La lettre juridique n°606 du 26 mars 2015

La lettre juridique - Édition n°606

Éditorial

Liberté d'expression, handicap, trouble des consciences : quel juste équilibre ?

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N6552BU9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 26 Mars 2015


Le 24 juin 2014, l'Assemblée plénière du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) enjoignait les chaînes de télévision à ne pas diffuser un "spot" montrant de jeunes handicapés mentaux heureux et luttant, à leur manière, contre leur stigmatisation, voire leur victimisation, rassurant avec compassion les mères et futures mères d'enfants trisomiques. Pour être plus précis, le CSA a jugé que ce message ne relevait pas de la publicité et, bien qu'ayant été diffusé à titre gracieux, il ne pouvait pas non plus être regardé comme un message d'intérêt général, puisqu'en s'adressant à une future mère, sa finalité pouvait paraître ambiguë et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle. En conséquence, le Conseil considérait qu'il ne pouvait être inséré au sein des écrans publicitaires. S'inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, ce message aurait pu être valorisé, selon le CSA, à l'occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d'émissions.

Le 25 septembre 2014, sept handicapés mentaux déposaient un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d'Etat au nom de la liberté d'expression et de l'égalité des citoyens. Face à la polémique, le CSA a publié un communiqué : "Le Conseil n'a nullement entendu gêner sa diffusion à la télévision. En effet, il a constaté que ce message présente un point de vue positif sur la vie des jeunes trisomiques et encourage la société à oeuvrer à leur insertion et à leur épanouissement. Cependant, il a observé que ce message était susceptible de troubler en conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, avaient fait des choix de vie personnelle différents". Le remède appliqué par le Conseil est-il plus dangereux que le mal ? Admettre que des femmes puissent être troublées en conscience par leurs choix personnels en visionnant ce message, c'est faire peu de cas de leur libre arbitre, du droit garantissant leur liberté totale à disposer de leur corps et, disons-le, c'est admettre que le droit à l'avortement pourrait, en France, être remis en cause... par le sourire arboré de quelques trisomiques... La suppression du "délai de réflexion" en la matière, prévue actuellement devant le Parlement, n'est-elle pas la conséquence du fait que les femmes entamant cette démarche ont déjà mûrement réfléchi en conscience ?

En février 2015, une élève avocate de l'HEDAC (Versailles) se distinguait lors du concours de plaidoirie organisé par le Mémorial de Caen par une charge virulente contre la décision du CSA, estimant que c'est la liberté d'expression des personnes trisomiques qui a été bafouée. Pour Mariette Guerrien-Chevaucherie, le CSA était allé à l'encontre d'une de ses missions essentielles, la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'audiovisuel. La plaidoirie est implacable : jusqu'à décision contraire, les trisomiques ont droit à la liberté d'expression au titre de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; cette liberté ne souffre pas d'exceptions autres que celles légalement admises par la loi du 24 juillet 1881 et applicables à tous. D'abord, si l'intérêt général est l'intérêt de tous, s'arrête-t-il devant l'intérêt des personnes handicapées ? Ensuite, si le message véhiculé par le "spot" peut paraître ambigu et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle, il en est tout autant d'un "spot" sur la prévention routière, contre l'usage du tabac ou de l'alcool, voire d'un "spot" s'inscrivant dans le cadre légal de la propagande politique. Enfin, quel est le fondement d'une scientifisation de la parole des trisomiques accordée une fois l'an (le 21 mars - Journée mondiale de la trisomie), au regard d'une nécessaire contextualisation et documentarisation du message en cause ? L'élève avocate finissait alors par une apostrophe provocatrice sur le caractère potentiellement culpabilisant du bonheur des handicapés.

Au-delà de la polémique sur la défense des intérêts philosophico-spirituels ou religieux de telle ou telle association, sur l'atteinte au droit à l'avortement ou, selon, au droit à la vie, qui fondamentalement n'a que peu de rapport avec la nécessaire déstigmatisation des personnes handicapées dont l'insertion dans la diversité sociale est une cause nationale depuis 2003, la décision du CSA emporte tout de même un questionnement certain sur la liberté d'expression en général, et pas seulement celle des trisomiques, et sur la liberté de l'audiovisuel en France, en particulier.

"Une finalité ambiguë et une adhésion non spontanée et non consensuelle" : que faut-il entendre par cette sentence pour le moins... ambiguë ? Est-ce à dire que toute émission dans laquelle il y aurait une assertion de ce type doit être condamnée et retirée de la diffusion ? Est-ce à dire que toute publicité ou campagne (de prévention ou politique) dont les idées ainsi véhiculées ne seraient pas spontanément admises et consensuelles devraient être interdites ? La programmation audiovisuelle fourmille d'idées véhiculées hors contexte ; c'est même le propre de la télé zapping où le message doit être court et percutant... entre une pub pour la poire et une réclame pour le fromage ! La politique, pour en revenir à elle, ne fait pas l'objet d'un monopole d'émissions spécialisées : on la trouve non seulement au coeur d'émissions de divertissement, mais aussi dans les "spots" de publicité les plus anodins, car tout est politique, tout a un lien avec la gestion et l'administration de la société ; de son caractère consumériste ou industriel, à l'émergence de tendances environnementalistes ou multiculturalistes. Autant de messages ambigus (on ne le serait à moins en 30 secondes) et pouvant ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle : c'est le propre même de la liberté d'expression que de permettre l'expression d'idées diverses, voire dérangeantes. Et que dire des sondages et autres enquêtes statistiques ressassés à longueur de journée sur toutes les ondes, notamment en période électorale, dont les méthodes d'élaboration ne sont d'ailleurs pas contrôlées par des magistrats -le Conseil d'Etat estimant que le choix scientifique d'une méthodologie statistique ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et la Commission de sondage étant la seule compétente pour régler la déontologie (sans appel) des institutions de sondages- ? Ne sont-ils pas à même de "troubler en conscience les citoyens par leurs choix personnels" ? Il est heureux que le marketing politique français ne soit pas d'inspiration états-unienne, avec une cohorte de "spots" publicitaires à la gloire d'un programme, d'une idée ou d'un candidat...

Nous souhaitons bon courage au Conseil d'Etat pour se sortir de cet imbroglio juridique sur fond de polémique, certes partisane, mais aussi politique, au regard du handicap. L'une des solutions pragmatiques pour rééquilibrer le message sur le bonheur affiché de trisomiques aurait peut-être été de s'assurer que soit diffusé également un "spot" sur les difficultés réelles d'insertion ou tout simplement de la vie courante que rencontrent les handicapés mentaux. La lutte contre les discriminations etl es stigmatisations conjuguée à la défense de la liberté d'expression passe plus assurément par le pluralisme équilibré de cette expression que par la censure... télévisuelle -rappelons qu'internet, premier média mondial audiovisuel, maintenant, n'est pas assujetti au même cadre législatif et réglementaire et, encore moins, aux décisions du CSA-.

newsid:446552

Aides d'Etat

[Brèves] Décision de reversement d'une aide agricole indûment versée en application d'un texte de l'UE : obligation de suivre une procédure contradictoire écrite conduite avec le bénéficiaire

Réf. : CE, 13 mars 2015, n° 364612, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6896NDR)

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Le 27 Mars 2015

Les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises à l'obligation de suivi d'une procédure contradictoire écrite conduite avec le bénéficiaire de cette aide, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 13 mars 2015 (CE, 13 mars 2015, n° 364612, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6896NDR). Les dispositions combinées des articles 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7), et 8 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers (N° Lexbase : L0278A3P), imposant que la décision de reversement d'une aide agricole indûment versée en application d'un texte de l'Union européenne soit motivée et précédée d'une procédure contradictoire écrite conduite avec le bénéficiaire de l'aide, constituent une garantie pour ce dernier. Ces dispositions trouvent à s'appliquer de manière identique à la récupération d'aides indûment versées sur le fondement de dispositions du droit national. Elles n'ont pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées, dès lors qu'il appartient à l'administration de veiller au respect de la procédure qu'elles instituent et qu'il est loisible à celle-ci, en cas d'annulation d'une décision de reversement irrégulière, de prendre une nouvelle décision, sous réserve du respect des règles de prescription applicables. Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de ces dispositions afin d'assurer la pleine efficacité du droit de l'Union.

newsid:446600

Avocats/Périmètre du droit

[Jurisprudence] Garde à vue : report de la notification des droits jusqu'au dégrisement

Réf. : Cass. crim., 18 février 2015, n° 13-87.291, F-D (N° Lexbase : A0144NCC)

Lecture: 6 min

N6427BUL

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par Gaëlle Deharo, Professeur, Laureate International Universities (ESCE), Centre de recherche sur la justice et le procès, Université Paris 1

Le 26 Mars 2015

Dans un arrêt du 18 février 2015, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu que l'état d'ivresse du gardé à vue, qui ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure, ni la notification des droits, constitue une circonstance insurmontable qui justifie que la notification des droits ait été différée jusqu'à dégrisement. Le prévenu avait été interpellé pour avoir conduit un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et commis des violences aggravées sur un policier. Sur ces deux fondements, il fut placé en garde à vue. Les fonctionnaires de police procédèrent au contrôle du taux d'alcoolémie du prévenu. Celui-ci révélait un taux de 0,85 mg d'alcool par litre d'air expiré. Le procès-verbal établi par les policiers mentionnait expressément que le prévenu était alcoolisé et ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure de garde à vue. Ils décidèrent donc de différer la notification des droits qui intervint plus de sept heures plus tard, après une nouvelle vérification du taux d'alcoolémie.

Le prévenu soulevait le caractère tardif de la notification de ses droits et concluait à la nullité de la garde à vue.

Ces prétentions furent cependant rejetées par les juges du fond. La cour d'appel relevait successivement :

- que le prévenu ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure de garde à vue ;

- que la décision de différer la notification relevait de l'appréciation souveraine des policiers ;

- que la notification était intervenue après une nouvelle vérification du taux d'alcoolémie laissant apparaitre un taux de 0,37 mg d'alcool par litre d'air expiré.

Elle rejetait donc les exceptions de nullité dont arguait l'appelant. Un pourvoi fut formé contre cette décision. La Cour de cassation était ainsi une nouvelle fois saisie de la question de l'articulation de l'obligation faite aux forces de l'ordre de notifier immédiatement ses droits au gardé à vue, de la nécessité pour celui-ci d'être en état de comprendre la mesure et les droits qui lui sont notifiés et de l'état d'ébriété du prévenu. La solution est désormais classique : la notification des droits intervient dès le placement en garde à vue (I). Elle peut, cependant, être différée jusqu'au dégrisement lorsque le gardé à vue n'est pas en état de comprendre la mesure, ni les droits qui lui sont notifiés. La Cour de cassation vient, par l'arrêt rapporté, réaffirmer cette jurisprudence : l'ivresse du prévenu constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification des droits (II).

I - La notification immédiate

La garde à vue est une mesure qui porte atteinte aux droits et libertés individuels. Aussi, elle est strictement encadrée par le législateur. En l'espèce rapportée, le demandeur à la cassation alléguait du caractère tardif de la notification de ses droits pour conclure à la nullité de la mesure de garde à vue. Le moyen invoquait, dans cette perspective, une interprétation stricte du texte imposant une notification immédiate.

La matière repose sur l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3163I3K) qui dispose que "la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend", de son placement en garde à vue et de la durée de la mesure, de la qualification des faits, de ses droits de faire prévenir un proche et son employeur, d'être examinée par un médecin, d'être assistée d'un avocat, d'être assistée d'un interprète, de consulter les documents visés à l'article 63-4-1 (N° Lexbase : L3162I3I), du droit de formuler des observations ou de se taire (1).

La loi encadre précisément les droits de la personne gardée à vue (2) ; le législateur en assure l'effectivité par le droit à l'information du prévenu dont participe l'obligation de notification immédiate qui en constitue la réalisation concrète. Aussi, la notification des droits constitue, en tant que telle, un droit procédural (3), dont la violation est susceptible d'être sanctionnée par la nullité de la procédure de garde à vue.

La rédaction impérative du texte de l'article 63-1 du Code de procédure pénale, assortie de l'adverbe "immédiatement" n'autorise aucun retard dans la notification des droits. A cet égard, le Professeur Pradel relevait (4) que les "délais en procédure pénale sont, en général, insusceptibles d'être transgressés car ils sont fondés soit sur l'intérêt général, soit sur les droits de la défense (que l'on peut aussi interpréter comme un cas particulier d'intérêt général)". En ce sens, la Chambre criminelle de la Cour de cassation veille à ce que la notification des droits aux intéressés intervienne dès leur placement en garde à vue. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a rappelé que la décision de placer en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction relève d'une faculté que l'officier de police judiciaire tient de la loi et qu'il exerce dans les conditions qu'elle définit (5).

La jurisprudence a ainsi jugé que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifiée par une circonstance insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

La mesure doit, cependant, s'articuler aux contraintes opérationnelles des services d'enquête et tenir compte des spécificités factuelles de l'espèce. La Cour de cassation a ainsi jugé que le délai de trente-cinq minutes entre le début de la mesure et la notification des droits ne suffit pas à caractériser le caractère tardif dès lors qu'il correspond au temps nécessaire à la patrouille de police, accompagnée de l'intéressé, pour se rendre au commissariat. L'argument du pourvoi n'avait donc que peu de chances de prospérer.

II - L'état d'ivresse du gardé à vue constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification

La jurisprudence ne semble pas reconnaitre à l'adverbe "immédiatement" un caractère absolu. Au contraire, elle considère classiquement que l'état d'ivresse de l'intéressé est une circonstance insurmontable empêchant le gardé à vue de comprendre les droits qui lui sont notifiés et de les exercer utilement (8). Dans un arrêt du 4 janvier 1996, elle avait déjà considéré qu'il convenait de différer la notification de ses droits au gardé à vue pendant le temps nécessaire au dégrisement. En revanche, la personne doit recevoir la notification aussitôt qu'elle est en état d'être utilement informée (9). A l'opposé, la notification immédiate des droits à un gardé à vue en état d'ébriété n'est pas, en soi, irrégulière, dès lors que l'officier de police judiciaire avait constaté que le prévenu était en état de répondre aux interpellations et qu'il avait confirmé qu'il se sentait capable de répondre aux questions (10).

En d'autres termes, la notification des droits ne peut intervenir qu'à partir du moment où la personne gardée à vue est en état d'en comprendre la portée (11) : la notification doit intervenir après, mais aussitôt, le temps nécessaire au dégrisement. En conséquence, les juges qui considèrent qu'une notification des droits est tardive doivent s'expliquer sur les mentions non contestées du procès-verbal de l'officier de police judiciaire ayant constaté que le prévenu se trouvait dans un état d'imprégnation alcoolique tel "qu'il n'avait pas assez de lucidité pour s'entendre notifier les droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale ni les exercer utilement" (12).

La Chambre criminelle a également rappelé qu'était régulière la procédure au terme de laquelle la personne avait été immédiatement informée de ses droits, dès la décision de garde à vue, même si celle-ci était intervenue après que la personne ait été retenue dans les locaux de la police le temps nécessaire au dépistage de son imprégnation alcoolique, dès lors que le Code de la route permet aux agents et officiers de police judiciaire de retenir l'individu pour établir son alcoolémie, sans que celui-ci soit placé en garde à vue (13).

Pragmatique, la jurisprudence veille classiquement à l'efficacité de la notification afin que le prévenu puisse utilement exercer ses droits. C'est en ce sens que la cour d'appel avait en l'espèce caractérisé, de façon très didactique, les différents éléments du régime de la notification des droits :

- le défaut de lucidité du prévenu qui ne pouvait comprendre les droits notifiés ;

- l'appréciation souveraine des policiers pour établir l'incapacité du prévenu à comprendre la mesure et ses droits ;

- la preuve du délai du dégrisement par l'exercice d'un nouveau contrôle d'alcoolémie. Ce délai pose le point de départ de la notification immédiate.

La cour d'appel relevait, dans l'espèce rapportée, que ces différents éléments étaient opportunément caractérisés dans les procès-verbaux établis par les policiers. Forts de ces considérations, les juges du fond avaient procédé à un contrôle poussé de la régularité de la procédure. C'est ainsi qu'ils avaient considéré que les policiers avaient "à bon droit" reporté la notification des droits au gardé à vue. La Cour de cassation procède au même contrôle. Se retranchant derrière la motivation des juges du fond, elle relève que ceux-ci avaient caractérisé une circonstance insurmontable ayant retardé la notification des droits. La jurisprudence antérieure est donc confirmée.


(1) J. Buisson, Le droit à l'information, Procédures 2014, comm. 214.
(2) J.-L. Lennon, La garde à vue : quelques principes essentiels rappelés par la Cour de cassation, Dalloz 2005, p. 761.
(3) G. Taupiac-Nouvelle, A. Botton, La réforme du droit à l'information en procédure pénale, JCP G, 2014, doctr., 802.
(4) J. Pradel, Une nullité ne saurait résulter du retard apporté à la notification des droits de la personne gardée à vue en raison de son état d'ébriété, D.,1996, p. 261.
(5) Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB).
(6) Cass. crim. 14 décembre 1999, n° 99-82.855 (N° Lexbase : A5684AWG), D., 2000, p. 44 ; Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-86.221 (N° Lexbase : A4004CGE) et Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-82.997 (N° Lexbase : A3370AUD) ; Cass. crim., 24 juin 2009, n° 08-87.241, FS-P+F (N° Lexbase : A1173EKN).
(7) Cass. crim., 6 janvier 2015, n° 13-87.652, F-P+B (N° Lexbase : A0705M9Y).
(8) V. déjà Cass. crim., 3 avril 1995, n° 94-81.792 (N° Lexbase : A8774ABL) ; J.-P. Dinthillac, Garde à vue. Notification des droits. Etat d'ébriété, RSC, 1995, p. 609.
(9) Cass. crim., 4 janvier 1996, n° 95-84.330 (N° Lexbase : A9239ABS) ; Bull. crim., n° 5 ; Dr. pénal 1996, comm. n° 90, obs. Maron.
(10) Cass. crim., 10 mai 2000, n° 00-80.865 (N° Lexbase : A9173CGT).
(11) Cass. crim., 28 juillet 1999, n° 99-83.193 (N° Lexbase : A6990C4N) ; Cass. crim., 18 octobre 2000, n° 00-83.656 (N° Lexbase : A6280CWI) ; Cass. crim., 3 mai 2001, n° 00-82.342 (N° Lexbase : A8296CLT) ; Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB) ; Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.466 (N° Lexbase : A7996NDI) ; Cass. crim., 7 décembre 2011, n° 10-86.735, F- D (N° Lexbase : A1442IBZ) ; Cass. crim., 1er octobre 2013, n° 12-86.831, F-D (N° Lexbase : A3369KMQ).
(12) Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB), D., 2005, p. 761 ; Cass. crim., 19 décembre 2007, n° 07-81.740, F-D (N° Lexbase : A5096E37).
(13) Cass. crim., 11 décembre 2007, n° 06-87.931 (N° Lexbase : A7995NDH).

