Le Quotidien du 28 mai 2025

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Doctrine] Les affres du consentement en matière d’infractions sexuelles*

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N2004B3M

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par François Rousseau, professeur à Nantes Université, Laboratoire « Droit et changement social » (UMR CNRS 6297)

Le 27 Mai 2025

Mots-clés : infractions sexuelles • viol • agressions sexuelles • consentement • mineurs

Alors que pour le commun des mortels, il va de soi que c’est bien l’absence de consentement qui caractérise le viol ou les agressions sexuelles, les choses sont plus subtiles en droit pénal français où cette absence de consentement doit résulter d’une « violence, contrainte ou surprise ». Ce modèle juridique est aujourd’hui remis en cause et fait l’objet d’un débat politique. Afin de l’éclairer (sans prétendre vouloir le trancher), il est proposé d’en rappeler l’histoire et d’en montrer les évolutions actuelles qui tendent à un renforcement général de la protection de l’intégrité du consentement, mais qui passe aussi paradoxalement, pour la protection plus spécifique des mineurs, par une indifférence à l’égard du consentement. 


 

Si le consentement a toujours été au cœur de la répression du viol et plus généralement des agressions sexuelles, il n’a pas toujours eu la même portée ou signification sociale. En effet, pendant longtemps, la répression du viol protégeait tout autant l’honneur des familles que la liberté sexuelle de la victime. C’est pourquoi d’ailleurs le viol entre époux était par principe exclu. Cette conception ancienne du viol expliquait aussi sa définition étroite retenue par la jurisprudence (à défaut de définition légale) à savoir « la conjonction charnelle d’un homme avec une femme, contre le gré ou sans le consentement de celle-ci » [1]. Le consentement était donc bien techniquement au cœur de l’infraction mais cela ne veut pas dire pour autant que la liberté sexuelle était le seul enjeu social de l’infraction [2]

Il faudra attendre la grande réforme du 23 décembre 1980 pour que notre droit pénal intègre la profonde mutation sociale des mœurs opérées durant les années soixante et soixante-dix. Le viol s’émancipe des considérations morales liées au mariage pour devenir une protection de la liberté sexuelle et pas seulement des femmes [3]. En effet, le viol est avec cette réforme défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », de sorte que la victime peut aussi bien être une femme qu’un homme. On précisera que depuis, cette définition a encore évolué : une première fois, à l’occasion de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 N° Lexbase : L6492MSA, pour étendre le viol aux actes de pénétration sexuelle commis sur la personne d’autrui ou « sur la personne de l’auteur » (auteur imposant une fellation à un homme) [4] et une seconde fois, à l’occasion de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 N° Lexbase : L5564MSU, pour étendre le viol à tout acte bucco-génital (cunnilingus imposé à une femme) [5].

Pour ce qui est du consentement, la réforme de 1980 pourrait apparaitre assez paradoxale. Alors même que la liberté sexuelle devient le centre de gravité de la répression, le consentement est pourtant contourné par la loi qui ne le vise pas directement. En effet, le texte d’incrimination vise la « violence, contrainte, menace ou surprise ». Il est essentiel d’en rappeler les raisons et les enjeux judiciaires à l’époque. Il s’agissait par-là de tenter de mettre un terme à des pratiques judiciaires qui, en matière de viol, faisaient bien souvent tout autant le procès de l’auteur que celui de la victime pour savoir si cette dernière avait oui ou non consenti à l’acte sexuel. Le détour par un élément objectif, tel que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, devait permettre de recentrer le procès du viol sur l’auteur. Comme on a pu le dire, « la disparition du terme de consentement dans la définition pénale du viol fut, en son temps, perçue comme une garantie supplémentaire en faveur de la victime » [6].

Mais, ce procédé technique est aujourd’hui discuté, car il se retourne parfois contre la victime qui ne parvient pas à démontrer une situation de contrainte en particulier dans des contextes d’emprise, alors même que le consentement à l’acte sexuel semble faire défaut. C’est pourquoi des personnalités politiques comme des universitaires souhaiteraient que le consentement apparaisse de nouveau explicitement dans la définition des viols et plus largement des agressions sexuelles [7], à l’instar de certains systèmes étrangers comme le droit canadien ou le droit belge par exemple [8]. Ce débat a d’ailleurs largement été médiatisé à l’occasion du projet de directive européenne proposé par la commission en mars 2022 sur la lutte contre les violences sexuelles et les violences domestiques qui prévoyait initialement une définition du viol faisant directement référence au consentement, mais qui a finalement été retirée du texte final adopté le 14 mai 2024 par le Parlement européen pour des raisons de compétence législative de l’Union européenne en la matière [9]. On invoque parfois la Convention d’Istanbul du 11 mai 2011 ratifiée par la France [10] pour justifier l’intégration formelle du consentement dans la loi. Cet argument de droit international est cependant discutable ; certes la Convention fait référence explicitement au consentement mais elle n’en impose pas formellement l’intégration dans la législation pénale des États parties [11].

Si la conception juridique française du viol, héritée de la réforme de 1980, peut et doit être discutée aujourd’hui au regard du contexte sociopolitique et juridique, il est excessif d’y voir l’expression d’une forme de « sexisme des lois » [12]. La loi n’est d’ailleurs pas le seul levier dans la lutte contre les violences sexuelles, elle n’est que l’instrument juridique d’une politique criminelle largement dépendante du volontarisme des pouvoirs publics et comme on a pu très bien le dire, toute réforme en la matière « doit s’accompagner d’un véritable changement des mentalités et des pratiques judiciaires » [13]. À cet égard, il faut mesurer les progrès déjà parcourus. En effet, les statistiques judiciaires montrent une augmentation massive des condamnations pour viol et agressions sexuelles à la fin des années 1990 qui se poursuivra jusqu’en 2005, où un reflux assez net est observé jusqu’en 2016. Ce décrochage a interrogé, car en parallèle le nombre de plaintes n’a pas diminué. L’une des explications avancées serait le « traumatisme judiciaire » provoqué par la relaxe générale en appel dans l’affaire d’Outreau qui aurait alors plus ou moins consciemment amené les magistrats à davantage de rigueur et d’exigence en termes de preuves en matière de violences sexuelles [14]

Cela étant, depuis 2017, le nombre de condamnations repart à la hausse si l’on excepte l’année 2020 impactée par le confinement lié au COVID 19 [15].

Il sera intéressant de surveiller l’effet de la généralisation des Cours criminelles départementales à compter du 1er janvier 2023 dont les objectifs étaient de désengorger les Cours d’assises et d’éviter la correctionnalisation des viols [16] (le nombre de condamnations pour viol devrait logiquement augmenter sans nécessairement augmenter le nombre total de condamnation pour viol et agressions sexuelles). Et plus généralement, cette augmentation des poursuites et condamnations devraient se poursuivre, car le nombre de plaintes enregistrées ne cesse de croitre dans un contexte « post-#MeToo » de libération de la parole des victimes et d’une politique pénale toujours plus volontariste. À moyen terme, le nombre de plaintes ne peut qu’augmenter lorsque l’on sait, à l’appui d’une enquête de victimation datant de 2023, que seulement 5 % des personnes estimant avoir été victimes de violences sexuelles ont porté plainte.

En dépit de cette évolution de la politique criminelle qui a incontestablement produit des effets répressifs, en ce sens que l’on condamne davantage de viols et d’agressions sexuelles que par le passé, la justice pénale est encore parfois critiquée par ses insuffisances. On se souvient de l’émotion suscitée par la relaxe de la Cour d’assises de Seine-et-Marne, en 2017, d’un jeune majeur poursuivi pour viol à la suite d’une relation sexuelle avec une jeune mineure de 11 ans parce qu’elle était consentante [17].L’ampleur médiatique de l’affaire a d’ailleurs amené le Président de la République à s’exprimer pour de nouveau enclencher une énième réforme [18]. La sociologie du risque a depuis longtemps montré que plus un risque d’accident ou de catastrophe est contenu dans une société plus la réaction sociale est vive en cas d’accident ou catastrophe, car la fatalité n’est plus acceptable [19]. Ce n’est donc sans doute pas un paradoxe social si à l’heure où il n’y a jamais eu autant de poursuites et condamnations pour infractions sexuelles, les réactions sociales sont encore plus vives pour ce qui reste d’îlots d’impunité. 

Dans ce contexte, le consentement doit-il faire son retour formellement au sein des agressions sexuelles ? Sans prétendre vouloir trancher la question, nous souhaitons brosser un état des lieux de la place du consentement au sein du viol et des agressions sexuelles. Cette place du consentement dans les infractions sexuelles est aujourd’hui assez paradoxale. En effet, d’un côté, on observe une forme de promotion du consentement de manière générale au regard notamment de l’extension de la notion de surprise opérée par la jurisprudence ces dernières années (I.). Et d’un autre côté, dans le cas spécifique des infractions sexuelles sur mineurs, on observe un mouvement radicalement opposé d’effacement de toute référence au consentement (II.).   

I. La promotion du consentement dans les infractions sexuelles en général

Comme on l’a dit, le système français repose par principe sur une exigence d’objectivation du défaut de consentement par la violence, contrainte, menace ou surprise (A). Mais, la jurisprudence a fait évoluer la notion de surprise au cours de ces dernières années de sorte qu’on assiste à une forme de « subjectivation » [20] du défaut de consentement, qui renforce considérablement la place du consentement dans les agressions sexuelles (B). 

