Réf. : Communiqué du CNB
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N2306B3S
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par La Rédaction
Le 21 Mai 2025
La prochaine assemblée générale du Conseil national des barreaux est organisée le jeudi 22 mai à partir de 17h30 et le vendredi 23 mai à partir de 9h00. L'AG se déroulera au siège du Conseil national des barreaux, 180 boulevard Haussmann, 75008 Paris.
Y sera étudié en premier lieu un rapport sur la qualité de vie professionnelle de la commission prospective et innovation proposant : la mise en place d’une Task Force d’Avocats notamment chargée d’orienter les confrères vers un référent et de les aider à identifier au sein de leur ordre le bon interlocuteur ; et le lancement d’une plateforme conçue pour répondre aux besoins spécifiques de la profession, mis à disposition de tous les avocats sur le site Internet du CNB.
De son côté, la commission égalité présentera à l’assemblée générale le « Plan Accessibilité 2025/2026 » qui proposera une série de mesures progressives destinées à poursuivre la dynamique inclusive permettant un changement de regard sur le handicap, qu’il concerne les justiciables ou les confrères.
Enfin, l’assemblée générale se prononcera sur une résolution visant à obtenir la réécriture du projet de loi de simplification de la vie économique afin de procéder à une évaluation au cas par cas des projets susceptibles de relever de la notion d’intérêt public majeur leur permettant de déroger à l’obligation préalable d’effectuer une évaluation environnementale et de faciliter l’obtention d’une dérogation « espèces protégées ».
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newsid:492306
Réf. : Cass. crim., 14 mai 2025, n° 25-81.509, F-D N° Lexbase : A9968093
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N2307B3T
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par Axel Valard
Le 21 Mai 2025
Les mots « salope » et « pute » sont-ils des insultes « sexistes » ? Et « beurette », c’est raciste ou pas ? À ces deux questions, la Cour de cassation a répondu « oui » vendredi 16 mai, redonnant un peu de foi en l’humanité et en la justice aux plaignantes du dossier dit « French Bukkake ». La plus Haute juridiction de France a, en effet, retenu le caractère sexiste et raciste des viols dénoncés sur les tournages de la plateforme pornographique French Bukkkake. Elle a ainsi cassé une décision de la cour d’appel de Paris qui avait écarté, en février dernier, ces circonstances aggravantes dans cette affaire emblématique des violences sexuelles dénoncées dans l’industrie des films X.
Dans cette information judiciaire ouverte il y a déjà plusieurs années, seize hommes ont été renvoyés devant la cour criminelle départementale pour « viols en réunion » ou « trafic d’êtres humains ». En colère devant ce traitement de la justice, une trentaine de parties civiles avaient formé un pourvoi en cassation afin que soient retenues les circonstances aggravantes de sexisme et de racisme dans les viols dont sont accusés les mis en examen. L’enjeu était de la plus haute importance : sans cette circonstance aggravante, les mis en cause seront jugés devant une cour criminelle et encourront une peine maximale de vingt ans de réclusion. Mais avec la circonstance aggravante, c’est la cour d’assises qui les attend et une possible peine de trente années de réclusion.
Voilà pourquoi les parties civiles, des femmes dénonçant des viols à répétition sur les tournages, avaient saisi la Cour de cassation. Et voilà pourquoi elles se sont réjouies de la décision rendue vendredi. « Cet arrêt [de la Cour de cassation] est vraiment une première, c’est un arrêt historique qui respecte le droit international qui est très clair en la matière, a indiqué Lorraine Questiaux, avocate qui porte ce combat depuis des années. Pour la première fois, l’industrie criminelle pornographique, qui a joui d’une impunité durant des dizaines d’années plie le genou » ;
Des tournages sous alcool et stupéfiants et des actes « qui s’enchaînent ».
Pour bien comprendre l’importance de la décision, il faut rappeler ce qu’est le dossier « French Bukkake ». Cette plateforme Internet avait connu son succès dans les années 2010 en diffusant des films pornographiques. On y voyait bien souvent des jeunes femmes désorientées aux prises avec plusieurs hommes, bien souvent cagoulés. Nombre de plaignantes ont évoqué que ces tournages avaient été réalisés sous alcool et stupéfiants et avaient décrit leur « sidération » en y découvrant le nombre de partenaires masculins et les actes sexuels à réaliser « qui s’enchaînaient par surprise », avaient d’ailleurs noté les juges.
La plupart des mis en examen ont affirmé que les femmes étaient consentantes, assurant qu’il s’agissait d’un jeu d’acteurs et avaient accusé les enquêteurs de partialité dans l’exploitation des vidéos. Ceux-ci, films à l’appui, n’avaient pas hésité à montrer que les jeunes femmes pleuraient ou criaient pendant les actes ou qu’elles exprimaient clairement leur refus sans jamais être prises en compte.
Outre les faits de « viols » et de « traite des êtres humains », les jeunes femmes ont aussi donc, durant longtemps, dénoncé les insultes sexistes et racistes accompagnant les actes sexuels. Pour les mis en cause, il s’agissait d’insister sur la soumission dont les jeunes femmes étaient victimes lors des échanges. Mais la Cour de cassation ne l’a donc pas entendu de cette oreille.
De quoi déstabiliser toute l’industrie pornographique ?
Au-delà du dossier visé, emblématique des accusations visant l’industrie du X, la décision de la Cour de cassation pourrait bien entraîner des conséquences en cascade. Dans le viseur des autorités, les plus grandes plateformes pornographiques proposent, actuellement, du contenu à partir de catégories aux noms racistes : « beurette », « asiatiques », « hidjab ». Bien souvent installées à l’étranger, ces entreprises rechignent à se remettre en cause. Mais voilà qui pourrait un peu plus les destabiliser.
En tout cas, les plaignantes du dossier French Bukkake espèrent, elles, que leur combat ne sera pas vain. Reste à savoir ce que décidera la cour d’appel de Paris désormais. C’est vers elle que la Cour de cassation a renvoyé le dossier afin de décider devant quelle juridiction les mis en cause seront jugés dans un avenir proche. Et quelles peines ils risqueront exactement…
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Réf. : Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-21.455, F-B, Rejet N° Lexbase : A22450RL
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N2304B3Q
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par Yann Le Foll
Le 21 Mai 2025
Un mandataire d’assuré ne peut se livrer à une activité de consultations juridiques et de rédaction d'actes.
Une personne proposait dans des « mandats de gestion et procuration » de représenter les victimes d'accidents de la circulation dans le processus d'indemnisation et d'assurer toute la gestion administrative du dossier.
Or, elle ne se limitait pas à une simple gestion administrative ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique d'indemnités.
Elle appréciait également, en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples tels que le taux d'incapacité, l'âge, la situation professionnelle et personnelle ou le recours des tiers payeurs, l'indemnisation des divers postes de préjudice qui lui apparaissait la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées.
Pour la cour d’appel (CA Nîmes, 7 juillet 2023, n° 23/00910 N° Lexbase : A85391AI), suivie par la Cour suprême, une telle activité d'assistance exercée, fût-ce durant la phase non contentieuse de la procédure d'offre, à titre principal, habituel et rémunéré, comportait des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ.
La personne se livrait à des consultations juridiques en violation des dispositions des articles 4, 54 de la loi de 1971, ce qui justifie qu'il lui soit fait défense de se livrer à une activité de consultations juridiques et de rédaction d'actes, à peine d'astreinte, comme le demandait le Conseil national des barreaux et l'ordre des avocats au barreau de Marseille à l’origine de la procédure.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La représentation en justice et en défense, Les dispositions relatives au monopole judiciaire de l'avocat et leur application, in La Profession d’Avocat N° Lexbase : E36313RW. |
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Réf. : Cass. com. 5 mars 2025, n° 23-22.267 et n° 23-22.315, FS-B N° Lexbase : A401963A
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N2257B3Y
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)
Le 21 Mai 2025
Mots-clés : plan de redressement avec classes de parties affectées • adoption forcée interclasses • règle de la priorité absolue • dérogation • demande expresse • obligation (non) • caractère suffisant d’une telle dérogation contenue dans le projet de plan • test du meilleur intérêt des créanciers (best interest test) • obligation de comparer la situation du créancier n’ayant pas accepté les propositions avec sa situation en cas de liquidation judiciaire ou de plan de cession • mise à l’écart de l’obligation de comparaison avec le cas du plan de cession en l’absence d’offre de reprise de l’entreprise
Le tribunal peut déroger à la règle dite « de la priorité absolue » énoncée à l'article L. 626-32, I, 3 sans demande expresse du débiteur ou de son administrateur, dès lors que le projet de plan présenté comporte une telle dérogation. Lorsque le plan fait l’objet d’une adoption forcée interclasses, la juridiction chargée d'arrêter le plan ne doit comparer le traitement que celui-ci réserve à une partie affectée qui a voté contre ce plan à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise que si une offre de reprise a été faite ou que si un projet de cession lui a été soumis.
