge de la preuve en affirmant qu’il incombait au constructeur d’établir que le défaut de conformité était apparent.

La Haute juridiction, par une motivation aussi développée que pédagogue, comme elle le fait maintenant dans certaines décisions, censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK relatif à la charge de la preuve.

Elle rappelle qu’il incombe au maître ou à l’acquéreur de l’ouvrage qui agit sur le fondement de l’article 1792 du Code civil de rapporter la preuve que les conditions d’application de ce texte sont réunies.

La solution n’est pas nouvelle. Dans un arrêt rendu le 7 juillet 2004 (Cass. civ. 3, 7 juillet 2004, n° 03-14.166, FS-P+B N° Lexbase : A0519DDL) la Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de rappeler que le maître d’ouvrage devait rapporter la preuve du contenu des réserves exprimées lors de la réception des ouvrages et du caractère caché des désordres dont elle demandait la garantie. La charge de cette preuve lui incombe.

Cette solution mérite d’être approuvée. Ce n’est que sur le terrain de la faute qu’aucune preuve ne sera à rapporter de la part du maître d’ouvrage en application de la présomption de responsabilité. Les autres conditions d’application de l’article 1792 du Code civil ne sont donc pas concernées.

newsid:480701

Procédure civile

[Brèves] Modalités de récusation d'un expert judiciaire et compétence judiciaire

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-21.122, F-B N° Lexbase : A24607PS

Lecture: 3 min

N0671BZU

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 09 Mars 2022

Les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges et si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement du technicien par le juge qui l'a commis ou par le juge chargé du contrôle ; seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation (en ce sens, Cass. civ. 2, 27 février 2020, n° 18-24.066, F-P+B+I N° Lexbase : A49703G8 ; Cass. civ. 2, 22 mars 2012, n° 11-11.476, FS-P+B N° Lexbase : A4217IGB ; Cass. civ. 2, 7 janvier 2010, n° 08-19.129, FS-P+B N° Lexbase : A2110EQ9).

Faits et procédure. Dans le cadre d’un litige opposant, à la suite d’un incendie sur un bateau de croisière, la société, armateur du navire, son constructeur, et deux sociétés sous-traitantes, une expertise a été ordonnée par un juge des référés. L’assurance du navire et les assureurs corps et machine du navire sont intervenus volontairement à l’instance. Une des parties a saisi un juge des référés afin d’obtenir la récusation et le remplacement de l’expert désigné. Sa demande a été rejetée. Un appel a été interjeté à l’encontre de cette ordonnance.

Les pourvois. Deux pourvois ont été formés à l’encontre de l’arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

La demanderesse (société armateur du navire) au premier pourvoi fait grief à l'arrêt de l’avoir déboutée de sa demande de récusation de l’expert judiciaire, et d’avoir ordonné la poursuite des opérations d'expertise en l’ayant condamnée à verser, en application de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM, diverses sommes à d’autres parties.

La demanderesse au second pourvoi fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser diverses sommes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les demanderesses aux pourvois faisaient valoir que seuls les requérants à la récusation sont parties à la procédure de récusation ; et qu'ainsi, la cour n’avait pu valablement statué en présence de l’expert judiciaire dont la récusation était demandée, et des autres parties au litige principal.

Solution. L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce la solution précitée au visa des articles 234 N° Lexbase : L1725H4N et 235 N° Lexbase : L1727H4Q du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a condamné les demanderesses aux pourvois, à verser diverses sommes en application de l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. La cassation n’impliquant pas, qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’administration judiciaire de la preuve, Les déclarations des tiers, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E75873UK.

 

newsid:480671

Procédure civile

[Textes] L’injonction de payer 2022 : présentation de la procédure

Réf. : Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP ; Arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG

Lecture: 20 min

N0682BZB

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par Fabrice Reynaud, huissier de justice, associé de la SCP Leroi & associés – Paris & Nanterre

Le 09 Mars 2022

Mots-clés : injonction de payer • signification • titre exécutoire • formule exécutoire • dématérialisation • opposition • procédure • réforme

Le 1er mars 2022, deux décrets et un arrêté sont entrés en vigueur, modifiant la procédure d'injonction de payer. Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a instauré le principe de l'abandon de la double phase judiciaire (ordonnance non exécutoire puis demande d'apposition de la formule exécutoire), et celui du 25 février 2022 est venu modifier la mise à disposition des pièces au débiteur, créant une dématérialisation partielle de la procédure. L'arrêté du 24 février a, quant à lui, créé les conditions de cette dématérialisation.