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Avocats/Périmètre du droit

[Jurisprudence] Garde à vue : report de la notification des droits jusqu'au dégrisement

Réf. : Cass. crim., 18 février 2015, n° 13-87.291, F-D (N° Lexbase : A0144NCC)

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par Gaëlle Deharo, Professeur, Laureate International Universities (ESCE), Centre de recherche sur la justice et le procès, Université Paris 1

Le 26 Mars 2015

Dans un arrêt du 18 février 2015, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu que l'état d'ivresse du gardé à vue, qui ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure, ni la notification des droits, constitue une circonstance insurmontable qui justifie que la notification des droits ait été différée jusqu'à dégrisement. Le prévenu avait été interpellé pour avoir conduit un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et commis des violences aggravées sur un policier. Sur ces deux fondements, il fut placé en garde à vue. Les fonctionnaires de police procédèrent au contrôle du taux d'alcoolémie du prévenu. Celui-ci révélait un taux de 0,85 mg d'alcool par litre d'air expiré. Le procès-verbal établi par les policiers mentionnait expressément que le prévenu était alcoolisé et ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure de garde à vue. Ils décidèrent donc de différer la notification des droits qui intervint plus de sept heures plus tard, après une nouvelle vérification du taux d'alcoolémie.

Le prévenu soulevait le caractère tardif de la notification de ses droits et concluait à la nullité de la garde à vue.

Ces prétentions furent cependant rejetées par les juges du fond. La cour d'appel relevait successivement :

- que le prévenu ne disposait pas de la lucidité nécessaire pour comprendre la mesure de garde à vue ;

- que la décision de différer la notification relevait de l'appréciation souveraine des policiers ;

- que la notification était intervenue après une nouvelle vérification du taux d'alcoolémie laissant apparaitre un taux de 0,37 mg d'alcool par litre d'air expiré.

Elle rejetait donc les exceptions de nullité dont arguait l'appelant. Un pourvoi fut formé contre cette décision. La Cour de cassation était ainsi une nouvelle fois saisie de la question de l'articulation de l'obligation faite aux forces de l'ordre de notifier immédiatement ses droits au gardé à vue, de la nécessité pour celui-ci d'être en état de comprendre la mesure et les droits qui lui sont notifiés et de l'état d'ébriété du prévenu. La solution est désormais classique : la notification des droits intervient dès le placement en garde à vue (I). Elle peut, cependant, être différée jusqu'au dégrisement lorsque le gardé à vue n'est pas en état de comprendre la mesure, ni les droits qui lui sont notifiés. La Cour de cassation vient, par l'arrêt rapporté, réaffirmer cette jurisprudence : l'ivresse du prévenu constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification des droits (II).

I - La notification immédiate

La garde à vue est une mesure qui porte atteinte aux droits et libertés individuels. Aussi, elle est strictement encadrée par le législateur. En l'espèce rapportée, le demandeur à la cassation alléguait du caractère tardif de la notification de ses droits pour conclure à la nullité de la mesure de garde à vue. Le moyen invoquait, dans cette perspective, une interprétation stricte du texte imposant une notification immédiate.

La matière repose sur l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3163I3K) qui dispose que "la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend", de son placement en garde à vue et de la durée de la mesure, de la qualification des faits, de ses droits de faire prévenir un proche et son employeur, d'être examinée par un médecin, d'être assistée d'un avocat, d'être assistée d'un interprète, de consulter les documents visés à l'article 63-4-1 (N° Lexbase : L3162I3I), du droit de formuler des observations ou de se taire (1).

La loi encadre précisément les droits de la personne gardée à vue (2) ; le législateur en assure l'effectivité par le droit à l'information du prévenu dont participe l'obligation de notification immédiate qui en constitue la réalisation concrète. Aussi, la notification des droits constitue, en tant que telle, un droit procédural (3), dont la violation est susceptible d'être sanctionnée par la nullité de la procédure de garde à vue.

La rédaction impérative du texte de l'article 63-1 du Code de procédure pénale, assortie de l'adverbe "immédiatement" n'autorise aucun retard dans la notification des droits. A cet égard, le Professeur Pradel relevait (4) que les "délais en procédure pénale sont, en général, insusceptibles d'être transgressés car ils sont fondés soit sur l'intérêt général, soit sur les droits de la défense (que l'on peut aussi interpréter comme un cas particulier d'intérêt général)". En ce sens, la Chambre criminelle de la Cour de cassation veille à ce que la notification des droits aux intéressés intervienne dès leur placement en garde à vue. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a rappelé que la décision de placer en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction relève d'une faculté que l'officier de police judiciaire tient de la loi et qu'il exerce dans les conditions qu'elle définit (5).

La jurisprudence a ainsi jugé que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifiée par une circonstance insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

La mesure doit, cependant, s'articuler aux contraintes opérationnelles des services d'enquête et tenir compte des spécificités factuelles de l'espèce. La Cour de cassation a ainsi jugé que le délai de trente-cinq minutes entre le début de la mesure et la notification des droits ne suffit pas à caractériser le caractère tardif dès lors qu'il correspond au temps nécessaire à la patrouille de police, accompagnée de l'intéressé, pour se rendre au commissariat. L'argument du pourvoi n'avait donc que peu de chances de prospérer.

II - L'état d'ivresse du gardé à vue constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification

La jurisprudence ne semble pas reconnaitre à l'adverbe "immédiatement" un caractère absolu. Au contraire, elle considère classiquement que l'état d'ivresse de l'intéressé est une circonstance insurmontable empêchant le gardé à vue de comprendre les droits qui lui sont notifiés et de les exercer utilement (8). Dans un arrêt du 4 janvier 1996, elle avait déjà considéré qu'il convenait de différer la notification de ses droits au gardé à vue pendant le temps nécessaire au dégrisement. En revanche, la personne doit recevoir la notification aussitôt qu'elle est en état d'être utilement informée (9). A l'opposé, la notification immédiate des droits à un gardé à vue en état d'ébriété n'est pas, en soi, irrégulière, dès lors que l'officier de police judiciaire avait constaté que le prévenu était en état de répondre aux interpellations et qu'il avait confirmé qu'il se sentait capable de répondre aux questions (10).

En d'autres termes, la notification des droits ne peut intervenir qu'à partir du moment où la personne gardée à vue est en état d'en comprendre la portée (11) : la notification doit intervenir après, mais aussitôt, le temps nécessaire au dégrisement. En conséquence, les juges qui considèrent qu'une notification des droits est tardive doivent s'expliquer sur les mentions non contestées du procès-verbal de l'officier de police judiciaire ayant constaté que le prévenu se trouvait dans un état d'imprégnation alcoolique tel "qu'il n'avait pas assez de lucidité pour s'entendre notifier les droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale ni les exercer utilement" (12).

La Chambre criminelle a également rappelé qu'était régulière la procédure au terme de laquelle la personne avait été immédiatement informée de ses droits, dès la décision de garde à vue, même si celle-ci était intervenue après que la personne ait été retenue dans les locaux de la police le temps nécessaire au dépistage de son imprégnation alcoolique, dès lors que le Code de la route permet aux agents et officiers de police judiciaire de retenir l'individu pour établir son alcoolémie, sans que celui-ci soit placé en garde à vue (13).

Pragmatique, la jurisprudence veille classiquement à l'efficacité de la notification afin que le prévenu puisse utilement exercer ses droits. C'est en ce sens que la cour d'appel avait en l'espèce caractérisé, de façon très didactique, les différents éléments du régime de la notification des droits :

- le défaut de lucidité du prévenu qui ne pouvait comprendre les droits notifiés ;

- l'appréciation souveraine des policiers pour établir l'incapacité du prévenu à comprendre la mesure et ses droits ;

- la preuve du délai du dégrisement par l'exercice d'un nouveau contrôle d'alcoolémie. Ce délai pose le point de départ de la notification immédiate.

La cour d'appel relevait, dans l'espèce rapportée, que ces différents éléments étaient opportunément caractérisés dans les procès-verbaux établis par les policiers. Forts de ces considérations, les juges du fond avaient procédé à un contrôle poussé de la régularité de la procédure. C'est ainsi qu'ils avaient considéré que les policiers avaient "à bon droit" reporté la notification des droits au gardé à vue. La Cour de cassation procède au même contrôle. Se retranchant derrière la motivation des juges du fond, elle relève que ceux-ci avaient caractérisé une circonstance insurmontable ayant retardé la notification des droits. La jurisprudence antérieure est donc confirmée.


(1) J. Buisson, Le droit à l'information, Procédures 2014, comm. 214.
(2) J.-L. Lennon, La garde à vue : quelques principes essentiels rappelés par la Cour de cassation, Dalloz 2005, p. 761.
(3) G. Taupiac-Nouvelle, A. Botton, La réforme du droit à l'information en procédure pénale, JCP G, 2014, doctr., 802.
(4) J. Pradel, Une nullité ne saurait résulter du retard apporté à la notification des droits de la personne gardée à vue en raison de son état d'ébriété, D.,1996, p. 261.
(5) Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB).
(6) Cass. crim. 14 décembre 1999, n° 99-82.855 (N° Lexbase : A5684AWG), D., 2000, p. 44 ; Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-86.221 (N° Lexbase : A4004CGE) et Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-82.997 (N° Lexbase : A3370AUD) ; Cass. crim., 24 juin 2009, n° 08-87.241, FS-P+F (N° Lexbase : A1173EKN).
(7) Cass. crim., 6 janvier 2015, n° 13-87.652, F-P+B (N° Lexbase : A0705M9Y).
(8) V. déjà Cass. crim., 3 avril 1995, n° 94-81.792 (N° Lexbase : A8774ABL) ; J.-P. Dinthillac, Garde à vue. Notification des droits. Etat d'ébriété, RSC, 1995, p. 609.
(9) Cass. crim., 4 janvier 1996, n° 95-84.330 (N° Lexbase : A9239ABS) ; Bull. crim., n° 5 ; Dr. pénal 1996, comm. n° 90, obs. Maron.
(10) Cass. crim., 10 mai 2000, n° 00-80.865 (N° Lexbase : A9173CGT).
(11) Cass. crim., 28 juillet 1999, n° 99-83.193 (N° Lexbase : A6990C4N) ; Cass. crim., 18 octobre 2000, n° 00-83.656 (N° Lexbase : A6280CWI) ; Cass. crim., 3 mai 2001, n° 00-82.342 (N° Lexbase : A8296CLT) ; Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB) ; Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.466 (N° Lexbase : A7996NDI) ; Cass. crim., 7 décembre 2011, n° 10-86.735, F- D (N° Lexbase : A1442IBZ) ; Cass. crim., 1er octobre 2013, n° 12-86.831, F-D (N° Lexbase : A3369KMQ).
(12) Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB), D., 2005, p. 761 ; Cass. crim., 19 décembre 2007, n° 07-81.740, F-D (N° Lexbase : A5096E37).
(13) Cass. crim., 11 décembre 2007, n° 06-87.931 (N° Lexbase : A7995NDH).

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Droit financier

[Brèves] Inconstitutionnalité du cumul des poursuites pour manquement d'initié et des poursuites pour délit d'initié

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18 mars 2015 (N° Lexbase : A7983NDZ)

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Le 26 Mars 2015

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions relatives aux manquements d'initié en ce qu'elles se cumulent avec celles relatives au délit d'initié (Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18 mars 2015 N° Lexbase : A7983NDZ). Tout d'abord, il a jugé les dispositions de l'article 6 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9881IQZ) et de l'article L. 621-20-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3133HZ3) conformes à la Constitution. Ensuite, il a examiné l'article L. 465-1 du même code (N° Lexbase : L5192IXL), relatif au délit d'initié réprimé par le juge pénal, et l'article L. 621-15 (N° Lexbase : L5045IZU) relatif au manquement d'initié réprimé par l'AMF. Il a procédé à un quadruple examen qui a révélé que (i) les deux articles contestés définissent et qualifient de la même manière le manquement d'initié et le délit d'initié ; (ii) les deux répressions protègent les mêmes intérêts sociaux ; (iii) les faits réprimés doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente ; (iv) et, dès lors que l'auteur d'un manquement d'initié n'est pas une personne ou entité mentionnée au paragraphe II de l'article L. 621-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3760I3N), la sanction qu'il encourt et celle qu'encourt l'auteur d'un délit d'initié relèvent toutes deux des juridictions de l'ordre judiciaire. Par conséquent, les articles L. 465-1 et L. 621-15 méconnaissent, en ce qu'ils peuvent être appliqués à une personne ou entité autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9, le principe de nécessité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré ces dispositions contraires à la Constitution, ainsi que les dispositions des articles L. 466-1 (N° Lexbase : L2167INL), L. 621-15-1 (N° Lexbase : L4337I7R), L. 621-16 (N° Lexbase : L3132G9U) et L. 621-16-1 (N° Lexbase : L4336I7Q) du Code monétaire et financier qui en sont inséparables. Il a reporté au 1er septembre 2016 la date d'abrogation de ces dispositions. Par ailleurs, il a précisé que des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l'article L. 621-15, à l'encontre d'une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9, dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant le juge pénal sur le fondement de l'article L. 465-1 ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne. De la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l'article L. 465-1 dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant l'AMF sur le fondement de l'article L. 621-15 ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l'encontre de la même personne.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Les modalités de renonciation à la clause de non-concurrence doivent être définies avec clarté et précision par le contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-22.257, FS-P+B (N° Lexbase : A3163NDI)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 26 Mars 2015

Plus que jamais, l'employeur doit se montrer extrêmement vigilant lorsqu'il propose à la signature du salarié une clause de non-concurrence, car les règles qui s'appliquent, à défaut de dispositions contractuelles ou conventionnelles claires et précises, protègent clairement les intérêts du salarié, et nullement ceux de l'entreprise. C'est ce que confirme un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 11 mars 2015, dans une hypothèse où la clause rédigée par les parties ne mentionnait pas clairement le droit qu'aurait l'employeur de renoncer à la clause avant la rupture du contrat de travail (I). Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que la renonciation ne peut intervenir qu'au moment de la rupture, et avant l'expiration du délai contractuel très court qui avait été stipulé (II).
Résumé

La clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention.

Commentaire

I - Une clause de renonciation mal rédigée

De la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence. La Cour de cassation considère, depuis 1993, que l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à la clause de non-concurrence assortie d'une contrepartie financière s'il n'y est pas autorisé par le contrat de travail ou la convention collective (1). La solution est justifiée par le fait que l'existence d'une contrepartie financière stipulée dès la conclusion de la clause présente un intérêt également pour le salarié que l'employeur ne peut donc pas léser unilatéralement (2). Cette affirmation a bien entendu été confortée par la généralisation de l'exigence de contrepartie financière après 2002 (3). Reste à déterminer de quelle marge de manoeuvre disposent les partenaires sociaux, ou les parties au contrat de travail, puisqu'ils sont invités à prévoir, dès l'origine, les modalités de renonciation de l'employeur à la clause.

Si les parties ont enfermé l'exercice de cette prérogative dans un bref délai à compter de la rupture du contrat, alors l'employeur doit respecter ce délai, à défaut de quoi, sa renonciation sera inopposable au salarié (4). La Cour de cassation est ici très vigilante sur le respect des termes du contrat qui doivent être explicites (5).

Depuis l'arrêt "Société Dyneff", rendu en 2010, il semble également que la durée contractuelle laissée à l'employeur pour renoncer à la clause, doit être brève, celui-ci ne pouvant se voir autorisé à renoncer à la clause pendant toute sa durée de vie (6).

En l'absence de délai, la renonciation doit intervenir au moment de la rupture du contrat de travail, "le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler" (7). C'est d'ailleurs pour cette même raison que la renonciation doit intervenir à la date à laquelle l'employeur dispense le salarié de l'exécution de son préavis, et non à la date à laquelle les relations juridiques entre les parties cessent, c'est-à-dire à l'expiration du préavis (8).

Les faits. Un salarié était lié par une clause de non-concurrence assortie d'une faculté de renonciation accordée à l'employeur et devant lui être notifiée dans les huit jours suivant la rupture du contrat de travail. Le 22 février 2010, il avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le 7 avril, son employeur lui faisait part de sa décision de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence, et le 28 juin il lui notifiait son licenciement. Après le rejet en mars 2012 de sa demande de résiliation judiciaire, la juridiction prud'homale avait considéré le licenciement comme justifié et lui avait attribué plus de vingt mille euros au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

En appel, la cour avait également rejeté la demande de résiliation judiciaire mais considéré pour sa part le licenciement comme injustifié. S'agissant de la clause de non-concurrence, elle avait considéré la renonciation comme valable, après avoir observé qu'en indiquant que "l'entreprise pouvait lever ou réduire l'interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail", les parties n'avaient pas entendu interdire à l'employeur de renoncer à la clause, avant la notification de la rupture.

C'est sur ce motif qu'est cassé l'arrêt d'appel, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérant que "la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention". En l'absence de telle clause, la renonciation anticipée de l'employeur n'était donc pas valable.

