Jurisprudence : Cass. civ. 2, 03-03-2022, n° 20-21.122, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 03-03-2022, n° 20-21.122, F-B, Cassation

A24607PS

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Cass. civ. 2, 03-03-2022, n° 20-21.122, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/81829894-cass-civ-2-03032022-n-2021122-fb-cassation
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Abstract

► Les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges et si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement du technicien par le juge qui l'a commis ou par le juge chargé du contrôle ; seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation (en ce sens, Cass. civ. 2, 27 février 2020, n° 18-24.066, F-P+B+I ; Cass. civ. 2, 22 mars 2012, n° 11-11.476, FS-P+B ; Cass. civ. 2, 7 janvier 2010, n° 08-19.129, FS-P+B).


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 mars 2022


Cassation partielle sans renvoi


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 235 F-B


Pourvois n°
X 20-21.122
H 20-21.867 Jonction


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022


I. La société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 14] (Italie), a formé le pourvoi n° X 20-21.122 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Chambre 3-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Marioff Corporation OY, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 10] (Finlande),

2°/ à M. [W] [E], domicilié [… …],

3°/ à la société Compagnie du Ponant, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 12],

5°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la société XL Insurance Company SE, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 15]), venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions assurance,

7°/ à la société Generali assurances Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

8°/ à la société MMA Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Covea Risks,

9°/ à la société Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

10°/ à la société Swiss RE International SE, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 13] (Italie),

11°/ au Syndicat du Lloyd's, dont le siège est [Adresse 9],

12°/ à la société Protection & Indemnity Club Steamship Mutual Underwriting Association Ltd, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 8] (Royaume-Uni),

13°/ à la société Bureau Veritas marine & offshore - registre international de classification de navires et de plateformes offshore, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 7],

14°/ à la société Wärtsilä Finland OY, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 11]),

défendeurs à la cassation.

II. La société Marioff Corporation OY a formé le pourvoi n° H 20-21.867 contre le même arrêt dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [E],

2°/ à la société Compagnie du Ponant,

3°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE,

4°/ à la société Helvetia assurances,

5°/ à la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions assurance,

6°/ à la société Generali assurances Iard,

7°/ à la société MMA Iard, venant aux droits de la société Covea Risks,

8°/ à la société Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres,

9°/ à la société Swiss RE International SE,

10°/ au Syndicat du Lloyd's, pris en la personne de son mandataire général Lloyd's France, société par actions simplifiée : Lloyd's Syndicate 3210 MIT, Lloyd's Syndicate 2987 BRT, Lloyd's Syndicate 1084 CSL, Lloyd's Syndicate 1882 CHB, Lloyd's Syndicate 2001 AML, Lloyd's Syndicate 1183 TAL, Lloyd's Syndicate 1036 COF, Lloyd's Syndicate 780 ADV, Lloyd's Syndicate 1967 WRB, Lloyd's Syndicate 2488 AGM, Lloyd's Syndicate 5151 MAL, Hiscox Syndicate HIS,

11°/ à la société Protection & Indemnity Club Steamship Mutual Underwriting Association Ltd,

12°/ à la société Bureau Veritas marine & offshore - registre international de classification de navires et de plateformes offshore,

13°/ à la société Wärtsilä Finland OY,

14°/ à la société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses aux pourvois n° X 20-21.122 et n° H 20-21.867 invoquent, à l'appui de leur recours respectif, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Marioff Corporation OY, de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de la société Compagnie du Ponant, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Allianz Global Corporate & Specialty SE, Helvetia assurances, XL Insurance Company SE, Generali assurances Iard, MMA Iard, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss RE International SE, Syndicat du Lloyd's et Protection & Indemnity Club Steamship Mutual Underwriting Association Ltd, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 20-21.122 et H 20-21.867 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 septembre 2020), dans un litige opposant, à la suite de l'incendie survenu sur un bateau de croisière, la société Compagnie du Ponant, armateur du navire, à la société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani, son constructeur, et aux sociétés Marioff Corporation OY, Wärtsilä Finland OY, Bureau Veritas marine & offshore, sous-traitants, un juge des référés a ordonné une expertise et désigné M. [Ab] à fin d'y procéder.

3. La société Protection & Indemnity Club Ac Mutual Underwriting Association Ltd, assureur du navire, et les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty, Helvetia assurances, XL Insurance Company venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions assurance, Generali assurances Iard, MMA Iard venant aux droits de la société Covea Risks, la Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Swiss RE International et le Syndicat du Lloyd's, assureurs corps et machine du navire, sont intervenues volontairement à l'instance.

4. La société Marioff Corporation OY a saisi unjuge des référés afin d'obtenir la récusation et le remplacement de M. [E]. Sa demande a été rejetée par ordonnance du 14 janvier 2020.

