Lexbase Public n°284 du 11 avril 2013 : Environnement

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités du droit des ICPE

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le 23 Octobre 2014

En constante évolution, le droit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est l'objet de fréquentes modifications visant à instaurer davantage de contrôles, à prendre en compte plus efficacement les enjeux environnementaux et à simplifier sa mise en oeuvre. Quelques modifications fondamentales ont ainsi marqué l'année 2012, relatives à la création de l'ICPE (I), à son fonctionnement (II), et, enfin, à la cessation d'activité (III). I - Les obligations préalables à la naissance d'une ICPE

La réforme des outils de l'étude d'impact et de l'enquête publique (A), ainsi qu'une extension de l'obligation de constitution de garanties financières (B), ont simplifié le Code de l'environnement et mieux pris en compte les enjeux environnementaux lors de la création d'une ICPE.

A - La réforme de l'étude d'impact et de l'enquête publique

Un décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 (N° Lexbase : L5121IR4) réforme les enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement. Ce décret permet une simplification de la procédure puisque les enquêtes publiques sont regroupées en deux catégories : les enquêtes relevant du Code de l'environnement et celles relevant du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Ce premier décret vise, également, à améliorer la participation du public à la décision publique. Ainsi, le texte précise les modalités de publicité de l'enquête, ainsi que les moyens dont dispose le public pour formuler ses observations, la participation pouvant, notamment, se dérouler par voie électronique.

Le décret n° 2011-2021 (N° Lexbase : L5096IR8) fixe la liste des projets, plans et programmes devant obligatoirement faire l'objet d'une communication au public par voie électronique dans le cadre de l'expérimentation prévue au II de l'article L. 123-10 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1284ISD). Treize catégories de projets, plans et programmes sont concernées par cette expérimentation électronique, dont le bilan devra être établi avant 2017.

Le décret n° 2011-2019 (N° Lexbase : L5124IR9) réforme le contenu et le champ d'application de l'étude d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, renforçant celle-ci, par exemple en imposant l'analyse des effets cumulés du projet. Les projets visés par l'étude d'impact sont limitativement énumérés à l'annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L5490IRR). Ils sont soumis soit à une étude d'impact obligatoire en toute circonstance, soit à une étude d'impact au cas par cas en fonction de seuils.

Un arrêté du 22 mai 2012 fixant le modèle du formulaire de demande d'examen au cas par cas (N° Lexbase : L2123ITS) parachève ces réformes. Ces quatre textes sont entrés en vigueur le 1er juin 2012.

B - L'extension de l'obligation de constitution de garanties financières

Le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012, relatif à l'obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l'environnement (N° Lexbase : L0078IT3), entré en vigueur le 1er juillet 2012, pose le principe de l'élargissement de l'obligation de constitution de garanties financières à certaines installations énumérées à l'article R. 516-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0259ITR).

Deux sous-catégories d'installations sont prévues par un arrêté du 31 mai 2012 (N° Lexbase : L4525ITR).

La première liste concerne les installations pour lesquelles l'obligation de constitution des garanties démarre au 1er juillet 2012. Il s'agit de toutes les installations soumises à autorisation au titre de l'article L. 512-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8883IMX) et d'installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises au régime d'autorisation, même simplifié.

La seconde liste vise les installations soumises à autorisation listées en annexe II de l'arrêté du 31 mai 2012 (N° Lexbase : L4525ITR) et pour lesquelles l'obligation démarre soit au 1er juillet 2012 soit au 1er juillet 2017, en fonction de seuils définis par cette annexe. Il s'agit en réalité d'installations relevant de la Directive européenne du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution, dite Directive "IPPC".

Si le montant de la garantie financière s'avère inférieur à 75 000 euros, aucune constitution de garanties financières ne sera demandée. L'arrêté du 31 mai 2012 précité et un autre décret du 31 juillet 2012 (N° Lexbase : L8877ITX) précisent les modalités de calcul et de constitution des garanties financières.

II - Le contrôle du fonctionnement des ICPE

Les ICPE font l'objet de contrôles lors de leur exploitation, contrôles renforcés en cas de modifications substantielles de l'activité (A), et harmonisés d'ici le 1er juillet 2013 avec la réforme des polices administratives et judiciaires de l'environnement (B).

A - Le renforcement des contrôles des ICPE faisant l'objet de modifications substantielles

La prévention et le traitement des sols pollués ont fait l'objet du décret n° 2013-5 du 2 janvier 2013 (N° Lexbase : L8528IUE).

Ce décret renforce les contrôles en cas de modification substantielle des ICPE soumises à garanties financières, pour lesquelles l'exploitant devra remettre au préfet :

- un état de la pollution des sols à chaque changement notable de son installation (une simple évolution de l'activité de l'exploitant, sans modification substantielle, n'implique donc pas l'établissement d'un tel document) ;

- les mesures de gestion de la pollution des sols, dont la définition sera précisée ultérieurement par un arrêté ministériel, dans le cas d'une pollution des sols.

Le décret du 2 janvier 2013 prévoit également la possibilité, pour le préfet, d'instituer des servitudes d'utilité publique, après la réalisation d'une enquête publique. Ces servitudes peuvent concerner des sites pollués par l'exploitation d'une ICPE ou sur l'emprise d'une installation de stockage de déchets. L'initiative d'instauration de ces servitudes peut émaner de l'exploitant lui-même, du propriétaire du terrain, du maire de la commune concernée, ou encore du préfet.

