Le Quotidien du 21 mai 2025

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[Dépêches] Opération « Prison Break » dans les prisons françaises

Réf. : Communiqué de presse du 20 mai 2025 de Laure Beccuau, Procureure de la République

Lecture: 1 min

N2295B3E

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par La Rédaction

Le 20 Mai 2025

Le 20 mai 2025, une opération dite « prison break » de perquisitions simultanées dans 66 lieux de détention sur l’ensemble du territoire a été lancée par la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris, a annoncé Laure Beccuau, Procureure de la République.

Les perquisitions menées dans près de 500 cellules avaient pour but la confiscation de téléphones miniatures (de la taille d’un briquet et de la largeur d’une pièce de monnaie) en plastique servant souvent à la poursuite d’activités illicites depuis les lieux de détention (trafics de stupéfiants, escroqueries), dont la caractéristique principale est leur caractère indétectable aux portiques d’entrée des établissements pénitentiaires.

C’est l’aboutissement d’une enquête confiée conjointement à la BL2C (Brigade de lutte contre la cybercriminalité, de la Police judiciaire de la préfecture de police de Paris) et à l’UNC (Unité nationale cyber de la gendarmerie nationale) avec participation du Service National de Renseignement Pénitentiaire. Elle vise des faits d’administration de plateforme permettant des transactions illicites, et recel d’objet provenant d’une infraction.

Le 20 mai 2025, le nom de domaine de la société « OPORTIK », du nom du fournisseur revendant en France les téléphones fabriqués en Chine a été saisi mais c’est l’intégralité des 5000 téléphones de la flotte en circulation sur le territoire national qui est visée par cette opération de démantèlement une fois leur localisation effectuée.

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Avocats/Procédure

[Podcast] LexFlash - Stratégie contentieuse : comment un avocat prépare-t-il la bataille judiciaire ?

Lecture: 1 min

N2270B3H

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Le 15 Mai 2025

► Dans ce nouvel épisode de Lexflash, nous plongeons au cœur de la stratégie contentieuse avec Maître Olivier Fréget, avocat associé chez Fréget Glaser & Associés, reconnu pour son expertise en droit de la régulation et du contentieux économique.
► Retouvez cette épisode sur Youtube, Deezer, Apple et Spotify.

newsid:492270

Comité social et économique

[Questions à...] Les propositions du Cercle Maurice Cohen pour améliorer le fonctionnement du CSE - Questions à Laurent Milet et Fabrice Signoretto, président et vice-président du Cercle

Lecture: 9 min

N2293B3C

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par Charlotte Moronval, Rédactrice en chef

Le 22 Mai 2025

Mots-clés : instances représentatives • CSE • attributions • fonctionnement • réforme • propositions

Le Cercle Maurice Cohen est un cercle de réflexion portant sur les instances représentatives. Il regroupe syndicalistes, universitaires, avocats et juristes en droit social, experts auprès des CSE, inspecteurs du travail. Il prend résolument le parti de la défense des travailleurs, de leur droit constitutionnel de participer, « par l’intermédiaire de (leurs) délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». S'appuyant sur de nombreuses études, enquêtes, et retours d'expérience de ses membres, le Cercle déplore les dysfonctionnements importants des instances de représentation et, partant, soumet au débat 10 propositions de réformes.

Pour en savoir plus, Lexbase Social a interrogé le président et le vice-président du Cercle, Laurent Milet et Fabrice Signoretto ainsi que Sabrina Alzais, membre du Cercle Maurice Cohen.


 

Lexbase Social : Pouvez-vous nous expliquer rapidement ce qu’est le Cercle Maurice, qui sont ses membres et quels sont ses objectifs ?

Le Cercle Maurice Cohen est un cercle de réflexion créé en 2015 pour la défense des travailleurs et de leur droit constitutionnel de participer, « par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Les réflexions du Cercle portent donc sur les instances représentatives du personnel, leurs histoires, leurs évolutions, l’effectivité de leurs prérogatives et la nécessité de garantir par le truchement de ces instances, le droit des travailleurs à la participation et à la représentation de leurs intérêts.

Le Cercle regroupe des syndicalistes, universitaires, avocats et juristes en droit social, experts auprès des CSE, inspecteurs du travail, ainsi que des personnalités dont les compétences et l’expérience peuvent nourrir la réflexion. Il ne poursuit aucun objectif commercial et il est totalement indépendant de toutes structures politiques, administratives ou syndicales. Il n’est financé qu’en raison des cotisations de ses membres.

Le Cercle mène des études et des enquêtes telles que « L’évolution de la négociation collective : les résultats de l’enquête du Cercle Maurice Cohen » [1] ou encore « La grande enquête nationale sur la mise en place des bases de données économiques et sociales (BDES) dans les entreprises » [2]. Il prend position sur les débats et actualités relatifs aux institutions représentatives du personnel en dénonçant, par exemple, « la centralisation du CSE au péril du dialogue social » ou en rendant compte des risques pour les CSE de fonctionner sous la domination de l’accord d’entreprise.

Face aux difficultés importantes que rencontrent aujourd’hui les élus des CSE, le Cercle Maurice Cohen a décidé de travailler à l’élaboration de 10 mesures visant à améliorer le fonctionnement de l’instance, à garantir l’exercice plein et entier de ses prérogatives et à œuvrer à l’adaptation de l’instance aux besoins des travailleurs, des élus et aux enjeux des organisations.  

Lexbase Social : Quel est votre constat actuel s’agissant des attributions et du fonctionnement du CSE ?

Les CSE sont des instances essentielles au sein des relations professionnelles. Leurs rôles, constitutionnellement assignés, garantissent aux salariés l’exercice de leur droit de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises et garantissent aussi aux salariés et à la collectivité de travail la représentation de leurs intérêts. Seulement, depuis la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU et les réformes qui l’ont suivie, l’instance est en danger.

La primauté totale accordée à la négociation collective d’entreprise, libérée de la contrainte de l’ordre public social, conduit à soumettre les CSE, ses prérogatives, ses émanations, ses subdivisions, à la négociation d’entreprise. Ensuite, la fusion des anciennes institutions représentatives du personnel regroupées au sein du seul et unique CSE cause une centralisation préjudiciable au dialogue social.
Plusieurs enquêtes et évaluations ont été conduites. Le rapport établi par France Stratégie en 2021 relève, par exemple, que l’élargissement et la concentration sur le CSE d’un champ très vaste de sujets à aborder ne créent pas « mécaniquement une meilleure articulation des enjeux stratégiques, économiques et sociaux et peut constituer un élément de fragilisation de l’engagement des élus ». Le rapport dénonce aussi : « une surcharge de travail de représentation, des difficultés de conciliation avec l’activité professionnelle et un manque d’expertise sur l’ensemble des sujets ». Les rédacteurs du rapport mettent en avant « un effacement de la représentation de proximité qui apparaît comme une crainte et une préoccupation majeure ; outre le fait que peu d’accords de mise en place de représentants de proximité ont été conclus, leur rôle est le plus souvent mal défini ». Mais ils soulignent surtout le fait que « sur les questions de santé, sécurité et conditions de travail, le traitement de ces sujets n’est pas encore stabilisé et la nouvelle articulation entre CSCCT et CSE reste difficile à trouver ». L’ensemble de ces constats est encore confirmé par une étude récente de la DARES [3].

Le Cercle Maurice Cohen rejoint ses constats. Les analyses et enquêtes menées par ses membres qui, par leurs activités professionnelles, sont en contact constant avec les élus du personnel et les organisations syndicales, ont ainsi conduit le Cercle à dénoncer les graves dysfonctionnements du CSE et les risques pour l’effectivité des droits de participation et de représentation des salariés. Récemment encore, les intentions de réformes régressives se sont multipliées, attaquant de front les seuils d’effectifs et, partant, l’existence même de l’obligation de mettre en place des CSE. C’est dans ce cadre et face à ces constats que le Cercle a souhaité travailler à l’élaboration de 10 propositions, à ses yeux prioritaires et qu’il soumet au débat.

Quelles sont les propositions du Cercle Maurice Cohen pour améliorer le fonctionnement du CSE ?

Les propositions sont au nombre de 10. Elles ont pour ambition d’améliorer le fonctionnement des CSE, de renforcer ses prérogatives, d’apporter de la cohérence. Ce sont des propositions de réformes législatives considérées par le Cercle comme indispensables, urgentes, prioritaires et dont les décideurs publics peuvent se saisir facilement.

  • 1ère proposition : elle consiste à réinventer la proximité nécessaire à la représentation du personnel. Cette proposition suppose de créer un « comité de proximité et des conditions de travail » en sus de l’existence du CSE, et qui disposerait de la personnalité morale. Il conviendrait à ce titre de concevoir une nouvelle définition de l’établissement distinct au sein de cette nouvelle instance du « comité de proximité et des conditions de travail ».
  • 2ème proposition : elle suppose de revenir sur quelques points fondamentaux de la négociation collective en réintroduisant le principe de faveur entre les différents niveaux de la négociation collective et, de plus, de qualifier d’ordre public social les règles régissant le fonctionnement et les attributions des CSE.
  • 3ème proposition : elle ambitionne de redonner de la force et du sens au concept de consultation, en inversant l’aspect pyramidale de l’articulation des prérogatives entre les CSE centraux et les CSE d’établissements, en accordant une place plus grande aux avis et propositions alternatives des CSE, et en instaurant un droit de véto en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
  • 4ème proposition : elle s’intéresse plus spécifiquement à la santé au travail, en créant une consultation récurrente des CSE dédiée aux enjeux de santé, sécurité et conditions de travail, assortie d’un droit de recourir à une expertise.
  • 5ème proposition entend réorienter la BDESE sur sa conception originelle, en précisant le contenu, de sorte qu’elle soit une base de données véritablement, et non une banque de données, qu’elle permette le croisement des données et leur pertinence. Des sanctions sont envisagées en cas de manquement.
  • 6ème proposition : elle traite de l’exercice du droit à l’expertise, son financement et ses modalités de contestations. Il s’agit notamment de supprimer les cas de co-financement et de mieux encadrer le droit à contestation de l’employeur.
  • 7ème proposition : elle vise à adapter les droits et prérogatives des CSE au contexte d’accélération des transformations technologiques. Cela suppose la création d’un registre des dispositifs de collecte des données relatives à l’IA et l’élargissement de l’information-consultation relative à la politique sociale, en intégrant les enjeux de l’IA et le management algorithmique.
  • 8ème proposition : elle s’intéresse à l’exercice des mandats de représentants du personnel, notamment par l’instauration d’un entretien obligatoire de début et de fin de mandat, la proposition systématique d’un bilan de compétence en fin de mandat et l’obtention de moyens accrus pour l’exercice des mandats.
  • 9ème proposition : elle entend unifier la participation des élus aux organes décisionnels des entreprises, notamment en élargissant le champ d’application de ses prérogatives à toutes les formes sociétaires ainsi que la mise en place d’une représentation du CSE dans les organes de gouvernance des groupes d’entreprises et les financeurs publics.
  • 10ème proposition : elle vise à doter les CSE des entreprises de moins de 50 salariés de moyens d’actions supplémentaires, notamment un droit général à consultation sur la gestion économique de l’employeur et le droit de recourir à des experts habilités en santé au travail.

