Jurisprudence : Cass. soc., 23-11-2022, n° 21-14.060, FP-B+R, Cassation

Cass. soc., 23-11-2022, n° 21-14.060, FP-B+R, Cassation

A97068TN

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO01329

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046651978

Référence

Cass. soc., 23-11-2022, n° 21-14.060, FP-B+R, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89977041-cass-soc-23112022-n-2114060-fpb-r-cassation
Copier

Abstract

En application des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15) que, par analogie avec la notion d'« exigence professionnelle essentielle et déterminante » prévue à l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, la notion d'« exigence professionnelle véritable et déterminante », au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : « such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement ». Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour débouter un salarié engagé en qualité de steward de ses demandes fondées notamment sur la discrimination, après avoir constaté que l'employeur lui avait interdit de se présenter à l'embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l'intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n'était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l'interdiction faite à l'intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe, d'une part se prononce par des motifs, relatifs au port de l'uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l'identification du personnel de la compagnie aérienne et préserver l'image de celle-ci, d'autre part se fonde sur la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006




COUR DE CASSATION

…O…PLÉMENTAIRE DE MME AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 1329 du 23 novembre 20226—novembre
2019voi n° 21.14-060
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 6

LAULOM,
sociale
novembre

2019

y [U] [T]
la société Air France
Cet avis complémentaire complète le premier avis sur la question soulevée par le rapport 2022aire du caractère Sommert des six premBarincounA
Ac le caractère opérant des six premLerPradoanches
Le rapport complémPiquote s’iLaulomge sur l’opérance d20 octobrerAe premier avis, la mesure en cause porte sans nul doute atteinte à une liberté individuelle. L'articl6 novembre12019code du travail exige alors de cSOSrRacisme jus7imaia1998 et sa proportionnalité et c'est ce contrôle de

proportionnalité que la cour d’appel n’a pas opéré. Néanmoins, la nullité de la mesure ne peut être encourue que si une liberté fondamenta2012st en jeu 13 avrilb2012 de se vêtir a été qualifiée d2016mp17 févrierd2018uelle et non fondamentale*.
La question se pose alors de savoir s’il ne conviendrait pas de faire évoluer votre jur1errjanviers2012e po28tfévriero2014u travail connaît une notion spécifique et fonctionnelle de “liberté fondamentale”. En d’autres termes, la fondamentalité 1er janviere2012rega28 févriero2014on de la règle en cause et donc ici au regard de la sanction qui peut être encourue la nullité. En ce sens, la qualification de “fondamental” ne remet aucunement en cause la nature du contrôle opérée au regard de l'atteinte faite à une liberté en cause (qu’elle soit qualifiée d’individuelle ou de fondamentale), il s’agit, si l’atteinte est reconnue, d'admettre alors que la sanction est la nullité.
Tous les commentateurs s'accordent a A reconnaître, sans nécessairement le critiquer, que la chambre sociale n’a pas défini la cat6gaoût 2012liberté fondamenta5ejuillete2006ence de définition correspond à l'approche fonctionnelle retenue. 27snovembres2000ont été reconnues comme fondamentales le droit d'action en justice, la liberté d’expression, la liberté de témoigner, le libre choix du do2017lmarsomicile. En revanche, la liberté de se vêtir ne l’a pas été.
Il est indéniable qu’ouvrir inconsidérément ou larg5mjuilletc2006 de cette catégorie comporte des risques. À trop qualifier une liberté de fondamentale, toutes le deviennent et la catégorie perd sa substance?. Il me semble cependant qu’il serait ici possible de reconnaître, non pas la liberté de se vêtir, mais la liberté de paraître ou la liberté pour le salarié du choix de son apparence (ou la liberté d'apparence), comme entrant dans cette catégorie. Au regard de sa substance, au regard de son rattachement à des normes supra-nationales européennes et au regard de son rattachement possible à une norme constitutionnelle, la sanction d’une violation de cette liberté ne devrait-elle pas être la nullité?
Au-delà de la liberté de se vêtir, ce qui ici en jeu est la question de l'apparence physique et de la liberté de paraître comme on le souhaite. Cette liberté reflète ainsi notre personnalité, dans ses multiples facettes sociales, parfois religieuses mais aussi nos origines, notre sexe et plus largement notre genre. Cette1erbjanvier 2012ître28efévrier 2014 vue comme une forme de la liberté d'expression et peut également mettre en jeu la liberté religieuse. Cette liberté peut également se rattacher à la vie privée, car l’apparence peut aussi être un marqueur du genre ou de l’origine.
+ Soc. 28 mai52juilleturvoi n° 02-40.273, Bull. 2003,2006a vie privée, car l’apparence peut aussi être un marqueur du genre ou de l’origine.
+ Soc. 28 mai 2003, pourvoi n° 02-40.273⚖️, Bull. 2003, V, n° 178.
? “Si tout est fondamental, plus rien ne l’est”, J.-G. Huglo, “Qu’est ce qu’une libert6 novembret2019au sens de la chambre sociale”, RDT 2018, p. 346.