A. L’objectivation traditionnelle du défaut consentement 

Comme on a pu déjà l’expliquer, toute agression sexuelle, que ce soit un viol (acte de pénétration sexuelle) ou une autre agression sexuelle (acte d’attouchement sexuel), suppose d’être commise par « violence, contrainte, menace ou surprise ». Cet élément objectif présumant l’absence de consentement est juridiquement nécessaire, de sorte qu’un juge qui établirait une agression sexuelle en estimant que la victime n’a pas consenti à l’acte, mais sans démontrer une violence, une contrainte, une menace ou une surprise, sera censuré par la Chambre criminelle [21]. Comme on l’a déjà rappelé, l’intérêt de cette objectivation du défaut de consentement est de recentrer le procès du viol sur le comportement de l’auteur et moins sur l’attitude de la victime. Certains auteurs ont pu faire observer que la jurisprudence faisait preuve d’une relative souplesse et appréciait de manière assez extensive les notions de violence et de contrainte, en s’appuyant notamment sur le moindre coup porté à la victime ou bien à l’asymétrie des forces entre l’auteur et la victime [22]. Les difficultés en pratique se concentrent sur les situations d’emprise psychologique et de contrainte morale où la matérialisation de la contrainte est particulièrement difficile à établir. La jurisprudence retient une telle contrainte morale notamment en cas d’abus d’autorité « caractérisé » à l’égard d’une victime vulnérable soit en raison de son âge, de sa faiblesse psychologique ou de sa précarité économique. C’est par exemple l’infirmier qui impose une fellation à une patiente atteinte d’une psychonévrose dépressive incapable de manifester toute opposition [23]. C’est encore le directeur de colonie dont le comportement tyrannique a été reconnu sur sa jeune directrice adjointe de tout juste 18 ans timide et réservée qui a été incapable de s’opposer aux actes sexuels imposés par peur de la réaction de l’agresseur et du scandale en cas de révélation [24]. Un récent arrêt a, dans le même sens, semblé ouvrir la voie à la caractérisation d’une agression sexuelle résultant « d’un état de sidération » de la victime [25]. C’est enfin l’homme de 48 ans qui profite de la grande précarité sociale d’un mineur étranger en situation irrégulière afin d’avoir des relations sexuelles en échange d’avantages financiers [26]. Mais, en parallèle de ces quelques décisions, il faut bien admettre que de nombreuses autres ont parfois écarté la contrainte morale en dépit de l’autorité de l’auteur sur la victime ainsi que de l’écart d’âge entre les deux, à tel point que pour les mineurs de 15 ans le législateur a décidé de régler différemment les choses en se passant du consentement comme on le verra [27]. En dehors des victimes mineurs, il ne serait pas impossible de s’inspirer du délit d’abus de faiblesse, lequel intègre la notion de sujétion psychologique pour réprimer les dérives sectaires (article 223-15-2 du Code pénal N° Lexbase : L3278MMD) ; cette objectivation légale de l’emprise psychologique [28] serait tout aussi utile qu’une référence directe au consentement qui dans ce type d’hypothèse existe en apparence [29].

Il ne faudrait cependant pas croire que cette objectivation du défaut de consentement par la violence ou la contrainte est toujours un inconvénient sur le plan juridique. Il est bien souvent un élément central pour la reconnaissance d’un viol conjugal. En effet, si le viol entre époux a été clairement admis dans son principe par la jurisprudence [30] et reconnu par la loi [31], il n’en demeure pas moins qu’en pratique les relations sexuelles au sein du couple sont par présomption considérées comme ayant été consenties. C’est pourquoi toute brutalité ou violence au cours d’un acte sexuel sera de nature à renverser cette présomption de consentement au sein du couple. Et on fera remarquer que les arrêts qui ont reconnu le viol entre époux font état le plus souvent de violences au moment de l’acte sexuel [32]. On perçoit donc cette fois tout l’intérêt de l’objectivation du défaut de consentement par les violences au sein du couple et encore que, toute difficulté n’est pas à exclure, notamment si le couple à l’habitude d’avoir des pratiques sexuelles violentes [33].

B. La subjectivation nouvelle du défaut de consentement

On observe depuis quelques années une forme de « subjectivation » [34] du défaut de consentement à l’appui de la notion de surprise, laquelle va permettre à la jurisprudence de prendre en compte les intentions de la victime au moment de l’acte sexuel. La notion de « surprise » n’est pas forcément très parlante et il faut bien s’entendre sur son sens. Elle ne renvoie pas à l’idée d’imprévisibilité (de l’acte sexuel) ou d’étonnement [35], mais à celle de tromperie. Plus précisément, il s’agit pour l’auteur du viol ou de l’agression sexuelle d’obtenir un acte sexuel, non par la force, mais par la ruse en employant un stratagème assez comparable au comportement de l’escroquerie [36]. Si cette notion de surprise existe depuis longtemps [37], elle a pris ces dernières années une ampleur assez considérable.

Jusqu’alors, la surprise était en effet retenue pour des hypothèses où du fait de la ruse ou du stratagème la victime n’était pas en mesure de consentir consciemment à l’acte sexuel, soit que la victime était endormie [38] ou sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool [39]. Dans toutes ces situations, c’est le principe même du consentement à l’acte sexuel qui semble faire défaut du fait du stratagème ou de la ruse. Mais, la jurisprudence est allée plus loin ces dernières années, en retenant le viol par surprise à l’encontre d’un homme d’une soixantaine d’années qui s’était fait passer pour un jeune trentenaire sur un site de rencontre afin de séduire une femme et d’avoir une relation sexuelle avec elle dans une chambre d’hôtel toutes lumières éteintes, la victime découvrant la réelle identité de son partenaire après coup [40]. La solution a été confirmée quelque temps après à propos d’un individu ayant profité d’un quiproquo avec une femme au cours d’une discussion en ligne pour se faire passer pour son ex-concubin et avoir là encore une relation sexuelle dans l’obscurité [41].

Le viol par surprise est ainsi admis dans ces affaires alors même qu’une forme de consentement à l’acte sexuel avait été donnée, mais pas totalement éclairé puisqu’il y avait mensonge sur les circonstances ou le contexte de cet acte [42]. Il y a là une évolution remarquable du viol qui peut résulter d’un défaut « relatif » du consentement, à savoir un vice du consentement sur l’une des conditions contextuelles déterminantes à la relation sexuelle [43]. C’est en cela qu’on peut parler de « subjectivation » du défaut du consentement qui dépend des éléments de contexte qui pour la victime étaient déterminants de son consentement à l’acte sexuel [44]. Il en résulte un renforcement indéniable de la liberté sexuelle et de l’intégrité du consentement [45], qui se rapproche considérablement de ce que pourrait produire une référence directe au consentement dans les infractions de viol et d’agressions sexuelles [46]. Il est vrai, néanmoins, que la surprise suppose un acte de tromperie ou un stratagème. Cette extension de la notion de surprise qui techniquement se défend mériterait néanmoins une réflexion sur ses limites [47]. Jusqu’à quel point faudrait-il considérer les éléments contextuels déterminants du consentement ? Un mensonge sur le métier, sur l’âge, sur la virginité, sur la religion pourrait-il être déterminant d’un consentement à l’acte sexuel ? À cet égard, on devrait pouvoir aujourd’hui traiter sous l’angle du viol et non plus de l’administration de substances nuisibles les situations où une personne dissimule à son partenaire sexuel sa séropositivité [48], à l’instar du droit canadien [49]. Sans vouloir remettre en cause le principe même de cette répression, cette conception plus subjective du viol et des agressions sexuelles fondée non pas sur le défaut du principe même de tout consentement mais sur un élément contextuel déterminant, n’appelle-t-elle pas une différenciation dans la répression ? 

Quoi qu’il en soit et à l’aune de cette jurisprudence, le pas de l’intégration directe du consentement dans les incriminations d’agressions sexuelles n’est donc peut-être pas si grand à franchir [50]. On pourrait d’ailleurs parfaitement concevoir de combiner les deux méthodes à l’instar du système belge en affirmant, d’une part, que le viol et les agressions sexuelles sont définis comme tout acte sexuel commis sur autrui sans son consentement et, d’autre part, que le défaut de consentement est établi notamment en présence d’une violence, contrainte, menace ou surprise [51]. Une récente proposition de loi relative à la redéfinition du viol et des agressions sexuelles, déposée à l’Assemblée nationale le 1er avril 2025, va en ce sens [52].

En miroir de cette promotion du consentement, notre droit pénal a évolué de manière radicalement différente s’agissant des agressions sexuelles commises sur mineurs.

II. L’effacement du consentement dans les infractions sexuelles sur mineurs

La question du consentement dans les infractions sexuelles commises sur des victimes mineures a, elle aussi, suscité de nombreuses difficultés, dont la résolution s’est faite paradoxalement par l’effacement de toute référence au consentement dans deux situations : lorsqu’un acte sexuel est commis entre un majeur et un mineur de 15 ans (A) ou bien lorsqu’un acte sexuel est commis par un majeur sur un mineur dans un contexte incestueux (B). 

A. L’acte sexuel du majeur sur un mineur de 15 ans

Avant la grande réforme opérée par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L5564MSU, l’acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de 15 ans ne constituait ni un viol, ni une agression sexuelle, dès qu’il était commis sans violence, contrainte, menace, ni surprise. L’acte était néanmoins réprimé au titre d’une « atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans » (article 227-25 du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X), mais dont les peines étaient inférieures à celles du viol ou d’une agression sexuelle sur mineur de 15 ans [53]. Cette distinction fondamentale entre atteinte sexuelle et agression sexuelle impliquait une possible aptitude au consentement d’un mineur de 15 ans face à un adulte, ce qui était de plus en plus contesté surtout lorsque la victime était très jeune et/ou que l’auteur adulte disposait d’une autorité liée à un lien familial ou une situation professionnelle. La jurisprudence avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de considérer que les attouchements sexuels commis par un adulte sur de très jeunes enfants (en l’espèce 5 ans) constituaient bien une agression sexuelle par contrainte morale [54]. Mais, il faut bien reconnaitre que dans bien d’autres situations et notamment lorsque les victimes étaient plus âgées (13/14 ans), la jurisprudence admettait difficilement que la contrainte morale puisse résulter que de la seule différence d’âge entre l’auteur et la victime ou bien du seul abus d’autorité de l’auteur sur la victime [55].

C’est pourquoi le législateur est intervenu une première fois, à l’occasion de la loi n° 2010-121, du 8 février 2010 N° Lexbase : L5836MSX, pour introduire dans un nouvel article 222-22-1 du Code pénal N° Lexbase : L2619L4R une présomption légale de contrainte morale fondée sur la différence d’âge entre la victime mineure et l’auteur, d’une part, et l’abus d’autorité exercé par l’auteur sur la victime, d’autre part. Il fallait donc cumuler ces deux conditions pour établir la contrainte morale par présomption. Cet assouplissement probatoire restait donc limité et le législateur interviendra de nouveau sur ce dispositif à la suite des vives réactions politiques et médiatiques suscitées, en 2017, par les relaxes de la Cour d’assises du Val-d’Oise (13 février) et de Seine-et-Marne (17 novembre) où les poursuites pour viol ont été abandonnées contre de jeunes adultes ayant eu une relation sexuelle avec des jeunes filles de seulement 11 ans au moment des faits en raison de l’absence de violence ou de contrainte par ailleurs [56]. La loi du 3 août 2018 va donc prévoir que la contrainte morale peut non seulement résulter de la différence d’âge entre une victime et un auteur qui abuse de son autorité, mais elle va préciser que cet abus d’autorité peut résulter d’une différence d’âge « significative » entre l’auteur et la victime. Cette même loi ajoutera, en outre, que la contrainte morale peut résulter de l’abus de vulnérabilité d’une victime, mineure de 15 ans, ne disposant pas du discernement suffisant pour consentir à un acte sexuel. 

Toutes ces subtilités probatoires ont perdu de l’intérêt depuis la réforme du 21 avril 2021 qui a amené le législateur à aller au bout de sa logique en considérant désormais que tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de 15 ans constitue nécessairement un viol ou une agression sexuelle, sans avoir besoin de démontrer par ailleurs un acte de violence ou une situation de contrainte. Au cours des débats parlementaires, les députés et sénateurs ont hésité entre le seuil de 13 ans et celui de 15 ans. C’est finalement le seuil de 15 ans qui a été retenu, mais avec une exigence d’écart d’âge de 5 ans entre l’auteur et la victime (pour éviter la répression au titre du viol, d’un mineur de 17 ans venant d’avoir la majorité tout en ayant jusqu’alors des relations sexuelles avec une mineure de 14 ans).