Lexbase Social : Quelle serait, pour vous, la mesure la plus urgente à mettre en place ?

Il n’y a pas, à proprement parler, de mesures plus urgentes que d’autres. Les graves dysfonctionnements des CSE appellent des mesures législatives d’ampleur et immédiates. Les 10 propositions du Cercle sont certes distinctes mais elles ont vocation, ensemble, à améliorer le fonctionnement des CSE. De surcroît, les 10 propositions du Cercle ne répondent pas à tous les enjeux auxquels sont confrontés les représentants du personnel ; l’inefficacité des prérogatives environnementales des CSE, par exemple, n’est pas traitée. Seuls les dysfonctionnements les plus saillants ont retenu l’attention du Cercle, ce qui amène à considérer que les 10 propositions sont toutes urgentes à mettre en place.

Cependant, les conditions de travail en France se dégradent année après année, les enquêtes ou autres baromètres mesurant l’évolution de l’absentéisme pour maladie révèlent ainsi une augmentation des arrêts maladie, un accroissement des risques psychosociaux et une augmentation significative et constante des accidents du travail. Selon l’Observatoire de la Mutualité française (février 2023) [4], la France se classe parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne en matière de santé au travail. En effet, avec en moyenne deux décès par jour, elle comptabilise deux fois plus d’accidents mortels que la moyenne européenne (3,5 accidents pour 100 000 actifs contre 1,7). Elle détient même le record européen du taux d’accidents non mortels (3 425 pour 100 000 actifs contre 1 603 en moyenne en Europe).

Dans ce contexte d’atteintes grandissantes à la santé et à la sécurité des travailleurs et considérant le droit à la santé en tant que principe à valeur constitutionnelle, la quatrième proposition est sans doute celle qui s’impose le plus urgemment et peut, de surcroît, rassembler le plus grand nombre de décideurs publics sur son impérieuse nécessité. Il serait alors nécessaire d’y ajouter, comme le Cercle le propose dans sa troisième proposition, un droit de veto des CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail.


[1] L’évolution de la négociation collective : les résultats de l’enquête du Cercle Maurice Cohen, juillet 2024 [en ligne].

[2] Grande enquête nationale sur la mise en place de la BDES dans les entreprises françaises, avril 2019 [en ligne].

[3] DARES, Etude sur le renouvellement des IRP de 2017 à 2023, février 2025 [en ligne].

[4] Observatoire de la Mutualité française, Santé au travail : l’Observatoire et les propositions de la Mutualité Française, février 2023 [en ligne].

newsid:492293

Droit financier

[Doctrine] Annulation par la cour de Paris du constat par l’AMF de l’absence de contrôle de Bolloré sur Vivendi et de l’inapplicabilité de l’obligation d’OPR préalable à la scission partielle du groupe

Réf. : CA Paris, 5-7, 22 avril 2025, n° 24/19036 N° Lexbase : A38070NC

Lecture: 53 min

N2286B33

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par Alain Pietrancosta, Professeur à l’École de Droit de la Sorbonne

Le 20 Mai 2025

1. L’arrêt rendu le 22 avril 2025 par la cour d’appel de Paris mérite l’attention à plus d’un titre. Il annule une décision individuelle du Collège de l’AMF [1] en matière d’offre publique, ce qui est suffisamment rare pour être relevé. Se trouve par là tempéré le propos critique souvent porté à l’encontre de juges de recours cédant trop facilement à la tentation conservatrice de conforter les décisions de l’Autorité de marché. Le fait est d’autant plus frappant que l’annulation donne gain de cause à un fonds d’investissement dit activiste, catégorie de requérants que l’on n’offensera pas en disant qu’elle ne compte pas au nombre des plus victorieuses devant les tribunaux ; et qu’elle vient conséquemment fragiliser une opération de grande envergure et hautement médiatisée, non seulement à raison de l’objet même des célèbres sociétés concernées et de la personnalité de l’entrepreneur concerné, mais aussi de sa nature et de son caractère inédits sur le plan juridique et boursier national. Cette annulation place en effet les sociétés en cause et l’AMF dans une situation non moins inédite et particulièrement délicate, sinon potentiellement inextricable. Si elles portent à la réflexion de lege lata et ferenda, ces conséquences ne faisaient cependant pas partie du débat, lequel portait exclusivement sur la recevabilité à agir du demandeur et les motifs d’annulation, de forme et de fond. La cour y apporte successivement des réponses vigoureuses et engagées qui confèrent à cet arrêt de censure, riche et argumenté, toute son importance et justifient l’intérêt qu’il suscitera immanquablement.

I. Le contexte : l’opération, sa contestation et la décision de l’AMF

2. L’opération concernée est celle de la « déconglomération » de Vivendi, société européenne à directoire et conseil de surveillance de droit français spécialisée dans les médias et la communication. Au motif que, comme nombre de conglomérats, Vivendi subirait en bourse une décote élevée limitant le potentiel de création de valeur de l’action et le potentiel de développement des entités du groupe, la société décide de procéder à une scission de ses activités, appelées à se trouver recueillies par quatre sociétés, chacune cotée en bourse, sur différentes places de cotation européennes, de la manière suivante :

  • la société Canal+, sur le London Stock Exchange ;
  • la société Havas, sous la forme d’une société de droit néerlandais, sur le marché Euronext Amsterdam ;
  • la société Louis Hachette Group, nouvelle société regroupant la participation de Vivendi dans les sociétés Lagardère et Prisma Group, sur le marché Euronext Growth Paris ;
  • Vivendi, sur le marché réglementé d’Euronext Paris [2]. Le montage retenu laisse en effet subsister la société de départ, s’agissant d’une scission partielle régie par l’article L. 236-27, alinéa 2, du Code de commerce N° Lexbase : L7480MHI, consistant pour Vivendi en un apport de certains actifs aux sociétés concernées, suivi d’une attribution directe à ses actionnaires des actions émises en rémunération de ces apports. Pour Havas, les choses se présentaient singulièrement, l’objectif étant de créer une société de droit néerlandais, ce qui fut fait par transformation transfrontalière d’une filiale française du groupe.

3. Vivendi annonça en conséquence soumettre à l’assemblée générale mixte de ses actionnaires à tenir le 9 décembre 2024, les trois résolutions suivantes :

  • Résolution n° 1, à titre extraordinaire : « Approbation de l’apport partiel d’actif placé sous le régime juridique des scissions conformément à l’article L. 236-27, alinéa 2, du Code de commerce consenti par Vivendi SE au profit de la société Canal+ SA, et des termes et conditions du Projet de Traité de Scission Partielle Canal+ ».
  • Résolution n° 2, à titre extraordinaire : « Approbation de l’apport partiel d’actif placé sous le régime juridique des scissions conformément à l’article L. 236-27, alinéa 2, du Code de commerce consenti par Vivendi SE au profit de la société Louis Hachette Group SA, et des termes et conditions du Projet de Traité de Scission Partielle Louis Hachette Group ».
  • Résolution n° 3, à titre ordinaire : « Distribution exceptionnelle en nature d’actions de la société Havas N.V. aux actionnaires de Vivendi SE ».

Étant précisé que ces résolutions sont inter-conditionnées, d’où il suit que le projet de scission forme un tout qui devait recueillir, en sa faveur, la majorité des deux tiers le 9 décembre 2024.

Ayant obtenu l’avis favorable de son comité social et économique, à l’unanimité de ses membres, Vivendi, aux fins d’information complète, mit en ligne à partir du 30 octobre 2024 les prospectus d’admission aux négociations de Canal sur le London Stock Exchange et de Havas N.V. sur Euronext Amsterdam, le document d’information de Louis Hachette Group pour son admission sur Euronext Growth, ainsi qu’un document d’information préparé à titre volontaire par Vivendi.

4. Dès cette époque, CIAM (Charity Investment Asset Management), société de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, qui gère le fonds luxembourgeois CIAM Fund, engage une campagne publique contre l’opération. Alors qu’elle aurait acquis après le 30 septembre 250000 actions Vivendi, soit environ 0,024% de son capital, CIAM critique ouvertement le projet de scission, qui constituerait à ses yeux une atteinte aux droits des minoritaires en même temps qu’une fraude à la loi. Sous une apparence licite, l’opération n’avait, selon elle, d’autre but que de permettre à son initiateur d’accroître son contrôle sur les activités de Vivendi SE sans avoir à déposer d’OPA, au mépris des règles impératives du droit boursier qui visent à protéger les droits des actionnaires minoritaires.

La structuration juridique retenue présentait en effet l’avantage pour ce dernier de franchir le seuil de 30 % dans les entités bénéficiaires des apports sans subir les foudres de l’offre publique obligatoire, ce qui avait d’ailleurs été clairement annoncé au marché. Les raisons juridiques de l’évitement en étaient diverses :

  • pour Canal+, l’inapplication de l’obligation d’offre française à une société non cotée sur un marché de l’Union européenne, combinée à l’inapplication de la loi anglaise aux sociétés cotées à Londres, mais non domiciliées au Royaume-Uni ;
  • pour Havas NV, l’inapplication de la l’obligation d’offre néerlandaise à 30 %, dès lors que l’actionnaire concerné excédait ce seuil au jour de l’admission sur le marché d’Amsterdam ;
  • pour Louis Hachette Group, l’inapplication de l’obligation d’offre à 30 % sur le marché non réglementé Euronext Growth, où le seuil déclencheur de l’offre publique obligatoire est fixé à 50 % du capital ou des droits de vote.

CIAM tenta, en conséquence, d’obtenir l’ajournement de l’assemblée générale mixte de Vivendi, en assignant d’heure à heure, le 27 novembre 2024, devant le Président du tribunal de commerce de Paris, dans l’attente de l’issue des procédures au fond introduites par ses soins. Sa demande fut rejetée par une ordonnance du 5 décembre 2024, le Président du tribunal de commerce ayant estimé qu’il n’y avait lieu à référé et devoir condamner CIAM à payer à Vivendi la lourde somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM.

