La lettre juridique n°925 du 24 novembre 2022 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Plus-value de cession à titre onéreux de biens immobiliers et travaux de construction

Réf. : CAA Nancy, 22 septembre 2022, n° 21NC00319 N° Lexbase : A46188KA

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N3339BZP

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Paris XIII

le 22 Novembre 2022

Mots-clés : travaux de construction • impôt sur le revenu • plus-value de cession • administration fiscale • immeuble

Majoration du prix de revient du coût de travaux de construction : la réalité des travaux doit être prouvée par le contribuable. Telle est la solution dégagées par la CAA de Nancy dans un arrêt du 22 septembre 2022.


 

Dans cette espèce, un contribuable cède en 2016 un appartement et une place de parking pour le prix de 120 200 euros. Une plus-value brute de 23 149 euros est réalisée. L’administration lui fait savoir qu’elle entend rectifier le montant de la plus-value imposable, sur le fondement de l’article L. 55 du LPF N° Lexbase : L5685IEB. À défaut de réponse, sont mis en recouvrement les suppléments d’IR et de contributions sociales.

Contentieux. Saisi, le TA de Strasbourg rejette la demande du requérant (TA Strasbourg, 12 janvier 2021, n° 1908213). Devant la CAA de Nancy, le requérant avance plusieurs griefs au soutien de ses prétentions.

► Premier grief : selon lui, c’est à mauvais droit que l’administration considère que le coût des travaux sur les parties communes représente 148/1000ème ; il estime que sa quote-part des travaux sur les parties communes - à inclure dans le prix de revient - est de 148/500ème. Pour justifier sa position, il avance qu’il a acquis – à la suite du partage de l’indivision – 500/1000ème de la copropriété.

► Second grief : c’est à mauvais droit que l’administration refuse de prendre en compte les travaux réalisés par une entreprise individuelle « K Construction rénovation ». Il regarde les travaux justifiés, les factures régulières (cf. notamment le logo de l’entreprise et le numéro de Siren) ; certes, ces factures ne mentionnent pas le lieu du chantier mais il n’y a pas d’obligation en la matière selon le requérant. Que ces factures n’aient pas été comptabilisées par l’entreprise n’emporte pas exclusion du coût des travaux du prix de revient. Sur ces fondements, il demande à ce que la plus-value objet du litige soit fixée à 23 230,08 euros.

La CAA de Nancy ne fait pas droit à ses demandes.

Cette dernière fait lecture de l’article 150 U du CGI N° Lexbase : L4526MBA : les plus-values réalisées par les personnes lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis sont passibles de l’IR (cf. CGI, arts. 150 V N° Lexbase : L1883HN3 à 150 VH N° Lexbase : L0458IHG[1]. Quant à l’article 150 V du CGI, il dispose que la plus-value ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits (cf. les articles 150 U à 150 UC N° Lexbase : L3832KWT) est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition par le cédant. Le prix d’acquisition se trouve majoré (cf. CGI, art. 150 VB N° Lexbase : L3213LCY) – sur justification – des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration qui sont supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble (ou son acquisition si elle est postérieure). Encore faut-il que ces dépenses n’aient pas déjà été prises en compte pour la détermination de l’IR et qu’elles ne relèvent pas de la catégorie des dépenses locatives.

Ici, le requérant a construit – avec un co-indivisaire – l’immeuble en question ; il s’agit d’un bien à usage d’habitation avec six appartements et huit parkings formant quatorze lots. L’ensemble immobilier est partagé – cf. l’acte authentique signé en 2015 – entre les deux constructeurs ; au requérant revient la moitié des lots de la copropriété.

Ceci posé, il convient de cogiter sur les deux catégories de travaux effectués : les travaux de construction propres aux lots vendus, les travaux de construction des parties communes. Quant aux travaux de construction propres aux lots vendus, il appert que l’administration a écarté les dépenses de construction/reconstruction/d’agrandissement/d’amélioration déclarées par le requérant dans deux factures (46 560 et 2700 euros). Il s’agit de travaux réalisés par l’entreprise individuelle « K Construction rénovation » mentionnée en amont. Aux dires de l’administration, la réalité des travaux n’est pas justifiée : factures produites dépourvues de numéro, factures adressées à une adresse différente de celle de l’immeuble litigieux, factures ne figurant pas en comptabilité. De surcroît, le numéro de Siren indiqué sur les factures est celui de l’entreprise personnelle du requérant (ayant par ailleurs cessé son activité). Enfin, le juge regarde les montants de ces factures « incompatibles avec le chiffre d’affaires déclaré au titre de l’année 2015 ». Il s’ensuit que la réalité des travaux de construction n’est pas établie par les factures présentées. L’administration pouvait à bon droit refuser de les prendre en compte pour l’appréciation de la valeur d’acquisition du bien ayant fait l’objet de la vente.