II - La banalisation de la clause de non-concurrence

Interprétation de la décision. La solution étant rendue au double visa des articles L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), deux interprétations peuvent être proposées.

La première tient à la violation du régime applicable aux clauses de non-concurrence par la jurisprudence, et qui est rattaché à l'article L. 1221-1 du Code du travail. Un employeur, qui s'est engagé à verser au salarié une contrepartie financière après la rupture de son contrat de travail, ne pourrait renoncer à cet engagement que s'il y a été autorisé par l'accord collectif ou le contrat, et à condition de le faire au moment où le contrat de travail est rompu, et jamais avant, quels que soient les termes de l'acte l'y autorisant. Cette solution irait donc de paire avec celle qui interdit à l'employeur de verser par anticipation la contrepartie financière (9). Dans cette optique, la clause de non-concurrence stipulée pour s'exécuter après rupture du contrat, verrait son régime figé pendant la durée d'exécution du contrat, et ne pourrait être modifiée qu'au moment de la rupture, soit pour cesser, si tel a été prévu par les parties, soit pour s'exécuter normalement, en l'absence de renonciation valablement intervenue.

Il ne semble pas que cette interprétation doive prévaloir ici, compte tenu des termes mêmes de l'arrêt. La Cour y affirme en effet que "l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention". En réservant expressément la faculté pour les parties de prévoir la renonciation à la clause en cours d'exécution du contrat de travail, la Cour de cassation ne ferait pas de cette règle un élément impératif, mais seulement une disposition supplétive s'imposant, à défaut de stipulation contraire dans l'accord collectif ou le contrat de travail.

Une seconde interprétation, liée à la présence dans le visa de l'article 1134 du Code civil aux côtés de l'article L. 1221-1 du Code du travail, qui sert de texte de rattachement au régime général des clauses du contrat de travail, tient donc certainement, plus prosaïquement, aux termes de la clause en l'espèce, et donc à une différence d'interprétation avec la cour d'appel.

Celle-ci avait, pour sa part, considéré les termes "précis" de la clause et indiqué que "l'entreprise pouvait lever ou réduire l'interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail", ce dont l'employeur, et avec lui la cour d'appel, avait cru pouvoir déduire que la mention "au plus tard" autorisait une renonciation intervenant avant la rupture, y compris si le contrat était en cours d'exécution (10).

Pour la Cour de cassation, bien au contraire, la clause faisait référence, pour décompter le délai de renonciation de huit jours, à la rupture du contrat de travail, ce qui suffisait à considérer que cette renonciation ne pouvait intervenir qu'à compter de la rupture, et non en cours d'exécution du contrat de travail.

En cassant l'arrêt de la cour d'appel, pour violation de la loi, sans faire référence à une quelconque dénaturation de la clause, la Cour de cassation a certainement voulu affirmer que la possibilité de renoncer à la clause pendant l'exécution du contrat de travail doit résulter des termes clairs et précis de la clause, et que tel n'est pas le cas lorsque les parties se contentent de situer le pouvoir de renonciation au moment de la rupture, ce qui suggère fortement qu'elles n'ont pas entendu autoriser l'employeur à rompre avant ce moment.

Une approche de la renonciation globalement discutable. Nous comprenons les arguments qui ont poussé la Cour de cassation à affirmer, depuis 1993, que le salarié, lorsqu'il perçoit une contrepartie financière, a intérêt au maintien de la clause, au même titre que l'employeur ; la considération de sa soumission future, et moyennant rémunération, à une clause de non-concurrence peut, en effet, déterminer le salarié dans son attitude professionnelle, et le dissuader de rechercher un autre emploi directement concurrentiel du sien. Il peut donc, dans une certaine mesure, "compter" sur cette contrepartie pour construire son parcours professionnel, au moins pendant les quelques mois où il sera tenu de respecter son obligation de non-concurrence. Le priver de cette contrepartie serait donc, pour analyser la situation du seul point de vue du salarié, une sorte d'atteinte à une espérance légitime de créance, assimilable à une violation de son droit aux biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9). Sans aller jusqu'à chercher le secours d'un droit "fondamental", on pourrait d'ailleurs observer, plus classiquement, que l'article 1134 du Code civil suffit à justifier la solution, seules les parties pouvant défaire ce qu'elles ont fait ensemble (11), la clause de non-concurrence étant devenue, singulièrement depuis 2002, le parfait exemple du contrat synallagmatique dans lequel chaque obligation aurait pour cause l'engagement de l'autre partie, dans un parfait équilibre commutatif (12).

Le problème est que cette explication, qui est réaffirmée à chaque nouvelle décision rendue depuis 1993 en matière de renonciation par l'employeur, ne nous convainc pas, et la logique synallagmatique qui la sous-tend ne nous semble pas non plus expliquer toute la jurisprudence en la matière.

Il nous semble tout d'abord abusif d'affirmer que le salarié et l'employeur ont un égal intérêt à la clause de non-concurrence, comme ils auraient un égal intérêt au contrat de travail. S'agissant de la clause de non-concurrence, la contrepartie financière n'est, comme son nom l'indique d'ailleurs, que ce qui est versé au salarié en "contrepartie", c'est-à-dire en compensation de la privation de la liberté professionnelle que réalise la clause de non-concurrence (13). Mais s'il est exact d'affirmer que la contrepartie a pour cause l'obligation de non-concurrence, il est erroné d'affirmer que l'affirmation serait réversible ; l'obligation de non-concurrence n'a pas pour cause la contrepartie financière, mais la nécessité de sauvegarder les intérêts légitimes de l'entreprise, comme l'affirme d'ailleurs classiquement la jurisprudence depuis 1992 (14). Les deux obligations ne sont donc pas synallagmatiques, comme peuvent l'être, dans le contrat de travail, l'obligation de fournir le travail convenu et celle de payer le salaire, et si cause il y a, c'est plutôt dans la théorie de la causalité qu'il convient de chercher, l'intérêt de l'entreprise commandant d'empêcher le salarié de faire concurrence à celle-ci après la rupture du contrat de travail, et cette obligation de non-concurrence devant alors être compensée par le versement d'une contrepartie financière. C'est donc l'intérêt de l'entreprise qui apparaît en premier, et celui du salarié en second, comme une conséquence induite.

Dans ces conditions, plutôt que de tout faire pour sauver la clause coûte que coûte et parfois en dépit de la logique économique de la clause (15), ne faudrait-il pas, au contraire, laisser la clause disparaître lorsqu'elle n'a plus d'utilité pour l'entreprise, et autoriser l'employeur à renoncer ?


(1) Cass. soc., 17 février 1993, n° 89-43.658 (N° Lexbase : A1706AAG) : Bull. civ. V, n° 57 ; D., 1993, jurispr. p. 347, note Y. Serra ; D., 1993, somm. p. 258, obs. J. Goineau ; Cass. soc., 4 juin 1998, n° 95-41.832 (N° Lexbase : A5357ACE) : Bull. civ. V, n° 299 ; D., 1999, somm. p. 37, obs. A. Bouilloux ; Cass. soc., 28 novembre 2001, n° 99-46.032, F-D (N° Lexbase : A2968AX9) ; Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-41.635, F-D (N° Lexbase : A2325GAD) ; Cass. soc., 28 novembre 2001, n° 99-46.032, F-D (N° Lexbase : A2968AX9).
(2) Cass. soc., 17 février 1993, n° 89-43.658, préc. : "cette clause était instituée, non seulement dans l'intérêt de l'employeur, mais également dans celui du salarié qui, d'après les énonciations du jugement attaqué, recevait, en application du contrat, une contrepartie financière".
(3) Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-44.902, F-D (N° Lexbase : A7348DGA) ; Cass. soc., 27 février 2007, n° 05-43.600, F-D (N° Lexbase : A4164DUR) ; Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-41.635, F-D, préc..
(4) Sur la variété des clauses conventionnelles, J.-Y. Kerbourc'h, Inventaire des stipulations contractuelles in Clauses de non-concurrence, SSL, suppl. 2004, n° 1168, p. 52.
(5) Ainsi, si l'accord collectif prévoit que la faculté doit résulter d'une mention expresse, présente dans la rupture conventionnelle, alors l'absence de cette mention interdit à l'employeur de se prévaloir de sa renonciation : Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-25.451, F-D (N° Lexbase : A2474NBA).
(6) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y) : JCP éd. S, 2010, p. 1410, note D. Asquenazi-Bailleux.
(7) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R, préc. ; Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-18.566, F-D (N° Lexbase : A9321M3M) (renonciation intervenue quatre mois plus tard).
(8) Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-24.471, FS-P+B (N° Lexbase : A2583NAW).
(9) Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05-45.511, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6024DUN) et nos obs., Indemnité compensatrice de non-concurrence : la fin des versements anticipés ?, Lexbase Hebdo n° 252 du 15 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3315BAZ) ; D., 2007, p. 1708, note C. Lefranc-Hamoniaux ; RLDC, 2007, n° 38, p. 13, note S. Pourtau ; RDT, 2007, p. 308, note G. Auzero, "la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a pour objet d'indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail, est tenu d'une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi ; que son montant ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat ni son paiement intervenir avant la rupture".
(10) CA Colmar, 27 juin 2013, n° 12/02206 (N° Lexbase : A7529MTZ).
(11) En ce sens, voir les analyses de Y. Serra, notamment au D., 1993, préc..
(12) C. Tétard, Réflexions sur le régime de la renonciation à la clause de non-concurrence, JCP éd. S, 2006, p. 1885.
(13) Dans le même sens, G. Auzero : "Souvent présentée comme la cause de l'engagement du salarié, cette contrepartie s'apparente fort à une indemnité compensatrice, alors même que la Cour de cassation l'analyse comme un salaire" : Lexbase Hebdo n° 326 du 13 novembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6973BHQ), comm ss. Cass. soc., 29 octobre 2008, n° 07-43.093, FS-P (N° Lexbase : A0715EB4).
(14) Cass. soc., 14 mai 1992, n° 89-45.300 (N° Lexbase : A1723AA3) et les obs. de D. Corrignan-Carsin, Validité de la clause de non-concurrence et protection des intérêts légitimes de l'entreprise, Dr. soc., 1992, p. 967 s..
(15) Tel est le cas lorsque la clause survit à l'entreprise : Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-26.374, FS-P+B (N° Lexbase : A2694NAZ), voir S. Tournaux, La clause de non-concurrence protégeant les intérêts d'une entreprise... qui a disparu !, Lexbase Hebdo n° 600 du 5 février 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N5824BUA) ; Cass. soc., 5 avril 2005, n° 02-45.540, FS-P+B (N° Lexbase : A7512DHP) et nos obs., Une clause de non-concurrence ne peut être caduque, Lexbase Hebdo n° 163 du 14 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3076AIR), ou que le salarié part à la retraite et ne va donc pas monnayer quelque secret au bénéfice d'un nouvel employeur. Seul le décès éteint le droit à contrepartie, ce qui est logique puisqu'il n'y a alors plus de sujet de liberté professionnelle : Cass. soc., 29 octobre 2008, n° 07-43.093, FS-P, préc..

Décision

Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-22.257, FS-P+B (N° Lexbase : A3163NDI).

Cassation partielle (CA Colmar, 27 juin 2013, n° 12/02206 N° Lexbase : A7529MTZ).

Textes visés : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) et C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC).

Mots clef : clause de non-concurrence ; renonciation.

Liens base : (N° Lexbase : E8734ESB).

newsid:446557

Fiscalité internationale

[Brèves] Lutte contre l'évasion fiscale des entreprises: présentation par la Commission européenne d'un paquet de mesures sur la transparence fiscale

Réf. : Communiqué de presse de la Commission européenne du 18 mars 2015

Lecture: 2 min

N6572BUX

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Le 02 Avril 2015

La Commission européenne a présenté, le 18 mars 2015, un paquet de mesures sur la transparence fiscale dans le cadre de son programme ambitieux de lutte contre l'évasion fiscale des entreprises et la concurrence fiscale dommageable au sein de l'UE. Un élément clé de ce paquet sur la transparence fiscale est la proposition visant à introduire l'échange automatique d'informations entre les Etats membres en ce qui concerne leurs décisions fiscales. Au coeur de ce paquet de mesures sur la transparence fiscale, il se trouve une proposition législative dont l'objectif est d'améliorer la coopération entre les Etats membres en ce qui concerne leurs décisions fiscales en matière transfrontière. En effet, les Etats membres ignorent souvent qu'une décision fiscale en matière transfrontière a été délivrée ailleurs dans l'UE, qui pourrait avoir une incidence sur leurs propres assiettes fiscales. Pour remédier à cette situation, la Commission propose de supprimer cette marge de discrétion et d'interprétation. La Commission propose de fixer un calendrier strict: tous les trois mois, les autorités fiscales nationales devront envoyer à tous les autres Etats membres un rapport succinct sur toutes les décisions fiscales en matière transfrontière qu'elles ont délivrées. Le train de mesures qui est présenté aujourd'hui comprend également une communication dans laquelle sont exposées une autre série d'initiatives visant à faire progresser la transparence fiscale dans l'UE. Evaluer la possible introduction de nouvelles exigences en matière de transparence pour les multinationales. Réviser le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises qui est l'un des principaux outils dont dispose l'UE pour garantir une concurrence loyale dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Ce code fixe les critères qui déterminent si un régime fiscal est dommageable ou non et oblige les Etats membres à supprimer toute mesure fiscale préjudiciable allant à l'encontre de ce code. Quantifier l'ampleur de la fraude et de l'évasion fiscales. Le fait de disposer de statistiques fiables sur l'ampleur et l'impact de ces problèmes contribuerait à mieux cibler les mesures destinées à lutter contre ces phénomènes. Abroger la Directive sur la fiscalité de l'épargne (Directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 N° Lexbase : L6608BH9), ses dispositions étant dépassées depuis que l'UE a adopté une législation plus ambitieuse en la matière, qui prévoit un champ d'application maximal pour l'échange automatique d'informations notamment sur les revenus de l'épargne. Les deux propositions législatives de ce paquet de mesures seront soumises au Parlement européen pour consultation et au Conseil pour adoption. La prochaine étape consistera à présenter avant l'été un plan d'action sur la fiscalité des entreprises comprenant la proposition sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, qui sera de nouveau soumise à la discussion.

newsid:446572

[Jurisprudence] Les effets envers les cofidéjusseurs de la décharge d'une caution pour engagement disproportionné

Réf. : Cass. mixte, 27 février 2015, n° 13-13.709, P+B+R+I (N° Lexbase : A3426NCU)

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N6558BUG

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 26 Mars 2015

Une banque consent successivement à une société quatre prêts, dont son gérant se porte caution solidaire. Les trois derniers prêts sont également garantis par une seconde caution. Cette dernière obtient par la suite, sur le fondement de l'article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C), la décharge de ses engagements, en raison de leur disproportion manifeste. La défaillance de la société débitrice conduit le dispensateur de crédit à assigner en paiement la caution restante. Celle-ci tente d'échapper à ses engagements, en invoquant l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP) : le créancier, en prenant un cautionnement disproportionné aux biens et revenus de son cofidéjusseur, et par conséquent voué à être inefficace, a par son fait perdu un droit dans lequel la caution aurait pu être subrogée. Cette dernière pourrait ainsi se prévaloir du bénéfice de subrogation. Cette argumentation n'a pas prospéré devant la cour d'appel d'Orléans, qui a condamné la caution à payer les sommes dues au créancier. La caution forme un pourvoi en cassation.
La Chambre commerciale, par un arrêt en date du 9 septembre 2014, a ordonné le renvoi de ce pourvoi en chambre mixte. Le 27 février 2015, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la caution, moyennant une substitution de motif. Elle décide que "la sanction prévue par l'article L. 341-4 du Code de la consommation prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs [...] ; le cofidéjusseur, qui est recherché par le créancier et qui n'est pas fondé, à défaut de transmission d'un droit dont il aurait été privé, à revendiquer le bénéfice de l'article 2314 du Code civil, ne peut ultérieurement agir, sur le fondement de l'article 2310 du même code (N° Lexbase : L1209HIM), contre la caution qui a été déchargée en raison de la disproportion manifeste de son engagement". Il apparaît ainsi que cette décision, promise à une large publicité, se prononce sur une double question : celle du bénéfice de subrogation en présence de la décharge d'un cofidéjusseur (I), et celle des recours entre cofidéjusseurs en présence de la décharge de l'un d'eux (II).

I - Le bénéfice de subrogation en présence de la décharge d'un cofidéjusseur

La caution reprochait au créancier la perte d'un droit préférentiel, rendant impossible sa subrogation. Ce faisant, elle cherchait à bénéficier des dispositions de l'article 2314 du Code civil. Ce texte, on le sait, permet à la caution d'obtenir une décharge de son engagement lorsque le créancier, par son fait, a perdu un droit préférentiel dans lequel elle aurait pu être subrogée après paiement. Cette décharge est toutefois plafonnée, à la hauteur de la valeur du droit perdu (1).
La Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, rejette l'argument soulevé par la caution, à juste titre. Elle relève en effet que la caution n'était pas fondée à invoquer le bénéfice de subrogation "à défaut de transmission d'un droit dont [elle] aurait été privée". L'analyse de la Cour est fondée. Il est même permis d'aller plus loin. Plusieurs arguments s'opposent en effet à l'application de l'article 2314 aux faits de l'espèce.

D'abord, la Cour remarque opportunément que la caution ne peut justifier de la privation d'un droit qui aurait pu lui être transmis par le jeu de la subrogation personnelle. Le droit perdu invoqué par elle est le recours après paiement contre son cofidéjusseur dont elle dispose en vertu de l'article 2310. Mais ce droit à recours n'est pas un droit dont serait titulaire le créancier et qui pourrait être transmis à la caution par subrogation. Il s'agit d'un droit qui appartient en propre à la caution. Cette simple constatation suffit à exclure le bénéfice de subrogation des débats.
Il aurait pu, de prime abord, en aller différemment si la caution avait invoqué un recours subrogatoire, sur le fondement de l'article 1251, 3°, du Code civil (N° Lexbase : L0268HPM). En pareille hypothèse, en effet, la caution n'exerce pas un droit qui lui est personnel, mais exerce un droit qui appartenait au créancier, et qu'elle a récupéré par le jeu de la subrogation. Néanmoins, un tel recours subrogatoire serait immanquablement voué à l'échec, car si la caution fonde son recours sur la subrogation, elle ne peut avoir plus de droits que le créancier. Or, celui-ci ne dispose plus de droits envers la caution déchargée pour disproportion, puisqu'il ne peut se prévaloir du cautionnement.