Le dernier mot n’est pas dit, puisque CIAM a assigné Vivendi au fond à bref délai devant le tribunal de commerce de Paris le 3 décembre 2024 afin de voir juger que l’opération de scission de Vivendi doit être annulée sur le terrain de la fraude.

5. Parallèlement, CIAM s’efforça de convaincre l’AMF de l’obligation pour l’actionnaire principal de Vivendi de proposer aux autres actionnaires une porte de sortie en numéraire, sous la forme d’une offre publique de retrait, préalable à la décision de scission, conformément aux dispositions de l’article. L. 433-4, I, 3°, du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5941LQ4 et de l’article 236-6 RGAMF.

Mais là aussi, la tentative échoua. Le 13 novembre 2024, tandis qu’il était saisi d’une demande de dérogation de Louis Hachette Group à l’obligation de déposer une offre publique obligatoire sur les titres de Lagardère S.A. dont elle allait franchir le seuil de détention de 30 % par l’effet de l’opération de scission, sur le fondement des dispositions de l’article 234-9, 1° du RG, le Collège de l’AMF prend soin, « à titre préalable », d’examiner si l’article 236-6 de son RG est « susceptible de s’appliquer à la société Bolloré SE dans le cadre dudit projet de scission ». Il conclut par la négative, après avoir « constaté » que l’actionnaire en cause ne contrôlait pas la société Vivendi au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce N° Lexbase : L5817KTM [3].

Le 22 novembre 2024, CIAM saisit alors la cour d’appel de Paris d’un recours en annulation contre ce qu’elle estime être une décision de l’AMF, insuffisamment motivée et erronée sur le fond. Elle obtient triplement gain de cause aux termes de l’arrêt rapporté.

L’annulation de la décision AMF intervient alors que les trois résolutions citées ont été approuvées par l’assemblée générale mixte de Vivendi du 9 décembre 2024 à plus de 97,5% des voix exprimées et que la scission a été effectivement été mise en œuvre à partir de la semaine suivante, avec la première cotation des sociétés Canal+, Havas et Louis Hachette Group le 16 décembre 2024.

II. L’annulation de la décision AMF pour insuffisance de motivation

6. Le premier sujet contentieux tient à la qualification juridique de l’affirmation de l’absence de contrôle de la société Bolloré SE (« Bolloré ») sur Vivendi SE (« Vivendi »), contenue dans la décision AMF du 13 novembre 2024. Cette affirmation revêt-elle la nature d’une « décision individuelle » de l’AMF, à ce titre susceptible de recours devant la cour d’appel de Paris, en application de l’article L. 621-30 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L6180MMT, ou s’analyse-t-elle en un simple constat non décisoire ?

Cette seconde thèse était fermement défendue par les conseils de Bolloré et Vivendi. Partant de l’idée qu’une décision individuelle de l’AMF suppose l’usage que celle-ci fait de ses prérogatives de puissance publique lui permettant « d’autoriser, d’interdire, de bloquer, de suspendre ou encore de contraindre sous peine d’être soumis à une procédure de sanction » [4], autrement dit que l’acte émis par l’AMF doit nécessairement être créateur de droit ou modificateur de l’ordonnancement juridique, ils considèrent qu’échappe à cette qualification la simple vérification par l’AMF d’un prérequis à l’application des dispositions légales et réglementaires relatives à l’OPR, tenant à l’existence d’une position contrôlaire au sein de la société cotée. L’AMF n’a ainsi jamais été saisie, ajoutent-ils, ni par Vivendi, ni par Bolloré SE d’une quelconque demande de constat de non-application de l’article L. 233-3 du Code de commerce ou de non-lieu à une offre publique de retrait en vertu de l’article 236-6 du RGAMF. Aussi ce constat est-il sans rapport avec ce qui constitue l’objet de la décision AMF, à savoir la demande d’octroi d’une dérogation de Louis Hachette Group à son obligation de déposer une offre publique sur les titres de Lagardère S.A. Il revêtirait tout au plus une nature hybride, ni créateur de droit, ni dépourvu d’effet juridique, le rapprochant d’un rescrit.

Reprenant l’argumentaire du demandeur et celui, plus succinct, du ministère public, la Cour d’appel de Paris opte pour l’intégration de ce constat par l’AMF de l’absence de contrôle de Bolloré sur Vivendi dans le champ des décisions individuelles susceptibles de recours, en s’appuyant sur des éléments de forme et de fond.

Elle se réfère ainsi au titrage de la décision de l’AMF, qui comporte effectivement « deux titres distincts », à savoir : d’une part, l’« [e]xamen de la mise en œuvre éventuelle d’une […] [OPR] [article 236-6 du règlement général] » et d’autre part, la « [d]érogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les titres de la société [articles 234-8, 234-9, 1°, et 234-10 du RG AMF] ». Ce titrage apparaît d’autant plus significatif qu’il reflète les travaux préparatoires de la décision attaquée, en particulier une consultation écrite du 8 novembre 2024 invitant à « se prononcer […] sur l’opportunité d’indiquer, dans la décision relative à la dérogation, la décision du Collège de constater l’absence de contrôle de fait du groupe Bolloré sur Vivendi (…) ». En choisissant, comme il l’a fait, d’insérer et mettre ainsi en évidence un élément de nature à exclure a priori la mise en œuvre d’une OPR, le Collège lui a conféré un caractère décisionnel, susceptible en conséquence de recours. Il est indifférent à cet égard, selon la cour, que l’AMF n’ait été saisie formellement par aucune des parties d’une demande de constat de non-application de l’article L. 233-3 du Code de commerce ou de non-lieu à OPR en vertu de l’article 236-6 du RGAMF. Quant à l’apparentement au rescrit, il est écarté sur la forme et le fond, la partie de la décision attaquée n’ayant procédé à « aucune interprétation de l’article 236-6 du RGAMF, dont aurait été déduite la non-contrariété à cet article de l’opération de scission envisagée ».

Plus substantiellement, ensuite, la Cour énonce que le recours « ne porte pas seulement sur le "constat" de l’absence de contrôle de Bolloré sur Vivendi, mais aussi et surtout sur la conséquence qui en est tirée, à savoir l’inapplicabilité de l’article 236-6 du RGAMF au projet de scission de Vivendi ». La distinction est troublante puisque ladite inapplicabilité résulte directement et automatiquement du constat de non-contrôle, prérequis légal et réglementaire. On comprend par là que la cour a entendu souligner l’effet juridique produit par ce « constat », à savoir la privation non pas d’un droit des minoritaires à une OPR, mais éventuellement d’une chance d’en bénéficier, puisque sa réalisation est conditionnée ultimement à l’appréciation par l’AMF des « conséquences de l’opération prévue au regard des droits et des intérêts des détenteurs de titres de capital ou des détenteurs de droits de vote de la société ». L’arrêt consacre à cet égard un développement remarquable sur l’importance de l’OPR en tant qu’instrument de protection des actionnaires minoritaires. Il rappelle que « l’obligation faite à l’actionnaire de contrôle de mettre en œuvre une OPR vise à protéger les actionnaires minoritaires, en leur proposant de racheter leurs titres et en leur ouvrant ainsi une "porte de sortie". Cette mesure de protection répond à la situation particulière où ceux-ci se trouvent confrontés à une modification significative de l’environnement social, qui les place dans une situation profondément différente de celle existante au moment où ils ont investi dans la société et en sont ainsi devenus actionnaires, ce qui est susceptible de remettre en cause leur choix initial d’investissement ». Cette présentation pourrait surtout valoir parce qu’elle ne dit pas, car un lecteur attentif aura noté l’absence de référence au caractère nécessairement défavorable de la modification significative considérée, sur laquelle il est pourtant généralement insisté. Si pareille interprétation prévalait, elle pourrait augurer d’un élargissement du champ de cette OPR, construction purement nationale et donc non contrainte par les dispositions de la Directive européenne OPA [5], à des situations où la substance des modifications proposées du contrat d’investissement l’emporte sur les perspectives d’évolution plus ou moins favorables qu’elles ouvrent, notamment en termes de profil risque/performance de l’entreprise. À l’instar des actions de préférence qui ne supposent pas nécessairement une préférence, mais une différence, l’OPR pourrait être déclenchée par l’introduction d’une différence majeure plutôt que d’une dégradation de situation. Mais la Cour semble elle-même couper court à cet élargissement en présentant, plus loin dans la décision, comme une condition du recours à l’OPR le constat d’« une atteinte substantielle de l’opération projetée aux droits ou intérêts des actionnaires ».

Quoi qu’il en soit, la cour conclut que, en écartant toute mise en œuvre d’une OPR obligatoire, « laquelle, comme cela vient d’être indiqué, vise à protéger les actionnaires minoritaires, l’AMF a pris une décision faisant directement grief à CIAM, en tant qu’actionnaire minoritaire, comme l’aurait été une décision estimant n’y a voir lieu à mise en œuvre d’une OPR ». C’est en quelque sorte une équivalence des résultats quant à la protection des actionnaires minoritaires qui est ici retenue. On pourrait en effet s’interroger sur les moyens alternatifs à la disposition de ces actionnaires pour critiquer l’appréciation formulée par l’AMF quant à l’absence de position contrôlaire au sein d’une société cotée. Une appréciation loin de relever toujours de l’évidence, comme le montre en l’espèce la longueur des échanges intervenus sur ce point entre Vivendi et les services de l’AMF. En définitive, le Collège de l’AMF a fait le choix de prendre unilatéralement position sur la question du contrôle, au terme d’échanges non contradictoires, une exigence à laquelle, il est vrai, il n’était pas tenu de sacrifier, et s’est donc exposé, en insérant cette prise de position dans la partie de la décision attaquée, à la critique contentieuse. Mais ne l’aurait-il pas fait, le silence conservé face aux demandes informelles qui lui étaient soumises aurait fini par revêtir une décision implicite, susceptible de recours [6].

7. Tenu pour décisionnelle, la question venait alors de savoir si l’AMF avait suffisamment motivé cette affirmation de l’absence de contrôle de Bolloré sur Vivendi, au regard des exigences auxquelles l’autorité administrative est à cet égard soumise, à peine de nullité de la décision rendue.

Sans remettre en cause l’obligation pour le Collège de motiver ses décisions en matière d’offres publiques, l’AMF estimait en l’occurrence y avoir satisfait. Elle a rappelé que, au sens d’une jurisprudence constante, une décision est motivée lorsqu’elle « énonce les considérations de fait et de droit servant à son fondement, permettant à la fois aux personnes intéressées d’en comprendre la logique, le sens et la portée, et à la juridiction de recours d’exercer son contrôle » [7], sans qu’il en résulte l’obligation « de procéder à un inventaire exhaustif de toutes les circonstances de l’espèce », comme le ferait une juridiction chargée de trancher un différend sur l’existence ou l’absence d’une situation de contrôle. À sa décharge, l’on admettra que, jusque-là, les motivations des décisions constatant un contrôle de fait se révélaient généralement assez sommaires.

Si la Cour reprend mot pour mot la règle énoncée par la jurisprudence citée [8], elle juge défaillante en l’espèce la motivation de la décision attaquée, en ce qu’elle « ne précise pas en quoi Bolloré ne peut pas être considérée comme contrôlant Vivendi au sens de l’article L. 233-3 précité », cette affirmation n’étant « assortie d’aucune motivation, même sommaire, permettant de comprendre les raisons pour lesquelles l’AMF en a décidé ainsi ». La cour repousse ici l’invitation à se contenter d’une motivation a minima s’agissant de la vérification d’une condition préalable à l’application d’un texte, qui se réclamerait de la jurisprudence [9]. Elle insiste au contraire sur la nécessité d’une motivation complète, sans doute positivement corrélée à l’importance des enjeux pour la protection des minoritaires, telle que soulignée plus haut. Reprenant la critique formulée par le ministère public, estimant insuffisant le simple énoncé des visas qui fonde la décision, faute d’éléments de fait sur le type de contrôle analysé par le Collège, la cour déplore en particulier l’absence de précision quant aux éléments permettant d’écarter l’hypothèse d’un contrôle de fait exercé par Bolloré, au sens de l’article L. 233-3, I, 3° du Code de commerce. Poussant loin la soumission au devoir pédagogique, elle juge que, eu égard aux « échanges substantiels » intervenus entre Vivendi et les services de l’AMF et au « peu de jurisprudence » sur la notion de contrôle de fait, le Collège « aurait dû motiver davantage sa décision en précisant le sens des dispositions précitées ». Cet apport interprétatif aurait dû conduire le Collège à indiquer, va jusqu’à préciser l’arrêt, si la caractérisation d’un contrôle de fait « nécessite d’atteindre 50 % des droits de vote en AGO ou si elle repose sur d’autres critères ». « En fonction de cette considération de droit, le Collège aurait également dû s’appuyer sur des éléments de fait afin de justifier sa décision ». En l’absence de tels motifs, estime-t-elle, « il n’est pas possible de connaître, à la seule lecture de la partie de la décision attaquée, ni les critères juridiques de caractérisation du troisième cas de contrôle, ni les éléments factuels, sur lesquels le Collège s’est fondé pour prendre sa décision ». Cette insuffisance empêche les personnes intéressées d’être mises en position « de saisir pleinement la logique, le sens et la portée de la partie de la décision attaquée » et « la juridiction de recours d’exercer son contrôle ». Enfin, suivant l’avis du ministère public, la Cour repousse l’argument d’une information parallèle suffisante du requérant, en rappelant nettement que des éléments extérieurs à la décision administrative « ne sauraient pallier l’insuffisance de sa motivation, la motivation de celle-ci devant se suffire à elle-même » ; une exigence formelle instrumentale placée au service de l’autonomie et de l’intégrité de la décision administrative. L’annulation de cette partie de la décision attaquée est en conséquence prononcée.

III. Conséquences de l’annulation de la décision AMF : la reconnaissance par la Cour de l’existence d’un contrôle de fait sur Vivendi

8. Pour que la Cour conclue au fond sur la question du contrôle, encore fallait-il que le pouvoir lui en soit légalement reconnu, ce qui était disputé, de manière parfois déroutante. Bolloré et Vivendi contestaient que la cour pût substituer sur ce point sa propre décision à celle de l’AMF. Une telle substitution se heurterait « à l’office du juge du recours contre les décisions de l’AMF en matière d’offres publiques, celui-ci ne disposant pas d’un pouvoir de réformation, mais seulement d’annulation de la décision attaquée » [10]. Elles considèrent en conséquence que le seul effet de l’annulation serait de « renvoyer à l’AMF le soin de se prononcer à nouveau sur la question du contrôle sur Vivendi, pour déterminer s’il y a lieu ou non de faire application de l’article 236-6 du RGAMF à l’opération de scission de Vivendi ». La cour fait cependant état d’une position ultérieure, comprend-on, différente de Bolloré, reconnaissant « que la Cour dispose d’un pouvoir d’évocation sur la question d’un prétendu contrôle sur Vivendi ». Plus surprenant, CIAM elle-même, indique l’arrêt, considère qu’en cas d’annulation de la partie de la décision attaquée pour défaut de motivation, « l’effet dévolutif du recours n’a pas vocation à jouer, afin d’éviter de porter atteinte au double degré de juridiction et de statuer "ultra petita", c’est-à-dire au-delà de la demande d’annulation ». Ce n’est qu’à titre subsidiaire, au cas de rejet du moyen tiré de l’insuffisance de motivation, qu’il appartiendrait à la cour de statuer au fond. Il est vrai qu’en cette dernière hypothèse, la censure d’une décision AMF faisant état d’éléments de fait et de droit justifiant une absence de contrôle pourrait assez mécaniquement conduire les juges de recours à consacrer la solution inverse. Quant au ministère public, il considère, au contraire, qu’en cas d’annulation de la partie de la décision attaquée, « la Cour devra statuer sur le fond de l’affaire et substituer une nouvelle décision, en fait et en droit, à celle qui lui était soumise », conformément à la nature de plein contentieux du recours porté devant la cour [11]. De façon plus ambiguë, il estime que « la Cour devrait pouvoir, en vertu de l’effet dévolutif du recours, se prononcer sur la condition tenant au contrôle de Bolloré sur Vivendi, pour déterminer si les conséquences de l’opération de scission de Vivendi doivent être soumises à l’appréciation de l’AMF dans le cadre d’une éventuelle OPR, ou décider de renvoyer l’affaire à l’AMF, si elle estimait ne pas disposer d’éléments suffisants pour se prononcer sur cette condition » ; et qu’à titre subsidiaire, « si la Cour estimait ne pas disposer d’éléments suffisants pour se prononcer, elle pourrait renvoyer l’affaire à l’AMF aux fins de décider si les conséquences de l’opération de scission doivent donner lieu à la mise en œuvre d’une OPR ».

La position de la cour se veut, elle, particulièrement nette et tranchante. Elle puise directement aux sources textuelles qui régissent les recours dont elle est appelée à connaître, et qui renvoient généralement aux règles procédurales ordinaires. Est spécialement visé l’article R. 621-45, II, du CMF N° Lexbase : L9694IQ4, qui dispose que « par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l’article R. 621-46 du présent code N° Lexbase : L3082LLQ ». Constatant que l’article 561 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7232LEL ne fait pas partie des dispositions auxquelles il est ainsi dérogé, la cour juge que l’effet dévolutif y énoncé doit pleinement jouer, l’obligeant à statuer « à nouveau en fait et en droit ». L’institution par les textes d’un tel effet dévolutif rend, pour la cour, inopérant l’argument selon lequel elle statuerait ainsi ultra petita. Est également balayée l’atteinte invoquée au principe du double degré de juridiction, faute de valeur constitutionnelle et de garantie, en matière civile, tirée de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR.

Ce faisant, la cour comble l’écart souvent perçu dans l’étendue du recours juridictionnel intenté contre les décisions de sanctions AMF et contre les décisions relatives aux OPA. Écart fondé sur des éléments textuels [12] et jurisprudentiels [13]. Pour la seconde catégorie, l’hésitation était permise dans le silence des textes et l’ambiguïté de la jurisprudence. La cour de Paris s’est certes référée autrefois à sa « prétendue plénitude de juridiction » [14] et a indiqué, plus récemment, approuvée en cela par la Cour de cassation, qu’elle ne disposait « que d’un pouvoir d’annulation et non de réformation de la décision déférée », ce qui ne l’empêchait toutefois pas d’être « saisie dans le cadre d’un recours effectif et de plein contentieux » [15]. Mais, dans ces hypothèses, l’argument était surtout employé pour rappeler qu’il n’entre ni dans la mission de l’AMF ni dans celle de ses juges « de se prononcer sur les violations éventuelles d’obligations dont les sanctions de droit privé n’entrent pas dans les mesures que l’autorité de marché est habilitée à prendre » [16]. Sur le fond, la cour de Paris, intervenant non pas, comme à l’habitude, en tant que juge judiciaire du second degré, mais en tant que juge « administratif » statuant en premier et dernier ressort, a depuis longtemps révélé son intention de ne pas se laisser enfermer dans la posture étroite du juge de l’excès de pouvoir ou de la légalité. En a témoigné le revirement opéré en 2005 dans l’affaire Hyparlo où, à la suite de l’annulation de la dérogation à l’offre publique obligatoire accordée par l’AMF, elle décida d’enjoindre à la société concernée de déposer un projet d’offre publique libellé à des conditions telles qu’il puisse être déclaré recevable par l’AMF dans un délai de trois mois [17], ce qu’elle s’était refusée à faire dans un dossier précédent [18]. Cette participation exceptionnelle à l’administration active de la cour rencontre évidemment des limites, que nous avions soulignées dès l’origine : investie d’un simple pouvoir de « contrôle », sa compétence « se trouve logiquement placée dans la dépendance de celle de l’autorité de marché, ce qui devrait interdire à celui-là de prendre des mesures que celle-ci ne pourrait prendre elle-même » [19]. Ce que la cour s’est employée à faire, comme nous le verrons, lorsqu’il s’est agi de tirer les conséquences du constat de l’existence d’un contrôle sur la société Vivendi.

9. Estimant disposer de suffisamment d’éléments pour remplir son office, la cour entreprend de les examiner et conclut à l’existence d’un contrôle de fait de Bolloré sur Vivendi, désavouant en conséquence le constat initialement dressé par l’AMF. Là réside l’apport substantiel le plus remarquable de l’arrêt du 22 avril, qui retiendra sans doute l’intérêt de tous, mais n’emportera probablement pas toujours l’adhésion [20]. À la rareté d’un tel désaveu de l’autorité de marché, s’ajoute en effet la consécration par la cour d’une conception extensive de la notion de « contrôle de fait » applicable à la cause, qui est présentée par ses critiques comme étant en rupture avec l’interprétation généralement retenue, plus ou moins implicitement, par l’autorité de marché, le juge et la doctrine.