La loi du 21 avril 2021 ne doit pas être vue comme un assouplissement de plus permettant de faciliter la répression du viol et des agressions sexuelles lorsque l’auteur est majeur et la victime mineure de 15 ans. Elle opère plus fondamentalement une modification sociologique de la ratio legis des agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans. Désormais, il n’y a plus de détour par la contrainte morale et sa présomption, le seul fait qu’un acte sexuel soit commis par un majeur sur un mineur de 15 ans (sous réserve d’un écart d’âge de 5 ans) est en soi une agression. Il y a au fond l’idée que le mineur de 15 ans face à un adulte est « statutairement » dans l’incapacité de consentir à un acte sexuel [57]. Il ne s’agit donc plus d’une question de présomption d’absence de consentement, mais d’une question d’incapacité au consentement sexuel [58]. Toute référence au consentement dans cette situation a donc disparu. C’est à la même conclusion que l’on peut parvenir lorsque l’on observe l’évolution de la qualification d’inceste en droit pénal.

B. L’acte sexuel incestueux du majeur sur un mineur

Pendant longtemps, le droit pénal français ne s’est jamais intéressé formellement à l’inceste. Tout au plus, les agressions sexuelles (viol compris) étaient aggravées lorsqu’elles étaient commises par un ascendant de la victime (articles 222-24, 4° N° Lexbase : L2625L4Y et 222-28, 2° N° Lexbase : L6221LLY du Code pénal). Puis sous l’impulsion d’associations de victimes, le législateur a décidé d’introduire une qualification d’inceste, à l’occasion de la loi du 8 février 2010, en la définissant comme toute agression ou atteinte sexuelle commise « au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » (articles 222-31-1 N° Lexbase : L6216LLS et 227-27-2 N° Lexbase : L2662L4D du Code pénal) [59]. Mais la référence à un « membre de la famille » a été jugée trop imprécise par le Conseil constitutionnel qui a donc censuré cette nouvelle qualification [60].  Le législateur est revenu à la charge à l’occasion de la loi n° 2016-297, du 14 mars 2016 N° Lexbase : L6342MSP en redéfinissant l’inceste de manière plus précise comme les viols et les agressions sexuelles commis sur la personne d'un mineur par :

« 1° Un ascendant ; 

« 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ; 

« 3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. »

Deux observations sont à faire sur cette définition et son rôle au lendemain de la loi de 2016. Tout d’abord, l’inceste en matière pénale est conçu à l’époque de manière étroite, c’est-à-dire à l’égard des seules victimes mineures, alors que le tabou sociologique de l’inceste se conçoit beaucoup plus largement y compris à l’égard de relations sexuelles entre adultes [61]. Ensuite, la loi de 2016 ne tirait aucune conséquence répressive de l’inceste, si ce n’est que le juge devait se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale dans ce cas. C’est dire que la qualification d’inceste lorsqu’elle était retenue relevait surtout de la fonction « symbolique » du droit pénal [62]

Mais, les choses ont évolué par la suite, et ce, sur les deux aspects. Tout d’abord, la loi du 3 août 2018 a étendu la notion pénale d’inceste à toute victime de viols ou d’agressions sexuelles y compris en présence d’une victime majeure [63]. Ensuite et surtout, la loi du 21 avril 2021 a introduit une notion de viol incestueux en dehors de toute violence, contrainte ou surprise du seul fait des relations incestueuses entre un auteur majeur et une victime mineure, dès lors que l’auteur dispose d’une autorité sur le mineur (articles 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal). La qualification d’inceste a donc désormais une conséquence technique et répressive puisqu’elle permet de fonder un viol ou une agression sexuelle entre un auteur majeur et une victime mineure (par hypothèse de 15 à 18 ans). On pourrait y voir une sorte de présomption de non consentement, mais il y a peut-être là encore quelque chose de plus fondamental. Car, le législateur n’a pas fait formellement de l’inceste un cas de présomption de contrainte morale, comme il a pu le faire par le passé pour les victimes mineures à l’article 222-22-1. Il a en effet fait le choix d’une infraction spéciale qui pourrait par-là exprimer symboliquement une règle morale d’interdit de toute sexualité même sans contrainte dans les relations intrafamiliales entre un majeur et un mineur. Et là encore toute référence au consentement est indifférente ; le garçon de 17 ans qui souhaiterait entretenir des relations amoureuses et/ou sexuelles avec la nouvelle jeune compagne de son père ne le pourra pas avant ses 18 ans, sauf à exposer sa belle-mère à la répression. Il est vrai, cependant, que le législateur est encore hésitant à l’assumer pleinement puisqu’il a quand même exigé un rapport d’autorité dont le but est sans doute d’éviter la répression de collatéraux dont l’un seulement a atteint la majorité. Or, si la ratio legis était l’interdit de l’inceste entre majeur et mineur, cette considération devrait être indifférente.

Entre promotion et effacement du consentement, voilà l’état des lieux du droit pénal que l’on peut aujourd’hui dresser en matière de lutte contre les violences sexuelles. Les finalités sont communes et parées de bonnes intentions : mieux protéger les victimes. Mais ces deux voies expriment deux conceptions bien différentes de la sexualité : la première entend promouvoir la liberté sexuelle de chacun, la seconde pour les mineurs semble davantage inspirée par des considérations « d’ordre public sexuel » ou, pour le dire autrement, de morale sexuelle.


* Cette contribution est issue d’une intervention à la 16e édition du Congrès français de psychiatrie qui s’est tenu à Rennes du 27 au 30 novembre 2024.

[1] V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, par A. Vitu, t.2, Cujas, 1982, n° 1852 et s.

[2] V. D. Mayer, Le nouvel éclairage donné au viol par la réforme du 23 décembre 1980, D., 1981, p. 283.

[3] V. Collectif Raison garder, Mineurs et sexualité, Dalloz, 2e éd., 2022, p. 59 et s. ; D. Mayer, art. préc. ; sur cette évolution, v. également, M. Iacub, Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistiques juridiques, Champs essais, 2002 ; G. Vigarello, Histoire du viol, Seuil, 1998 ; I. Théry, Moi aussi. La nouvelle civilité sexuelle, Seuil, 2022.

[4] La jurisprudence n’ayant pas souhaité procéder à cette extension, v. Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 N° Lexbase : A5291ACX ; D., 1999, p. 7, note Y. Mayaud ; JCP, 1998, II, 10215, note D. Mayer, après avoir hésité, Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97-85.455 N° Lexbase : A1451ACQ ; JCP, 1998, II, 10074, note D. Mayer ; D., 1998, p. 212, note Y. Mayaud. 

[5] À la suite d’un arrêt ayant écarté le viol pour un cunnilingus imposé à défaut d’avoir démontré une pénétration suffisante, v. Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-83.273, F-D N° Lexbase : A96353X7 : AJ pénal, 2020, p. 590, obs. A. Darsonville.

[6] J. Portier et F. Sobry, L’importance d’être consentant : les enjeux d’une exigence de consentement sexuel explicite en droit pénal français, AJ pénal, 2019, p. 431 ; v. également, V. Le Goaziou, Viol. Que fait la justice, Presses de Sciences Po, 2019, chap. 4.

[7] V. A. Darsonville, Réformer l’incrimination de viol ?, Entretien, D., 2017, p. 640 ; J. Portier et F. Sobry, art. préc. ; v. également, la tribune : Faire du consentement libre et éclairé à l’acte sexuel la norme, par A. Darsonville, M. Lafourcade, F. lavallière, C. Le Maguerese et E. Tuaillon-Hibon, Dalloz actualité, 5 juin 2024 [en ligne].

[8] V. J.-C. Saint-Pau, Redéfinition du viol : le piège du consentement, Dr. pén., 2024, étude 14 ; v. également, B. Ancel, Vers une nécessaire consécration législative du consentement explicite ?, Dr. pén., 2025, étude 5. 

[9] Sur ce point, v. P. Beauvais, L’Union européenne, nouvel acteur de la lutte pénale contre les violences sexistes, RTD Eur., 2024, p. 169.

[10] V. Loi n° 2014-476, du 14 mai 2014, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique N° Lexbase : L1788I3M et décret n° 2015-148, du 10 février 2015, portant publication de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (ensemble une annexe), signée à Istanbul le 11 mai 2011 N° Lexbase : L8709I7P.

[11] V. Art. 35 de la Convention.

[12] C. Le Magueresse, Viol et consentement en droit pénal français. Réflexions à partir du droit pénal canadien, Arch. polit. crim. 2012/1, n° 34

[13] B. Ancel, art. préc. 

[14] J.-B. Jacquin, En dix ans, le nombre de personnes condamnées pour viol a chuté de 40%, Le Monde, 14 septembre 2018 [en ligne].

[15] Le graphique ci-dessous a été effectué à partir des données du ministère de la Justice (SDSE, fichier statistique du Casier judiciaire national).

[16] V. Rapport du comité d’évaluation et de suivi des cours criminelles, octobre 2022 [en ligne] ; v. également, S. Grunvald, Instauration des Cours criminelles départementales et correctionnalisation, in S. Grunvald, N. Rafin et F. Rousseau, L’instauration des Cours criminelles en France, de l’expérimentation à la généralisation : enjeux et perspectives, L’Harmattan, 2025 (à paraître).

[17] V. Le Monde avec AFP, Une cour d’assises acquitte un homme accusé d’avoir violé une fille de 11 ans, Le Monde, 11 novembre 2017 [en ligne].

[18] Discours du Président de la République à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat, 25 novembre 2017 [en ligne].

[19] V. R. Castel, L’insécurité sociale, Éditions du Seuil, 2003 ; D. Bourg, P.-B. Joly et A. Kaufmann (ss-dir.), Du risque à la menace. Penser la catastrophe, Puf, 2013. 

[20] Nous empruntons la formule à J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[21] Par exp., v. Cass. crim., 10 mai 2001, n° 00-87.659 N° Lexbase : A5696AT7 ; Cass. crim., 21 février 2007, n° 06-88.735, F-P+F N° Lexbase : A6119DU8 ; Cass. crim., 25 janvier 2023, n° 22-83.344, F-B N° Lexbase : A06509AC.

[22] V. F. Desprez, Preuve et convictions du juge en matière d’agressions sexuelles, Arch. pol. crim., 2012, p. 45.

[23] V. Cass. crim., 8 juin 1994, n° 94-81.376 N° Lexbase : A8745ABI.

[24] V. Cass. crim., 8 février 1995, n° 94-85.202 N° Lexbase : A5646CPS.