Ensuite, il serait quelque peu incohérent de considérer à la fois que le créancier n'aurait pas dû prendre le cautionnement (puisque disproportionné) et qu'il n'aurait pas dû le laisser perdre... L'avocat général remarquait pertinemment que, puisqu'il n'aurait jamais dû y avoir de cautionnement, la caution pouvait difficilement se prévaloir de sa perte: "si l'on considère que le cautionnement n'aurait pas dû être pris, alors personne ne peut s'en prévaloir. Peut-on, sans incohérence, faire successivement grief au même créancier d'avoir obtenu un cautionnement, puis de l'avoir laissé perdre ?" (2).

Enfin, le bénéfice de subrogation suppose un fait exclusif du créancier. La jurisprudence a une vision large de ce fait, considérant qu'il peut s'agir d'une commission (3) ou d'une omission (4), d'une faute lourde ou d'une simple négligence, etc.. Il est constant en jurisprudence que ce fait doit être exclusivement imputable au créancier (5). En d'autres termes, l'article 2314 ne peut recevoir application lorsque la perte du droit préférentiel est par exemple la conséquence d'une décision administrative (6), ou d'une faute de la caution (7).

Il est délicat, dans l'espèce sur laquelle a statué la Cour de cassation le 27 février dernier, de considérer que la perte du droit (si tant est qu'il y a eu perte d'un droit) est exclusivement imputable au créancier. Son fait fut celui de demander un cautionnement hors de proportion avec les biens et revenus de l'une de ses cautions. Mais la perte elle-même, à savoir la décharge de la caution sur le fondement de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, ne lui est pas directement et exclusivement imputable.

Pour ces différentes raisons, le refus opposé à la caution d'invoquer les dispositions de l'article 2314 du Code civil est pleinement justifié. Il en est de même au sujet du recours entre cofidéjusseurs.

II - Le recours entre cofidéjusseurs en présence de la décharge de l'un d'eux

Dans cet arrêt, se posait également la question de déterminer la portée de la décharge de la caution. Lorsqu'une caution est libérée sur le fondement de l'article L. 341-4, son cofidéjusseur demeure-t-il seul tenu ? Si la réponse est évidente envers le créancier, sur le plan de l'obligation à la dette, ce point était discuté en doctrine en ce qui concerne la contribution à la dette entre cofidéjusseurs. La lettre de l'article L. 341-4 invite à limiter les effets de la décharge aux relations entre la caution et le créancier. En effet, le texte dispose qu'"un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement [...]". Cette formulation pourrait laisser penser que les effets de la décharge lui sont personnels. Si tel était le cas, seul le créancier ne pourrait se prévaloir du cautionnement, la caution solvens n'étant alors pas concernée. L'argument doit toutefois être nuancé, au regard des faibles qualités rédactionnelles des textes issus de la loi "Dutreil" du 1er août 2003 (loi n° 2003-721 N° Lexbase : L3557BLC ; C. consom., art. L. 341-2 N° Lexbase : L5668DLI à L. 341-6). Ainsi, certains auteurs défendaient la solution inverse, remarquant notamment que "la disproportion est une exception personnelle à la caution, opposable erga omnes" (8).

C'est dans cette voie que s'engage la Cour de cassation, dans cet arrêt rendu en Chambre mixte. En retenant que "la sanction prévue par l'article L. 341-4 du Code de la consommation prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs", la Cour affirme très clairement son opinion. Fort logiquement, la conséquence en est que "le cofidéjusseur [...] ne peut ultérieurement agir, sur le fondement de l'article 2310, contre la caution qui a été déchargée en raison de la disproportion manifeste de son engagement". Ainsi, la caution libérée pour disproportion manifeste de son engagement ne peut faire l'objet du recours personnel en remboursement de la part de son cofidéjusseur, sur le fondement de l'article 2310. Cette solution appelle diverses remarques.

D'une part, il serait possible de rapprocher cette solution de celle qui prévaut en cas de nullité de l'engagement du cofidéjusseur. Le parallèle avec la nullité est cependant trompeur : un cautionnement nul est censé n'avoir jamais existé. Il est dès lors impossible de réclamer quoi que ce soit au cofidéjusseur ayant bénéficié de la nullité. En revanche, le cautionnement disproportionné n'est pas nul (9). Il subsiste, mais le créancier ne peut s'en prévaloir. Les deux situations sont par conséquent différentes.

Il semble plus judicieux de rapprocher cette solution de celle retenue en cas d'insolvabilité d'un cofidéjusseur, puisque la part de l'insolvable se répartit entre ses cofidéjusseurs.

D'autre part, cette solution peut paraître sévère pour la caution solvens, qui s'était peut-être engagée en considération de l'existence d'un cofidéjusseur. Elle se retrouvera seule à contribuer à la dette. A ce sujet, il serait d'ailleurs permis de se demander si la caution solvens ne pourrait pas alors invoquer l'erreur pour se libérer de son engagement. La jurisprudence admet en effet que le consentement d'une caution puisse être vicié par l'erreur sur l'existence ou l'efficacité d'autres sûretés bénéficiant au créancier (10). Un obstacle se soulève, toutefois, devant cette possibilité : en tant que vice du consentement, l'erreur doit exister au moment de la conclusion du contrat. Or, la décharge pour disproportion manifeste survient nécessairement postérieurement à cette conclusion.

Enfin, il convient de remarquer que la solution retenue par la Cour de cassation pourrait aboutir à des résultats critiquables. Dans l'hypothèse de l'espèce, la caution libérée est celle qui a rendu service au dirigeant caution. Cela n'est guère choquant. Mais cela ne le deviendrait-il pas si le cofidéjusseur déchargé était le dirigeant ? La seule caution demeurant tenue serait le tiers à la société, qui rendait service, et dont l'engagement est bien plus désintéressé que celui du dirigeant caution.

Pour conclure, il est permis de penser qu'une réforme de la sanction du cautionnement disproportionné serait sans doute la bienvenue. C'est dans cette question de la sanction que se trouvait l'origine du problème soumis à la Cour de cassation dans son arrêt du 27 février 2015. Celle adoptée par les articles L. 313-10 (N° Lexbase : L2693IXZ) et L. 341-4 du Code de la consommation, à savoir que le créancier "ne peut se prévaloir" du cautionnement, n'est guère explicite. Le contrat subsiste, mais le créancier ne peut exiger de la caution l'exécution de ses obligations (sauf si le patrimoine de la caution, au moment où elle est appelée en paiement, ne lui permet d'y faire face). C'est cette subsistance du contrat qui posait en l'espèce la question de savoir si la caution solvens peut recourir contre son cofidéjusseur déchargé pour disproportion.

Pour y remédier, il serait possible de modifier la sanction textuelle, en retenant la nullité. L'inconvénient de la nullité est qu'elle paralyse la possibilité d'appeler ultérieurement la caution si sa situation financière s'améliore.

Une sanction bien plus opportune serait certainement la réduction du cautionnement disproportionné (11).


(1) Nos obs., Rép. civ., V° Cautionnement, Dalloz, 2009, n° 226 et s..
(2) Avis du premier Avocat général L. Le Mesle, p.4.
(3) Par exemple, la mainlevée d'une sûreté donnée sans paiement.
(4) Par exemple le non-renouvellement d'une inscription hypothécaire.
(5) Cass. civ. 1, 3 février 1998, n° 96-15.628 (N° Lexbase : A2273AC8) ; Cass. com., 2 avril 1996, n° 93-19.074 (N° Lexbase : A9424ABN) ; Cass. com., 13 mai 2003, n° 99-21.551, FS-P (N° Lexbase : A0334B7I) ; Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, n° 03-10.631, F-P+B (N° Lexbase : A3566DES) ; Cass. com., 21 février 2012, n° 10-24.239, F-D (N° Lexbase : A3156IDA) ; Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-23.703, F-D (N° Lexbase : A7284IUC), Gaz. Pal., 13 décembre 2012, p.17, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
(6) Cass. civ. 1, 4 janvier 2005, n° 03-10.642, F-D (N° Lexbase : A8708DEA) : valeur des immeubles hypothéqués réduite du fait d'une modification du plan d'occupation des sols.
(7) Cass. com., 6 juillet 2010, n° 09-16.163, F-D (N° Lexbase : A2329E4Z).
(8) Ph. Simler, obs. sous CA Paris, Pôle, 5ème ch., 28 mai 2013, n° 2012/02940 (N° Lexbase : A0411KEX), JCP éd. G, 2013, 1256, n° 4.
(9) Cass. civ. 1, 22 octobre 1996, n° 94-15.615 (N° Lexbase : A8541ABX) ; Cass. civ. 1, 6 avril 2004, n° 01-10.926, FS-P (N° Lexbase : A8238DBQ).
(10) V. notamment Cass. com., 30 novembre 2010, n° 09-16.709, F-D (N° Lexbase : A4553GML), RDBF, 2011, n° 1, p. 70, obs. D. Legeais (erreur sur la présence de cofidéjusseurs).
(11) Nos obs., La sanction du cautionnement disproportionné, Droit & Patrimoine, juin 2004, p. 44.

newsid:446558

Licenciement

[Brèves] Non-respect des dispositions relatives à la procédure de licenciement disciplinaire prévues par la convention collective applicable : absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Réf. : Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-24.252, FS-P+B (N° Lexbase : A1849NE9)

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N6636BUC

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Le 27 Mars 2015

L'article 03.01.6 de la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 (N° Lexbase : X0721AEG), aux termes duquel "outre les attributions traditionnelles et les fonctions supplétives prévues par les dispositions légales et réglementaires, les délégués du personnel sont informés des licenciements pour motif disciplinaire avant exécution de la décision", institue une information des délégués du personnel préalable au licenciement disciplinaire qui, s'ajoutant aux formalités prévues par les dispositions de l'article 05.03.2 de la Convention collective relatives à la procédure disciplinaire, constitue une garantie de fond dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 mars 2015 (Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-24.252, FS-P+B N° Lexbase : A1849NE9).
En l'espèce, engagée le 1er octobre 2001 en qualité d'aide-soignante, puis ayant exercé les fonctions d'infirmière à compter du 3 mai 2010, Mme X a été licenciée pour faute grave par lettre du 1er juillet 2011. Contestant la régularité et le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
La cour d'appel (CA Lyon, 5 juillet 2013, n° 12/08019 N° Lexbase : A6347KIW) ayant déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre, ce dernier s'est pourvu en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9232ESQ).

newsid:446636

Procédure civile

[Brèves] De l'exigence de formulations des prétentions au cours de l'audience devant le tribunal d'instance

Réf. : Cass. civ. 2, 19 mars 2015, n° 14-15.740, F-P+B (N° Lexbase : A1916NEP)

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N6619BUP

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Le 26 Mars 2015

Devant le tribunal d'instance, la procédure est orale et les prétentions des parties doivent être formulées au cours de l'audience. Telle est la règle rappelée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mars 2015 (Cass. civ. 2, 19 mars 2015, n° 14-15.740, F-P+B N° Lexbase : A1916NEP). En l'espèce, pour déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles en paiement de diverses sommes, formulées à l'audience par M. et Mme B., dans une instance les opposant à la société E., le jugement attaqué a énoncé que les conclusions contenant ces demandes n'avaient pas été communiquées à cette société, qui ne comparaissait pas et que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté. A tort, selon les juges suprêmes qui relèvent qu'en statuant ainsi, alors qu'il était régulièrement saisi des demandes soutenues oralement devant lui et qu'il lui appartenait de renvoyer l'affaire à une prochaine audience pour faire respecter le principe de la contradiction, le tribunal a violé les articles 16 (N° Lexbase : L1133H4Q), 446-1 (N° Lexbase : L1138INH), 846 (N° Lexbase : L1188INC) et 847 (N° Lexbase : L1429I8G) du Code de procédure civile (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1585EUA).

newsid:446619

Procédures fiscales

[Brèves] Opposabilité de documents non détenus par l'administration fiscale

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 18 mars 2015, n° 370128, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1286NED)

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N6574BUZ

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Le 31 Mars 2015

L'obligation faite à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux (LPF, art. L. 76 B N° Lexbase : L7606HEG). Ainsi, dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure, s'il s'y croit fondé, d'en demander communication à cette autorité et, en tout état de cause, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition que cette autorité lui avait permis de recueillir. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 mars 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 18 mars 2015, n° 370128, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1286NED). Au cas présent, dans le cadre d'une instance correctionnelle diligentée à l'encontre des associés gérants d'une SA, le vice-président d'un tribunal de grande instance, chargé de l'instruction, a autorisé l'administration fiscale à consulter les pièces du dossier pénal mais non à en prendre des copies. L'administration, pour établir les redressements litigieux, s'est exclusivement fondée sur le contenu des pièces de la procédure correctionnelle ainsi consultées, en particulier les procès-verbaux d'audition des différentes personnes entendues. La société, dûment informée de l'origine mais aussi de la teneur des renseignements obtenus dans l'exercice de son droit de communication par l'administration, a demandé à celle-ci, avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt, de lui communiquer les documents correspondants. L'administration lui a répondu qu'elle ne pouvait lui donner satisfaction, faute de détenir ces pièces, et qu'il lui appartenait de présenter cette demande à l'autorité judiciaire. Enfin, le magistrat chargé de l'instruction a opposé un refus à cette demande, formulée par l'avocat de la société, au motif que celui-ci n'était pas l'avocat d'une des parties au dossier pénal. Les juges du fond ont donné raison à la société requérante (CAA Lyon, 16 mai 2013, n° 12LY01331 N° Lexbase : A7380MQE). Cependant, le Conseil d'Etat a fait droit à la demande de l'administration fiscale en indiquant que le fait que cette dernière avait porté à la connaissance de la société l'ensemble des renseignements fondant l'imposition, que l'autorité judiciaire lui avait permis de recueillir dans l'exercice de son droit de communication, suffisait à établir les redressements litigieux .

newsid:446574

Propriété intellectuelle

[Brèves] Sur l'exception de parodie, pastiche et caricature : l'intention de nuire et la grivoiserie vulgaire attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur constituent une atteinte au droit moral

Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/13168 (N° Lexbase : A6525NAW)

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N6631BU7

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Le 28 Mars 2015

Dans un jugement du 15 janvier 2015, le TGI de Paris a retenu, d'une part, que les modifications, faites par un "humoriste", du texte d'une chanson très connue ne pouvait constituer l'exception de parodie, pastiche et caricature prévues à l'article L. 122-5 du Code de la propriété (N° Lexbase : L3330IXM), dès lors que celles-ci n'étaient motivées que par la seule volonté de salir une artiste reconnue en dénaturant son texte et en y ajoutant des commentaires nauséabonds (TGI Paris, 3ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/13168 N° Lexbase : A6525NAW). Les juges relèvent qu'en l'espèce, les paroles de "l'aigle noir" ont été modifiées pour partie dans la chanson "le rat noir" pour intégrer un rat noir qui n'apparaît jamais dans la chanson de l'auteur et artiste-interprète Barbara, mais le rythme des strophes est conservé ainsi que la mélodie. Pour les juges, le choix du titre "le rat noir" vise la judéité de Barbara et celle de son père et il convient de rappeler que le rat est la représentation habituelle de l'animal nuisible et, par conséquent, le symbole de ce qui doit être détruit. Ce titre et cette image sont utilisés à dessein par l'"humoriste" pour dénaturer la chanson, assimilant le père de Barbara et Barbara elle-même à ces animaux, suggérant qu'ils sont nuisibles et reprenant d'ailleurs une représentation commune aux antisémites. Pour le TGI, la chanson "l'aigle noir", remplacé par le texte de la chanson "le rat noir", est ainsi détournée de son sens et dénaturée. Il apparaît, en outre, que les termes employés par l'"humoriste" sont volontairement grossiers et ce sans servir aucun objectif humoristique. Ils n'ont pour but que d'humilier Barbara, de la présenter non pas comme une victime d'un abus sexuel mais comme participant à un acte sexuel vulgaire. Par ailleurs, ces commentaires qui évoquent un épisode douloureux de l'histoire personnelle de l'auteur qu'elle a sublimé dans la chanson "l'aigle noir" constituent indubitablement une atteinte caractérisée au droit moral de l'auteur. L'intention de l'"humoriste" tant dans la chanson que dans les commentaires n'est pas de rechercher un effet humoristique que l'on cherche vainement en écoutant la chanson ou en visionnant le clip mais manifeste une intention de nuire en transformant une chanson poignante sur l'inceste en une grivoiserie vulgaire et attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur. Un bandeau défilant sur le clip-vidéo précisant qu'il s'agit d'une parodie ne peut valoir exonération a priori pour l'"humoriste" de sa responsabilité. Dans ces conditions, le TGI de Paris retient que l'atteinte au droit moral de l'auteur sur l'oeuvre "l'aigle noir" par le clip vidéo dénommé "le rat noir" et la chanson "le rat noir" est constituée et condamne l'"humoriste" à 50 000 euros de dommages-intérêts.

