La lettre juridique n°925 du 24 novembre 2022 : Discrimination

[Brèves] Les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes

Réf. : Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-14.060, FP-B+R N° Lexbase : A97068TN

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par Lisa Poinsot

le 23 Novembre 2022

► La perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin et l'image de marque de la compagnie aérienne ne peuvent pas constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes.

Faits et procédure. Un salarié, engagé en qualité de steward, s’est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon lors d’un embarquement, lequel lui a été refusé par son employeur. Selon ce dernier, une telle coiffure n’est pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme par le personnel navigant commercial masculin.

Ce manuel donne, en effet, certaines consignes relatives à la coiffure :

  • pour les hommes : « les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. »
  • pour les femmes : « les tresses africaines sont autorisées à condition d’être retenues en chignon. »

Le salarié est, par la suite, sanctionné puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise.

Avant d’être sanctionné et licencié, le salarié saisit la juridiction prud’homale, de demande de paiement de dommages et intérêts pour discrimination.

La cour d’appel (CA Paris, 6 novembre 2019 , n° 14/08200 N° Lexbase : A9846ZTT) se fonde sur une perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin. Elle constate, en premier lieu, que le manuel de port de l’uniforme des personnels naviguant commerciaux masculins n’instaure aucune différence entre les cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence de traitement entre l’origine des salariés. Le reproche fait au salarié concernant sa coiffure est considéré sans rapport avec la nature de ses cheveux.  

En second lieu, les juges du fond affirment que si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel naviguant féminin, l’existence de cette différence d’apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination.

Enfin, les juges du fond utilisent l’argumentation de l’image de marque de la compagnie aérienne et l’obligation de porter un uniforme pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel.

Par conséquent, les agissements de l’employeur sont considérés comme non motivés par une discrimination directe ou indirecte. La cour d’appel en déduit que ces agissements sont justifiés par des raisons totalement étrangères à tout harcèlement.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement des articles L. 1121-1 N° Lexbase : L0670H9P, L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954, du 6 août 2012 N° Lexbase : L8784ITI, et L. 1133-1 N° Lexbase : L8177LQW du Code du travail, mettant en œuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la Directive n° 2006/54/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L4210HK7.

La Haute juridiction rappelle que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché, c’est-à-dire une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 N° Lexbase : A4830T3B).

En l’espèce, la compagnie aérienne a interdit au salarié de se présenter à l'embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon. Pour pouvoir exercer ses fonctions, le salarié a dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n'est pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin. Il en résulte que l'interdiction faite au salarié de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe.

Pour aller plus loin :

 

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