C’est peu de dire que le premier arrêt de la Cour de cassation en matière de plan avec classes de parties affectées était attendu avec impatience. Le voici, qui répond à des problématiques précises. Il n’est pas étonnant que ces questions intéressent les plans adoptés par le mécanisme de l’adoption forcée interclasses. C’est en effet là que se concentrent toutes les difficultés, lorsque l’on veut imposer à des réfractaires une situation qui leur paraît peu enviable.
La logique ancienne des plans « planplan », imposant à tous les créanciers réfractaires, chirographaires ou privilégiés, des délais de paiement uniforme sur 10 ans n’a plus cours en matière de plan adopté avec classes de parties affectées. Par nature, il est plus question d’égalité entre créanciers. Par nature également, il n’est plus question de raisonner en typologie de créanciers, mais plutôt en typologie de créances. Dans une large mesure, il est question de porter une appréciation sur la valeur économique de la créance par rapport à la plus ou moins grande probabilité de son paiement et, pour cette appréciation, il faut sortir du cadre dans lequel le tribunal est appelé à statuer, celui de l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement. Au contraire, il faut se projeter dans une perspective liquidative afin de déterminer les chances de paiement de la créance. Ainsi peut apparaître une valorisation de la créance qui va conditionner assez largement son traitement dans le plan, même si ce critère de la valeur économique de la créance peut être mâtiné avec d’autres, comme celui que peut représenter pour le débiteur le maintien du lien contractuel avec tel ou tel de ses créanciers, et notamment ses fournisseurs stratégiques. Quoi qu’il en soit, le principe d’inégalité de traitement est consubstantiel aux classes de créanciers, que l’on peut en quelque sorte comparer à des castes.
Si, une fois les classes de parties affectées constituées par l’administrateur sur base du critère de la « communauté d’intérêts suffisante », une fois les classes interrogées et une fois le vote intervenu, toutes les classes ont accepté, alors il n’y a rien à dire. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et, en ce cas, le droit ne sert à alors à rien. Chacun sait bien que le Code civil ne dit mot du bonheur conjugal dans le mariage, se concentrant sur les obligations des époux et les suites d’un mariage qui tourne mal. Le droit n’est donc là que pour les situations cliniques.
En matière de plan avec classes de parties affectées, le Code de commerce n’intervient que pour dire ce qui se passe lorsqu’au moins une classe a voté contre les propositions de plan. C’est l’objet de l’article L. 626-32 N° Lexbase : L9151L73, qui s’intéresse au mécanisme de l’adoption force interclasses. Il est question de dépasser l’opposition d’une, voire de plusieurs classes pour que le plan soit néanmoins adopté, dès lors que ces classes ne seraient pas celles offrant à leurs membres les meilleures chances de paiement en liquidation judiciaire. Le Code de commerce prévoit des vérifications préalables et des conditions essentielles. C’est l’objet des deux solutions apportées ici par la Cour de cassation.
En l’espèce, la société Unhycos a été mise en redressement judiciaire. La société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la société Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société générale (les banques), ont déclaré leurs créances. Par une ordonnance du 31 mai 2022, le juge-commissaire a autorisé la constitution de classes de parties affectées. Puis, par une ordonnance du 17 juillet 2022, il a désigné un expert pour déterminer la valeur de l'entreprise.
L'administrateur a constitué huit classes de parties affectées dont, en sixième rang, celle des établissements bancaires et, en septième rang, celle des crédits-bailleurs. La constitution de ces classes n'a pas fait l'objet d'opposition. Six classes sur huit ont accepté le projet de plan. Les banques, appartenant à l'une des classes dissidentes ont formé un recours en demandant, à titre principal, la désignation d'un expert avec pour mission de déterminer la valeur de l'entreprise et, en tout état de cause, le rejet du projet de plan au motif qu'il ne respectait ni l'article L. 626-31, 4, du Code de commerce N° Lexbase : L9149L7Y, qui énonce la règle dite « du meilleur intérêt des créanciers », ni l'article L. 626-32, 3, du même code, qui énonce la règle dite « de la priorité absolue ».