3 S2114060
Cette liberté a été consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui la relie précisément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme🏛, reconnaissant le droit à la vie privée. Dans un arrêt en grande chambre, elle reconnaît que “les choix faits quant à l'apparence que lnovembreadeuxamille vingt-deuxn et donc de la vie privée”°. Dans ce même arrêt28afévriern2014e en avoir “déjà jugé s'agissant du choix 1erljanvierure (Popa c. Roumanie (déc.), no 4233/09, 18 juin 2013,2012rrêt la Cour indique en avoir “déjà jugé s'agissant du choix de la coiffure (Popa c. Roumanie (déc.), no 4233/09, 18 juin 2013, 88 32-33 ; voir aussi la décision de la Commission européenne des droits de l'homme dans l'affaire Sutter c. Suisse, no 8209/78 du 1er mars 1979). Elle estime, à l'instar de la Commission (voir, en particulier, les décisions McFeeley et autres c. Royaume-Uni, no 8317/78, 15 mai 1980, S 83, Décisions et rapports (DR) 20 et Kara c. Royaume-Uni, no 36528/97, 22 octobre 1998), qu’il en va de même du choix des vêtements.
3 CEDH 1er juillet 2014 (GC) S. A. S c/ France, n° 43835/11, 8 107⚖️. L'affaire concerne l'interdiction française de porter une tenue destinée à dissimuler le visage dans l’espace public. CEDH, Popa c. Roumaine, n° 4233/09, 18 juin 2013, S8 32-33.

Enfin, le droit à la vie privée a été reconnu comme un principe constitutionnel dérivé*.
Ces différents éléments pourraient ainsi justifier la qualification de la liberté de paraître ou d'apparence de liberté fondamentale.
Je renvoie alors à mon premier avis où je conclus à la cassation, la cour d’appel n’ayant pas effectué le contrôle de proportionnalité qu’elle aurait dû faire en application de l’article L. 1121-1 du code du travail🏛.
Si vous ne retenez pas cette qualification, il faut conclure comme le propose le rapport complémentaire que les 6 première branches sont inopérantes.
2. Sur l’existence d’une discrimination
Je renvoie ici à mon premier avis où je conclus que la cour d'appel aurait dû retenir la qualification de discrimination directe liée à l’apparence physique et/ou à l'apparence physique rapportée au sexe et que l’exigence professionnelle véritable et déterminante n'a pas été caractérisée par la cour d'appel.
Avis de cassation
% Agathe Lepage. Répertoire de droit civil - Droits de la personnalité - De certains droits de la personnalité en particulier - $ 45: “La protection du droit au respect de la vie privée trouve un appui de taille dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Après avoir énoncé que “la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle (Cons.const. 18 janv. 1995, DC, n° 94-352 relative à la vidéosurveillance), le Conseil a affirmé que “la liberté proclamée par l’article 2 de la DDH qui dispose que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme et que ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression, implique le respect de la vie privé (Conse.const. 23 juillet 1999). Le droit au respect de la vie privée apparaît ainsi comme un principe constitutionnel dérivé”.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus