La lettre juridique n°925 du 24 novembre 2022 : Distribution

[Brèves] Revirement : la faute grave de l’agent commercial découverte postérieurement à la résiliation du contrat ne le prive pas de son droit à indemnité

Réf. : Cass. com., 16 novembre 2022, n° 21-17.423, FS-B N° Lexbase : A28488TN

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[Brèves] Revirement : la faute grave de l’agent commercial découverte postérieurement à la résiliation du contrat ne le prive pas de son droit à indemnité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/89976784-breves-revirement-la-faute-grave-de-lagent-commercial-decouverte-posterieurement-a-la-resiliation-du
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par Vincent Téchené

le 23 Novembre 2022

► L'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

Faits et procédure. Un agent commercial, ayant résilié le contrat le liant à sa mandante, a assigné cette dernière en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces.

La cour d’appel (CA Versailles, 6 mai 2021, n° 19/08531 N° Lexbase : A00484R9) ayant rejeté l’ensemble des demandes de l’agent commercial, il a formé un pourvoi en cassation.  

Décision. La Cour de cassation apporte ici deux précisions, dont l’une (la première), de première importance, constitue un revirement de jurisprudence. 

  • Sur l’indemnité due à l’agent commercial en présence d’une faute grave de ce dernier découverte postérieurement à la rupture

Concernant l’indemnité de rupture, la Cour de cassation censure d’abord l’arrêt d’appel au visa des articles L. 134-12, alinéa 1er N° Lexbase : L5660AIH, et L. 134-13 N° Lexbase : L5661AII du Code de commerce, transposant les articles 17 § 3 et 18 de la Directive n° 86/653/CEE, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants N° Lexbase : L9726AUR.

Pour rappel, si en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, cette indemnité n'est pas due notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Or, la Chambre commerciale juge régulièrement que les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité (Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.115, F-D N° Lexbase : A2173EY7 ; Cass. com., 24 novembre 2015, n° 14-17.747, F-D N° Lexbase : A0802NYD  ; Cass. com., 19 juin 2019, n° 18-11.727, F-D N° Lexbase : A3002ZGB).

Toutefois, comme le relève la Cour de cassation, la CJUE, par un arrêt du 28 octobre 2010 (CJUE, 28 octobre 2010, aff. C-203/09, points 38, 42 et 43 N° Lexbase : A7809GC9), a rappelé, que, « aux termes de l'article 18, sous a), de la Directive, l'indemnité qui y est visée n'est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat » pour « un manquement imputable à l'agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai ». En outre, la CJUE a ajouté qu’« en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la Directive est d'interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » et considéré que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la Directive. Par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat ».

Par ailleurs, la CJUE a aussi énoncé, dans un arrêt du 19 avril 2018 (CJUE, 19 avril 2018, aff. C-645/16, paragraphe 35 N° Lexbase : A3324XLP), que « toute interprétation de l'article 17 de cette Directive qui pourrait s'avérer être au détriment de l'agent commercial était exclue ».

En conséquence, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence : elle retient ainsi qu’en considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

Elle censure donc l’arrêt d’appel qui, pour rejeter la demande d'indemnité, a retenu qu'il importe peu que, découvert postérieurement à la rupture, un manquement à l'obligation de loyauté ne soit pas mentionné dans la lettre de résiliation si ce manquement, susceptible de constituer une faute grave, a été commis antérieurement à cette rupture.

  • Sur le droit de communication de l’agent commercial  

Pour rappel, l’article R. 134-3 du Code de commerce N° Lexbase : L9998HYX prévoit que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier, un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

Or, en l’espèce, pour rejeter la demande de communication de documents comptables, l'arrêt d’appel a retenu que l’agent commercial n'apporte aucun élément de nature à justifier une activité particulière de sa part dans les départements visés et auprès des clients concernés avant la date de cessation du contrat ayant généré des opérations conclues principalement grâce à son activité, dans un délai raisonnable après cette date.

La Haute juridiction en conclut fort logiquement qu’en statuant ainsi, alors que l’agent commercial était en droit d'exiger de son mandant la communication de tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-6 N° Lexbase : L5654AIA, L. 134-7 N° Lexbase : L5655AIB et R. 134-3 du Code de commerce.

Sur ce second point, la Cour de cassation opère un simple rappel.

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