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QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Octobre à Décembre 2014

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N6554BUB

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par Mathieu Disant, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

Le 26 Mars 2015

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Membre du CERCRID (CNRS / UMR 5137), Membre du Centre de recherche en droit constitutionnel de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), Expert international, s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. La période examinée (octobre à décembre 2014) ne manque pas de renseigner différents aspects procéduraux. On rencontre de plus en plus souvent le cas dans lequel le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur une version antérieure du texte faisant l'objet d'une QPC (par ex., Cons. const., décision n° 2014-419 QPC du 8 octobre 2014 N° Lexbase : A9168MXT). L'appréciation de la version du texte contesté n'est d'ailleurs pas toujours aisée, aussi parce que cela peut conditionner l'appréciation de ce qui a déjà été jugé (voir Cons. const., décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014 N° Lexbase : A0029MYQ). On rappellera qu'une disposition qui n'est plus en vigueur ne prive pas la QPC de son intérêt (Cons. const., décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014 N° Lexbase : A5347MYP). Quant aux QPC "en chaîne", on mentionnera une nouvelle affaire concernant le secteur du transport particulier de personnes : après le régime des motos-taxis (1), le Conseil s'est penché sur celui des voitures de tourisme avec chauffeur (Cons. const., décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014 N° Lexbase : A5347MYP). On constate ainsi combien le contentieux constitutionnel peut constituer un levier, plus ou moins efficace, dans la compétition économique et juridique que peuvent se livrer des concurrents... Enfin, au rang des réjouissances procédurales, on appréciera, non sans quelque circonspection mêlée d'anachronisme, que la QPC puisse conduire le Conseil constitutionnel à se prononcer sur un "décret" de 1793 (c'est-à-dire une loi "décrétée" par la Convention nationale)... tel qu'interprété par un arrêt... de 1842 (Cons. const., décision n° 2014-430 QPC du 21 novembre 2014 N° Lexbase : A8374M3K).

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC

1 - Notion de "disposition législative"

Dans la décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014 (N° Lexbase : A0011MZG), relative à la Cour de discipline budgétaire et financière, le Conseil constitutionnel s'appuie sur une décision de déclassement (décisions "L") pour apprécier le caractère réglementaire de certaines dispositions contestées et leur modification par décret. Lorsqu'il est saisi de dispositions législatives partiellement modifiées par décret et alors que ces modifications ne sont pas séparables des autres dispositions, le Conseil se prononce sur les dispositions de nature législative au regard de l'ensemble des dispositions qui lui sont renvoyées. Cela intègre donc les dispositions de nature réglementaire, à ceci près qu'il ne statue, bien entendu, que sur les dispositions de valeur législative.

La question de la contestation de dispositions issues d'ordonnances de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L0864AHH) fait l'objet d'une précision. Pour les dispositions antérieures à la révision constitutionnelle de 2008 (loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République [LXB=]), il est admis que la ratification puisse résulter de la reconduction par le législateur de dispositions réécrites, modifiées et codifiées par décret. Il s'agit d'une validation implicite, technique que le Conseil constitutionnel utilise pour apprécier le caractère législatif de la disposition contestée (Cons. const., décision n° 2014-431 QPC du 28 novembre 2014 N° Lexbase : A3791M48).

S'est posée également la question de la nature des dispositions qui, formellement, résultaient d'une codification par décret à droit constant. Il est jugé que ces dispositions conservent leur caractère législatif au sens de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) (Cons. const., décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 N° Lexbase : L7298IAK). Et c'est bien entendu valable si les dispositions en cause sont issues d'une ordonnance... de valeur législative.

2 - Statut de l'interprétation de la loi / de l'application de la loi

L'absence de rattachement formel à une disposition législative fait échec à la contestation de la jurisprudence et prive de recours constitutionnel contre une jurisprudence nue. La nature ou le degré de lien exigé n'est toujours pas toujours très clair. Ainsi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé irrecevable une question portant sur l'article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP) au motif que le "principe de l'autorité de la chose jugée interdisant au juge saisi des seuls intérêts civils de contredire ce qui a été définitivement jugé par le juge ayant statué sur l'action publique, tel que reconnu par la Cour de cassation ne procède pas de [cet article]" (Cass. crim., 22 octobre 2014, n° 14-82.082, F-D N° Lexbase : A0467MZC). La Cour de cassation ne rattache donc pas cette règle jurisprudentielle à la disposition législative identifiée, qui pouvait pourtant être considérée de façon générale comme le siège du principe de l'autorité de chose jugée. L'arrêt rapporté décline cette lecture systémique, ce qui fait échec à la contestation de cette jurisprudence en QPC, bien que la Cour prononce formellement l'irrecevabilité de la question sur le terrain de l'applicabilité : la Cour retient que l'article 1351 du Code civil exige "entre les deux instances, une identité de cause, d'objet et de parties qui fait nécessairement défaut, de sorte que la disposition critiquée n'est pas applicable au litige".

Au titre du champ de la jurisprudence contrôlable en QPC, le Conseil d'Etat confirme qu'il n'est pas possible de contester l'application de la loi retenue par le juge du fond, même si, en l'espèce, cette application consiste à définir le champ d'application de la loi (CE 3° et 8° s-s-r., 3 décembre 2014, n° 382684, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9077M4X). Seule peut être contestée une jurisprudence constante, fixée par le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation.

3 - Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution

Ainsi que nous l'avons relevé dans notre précédente chronique, le changement de circonstances (de droit) qui justifie un réexamen de dispositions déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel peut résulter de l'intervention postérieure d'une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il s'agit là d'un élément d'évolution dans l'application des dispositions organiques (2). La Chambre criminelle confirme cette position. Elle renvoie une QPC tiré de ce que porterait une atteinte injustifiée au principe non bis in idem la possibilité, ouverte par les dispositions contestées, de l'engagement de poursuites pénales après l'engagement de poursuites devant la commission des sanctions de l'AMF définitivement jugées (Cass. crim., 17 décembre 2014, n° 14-90.043, F-D N° Lexbase : A2853M88). Ce renvoi résulte d'une prise en compte du changement de circonstances que constitue, selon la Cour, une décision de la CEDH rendue en mars dernier (3). De sorte que l'invocation de l'intervention de la CEDH conduit la Cour de cassation à inviter le Conseil à se prononcer une nouvelle fois sur une question que la jurisprudence constitutionnelle a tranchée, celle de la portée du principe non bis in idem, s'agissant du cumul de sanctions pénale et administrative pour de mêmes faits.

B - Normes constitutionnelles invocables

1 - Notion de "Droits et libertés que la Constitution garantit"

Dans sa décision n° 2014-425 QPC du 14 novembre 2014 (N° Lexbase : A0177M3X), portant sur la taxe spéciale sur les contrats d'assurance contre l'incendie, le Conseil constitutionnel considère pour la première fois explicitement que la liberté d'enseignement, qui constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République (4), fait partie des droits et libertés que la Constitution garantit, dont la méconnaissance peut être invoquée à l'occasion d'une QPC. Il est constant que la liberté de l'enseignement comprend la liberté de création et de gestion d'un établissement d'enseignement. Ainsi que le rappelle le Conseil dans ses commentaires, cette liberté implique l'octroi d'aides aux établissements privés relatives à leur création et à leur fonctionnement, mais n'impose pas à l'Etat de soumettre l'enseignement privé aux mêmes règles que l'enseignement public. La seule obligation qui en résulte est de ne pas soumettre les établissements d'enseignement privés à une réglementation qui les empêcherait de poursuivre leur activité. En l'espèce, la société requérante arguait sans succès d'une inconstitutionnalité tirée de ce que les dispositions contestées ne permettaient pas aux établissements privés de bénéficier du même taux que celui applicable aux établissements d'enseignement publics.

2 - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC

Le Conseil constitutionnel a expressément jugé que l'objectif à valeur constitutionnelle (OVC) de sauvegarde de l'ordre public n'est pas invocable en QPC (Cons. const., décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014 N° Lexbase : A5347MYP). Deux mois après, il retient la même solution pour l'OVC de bon usage des deniers publics (Cons. const., décision n° 2014-434 QPC du 5 décembre 2014 N° Lexbase : A8230M4L). Le Conseil a toujours été réticent à admettre que les OVC puissent, en eux-mêmes, être invocable dans le contrôle a posteriori. On rappellera qu'il en est déjà de même de l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi (5) et de l'OVC de bonne administration de la justice (6).

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

1 - Introduction de la requête, notion d'instance

Dans sa décision n° 2014-440 QPC du 21 novembre 2014 (N° Lexbase : A8375M3L), à l'occasion d'une demande de saisine directe, le Conseil constitutionnel a jugé que "la procédure d'admission à l'aide juridictionnelle n'est pas, en tout état de cause, au sens de l'article 61-1 de la Constitution, une instance en cours à l'occasion de laquelle une question prioritaire de constitutionnalité peut être posée". Cette position s'inscrit dans la ligne des jurisprudences convergentes du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation (7) qui refusaient qu'une QPC puisse être posée à l'occasion d'un "recours" contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle (BAJ). Pour le Conseil d'Etat, les décisions par lesquelles les présidents de juridiction statuent sur les recours contre les décisions des BAJ constituent de simples "décisions d'administration judiciaire" (8).

2 - Priorité de la QPC et recevabilité de la requête principale

Le Conseil d'Etat juge qu'il "n'est pas tenu, lorsqu'à l'appui d'une requête est soulevée devant lui une question prioritaire de constitutionnalité, sur laquelle il lui incombe de se prononcer dans un délai de trois mois, de statuer au préalable sur la recevabilité de cette requête" (CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2014, n° 384353, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9517M3U). En l'espèce, le Conseil d'Etat repousse une fin de non-recevoir, avant d'examiner puis renvoyer la QPC. Cette position est remarquable. Elle constitue de prime abord une extension sensible des effets jusqu'alors reconnus à la règle de priorité : la QPC serait prioritaire sur l'examen de recevabilité de la requête principale. La formulation retenue par la décision rapportée pourrait toutefois tromper quant à la portée exacte de cette solution. Il est loin d'être acquis, selon nous, que le Conseil d'Etat s'autorise en toute hypothèse à faire l'économie de la recevabilité de la requête avant l'examen du renvoi, la QPC demeurant en principe l'accessoire d'une demande (9). D'une part, seul le Conseil d'Etat est expressément concerné, étant seul mentionné, et non a contrario le juge du fond devant lequel la solution ne vaut donc pas. D'autre part, si le Conseil d'Etat ne s'estime "pas tenu par l'examen préalable de la recevabilité au principal", cela signifie qu'il se réserve toute latitude pour rejeter une QPC s'appuyant sur une requête irrecevable, au moins lorsqu'elle l'est manifestement. A cet égard, on peut penser que le point de bascule tient à la difficulté soulevée par la question de recevabilité. On peut raisonnablement comprendre que le traitement d'une question complexe et/ou de principe quant à la recevabilité soit peu compatible avec le délai fixe d'examen de la QPC. Et cela semble bien le cas en l'espèce, s'agissant de se prononcer sur le caractère décisoire ou non de l'acte attaqué (l'engagement de la procédure de transfert d'office prévue à l'article L. 612-33 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L8592I7D). A chaque question son rythme ! Tel semble être le crédo de cette décision éminemment pragmatique dont les contours restent à préciser. Une clarification de la position exacte du Conseil d'Etat s'impose, d'autant qu'elle ne paraît pas, en l'état, partagée par la Cour de cassation.

3 - Transmission au Conseil constitutionnel

Dans un contexte original, le Conseil d'Etat a transmis (et non renvoyé) au Conseil constitutionnel une QPC soulevée devant le tribunal administratif à l'occasion d'un litige portant sur un refus d'enregistrement d'une candidature pour inéligibilité, et portant sur la conformité de dispositions organiques du Code électoral relative à des inéligibilités. Cette transmission signifie que le Conseil d'Etat n'a examiné aucune des conditions de renvoi de la question posée. En effet, les dispositions organiques applicables à ce contentieux électoral prévoient que la décision du tribunal administratif relative au contentieux du refus d'enregistrement pour inéligibilité ne peut être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection. De sorte que, lorsqu'il se prononce dans ces conditions, le Conseil d'Etat considère qu'il n'est pas compétent pour exercer son office de filtre. Une simple transmission est opérée (CE 9° et 10° s-s-r., 7 novembre 2014, n° 384721, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9467MZN), ce qui est la solution la plus cohérente et la plus opportune. Au demeurant, cette solution n'a pas été contestée par le Gouvernement dans le procès devant le Conseil constitutionnel.

III - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Organisation de la contradiction

1 - Interventions devant le Conseil constitutionnel

Une note d'actualité diffusée en octobre 2014 sur le site officiel du Conseil constitutionnel livre une série de chiffres et indicateurs relatifs aux interventions, à jour du 31 août 2014. Il y est mentionné qu'en un peu plus de quatre années d'existence, 399 demandes d'intervention ont été formulées dans 101 dossiers (à rapporter aux 417 QPC enregistrées par le Conseil constitutionnel à cette date), ce qui est significatif de l'installation de cette voie, ainsi que souligné régulièrement dans la présente chronique. Seules 59 de ces demandes ont fait l'objet d'un rejet pour absence d'intérêt spécial ou intervention tardive. Sur 296 intervenants, 134 sont des particuliers, 47 des sociétés, 43 des associations, 36 des collectivités territoriales, 11 des syndicats.

Pour illustrer ce phénomène au cours de la période ici examinée, on mentionnera deux interventions, l'une en défense, l'autre en soutien, d'une société du transport particulier de personnes et d'une fédération dans l'affaire n° 2014-422 QPC 17 octobre 2014 (N° Lexbase : A5347MYP). On peut aussi mentionner l'intervention de l'Ordre des Avocats au barreau de Marseille dans l'affaire n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014 (N° Lexbase : A8372M3H), à l'encontre du report de l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées. Cette intervention faisait d'ailleurs valoir des arguments d'inconstitutionnalité d'une portée plus générale que ceux avancés par le requérant. On peut aussi mentionner l'intervention en défense du Conseil supérieur du notariat dans la procédure n° 2014-429 QPC du 21 novembre 2014, relative au droit de présentation des notaires (N° Lexbase : A8373M3I).

Il appartient au Conseil constitutionnel de canaliser la recevabilité de ces interventions. Il fait preuve de rigueur bien comprise en écartant les interventions de plusieurs sociétés dans l'affaire n° 2014-419 QPC du 8 octobre 2014, relative à la contribution au service public de l'électricité (N° Lexbase : A9168MXT), au motif qu'elles mettaient en cause d'autres dispositions que celles faisant l'objet de la QPC. Une intervention ne peut porter que sur les dispositions dont le Conseil constitutionnel est saisi par le juge de renvoi (10).

L'affaire précitée n° 2014-430 QPC du 21 novembre 2014, relative à la cession des oeuvres et transmission du droit de reproduction, témoigne, d'une certaine façon, de la force procédurale de l'intervention devant le Conseil constitutionnel, comme des efforts d'appréciation circonstanciée des demandes d'intervention. Le Conseil a déclaré recevable une série d'intervention en défense ou en soutien, formulées par ceux qui, pour des raisons touchant notamment aux délais applicables, n'étaient pas encore dans la procédure du pourvoi en cassation lorsque la QPC a été renvoyée et n'étaient pas formellement des parties devant le Conseil constitutionnel.

2 - Audience publique

On notera que l'audience publique de l'affaire n° 2014-433 QPC du 5 décembre 2014 (N° Lexbase : A8229M4K) n'a pas fait l'objet d'une diffusion, ce qui est inhabituel. L'audience s'est bien tenue, ainsi que mentionnée aux visas de la décision. Le représentant du Gouvernement y a été entendu. L'absence de retransmission, sans être expressément explicitée, tient à la perturbation suscitée par le non respect, par un représentant, de la convocation à l'audience. On rappellera qu'en application du règlement de procédure, le président du Conseil constitutionnel assure la police de l'audience...et celle de son enregistrement.

B - Techniques de contrôle employées par le Conseil constitutionnel

a) Contrôle "en tant que"

Dans l'affaire n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, le Conseil était saisi de deux QPC croisées "en tant que". La première visait la disposition contestée en tant qu'elle permet la prolongation de la garde à vue prévue formellement par une autre disposition. La seconde visait cette dernière disposition en tant qu'elle était applicable à l'infraction prévue par la disposition contestée. Les QPC portaient donc sur les dispositions combinées de ces deux articles que le Conseil a refusé d'examiner "en tant que". En effet, le Conseil examine les dispositions renvoyées dans tous leurs effets juridiques. L'effet erga omnes de ses décisions justifie cette position. Ceci étant, au cas présent, le Conseil a utilisé son pouvoir de ciblage afin de délimiter le champ du contrôle. Il retient une démarche comparable, dans une hypothèse plus simple, avec la décision n° 2014-429 QPC du 21 novembre 2014, relative au droit de présentation des notaires : la QPC lui était renvoyée en tant qu'elle s'applique à cette profession, elle était donc circonscrite au seul mot "notaire" figurant dans le texte.

b) Contrôle de l'incompétence négative

Le Conseil constitutionnel affine sa jurisprudence sur la recevabilité du grief d'incompétence négative en matière fiscale. Dans la décision n° 2014-431 QPC du 28 novembre 2014, il a jugé que "le pouvoir donné par la loi à l'administration de fixer, contribuable par contribuable, les modalités de détermination de l'assiette d'une imposition méconnaît la compétence du législateur dans des conditions qui affectent, par elles-mêmes, le principe d'égalité devant les charges publiques". L'hypothèse ici rencontrée est celle dans laquelle le législateur a positivement habilité l'administration à fixer, contribuable par contribuable (sur agrément), les modalités de détermination de l'assiette d'une imposition. Il s'agit de l'imposition des bénéfices des sociétés dans le cadre d'opérations de restructuration. Si le Conseil a déjà reconnu que l'incompétence négative du législateur pouvait affecter par elle-même, notamment, le droit au recours juridictionnel effectif, le droit de propriété ou la liberté individuelle, c'est la première fois qu'il l'admet pour le principe d'égalité.