 

La procédure d’injonction de payer a été introduite en droit français par le décret-loi du 25 août 1937, sous le nom de « procédure simplifiée pour le recouvrement des petites créances commerciales.

Inspirée de la procédure germanique « Mahnverfahren », mais également connue dans des pays latins (le procedimiento d’ingiunzione italien), elle consistait en un abandon du principe de contradiction, avec la présentation d’une simple requête au tribunal sollicitant la condamnation d’un débiteur d’une créance commerciale modique. Si la demande était acceptée, l’avis d’injonction de payer était alors signifié au débiteur, lequel pouvait former un contredit et solliciter par conséquent un débat contradictoire. En l’absence de contredit, l’injonction était revêtue de la formule exécutoire. 

Le système a modifié et élargi le champ d’application de la procédure, tout d’abord en l’étendant aux créances civiles en 1957 [1] puis finalement à toutes les créances d’origine contractuelles en 1972 [2].

Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 N° Lexbase : L3454IPM a créé l’injonction de payer moderne, telle que nous la connaissons.

Avec le développement des procédures accélérées [3], l’injonction de payer tient sa place puisque, en 2019, une ordonnance sur deux est rendue en une durée médiane de trente-six jours [4]: elle permet d’accélérer le recouvrement des créances et de diminuer le recours aux tribunaux.

C’est dans ce cadre qu’avait été pensée une profonde réforme de cette procédure, avec la création de la juridiction unique de l’injonction de payer (« JUNIP ») en charge du traitement dématérialisé des procédures d’injonction de payer en matière civile. Cette réforme de la loi « Belloubet » N° Lexbase : L6740LPC a été purement et simplement abrogée avant même son entrée en vigueur. Elle s’inscrivait dans une volonté de dématérialisation de l’accès à la Justice [5]

Par les décrets n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 N° Lexbase : L4794L83[6], et n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP, ainsi que par l’arrêté du 24 février 2022 N° Lexbase : L5665MBG pris en application de l’article 1411 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG, la réforme repense la procédure d’injonction de payer (I), avec une timide introduction de dématérialisation (A), et une réduction du temps judiciaire (B). Toutefois cette réforme n’est qu’un changement dans la continuité (II), conservant à l’ordonnance sa fragilité (A), et dont l’exécution n’est pas facilitée (B).

I. Une procédure d’injonction de payer repensée

A. Une timide dématérialisation de la procédure

Dans le but de simplifier et de dématérialiser certaines procédures pour plus de célérité, la loi Justice n° 2019-222 du 23 mars 2019 avait prévu la création d’une juridiction unique à compétence nationale, pour assurer le traitement dématérialisé des procédures d’injonction de payer, dite « JUNIP », à l’exception de celles relevant du tribunal de commerce, ainsi que des procédures européennes d’injonction de payer. Son abrogation avant même sa mise en place a sonné le glas de la dématérialisation de la saisine des juridictions civiles.

En ce qui concerne les juridictions commerciales, non impactées par la suppression de la « JUNIP », la requête en injonction de payer peut en revanche être déposée sous format électronique, puisque depuis le 28 février 2022, les requêtes en injonction de payer présentées devant une juridiction consulaire, et par conséquent exclusivement les requêtes ayant trait à une créance commerciale, peuvent être déposées sur le « tribunal digital ». Cette solution, en fait de « tribunal » n’est en réalité qu’une plateforme de saisine de la juridiction commerciale.

Créée en 2019, la plateforme tribunaldigital.fr est, à l’initiative des greffiers des tribunaux de commerce, une solution dématérialisant la saisine et l’accès aux tribunaux de commerce, pour l’utilisation de laquelle le justiciable ou l’auxiliaire de justice (avocats, huissiers…) devra au préalable avoir créé son « identité numérique » par le service « Monidenum », opéré par le GIE Infogreffe sous la responsabilité du Conseil national des greffes des tribunaux de commerce.