[25] V. Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657, F-B N° Lexbase : A53365YB : Dr. pén., 2024, n° 182, obs. P. Conte ; AJ pénal, 2024, p. 518, obs. A. Darsonville ; RSC, 2024, p. 810, obs. Y. Mayaud.

[26] V. Cass. crim., 4 septembre 2019, n° 18-84.334, F-D N° Lexbase : A6493ZMG.

[27] V. infra II.

[28] Laquelle est déjà consacrée légalement à l’article 226-14 N° Lexbase : L3283MMK, depuis une loi du 30 juillet 2020, pour permettre au médecin de dénoncer aux autorités judiciaires des violences conjugales sans le consentement de la victime, sur cette consécration, v. M. Trachman & A. Amado, L’emprise saisie par le droit pénal. Problématisation des violences conjugales et protection des victimes en France, RSC, 2024, p. 297. 

[29] En ce sens, v. J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[30] V. Cass. crim., 5 septembre 1990, n° 90-83.786 N° Lexbase : A3056ABS ; Cass. crim., 11 juin 1992, n° 91-86.346 N° Lexbase : A0722ABD ; CEDH, 22 novembre 1995, Req. n° 20166/92, SW c/ RU N° Lexbase : A8378AW9 ; v. également, CEDH, 23 janvier 2025, Req. n° 13805/21, H.W. c/ France N° Lexbase : A53956SM, estimant que l’attribution aux torts exclusifs d’un divorce à l’épouse refusant d’avoir des relations sexuelles après le mariage est contraire à la liberté sexuelle garantie par l’article 8 de la Convention.

[31] V. C. pén., art. 222-22 N° Lexbase : L2618L4Q, al. 2 tel, que modifié par les lois n° 2006-399 du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commise contre les mineurs N° Lexbase : L5958MSH et n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants N° Lexbase : L7042IMR : « Le viol et les agressions sexuelles sont constitués […] quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et la victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage ».

[32] V. Cass. crim., 5 septembre 1990, préc. ; Cass. crim., 11 juin 1992, préc. ; v. également, Cass. crim., 17 juillet 1984, n° 84-91.288 N° Lexbase : A8260AA8, pour un viol sous la menace d’un couteau ; V. J.-M. Bruguière, Le devoir conjugal, D., 2000, chron. p. 10, qui relativise de ce fait la portée de ces arrêts.

[33] V. Cass. crim., 29 mars 2017, n° 17-80.237, F-P+B N° Lexbase : A0868UTC.

[34] J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[35] V. Cass. crim., 25 avril 2001, n° 00-85.467 N° Lexbase : A1203AWH.

[36] V. Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.353 N° Lexbase : A1098ACN.

[37] V. Cass. crim., 25 juin 1857 : S. 1857, 1, 711, ayant admis la tentative de viol à l’encontre d’un homme s’étant introduit de nuit dans le lit d’une femme en faisant croire au retour de son mari afin de tenter d’avoir une relation sexuelle avec elle.

[38] Cass. crim., 9 janvier 2019, n° 18-82.829, F-D N° Lexbase : A9701YS4 ; v. également, Cass. crim., 11 janvier 2017, n° 15-86.680, F-P+B N° Lexbase : A0754S8G.

[39] Cass. crim., 1er octobre 2013, n° 13-84.944, F-D N° Lexbase : A3257KML ; l’administration d’une drogue à autrui en vue d’obtenir une relation sexuelle constitue désormais, en soi, un délit, v. article 222-30-1 du Code pénal N° Lexbase : L6200LL9, introduit par la loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6492MSA.

[40] V. Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833, FS-P+B N° Lexbase : A3070YUA : Dr. pén., 2019, n° 42, obs. F. Gauvin ; D., 2019, p. 361, note E. Dreyer ; AJ pénal, 2019, p. 153, obs. A. Darsonville ; v. également, M. Daury-Fauveau, Le viol par mensonge (ou Casanova, pointure 36 fillettes), D., 2019, p. 945. 

[41] V. Cass. crim., 4 septembre 2019, n° 18-85.919, F-D N° Lexbase : A6486ZM8.

[42] V. A. Darsonville, Rép. pén. Dalloz, Viol, n° 34.

[43] V. E. Dreyer, Viol par tromperie sur l’apparence, D., 2019, p. 361 ; v. également, F. Rouvière, Le viol interprété à la lumière du droit civil, RTD civ., 2019, p. 701.

[44] J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[45] V. A. Dejean de la Batie, Du tabou au fantasme, les dérives sémantiques des infractions sexuelles, in Mélanges P. Conte, LexisNexis, 2023, p. 333.

[46] C. Guery, On crée le crime en le nommant : pour une redéfinition du viol, RSC, 2020, p25.

[47] V. J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[48] V. B. Chapleau, La pénalisation de la transmission du VIH par voie sexuelle, Dr. pén., 2006, étude 18 ; R. Ollard, De l’opportunité de la pénalisation de la transmission du VIH par voie sexuelle : analyse de droit comparé, RSC, 2016, p. 37. Cette réponse pénale éviterait d’ailleurs d’avoir à démontrer la contamination effective de la victime dont l’absence empêchera de retenir l’administration de substance nuisible, v. Cass. crim., 5 mars 2019, n° 18-82.704, FS-P+B N° Lexbase : A0187Y3C : Dr. pén., 2019, n° 80, obs. P. Conte ; en effet, pour le viol, l’infraction sera consommée du seul fait des relations sexuelles à la suite du mensonge sur la maladie du partenaire, indépendamment de toute contamination ; cette dernière, en revanche, pourrait aggraver le viol puisqu’elle constituerait une infirmité permanente, v. article 222-24 du Code pénal N° Lexbase : L2625L4Y.

[49] V. J.-C. Saint-Pau, art. préc.

[50] Et à défaut de bouleversement technique, la référence expresse au non-consentement pourrait avoir quelques vertus pédagogiques en matière d’éducation sexuelle, v ; D. Salas, Faut-il une loi pour redéfinir le viol ?, Les Cahiers de la justice 2025, p. 7, éducation sexuelle dont on conviendra qu’elle ne relève pas en premier lieu du droit pénal.

[51] V. J.-C. Saint-Pau, art. préc.  Le nouveau Code pénal belge adopté le 22 février 2024 prévoit d’autres situations dans lesquelles le consentement est exclu : abus de faiblesse de la victime ou bien encore état de sommeil ou d’inconscience de la victime, v. art. 138 du Nouveau Code Pénal belge.

[52]Sur laquelle, v. J.-C. Saint-Pau, Vers une redéfinition mixte du viol et des autres agressions sexuelles : beaucoup de bruit pour rien ?, JCP G, 2025, p. 493.

[53] Même si ces peines ont été considérablement durcies : deux ans d’emprisonnement lors de l’adoption du Code pénal actuel en 1994, puis cinq ans d’emprisonnement avec la loi n° 98-468, du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs N° Lexbase : L8570AIA et enfin sept ans d’emprisonnement depuis la loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6492MSA. Par comparaison, le viol sur mineurs de 15 ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle, v. C. pén., art. 222-24 N° Lexbase : L2625L4Y.

[54] V. Cass. crim., 7 décembre 2005, n° 05-81.316, FS-P+F+I N° Lexbase : A1215DMX : Dr. pén., 2006, n° 31, obs. M. Véron ; RSC, 2006, p. 319, obs. Y. Mayaud.

[55] V. Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 N° Lexbase : A5291ACX (belle-mère) ; Cass. crim., 14 novembre 2001, n° 01-80.865 N° Lexbase : A4800CHA (beau-père) ; Cass. crim., 10 mai 2001, n° 00-87.659 N° Lexbase : A5696AT7 (oncle) ; v. également, Cass. crim., 18 juin 2003, n° 02-87.216 N° Lexbase : A35330EL, pour une victime de 9/10 ans.

[56] Ces décisions n’étaient peut-être pas incontestables et l’une d’entre elle fut d’ailleurs réformée en appel l’année suivante (CA Paris, 27 novembre 2018). 

[57] Sur le concept de « consentement statutaire », v. I. Théry, Moi aussi. La nouvelle civilité sexuelle, Seuil, 2022.

[58] En ce sens, v. Cons. const., décision n° 2023-1058 QPC, du 21 juillet 2023 N° Lexbase : A86161BQ. À cet égard, n’y a-t-il pas une incohérence ou contradiction à avoir maintenu le délit d’atteinte sexuelle, dans l’hypothèse d’un écart d’âge inférieur à 5 ans (majeur 18 ans et mineure 14 ans…) ? Car, en l’absence de l’écart d’âge, la capacité sexuelle du mineur n’est-elle pas rétablie ? Sur les raisons du maintien de cette qualification, v. J.-B. Perrier & F. Rousseau, Chronique législative, RSC, 2021, p. 453.

[59] V. O. Baldes, Le retour de l'inceste dans le Code pénal : pour quoi faire ?, Dr. pén., 2010, étude n° 7 ; A. Montas et G. Roussel, La pénalisation de l’inceste : nommer l’innommable, APC 2010/1, n° 32, p. 289 ; pour une analyse de droit comparé, v. Ch. Guéry, L’inceste : étude de droit comparé, D., 1998, chron. p. 47.

[60] V. Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011 : Dr. pén., 2011, n° 130, obs. Véron ; RSC, 2012, p. 221, obs. de Lamy ; RPDP, 2011, p. 694, obs. A. Lepage, abrogeant l’article 222-31-1 N° Lexbase : L6216LLS ; v. également, Cons. const., décision n° 2011-222, du 17 février 2012 N° Lexbase : A9099MWW, abrogeant pour les mêmes motifs l’article 227-27-2 N° Lexbase : L2662L4D.

[61] Le droit civil s’en fait d’ailleurs l’écho avec les règles d’opposition à mariage du Code civil qui par hypothèse concerne des personnes majeures, v. articles 161 à 163 du Code civil N° Lexbase : L8846G9I.

[62] Sur cette fonction, v. S. Simonet, Les lois pénales didactiques, Th. Lyon 3, 2024.

[63] Depuis, la loi du 21 avril 2021, l’inceste est défini aux articles 222-22-3 N° Lexbase : L2621L4T et 222-29-3 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal et a été élargi aux infractions sexuelles commises par un grand-oncle ou une grand-tante.

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Actualité

[Veille] Contrats Responsabilité Immobilier - Actualité mensuelle (15 avril 2025 - 15 mai 2025)

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef

Le 26 Mai 2025

La revue Lexbase Contrats – Responsabilité – Immobilier (CRI) vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection de l’actualité jurisprudentielle et normative en droit des droit des contrats, droit de la responsabilité et droit immobilier, classée par matières sous plusieurs thèmes/mots-clés.