Passons maintenant aux travaux de construction des parties communes. La quote-part des parties communes des lots vendus par le requérant est de 148/1000ème (cf. le règlement de copropriété). De ce simple constat, il est logique – selon la CAA de Nancy - que l’administration retienne une part de 148/1000ème du coût des travaux des parties communes de l’immeuble quand vient le temps de calculer le coût d’acquisition des lots vendus ; est retenu alors le montant de 4 403 euros. Quid de la pertinence de l’assertion du requérant quand il soutient qu’il ne détenait plus – consécutivement à l’acte de partage – que 500/1000ème de la copropriété ? L’acte de partage en question n’emporte pas modification de la consistance des lots et du calcul des tantièmes au sein de la copropriété. Le requérant ne saurait donc soutenir que la quote-part des travaux des parties communes – susceptibles d’être rattachée aux lots ayant fait l’objet de la vente – est égale à 148/500ème. Le juge ajoute même – avec presque une forme d’ironie - que la méthode retenue ne modifierait en rien la donne et ne conduirait pas à faire droit à ses prétentions ; en effet, le raisonnement du requérant aboutit in fine à déterminer une quote-part de 74/500ème, « ce qui ne changerait rien au montant de 6571 euros admis par le service dans le coût d’acquisition au titre des parties communes en application du coefficient de 148/1000ème ».  

Sur le fondement de l’ensemble des éléments retenus, la CAA de Nancy estime que le TA de Nancy a, à bon droit, rejeté la demande du requérant.

Cet arrêt de la CAA de Nancy peut servir de prétexte pour revenir sur la controverse qui est survenue pendant plusieurs années à propos de l’article 150 VB-II-4° du CGI. Ce dernier dispose : « Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : […] 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise (…) ». En d’autres termes, et par la négative, les travaux ne peuvent être pris en compte, selon l’administration, pour majorer le prix d’acquisition s’ils sont réalisés par le contribuable ou si les matériaux sont achetés par lui (si installation par une entreprise il y a, sont prises en compte les seules dépenses d’installation des matériaux).

Or, des juges du fond se sont opposés pendant plusieurs années à cette lecture – développée par l’administration - de l’article 150 VP.

Ainsi, selon la CAA de Nantes (CAA Nantes, 17 février 2011, n° 10NT00373 N° Lexbase : A1770HL7), « les dispositions précitées de l'article 150 VB du code général des impôts ne font pas obstacle à ce que le prix d'acquisition de matériaux et celui de leur pose soient pris en compte lorsque les matériaux ont été achetés par le contribuable à une entreprise et installés par une autre entreprise ».

Le juge nantais récidive le 22 janvier 1015 (CAA Nantes, 22 janvier 2015, n° 13NT02327 N° Lexbase : A4956NDW) ; il est suivi par la CAA de Bordeaux (CAA Bordeaux, 8 février 2018, n° 15BX03667 N° Lexbase : A3157XHE) et la CAA de Lyon (CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY03935 N° Lexbase : A6860XMZ).

La même année, le Conseil d’État tranche le débat herméneutique et désavoue les juges du fond ayant développé une jurisprudence libérale favorable aux intérêts des contribuables (CE 3° et 8° ch.-r.,, 12 octobre 2018, n° 419294, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3456YG4). Le ministre de l'Action et des Comptes publics s’était pourvu en cassation dans la mesure où la CAA de Bordeaux avait fait droit – partiellement – aux prétentions de la requérante, la déchargeant des cotisations supplémentaires d'IR et de contributions sociales à concurrence de la réduction des plus-values brutes réalisées (ainsi que de la majoration appliquée en vertu du a de l'article 1729 du CGI N° Lexbase : L4733ICB). Le Conseil d’État constate que les dépenses en question avaient été prises en compte dans le prix d'acquisition des biens alors même qu'elles correspondaient à des matériaux directement achetés par l'intéressée (pour une somme de 59 681,84 euros).

En jugeant que l'administration avait à tort refusé, au titre des dépenses venant majorer le coût d'acquisition de l'immeuble, de tenir compte de cette somme, la CAA a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Cette interprétation de l’article 150 VB-II-4° du CGI – point de majoration du prix d’acquisition en retenant les matériaux acquis par le cédant - n’est pas seulement littérale et restrictive ; elle est ridicule.

 

[1] Sous réserve des dispositions propres aux BIC, aux BA et aux BNC.

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