En matière civile en revanche, les requêtes continueront à être déposées sous format papier.

Pourtant, quelques jours avant l’entrée en vigueur le 1er mars 2022 de la réforme, le législateur a instauré une petite dose de dématérialisation dans la procédure, non pas lors de l’introduction de l’instance, ni au moment de son rendu, mais au moment de la signification de l’ordonnance.

En effet, le texte original du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 avait prévu une nouvelle obligation à la charge de l’huissier de Justice, l’article 1411 du Code de procédure civile prévoyant dans la nouvelle rédaction de son premier alinéa « Une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs. Les documents justificatifs produits à l'appui de la requête sont joints à la copie de la requête signifiée ».  

Cette nouvelle obligation de signifier en même temps que l’ordonnance les pièces produites a été amendée par le décret 2022-245 du 25 février 2022 et est désormais remplacée par [7] l’obligation pour l’huissier de justice de mettre à disposition du débiteur les documents justificatifs par voie électronique. L’arrêté du 24 février 2022 a précisé les modalités de mise à disposition des pièces que l’huissier de Justice devra déposer sur la plateforme mespieces.fr, créée sous la responsabilité de la chambre nationale des commissaires de justice. Notons à ce sujet que l’article 3 de l’arrêté prévoit un respect du RGPD et notamment que « le système mis en œuvre doit garantir (...) que chaque destinataire n’a accès qu’aux seuls documents et informations qui le concernent ».

Dans la mesure où l’acte signifié doit être strictement conforme à l’original, en cas de pluri-débiteurs, les identifiants de l’un d’entre eux ne sauraient se trouver sur l’expédition destinée à aux autres débiteurs. Aussi, il semble qu’un acte de signification par débiteur (et non un acte à plusieurs copies) soit la seule solution permettant le respect du RGPD.

Nous pouvons regretter qu’aucun mode alternatif de communication des pièces ne soit prévu, outre le cas où le cas d’impossibilité de mettre à disposition (CPC. art. 1411 al.2 : « Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l'huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée »). Or, si le débiteur ne dispose pas d’un accès informatique, aucune solution ne lui est offerte. Pourtant, la Défenseure des droits, dans son rapport Dématérialisation des services publics : 3 ans après, où en sommes-nous ?, publié le 16 février 2022 [8], fait état du fait que, trop souvent, « face à des démarches exclusivement dématérialisées, sans possibilité d’alternative par courrier, (les) usagers se trouvent démunis et plusieurs d’entre eux ont ainsi été privés d’accès à un service public et n’ont pas pu faire valoir leurs droits. » Il aurait été souhaitable que le débiteur n’ayant pas la connaissance technique suffisante, ou dépourvu d’appareil lui permettant de naviguer sur internet, se voie offrir un mode alternatif de consultation de pièces, comme par exemple pouvoir les récupérer chez l’huissier de Justice, par exemple au tarif habituel des copies de pièces jointes à une assignation.

Ainsi donc, la procédure d’injonction de payer est légèrement modernisée : la dématérialisation se présente comme une solution alternative (le dépôt via le tribunal digital), ou obligatoire (la communication des pièces). Mais surtout, l’ordonnance, et c’est là la principale nouveauté de la réforme, est rendue revêtue de la formule exécutoire, ce qui tend à réduire le temps judiciaire.

B. Un temps judiciaire réduit

L’originalité de la procédure de l’injonction de payer résidait en sa forme en deux temps. Elle se définissait comme une procédure simplifiée tendant à solliciter du juge qu’il délivre une injonction au débiteur de payer une certaine somme à son créancier, ou de faire opposition. Au bout d’un mois, à défaut d’opposition, le greffe sollicité revêtait l’ordonnance de la formule exécutoire. 

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 met fin à la caractéristique principale de cette procédure en deux phases.

D’un point de vue procédural, et comme auparavant, si la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient. La nouveauté réside dans le fait que l’ordonnance sera, dès son prononcé, revêtue de la formule exécutoire

Il s’agit là de la grande modification de la procédure d’injonction de payer.