 

I. Assurances
II. Baux d’habitation
III. Construction
IV. Consommation
V. Contrats et obligations
VI. Copropriété
VII. Droit international privé
VIII. Droit des biens
IX. Droit rural
X. Responsabilité
XI. Vente d’immeubles


I. Assurances

♦ Extension de la prescription d’une demande à une autre – Actions tendant à un seul et même but

Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-20.113, F-B N° Lexbase : A22460RM : l'interruption de la prescription s'étend d'une demande à une autre lorsque les deux actions successivement engagées tendent l'une et l'autre à l'indemnisation du même sinistre, en exécution du même contrat d'assurance, et, en conséquence, au même but.

♦ Garanties « incapacité totale ou partielle de travail » et « invalidité permanente totale » –  Clause abusive

Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-14.896, FS-B N° Lexbase : A22290RY : La clause litigieuse, qui porte sur l'objet principal du contrat et prévoit que l'invalidité n'est garantie que si elle égale ou excède un certain taux, déterminé en fonction des taux d'incapacité permanente fonctionnelle et professionnelle figurant à un tableau joint, ne contient aucune définition de ces deux incapacités, ni d'élément permettant de comprendre le calcul du taux d'invalidité lorsque ces incapacités ne sont pas évaluées en dizaines, de sorte qu'elle ne comporte pas les informations suffisantes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le calcul du taux d'invalidité déterminant l'octroi de la rente et n'est, dès lors, pas claire et compréhensible ; est dès lors censure l’arrêt ayant débouté le demandeur de son moyen tiré du caractère abusif de la clause de garantie invalidité totale et permanente.

♦ Obligation d’information de l’assureur quant au régime de la prescription biennale

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-22.880, F-D N° Lexbase : A75120QB : l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les termes de l'article L. 114-1 du Code des assurances N° Lexbase : L2081MAC et les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code N° Lexbase : L9564LGC, la seule référence à ces deux articles étant insuffisante à satisfaire à son obligation d'information (Cass. civ. 3, 16 novembre 2011, n° 10-25.246, FS-P+B N° Lexbase : A9401HZ9).

♦ Assurance décennale – Obligation d'ordre public – Résolution du contrat aux torts exclusifs

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-21.574, F-D N° Lexbase : A76060QR : par application de l'article L. 241-1 du Code des assurances N° Lexbase : L1827KGR, la justification par un constructeur, à l'ouverture du chantier, de la souscription d'une assurance décennale, est une obligation d'ordre public, et son défaut constitue un manquement de gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat aux torts de celui-ci, par application de l'article 1224 du Code civil N° Lexbase : L0939KZS.

Pour aller plus loin : v. J. Mel, Des sanctions civiles du défaut d'assurance de responsabilité civile décennale à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, Le Quotidien, mai 2025 N° Lexbase : N2291B3A.

II. Baux d’habitation

♦ Agent immobilier – Limitation du montant des honoraires mis à la charge des preneurs – Obligation légale de révision annuelle de ces plafonds (non)

CE 5 ch., 7 mai 2025, n° 499287 N° Lexbase : A39060R4 : en premier lieu, les dispositions du I de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989, qui ont pour objet de limiter le montant des honoraires des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur concours à l'entremise ou à la négociation d'une mise en location d'un logement, susceptibles d'être mis à la charge des preneurs, soustraient ces services à la libre détermination de leur prix par le jeu de la concurrence prévue par l'article L. 402-1 du Code de commerce (NDLR : lire L. 420-1 N° Lexbase : L6583AIN). En second lieu, ces mêmes dispositions n'ont fixé aucune obligation en matière de révision des plafonds de la fraction de ces honoraires qui sont partagés entre le bailleur et le preneur. L'article 3 du décret du 1er août 2014 pris pour leur application (décret n° 2014-890 du 1er août 2014 N° Lexbase : L4487MUQ)  qui s'est borné à faire référence à la variation annuelle du dernier indice de référence des loyers sans fixer aucun seuil ni mécanisme de calcul n'impose pas davantage une révision annuelle de ces plafonds automatiquement corrélée à la moindre variation de cet indice. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires aurait méconnu une obligation légale de révision annuelle de ces plafonds qui se serait imposée à lui.

♦ Point de départ du délai de préavis applicable au congé

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 23-13.151, F-D N° Lexbase : A81670RW : Selon l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH, le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier de justice (désormais commissaire de justice) ou de la remise en main propre. Doit être censuré l’arrêt qui, pour condamner le locataire et les cautions au paiement du loyer jusqu'au seul mois de juillet 2019, retient que le locataire a délivré congé avec préavis réduit le 18 juin 2019 en adressant à la bailleresse une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, que celle-ci ne peut, en ne retirant pas le courrier recommandé du locataire, se créer le droit potestatif de ne pas faire courir le délai du préavis alors qu'elle justifie par ses propres pièces avoir été présente à son domicile le 26 juin 2019 dans le temps du retrait de la lettre recommandée, qu'au 1er juillet 2019, il a été remis dans sa boîte aux lettres une lettre suivie adressée par les cautions comprenant une copie du congé du 18 juin 2019, et que le délai de préavis applicable au congé a donc commencé à courir au jour de la réception de cette lettre suivie par la bailleresse, sans constater que la bailleresse avait signé un avis de réception d'une lettre recommandée contenant un congé ou que le congé lui avait été remis en main propre.

III. Construction

♦ Sous-traitance – Date d’effet – Date d’agrément

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-19.086, FS-B N° Lexbase : A15870QT : Il résulte des articles 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 14, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance N° Lexbase : L5127A8E que les parties à un contrat de sous-traitance peuvent convenir que celui-ci ne sera formé ou ne prendra effet qu'à compter de la date à laquelle le sous-traitant sera agréé par le maître de l'ouvrage et ses conditions de paiement par lui acceptées. Dans ce cas, l'existence d'une délégation de paiement du maître de l'ouvrage au bénéfice du sous-traitant ou la délivrance par l'entrepreneur principal d'un engagement de caution à son profit à la date de l'agrément du sous-traitant et de l'acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage est exclusive de la nullité du sous-traité, sauf commencement des travaux du sous-traitant antérieur à l'obtention de ces garanties.

Pour aller plus loin : v. J. Mel, Les parties à un contrat de sous-traitance peuvent caler la date d'effet sur la date d'agrément, Lexbase Contrats Responsabilité Immobilier (CRI), mai 2025 N° Lexbase : N2265B3B.

♦ VEFA – Délai de livraison convenu sous réserve d'une cause légitime de suspension de délai, telle que les intempéries – Clause abusive (non)

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, deux arrêts, n° 23-21.499, F-D N° Lexbase : A75210QM et n° 23-21.500, F-D N° Lexbase : A77140QR : la cour d'appel a relevé, d'une part, que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement prévoyait que le délai de livraison était convenu sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai, telle que les intempéries, d'autre part, procédant à la recherche prétendument omise, que l'architecte, qui avait produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par les acquéreurs, était un professionnel qualifié, tiers au contrat. Elle en a exactement déduit que cette clause, qui n'avait ni pour objet, ni pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, n'était pas abusive.

♦ Condamnation in solidum des constructeurs

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-21.040, F-D N° Lexbase : A77300QD : les différents intervenants à l'acte de construire ne peuvent être condamnés in solidum à réparer le préjudice du maître de l'ouvrage que si, par leurs fautes respectives, ils ont contribué de manière indissociable à la survenance d'un même dommage.

♦ Travaux supplémentaires – Acceptation sans équivoque

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-18.856, F-D N° Lexbase : A76020QM : Il résulte de l'article 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH que, quelle que soit la qualification du marché retenue, les travaux supplémentaires ne donnent lieu à paiement que s'ils ont été soit commandés avant leur exécution, soit acceptés sans équivoque après leur exécution.

♦ Convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le cadre d’opérations d’expertise – Résiliation par le maître d’ouvrage – Responsabilité contractuelle 

Cass. com., 14 mai 2025, n° 23-20.706, F-D N° Lexbase : A553109Q : Il résulte  l'article 1147 du Code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, et que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. En l’espèce, s’agissant d’une convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le cadre d’opérations d’expertise, dénoncée sans préavis par le maître d’ouvrage, l’arrêt, ayant relevé que l'assistance de maîtrise d'ouvrage ne se limitait pas aux seuls désordres affectant le carrelage mais à tous ceux que l'expert avait retenus dans son rapport définitif, a retenu que le contrat prévoyait une rémunération sur la base d'un certain pourcentage de l'ensemble des travaux retenus par l'expert et en a déduit que la société était fondée à réclamer une indemnité compensatrice de cet honoraire perdu calculé sur les mêmes bases que celles prévues par le contrat résilié ; en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement évalué les dommages et intérêts dus à la société.

IV. Consommation

♦ Mention relative à la capitalisation des intérêts – Prêt viager hypothécaire

Cass. civ. 1, 7 mai 2025, n° 23-19.264, FS-B N° Lexbase : A22320R4 : dès lors qu'aucune disposition spéciale du Code de la consommation ne faisait obstacle, avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, à l'application des dispositions de l'article 1154 du Code civil N° Lexbase : L0859KZT aux intérêts échus durant le cours d'un prêt viager hypothécaire, l'adjonction par cette loi, au sein de l'article L. 314-1 du code de la consommation N° Lexbase : L3335K7N, de la mention relative à la capitalisation des intérêts, revêt un caractère purement interprétatif.

V. Contrats et obligations

♦ Devoir d’information précontractuelle

Cass. com., 14 mai 2025, n° 23-17.948, FS-B N° Lexbase : A972908T : il résulte de l'article 1112-1 du Code civil N° Lexbase : L0598KZ8 que le devoir d'information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie.

♦ Prêt à usage – Absence de terme convenu – Résiliation

Cass. civ. 1, 14 mai 2025, n° 23-22.953, F-D N° Lexbase : A755209L : après avoir constaté que des propriétaires avait mis à disposition de Mme A, de nationalité italienne, l'appartement en considération de l'état de santé de celle-ci afin de lui permettre de recevoir des soins adaptés dans un établissement hospitalier en France, la cour appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le prêt à usage consenti sans terme convenu avait un caractère permanent, sans qu'aucun terme naturel, tel que le décès de l'intéressée, soit prévisible. Sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, elle en a exactement déduit que le propriétaire était en droit de mettre fin au contrat à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.

♦ Contrat de dépôt – Prescription de l’action en restitution

Cass. civ. 1, 14 mai 2025, n° 23-17.351, F-D N° Lexbase : A7622098 : l'action en restitution fondée sur un contrat de dépôt constitue une action mobilière distincte de l'action en revendication et est soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières.