Ce contrôle, auquel font référence les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’OPR, est celui traité à l’article L. 233-3 du Code de commerce qui, on le sait, pose les définitions du contrôle de droit, conjoint et de fait sur une société, aux fins d’application des dispositions du Code de commerce relatives notamment aux obligations de déclaration de franchissement de seuils et aux participations réciproques. En l’espèce, seule était disputée l’existence d’un contrôle de fait sur Vivendi, spécialement celui visé à l’article L. 233-3, I, 3° du Code de commerce, acquise lorsqu’une personne « détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales » d’une société, faute pour l’actionnaire principal de détenir plus de 50 % – seuil du contrôle de droit – ou même 40 % – seuil du contrôle présumé – du nombre de vote théoriques de Vivendi. La Cour rappelle liminairement cette référence expresse et exclusive opérée à cet égard à l’article L. 433-4, I, 3° du Code monétaire et financier et à l’article 236-6 du RGAMF qui en découle, compte tenu de l’existence d’autres définitions juridiques du contrôle, auxquelles le requérant faisait allusion dans ses écritures pour la raison sans doute qu’elles reposent sur des éléments plus substantiels, économiques et financiers, que formels et juridiques, telles les notions d’« influence dominante », présente en droit comptable, ou de « contrôle effectif », retenue par le Conseil d’État [21].

10. Cantonné au cadre plus classique du contrôle issu de la seule puissance votale en assemblée, le point de droit controversé consistait à savoir si ce contrôle suppose ou non la détention par l’actionnaire principal de la majorité des voix exprimées en assemblées – et donc non théoriques – requise pour l’adoption de résolutions.

À l’appui d’une lecture stricte de la loi, qui semblait faire l’objet d’un assez large consensus, les arguments ne manquaient pas, rappelés non seulement par les conseils de Vivendi et Bolloré, mais aussi par le ministère public et l’AMF. On a fait valoir la nécessité de s’en tenir à une interprétation étroite de la notion de contrôle en matière d’OPA, pour la raison que celle-ci sert de fait générateur de dispositifs juridiquement contraignants et dérogatoires à la liberté contractuelle, consistant en l’obligation éventuelle, de portée financière considérable, de déposer un projet d’offre publique d’acquisition de l’ensemble des titres de capital de la société contrôlée. Référence est faite à la Directive OPA qui, si elle ne définit pas le contrôle dont l’acquisition déclenche une obligation d’offre publique, ne renvoie aux États membres que le soin de fixer « le pourcentage de droits de vote conférant le contrôle » (art. 5 § 3), de sorte que les contestations relatives aux situations de contrôle se trouvent réduites. Perce ici l’impératif de prévisibilité et de sécurité juridique, que le législateur n’aurait nullement eu l’intention de sacrifier au profit d’une approche plus « pragmatique » de la notion de contrôle de fait. Dans ses écritures, l’AMF soutenait ainsi que Bolloré « ne pouvait être considérée comme contrôlant Vivendi, au sens du 3°, faute d’avoir déterminé en fait, par les droits de vote dont elle disposait, toutes les décisions dans les AG réunies ces trois dernières années ». Elle empruntait là à une pratique décisionnelle traditionnelle de l’Autorité de marché en matière d’offre publique obligatoire [22], qui remonte au Conseil des bourses de valeurs [23], lequel était admis à accorder une dérogation à l’offre publique obligatoire au contrôlaire de fait, avant que cette dispense ne soit supprimée en 1998 pour la raison qu’elle conduisait à raréfier les cas d’OPO [24]. Outre la doctrine [25], la (rare) jurisprudence sur le sujet pointait aussi dans cette direction, en particulier le fameux arrêt Havas, dans lequel la cour de Paris avait fondé l’absence de contrôle de la CGE sur le fait que les 46,4 % des droits de vote détenus par elle ne lui permettaient pas de disposer, à elle seule, ni de la majorité simple en AGO, ni de la majorité qualifiée en AGE [26]. Dans cette perspective, il aurait dû suffire à l’actionnaire principal de démontrer que son pourcentage en droits de vote était demeuré en deçà de la majorité nécessaire à l’adoption des résolutions d’assemblées pour échapper à la qualification de contrôlaire. Tel était le cas en l’espèce de Bolloré, qui ne l’a jamais atteinte lors des onze AG ayant eu lieu entre 2016 et 2024, y ayant représenté en moyenne 41,90 % des droits de vote.

11. Aucun de ces arguments ne trouve grâce aux yeux de la cour, qui s’en tient à une lecture littérale de l’article L. 233-3, I, 3° du Code de commerce, lequel ne fait référence, selon elle, « à aucune majorité des droits de vote, contrairement à ce qui est le cas des dispositions concernant le contrôle de droit, figurant sous I, 1° et 2° », pas plus qu’il ne fixe de « seuil de droits de vote, tel que celui de 40 % mentionné sous II, auquel est subordonnée l’application d’une présomption de contrôle, ou celui de 30 %, visé tant à l’article L. 433-3 du CMF qu’à l’article 234-2 du RGAMF, lequel déclenche l’obligation de déposer un projet d’OPA ». À suivre le raisonnement, le verbe « déterminer » ne contiendrait donc pas une référence au moins implicite au pouvoir de décider seul, si bien qu’il est possible de déterminer en fait sans nécessairement détenir de position monopolistique en assemblée. Il en va ainsi en certaines circonstances, explique la cour, « notamment, lorsque l’actionnariat est très diffus ou qu’un certain nombre d’actionnaires ne participent pas aux AG. Dans ces circonstances, ledit actionnaire est susceptible de ne rencontrer aucune opposition en AG. Nonobstant la simultanéité et l’anonymat des opérations de vote, les résolutions qu’il soutient ont de fortes chances d’être adoptées, en particulier lorsqu’il constitue le principal actionnaire, bénéficie d’une position stratégique au sein des AG et d’une certaine notoriété. Il s’ensuit que le poids d’un actionnaire en AG et sa capacité à déterminer les décisions qui y sont prises ne se mesure pas uniquement à l’aune du pourcentage de voix qu’il exprime ou représente, dans l’exercice des droits de vote dont il dispose ». À l’appui de cette interprétation sont invoqués les travaux parlementaires de la loi du 12 juillet 1985, dont l’article L. 233-3 a recueilli le contenu, qui justifiaient le recours à des critères définitionnels non « totalement quantitatifs » et à une « pluralité d’éléments de fait », par souci de réalisme et d’effectivité de la législation [27]. Quant à l’objectif de sécurité juridique du dispositif de l’OPR et sa prévisibilité pour les opérateurs des marchés financiers, si éminemment légitime soit-il, la cour affirme qu’« il ne saurait conduire à ajouter à la loi, contrairement à la volonté du législateur, une condition qu’elle ne contient pas ». Elle ajoute, à titre surabondant, que ces objectifs « ne valent pas tout autant pour l’OPA obligatoire que pour l’OPR obligatoire », en raison de l’absence d’automaticité de l’OPR en cause, qui repose sur une décision de l’AMF chargée d’apprécier les conséquences de l’opération prévue au regard des droits et intérêts des actionnaires non-contrôlaires. Il n’est pas certain que cette différence dans la mise en œuvre de l’obligation suffise à justifier qu’un actionnaire majeur d’une société cotée ne puisse en toute sécurité savoir par avance, lorsqu’il propose un projet d’opération significative, s’il peut être soumis par l’AMF à une obligation d’offre publique. D’autant que le régime de l’offre publique obligatoire renferme lui-même nombre d’exonérations et de dérogations possibles, dont certaines laissées à l’appréciation de l’AMF.

Forte de son approche multifactorielle, la cour va tour à tour prendre en considération la structure de l’actionnariat de Vivendi, pour retenir la qualité de « principal actionnaire » de Bolloré, dans un contexte d’« actionnariat très diffus » qui, ajouté à l’absentéisme, lui permet « de ne rencontrer aucune opposition en AG » ; sa position d’« unique actionnaire industriel de Vivendi » ; son « indéniable notoriété de par son parcours d’entrepreneur » ; et les positions institutionnelles occupées au sein de Vivendi, notamment en qualité de président du conseil de surveillance, et donc de président des AG, avant que son fils ne prenne la relève, de censeur du conseil de surveillance et de conseiller du président du directoire. À la lumière de ces éléments, la cour examine les droits de vote exercés par l’intéressé en AG, pour constater : la possession depuis 2017 d’une minorité de blocage en AGE et, « surtout », d’« un pourcentage des voix représentées par le groupe Bolloré [qui] s’élevait […], en moyenne, à 43,39 % (hors AG du 9 décembre 2024), de sorte que l’écart moyen avec la majorité requise en AGO (50 %) n’était que de 6,61 % ». Cette domination explique, pour la cour, que lors « des six AG mixtes ayant eu lieu depuis 2020 (à l’exclusion de celle du 9 décembre 2024) […] toutes les résolutions en faveur desquelles le groupe Bolloré a exprimé un vote favorable ont été adoptées ». CIAM avait en ce sens fait valoir que la seule fois où Bolloré s’était opposé à une résolution, cette dernière avait été rejetée par l’assemblée générale. D’autres indices invoqués par la requérante ne sont, en revanche, pas repris par la cour, relativement aux pouvoirs au blanc confiés par les actionnaires au président de l’AG, à l’utilisation des votes par correspondance, aux votes des salariés, à la gestion par Bolloré de ses droits de vote double, à l’« inféodation » de la majorité des membres du conseil de surveillance, à l’influence exercée sur les filiales de Vivendi, dirigées par des proches de l’intéressé, ou aux opérations portant sur l’autocontrôle de Vivendi.

En définitive, si le franchissement du seuil majoritaire en voix exprimées emporte le contrôle de fait, l’inverse ne serait pas vrai. « Le seul constat » que l’actionnaire principal « n’a pas atteint un nombre de voix suffisant pour remporter la majorité requise en AG ne suffit pas à exclure systématiquement l’existence d’un contrôle de fait au sens de l’article L. 233-3, I, 3°, du code de commerce », explique l’arrêt. En cette hypothèse, si la puissance votale demeure un élément central, elle peut être complétée par d’autres éléments indicateurs du contrôle de fait, probablement dans un rapport de proportionnalité inversé. La cour entend, par une approche délibérément plus réaliste de la notion, préserver « l’effet utile » des dispositions de l’article L. 233-3, I, 3° du Code de commerce, et de la protection assurée aux actionnaires minoritaires au travers du dispositif de l’OPR obligatoire.

12. Le recours à un test de contrôle fondé sur un faisceau d’indices d’une domination actionnariale, serait-elle relative, plutôt qu’un seuil numérique simple attestant d’un pouvoir majoritaire effectif en assemblée, appelle deux remarques principales.

La première, la plus évidente, tient à la perte engendrée en termes de sécurité juridique. L’appréhension d’un contrôle de fait reposant sur la détention d’une majorité des droits de vote exprimés en assemblée ne constituait déjà pas un exemple simple, ce que révèlent les positions divergentes défendues dans ce dossier, y compris entre l’AMF et le ministère public. Si l’accord se faisait sur la nécessité d’un contrôle qui s’inscrit dans la durée, il se dissipait lorsqu’il s’agissait de préciser cette durée, la nature des assemblées, le type de résolutions adoptées avec ou sans les voix de l’intéressé, ou le fait de savoir s’il importait d’établir un tel contrôle dans toutes les assemblées incluses dans le test. Le passage sous le seuil majoritaire, compensé par une série d’indices variés de domination, ne pourra qu’ajouter à la difficulté de la tâche. On retrouve là l’embarras qui avait autrefois concouru la suppression par l’Autorité de marché de la dérogation à l’OPO liée à l’existence d’un contrôle de fait [28]. La subjectivisation du contrôle par le recours à des éléments d’appréciation liés à la personnalité de l’actionnaire peut, en particulier, inquiéter. D’aucuns la considéreront contraire à la lettre claire du texte, qui interdit en conséquence d’en référer aux travaux préparatoires [29], laquelle ne se réfère qu’à la détermination des décisions en assemblée « par les droits de vote » à disposition. D’autres relativiseront la nouveauté jurisprudentielle de cette considération intuitu personae [30] et soutiendront que certaines qualités exceptionnelles de l’actionnaire dominant peuvent constituer un élément amplificateur de l’emprise exercée sur l’assemblée à travers l’usage de ses droits de vote.

Pour les sociétés cotées, cette difficulté d’apprécier ex ante l’existence d’une situation de contrôle pourra conduire à revivifier l’utilisation du rescrit boursier, voire celle du dispositif prévu à l’article L. 233-5 du Code de commerce N° Lexbase : L6200ICM habilitant le ministère public et l’AMF à agir en justice pour faire constater l’existence d’un contrôle sur une société. Les deux dispositifs actuels présentent malheureusement des limites, un rescrit ne pouvant porter que sur l’interprétation du règlement général de l’AMF, quant au constat judiciaire du contrôle, outre d’éventuelles difficultés de compétence territoriale, il apparaît impraticable faute de procédure accélérée. Une autre piste pourrait consister à attacher des avantages à un contrôle de fait revendiqué et notoire, comme celui existant autrefois sous la forme d’une dérogation à l’offre publique obligatoire [31].

La seconde remarque tient à la reconsidération, de lege ferenda, du renvoi opéré en droit boursier, et singulièrement en droit des OPA, à l’article L. 233-3 du Code de commerce, tout au moins à son I, 3°, si cette conception venait à triompher. L’élargissement de la compréhension de ce dernier poserait en effet la question de la pertinence du renvoi à des dispositions dont il faut rappeler qu’elles n’ont pas été rédigées en considération des obligations substantielles prévues en la matière. Sans doute, pensait-on jusque-là ce renvoi plus sécurisant que d’autres, qui pointeraient vers des définitions moins formelles du contrôle. Mais la solution retenue dans l’arrêt examiné tend à estomper cet avantage. Le droit des OPA subirait ainsi l’effet collatéral d’une interprétation téléologique d’un texte conçu largement dans une perspective de transparence capitalistique dans les sociétés cotées, à travers la technique des déclarations de franchissement de seuils, et dont la Directive européenne pertinente vient elle-même exiger, à cet égard, d’entendre par société contrôlée, une société sur laquelle une personne « a le pouvoir ou exerce effectivement une influence dominante » [32]. On s’éloigne ici de la philosophie du droit des OPA qui, lorsqu’il définit directement des faits générateurs d’offres obligatoires, marque une préférence pour des pourcentages de droits de vote, par nature moins contestables. C’est le cas, on l’a dit, de la Directive OPA qui, pour la définition du contrôle dont l’acquisition oblige son auteur à déposer un projet d’offre publique, renvoie aux États membres le soin de préciser le pourcentage de droits de vote pertinent. Certes, la décision commentée ne crée pas une nouvelle catégorie de sociétés contrôlées au sens de l’article. L. 233-3 du Code de commerce, mais non contrôlées au sens des dispositions relatives à l’offre publique obligatoire. Dans une affaire Maurel & Prom, la cour de Paris avait déjà reconnu la possibilité d’une telle discordance, en retenant, à des fins il est vrai fiscales, l’existence d’une situation de contrôle d’un actionnaire détenteur de 24,4 % du capital d’une société, en tenant compte de sa prépondérance, de la dispersion du capital et de la part prise dans le succès et le développement de la société [33]. Dans l’affaire Havas elle-même, la cour d’appel de Paris était allée rechercher des éléments tirés de la gouvernance pour juger que le CMF avait valablement considéré que CGE n’exerçait pas de contrôle de fait sur Havas [34]. Mais l’arrêt du 22 avril tend à élargir le cercle de ces sociétés dans une mesure, par construction, difficilement évaluable. Les enjeux ne sont pas minces, au regard de l’emploi fait en droit boursier de l’article L. 233-3, dont l’un croise d’ailleurs la question de l’offre publique obligatoire, lorsqu’il s’agit d’intégrer à la participation d’un actionnaire dominant les actions autodétenues par la société concernée.

À ces considérations générales sur les OPA, s’ajoutent des éléments spécifiques au cas d’OPR en cause, qui interrogent davantage encore sur la pertinence de ce renvoi général, s’agissant, en l’espèce, d’une opération qui doit, aux termes des articles L. 433-4, I, 3° du Code monétaire et financier et 236-6 RG AMF, être proposée, non pas par la société contrôlée, mais par l’actionnaire de contrôle, et qui doit l’être à une assemblée générale extraordinaire [35], appelée à statuer à la majorité des deux tiers des voix exprimées. Le cas d’OPR visé ici étant une création nationale, rien n’empêcherait d’en modifier les conditions d’application si on les jugeait trop insécurisantes. Dans cette perspective, se poserait notamment la question de l’opportunité d’un alignement du critère du contrôle considéré sur le seuil d’OPO ou, si l’on préfère, des raisons qui justifieraient un désalignement.

IV. Conséquences du constat judiciaire de l’existence d’un contrôle de fait de Bolloré sur Vivendi

13. Suivant la ligne de partage des compétences qu’elle s’est fixée [36], la cour ayant constaté l’existence d’un contrôle de Bolloré sur Vivendi cesse là son examen de la situation, pour la raison que l’effet dévolutif du recours se limite à la chose décidée par l’AMF. Celle-ci ne s’étant pas prononcée sur les deux autres conditions de la mise en œuvre d’une OPR visée à l’article 236-6 RGAMF, il lui appartiendra d’apprécier si « l’opération de scission de Vivendi relève du champ d’application ratione materiae de l’article précité » et, dans l’affirmative, « s’il y a lieu ou s’il y avait lieu de mettre en œuvre une OPR eu égard aux conséquences de l’opération au regard des droits et intérêts des actionnaires minoritaires ». La nécessité de procéder à une vérification séquentielle des conditions énoncées invite à se demander si des raisons de célérité ne devraient pas conduire l’AMF à statuer de manière subsidiaire sur chacune d’elles.

En toute hypothèse, la balle est désormais dans le camp de l’AMF, appelée tout d’abord à vérifier si l’opération considérée entre dans le champ d’application des textes cités. Bien que la scission partielle n’emporte pas nécessairement de « modifications significatives des dispositions statutaires » au sein de la société initiale, au sens de l’article 236-6 1° RG AMF, et qu’elle ne figure pas expressément parmi les opérations citées à l’article 236-6 2° RG AMF, l’AMF pourrait estimer qu’elle constitue une opération de restructuration majeure et s’apparente aux cessions d’actifs ou à la réorientation de l’activité sociale mentionnées. Même si cette liste d’évènements n’est pas, elle, formulée de manière simplement indicative, on sait qu’elle a déjà fait l’objet, sous l’approbation du juge, d’une lecture extensive.

Si ce second obstacle était donc passé, il reviendrait ensuite à l’AMF d’évaluer « les conséquences de l’opération prévue au regard des droits et intérêts des détenteurs de titres de capital ou des détenteurs de droits de vote », critère essentiel justifiant l’obligation faite au contrôlaire d’adresser aux actionnaires « minoritaires » une offre de retrait. La référence textuelle aux « droits et intérêts » suppose de la part du régulateur une analyse juridico-économique. Celui-ci devra, en l’espèce, sur la base d’une analyse avant-après, mais en remontant logiquement le temps jusqu’au moment où le régulateur aurait dû être saisi par le contrôlaire, apprécier l’éventuelle dégradation des droits politiques et financiers des actionnaires concernés, appelés alors à devenir à la faveur de l’opération actionnaires de sociétés, dont certaines étrangères ou cotées à l’étranger, au contrôle plus concentré, sans pouvoir y bénéficier du mécanisme protecteur de l’offre publique obligatoire à 30 %. Il devra se demander parallèlement si cette éventuelle dégradation des droits n’était pas destinée à être compensée par la perspective d’une revalorisation boursière du groupe par suite de la disparition de la décote conglomérale anticipée par la société [37], tout en s’efforçant de demeurer aveugle à la réaction ultérieure du marché. Il faudra à cet égard surmonter le paradoxe tenant à considérer comme attentatoire aux intérêts des actionnaires une opération qu’ils ont approuvée en assemblée à hauteur de 97 % des voix exprimées, ce qui n’est peut-être pas aussi rédhibitoire qu’il y paraît si l’on considère notamment les mouvements actionnariaux précédant ce type d’opération.