L’article 1410 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5419L89 est en effet désormais rédigé ainsi : « L'ordonnance portant injonction de payer et la requête sont conservées à titre de minute au greffe.

En cas d'acceptation de la requête, le greffe remet au requérant une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire et lui restitue les documents produits.

En cas de rejet de la requête, celle-ci et les documents produits sont restitués au requérant. »

Cette procédure perd ainsi la première phase non exécutoire qui en faisait son originalité pour se rapprocher, sans pour autant l’avoir atteint, du droit commun des ordonnances sur requête. Notons qu’au regard du droit européen cette nouvelle approche peut surprendre dans la mesure où d’une part la majorité des états européens ont une procédure en deux temps, mais surtout que l’injonction de payer européenne [9] est précisément organisée en deux temps avec une phase non exécutoire, un délai d’opposition de trente jours et l’apposition de la formule exécutoire à défaut d’opposition.

Cet abandon de la procédure en deux temps a pour conséquence d’obtenir immédiatement un titre portant la formule exécutoire, évitant ainsi la nécessité de renvoyer l’ordonnance non exécutoire au greffe afin de solliciter son apposition. Toutefois, et nous le verrons plus loin, l’ordonnance, bien que revêtue de la formule exécutoire, ne devient exécutoire qu’à l’expiration du délai d’opposition. 

Présentée comme une simplification d’une procédure qui fonctionne depuis des décennies sur le même modèle, présente au niveau européen, la solution retenue et l’abandon des deux phases de la procédure a pour principal intérêt de limiter les démarches auprès de la juridiction.

II. Le changement dans la continuité

A. L’ordonnance d’injonction de payer : un titre exécutoire fragile… 

Ayant abandonné sa principale caractéristique de la double étape, la procédure d’injonction de payer se rapproche donc du droit commun des procédures sur requête. 

C’est donc tout naturellement que le formalisme en est légèrement modifié pour s’harmoniser avec les autres modes de saisine des juridictions. 

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi modifié la rédaction de l’article 1407 du Code de procédure civile, qui est désormais rédigé de la façon suivante :

« La demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire. Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance, le fondement de celle-ci ainsi que le bordereau des documents justificatifs produits à l'appui de la requête. Elle est accompagnée de ces documents. »

L’apport du décret tend ici à la nécessité d’ajouter un bordereau de pièces accompagnant les documents justificatifs.

La nouvelle philosophie de la procédure impose logiquement une transparence accrue au profit du défendeur dont l’objet est de préserver les principes fondamentaux de la procédure civile. C’est pourquoi, est ainsi introduite cette obligation nouvelle. Il s’agit là d’une harmonisation du formalisme de présentation des demandes en Justice puisque le bordereau de pièces accompagne déjà les assignations selon les dispositions de l’articles 56 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8646LYU.

Toutefois, et contrairement aux autres ordonnances rendues sur requête, l’ordonnance d’injonction de payer conserve la fragilité qui était la sienne, ce qui est relativement étonnant dans la mesure où elle est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. 

D’une part, l’ordonnance d’injonction de payer est soumise à un strict délai de signification. L’alinéa 2 de l’article 1411 Code de procédure civile N° Lexbase : L5420L8A prévoyant que « l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date. »

Ce délai très court, qui pouvait se comprendre dans le cadre d’une ordonnance non encore exécutoire, est quasiment inédit, puisque le droit commun prévoit un délai de prescription de dix ans des titres exécutoires (CPCEx, art. L. 111-4 N° Lexbase : L5792IRX), à l’exception notable de la décision par défaut ou réputée contradictoire au seul motif que le titre est susceptible d'appel (CPC, art. 478 N° Lexbase : L6592H7B). C’est donc sous la même sanction (le titre est non avenu) que l’ordonnance d’injonction de payer, revêtue de la formule exécutoire, doit être signifiée dans les six mois de sa date, ce qui, nécessairement, la fragilise.