♦ Contrats interdépendants – Annulation d’un contrat – Caducité

Cass. com., 7 mai 2025, n° 24-14.277, F-B N° Lexbase : A22390RD : il résulte de l'article 1351 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (désormais, C. civ., art. 1355 N° Lexbase : L1011KZH), qu'un jugement ne peut créer de droits ni d'obligations en faveur ou à l'encontre de ceux qui n'ont été ni parties ni représentées dans la cause. Il s'ensuit que lorsque des contrats sont interdépendants, l'annulation, par une décision de justice, de l'un de ces contrats n'entraîne la caducité par voie de conséquence des autres que si toutes les parties au contrat annulé ont été attraites à l'instance en annulation.

♦ Mandat apparent – Croyance légitime du tiers – Circonstances autorisant le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs

Cass. com., 7 mai 2025, n° 23-10.896, F-D N° Lexbase : A80490RK : Il résulte de l'article 1985 du Code civil N° Lexbase : L2208ABE qu’une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.

VI. Copropriété

Action du syndicat des copropriétaires en réparation d'un dommage affectant les parties communes – Effet interruptif de forclusion bénéficiant au copropriétaire agissant en réparation du dommage affectant ses parties privatives

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 23-19.324, F-D N° Lexbase : A80800RP : il résulte des articles 1792-4-1 N° Lexbase : L7166IAN et 2241, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L7181IA9 et de l'article 15, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4808AHK que l'effet interruptif de forclusion attaché à l'assignation délivrée par un syndicat des copropriétaires ayant agi en réparation d'un dommage affectant les parties communes bénéficie au copropriétaire agissant en réparation d'un dommage affectant ses parties privatives lorsque ces dommages procèdent d'un même désordre, peu important que le copropriétaire n'ait pas été partie à l'instance engagée par le syndicat des copropriétaires.

VII. Droit international privé

♦ Clause attributive de juridiction – Clause prévue aux conditions générales de vente

Cass. civ. 1, 7 mai 2025, n° 23-22.972, F-D N° Lexbase : A81910RS : de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le renvoi aux conditions générales fût-il explicite et accepté par le contractant, il n'était pas justifié que ce dernier avait été en mesure, moyennant des diligences normales, de consulter les conditions générales de vente dans lesquelles était insérée la clause attributive de juridiction, et qu'il avait pu les sauvegarder ou les imprimer avant la conclusion du contrat, la cour d'appel a pu en déduire que cette clause prévue aux conditions générales de vente n'était pas applicable.

VIII. Droit des biens

♦ Indivision forcée – Demande par un indivisaire de suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 24-15.027, FS-B N° Lexbase : A22430RI : si en matière d'indivision forcée, chacun des indivisaires a le droit d'user et de jouir du bien indivis, à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires et de ne causer ni dommage ni trouble à la possession d'aucun d'eux, chacun d'eux peut, en vertu de son droit propre, demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis, ne pouvant être contraint d'en devenir propriétaire.

♦ Modification de l'assiette d'une servitude – Nécessité d’un accord donné par le propriétaire du fonds dominant ou d’une autorisation judiciaire pour effectuer les travaux de déplacement de l'assiette

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 23-50.032, F-D N° Lexbase : A80650R7 : Selon l'article 701, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L3300ABT, si l'assignation primitive de la servitude devient plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, le propriétaire du fonds assujetti peut offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne peut pas le refuser. Il est jugé que ces dispositions, de portée générale, n'exigent pas un accord du propriétaire du fonds dominant, la modification pouvant être autorisée par un juge (Cass. civ. 3, 18 mars 1987, n° 85-16-692, publié au bulletin N° Lexbase : A7287AA7), mais que le propriétaire d'un fonds servant, qui modifie l'assiette primitive d'une servitude, sans l'accord préalable du propriétaire du fonds dominant ou autorisation judiciaire, ne peut invoquer l'article 701 du Code civil (Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-15.763, FS-P+B N° Lexbase : A7346EIW), à moins qu'il n'ait préalablement rétabli l'assiette d'origine de la servitude de passage (Cass. civ. 3, 18 janvier 2023, n° 22-10.700, FS-B N° Lexbase : A607388G).

♦ Expulsion – Erreur manifeste d’appréciation – Survenance de circonstances postérieures à la décision de justice

CE référé, 16 avril 2025, n° 503217 N° Lexbase : A88380MB : en cas d'octroi de la force publique, il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonnée, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

IX. Droit rural

♦ Bail rural – Congé pour reprise à la fin de la période de prorogation – Contrôle a posteriori de la reprise

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 23-15.142, FS-B N° Lexbase : A22310R3 : lorsque le bailleur a délivré, en application de l'article L. 411-58, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L5403MG9, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022, un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d'éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu'il ne pouvait alors utilement opposer.

♦ Bail rural – Reprise non soumise à autorisation – Sursis à statuer

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 22-16.518, FS-B N° Lexbase : A22340R8 : Il résulte de l'article L. 411-58, alinéas 4 et 6, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L5403MG9, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006, que, s'il apparaît, fût-ce rétrospectivement, qu'à la date d'effet du congé, la reprise n'était pas soumise à autorisation, le sursis à statuer qui aurait cependant été prononcé n'a pu entraîner la prorogation du bail et, par suite, le report de la date d'appréciation des conditions de la reprise.

♦ Bail rural – Résiliation pour mise à disposition irrégulière d’une société

Cass. civ. 3, 7 mai 2025, n° 24-11.173, F-D N° Lexbase : A80610RY : Il est jugé que le preneur ou, en cas de cotitularité, l'un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d'une société dont ils ne sont pas associés mais qui continuent à se consacrer à l'exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n'abandonnent pas la jouissance du bien loué à cette société et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3°, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L8924IWG et est donc tenu de démontrer que le manquement est de nature à lui porter préjudice (v. déjà Cass. civ. 3, 26 septembre 2024, n° 23-12.967, FS-B N° Lexbase : A405754Z).

♦ Bail rural – Conditions d’exercice du droit de reprise par une société familiale

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-22.354, FS-B N° Lexbase : A15740QD : Il résulte de l'article L. 411-60 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6197HHY qu'une société, même constituée entre conjoints, partenaires d'un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus, ne peut exercer le droit de reprise qu'à la condition d'avoir un objet agricole. En revanche, il n'est pas exigé, dans ce cas, que les biens lui aient été apportés en propriété ou en jouissance neuf ans au moins avant la date du congé et que les membres devant assurer l'exploitation des biens repris détiennent des parts sociales depuis neuf ans au moins lorsqu'ils les ont acquises à titre onéreux.

X. Responsabilité

A. Dommages corporels

♦ Indemnisation par l’ONIAM – Recours subrogatoire – Perte de revenus des proches

Cass. civ. 1, 14 mai 2025, n° 23-23.499, F-B N° Lexbase : A999208L : Il résulte de l'article L. 1142-17 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4429DLM qu'il y a lieu de déduire de l'indemnisation à la charge de l'ONIAM les prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9, et plus généralement les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. Dans le cas d'un décès de la victime directe ayant un conjoint et/ou des enfants à charge, le revenu annuel du foyer après décès, qui doit être pris en compte comme élément de référence pour le calcul de l'indemnité due au titre du préjudice économique du conjoint survivant et des enfants, n'intègre pas les prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire dès lors que celles-ci doivent ensuite être imputées sur le poste du préjudice économique de chacun des bénéficiaires de prestations, même si aucun recours ne peut être exercé par les tiers payeurs contre l'ONIAM, lequel n'est pas responsable du dommage survenu.

♦ Point de départ du délai de prescription quadriennale applicable à une action en responsabilité dirigée contre l’administration

CE 5 ch., 7 mai 2025, n° 496311 N° Lexbase : A39140RE : quel que soit le régime de responsabilité applicable, le point de départ du délai de prescription quadriennale applicable à une action en responsabilité en vue d'obtenir réparation pour la victime d'un dommage corporel qu'elle a subi est le premier jour de l'année suivant celle de la consolidation des infirmités liées à ce dommage.

♦ PGPF – Indexation du salaire antérieur pour tenir compte de l’érosion monétaire

Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-19.930, F-D N° Lexbase : A81900RR : pour évaluer les pertes de gains professionnels futurs de la victime, l'arrêt se fonde, pour la période allant de la consolidation au 1er novembre 2017, sur un salaire de référence correspondant à la moyenne des salaires perçues par la victime durant les quatre années précédent l'accident. En statuant ainsi, sans se fonder sur le salaire auquel la victime aurait eu droit au jour de la décision, alors que l’intéressé avait conclu à la nécessité d'indexer son salaire antérieur afin de tenir compte de l'érosion monétaire pour les années 2016 et 2017, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

B. Responsabilité médicale

♦ Dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins – Caractère d’anormalité – Probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient

Cass. civ. 1, 14 mai 2025, n° 23-23.548, F-D N° Lexbase : A774209M : il résulte de ce texte que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible et que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient.

♦ ONIAM – Absence de recours subrogatoire des caisses de Sécurité sociale

Cass. civ. 1, 14 mai 2025, n° 23-23.884, F-D N° Lexbase : A757309D : il résulte des articles L. 1142-22 N° Lexbase : L1621LIU et L. 1142-1-1 N° Lexbase : L1859IEL du Code de la santé publique et L. 376-1 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L8870LHY que, lorsque l'ONIAM indemnise au titre de la solidarité nationale la victime d'un dommage, il n'a pas la qualité d'auteur responsable, de sorte qu'aucun recours subrogatoire ne peut être exercé contre lui par les caisses de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime et qu'il ne peut ni être condamné au paiement de leurs debours ni garanti d'une telle condamnation.

♦ ONIAM – Recouvrement des sommes versées victimes – Titre exécutoire

CE 5/6 ch.-r., 6 mai 2025, n° 473562, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A25260RY : en premier lieu, lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du Code des assurances N° Lexbase : L6154M8G, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Ainsi, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Toutefois, l'office reste recevable à présenter, à titre subsidiaire, dans l'instance formée par le débiteur en opposition à ce titre exécutoire, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser les sommes ainsi dues, au cas où l'annulation du titre exécutoire serait prononcée par le juge pour un motif de régularité en la forme, étant précisé que l'examen de telles conclusions par le juge suppose, en application de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L8870LHY, la mise en cause des tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5390IR3 que seul le juge peut prononcer la pénalité qu'elles prévoient et que l'ONIAM ne peut, en l'état des dispositions applicables, émettre un titre exécutoire en vue de son recouvrement. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition.

XI. Vente d’immeubles

♦ Prix dérisoire – Appréciation souveraine des juges du fond

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-19.684, F-D N° Lexbase : A74690QP : sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a retenu que le prix convenu, représentant environ un cinquième de la valeur établie par le collège d'experts judiciaires, n'était pas dérisoire. Le moyen n'est donc pas fondé.