En contrepoint, on peut être surpris de la position retenue par le juge de renvoi consistant à exclure de façon générale -ou du moins dans une formulation générale- la recevabilité du grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition (CE 9° s-s., 18 décembre 2014, n° 382947, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2626M8R, jugeant que cette méconnaissance n'affecte, par elle-même, aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, et ce alors même qu'était invoquée une atteinte au droit de propriété).

c) Réserves d'interprétation

Dans sa décision n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014 (N° Lexbase : A9167MXS), concernant l'amende pour contribution à l'obtention, par un tiers, d'un avantage fiscal indu, le Conseil formule une double réserve. D'une part, il a considéré que, "compte tenu des modalités de fixation de son montant en proportion de l'avantage obtenu par un tiers, cette amende pourrait revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des manquements réprimés si elle était appliquée sans que soit établi l'élément intentionnel de ces manquements ; que, par suite, les dispositions contestées doivent être interprétées comme prévoyant une amende applicable aux personnes qui ont agi sciemment et dans la connaissance soit du caractère erroné des informations qu'elles ont fournies, soit de la violation des engagements qu'elles avaient pris envers l'administration, soit des agissements, manoeuvres ou dissimulations précités". Par cette réserve additive, le Conseil inscrit l'exigence de l'élément intentionnel -qui sera d'ailleurs écrit dans la version postérieure du texte contrôlé-, sans toutefois se fonder sur sa jurisprudence relative au droit de la présomption d'innocence en matière pénale. D'autre part, le Conseil formule une seconde réserve, plus classique, portant sur le cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives et fondée sur le principe de proportionnalité : "le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues".

Cette même réserve est reprise dans la décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, relative à la Cour de discipline budgétaire et financière. Etait en cause un double cumul, entre poursuites disciplinaires d'une part, et entre poursuites disciplinaires et poursuites pénales, d'autre part. Le Conseil a jugé que "le principe d'un tel cumul des sanctions prononcées par une juridiction disciplinaire spéciale avec celles prononcées par une juridiction pénale ou une autorité disciplinaire n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P)". Mais il reprend la réserve précitée sur les cumuls de sanctions. Il est à noter que le fait que les sanctions puissent être prononcées par trois autorités répressives différentes, et non seulement deux, ne fait qu'accentuer l'effet pratique de cette réserve. Le Conseil va jusqu'à préciser la portée de cette réserve en ajoutant qu'il appartient à ces autorités répressives "de tenir compte, lorsqu'elles se prononcent, des sanctions de même nature antérieurement infligées".

Dans la décision n° 2014-424 QPC du 7 novembre 2014, concernant la capacité juridique des associations ayant leur siège social à l'étranger (N° Lexbase : A8440MZM), le Conseil constitutionnel formule une réserve neutralisante en jugeant que les dispositions contestées "n'ont pas pour objet et ne sauraient, sans porter une atteinte injustifiée au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif, être interprétées comme privant les associations ayant leur siège à l'étranger, dotées de la personnalité morale en vertu de la législation dont elles relèvent, mais qui ne disposent d'aucun établissement en France, de la qualité pour agir, devant les juridictions françaises dans le respect des règles qui encadrent la recevabilité de l'action en justice". Il s'agit de garantir le droit d'agir en justice et le droit au recours effectif.

Illustration de l'autorité de chose interprétée, dans sa décision précitée n° 2014-431 QPC du 28 novembre 2014, le Conseil constitutionnel reprend une réserve neutralisante qu'il avait précédemment formulée quant aux conditions de conformité des agréments déterminant l'assiette d'une imposition.

Dans la décision n° 2014-435 QPC du 5 décembre 2014, relative à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (N° Lexbase : A8231M4M), le Conseil constitutionnel formule une réserve d'interprétation qui vise à remédier à l'atteinte portée aux effets pouvant légitimement être attendus par les contribuables. Cette réserve neutralisante modifie le champ d'application de la loi pour une année d'imposition, selon un raisonnement déjà déployée sur ce terrain (11). Elle exclut cette année de l'assiette d'imposition, au nom de la protection de l'attente légitime des contribuables à l'égard du régime des prélèvements obligatoires applicable. Cette réserve équivaut dans ses effets à une censure ciblée, couplée à une réécriture. On voit ici un des enjeux suscités par la protection, récemment affirmée, de la confiance légitime dans le contentieux constitutionnel.

C - La décision du Conseil constitutionnel et ses effets

1 - Effets dans le temps

a) Application immédiate aux instances en cours

Dans la décision n° 2014-426 QPC du 14 novembre 2014 (N° Lexbase : A0178M3Y), le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions concernant le droit de retenir des oeuvres d'art proposées à l'exportation sur le terrain de l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E). Ces dispositions, abrogées depuis 1992, permettaient une mesure d'appropriation excessive. Le Conseil a fixé les conditions dans lesquelles les effets que la disposition a produits peuvent être remis en cause. Le raisonnement retenu tient en deux temps. En premier lieu, il s'agit de ne pas remettre en cause les acquisitions effectuées qui n'ont pas été contestées à la date de la décision, ni les décisions de justice relatives à de telles acquisitions devenues définitives. En second lieu, afin de préserver l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité, et avec un certain pragmatisme, le Conseil permet l'invocation de celle-ci dans les instances en cours, en tenant compte de la circonstance que celles-ci sont fort peu nombreuses, voire unique, compte tenu de l'abrogation ancienne du texte.

b) Modulation dans le temps des effets de la décision

La censure des dispositions permettant une garde à vue de quatre-vingt seize heures, lors de la conduite d'enquêtes ou d'instructions relatives au délit d'escroquerie en bande organisée (décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014), conduit à un aménagement subtil des effets dans le temps, assez classique cependant en matière de procédure pénale. On y relève le souci, moins de donner la main au législateur, que de ne pas remettre en cause l'ensemble d'une procédure visant l'intéressé et concernant l'arbitrage relatif à un litige entre M. Tapie et le Crédit Lyonnais. L'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait eu pour effet non seulement d'empêcher le recours à la garde à vue de quatre-vingt seize heures, mais aussi de faire obstacle à d'autres pouvoirs spéciaux de surveillance et d'investigation, alors même que ceux-ci ne sont pas considérés comme contraires à la Constitution. Le report ad futurum s'imposait, en l'occurrence fixée au 1er septembre 2015. Le Conseil a toutefois fait cesser immédiatement l'inconstitutionnalité par une réserve qui interdit le recours à la garde à vue dans les conditions incriminées. Pour les actes de procédure accomplis antérieurement à sa décision, il est constant que le Conseil veille à ce qu'ils ne puissent être annulés sur le fondement de l'inconstitutionnalité, quand bien même cela constitue une atteinte à l'effet utile pour le requérant. C'est ce que juge à nouveau le Conseil dans la décision n° 2014-420/421 QPC, au nom, notamment, de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions. Il convient tout de même de noter que le Conseil va jusqu'à couvrir non seulement les gardes à vue antérieures à la date de la décision mais encore toutes les autres mesures prises postérieurement. Le souci de sécurité juridique est maximal.

La décision n° 20114-420/421 QPC est postérieure au renvoi de la QPC jugée dans la décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014, relative au report de l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées. A l'occasion de cette dernière décision, le Conseil va préciser le régime transitoire qu'il a défini par la décision 2014-420/421 QPC : l'inconstitutionnalité de la disposition contestée ne peut fonder une remise en cause des gardes à vue antérieures à la décision du Conseil constitutionnel du 9 octobre 2014.

Dans sa décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, concernant l'incompatibilité entre les fonctions de militaire de carrière et le mandat de conseiller municipal, le Conseil a relevé, de façon assez prévisible, que "le législateur a institué une incompatibilité qui n'est limitée ni en fonction du grade de la personne élue, ni en fonction des responsabilités exercées, ni en fonction du lieu d'exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes". La portée de cette interdiction a ainsi été jugée manifestement excessive. Seule cette catégorie de mandat est visée, mais l'abrogation des dispositions contestées aurait pu affecter d'autres incompatibilités, tout à fait constitutionnelles celles-là, notamment avec les autres mandats électifs locaux. Le Conseil a dès lors reporté l'abrogation "au 1er janvier 2020 ou au prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date". Ce renvoi au législateur est tout à fait compréhensible, compte tenu des options qui existent sur le fond. L'alignement du régime des militaires sur celui de la police, voire des magistrats, est la piste probable. Quoi qu'il en soit, on notera surtout que la déclaration d'inconstitutionnalité se trouve dépourvue d'effet utile pour le requérant (alors même que le cas est rare sinon unique), sauf en cas de renouvellement partiel...

2 - Déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé

On se souvient de la décision n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK), rapportée dans cette chronique, qui avait abouti à une déclaration d'inconstitutionnalité dépourvue d'effet compte tenu de ce que la disposition contestée était "devenue" conforme à la Constitution grâce à l'entrée en vigueur d'autres garanties légales. Le Conseil était invité par le Gouvernement à transposer cette solution dans l'affaire précitée n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014. Il est clair que l'état du droit au jour de la décision du Conseil ne correspondait plus à l'état du droit applicable au litige : si le texte contesté n'a pas été modifié, le cadre législatif a évolué dans le sens d'ailleurs d'une mise en accord avec les exigences de la jurisprudence constitutionnelle. Pour autant, le Conseil a estimé que cela ne faisait pas disparaître l'inconstitutionnalité du texte contesté. La mécanique de la déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé s'avère d'usage très circonscrit, à la mesure de son caractère exorbitant, le Conseil étant certainement attentif au domaine et libertés concernés.


(1) Cons. const., décision n° 2013-318 QPC du 7 juin 2013 (N° Lexbase : A1525KGL).
(2) Voir nos obs., Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, spéc. n° 295.
(3) CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10 (N° Lexbase : A1275MGC).
(4) Cons. const., décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 (N° Lexbase : A7958ACQ), n° 84-185 DC du 18 janvier 1985 (N° Lexbase : A8108ACB) et n° 93-329 DC du 13 janvier 1994 (N° Lexbase : A8296ACA).
(5) Cons. const., décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 (N° Lexbase : A9190E47) et n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 (N° Lexbase : A7023IXE).
(6) Cons. const., décision n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010 (N° Lexbase : A7112GMD) et n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013 (N° Lexbase : A4035KQI).
(7) Cass. civ. 2, 7 juillet 2011, n° 11-40.050, F-D (N° Lexbase : A9815HU3).
(8) CE 4° et 6° s-s-r., 22 janvier 2003, n° 244177, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7649A43).
(9) Nos obs., Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, not. § 111 et s..
(10) Déjà, v. Cons. const., décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH) (Conditions de recours au travail de nuit).
(11) Cons. const., décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 11988025, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cons. const., d\u00e9cision n\u00b0 2013-682 DC, du 19-12-2013, Loi de financement de la s\u00e9curit\u00e9 sociale 2014", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A6536KRI"}}).

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Responsabilité

[Chronique] Chronique de responsabilité civile - Mars 2015

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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la responsabilité"

Le 26 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique de droit de la responsabilité de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit de la responsabilité". A l'honneur de cette chronique, en premier lieu, deux arrêts rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 4 février 2015, relatifs au défaut du produit dans la responsabilité du fait des produits défectueux (Cass. civ. 1, 4 février 2015, deux arrêts, n° 13-19.781 et n° 13-27.505, F-P+B) ; en second lieu, l'auteur a relevé un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 5 février 2015 portant sur le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés, et l'inclusion de ce préjudice dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.097, F-P+B).
  • Le défaut du produit dans la responsabilité du fait des produits défectueux des articles 1386-1 et suivants du Code civil (Cass. civ. 1, 4 février 2015, 2 arrêts, n° 13-19.781 N° Lexbase : A2454NBI et n° 13-27.505 N° Lexbase : A2374NBK, F-P+B ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E3532EUD)

La responsabilité du fait des produits défectueux pèse sur le producteur, à propos duquel l'article 1386-1 du Code civil, issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 (N° Lexbase : O8014BIN) ayant transposé en droit interne la Directive 85/374 du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT), prévoit qu'il "est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime". Le point central de la responsabilité tient évidemment dans la définition du défaut du produit : à quelle(s) condition(s) le produit peut-il être considéré comme défectueux au sens de l'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3) ? Et à supposer établie l'existence du défaut, se pose la question de sa preuve : sur qui pèse la charge de la preuve du défaut ? Deux arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 4 février 2015, à paraître au Bulletin, permettent de revenir sur ces deux séries d'interrogations, qui tiennent à la notion de défaut du produit, et à la preuve du défaut.

Dans l'affaire ayant donné lieu au premier arrêt (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n°13-19.781, F-P+B), l'occupant temporaire d'une maison qui n'était pas la sienne mais celle de son père avait été victime de l'explosion d'une bouteille de gaz propane ayant servi à l'alimentation d'une gazinière prévue pour fonctionner avec du gaz butane. Ayant assigné la société B. en réparation des préjudices qu'il avait subis, la cour d'appel de Limoges (CA Limoges, 11 avril 2013, n° 10/00795 N° Lexbase : A9841KB4) a fait droit à sa demande. C'est dans ce contexte que la société B. s'est pourvue en cassation, reprochant aux premiers juges d'avoir considéré que la bouteille de gaz propane était défectueuse parce qu'elle ne présentait pas une information suffisante sur la sécurité à laquelle pouvait s'attendre son utilisateur. La Cour de cassation rejette le pourvoi, et décide "qu'ayant constaté que le gaz propane est un gaz inflammable et dangereux, à capacité hautement explosive, dont la moindre dispersion peut provoquer une déflagration ou une explosion, contrairement au gaz butane, et que les détendeurs des gaz butane et propane sont similaires et peuvent être fixés indifféremment sur toute bouteille de gaz, de sorte qu'en l'absence de connectique spécifique qui rendrait impossible l'alimentation par une bouteille de gaz propane d'une installation fonctionnant au gaz butane, un utilisateur tel que M. X. [la victime] pouvait ne pas se rendre compte de l'erreur commise, quant au gaz fourni, lors de l'échange d'une bouteille vide contre une pleine, ce dont il résulte que la sécurité d'un utilisateur autre que l'acheteur de l'installation, qui n'a pas nécessairement eu accès à la notice d'information du contrat de consignation, n'était pas informé du risque présenté par l'utilisation de gaz propane pour l'alimentation d'un appareil fonctionnant au gaz butane, la cour d'appel en a exactement déduit que la bouteille de gaz propane utilisée par M. X. était un produit défectueux, au sens de l'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3), et que la société B., en sa qualité de producteur, devait être déclarée responsable des dommages causés, sans pouvoir se prévaloir de la faute de la victime prévue à l'article 1386-13 (N° Lexbase : L1506ABE) du même code".

L'article 1386-4 du Code civil définit, dans son premier alinéa, la défectuosité par rapport à "la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre", définition dont on a fait observer qu'elle était "circulaire" en ce que la sécurité à laquelle on peut légitiment s'attendre est précisément la question à laquelle la définition du défaut serait supposée répondre (1).

On sait bien en réalité que deux méthodes coexistent pour apprécier le défaut, qui sont autant de types de défaut. Le défaut peut-être intrinsèque, et suppose alors la démonstration de la dangerosité excessive ou anormale du produit. Pour apprécier cette dangerosité, les magistrats se réfèrent, plus ou moins explicitement, à un rapport bénéfice/risques, ce qui les conduit, en matière de santé, à comparer les avantages du médicament sur la santé et ses effets indésirables (2). Mais le défaut en cause peut également être extrinsèque, et se déduire cette fois d'une absence de mentions informatives sur les risques du produit, circonstance que l'alinéa 2 de l'article 1386-4 justifie de prendre en compte à travers la "présentation du produit" (3). Il a ainsi été jugé qu'est dépourvu de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre le béton, à l'origine de brûlures sérieuses pour le client utilisateur, dont le fournisseur, dans ses conditions générales de vente, n'a que très insuffisamment attiré l'attention sur les dangers présentés par la mise en oeuvre du produit et les précautions à prendre (4). Tout cela témoigne de l'importance que revêt, en pratique, la notice d'utilisation du produit, dans la mesure où, par hypothèse, lorsque le fabriquant informe des risques de son produit, il relativise par là-même la sécurité à laquelle on peut légitiment s'attendre (5). Cette obligation pour le producteur de délivrer une information sur les dangers attachés au produit est notamment particulièrement importante s'agissant des produits de santé, à propos desquels la notice est devenue un élément déterminant pour qualifier le produit de défectueux (6).

Le second des deux arrêts rapportés porte, lui, sur la question de la charge de la preuve du défaut (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n°13-27.505, F-P+B). Dans cette affaire, un frère et soeur faisaient de la "motomarine", pilotée par le premier, tandis que la seconde était sa passagère. Celle-ci, projetée en arrière lors d'une accélération, a chuté et a été gravement blessée par la pression de la turbine du véhicule. La victime ayant assigné son frère et son assureur en réparation de ses préjudices, l'assureur a appelé en garantie la société B., fabricant du produit. La cour d'appel de Douai (CA Douai, 4 juillet 2013, n° 12/06402 N° Lexbase : A8445MTX), pour condamner ladite société, en qualité de producteur, à garantir le responsable et son assureur des condamnations prononcées à leur encontre, a retenu qu'il n'était pas établi par cette société que l'étiquette rappelant la nécessité de porter un vêtement de protection ait été apposée sous le guidon de la "motomarine" en cause à destination du conducteur et des passagers, de sorte que le véhicule n'offrait pas, par sa présentation, la sécurité à laquelle la passagère pouvait légitimement s'attendre. Cette décision est cassée, sous le visa de l'article 1386-9 du Code civil (N° Lexbase : L1502ABA), au motif "qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu'il estime défectueux de prouver le défaut invoqué, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé".

La solution n'a, on en conviendra, rien de très originale, puisqu'elle est en tant que telle prescrite par l'article 1386-9 du Code civil lui-même, qui dispose que "le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage". La charge de la preuve de la défectuosité du produit pèse donc sur la victime, à qui il appartient de démontrer qu'au moment où le producteur l'a mis en circulation, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre. On rappellera simplement, à cet égard, que la Cour de cassation décide que les circonstances particulières que les magistrats peuvent retenir pour établir le lien de causalité constituent en même temps des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux du produit (7). Cette solution, apparemment frappée au coin du bon sens -admettre la causalité et dénier le défaut serait paraît-il "téméraire" (8)-, nous avait, pour notre part, paru discutable, notamment en matière de vaccinations : dès lors en effet que les juges du fond auront, en amont, estimé que, des circonstances particulières du litige s'évincent des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir un lien de causalité entre la vaccination et la survenance de la maladie, ils se trouveront tenus par leurs constatations sur le terrain de la défectuosité du produit, la présomption de causalité emportant une présomption quasi-irréfragable de défectuosité (9).

  • Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent (Cass. civ. 2, 5 février 2015 n° 14-10.097, F-P+B N° Lexbase : A2429NBL ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E5798ETW)

Dans notre dernière contribution (10), nous évoquions, à propos d'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 15 janvier 2015 (11), les difficultés que pose la très (trop ?) (12) grande diversité des chefs de préjudice susceptibles d'être invoqués par la victime d'un dommage corporel, diversité dont on relevait qu'elle impliquait un véritable effort de rationalisation afin d'éviter tout risque de "télescopage" (13) ou de "double emploi" (14). Afin de compléter les observations précédentes, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 5 février 2015, à paraître au Bulletin, mérite d'être évoqué en ce qu'il vient situer le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés par rapport au préjudice temporaire des souffrances endurées et au préjudice du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, un fonctionnaire de police, victime dans l'exercice de ses fonctions d'une tentative de meurtre, dont une cour d'assises a déclaré deux accusés coupables, avait saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande d'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6724IXC). Pour allouer à la victime diverses indemnités réparant notamment, d'une part, les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent, d'autre part, un préjudice moral exceptionnel, les juges du fond ont relevé que les débats devant la cour d'assises avaient révélé que les fonctionnaires de police s'étaient trouvés encerclés et agressés par des jets de plombs ou de divers projectiles, dans l'impossibilité de se protéger efficacement, en difficulté pour évacuer ceux qui, parmi eux, étaient blessés, les véhicules et, notamment ceux de secours étant eux-mêmes la cible des agresseurs, et qu'ainsi ces circonstances avaient engendré chez chacune des victimes un sentiment d'angoisse générateur d'un préjudice moral exceptionnel qui devait être indemnisé. Ils avaient également fait ressortir non seulement que la victime avait reçu des plombs au niveau des jambes et des organes vitaux, mais encore que son évacuation vers l'hôpital et son séjour s'étaient déroulés dans des conditions particulièrement difficiles, d'autant que ces faits avaient ravivé le souvenir du décès de son père, également fonctionnaire de police, alors qu'il était en service. Sous le visa de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, au motif "qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice et violé le principe susvisé".

On ne reviendra pas sur le fait que la jurisprudence restrictive des commissions d'indemnisation, fondée sur la lettre de l'article 706-3, 2°, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 83-608 du 8 juillet 1983 (N° Lexbase : L8216HI7), qui considérait, à une certaine époque, que le préjudice moral ne devait pas être pris en considération, est depuis de nombreuses années déjà abandonnée. La Cour de cassation décide, en effet, que les préjudices extrapatrimoniaux consécutifs à un dommage corporel ne doivent pas être exclus a priori du système d'indemnisation (15). Encore faut-il s'entendre sur la détermination exacte du préjudice et sur les modalités de sa réparation.

Sous cet aspect, la solution de l'arrêt rapporté n'est, en tant que telle, pas nouvelle. Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 septembre 2010 avait ainsi posé le principe que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément au titre d'un préjudice distinct (16). Un autre arrêt, de la deuxième chambre civile du 11 septembre 2014, est dans le même sens (17). Le principe de la réparation intégrale, qui veut que la réparation corresponde, ni plus, ni moins, au préjudice subi par la victime, commande que dès lors que les juges du fond remplissent leur obligation de motivation en appliquant la nomenclature "Dintilhac", la réparation de préjudices supplémentaires ne peut être admise si ceux-ci sont déjà compris dans un poste de préjudice de la nomenclature retenu par le juge, qui en adopte par là-même la définition. Or, précisément, le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés "rentre" soit dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, autrement dit les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, donc du jour de l'accident à celui de sa consolidation, soit dans celui du déficit fonctionnel qui est un poste de préjudice hétérogène mêlant des aspects objectifs, tels que les atteintes aux fonctions physiologiques, et des aspects subjectifs, tels que les douleurs, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence.

Si tout cela se conçoit, somme toute, assez bien, encore faut-il préciser que ne procède en revanche pas à une double indemnisation l'arrêt qui évalue séparément les préjudices distincts constitués par les souffrances endurées du fait des blessures et par l'angoisse d'une mort imminente (18) étant entendu que le préjudice consistant dans la perte de l'espérance de vie n'est qu'un élément constitutif du préjudice moral en ce sens qu'il n'existe qu'à travers les souffrances morales provoquées par la conscience de la réduction de l'espérance de vie (19).


(1) J.-S. Borghetti, D., 2012, p. 2853, et plus généralement, du même auteur, La responsabilité du fait des produits. Etude de droit comparé, préf. G. Viney, LGDJ, 2004, spéc. n° 385 et s.
(2) La jurisprudence retient une appréciation individuelle et subjective du rapport bénéfice/risques, et non pas une approche générale fondée sur les bienfaits du vaccin pour la collectivité : Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-17.738, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6301ITK) JCP éd. G, 2012, 1199, note C. Quezel-Ambrunaz ; RCA, 2012, 350, note S. Hocquet-Berg ; D., 2012, p. 2853, note J.-S. Borghetti ; D., 2013, p. 40, obs. Ph. Brun ; RTDCiv., 2013, p. 131, obs. P. Jourdain.
(3) Sur cette influence, sur la qualification du défaut, de l'information des utilisateurs sur les risques du produit, v. not. Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-11.073, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7250EID), Bull. civ. I, n° 176.
(4) Cass. civ. 1, 7 novembre 2006, n° 05-11.604, F-P+B (N° Lexbase : A2977DS3), Bull. civ. I, n° 467.
(5) Voir not., à propos d'une notice d'information qui ne mentionne pas les effets indésirables d'un produit anti-rides, Cass. civ. 1, 22 novembre 2007, n° 05-20.974, FS-P+B (N° Lexbase : A7083DZD), Bull. civ. I, n° 366.
(6) P. Sargos, L'information sur les médicaments - vers un bouleversement majeur de l'appréciation des responsabilités, JCP éd. G, 1999, I, 144.
(7) Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, préc. ; Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-21.314, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8065KIK), Bull. civ. I, n° 157, D., 2013, p. 2312, note Ph. Brun.
(8) Ph. Brun, préc..
(9) RCA, 2013, Etude 6.
(10) Voir nos obs., Lexbase Hebdo n° 602 du 19 février 2015 - édition privée (N° Lexbase : N5904BU9).
(11) Cass. civ. 2, 15 janvier 2015, n° 13-27.761, FS-P+B (N° Lexbase : A4658M9E).
(12) Sur la question, s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux consécutifs à un dommage corporel, v. la critique de J. Knetsch, La désintégration du préjudice moral, D., 2015, p. 443.
(13) Ph. Brun, D., 2012, p. 47.
(14) O. Gout, D., 2013, p. 40.
(15) Cass. civ. 2, 14 décembre 1987, n° 86-15.179 (N° Lexbase : A3827CTW).
(16) Cass. civ. 2, 16 septembre 2010, n° 09-69.433, F-P+B (N° Lexbase : A5933E9M), Bull. civ. II, n°155, D., 2010, p. 2228, obs. Gallmeister ; ibid. 2011. 632, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin.
(17) Cass. civ. 2 11 septembre 2014, n° 13-21.506, F-D (N° Lexbase : A4250MWC), RCA, 2014, comm. 360.
(18) Cass. crim, 23 octobre 2012, n° 11-83.770, FS-P+B (N° Lexbase : A0580IWE), RTDCiv., 2013, p. 125, obs. P. Jourdain.
(19) Cass. crim., 26 mars 2013, n° 12-82.600, F-P+B (N° Lexbase : A3974KC8) JCP éd. G, 2013, 675, note D. Bakouche.

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Santé publique

[Brèves] Conformité à la Constitution de l'obligation de vaccination imposée aux titulaires de l'autorité parentale

Réf. : Cons. const., décision n° 2015-458 QPC, du 20 mars 2015 (N° Lexbase : A0005NEW)

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N6547BUZ

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Le 26 Mars 2015

L'obligation vaccinale imposée aux titulaires de l'autorité parentale, en ce qu'elle vise à protéger la santé individuelle et collective, a été déclarée conforme au principe constitutionnel de protection de la santé visé à l'article 11 du Préambule de 1946 (N° Lexbase : L1356A94) par le Conseil constitutionnel dans une décision du 20 mars 2015 (Cons. const., décision n° 2015-458 QPC, du 20 mars 2015, N° Lexbase : A0005NEW). En l'espèce, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a procédé au renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité (voir. Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 14-90.044, FS-D N° Lexbase : A4650M94) portant sur la constitutionnalité des articles L. 3111-1 (N° Lexbase : L6990I7Z) à L. 3111-3 (N° Lexbase : L8947GTK) L. 3116-2 (N° Lexbase : L3507DLH) du Code de la santé publique et 227-17 du Code pénal (N° Lexbase : L2153AMP). Ces dispositions portent sur les obligations de vaccination antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique pour les enfants mineurs, sous la responsabilité de leurs parents. Les requérants soutenaient que ces vaccinations obligatoires pouvaient faire courir un risque pour la santé contraire à l'exigence constitutionnelle de protection de la santé garantie par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Rappelant le principe énoncé, le Conseil constitutionnel écarte le grief d'inconstitutionnalité et jugé l'obligation vaccinale conforme à la Constitution. En imposant ces obligations de vaccination, le législateur a entendu lutter contre trois maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d'être éradiquées. Il a notamment précisé que chacune de ces obligations de vaccination ne s'impose que sous la réserve d'une contre-indication médicale reconnue. Conséquemment, la politique de vaccination, en ce qu'elle consiste en la protection de la santé relève du pouvoir général d'appréciation du législateur et n'apparaît pas manifestement inappropriée à l'objectif visé (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E9750EQ8).

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Santé publique

[Brèves] Eléments constitutifs du caractère irrémédiable de l'insalubrité d'un bâtiment

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 20 mars 2015, n° 371895, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1296NEQ)

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N6613BUH

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Le 28 Mars 2015

Dans un arrêt rendu le 20 mars 2015, le Conseil d'Etat a précisé les éléments constitutifs du caractère irrémédiable de l'insalubrité d'un bâtiment (CE 4° et 5° s-s-r., 20 mars 2015, n° 371895, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1296NEQ). Le tribunal administratif a refusé d'annuler l'arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique de l'acquisition d'un immeuble qui avait été déclaré insalubre. La cour administrative d'appel (CAA Marseille, 5ème ch., 4 juillet 2013, n° 11MA03666 N° Lexbase : A7015KKZ), pour annuler ce jugement, s'est prononcée sur la légalité de l'arrêté au regard des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1331-26 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5356IMC), selon lesquelles l'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. Faisant une exacte application de ces dispositions, elle a recherché, d'une part, s'il existait des moyens techniques permettant de mettre fin à l'insalubrité affectant l'immeuble en cause et, d'autre part, quel serait le coût des travaux nécessaires à cette fin. Après avoir estimé que des travaux de réhabilitation étaient techniquement possibles et qu'il n'était pas établi que leur coût excèderait celui d'une reconstruction, elle a jugé que le préfet n'avait pas pu légalement déclarer l'immeuble insalubre à titre irrémédiable. Le Conseil d'Etat, estimant que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a estimé qu'il existait des moyens techniques de mettre fin à l'insalubrité, rejette le pourvoi.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Chronique] Chronique de TVA - Mars 2015

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N6579BU9

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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne

Le 26 Mars 2015

Il est exceptionnel qu'une décision de la CJUE soit relatée par nos quotidiens (1), c'est pourtant le cas de la décision rendue le 5 mars 2015 à propos du taux de TVA applicable à la fourniture de livre numérique (CJUE, 5 mars 2015, aff. C-479/13). La seconde décision porte aussi sur une question d'application du taux réduit de TVA mais en matière de produits agricoles, plus particulièrement sur l'activité des fleuristes (CE 3° et 8° s-s-r., 28 janvier 2015, n° 370455, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, la dernière décision commentée dans le cadre de cette chronique permet de revenir sur un point contentieux qui a donné et donne lieu à une jurisprudence abondante relative à la notion de location immobilière au sens du droit de l'Union européenne (CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-55/14).
  • Application du taux normal de TVA à la fourniture de livre numérique (CJUE, 5 mars 2015, aff. C-479/13 N° Lexbase : A6835NC7 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E0223EUS)

Cette décision était attendue et redoutée car elle obligera à une remise en cause d'une disposition française considérée comme incompatible avec le droit de l'Union européenne. La CJUE a jugé que la France ne peut pas appliquer le taux réduit de 5,5 % à la fourniture de livre électronique en alignant l'imposition de ces livres sur celle des livres sur papier ou sur d'autres supports. Par une décision (2) rendue le même jour, le Luxembourg a été condamné pour les mêmes motifs.

Par la loi de finances pour 2011 (3), le législateur a choisi d'étendre l'application du taux réduit de TVA aux livres sur tout type de support y compris les livres fournis par téléchargement. A cette fin a été modifié le 3° de l'article 278-0 bis du CGI (N° Lexbase : L3043I7T) (4). Ainsi, en droit français, un livre, quelle que soit sa forme, est soumis au taux réduit. Il n'existe pas de définition légale du livre, mais une définition prétorienne a été donnée en 1984. Par la suite, elle a été précisée par une jurisprudence abondante dont le dernier apport date d'une décision du 16 juillet 2014 (5). Antérieurement à la législation entrée en vigueur le 1er janvier 2012, en tenant compte de la Directive 2009/47/CE du Conseil du 5 mai 2009 (N° Lexbase : L1662IEB) (6), la doctrine administrative avait étendu l'application du taux de TVA réduit à la fourniture de livres audio, de livres sous forme de cédérom ou encore sous clé USB. Ces livres ne peuvent bénéficier du taux réduit que s'ils contiennent les mêmes éléments que le livre imprimé ainsi que des fonctionnalités permettant d'accéder aux textes et illustrations. En revanche, si les livres sur support, cédérom ou clé USB, contiennent des fonctions qui n'existent pas pour les ouvrages imprimés et qui ne sont pas seulement des accessoires au livre, ils seront imposables au taux normal (7). Dans cette dernière hypothèse, le bien en question cesse d'être assimilé à livre pour être (au plan fiscal) considéré comme un élément proche du logiciel ; il ne pouvait bénéficier du taux réduit car il ne s'agissait pas d'un "livre numérique homothétique" (8). Quant aux livres téléchargés ou fournis grâce au streaming (9), par application du droit de l'UE, ils sont compris comme relevant de la catégorie des prestations par voie électronique et sont imposables au taux de droit commun.

A la suite de la modification de l'article 278-0 bis du CGI, ces distinctions ont disparu car les livres sur tout type de support, y compris ceux fournis par téléchargement, sont imposables au taux réduit. Cette disposition est issue d'un amendement présenté par la Commission de la culture du Sénat et a été adopté contre l'avis du Gouvernement. Ce dernier soulevait l'incompatibilité de cette mesure avec le droit de l'Union européenne. Très rapidement, la Commission européenne a réagi en demandant à la France de justifier sa position à propos de cette mesure en infraction avec le droit de l'UE (10). Cependant, les arguments de la France n'ont jamais été considérés comme pertinents par les instances européennes et la procédure a abouti au contentieux dont le résultat est la décision commentée.

Dans cette affaire, la question de droit est très simple, les livres numériques peuvent-ils bénéficier du taux réduit au même titre que les livres sur d'autres supports ? Pour répondre à cette question, le premier soin de la Cour de justice de l'Union européenne a déjà été de définir ce que recouvrait les termes de "fourniture de livres électroniques", il s'agit de "la fourniture, à titre onéreux, par voie de téléchargement ou de diffusion en flux à partir d'un site web, de livres au format électronique pouvant être consultés sur un ordinateur, un téléphone intelligent, un lecteur de livre électronique ou tout autre système de lecture" (11). C'est une prestation de service car si le livre électronique nécessite un support physique, ce dernier n'est pas compris dans la fourniture de ce livre. Cette qualification a pu être discutée mais n'a jamais été réellement remise en cause (12).

Selon la Commission, aux termes de l'article 96 de la Directive-TVA de 2006 (13), il est prévu l'application d'un taux de droit commun aux biens et aux prestations de service. Le 2 de l'article 98 de cette même Directive dispose que le taux réduit n'est applicable qu'aux biens et services énumérés à l'annexe III. A savoir si la fourniture de livres électroniques relève de cette disposition, plus particulièrement du point 6 (14). Or, le point 6 ne comprend que les "livres sur tout type de support physique". Donc le taux réduit ne peut être appliqué à la fourniture de livre électronique considérée comme prestation de service. Enfin l'application du taux réduit est d'interprétation stricte car dérogatoire au droit commun.

La mention "sur tout type de support physique" ne figurait pas dans le texte initial mais a été ajoutée par la Directive 2009/47/CE (15). Etant d'interprétation stricte, il est aisé d'en déduire qu'a contrario, les prestations de services ne peuvent être comprises dans la catégorie des livres sur tout type de support physique. Or, la CJUE rappelle que la prestation de service (16) est une opération qui ne constitue pas une livraison de bien (17). La fourniture de livre électronique ne peut correspondre à une livraison de bien car elle relève de la catégorie des services fournis par voie électronique définie par le Règlement d'exécution n° 282/2011 (18). Ce sont des "services fournis sur l'internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d'une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l'absence de technologie de l'information".

Enfin, la France faisait valoir que cette interprétation restrictive avait pour effet de porter atteinte au principe de neutralité de la TVA. La CJUE rejette cet argument en rappelant que ce principe traduisant le principe d'égalité de traitement en matière de TVA (19) ne peut autoriser à étendre le champ d'application d'une mesure dérogatoire du droit commun.