Autre point de fragilité de l’ordonnance d’injonction de payer : son caractère exécutoire différé.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 1422 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5423L8D vient limiter encore plus ce titre, définitivement différent des autres. Il prévoit que « quelles que soient les modalités de la signification, le délai d'opposition prévu au premier alinéa de l'article 1416 N° Lexbase : L6356H7K est suspensif d'exécution. L'opposition formée dans ce délai est également suspensive. » 

Ainsi l’ordonnance d’injonction de payer ne peut faire l’objet d’aucune exécution durant le délai d’opposition initial d’un mois. Cette solution peut s’entendre : il n’est pas rare ni étonnant que l’exécution forcée soit impossible, surtout dans le cadre d’une procédure non contradictoire, durant le délai de recours. 

Mais le texte va plus loin car il précise en son alinéa 2 que « l'ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d'un tel titre ou d'une décision de justice qu'à l'expiration des causes suspensives d'exécution prévues au premier alinéa. Elle produit alors tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement. »

L’ordonnance d’injonction de payer est donc un titre, revêtu de la formule exécutoire (CPC, art. 1410) mais qui pourtant « ne constitue(ra) un titre exécutoire qu’à l’expiration du délai de recours », on peut légitimement s’interroger alors sur la valeur que le législateur entend donner à la formule exécutoire car il semble s’agir du seul cas où une décision de justice qui n’est pas un titre exécutoire, est pourtant revêtu de la formule exécutoire…

B. ... dont l’exécution n’est pas facilitée

Bien que fragile, la nouvelle ordonnance d’injonction de payer se voudrait une procédure énergique : elle est en effet plus rapide.

Alors qu’il était nécessaire jusqu’à présent de solliciter l’apposition de la formule exécutoire une fois le délai d’opposition expiré, la nouvelle rédaction de l’article 1410 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. 

Ainsi, un seul acte de signification de l’ordonnance est aujourd’hui requis, quand deux étaient nécessaires jusque-là. Outre le temps que cela fait gagner notamment aux greffes, c’est le temps judiciaire global qui est diminué : il n’est désormais plus nécessaire de recevoir l’acte d’huissier, d’attendre un mois, d’adresser l’acte par courrier au greffe, d’attendre le retour de ce dernier, de remettre l’ordonnance exécutoire à un huissier de justice puis attendre que ce dernier le signifie. Aujourd’hui : dès lors que l’ordonnance est rendue, elle est revêtue de la formule exécutoire et peut être signifiée une fois pour toutes, ce qui clôt le débat de savoir si les deux significations devaient être signifiées [10].

Ce gain de temps bénéficie cependant principalement aux greffes.

Mais surtout, la rédaction de l’article 1422 du Code de procédure civile diffère comme nous l’avons vu, la force exécutoire de l’ordonnance portant injonction de payer. Par conséquent, aucune exécution forcée n’est possible puisque l’exécution forcée ne porte évidemment que sur les titres exécutoires. En différant la qualification de titre exécutoire, le législateur empêche toute exécution avant l’expiration du délai d’opposition.

Reste à étudier la question des mesures conservatoires.

De premier abord, l’apposition de la formule exécutoire semblerait permettre, et ç’aurait été là son côté le plus énergique, de procéder à une saisie conservatoire dès son prononcé. En effet, on se souvient que la Cour de cassation le 13 septembre 2007 [11] a précisé qu’il ne peut être procédé à une saisie conservatoire sur le fondement d'une ordonnance portant injonction de payer non signifiée, puisque celle-ci n'est une décision de justice, au sens de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 N° Lexbase : C14517BD) (aujourd’hui CPCEx, art. L. 511-2 N° Lexbase : L5914IRH), qu'en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification. 

Rappelons en effet que, pour procéder à une saisie conservatoire, le créancier peut agir en vertu d’une ordonnance spéciale du juge de l’exécution ou du président du tribunal de commerce, mais qu’en vertu de l’article L.511-2 précité, « une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles. »

Dès lors, l’ordonnance d’injonction de payer non signifiée (ou dont la voie de recours initiale n’est pas expirée) entre-t-elle dans le cadre des « titres » permettant de s’affranchir de la nécessité de solliciter une autorisation au juge pour procéder à une saisie conservatoire ?