14. La satisfaction de ces conditions conduirait en tous cas à une situation inédite et hautement problématique. Elle se heurte d’emblée à l’impossibilité de recréer a posteriori les conditions initiales de l’option de retrait qui aurait dû – ou, peut-être simplement, pu – avoir lieu. La scission partielle est effective depuis des mois et les titres des sociétés bénéficiaires admis à la cote dans différents États européens, dont l’un non-membre de l’Union. On conçoit aisément les obstacles en cascade auxquels se heurterait toute tentative de retour au statu quo ante. Une injonction de l’AMF en ce sens, si elle était possible, apparaîtrait vaine. Et l’on sait qu’une telle impossibilité pratique a déjà conduit le régulateur à renoncer à l’imposition d’une offre publique [38]. Il est aussi douteux que la validité même de l’opération puisse être remise en cause pour violation des dispositions sur l’OPR, que ce soit sur le terrain du droit boursier ou du droit des sociétés [39], sauf à confondre la décision sociale adoptée en assemblée et la méconnaissance par l’actionnaire de contrôle de l’offre d’une porte de sortie préalable aux « minoritaires ». La situation est, à cet égard, bien différente de la « dé-fusion » de sociétés déjà ordonnée pour faire cesser une atteinte au caractère concurrentiel d’un marché [40]. On n’ose enfin imaginer ce qui se passerait en cas de « dé-scission » si la Cour de cassation, à présent saisie de pourvoi, venait à infirmer l’arrêt commenté sur le terrain du contrôle de fait... Au reste, CIAM elle-même ne requiert pas une telle « dé-scission », mais simplement le versement d’une soulte. Reste que, pas plus qu’elle ne semblait pouvoir exiger la suspension de l’assemblée générale ou de l’opération en attendant que le recours contre sa décision soit purgé, l’AMF ne paraît davantage habilitée à exiger un tel versement. Si une OPR devait donc être ordonnée, elle ne pourrait en conséquence porter que les titres actuels de Vivendi. La cour a explicitement envisagé l’hypothèse puisqu’elle renvoie à l’AMF le soin d’apprécier « s’il y a lieu » de mettre en œuvre une OPR. Certes, il ne s’agirait que d’une solutio ex defectu melioris, en ce qu’elle ne viendrait pas remédier parfaitement au manquement constaté. Elle apporterait néanmoins satisfaction aux actionnaires initiaux de Vivendi, en leur offrant une porte de sortie à la valeur actuelle de la société, afin de tenir compte de ce qu’ils ont déjà bénéficié d’un transfert de valeur de la société sous la forme de titres des nouvelles entités, tandis que les anciens ont volontairement cédé des titres en connaissance du contentieux en cours. Une réflexion mériterait en tous cas d’être engagée sur la manière de préserver l’effet utile des dispositions législatives et réglementaires considérées, qui ne devrait pas être mécaniquement neutralisé en raison de l’écoulement du temps.

A minima, l’AMF serait conduite, comme l’a également anticipé la cour, à constater qu’« il y avait lieu » pour l’actionnaire de contrôle de déposer un projet d’OPR, mais qu’il ne peut désormais plus y avoir lieu. Ce qui conduirait immanquablement à déplacer le débat sur le terrain de la réparation en équivalent du préjudice que prétendraient avoir subi les actionnaires de Vivendi qui s’estimeraient avoir été indûment privés d’OPR. Les difficultés se reporteraient alors sur les conditions d’établissement de la responsabilité de ceux qui ont concouru à la situation [41]. Même s’il vient de se garnir, avec la loi DDADUE du 30 avril 2025 [42], d’un outil d’action collective généralement disponible, on sait le droit français encore mal équipé pour traiter de ce type de contentieux boursier de masse, notamment dans l’identification des victimes et la détermination des préjudices subis [43]. Faudra-t-il, par exemple, ouvrir une éventuelle réparation aux actionnaires ayant voté en faveur de l’opération, en l’absence de dispositions analogues à celles existant en matière de fusions transfrontalières [44], quitte à la conditionner à la démonstration de l’erreur sous l’empire de laquelle ils auraient approuvé l’opération ; et pour les autres, à celle de la preuve qu’ils auraient effectivement emprunté la voie de sortie offerte par l’actionnaire de contrôle ? Mais ce dernier ne serait-il pas, de son côté, recevable à établir qu’il n’aurait pas soutenu l’opération en cause si l’AMF avait décidé de l’obliger à lancer préalablement une offre publique de retrait  [45] ? On s’aperçoit ici de l’utilité que présenterait un dispositif de médiation ou de transaction collective.

Avant d’en arriver à ces questionnements, d’autres inconnues devront être préalablement levées, en premier lieu la prochaine décision AMF, qui pourrait elle-même faire l’objet de recours, lesquels pourraient aboutir avant que la Cour de cassation n’ait eu le temps de se prononcer sur le pourvoi formé contre le présent arrêt. C’est dire si l’affaire est possiblement loin de son terme…


[1] AMF, décision du 13 novembre 2024, n° 224C2288 [en ligne].

[2] Communiqués de presse de Vivendi du 30 janvier [en ligne] et du 22 juillet 2024 [en ligne].

[3] AMF, décision du 13 novembre 2024, n° 224C2288. V. V. Malassigné, Offre publique - Scission partielle de Vivendi SE : le droit français des offres publiques mis à l’épreuve d’un ingénieux montage, Droit des sociétés n° 1, janvier 2025, comm. 5.

[4] Th. Bonneau, A.-C. Rouaud. P. Pailler. R. Vabres. A, Tehrani, Droit financier, septembre 2023, Lextenso, § 153.

[5] Directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition N° Lexbase : L2413DYZ.

[6] Rappelons qu’en matière d’OPA, la règle du silence administratif valant rejet s’impose, par dérogation au principe énoncé à l’article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l’administration N° Lexbase : L1842KNK, v. A. Pietrancosta, OPR ordonnée par l’AMF à la demande de minoritaires : une première application donnant la pleine mesure des modifications apportées par la loi « PACTE » (CA Paris, 26 nov. 2020, aff. Bourrelier), RTDF, 2020/04, p. 3, spéc. n° 11.

[7] V. spéc. CA Paris, 13 juillet 1988, Holophane, Bull. Joly Sociétés, 1988, p. 715, Doct. et le commentaire de Y. Sexer, Une décision importante en matière d’offre publique d’achat : l’arrêt Holophane ; JCP, éd. E, 1988, II, 15337, note Th. Forschbach ; CA Paris, 24 juin 1991, Devanlay c/ Sté des Galeries Lafayette ; CA Paris, 1ère ch., sect. H, 25 avril 2000, n° 1999/22757 N° Lexbase : A7417A4H ; CA Paris, 3 mai 2021, Schneider-Legrand.

[8] L’arrêt ne reprend pas à son compte l’argument tiré d’une violation des articles L. 211-2 et s. du Code des relations entre le public et l’administration sur l’obligation de motivation administrative, sans doute pour la raison avancée par les sociétés Vivendi et Bolloré que la décision sous étude n’entre pas évidemment dans les catégories de décisions limitativement listées par ces dispositions.

[9] V. not. CA Paris, 7 juin 1989, n° 89-002889, Trocadéro Bellevue N° Lexbase : A9632A7U.

[10] Est cité en ce sens, Cass. com., 5 juillet 2017, n° 15-25.121, F-P+B N° Lexbase : A8344WLM (affaire dite Euro Disney).

[11] Est cité en ce sens, le même Cass. com., 5 juillet 2017.

[12] V. la qualification de « recours de pleine juridiction » et du pouvoir de réformation du Conseil d’État, pour les décisions de sanctions contestées devant lui, CMF, art. R. 621-45, I N° Lexbase : L9694IQ4.

[13] V. not. Cass. Com., 23 juin 2004, n° 02-17.936, F-D N° Lexbase : A8940DC4 ; Cass. com., 24 octobre 2018, n° 16-15.008, FS-P+B N° Lexbase : A5363YIH. Ajoutons que l’exigence d’un recours de plein contentieux en matière de décisions de sanction est de nature constitutionnelle (v. en matière audiovisuelle, AMF, décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 N° Lexbase : A8194ACH et AMF, décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 N° Lexbase : A9054AGG).

[14] CA Paris, 13 juill. 1988, Holophane, préc. V. D. de Béchillon, D. Martin et N. Molfessis, A propos de l’étendue des pouvoirs de la Cour d’appel de Paris dans le contentieux des décisions prises par l’Autorité des marchés financiers au sujet de la recevabilité d’une offre publique, Mélanges AEDBF IV, 2004, p. 31.

[15] Cass. com., 5 juillet 2017, n° 15-25.121, préc., RTDF, 2018, n° 1, p. 56, chron. D. Martin, B. Kanovitch et M. Epelbaum.

[16] Cass. com., 5 juill. 2017, préc. V. A. Pietrancosta, Nouvelles contributions de la Cour de cassation à la « banalisation » juridique et à la praticabilité du retrait obligatoire, Bull. Joly Bourse, 2001, 541 § 93.

[17] CA Paris, 1ère ch., sect. H, 13 septembre 2005, n° 2005/04058 N° Lexbase : A4372DK7,RD bancaire et fin., 2005, p. 35, obs. A. Couret ; Banque et droit, 2005, n° 103, p. 45, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre ; Bull. Joly Bourse, 2005, p. 1380, note D. Schmidt et M. Delespaul ; Bull. Joly Bourse, 2005, p. 735, note F. Bucher ; RTD com., 2005, p. 799, obs. N. Rontchevsky ; A. Pietrancosta, L’exécution forcée d’une offre publique obligatoire : des injonctions judiciaires prononcées dans les affaires « Hyparlo » et « Billon », Lexbase Affaires, janvier 2006, n° 196 N° Lexbase : N2527AKS.

[18] V. CA Paris, 11 juin 1997, Hachette Filipacchi, Revue CMF, 1997, n° 3, p. 30, obs. M. d’Orazio ; JCP E, 1997, I, n° 676, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; RD bancaire et bourse, 1997, p. 167, obs. M. Germain et M.-A. Frison-Roche ; D., 1998, somm. p. 73, obs. Y. Reinhard ; Banque et Droit, 1997, n° 54, p. 35, obs. H. de Vauplane ; Bull. Joly Bourse, 1997,750, § 120, note N. Rontchevsky.

[19] A. Pietrancosta, L’exécution forcée d’une offre publique obligatoire : des injonctions judiciaires prononcées dans les affaires « Hyparlo » et « Billon », art. préc.

[20] V. déjà F. Martin Laprade, Affaire CIAM c AMF : Vincent Bolloré contrôle-t-il Vivendi SE ?, Finascope, 13 mai 2025 ; H. Le Nabasque, Les contours imprécis de la notion de contrôle de fait, Bull. Joly Sociétés, juin 2025, n° BJS203w7. Dans un sens approbateur, v. Bull Joly Bourse, mai 2025, n° BJB202f2, note D. Schmidt.