La solution de la CJUE n'a jamais fait aucun doute. Lors du vote de l'amendement étendant l'application du taux réduit aux livres téléchargés, l'administration fiscale française avait rappelé que le téléchargement des livres par fichiers numériques est une prestation de service par voie électronique et donc est soumise au taux normal de TVA (20). Le Parlement en passant outre cet avertissement, la France ne pouvait qu'être exposée à la critique de la Commission.

Il ne manque pas d'arguments en faveur de l'application du taux réduit à l'ensemble des livres, sur support physique ou téléchargés, notamment "qu'un livre est un livre quel que soit son format ou son support de lecture" (21). Mais précisément le droit de l'Union européenne ne fait pas référence au contenu du livre mais à ses caractéristiques matérielles. La Commission, puis le juge de l'UE, ne font qu'une application des règles de l'UE. La volonté de la France de modifier les règles en matière de taux réduit de TVA ne peut aboutir l'état actuel du droit ; il faut nécessairement faire évoluer la définition du livre pouvant bénéficier du taux réduit. En matière fiscale la règle de l'unanimité s'applique, or, certains Etats membres (le Danemark et le Royaume-Uni) (22) ne souhaitent pas que le livre numérique rejoignent la liste des biens et services de l'annexe III de la Directive-TVA. La France ayant perdu sur le terrain contentieux, s'engage à présent une lutte sur le terrain politique. A noter que l'issue de cette lutte n'intéresse pas seulement les livres mais aussi la presse ; actuellement le journal électronique Médiapart (23) doit faire face à un contrôle fiscal portant principalement sur cette question du taux de TVA réduit s'appliquant à la presse "papier" mais refusée à la presse uniquement numérique (24).

  • Application du taux de droit commun de la TVA à l'activité de transformation des produits d'origine par un fleuriste (CE, 3° et 8° ss-sect., 28 janvier 2015, n° 370455, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6905NAY ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E9508ABR et N° Lexbase : E4882ETY)

La solution donnée par le Conseil d'Etat est, à notre connaissance, inédite. La principale question soulevée par cette affaire concerne l'application du taux réduit de TVA sur le fondement du 3° de l'article 278 bis du CGI (N° Lexbase : L0783IWW). Au terme de cette disposition, le taux réduit est applicable aux "produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation". Plus précisément, il s'agit de définir la notion de transformation.

Les faits sont simples. Une SARL exerce une activité de fleuriste (commerce de détail de fleurs et compositions florales) au sein de deux magasins situés dans l'Essonne ainsi que dans le cadre du réseau d'une grande enseigne spécialisée. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a procédé à un rappel de TVA pour la période du 1er février 2001 au 31 janvier 2005. Cette rectification était fondée sur les dispositions selon lesquelles le taux réduit ne s'applique qu'aux produits n'ayant subi aucune transformation. Or, la contribuable avait appliqué le taux réduit à des produits qui, selon la doctrine fiscale applicable, avaient subi une transformation : paniers, corbeilles et compositions florales. Les juges du fond (25), puis la cour administrative d'appel de Versailles (26) ont débouté la demanderesse. L'arrêt commenté a rejeté le pourvoi de la SARL.

Par cette décision, le Conseil d'Etat est venu préciser la portée du 3° de l'article 278 bis du CGI dans le cadre de l'activité de fleuriste. Il s'agit de savoir en quoi consiste la transformation des produits, car s'il y a transformation le bien sera imposable au taux normal, au contraire si le bien est vendu en l'état, il sera soumis au taux réduit. En l'espèce, la Haute juridiction administrative a considéré qu'il existe une transformation lorsqu'"une opération modifie substantiellement les produits ou leur présentation par rapport à leur état d'origine". Cette notion de modification substantielle des produits implique "de nombreuses manipulations" constituant une "part importante de main d'oeuvre" ou "l'utilisation de procédés techniques". On peut noter que cette définition de la transformation est très proche de celle donnée par la doctrine administrative (27) qui considère que le taux normal s'applique aux compositions florales qui ont été l'objet de manipulations qui ne sont pas exigées au titre du conditionnement ainsi qu'aux produits (plantes ou fleurs) qui ont subi des traitements spécifiques. Cette solution du Conseil d'Etat se situe aussi sur la même ligne jurisprudentielle (28) que celle tracée pour d'autres produits dont il est nécessaire de marquer la limite entre produits transformés et non transformés quant à l'application du taux de TVA réduit. On peut rappeler que durant la période, objet de la vérification à l'origine du litige, le taux réduit était de 5,5 %. Si dans un premier temps les produits énoncés à l'article 278 bis du CGI se sont vus appliquer un taux intermédiaire de 7 %, depuis le 1er janvier 2014, il a été porté à 10 % (29).

  • La mise à disposition à titre onéreux d'un stade de football constitue-t-elle une opération de location de bien immeuble exonérée ? (CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-55/14 N° Lexbase : A6843M9C ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8971EQC)

La taxation de la location immobilière à la TVA obéit à des règles exprimées simplement mais qui, dans leur application, révèlent la nécessité d'une appréciation précise des faits. En effet, ces règles fixent la démarcation entre une logique patrimoniale et l'objectif commercial qui peuvent caractériser l'une et l'autre la location immobilière. La décision commentée permet à la fois de rappeler les principes applicables en la matière par la CJUE ainsi que d'examiner le cas particulier d'une convention portant sur la location d'un stade de football.

Les faits de cette affaire sont peu complexes. Une régie communale autonome d'un stade (RCA) a acquis un terrain de football et a déduit la TVA grevant cette acquisition. Par une convention en date du 25 août 2003, la RCA a mis à la disposition, à titre onéreux, le stade de football au profit d'un club local (RFCT). L'administration fiscale belge a effectué deux contrôles fiscaux aux termes desquels elle a considéré que la mise à disposition de certaines installations était une location immobilière et en conséquence exonérée de TVA. A ce titre, le fisc belge a émis une contrainte à la charge de la RCA pour qu'elle paie la TVA déduite à tort. La RCA a contesté cette décision devant le tribunal de première instance qui a rejeté sa demande, puis devant la cour d'appel. Cette dernière a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE : la location du stade relève-t-elle ou non de la catégorie des locations de biens immobiliers, et si oui, peut-elle être exonérée à ce titre ?

Pour répondre utilement à cette question, il est nécessaire de connaître et d'apprécier les clauses particulières de la convention conclue entre la RCA et le RFTC. L'objet de ce contrat est la mise à disposition d'une infrastructure sportive comprenant l'utilisation ponctuelle du terrain de football ainsi que les vestiaires. La convention permet l'utilisation de ces biens à concurrence de 18 jours par saison sportive (30). Le concédant, la RCA, dispose notamment de la faculté de conférer les mêmes doits à d'autres locataires en dehors des 18 jours précités. Elle dispose aussi du droit d'accéder à tout moment aux installations sans autorisation du RCFT en vue de se prémunir de tout dommage et à la condition de ne pas perturber la tenue des compétitions sportives. La RCA conserve le contrôle du droit d'accès aux installations, y compris lors des périodes d'utilisation par le RCFT. Enfin, elle est indemnisée à hauteur de 1 750 euros par jour d'utilisation de différentes installations. Ce montant représente pour 20 % le droit d'accéder au terrain et pour les 80 % restants, c'est la contrepartie des services de maintenance, nettoyage, entretien, mises aux normes du terrain.

La location de biens immobiliers est exonérée aux termes de l'article 13, b, sous b) de la 6ème Directive-TVA (31). Ce texte est toujours d'actualité et a été inscrit sous l'article 135 de la Directive 2006/112/CE (32). Ces dispositions ont été transposées en droit français sous l'article 261 D du CGI (N° Lexbase : L7342IGZ). C'est une mesure dérogatoire au droit commun selon laquelle sont imposables à la TVA les prestations de services effectuées par un assujetti à titre onéreux. Cette disposition doit donc être interprétée de manière stricte (33).

Cette mesure dérogatoire a déjà fait l'objet d'une jurisprudence suffisamment abondante permettant de savoir à quelles conditions une opération de location immobilière est ou non imposable à la TVA. Le juge de l'UE a dégagé trois conditions cumulatives (34). La première d'entre elles porte sur le versement d'un loyer (35). En l'espèce, cette condition ne posait pas de difficulté. La deuxième est relative aux termes de la convention qui doit permettre un droit d'occupation exclusif au bénéfice du locataire. Enfin, la dernière de ces conditions concerne la durée de la location.

Comme on peut le constater, à la lecture de ces conditions de la définition d'une location immobilière telles que dégagés par la jurisprudence, il s'agit de prendre en considération des éléments propres à chaque affaire. En conséquence, il est de la compétence du juge national de les apprécier afin d'opérer le travail de qualification au regard du droit de l'UE. La CJUE rappelle cette mission du juge national (36).

Plus précisément, dans l'affaire commentée, la question porte sur le fait que le contrat de location ne comporte pas seulement une location, mais que cette dernière est accompagnée d'un grand nombre d'autres prestations. A savoir dans quelle mesure la convention ne concerne pas tant la location d'un bien immobilier (prestation qui n'est considérée comme principale) qu'un ensemble de services qui ne relève pas du droit à exonération au titre de la location immobilière.

La CJCE avait déjà eu l'occasion de se prononcer sur une affaire similaire intéressant la question de savoir si la location d'un terrain de golf (37) pouvait être exonérée de TVA au motif qu'elle constituait une location de bien immobilier. Comme dans l'affaire commentée, la difficulté quant à la qualification résidait dans le fait que la location immobilière était comprise dans le cadre d'une convention plus large incluant d'autres prestations de services. A savoir si la location immobilière présentait un caractère prépondérant autorisant à ce titre l'exonération ou, au contraire, si elle était l'accessoire à des prestations soumises à TVA et ne pouvait être considérée comme une location exonérée. Dans l'affaire citée à ce paragraphe, la location du terrain de golf n'a pas été considérée comme la prestation principale.

Afin de savoir si la location immobilière est prédominante, la CJUE se livre à une analyse approfondie des clauses du contrat relatives aux prestations autres que la location. Elle examine si le droit d'occupation du concessionnaire n'est pas limité par certaines clauses contractuelles. Ces limites ne remettent pas obligatoirement en cause la qualification de location immobilière (38). Cependant, cette limite donne lieu pour la location du stade à un service de conciergerie. De même, il existe d'autres services (maintenance, gestion, nettoyage) qui ne constituent pas un accessoire à la location immobilière mais qui, au contraire, peuvent être comprises comme principales au regard de la convention. Cette analyse est confortée par la répartition indiquée dans le contrat. En effet, ces prestations de services sont rémunérées à hauteur de 80 % de la somme versée par le concessionnaire.

La CJUE poursuit son raisonnement sur le terrain de la durée de la location. Selon les juges de l'UE, la durée de 18 jours ne peut être prise en compte en tant que telle, il est alors nécessaire d'examiner s'il s'agit d'une jouissance occasionnelle et temporaire, critère qui laisserait à penser que le contrat porte sur un ensemble de prestations et non sur la location immobilière en tant que telle.

De l'ensemble de ces éléments, la CJUE en déduit que l'opération en question ne peut bénéficier de l'exonération prévue pour les locations immobilières. Cependant, la solution ne peut être donnée que suite à l'appréciation des éléments factuels. Il appartient donc à la juridiction de renvoi d'apprécier ces opérations sur le point de savoir si elles sont ou non constitutives d'une location de bien immobilier.

Cette décision ne remet en cause aucun des éléments déjà dégagés par la CJUE mais apporte une pierre à l'édifice jurisprudentiel. Malgré une jurisprudence importante, il semble que les litiges relatifs à la notion de location immobilière au sens de l'article 135 de la Directive 2006/112/CE ne diminue pas diminuer en nombre ; abondance vraisemblablement liée au caractère fortement factuel de ce contentieux.


(1) Pour exemple, A. Beuve-Méry, Le Monde, 6 mars 2015, p. 8 ; A. Beuve-Méry, Le Monde, 7 mars 2015, p. 8.
(2) CJUE, 5 mars 2015, aff. C-502/13 (N° Lexbase : A6836NC8).
(3) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 (N° Lexbase : L9901INZ) : JO, 30 décembre 2010, p. 23033.
(4) "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : [...] 3° Les livres, y compris leur location. Le présent 3° s'applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement".
(5) CE, 3° et 8° s-s-r., n° 364477, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5503MUD) ; V. Daumas : DF, 2014, n° 42, comm. 577. Voir nos obs., Chronique de TVA - Septembre 2014, Lexbase Hebdo n° 582 du 11 septembre 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3569BUQ).
(6) JOUE, 9 mai 2009, L 116/18.
(7) BOI-TVA-LIQ-30-10-40, 15 juillet 2013, § 80 (N° Lexbase : X5048ALK).
(8) BOI-TVA-LIQ-30-10-40, 15 juillet 2013, § 85.
(9) Diffusion en flux.
(10) P. Carré De Sousa, A. Moraine, Et si l'application du taux réduit de TVA au livre numérique était compatible avec le droit de l'UE ? : DF, 2012, n° 10, étude 167.
(11) Point 17.
(12) Sur les différents arguments avancés afin de reconnaître que la fourniture électronique de livre puisse être considérée comme une livraison de bien dans le cadre de la TVA, cf. P. Carré De Sousa, A. Moraine, op.cit., § 7 à 11.
(13) Directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de TVA, 28 novembre 2008 (N° Lexbase : L7664HTZ).
(14) "6. fourniture de livres, sur tout type de support physique, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité".
(15) Directive du 5 mai 2009 modifiant la Directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de TVA.
(16) Directive 2006/112/CE, art. 24.
(17) Directive 2006/112/CE, art. 14.
(18) Règlement d'exécution n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesure d'exécution de la Directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, art. 7, § 1 (N° Lexbase : L8640IPP).
(19) Sur la distinction entre le principe de neutralité et le principe d'égalité de traitement, cf. A. Moraine, A.-S. de Béchade, note sous CJUE, 11 septembre 2014, aff. C-219/13 (N° Lexbase : A2320MWT), DF, 2014, n° 42, comm. 589 et RJF, 12/14, n° 1163.
(20) Direction de la législation fiscale, note au ministre de la Culture, 5 août 2009 : DF 2009, n° 38, act. 280.
(21) Syndicat national de l'Edition.
(22) A. Beuve-Méry, Le Monde, 6 mars 2015, p. 8.
(23) Site de Mediapart.
(24) France Inter, 12 mars 2015, Invité du 5-7, interview d'E. Plenel.
(25) TA Versailles, 17 février 2011, n° 0900119.
(26) CAA Versailles, 21 mars 2013, n° 11VE01517 (N° Lexbase : A0890MRE).
(27) BOI-TVA-LIQ-30-10-20, § 70, 19 septembre 2014 (N° Lexbase : X7012ALB).
(28) Sur la question de savoir si le conditionnement des fruits devait être compris comme une transformation du produit agricole (réponse négative) : CE 8° et 9° s-s-r., 16 octobre 1996, n° 138662, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1102API) : DF, 1996, n° 50, comm. 1489, et RJF, 12/96, n° 1419.
(29) Loi n° 2013-1278, de finances pour 2014, 29 décembre 2013, art. 6 (N° Lexbase : L7405IYW) ; DF, 2014, n° 1-2, comm. 44.
(30) La saison sportive est comprise du 1er juillet d'une année au 30 juin de l'année suivante.
(31) Directive 77/388/CEE du Conseil, 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (N° Lexbase : L9279AU9).
(32) Op. cit..
(33) Point 23.
(34) Sur ces conditions, cf. E. Cruvelier, La notion fiscale de location immobilière dans la jurisprudence européenne : DF, 2011, n° 26, étude 402.
(35) CJCE, plénière, 12 septembre 2000, aff. C-276/97 (N° Lexbase : A7082AHR) ; Rec. I-6277, RJF, 12/2000, n° 1536 et DF, 2000, n° 45-46, comm. 862. Conclusions S. Alber, Rec. I-6254.
(36) Points 24 et 35.
(37) CJCE, 18 janvier 2001, aff. C-150/99 (N° Lexbase : A1742AWG) ; Rec. p. I-493.
(38) En ce sens cf. CJCE, 18 novembre 2004, aff. C-284/03 (N° Lexbase : A9123DDA) ; Rec. I-11256, DF, 2004, n° 49, act. 224.

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Temps de travail

[Brèves] Jours de repos compensateur de remplacement affectés à un compte épargne-temps : impossibilité pour l'employeur d'imposer au salarié les jours de prise effective de repos

Réf. : Cass. soc., 18 mars 2015, n° 13-19.206, FS-P+B (N° Lexbase : A1833NEM)

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N6643BUL

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Le 02 Avril 2015

S'il résulte des dispositions des articles L. 3121-24 (N° Lexbase : L3735IBX) et D. 3121-10 (N° Lexbase : L7362IBB) du Code du travail que l'employeur peut, en l'absence de demande du salarié de prise de la contrepartie obligatoire en repos, imposer à ce salarié, dans le délai maximum d'un an, le ou les jours de prise effective de repos, ces dispositions ne sont pas applicables aux jours de repos compensateur de remplacement affectés à un compte épargne-temps. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mars 2015 (Cass. soc., 18 mars 2015, n° 13-19.206, FS-P+B N° Lexbase : A1833NEM).
En l'espèce, M. X, salarié de la société Y sur le site d'Annonay, a été mis en chômage technique au cours du mois de décembre 2010, la société imposant une prise de congés sur la période prévisionnelle de chômage partiel au titre des congés payés, des congés d'ancienneté et de l'épargne conventionnelle dans la limite de sept jours. Le salarié a saisi, ainsi que de nombreux autres salariés, la juridiction prud'homale de diverses demandes de rappel de salaire.
Le conseil de prud'hommes ayant, en dernier ressort, déclaré que l'employeur n'a pas respecté les textes conventionnels concernant les prises de congés au titre des repos de remplacement et condamné, en conséquence, ce dernier à payer, d'une part, au salarié une somme à ce titre, d'autre part, au syndicat CGT celle de 100 euros à titre de dommages-intérêts, la société s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0373ETY).

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