♦ Engagement de vente ferme et définitif – Promesse unilatérale de vente (non)

Cass. civ. 3, 30 avril 2025, n° 23-20.353, F-D N° Lexbase : A76570QN : Ayant retenu que M. X s'était engagé à vendre à M. Y un immeuble donné, à un prix déterminé et payable selon des modalités parfaitement définies, le second s'étant obligé à verser au premier, à la signature d'un compromis officiel établi par le notaire, une somme équivalente à 50 % du prix de vente du terrain, ce qui caractérisait un engagement de vente ferme et définitif, non soumis à l'acceptation du bénéficiaire qui ne disposait d'aucun droit d'option, faisant ainsi ressortir que celui-ci s'était engagé à acheter, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit, nonobstant les formalités de publication accomplies ultérieurement par ce dernier, que l'acte signé le 17 décembre 1996 par les parties, qui n'était pas une promesse unilatérale de vente, valait vente dès cette date, à laquelle, par jugement du même jour, M. X était devenu adjudicataire du bien immobilier qui en constituait l'objet.

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Procédure d'appel

[Dépêches] L’obligation jurisprudentielle de solliciter l’infirmation ou l’annulation du jugement dans les conclusions n’est pas d’application immédiate !

Réf. : Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-22.868, F-B N° Lexbase : B3029AAG

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N2339B3Z

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 03 Juillet 2025

La Cour de cassation précise sa jurisprudence du 17 septembre 2020 au sujet du dispositif des conclusions (V. Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626 N° Lexbase : A88313TA).  Elle considère que lorsqu’une instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à cette jurisprudence, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cette dernière ne peut recevoir application, quand bien même la saisine de la juridiction de renvoi serait postérieure au 17 janvier 2020.


Faits et procédure. Par un arrêt du 16 juin 2016, la société AZ Concept a été condamnée à payer diverses sommes à M. et Mme [W]. Cette société a été dissoute le 21 juillet 2013, et M. [V] a été désigné en qualité de liquidateur amiable. Par la suite, la société a été placée en liquidation judiciaire le 28 mars 2017.  Reprochant à M. [V] plusieurs fautes, M. et Mme [W] ont recherché sa responsabilité et demandé sa condamnation au paiement des sommes dues par la société. Une décision de première instance est rendue le 15 janvier 2018 puis un arrêt d’appel est rendu sur cette affaire, le 29 novembre 2019. Cet arrêt est cassé par une décision de la Cour de cassation du 14 avril 2021. Suite à cette décision, l’affaire a été renvoyée à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui statue sur cette dernière le 22 septembre 2022. M. et Mme [W] décident d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. Les demandeurs au pourvoi font grief à l’arrêt de confirmer le jugement du 15 janvier 2018.  M. et Mme [W] affirment qu’est interdite l’application immédiate d’une règle de procédure résultant d'une interprétation nouvelle des articles 542 N° Lexbase : L7230LEI et 954 N° Lexbase : L2439MLW du Code de procédure civile. Les demandeurs au pourvoi affirment que cette application immédiate est interdite lorsqu’elle intervient lors d’une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à sa formulation, et lorsqu’elle a été expressément exclue par la Cour de cassation. Les juges du fond ont considéré qu’il résultait des dispositions combinées des articles 542 et 954 du Code de procédure civile qu'à défaut de demande de réformation du jugement déféré, la cour d'appel ne pouvait que le confirmer. Les juges du fond soulignent que ces dispositions applicables depuis le 1er septembre 2017, avaient été rappelées par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020. Or, M. et Mme [W] soulignent que cette saisine est antérieure à celle de la Cour d’appel de renvoi, qu’ils ont réalisé le 19 mai 2021. En statuant ainsi, sans rechercher si la date de la déclaration d’appel n’était pas antérieure à l’arrêt du 17 septembre 2020, M. et Mme [W] considèrent que la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 542 et 954 du Code de procédure civile.

Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation de M. et Mme [W], au visa des articles 542, 631 [LXB=] et 954 du Code de procédure civile, et de l’article 6§1 de la ConvEDH. La Cour rappelle sa jurisprudence du 17 septembre 2020 (V. Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626).  Depuis cette dernière, elle considère qu’il résulte des articles 542 et 954 du Code de procédure civile, que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer ce dernier. Cependant, la Haute juridiction précise les conditions d’application de cette nouvelle règle de procédure. Tout d’abord, la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n'est pas une déclaration d'appel et n'introduit pas une nouvelle instance, mais entraîne la poursuite de l'instance d'appel initiale. Dans cette hypothèse, c’est la même instance d’appel qui reprend et se poursuit devant la Cour d’appel de renvoi. En conséquence, lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application, quand bien même la déclaration de saisine serait postérieure au 17 septembre 2020. Après avoir rappelé le raisonnement des juges du fond, la Cour relève que l’application de cette jurisprudence n’était pas prévisible pour M. et Mme [W], qui ont relevé appel le 1er mars 2018. En appliquant cette jurisprudence, la Cour considère que les juges du fond ont privé M. et Mme [W] de leur droit à un procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR. Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence est cassé en toutes ses dispositions par la Cour de cassation.

newsid:492339

Union européenne

[Questions à...] Guerre commerciale avec les USA, quelle efficacité pour le Règlement anti-coercition de l’UE ? Questions à Marc Mossé, August Debouzy

Réf. : Règlement (UE) n° 2023/2675 du 22 novembre 2023, relatif à la protection de l’Union et de ses États membres contre la coercition économique exercée par des pays tiers N° Lexbase : L5852MKX

Lecture: 9 min

N2332B3R

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Le 28 Mai 2025

Mots clés : guerre commerciale • tarifs douaniers • protectionnisme • coercition • Union européenne

Le Règlement (UE) n° 2023/2675 du 22 novembre 2023, relatif à la protection de l’Union et de ses États membres contre la coercition économique exercée par des pays tiers, pourrait faire l’objet d’une première utilisation par l’Union européenne dans le cadre du conflit commercial décidé par Donald Trump et mené à travers la hausse des tarifs douaniers applicables aux marchandises importées sur le sol américain. Un pilotage fin de cet outil devra être cependant opéré pour ne pas mener à une escalade contre-productive pour les entreprises européennes et les consommateurs ni affaiblir davantage le droit du commerce international. Pour faire le point sur une éventuelle activation de ce mécanisme inédit, Lexbase a interrogé Marc Mossé, Senior counsel, August Debouzy*.


 

 

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les objectifs du Règlement anti-coercition du 22 novembre 2023 ?

Marc Mossé : Le Règlement anti-coercition du 22 novembre 2023 s’inscrit dans la volonté de l’Union européenne de s’affirmer comme une puissance commerciale souveraine et autonome. Ce texte lui permet d’adopter, en réaction à des mesures économiques hostiles voire agressives de la part d’un État tiers, des mesures de ripostes crédibles et graduées tout en conservant une approche la plus convergente possible de l’ensemble des États membres. Ce nouvel instrument a été pensé dans le cadre d’une montée des tensions du commerce international alors que le multilatéralisme est en crise. Il s’agissait de doter l’Union européenne et ses États membres d’un instrument original adapté aux nouvelles complexités d’un monde en tension, et cela avant même l’élection du Président D. Trump aux États-Unis. Adopté en écho, notamment, des menaces de représailles de la Chine vis-à-vis de la Lituanie alors que cet État membre de l’Union développait ses relations avec Taiwan, ce Règlement a vocation à s’appliquer dans toute situation qui peut être qualifiée de coercition économique. Comblant un certain vide dans l’arsenal de la politique commerciale commune de l’Union, il permet à celle-ci et à ses États membres de riposter tout en respectant ses obligations issues du droit international.

Si ce texte est parfois présenté comme défensif, son objectif premier reste d’abord dissuasif, comme l’a rappelé M. Valdis Dombrovskis, commissaire européen au Commerce, lors des échanges interinstitutionnels. Il s’agit d’un « instrument de dissuasion qui par sa seule existence, doit inciter les pays tiers tentés d’exercer des pressions sur l’Union ou l’un de ses États membres à y renoncer » [1].

En effet, le Règlement privilégie dans un premier temps la négociation entre l’Union, via la Commission investie d’un mandat ad hoc, et le pays tiers coercitif pour régler le différend à l’amiable et ainsi faire cesser la coercition. Le processus mis en place par le Règlement doit permettre de désamorcer les crises. Ce n’est qu’en dernier ressort, et donc après échec de ces possibles négociations, que l’Union adopterait des mesures de riposte contre ce pays tiers.

Lexbase : Quels éléments pourraient pousser l'UE à en faire application ?

Marc Mossé : L’Union pourrait faire application de ce Règlement en cas de pression commerciale exercée par un État tiers et qui serait considérée comme illégitime et grave.

L’élément déclencheur de ce nouvel instrument commercial est l’existence avérée d’une coercition économique. Celle-ci est définie par l’article 2 du Règlement comme une « situation dans laquelle un pays tiers applique ou menace d’appliquer une mesure affectant le commerce ou les investissements dans le but d’empêcher ou d’obtenir la cessation, la modification ou l’adoption d’un acte particulier par l’Union ou un État membre, et interfère dans les choix souverains de l’Union ou d’un État membre ». Cette définition semble englober à la fois des actes licites et illicites au regard du droit international.

La Commission doit examiner, de sa propre initiative ou sur saisine dûment justifiée, par un État membre, une entreprise ou pourquoi pas une association professionnelle, si la mesure adoptée par le pays tiers constitue un cas de coercition économique, en fonction de son intensité, de sa durée, sa fréquence mais également de son ampleur. Cela suppose que la personne qualifie la situation et indique, par exemple, si la mesure du pays tiers est en vigueur, en application ou pas encore et, si adoptée, comment ladite mesure du pays tiers affecte le commerce ou les investissements internationaux et comment l’Union ou l’un de ses États membres est affecté ? Autre point important, il faut démontrer comment le pays tiers compte, par sa mesure, empêcher ou obtenir la cessation, la modification ou l’adoption d’un acte particulier par l’Union ou un État membre.

Les tarifs douaniers imposés par l’administration Trump les 12 mars et 2 avril derniers ont soulevé la question de l’utilisation, pour la première fois, de ce Règlement. Il en va de même avec les nouvelles déclarations du Président des États-Unis ce vendredi 23 mai, établissant un lien entre la menace d’augmentation des droits de douane visant spécifiquement l’UE au motif, notamment, de sa politique dénoncée comme visant prétendument les entreprises états-uniennes via, entre autres politiques, les différentes législations (DMA, DSA,…) adoptées ces dernières années. De telles déclarations ajoutées à d’autres, mais pour l’instant sans mise en œuvre formelle, pourraient, en première analyse succincte, entrer dans les prévisions de l’article 2 précité.

À ce jour, la mise en œuvre du Règlement n’est pas activée mais est certainement une option à envisager; L’Union privilégie la négociation dans un premier temps pour éviter une escalade préjudiciable mais, ne peut décemment pas écarter la possibilité d’utiliser cet outil ; sauf à affaiblir sa position. Comme déjà dit, c’est un moyen de dissuasion dont la force réside aussi dans la menace raisonnable de son utilisation. À ce stade,  un échec des négociations engagées avec l’administration Trump à la suite de la suspension des tarifs douaniers pour 90 jours, pourrait donc éventuellement conduire l’Union à appliquer le Règlement.