5. Les sociétés Marioff Corporation OY et A Ad Ae ont fait appel de cette ordonnance.

Recevabilité des pourvois n° X 20-21.122 et H 20-21.867 contestée par la défense

Vu les articles 607 et 608 du code de procédure civile🏛 :

6. Il résulte de ces textes que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements rendus en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif une partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.

7. Les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Af Ag B se sont chacune pourvues en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a confirmé l'ordonnance du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile🏛, ayant rejeté la demande de récusation et de remplacement de l'expert, et qui a ainsi mis fin à une instance indépendante de la procédure au fond non encore engagée.

8. En conséquence, le pourvoi est recevable.


Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° X 20-21.122 et sur le premier moyen du pourvoi n° H 20-21.867, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° X 20-21.122 et le second moyen du pourvoi n° H 20-21.867, qui sont similaires, réunis

Enoncé des moyens

10. Pourvoi n° X 20-21.122 : La société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de récusation de M. [Ab] de sa mission d'expertise judiciaire, d'ordonner la poursuite des opérations d'expertise et de la condamner à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [Ab], la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurances, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurance Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, alors « que seuls les requérants à la récusation sont parties à la procédure de récusation ; qu'en statuant en présence de M. [Ab], expert judiciaire dont la récusation était demandée, de la Compagnie du Ponant et des sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, parties au litige principal, et en condamnant la société Fincantieri à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, la cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile🏛. »

11. Pourvoi n° H 20-21.867
: La société Marioff Corporation OY fait grief à l'arrêt de la condamner à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [E] la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, alors « que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation ; qu'en condamnant la société Marioff Corporation OY, après l'avoir débouté de sa requête tendant à la récusation de l'expert judiciaire, à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, la somme de 5 000 euros respectivement à la société Compagnie du Ponant, à M. [Ab] et aux sociétés prises ensemble Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, la cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. La société Compagnie du Ponant, M. [E] et les assureurs contestent la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est contraire aux écritures du demandeur devant la cour d'appel et nouveau.

13. Cependant, le moyen, pris de la qualité de partie au litige et de la condamnation au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, né de la décision attaquée, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne peut être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, ne peut être argué ni de nouveauté ni de contrariété avec la thèse défendue devant la cour d'appel.

14. Il est, dès lors, recevable.

Bien fondé du moyen

Vu les articles 234 et 235 du code de procédure civile🏛 :

15. Selon ces textes, les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges et si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement du technicien par le juge qui l'a commis ou par le juge chargé du contrôle.

16. Après avoir rejeté la demande de récusation de M. [E], l'arrêt, qui statue en présence de la Compagnie du Ponant et des assureurs, assignés dans la procédure de récusation, condamne les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Af Ag B à leur payer chacune, ainsi qu'à M. [Ab], diverses sommes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

17. En statuant ainsi, alors que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

19. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA et Af Ag B, chacune, à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, à la société Compagnie du Ponant la somme de 5 000 euros, à M. [Ab], la somme de 5 000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Specialty, Axa Corporate Solutions assurance, Compagnie nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risks, Generali assurances Iard, Helvetia assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5 000 euros, l'arrêt rendu le 3 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Marioff Corporation OY aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits au pourvoi n° X 20-21.122 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Fincantieri-Cantieri Navali Italiani SPA

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Fincantieri fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de récusation de M. [Ab] de sa mission d'expertise judiciaire et d'avoir ordonné la poursuite des opérations d'expertise ;

1°- ALORS QUE la récusation d'un expert judiciaire s'impose dès lors qu'il y a conflit d'intérêt et s'il existe un doute raisonnable sur son impartialité ; qu'en écartant la demande de récusation de M. [E], après avoir constaté que postérieurement à sa désignation par le Tribunal de commerce le 10 décembre 2015, en janvier 2016, mars et septembre 2017, l'expert judiciaire M. [Ab] avait accepté d'établir en qualité d'expert privé des notes techniques au profit des sociétés RGBB, Sademar et Océa, qui étaient toutes trois clientes de Me [T], avocat de la Compagnie du Ponant, qu'il avait perçu une rémunération de 24.000 euros de la société RGBB, de 2.280 euros de la société Ocea, qu'il était intervenu à titre gracieux pour la société Sademar, que Me [T] a pu exploiter ces notes techniques en les produisant en justice et que l'expert judiciaire n'avait révélé ses interventions qu'une fois sommé par courrier de la société Marioff du 5 juin 2019 en admettant dans un premier temps le 6 juin 2019, qu'il était intervenu au profit de la société RGBB, puis bien plus tard par un courrier de 19 juin 2019, qu'il était également intervenu au profit des sociétés Sademar et Ocea, ce dont il résulte l'existence manifeste d'un conflit d'intérêt et d'un doute légitime sur l'objectivité de l'expert judiciaire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 234, 237, 341 du code de procédure civile🏛, L 111-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