Le tribunal, par un jugement du 10 février 2023, a rejeté les demandes des banques, retenu la valeur de l'entreprise à hauteur de 2 470 000 euros et arrêté le plan de redressement de la société Unhycos décidant que les créances des classes des parties affectées, y compris les deux classes qui avaient voté contre le projet de plan, seraient remboursées à hauteur de 14 % de leurs créances sur dix ans.
Le moyen des banques, fondé sur la violation de la règle de la priorité absolue, en ce qu’aucune demande expresse de dérogation à cette règle n’avait été présentée va être rejeté en ces termes : « L'article L. 626-32, II, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19, I, alinéa 5 N° Lexbase : L9176L7Y, permet au tribunal de déroger à la règle dite « de la priorité absolue » énoncée à l'article L. 626-32, I, 3 sur demande du débiteur ou de l'administrateur avec l'accord du débiteur, laquelle demande peut résulter de la présentation qui lui est faite, par ces derniers, du plan comportant une telle dérogation ».
Le moyen des banques sollicitant lé désignation d’un expert pour évaluer la valeur de l’entreprise en cas de plan de cession, alors que l’évaluation n’avait été faite que dans la perspective d’une liquidation judiciaire, ne va pas davantage trouver grâce aux yeux de la Cour de cassation : « Les dispositions combinées des articles L. 626-31, 4 , et L. 626-32, I, 2 b) du code de commerce n'imposent à la juridiction chargée d'arrêter le plan qui n'a pas été approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 du même code N° Lexbase : L9148L7X, de comparer le traitement que celui-ci réserve à une partie affectée qui a voté contre ce plan à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise que si une offre de reprise a été faite ou que si un projet de cession lui a été soumis ».
On remarquera d’abord que, dans cette affaire, le plan a été soumis aux classes de parties affectées à titre facultatif. Apparemment, ces démarches tendant à l’application facultative des classes de parties affectées sont en train de se développer. Les créanciers doivent en prendre acte et spécialement les banquiers. Ils doivent comprendre que prêter sans garantie, c’est s’exposer à des choses terribles dans l’hypothèse de plans avec classes de parties affectées. La tendance assez répandue dans le milieu bancaire de prendre d’autant moins de garanties que l’entreprise auquel les concours sont consentis est grande va sans doute devoir être révisée.
Notons également que, en l’espèce, aucun recours n’avait été formulé au stade de la composition des classes de parties affectées et de propositions de calcul des voies. Le recours n’a donc porté que sur l’adoption forcée interclasse du plan.
L’adoption forcée interclasse du plan présuppose le respect d’un certain nombre de conditions cumulatives. Parmi celles-ci, le Code de commerce prévoit le respect de la règle de la priorité absolue (absolute priority rule) : une classe doit être intégralement désintéressée par des moyens identiques ou équivalents pour qu'une classe de rang inférieur puisse avoir droit à un paiement ou conserver un intéressement.
Manifestement, en l’espèce, ce principe avait été violé. En effet, alors que les créanciers de la classe 6 étaient privilégiés pour certaines de leurs créances et chirographaires pour d’autres, les créanciers de la classe 8, crédits-bailleurs, titulaires exclusivement de créances chirographaires, pouvaient, en vertu du plan, percevoir un paiement plus rapidement que les créanciers de la classe 6. Notons au passage que cette tendance, qui commence à s’installer en jurisprudence, de mélanger dans une même classe des créances chirographaires et des créances privilégiées, est plus évocatrice d’une logique de comité de créanciers que d’une logique de classe de parties affectées, le raisonnement étant conduit par rapport aux créanciers et non par rapport aux créances.
Toutefois, comme le permet la Directive du 20 juin 2019 (Directive (UE) n° 2019/1023 du 20 juin 2019 N° Lexbase : L6745LQU), le législateur a prévu une exception au critère de la priorité absolue. En effet, le II de l’article L. 626-32 du Code de commerce prévoit que sur demande du débiteur ou de l’administrateur judiciaire (avec l’accord du débiteur), le tribunal peut décider d’y déroger. Cette dérogation doit permettre d’atteindre les objectifs du plan. Mais encore fallait-il qu’une demande soit présentée. Or, en l’espèce, aucune demande n’avait été présentée en ce sens. Le créancier de la classe 6 ayant exercé un recours était donc a priori bien fondé en son recours. Telle n’est pourtant pas la solution qui a été retenue par la cour d’appel [1], approuvée en cela par la Cour de cassation. Peu importe qu’une demande expresse soit présentée. Il faut et il suffit que le projet de plan contienne dans sa construction une dérogation à la règle de la priorité absolue.
