CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 321 F-D
Pourvoi n° W 23-23.548
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025
Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-23.548 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), établissement public, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [B], de laSCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould doyen, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 octobre 2023), rendu sur renvoi après cassation (1ère
Civ. 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-23032⚖️ publié), après avoir subi une intervention bariatrique de type « by pass » le 26 avril 2010, Mme [B] a présenté des fistules ayant nécessité des colostomies et saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation qui a émis l'avis que les conditions de gravité et d'anormalité du dommage étaient remplies et que la réparation de ses préjudices incombait à hauteur de 50 % à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM).
2. Le 20 novembre 2018, après un échec de la procédure de règlement amiable, en l'absence d'offre d'indemnisation de l'ONIAM, Mme [B] a assigné celui-ci en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Mme [B] fait grief à l'arrêt de dire que son préjudice ne relève pas de la solidarité nationale et de rejeter ses demandes d'indemnisation, alors « qu'il résulte de l'
article L. 1142- 1, II, du code de la santé publique🏛 que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient ; qu'une probabilité de survenance du dommage qui n'est pas inférieure ou égale à 5 % ne présente pas le caractère d'une probabilité faible, de nature à justifier la mise en oeuvre de la solidarité nationale ; que, pour écarter l'anormalité du dommage, la cour d'appel a retenu qu'au regard des antécédents de Madame [B], l'anormalité des conséquences de la complication médicale subie par Mme [B] n'était pas établie dans la mesure où le risque d'infection était majoré, dès lors que celle-ci avait développé des adhérences abdominales à la suite d'une cholécystectomie ; qu'en s'en tenant à relever une "majoration" du risque d'infection pour conclure que la survenance du dommage ne présentait pas de probabilité faible, sans même quantifier ce risque, ni en fixer le pourcentage de probabilité, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique :
4. Il résulte de ce texte que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible et que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient.
5. Pour écarter l'anormalité du dommage et rejeter les demandes d'indemnisation de Mme [B], l'arrêt retient, conformément au rapport d'expertise, que la complication constituée par une plaie colique n'apparaît que chez 2 à 3 % des patients ayant subi une chirurgie bariatrique de type « by pass » avec une majoration de ce taux dans le cas d' adhérences, que le dommage a été favorisé par les antécédents de la patiente, surtout la présence d'adhérences intra-abdominales serrées, à la suite d'une cholecystectomie réalisée en 2002, et en déduit qu'en raison d'une telle majoration des risques, l'anormalité des conséquences de la complication médicale subie par Mme [B] n'est pas établie.
6. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur le taux de risque auquel était effectivement exposée Mme [B], compte tenu de son état antérieur et des conditions de l'intervention, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en état d'exercer son contrôle sur la condition d'anormalité du dommage, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.