Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 24-04-2013, n° 350924



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


350924


M. Antoine de MORTEMART


Mme Sophie Roussel, Rapporteur

Mme Suzanne von Coester, Rapporteur public


Séance du 3 avril 2013


Lecture du 24 avril 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux


Vu l'ordonnance n° 094860 du 23 juin 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juillet 2011, par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée par M. Antoine de Mortemart ;


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009 au greffe du tribunal administratif de Versailles, présentée pour M. Antoine de Mortemart, demeurant 134, rue de Grenelle à Paris (75007), tendant :


1°) à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 avril 2009 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement durable a refusé de faire droit à sa demande de déclassement du parc de Saint-Vrain ;


2°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la Constitution, notamment son article 62 et son Préambule ;


Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;


Vu le code de l'environnement ;


Vu la décision n° 2012-283 QPC du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2012 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. de Mortemart ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,


- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. de Mortemart,


- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. de Mortemart ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le parc de Saint-Vrain, dont M. de Mortemart est le propriétaire, est au nombre des sites classés, en vertu du décret du 18 juillet 2003 portant classement de la vallée de Juine et de ses abords, parmi les sites du département de l'Essonne au titre des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement ; que, par une lettre du 19 janvier 2009 adressée au ministre chargé de la protection des sites, M. de Mortemart a demandé l'abrogation de ce décret en tant qu'il classe le site du parc de Saint-Vrain ; que, par un courrier de réponse en date du 27 avril 2009, le ministre a refusé de faire droit à sa demande ; que M. de Mortemart demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;


2. Considérant, en premier lieu, que par la décision n° 2012-283 du 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution l'article L. 341-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement, ainsi que l'article L. 341-13 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, relatifs respectivement aux procédures de classement et de déclassement d'un site ou d'un monument sur la liste départementale des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ;


3. Considérant, toutefois, qu'il résulte du dispositif de cette décision que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet au 1er septembre 2013 dans les conditions fixées au considérant 31 ; qu'aux termes de ce considérant : " en l'espèce, l'abrogation immédiate des articles L. 341-3 et L. 341-13 pourrait avoir des conséquences manifestement excessives sans satisfaire aux exigences du principe de participation du public ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2013 la déclaration d'inconstitutionnalité de ces dispositions ; que les décisions prises, avant cette date, en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité " ; qu'ainsi, alors même que M. de Mortemart est l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 341-3 et L. 341-13 du code de l'environnement est sans incidence sur l'issue du présent litige ;


4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 341-13 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le déclassement total ou partiel d'un monument ou d'un site classé est prononcé après avis de la commission supérieure des sites par décret en Conseil d'Etat " ;


5. Considérant que le ministre sur le rapport duquel un décret a été pris est compétent pour rejeter une demande tendant à l'abrogation ou à la modification de ce décret, alors même que le décret concerné est un décret en Conseil d'Etat ; que par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article L. 341-13 du code de l'environnement ne s'appliquent que lorsqu'il est procédé au déclassement d'un site, et non dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, l'autorité administrative refuse d'engager une procédure de déclassement ; que, par suite, les moyens tirés, d'une part, de l'incompétence du ministre et, d'autre part, de ce que la décision de refus de procéder au déclassement du site du parc de Saint-Vrain aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière ne peuvent qu'être écartés ;


6. Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui de sa requête dirigée contre la décision portant refus d'abroger le décret du 18 juillet 2003 en tant qu'il classe le parc de Saint-Vrain parmi les sites du département de l'Essonne, M. de Mortemart soutient que le ministre chargé de la protection des sites était tenu de faire droit à sa demande d'abrogation dès lors que le décret du 18 juillet 2003 était, pour plusieurs motifs, illégal dès la date de sa signature ;


7. Considérant, toutefois, que l'autorité compétente n'est tenue de faire droit à la demande d'abrogation d'une décision illégale non réglementaire qui n'a pas créé de droits et est devenue définitive que si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'une telle décision serait illégale depuis l'origine ne saurait être utilement soulevé à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus d'abroger cette décision ; que, par suite, M. de Mortemart ne peut pas utilement se prévaloir, à l'appui de sa requête, de l'illégalité dont serait entaché, depuis sa signature, le décret du 18 juillet 2003, aux motifs que ce dernier aurait été édicté à la suite d'une procédure irrégulière, serait constitutif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et serait entaché de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ; que le fait de ne pas pouvoir se prévaloir d'une telle illégalité ne saurait être regardé comme privant le requérant de son droit à un recours juridictionnel effectif garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'une décision de classement d'un site n'a pas à être obligatoirement notifiée individuellement aux propriétaires concernés, dès lors qu'un recours pour excès de pouvoir est ouvert aux intéressés à l'encontre d'une telle décision dans le délai du recours contentieux courant à compter de la date de sa publication au Journal officiel de la République française ;


8. Considérant, en quatrième lieu, que M. de Mortemart soutient que la décision par laquelle le ministre chargé de la protection des sites a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation est elle-même constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et méconnaît les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au respect des biens ; que ces moyens sont toutefois inopérants en tant qu'ils sont dirigés contre la décision refusant d'abroger le classement en cause, l'illégalité alléguée n'étant susceptible, compte tenu de l'argumentation développée par le requérant, de trouver son origine que dans le décret du 18 juillet 2003 lui-même, et non dans le refus d'abroger ce dernier ;


9. Considérant, en dernier lieu, que si M. de Mortemart soutient que le refus de procéder à l'abrogation du décret du 18 juillet 2003 en tant qu'il classe le parc de Saint-Vrain serait lui-même entaché d'erreur d'appréciation, l'argumentation développée à l'appui de ce moyen se borne à contester l'erreur d'appréciation commise par l'autorité ayant procédé au classement du site de Saint-Vrain par le décret du 18 juillet 2003 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, un tel moyen est inopérant ;


10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. de Mortemart n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. de Mortemart est rejetée.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine de Mortemart, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Délibéré dans la séance du 3 avril 2013 où siégeaient : M. Edmond Honorat, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; Mme Pascale Fombeur, Présidente de sous-section ; M. Marc Sanson, M. Michel Thénault, M. François Delion, M. Mattias Guyomar, Conseillers d'Etat et Mme Sophie Roussel, Auditeur-rapporteur.

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