Il y a là, semble-t-il, une violation des textes, car le dispositif légal a pour objectif de permettre au tribunal de donner son autorisation à la violation de la règle de la priorité absolue. Mais pour cela, encore faut-il que son attention soit attirée sur ce point, ce qui suppose évidemment que la demande de dérogation à la règle de la priorité absolue soit expressément présentée. Nous estimons donc que la position de la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, est trop souple par rapport aux exigences du texte.
La seconde difficulté de l’arrêt portait sur l’évaluation de la valeur de l’entreprise. Pour l’adoption forcée interclasses du plan, le tribunal doit procéder à cinq vérifications préalables. La quatrième tient à la vérification selon laquelle lorsque des parties affectées ont voté contre le projet de plan, aucune de ces parties affectées ne se trouve dans une situation moins favorable, du fait du plan, que celle qu’elle connaîtrait s’il était fait application soit de l’ordre de priorité pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l’entreprise dans le cadre d’un plan de cession, soit d’une meilleure solution alternative si le plan n’était pas validé.
Ainsi, a priori, la vérification n° 4, préalable à la l’adoption forcée interclasse, suppose de comparer la situation du créancier compte tenu de la proposition de plan qui lui est faite, avec la situation qu’il aurait soit en liquidation judiciaire soit en plan de cession. Faute de précisions supplémentaires, le texte renfermait une part d’obscurité, pour ne pas dire de mystère. L’administrateur a-t-il toute latitude de faire évaluer l’entreprise dans une perspective de liquidation judiciaire ou dans une perspective de plan cession ? La réponse affirmative comporte, d’évidence, un grand risque d’arbitraire. En rejetant le pourvoi et par conséquent la demande de nomination d’un expert afin d’évaluer l’entreprise dans une perspective de plan de cession, la Cour de cassation nous semble apporter une interprétation aussi pragmatique, réaliste dit un commentateur [2], qu’intelligente à une formulation plutôt hasardeuse du législateur. Il est logique que, par principe, l’évaluation de l’entreprise soit faite dans une perspective de liquidation judiciaire et que cette perspective puisse être écartée si et seulement si une offre de reprise a été présentée. Dans cette hypothèse, la valorisation de l’entreprise serait effectuée à hauteur de l’offre de reprise. En ce cas, il n’y a même pas besoin alors d’expert, puisqu’une valeur objective, – celle de l’offre de reprise –, est fixée.
Ce ne sont là que les deux premières précisions de la Cour de cassation sur cette matière technique et bien mystérieuse pour les juristes français de l’adoption forcée interclasses des plans de sauvetage, pour lesquelles il faut faire usage de concepts directement venus de l’étranger auxquels il convient de se familiariser, en les faisant nôtres, et peut-être aussi en les faisant évoluer au goût français, en leur apportant la french touch, tout aussi valable que l’english tech. Mais cela est une autre histoire…
[1] CA Versailles, 12-09-2023, n° 23/01366 N° Lexbase : A38271MP.
[2] N. Borga, note sous l’arrêt commenté, APC, 2025/7, comm. 71.
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Réf. : Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux
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N2309B3W
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par Ugo Ivanova, avocat associé, cabinet IB Avocats
Le 21 Mai 2025
Mots clés : urbanisme • environnement • artificialisation des sols • espaces naturels • climat
À parfois vouloir viser trop haut, C’est le rien que l’on obtient. Dans son article du 4 mars 2025, le Cabinet IB Avocats s’interrogeait sur l’avenir de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, notamment suite au rapport d’information du Sénat sur la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols en date du 9 octobre 2024.
Inflexion, continuation, augmentation, infléchissement ? Tout était alors envisageable.
La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « TRACE », déposée au Parlement le 7 novembre 2024 et adoptée en première lecture au Sénat le 18 mars 2025 ne permet plus au doute de planer : cette nouvelle proposition de loi détricote complètement les objectifs et les mécanismes qui étaient contenus dans la loi de 2021 afin de « concilier la sobriété foncière et le caractère atteignable des objectifs ».
Si une conciliation de différents enjeux apparaît toujours comme étant une bonne chose, au présent cas d’espèce, cette conciliation semble pourtant se rapprocher d’un renoncement à l’objectif premier de la loi de 2021, à savoir l’objectif de supprimer toute artificialisation des sols d’ici 2050.