Il semble falloir répondre par la négative. Cela lui aurait pourtant conféré un grand intérêt procédural, permettant avant même sa signification (et donc avant même toute information du débiteur), de saisir conservatoirement une partie de son patrimoine, avant qu’il ne puisse éventuellement le dissimuler.

Pour ce faire, il aurait fallu que l’ordonnance soit un titre exécutoire ou une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. 

Or, nous savons, par la lecture de l’article 1422 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5423L8D que l’ordonnance, bien que revêtue de la formule exécutoire ne constitue un titre exécutoire qu'à l'expiration du délai d’opposition initial d’un mois. 

Par conséquent, il convient de s’interroger sur la question de savoir si elle est alors une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire.

Pour la Cour de cassation, dans son arrêt de 2007, l’ordonnance portant injonction de payer non exécutoire n'était « une décision de justice, au sens de l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, qu'en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification ».

L’alinéa 2 de l’article 1422 du Code de procédure civile pourtant, confère à l’ordonnance portant injonction de payer, un statut à part : ni titre exécutoire, ni décision de justice… du moins tant que le délai d’opposition n’est pas expiré. En effet, il est ainsi rédigé : « L'ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d'un tel titre ou d'une décision de justice qu'à l'expiration des causes suspensives d'exécution prévues au premier alinéa ».

Ainsi, il semble bien que les effets attachés à une décision de justice ne puissent être produits qu’après l’expiration du délai d’opposition. Parmi ces effets figurent bien la possibilité de procéder à une saisie conservatoire.

La jurisprudence de la Cour de cassation a été intégrée dans le raisonnement du législateur qui a pris la peine d’ajouter cette précision, afin notamment d’empêcher toute saisie conservatoire non seulement avant la signification, mais aussi pendant la durée initiale de recours.

À retenir :

Depuis le 1er mars 2022, l’injonction de payer perd sa caractéristique de procédure en deux temps : désormais l’ordonnance portant injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. Toutefois, elle ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d’un tel titre ou d’une décision de justice qu’à l’expiration du délai d’opposition, inchangé, d’un mois.

Le greffe ne conserve plus les pièces produites par le créancier et l’huissier de justice les met à disposition du débiteur, dans un coffre-fort électronique dont le chemin d’accès est indiqué dans l’acte.

Ne produisant les effets d’une décision de justice qu’après l’expiration du délai d’opposition d’un mois, il semble qu’aucune mesure, même conservatoire, ne puisse être entamée avant l’expiration de ce délai.


[1] Loi n° 57-756 du 4 juillet 1957 [en ligne].

[2] Décret n° 72-790 du 28 août 1972 [en ligne].

[3] V. J. Courtois, ÉTUDE: Les actions urgentes au fond, Aperçu sur l’évolution des procédures accélérées in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E94937B9.

[4] Infostat Justice - SDSE Service statistique ministériel de la justice, n° 178 septembre 2020.

[5] V. K. Lemercier, La dématérialisation progressive de l’accès à la Justice, Lexbase Avocats, juillet 2021, n°316 N° Lexbase : N7599BY4.

[6] Voir l’analyse du décret, J. Courtois, ÉTUDE: Les actions urgentes au fond, L’injonction de payer in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E95537BG.

[7] Décret n° 2022-245, art. 1er, 20°.

[8] Défenseure des droits, Rapport Dématérialisation des services publics : 3 ans après, où en sommes-nous ?, février 2022 [en ligne].

[9] Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d'injonction de payer N° Lexbase : L1426IRA.

[10] Voir CA Toulouse, 1er février 2021, n° 20/00450 N° Lexbase : A21704E4.

[11] Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-14.730, FS-P+B N° Lexbase : A2162DYQ.

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Santé et sécurité au travail

[Brèves] Point de départ du délai de contestation de l’avis d’inaptitude

Réf. : Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-21.715, FS-B N° Lexbase : A10477PH

Lecture: 2 min

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par Charlotte Moronval

Le 09 Mars 2022

► Pour constituer la notification faisant courir le délai de recours de quinze jours à l'encontre d'un avis d'aptitude ou d'inaptitude rendu par le médecin du travail, la remise en main propre de cet avis doit être faite contre émargement ou récépissé.