Il convient de noter qu'un arrêt récent du juge administratif a considéré que la défaillance de l'autorité compétente en matière de contrôle d'une ICPE peut avoir pour conséquence l'engagement de la responsabilité de l'Etat. Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a mis en évidence les carences fautives de l'Etat dans la surveillance de l'usine AZF détruite par une explosion le 21 septembre 2001 dans un arrêt du 24 janvier 2013 (CAA Bordeaux, 3ème ch., 24 janvier 2013, n° 10BX02881 N° Lexbase : A9118I34). La cour a, ainsi, considéré que l'Etat ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir des défaillances détectables durables et d'incidence très graves dans l'exploitation de l'ICPE puisque ces mêmes défaillances auraient dû être sanctionnées par l'Etat. Cette faute de surveillance de l'ICPE a donc permis une réparation du préjudice des requérants sur le fondement de la perte de chance d'échapper à l'explosion. Cet arrêt pourrait avoir pour conséquences une intensification des contrôles des ICPE en exploitation, indépendamment de la modification substantielle de leur activité.

B - L'harmonisation des polices administrative et judiciaire de l'environnement

Prise en application de la loi dite "Grenelle II" du 12 juillet 2010 (loi n° 2010-788, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012, portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7242IRN), est intervenue pour harmoniser, réformer et simplifier les procédures de contrôle et les sanctions administratives et pénales. Elle entrera en vigueur le 1er juillet 2013.

L'ordonnance insère un nouveau titre dans le Code de l'environnement prévoyant les "dispositions communes relatives aux contrôles et aux sanctions". Ce nouveau titre VII du livre I du Code de l'environnement constituera le socle des dispositions applicables en matière de contrôles administratifs, de police judiciaire et de sanctions administratives et pénales. Il permettra l'uniformisation et l'extension des outils de contrôle et de sanction et l'harmonisation de ces dernières.

L'ordonnance détermine les catégories de fonctionnaires et d'agents habilités à exercer les fonctions de police judiciaire dans les domaines de l'environnement. Ces agents porteront la dénomination d'"inspecteurs de l'environnement" (futur article L. 172-1 du Code de l'environnement). Ces agents seront habilités à constater les infractions à plusieurs polices de l'environnement, bien qu'ils soient commissionnés par spécialités. L'ordonnance étend également la procédure de la transaction pénale à tous les domaines du Code de l'environnement (futur article L. 173-12 du Code de l'environnement).

III - La cessation d'activité de l'ICPE

A la suite à la cessation d'activité de l'ICPE, l'exploitant est soumis a une obligation de remise en état qui ne nécessite pas de mise en demeure préalable, et dont le non-respect peut entraîner la mise en jeu de sa responsabilité pénale, administrative, et est constitutive d'une faute civile (A). En outre, cette obligation de remise en état implique la prise en compte de l'état antérieur du site dans le cas où l'ICPE relèverait de la Directive européenne "IED" (Directive (UE) 2010/75 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles N° Lexbase : L4045IPI) (B).

A - La remise en état du site : une obligation indépendante de toute mise en demeure

Par une décision du 16 janvier 2013 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2013, n° 11-27.101, FS-P+B+R N° Lexbase : A4958I3Z), la Cour de cassation a rappelé le fait que l'inexécution de l'obligation administrative de remise en état constitue une faute civile sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). Afin de rejeter la demande d'indemnisation de l'acquéreur d'un terrain pollué, la Cour d'appel s'était fondé sur le droit des ICPE pour juger que l'exploitant n'avait qu'une obligation d'informer le préfet dans le mois suivant la cessation d'activité et de remettre le site en état sous réserve d'injonctions administratives si tel n'était pas le cas. Aucun délai n'étant prévu contractuellement pour remplir l'obligation de remise en état, et faute de mise en demeure préalable par l'acquéreur, le vendeur ne pouvait être tenu d'indemniser l'acquéreur.

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel estimant que "l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 (N° Lexbase : L1886HCT) impose à l'exploitant de remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 (N° Lexbase : L6346AG7), sans qu'il y ait lieu à mise en demeure". La Cour rappelle donc la portée de l'obligation administrative de remise en état, indépendante de toute mise en demeure préalable, ainsi que les conséquences d'un non-respect de celle-ci sur le plan du droit civil.

B - L'impact de la Directive européenne relative aux émissions industrielles sur la remise en état

En droit communautaire, les installations les plus polluantes sont régies par la Directive (UE) 2010/75 relative aux émissions industrielles, dite Directive "IED". Cette Directive a remplacé la Directive "IPPC" dont les dispositions restent, néanmoins, applicables jusqu'au 6 janvier 2014. Elle en conserve les principes directeurs tout en les renforçant et en encadrant plus étroitement la mise en oeuvre afin d'éviter les distorsions d'application entre Etats membres. En France, la Directive "IED" a été transposée par l'ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 (N° Lexbase : L6276IRU). Le décret d'application de cette ordonnance est attendu courant 2013. Les installations relevant de la Directive "IED" sont spécifiquement mentionnées dans le Code de l'environnement aux articles L. 515-28 (N° Lexbase : L6411IRU) à L. 151-31. L'ordonnance prévoit un réexamen périodique des autorisations, ainsi qu'une participation du public dans ce cas précis. Elle introduit, en outre, un principe de mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles (MDT).

En matière de remise en état, l'ordonnance a créé un nouvel article L. 515-30 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6413IRX) qui dispose que la remise en état d'un site sur lequel se trouvait une installation visée par la Directive "IED" devra correspondre à un état du site, tel que décrit par l'exploitant dans un rapport de base, avant la mise en service de l'installation ou lors du premier réexamen de l'installation. La remise en état du site doit donc être réalisée compte tenu de son utilisation future mais, également, eu égard à son état antérieur.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils

Contacts :

Patricia Savin (savin@smaparis.com)

Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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