La première des modifications apportées par cette nouvelle proposition de la loi touche au cœur même de la loi « Climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6529MSM).
Comme le rappelait l’article du 4 mars 2025, la loi de 2021 prévoyait une méthodologie claire pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation des sols d’ici 2025, à savoir une première période allant jusqu’en 2031 ou la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers (ENAF) devait être réduite de 50 % par rapport à la période 2011-2021 et une seconde période, à compter de 2031, un décompte de l’artificialisation des sols au réel.
La proposition de loi « TRACE » renverse complètement le modus operandi de cette première période afin de « redonner la main aux élus », c’est-à-dire en prévoyant la suppression, pure et simple, de l’objectif de réduction de 50% de la consommation des ENAF pour lui préférer des objectifs de réduction laissés à la libre appréciation des régions sans aucun cadre préétabli.
Ce seront donc dorénavant, si la loi devait être adoptée en l’état, les régions qui fixeront de manière différenciée leur propre trajectoire de réduction de consommation des ENAF.
Si la loi prend le soin de préciser, bien qu’il s’agisse ici manifestement d’un vœu pieux, que les régions demeureront soumises à l’objectif national de zéro artificialisation nette d’ici 2050, elles pourront néanmoins définir le rythme qui leur semble le plus adapté à leurs spécificités sans qu’aucun objectif global et national ne vienne encadrer ces « spécificités ».
Mécontent d’avoir abdiqué sur l’objectif de réduction de 50 % qui était pour l’instant la norme opposable à l’ensemble des collectivités, la loi « TRACE » prévoit également de reporter la première phase, initialement prévue de 2021 à 2031, de 2024 à 2034.
La proposition de loi ne se contente d’ailleurs pas de repousser les dates de la phase initiale, elle propose de repousser l’intégralité du calendrier qui était prévu par la loi « Climat et résilience ». Exit donc les dates butoir de 2027 pour les Schémas de cohérence territoriaux (SCOT) et de 2028 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU).
Les nouveaux objectifs, qui devront donc être définis par les régions elles-mêmes en fonction de leurs « spécificités », seront transposés en 2026 pour les documents régionaux, en 2031 pour les SCOT et en 2036 pour les PLU.
La loi prévoit également, comme autres mesures favorables à l’aménagement du territoire, d’exempter du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers jusqu’en 2036 les implantations industrielles, les infrastructures de production d’énergie renouvelables et les constructions de logements sociaux.
C’est donc un bouleversement complet qui est ici programmé, ce dernier touchant à la fois le délai de mise en œuvre des objectifs de la loi « Climat et résilience », mais également les objectifs eux-mêmes.
La loi « Climat et résilience » est morte, vive la loi « TRACE » en quelque sorte.
Si la loi de 2021 était, à juste titre selon nous, critiquée pour sa verticalité et son aspect technocratique – c’est-à-dire sans réflexion profonde sur les capacités réelles des collectivités à mettre en œuvre des objectifs aussi importants et impactants – la proposition de loi « TRACE » engendre, du fait de ses renoncements et de ses bouleversements une instabilité juridique majeure pour les collectivités.
En effet, si la mise en œuvre de l’objectif final de zéro artificialisation des sols dépendait du calendrier de transposition fixé par la loi (22 février 2027 pour les SCOT et 22 février 2028 pour les PLU), l’objectif assigné à la première phase, 50 % de réduction de la consommation des ENAF, était, quant à lui, d’application directe.
Tous les documents d’urbanisme modifiés ou révisés depuis 2021 devaient donc contenir ce premier objectif de sorte qu’une importante quantité des documents d’urbanisme actuels en France ont effectivement réduit de 50 % la consommation d’ENAF par rapport à la décennie précédente.
Objectif qui aujourd’hui… n’existe donc plus (ou plus précisément qui est sur le point de ne plus exister).
Une nouvelle phase de modification et de révision va donc devoir s’ouvrir et lorsque l’on connaît le coût et le temps nécessaire pour modifier un SCOT ou un PLU, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale apparaissent, comme avec la loi climat et résilience d’ailleurs, les secondes victimes de ces changements normatifs.
La première victime demeurant évidemment l’environnement et la lutte contre le changement climatique, relégués derrière les intérêts économiques et l’aménagement du territoire.
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