2°- ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter les demandes des parties sans examiner les éléments de preuve versés aux débats à l'appui de leurs prétentions ; qu'en énonçant que Me [T] n'était pas entré en relation avec M. [E] pour lui confier une mission dans le cadre des instructions privées réalisées au profit de ses trois clientes, sans s'expliquer sur la sommation interpellative de la société Océa en date du 20 juin 2019 par laquelle cette dernière précisait que M. [E] était intervenu dans un dossier à la demande de Me [T], la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

3°- ALORS QUE la récusation d'un expert judiciaire s'impose dès lors qu'il y a inimitié notoire entre ce dernier et une partie ou son conseil et s'il existe un doute sur son impartialité ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que dans ses courriers du 29 juillet 2019 et 23 juillet 2019 adressés au juge chargé du contrôle des opérations d'expertise, l'expert judiciaire avait manifesté de l'acrimonie, que ses propos étaient virulent à l'encontre du conseil de la société Marioff, qu'il avait porté des appréciations sur l'attitude de ce dernier en lui reprochant d'employer des « artifices » une « manipulation à souhait de la vérité », qu'il avait allégué l'absence d'intégrité de l'avocat, le caractère mensonger des accusations portées par l'avocat, l'existence soulignée à 14 reprises de manipulations imputables à l'avocat, ce dont il résulte l'existence d'une inimité manifeste entre l'expert judiciaire et le conseil de la société Marioff et un doute quant à l'impartialité de l'expert judiciaire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 234, 237, 341 du code de procédure civile🏛, L 111-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

4°- ALORS QUE l'article 341 du code de procédure civile🏛 qui prévoit des cas de récusation n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de tout expert judiciaire ; qu'en l'espèce, la société Fincantieri faisait valoir que le comportement de l'expert judiciaire qui a laissé dépérir des preuves de nature à mettre en cause la responsabilité de la Compagnie du Ponant, s'est abstenu de récupérer des pièces essentielles pour apprécier l'origine de l'incendie que cette dernière faisant preuve d'inertie s'abstenait de produire, et qui a mis hors de cause la Compagnie du Ponant en passant outre l'absence de communication de pièces essentielles telles que le VDR, équivalant de la boîte noire, de nature à démontrer la responsabilité du client de Me [T], était de nature à mettre en doute l'impartialité de l'expert judiciaire ; qu'en énonçant que ces griefs relatifs aux incidents de communication de pièces relèvent de la compétence du juge chargé du contrôle des expertises ou du juge du fond saisi d'une éventuelle demande en nullité du rapport et ne peuvent constituer des motifs de récusation, la Cour d'appel a violé les articles 234, 237, 341 du code de procédure civile🏛, L.111-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Fincantieri fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de récusation de M. [Ab] de sa mission d'expertise judiciaire, d'avoir ordonné la poursuite des opérations d'expertise et de l'avoir condamnée à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, à la société Compagnie du Ponant la somme de 5000 euros, à M. [Ab], la somme de 5000 euros, et aux sociétés Allianz Global Corporate Speciality, Axa Corporate, Solutions Assurances, Compagnie Nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risk, Generali Assurance Iard, Helvetia Assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5000 euros ;

ALORS QUE seuls les requérants à la récusation sont parties à la procédure de récusation ; qu'en statuant en présence de M. [Ab], expert judiciaire dont la récusation était demandée, de la Compagnie du Ponant et des sociétés Allianz Global Corporate Speciality, Axa Corporate, Solutions Assurances, Compagnie Nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risk, Generali Assurance Iard, Helvetia Assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, parties au litige principal, et en condamnant la société Fincantieri à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, la Cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile🏛. Moyens produits au pourvoi n° H 20-21.867 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Marioff Corporation OY

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Marioff Corporation Oy fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille du 14 janvier 2020 en ce qu'elle l'avait débouté de sa demande en récusation de l'expert et avait ordonné la poursuite des opérations d'expertise ;