Il faut toutefois noter que l’utilisation du Règlement nécessite une majorité qualifiée au Conseil, ce qui suppose une appréciation politique préalable de la solidité de l’unité des États membres.

Lexbase : Quelle procédure de mise en œuvre et quelles mesures précises peuvent être adoptées ?

Marc Mossé : La Commission doit, en principe, statuer dans un délai de 4 mois une fois saisie.

Si le caractère coercitif de la mesure est confirmé, la Commission présente au Conseil une proposition d’acte d’exécution. Le Conseil se prononce, dans les 8 semaines, à la majorité qualifiée sur la proposition de la Commission. L’acte d’exécution comprend notamment un délai indicatif permettant à la Commission d’apprécier si les conditions d’adoption d’une mesure de riposte sont remplies. L’acte d’exécution comprend, le cas échéant, sur proposition de la Commission la demande de réparation du préjudice causé par l’État tiers à l’Union.

Un dialogue avec l’État tiers doit être engagé. La Commission conduit cet échange afin de faire cesser la coercition reprochée. Il peut s’agir d’une négociation directe, de la soumission à un arbitrage international, d’une médiation par un tiers à l’Union et à l’État concerné. La Commission peut saisir toute instance internationale compétente pour obtenir la cessation de la coercition économique.

En cas d’échec de la négociation, l’adoption des mesures de riposte se fait sous trois conditions cumulatives. D’abord, la négociation avec l’État tiers a échoué dans un délai raisonnable. Ensuite, la mesure est nécessaire à la protection des intérêts et droits de l’Union et des États membres. Enfin, la mesure a un impact positif pour l’intérêt de l’Union.

Le Règlement offre un large panel de mesures à la Commission, chargée de choisir la riposte la plus appropriée après un dialogue avec les États et entreprises concernées. L’Annexe I du Règlement prévoit la liste de mesures unilatérales envisageables : l’institution de droits de douane nouveaux ou accrus, l’introduction ou l’augmentation de restrictions à l’importation ou à l’exportation, la restriction de l’accès aux marchés publics européens, la restriction du commerce des services, la restriction des investissements dans l’Union pour les activités bancaires et d’assurance, la restriction de l’accès aux marchés de capitaux, la restriction de la protection des droits de propriété intellectuelle, ou encore l’institution de nouvelles normes sanitaires ou environnementales.

Lexbase : Quelles pourraient être leurs effets ?

Marc Mossé : Les mesures de riposte étant adoptées en dernier ressort, après échec de la négociation, leurs effets peuvent être conséquents. Le choix de l’intensité revient à la Commission. Le Règlement prévoit qu’elle peut décider d’adopter une mesure de portée générale ou au contraire spécifique à certains acteurs « associés ou liés aux pouvoirs publics du pays tiers » (article 10 § 1 du Règlement). Cette intensité modulable a conduit certains à décrire le Règlement anti-coercition comme un « bazooka commercial », si utilisé à son plein potentiel. Toutefois, et conformément au droit international public, il importe que la Commission veille à la proportionnalité des mesures adoptées.

En outre, les mesures de riposte sont susceptibles de produire des effets à la fois sur le pays tiers coercitif et ses entreprises, mais également sur les opérateurs économiques européens. Il est essentiel d’anticiper les potentiels effets dommageables pour les entreprises européennes. À cet égard, il faut souligner que le Règlement anti-coercition prend en compte cet aspect, puisqu’il prévoit que la Commission s’attache aux conséquences dommageables lors du choix des mesures de riposte. Ainsi, le Règlement rend possible dans le cadre de son activation, les échanges préalables entre la Commission, les États membres et les entreprises concernées pour choisir la mesure la plus appropriée au regard de ses impacts positifs et négatifs. On ne saurait trop encourager un tel dialogue entre les parties prenantes si le Règlement devait être mis en œuvre.

Lexbase : Des mesures de rétorsion sont-elles à craindre de la part des Etats-Unis si le Règlement était mis en œuvre ?

Marc Mossé : Le juriste n’étant pas une pythonisse, il lui est difficile de prévoir ce que serait la prochaine réaction ou déclaration de l’administration nord-américaine dans un tel scénario. Cependant, sans faire de pari hasardeux, on doit insister sur la nécessité d’une négociation que le Règlement prévoit. L’adoption de mesures de riposte ne se fait qu’ultima ratio et sonnerait comme le constat d’un échec. Les derniers mois ont montré que le pire n’était pas toujours sûr. Alors que se diffuse une petite musique pénible de la fin du droit international, celui-ci reste toutefois un vecteur important de la rationalisation des rapports de force. Ce Règlement pourrait être une face positive du lawfare à l’Européenne. C’est sans doute l’originalité d’un Règlement qui, d’une certaine façon, laisse la place à une gestion diplomatique des tensions et aussi, à la création d’une dynamique multiparties prenantes où les entreprises, européennes comme américaines, peuvent contribuer à ce que les pouvoirs publics explorent des pistes de sortie de la crise par le haut.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public


[1] Rapport de l’Assemblée nationale n° 5123 sur la politique de défense commerciale de l’Union européenne, 24 février 2022.

newsid:492332

Urbanisme

[Textes] Proposition de loi dite « TRACE », assouplissement ou renoncement à la loi « ZAN » de 2021 ?

Réf. : Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux

Lecture: 5 min

N2309B3W

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par Ugo Ivanova, avocat associé, cabinet IB Avocats

Le 21 Mai 2025

Mots clés : urbanisme • environnement • artificialisation des sols • espaces naturels • climat

À parfois vouloir viser trop haut, C’est le rien que l’on obtient. Dans son article du 4 mars 2025, le Cabinet IB Avocats s’interrogeait sur l’avenir de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, notamment suite au rapport d’information du Sénat sur la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols en date du 9 octobre 2024.


 

Inflexion, continuation, augmentation, infléchissement ? Tout était alors envisageable.

La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « TRACE », déposée au Parlement le 7 novembre 2024 et adoptée en première lecture au Sénat le 18 mars 2025 ne permet plus au doute de planer : cette nouvelle proposition de loi détricote complètement les objectifs et les mécanismes qui étaient contenus dans la loi de 2021 afin de « concilier la sobriété foncière et le caractère atteignable des objectifs ».

Si une conciliation de différents enjeux apparaît toujours comme étant une bonne chose, au présent cas d’espèce, cette conciliation semble pourtant se rapprocher d’un renoncement à l’objectif premier de la loi de 2021, à savoir l’objectif de supprimer toute artificialisation des sols d’ici 2050.

La première des modifications apportées par cette nouvelle proposition de la loi touche au cœur même de la loi « Climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6529MSM).

Comme le rappelait l’article du 4 mars 2025, la loi de 2021 prévoyait une méthodologie claire pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation des sols d’ici 2025, à savoir une première période allant jusqu’en 2031 ou la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers (ENAF) devait être réduite de 50 % par rapport à la période 2011-2021 et une seconde période, à compter de 2031, un décompte de l’artificialisation des sols au réel.

La proposition de loi « TRACE » renverse complètement le modus operandi de cette première période afin de « redonner la main aux élus », c’est-à-dire en prévoyant la suppression, pure et simple, de l’objectif de réduction de 50% de la consommation des ENAF pour lui préférer des objectifs de réduction laissés à la libre appréciation des régions sans aucun cadre préétabli.

Ce seront donc dorénavant, si la loi devait être adoptée en l’état, les régions qui fixeront de manière différenciée leur propre trajectoire de réduction de consommation des ENAF.

Si la loi prend le soin de préciser, bien qu’il s’agisse ici manifestement d’un vœu pieux, que les régions demeureront soumises à l’objectif national de zéro artificialisation nette d’ici 2050, elles pourront néanmoins définir le rythme qui leur semble le plus adapté à leurs spécificités sans qu’aucun objectif global et national ne vienne encadrer ces « spécificités ».

Mécontent d’avoir abdiqué sur l’objectif de réduction de 50 % qui était pour l’instant la norme opposable à l’ensemble des collectivités, la loi « TRACE » prévoit également de reporter la première phase, initialement prévue de 2021 à 2031, de 2024 à 2034.

La proposition de loi ne se contente d’ailleurs pas de repousser les dates de la phase initiale, elle propose de repousser l’intégralité du calendrier qui était prévu par la loi « Climat et résilience ». Exit donc les dates butoir de 2027 pour les Schémas de cohérence territoriaux (SCOT) et de 2028 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU).

Les nouveaux objectifs, qui devront donc être définis par les régions elles-mêmes en fonction de leurs « spécificités », seront transposés en 2026 pour les documents régionaux, en 2031 pour les SCOT et en 2036 pour les PLU.

La loi prévoit également, comme autres mesures favorables à l’aménagement du territoire, d’exempter du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers jusqu’en 2036 les implantations industrielles, les infrastructures de production d’énergie renouvelables et les constructions de logements sociaux.

C’est donc un bouleversement complet qui est ici programmé, ce dernier touchant à la fois le délai de mise en œuvre des objectifs de la loi « Climat et résilience », mais également les objectifs eux-mêmes.

La loi « Climat et résilience » est morte, vive la loi « TRACE » en quelque sorte.

Si la loi de 2021 était, à juste titre selon nous, critiquée pour sa verticalité et son aspect technocratique – c’est-à-dire sans réflexion profonde sur les capacités réelles des collectivités à mettre en œuvre des objectifs aussi importants et impactants – la proposition de loi « TRACE » engendre, du fait de ses renoncements et de ses bouleversements une instabilité juridique majeure pour les collectivités.

En effet, si la mise en œuvre de l’objectif final de zéro artificialisation des sols dépendait du calendrier de transposition fixé par la loi (22 février 2027 pour les SCOT et 22 février 2028 pour les PLU), l’objectif assigné à la première phase, 50 % de réduction de la consommation des ENAF, était, quant à lui, d’application directe.

Tous les documents d’urbanisme modifiés ou révisés depuis 2021 devaient donc contenir ce premier objectif de sorte qu’une importante quantité des documents d’urbanisme actuels en France ont effectivement réduit de 50 % la consommation d’ENAF par rapport à la décennie précédente.

Objectif qui aujourd’hui… n’existe donc plus (ou plus précisément qui est sur le point de ne plus exister).

Une nouvelle phase de modification et de révision va donc devoir s’ouvrir et lorsque l’on connaît le coût et le temps nécessaire pour modifier un SCOT ou un PLU, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale apparaissent, comme avec la loi climat et résilience d’ailleurs, les secondes victimes de ces changements normatifs.

La première victime demeurant évidemment l’environnement et la lutte contre le changement climatique, relégués derrière les intérêts économiques et l’aménagement du territoire.

newsid:492309

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