[21] V. H. Le Nabasque, Le Conseil d’État et la notion de contrôle, Bull. Joly Bourse, février 2024, p. 49.

[22] V. A. Pietrancosta, in Lamy Droit du Financement, 2025, n° 2268 et s.

[23] V. not. Expand, SBF, Avis n° 91-391, 1er février 1991 ; Financière de l’Odet, SBF, n° 97-186, 16 janvier 1997 ; A. Viandier, OPA – OPE et autres offres publiques, éd. Lefebvre, 2014, n° 1726.

[24] V. Revue CMF n° 15 février 1999, p. 5 ; A. Viandier, op. cit. Pour une critique de cette suppression, v. not. ANSA, Réforme des OPA. Le point sur la réglementation française, août – septembre 1998, n° 2 968 ; Note au président du conseil des marches financiers sur un cas supplémentaire de dérogation à l’obligation de lancer une offre publique, n° 3024 bis, 14/03/00.

[25] V. S. Nawatrakulpisut, Contrôle de droit, contrôle de fait, thèse 2007.

[26] CA Paris, 1ère ch., sect. H, 20 février. 1998, n° 97/24069 N° Lexbase : A0300A3I Bull. Joly Sociétés, 1998, p. 622, note P. Le Cannu ; JCP E, 1998, p. 705, note A. Viandier ; Rev. sociétés, 1998, p. 346, note F. Bucher ; Bull. Joly Bourse, 1998, p. 233, note S. Robineau ; Banque et droit, 1998, n° 58, p. 26, note H. de Vauplane ; RTD com., 1998, p. 379, obs. Ch. Goyet, N. Rontchevsky N. et M. Storck ; RJDA, 1998, p. 279, note A. Couret ; JCP E, n° 18, 30 avril 1998, p. 705, note A. Viandier ; JCP G, juin 1998, II, 10096, note J.-J. Daigre ; Rev. CMF, n° 25, février 2000, p. 81, note C. Maison-Blanche.

[27] Assemblée nationale, R. Badinter, compte-rendu intégral de la séance du 18 avril 1985, p. 248.

[28] V. supra n° 10.

[29] V. M. Couderc, Les travaux préparatoires de la loi ou la remontée des enfers, D., 1975, chr. 249.

[30] V. infra. Plus généralement, sur l’apparent paradoxe de la prise en compte de la qualité des actionnaires dans une société « anonyme », v. A. Pietrancosta, Disclosure of Major Holdings in Listed companies, in Transparency of stock corporations in Europe, Hart Publishing, 2019, p. 109.

[31] V. ANSA, Note au président du Conseil des marchés financiers sur un cas supplémentaire de dérogation à l’obligation de lancer une offre publique, préc.

[32] Directive n° 2004/109 du 15 décembre 2004 dite « Transparence », art. 2(1) f) iv N° Lexbase : L5206GUD.

[33] CA Paris, 17 septembre 2013, n° 12/11679, confirmé par Cass. com., 3 février 2015, n° 13-25.306, F-D N° Lexbase : A2478NBE.

[34] V. l’arrêt préc. : « Qu’en outre, la CGE ne peut revendiquer que cinq postes d’administrateurs de Havas sur dix-sept, soit une proportion très inférieure à la majorité, et qu’elle fait remarquer avec pertinence que, si l’un de ses présidents remplit les fonctions de directeur général de Havas, celui-ci peut être révoqué à tout moment par le Conseil d’administration, sur proposition du président, si tel est le choix de 9 administrateurs sur 17, et donc sans qu’elle puisse s’y opposer par les voix de ses cinq représentants ».

[35] Souvenons-nous que, dans l’affaire La Rochette, la cour de Paris avait retenu que « si la participation détenue directement ou indirectement par la société BNP-PARIBAS lui a conféré une majorité de voix aux assemblées générales ordinaires tenues parla société LA ROCHETTE pour les trois derniers exercices, elle n’a pas obtenu la majorité de voix requises lors des assemblées générales extraordinaires de cette société », tout en affirmant « qu’en tout état de cause, rien n’interdisait à cette dernière de procéder à l’information prévue par l’article 5.6.6 du règlement général, sauf à priver d’effet ces dispositions lorsque, comme en l’espèce, le contrôle de la société est discuté », v. CA Paris, 3 avril 2001, n° 2000/20237,Bull/ Joly Sociétés, n° 11, novembre 2011, p. 1147, note J.-J. Daigre ; Dr. soc., n° 6, juin 2001, comm. 103, note H. Hovasse ; JCP E, n° 19, 10 mai 2001, p. 804, note A. Viandier ; Bull. Joly Bourse, n° 5, septembre 2001, p. 473, note A. Pietrancosta.

[36] V. supra n° 8.

[37] V. V. Malassigné, art. préc.

[38] V. AMF, 21 avruil 2008, n° 208C0741, Eiffage, décision confirmée par CA Paris, 1ère ch., sect. H, 18 décembre 2008, n° 2008/07645 N° Lexbase : A6294EC4, Dr. soc., n° 6, juin 2009, comm. 119, Th. Bonneau ; D., 2008, 2882, note D. Carreau et H. Letréguilly ; Bull. Joly Bourse, n° 3, juin 2008, p. 209, note note L. Faugerolas ; Bull. Joly Bourse, n° 3, mai 2009, p. 185, note F.-M. Laprade et A. et Mialon ; RTDF, 2010, n° 1, p. 98, chron. D. Martin, B.-O. Becker et G. Giuliani ; RTD com., 2008, p. 387, obs. N. Rontchevsky.

[39] À cet égard, la réforme des nullités opérée par l’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 N° Lexbase : L8970M8Q, qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain, amène à s’interroger sur le point de savoir si et dans quelle mesure les « dispositions impératives de droit des sociétés » dont la violation est sanctionnée par la nullité de la décision sociale concernée, inclut les dispositions issues de la réglementation boursière, singulièrement celles relatives aux OPA. Le fameux triple test institué par la réforme serait sans doute mis à profit, notamment en ce qu’il permet de prévenir les conséquences manifestement excessives de la nullité au regard de l’intérêt social.

[40] V. les affaires Schneider/Legrand ou Sidel/Tetrapak.

[41] Pourra-t-on retourner à l’AMF l’argument de l’interprétation raisonnablement prévisible des textes, que sa commission des sanctions n’hésite pas à brandir ?

[42] Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes N° Lexbase : L4775M9Q.

[43] V. A. Pietrancosta, Cours de Droit des marchés financiers, Dalloz, 2025, n° 565.

[44] V. H. Le Nabasque, art. préc.

[45] V. F. Martin Laprade, art. préc.

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 20 Mai 2025

La Cour de cassation révise sa jurisprudence au sujet de l’indépendance du tiers qui assiste l’huissier pour un procès-verbal de constat d’achat (V. Cass. civ. 1, 6 juillet 2000, n° 97-22.430 N° Lexbase : A9056AGI). Elle considère que l'absence de garanties suffisantes d'indépendance du tiers acheteur à l'égard du requérant, n'est pas de nature à entraîner la nullité du constat d'achat. Dans cette hypothèse, le juge doit apprécier si ce défaut d'indépendance affecte la valeur probante du constat.

Faits et procédure. En 2016, la société Rimowa a constaté que la société HP Design offrait à la vente sous une marque, exploitée par la société Intersod, une valise reproduisant les caractéristiques originales de la valise en polycarbonate rainuré qu'elle-même commercialise depuis plusieurs années. La société Rimowa a fait constater les agissements de la société HP Design, par un huissier de justice, puis a fait procéder à des saisies-contrefaçons. Lors de la réalisation du procès-verbal de constat, la personne qui assistait l’huissier de justice, et qui a pénétré seule dans le magasin avant de ressortir avec l’objet litigieux, était un stagiaire du cabinet de l’avocat de la requérante. À la suite de ces opérations, la société Rimowa a assigné les sociétés responsables de la commercialisation de cette valise, en contrefaçon. Une décision de première instance est rendue, puis un appel est interjeté par-devant la Cour d’appel de Paris. Les juges parisiens ont statué sur ce recours, dans un arrêt du 6 avril 2022 (CA Paris, pôle 5, chambre 1, 6 avril 2022, n° 20/17307 N° Lexbase : A02247TH). Par la suite, la société Intersod décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer valable le procès-verbal de constat d’achat du 4 mai 2016 et de la condamner à indemniser la société Rimowa au titre d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. La société expose que le  principe de loyauté dans l'administration de la preuve, et le droit à un procès équitable commandent que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat, soit indépendante de la partie requérante. Dans l’hypothèse où le tiers ne satisfait pas à cette condition d’indépendance, le procès-verbal de constat est nul, sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence d’un stratagème imputable à la partie requérante. Pour rejeter la demande d’annulation du procès-verbal, les juges du fond considèrent que la circonstance que la personne assistant l’huissier et qui a pénétré seule dans le magasin avant de ressortir avec l’objet litigieux, soit un stagiaire du cabinet d’avocat de la requérante est indifférente. La Cour d’appel considère que la demanderesse au pourvoi ne parvient pas à démontrer l’existence d’un stratagème déloyal, et qu’il est clairement mentionné dans le procès-verbal la qualité de ce stagiaire. En statuant ainsi, la société Intersod considère que la Cour d’appel a violé les articles 6 § 1 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR et 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D.

Solution. La Cour de cassation rejette l’argumentation de la société Intersod. Auparavant, la Haute juridiction considérait que le droit à un procès équitable commande à peine de nullité, que lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat d’achat, l'huissier de justice soit assisté d'un tiers indépendant de la partie requérante, ce que n'est pas le stagiaire du cabinet de l'avocat du requérant (V. Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-25.210 N° Lexbase : A5484TAD). De ce fait, la Cour de cassation avait transposé au constat d’achat ce qu’elle énonce pour la saisie-contrefaçon (V. Cass. civ. 2, 2 décembre 1997, n° 95-17.029 N° Lexbase : A0582ACK). Or, compte tenu des divergences d’application parmi les juges du fond et les critiques de la doctrine, la Cour de cassation décide de revoir sa jurisprudence. Désormais, elle considère que l'absence de garanties suffisantes d'indépendance du tiers acheteur à l'égard du requérant n'est pas de nature à entraîner la nullité du constat d'achat. Dans un tel cas, il appartient au juge d'apprécier si, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, ce défaut d'indépendance affecte la valeur probante du constat. Au final, après avoir rappelé le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la Cour d’appel a refusé d’annuler le procès-verbal au seul motif de l’absence d’indépendance du tiers acheteur.

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