alors 1°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; que l'expert judiciaire en situation de conflit d'intérêts est récusé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'expert judiciaire, M. [W] [E], avait accepté, pendant le cours de l'expertise litigieuse ordonnée le 16 décembre 2015, de diligenter, à trois reprises, des instructions privées impliquant des clients de Me [T], avocat de la Compagnie du Ponant, en janvier 2016 (affaire « SADEMAR »), mars 2017 (affaire « OCEA ») et septembre 2017 (affaire « RGBB »), pour lesquelles il a perçu une rémunération d'un montant total de 26.280 € ; que la cour d'appel a également constaté que ce n'est qu'une fois interpellé par la société Marioff par courrier du 5 juin 2019, celle-ci le sommant de lister les affaires au cours desquelles il avait été en relation avec les clients de Me [T] en qualité d'expert privé, que, par courrier du lendemain (donc du 6 juin 2019), M. [E] avait révélé être effectivement intervenu dans l'affaire « RGBB » moyennant une rémunération de 24.000 €, et que ce n'est que par un courrier du 19 juin 2019, qu'il avait révélé être intervenu à titre gratuit, dans l'affaire « SADEMAR » et, moyennant une rémunération de 2.280 €, dans l'affaire « OCEA » ; qu'il en résultait que M. [Ab] avait bien diligenté trois instructions privées dans lesquelles Me [T] était intervenu en sa qualité de conseil sans pour autant en avoir informé les parties au fur et à mesure de ses interventions, ce qui suffisait à jeter le doute sur son impartialité et à établir une situation de conflits d'intérêts de nature à paraître influencer l'exercice, indépendant, impartial et objectif de sa fonction ; qu'en retenant l'absence de situation de nature à révéler un conflit d'intérêts de la part de l'expert judiciaire et à jeter le doute sur son impartialité, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants tirés de l'absence d'interférence de Me [T] dans la désignation et le règlement dudit expert, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 234, 237 et 341 du code de procédure civile🏛, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire🏛, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

alors 2°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter la demande d'une partie sans examiner les pièces qu'elle verse aux débats au soutien de ses prétentions ; qu'en l'espèce, aux termes de la sommation interpellative de la société OCEA en date du 20 juin 2019, il était indiqué que M. [E] était bien intervenu dans un dossier à la demande Me [T] ; qu'en retenant, pour rejeter tout élément de nature à faire douter de l'impartialité de l'expert, que Me [T] n'était pas entré en relation avec M. [E] pour lui confier une mission dans le cadre des trois instructions privées diligentées par lui pendant le cours de l'expertise judiciaire litigieuse impliquant des clients de Me [T], conseil de la Compagnie du Ponant, sans viser ni même analyser la sommation interpellative de la société OCEA versée aux débats par la société Marioff Corporation Oy, la cour d'appel a privé sa décision de motif et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

alors 3°/ que la récusation d'un expert judiciaire peut être demandée s'il y a inimitié notoire entre l'expert et l'une des parties ou son avocat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « monsieur [E], dans ses courriers adressés le 9 juillet 2019 et le 23 juillet 2019 au juge chargé du contrôle des opérations d'expertise, porte des appréciations sur l'attitude de l'avocat chargé des intérêts de la société Marioff manifestant l'empreinte d'une certaine acrimonie, puisqu'il évoque les artifices employés selon lui par ce conseil, une manipulation "à souhait de la vérité" (lettre du 29 juillet 2019), l'absence d'intégrité, le caractère mensonger des accusations portées ou l'existence, soulignée à 14 reprises, de manipulations imputables à l'avocat » ; que ces propos, de par leur véhémence, démontraient l'inimitié manifeste de l'expert à l'égard de l'avocat de la société Marioff et ne pouvaient exclure tout doute raisonnable quant à l'impartialité du technicien ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de récusation de l'expert faite par la société Marioff, que, malgré leur caractère particulièrement virulent, ces propos n'étaient pas de nature à influer sur l'appréciation technique du dossier et qu'en répondant sur le même registre aux attaques mettant en question sa probité, cet expert n'avait pas fait preuve d'une attitude de nature à douter de l'objectivité de son travail mais s'était contenté d'éclairer le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise sur les griefs qui lui étaient soumis afin de lui permettre de statuer et de lui faire part de son ressenti personnel à la lecture des accusations portées à son encontre, non par l'une des parties, mais par le conseil de l'une d'entre elles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, encore à ce titre, les articles 234, 237 et 341 du code de procédure civile🏛, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire🏛, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Marioff Corporation Oy fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 à la société Compagnie du Ponant la somme de 5.000 €, à M. [E] la somme de 5.000 €, et aux sociétés Allianz Global Corporate Speciality, Axa Corporate Solutions Assurance, Compagnie Nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risk, Generali Assurance Iard, Helvetia Assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds prises ensemble la somme de 5.000 € ;

alors que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation ; qu'en condamnant la société Marioff Corporation Oy, après l'avoir débouté de sa requête tendant à la récusation de l'expert judiciaire, à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, la somme de 5.000 € respectivement à la société Compagnie du Ponant, à M. [Ab] et aux sociétés prises ensemble Allianz Global Corporate Speciality, Axa Corporate Solutions Assurance, Compagnie Nantaise d'assurances maritimes et terrestres, Covea Risk, Generali Assurance Iard, Helvetia Assurances, Protection & Indemnity Club Steamship, Swiss Re International et Syndicats des Lloyds, la cour d'appel a violé les articles 234 et 235 du code de procédure civile🏛.

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