Faits et procédure. Le 13 novembre 2018, un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Le 29 novembre 2018, soit seize jours plus tard, le salarié saisit le conseil de prud'hommes d'un recours contre cet avis.

Les juges du fond estiment cette action irrecevable, en raison de l'expiration du délai de 15 jours. La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 28 juin 2019, n° 19/01607 N° Lexbase : A0894ZHL) retient notamment que le mot « notification », employé à l'article R. 4624-45 du Code du travail N° Lexbase : L2346LUG, a seulement pour objet l'obligation que soient portés à la connaissance des parties tant la nature de l'avis que les délais de recours et la désignation de la juridiction devant en connaître qui doivent figurer sur le document. La cour relève ensuite qu'à l'égard du salarié, cette prise de connaissance s'est manifestée par la remise qui lui a été faite à l'issue de la visite par le médecin du travail de l'avis d'inaptitude le 13 novembre 2018, ce fait n'étant pas contesté et constituant une date certaine.

Le salarié forme un pourvoi en cassation, faisant valoir que la remise au salarié de l'avis d'inaptitude, le 13 novembre 2018, sans émargement ni récépissé et immédiatement à l'issue d'un premier et unique examen par le médecin du travail, ne valait pas notification de cet avis, mais simple information sur l'avis que le médecin du travail entendait émettre, en sorte que le délai pour le contester n'avait pas commencé à courir.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles R. 4624-45 et R. 4624-55 N° Lexbase : L2210LCT du Code du travail, dans leurs dispositions applicables au litige.

Pour aller plus loin :

  • à retenir : pour que le délai de quinze jours, imparti au salarié pour exercer son recours, démarre, l’avis d’inaptitude doit être notifié à l’employeur et au salarié par tout moyen conférant date certaine, ce qui implique, lorsque la remise est effectuée en mains propres, qu’elle soit accompagnée de l’émargement de son destinataire ou bien d’un récépissé ;
  • sur ce sujet, lire également R. Olivier, La contestation des décisions du médecin du travail, Lexbase Social, février 2019, n° 773 N° Lexbase : N7731BXM ;
  • v. ÉTUDE : L’aptitude à l’emploi, La contestation de l’avis du médecin du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3119ETP.

 

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Successions - Libéralités

[Brèves] Testament international : condition de rédaction dans une langue comprise par le testateur, même en présence d’interprète !

Réf. : Cass. civ. 1, 2 mars 2022, n° 20-21.068, FS-B N° Lexbase : A10517PM

Lecture: 4 min

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 09 Mars 2022

► S'il résulte des articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète.

On sait que le formalisme requis en matière de testament international est moins strict que celui applicable en droit français concernant le testament authentique, et que cela amène d’ailleurs régulièrement la Cour de cassation à juger de la validité, sur le plan international, d’un testament déclaré nul en droit interne (selon la formule consacrée : « l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du Code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies » : Cass. civ. 1, 12 juin 2014, n° 13-18.383, FS-P+B+I N° Lexbase : A4279MQK ; Cass. civ. 1, 1er avril 2015, n° 13-22.367, F-D N° Lexbase : A0946NG7 ; Cass. civ. 1, 5 septembre 2018, n° 17-26.010, FS-P+B+I N° Lexbase : A3707X3P ; sur ce dernier arrêt, cf. notre brève, Lexbase Droit privé, septembre 2018, n° 753 N° Lexbase : N5388BXT ; cf. également J. Casey, obs. n° 2 in Sommaires d’actualité de droit des successions et libéralités - (Septembre - Décembre 2018), Lexbase Droit privé, février 2019, n° 771 N° Lexbase : N7508BXD).

Toujours est-il que la langue utilisée pour la rédaction du testament international doit répondre à une condition bien stricte : être comprise par le testateur ; la présence d’un interprète ne saurait donc permettre de pallier le non-respect de cette exigence. C’est la solution qui se dégage de l’arrêt rendu le 2 mars 2022 par la Cour de cassation, et qui rejoint le raisonnement qu’elle avait suivi dans son arrêt du 9 juin 2021, à propos d’un testament olographe français (Cass. civ. 1, 9 juin 2021, n° 19-21.770, FS-P N° Lexbase : N7960BYH : la Haute juridiction avait retenu qu’un testament olographe, rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas, même doublé d’un écrit valant traduction, ne peut être considéré comme l’expression de la volonté du défunt). Dans cet arrêt de 2021 comme dans le présent arrêt, elle considère que la volonté de l’auteur du testament ne saurait être exprimée dans une langue qu’il ne comprend pas.

En l’espèce, l’affaire concernait le testament d’une femme de nationalité italienne, laquelle était décédée le 28 février 2015 en l'état d'un testament reçu, en français, le 17 novembre 2002, par notaire, en présence de deux témoins et avec le concours d'une interprète de langue italienne, et instituant ses trois filles légataires de la quotité disponible. L’un des héritiers légaux avait assigné les légataires en nullité du testament.

Pour valider en tant que testament international le testament du 17 avril 2002, la cour d’appel avait retenu, après avoir constaté que la testatrice ne s'exprimait pas en langue française, que, si l'acte ne portait pas mention exacte que le document était le testament de la défunte et qu'elle en connaissait son contenu, il précisait qu'il avait été écrit en entier de la main du notaire, tel qu'il lui avait été dicté par la testatrice et l'interprète, puis que le notaire l'avait lu à ceux-ci, lesquels avaient déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprimait les volontés de la testatrice, le tout en présence simultanée et non interrompue des témoins, ce qui permettait de s'assurer que la testatrice en connaissait le contenu et qu'il portait mention de ses dernières volontés.

À tort. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction censure la décision au visa des articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, après en avoir rappelé la teneur.

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Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Modalités de transmission des données nécessaires à la détermination du tarif de taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport due au titre de l'année 2021

Réf. : Arrêté du 1er février 2022, n° NOR : CCPE2200451A N° Lexbase : L3197MBZ

Lecture: 2 min

N0678BZ7

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Mars 2022

L’arrêté du 1er février 2022, pris en application de l'article 116, de la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022, précise les modalités de transmission des données nécessaires à la détermination du tarif de la taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport due au titre de l'année 2021.

Pour rappel, la loi de finances pour 2022 a créé une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé par les exploitants de plateformes numériques opérant dans les secteurs du transport de passagers ou de la livraison et qui mettent en relation un travailleur indépendant avec un client (la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022, art. 116 N° Lexbase : L3007MAM).

Après le chapitre II du titre II du CGI, il est inséré un chapitre II bis.

Le nouvel article 300 bis du CGI N° Lexbase : L5725MAB prévoit qu’il est institué une taxe sur la fourniture, en France, de services de mise en relation des personnes par voie électronique en vue de la réalisation d'opérations économiques qui répondent aux conditions cumulatives suivantes :

« 1° Ces opérations incluent au moins l'un des transports suivants :

« a) Le transport de passagers et, le cas échéant, de leurs bagages au moyen d'une voiture de transport avec chauffeur, au sens de l'article L. 3122-1 du Code des transports ;

« b) La livraison de marchandises au moyen de véhicules à deux ou trois roues ;

« 2° Le transport mentionné au 1° du présent article est réalisé par un travailleur indépendant ;

« 3° L'exploitant du service de mise en relation détermine les caractéristiques et le prix de l'opération économique ou de l'opération de transport.

Le présent arrêté précise les modalités de transmission des données nécessaires à la détermination du tarif de la taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport due au titre de l'année 2021 par les redevables de cette taxe et le formulaire à utiliser.

Ainsi, les redevables de la taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport prévue à l'article 300 bis du CGI transmettent à l'administration fiscale, avant le 15 février 2022, les données suivantes :

  • l'estimation du montant total des sommes qu'ils ont perçues au cours de l'année 2021 ;
  • l'estimation du montant total des sommes qu'ils ont versées au cours de l'année 2021 aux utilisateurs du service de mise en relation.

Le texte est entré en vigueur le 14 février 2022.

 

 

 

 

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