Lexbase Public n°283 du 4 avril 2013 : Fonction publique

[Questions à...] Le contrat d'un agent non titulaire peut-il comporter un délai de préavis plus favorable que celui prévu par les textes ? - Questions à Véronique Fontaine, avocat associé, Cabinet Fidal, département Droit public

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 6 février 2013, n° 347622, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4643I74)

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[Questions à...] Le contrat d'un agent non titulaire peut-il comporter un délai de préavis plus favorable que celui prévu par les textes ? - Questions à Véronique Fontaine, avocat associé, Cabinet Fidal, département Droit public. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8054053-questions-a-le-contrat-dun-agent-non-titulaire-peutil-comporter-un-delai-de-preavis-plus-favorable-q
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 04 Avril 2013

Dans une décision rendue le 6 février 2013, le Conseil d'Etat a jugé qu'un agent non titulaire de la fonction publique territoriale est fondé à contester le licenciement dont il a fait l'objet au motif que le délai de préavis prévu par son contrat n'a pas été respecté. Un agent ayant fait l'objet d'un licenciement pour suppression d'emploi voulait se prévaloir du non-respect, par la commune, du délai de préavis figurant dans son contrat, lequel correspondait à une durée d'un mois par année de présence. Le Conseil d'Etat précise que, si un agent non titulaire de la fonction publique territoriale, engagé pour une durée indéterminée, ne peut faire l'objet d'un licenciement sans que soit respecté un préavis d'une durée minimale variable selon son ancienneté dans le service, il est loisible aux parties de prévoir dans le contrat une durée de préavis plus favorable à l'agent en considération de son ancienneté et de la nature de ses fonctions. Toutefois, le préavis ainsi fixé par les stipulations du contrat ne saurait, du fait d'une durée excessive, avoir pour effet d'entraver la possibilité, pour l'autorité administrative, de mettre un terme au contrat dans l'intérêt du service et de procéder au licenciement de l'agent. Pour faire le point sur cette décision, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Véronique Fontaine, avocat associé, Cabinet Fidal, département Droit public. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le régime du licenciement des agents non titulaires de la fonction publique territoriale ?

Véronique Fontaine : Les règles applicables au licenciement des agents non titulaires sont fixées par le décret n° 88-145 du 15 février 1988 (N° Lexbase : L1035G8T), pris pour l'application de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Elles ont été précisées par le juge administratif.

Rappelons que le licenciement est une décision unilatérale de l'autorité territoriale mettant fin aux fonctions de l'agent avant le terme de son engagement. Cette décision appartient exclusivement à l'autorité territoriale et non à l'assemblée délibérante. Peuvent faire l'objet d'un licenciement les agents non titulaires recrutés par contrat à durée déterminée, ainsi que les agents non titulaires sous contrat à durée indéterminée. Aucun licenciement ne peut, toutefois, être prononcé si l'agent est en état de grossesse médicalement constatée, en congé de maternité, paternité ou adoption, pendant la période de quatre semaines suivant l'expiration de ce congé (décret n° 88-145 du 15 février 1988 précité, art. 41). Cette règle protectrice ne s'applique pas en cas de licenciement au terme d'une période d'essai.

Les motifs du licenciement sont divers et donnent lieu à la mise en oeuvre de procédures spécifiques.

Un agent non titulaire peut, ainsi, être licencié : au cours ou à l'expiration de la période d'essai ; pour motif disciplinaire en cas de faute d'une particulière gravité (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 36-1) ; pour insuffisance professionnelle, à savoir en en cas d'inaptitude de l'agent à exercer les fonctions correspondant à son emploi, ceci pouvant se caractériser par un comportement global de l'agent sans qu'il y ait nécessairement faute ; dans l'intérêt du service, par exemple en cas de suppression d'emploi à la suite, notamment, d'une réorganisation du service, ou du refus par un agent d'une modification substantielle de son contrat de travail comme une diminution de son temps de travail ; en cas d'inaptitude physique (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 11 et 13) ; en cas d'absence d'emploi vacant à l'issue de certains congés, par exemple un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, de maternité, de paternité ou d'adoption, un congé parental, de présence parentale, ou un congé non rémunéré pour raison familiale ; pour perte des conditions exigées lors du recrutement, par exemple la perte des droits civiques ou de la nationalité française.

La procédure de licenciement est fixée par le décret du 15 février 1988. Cinq règles principales doivent être respectées.

la nécessité d'un entretien préalable : le licenciement ne pouvant intervenir qu'à l'issue de cet entretien (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 42).

- le respect des droits de la défense : lorsque la décision de licenciement est prise en considération de la personne, l'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de son dossier et de tous documents annexes dans un délai garantissant les droits de la défense et à l'assistance du (ou des) défenseur(s) de son choix (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 37). L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. Le licenciement doit être notifié par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle doit préciser le (ou les) motif(s) du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant dus et de la période de préavis (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art.42).

- la nécessité de respecter un préavis : sauf exceptions, le licenciement avant le terme de l'engagement doit être précédé d'un préavis, dont la durée, fixée par les articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, varie selon la durée de service. Le Conseil d'Etat a, toutefois, précisé, dans son arrêt en date du 6 février 2013, que le contrat pouvait prévoir une durée de préavis plus favorable à l'agent, fixée en considération de son ancienneté et de la nature de ses fonctions. Ce préavis contractuel ne peut ni être inférieur à la durée minimale réglementaire, ni avoir une durée excessive qui aurait pour effet d'entraver la possibilité pour l'administration de mettre un terme au contrat dans l'intérêt du service et de licencier l'agent. Le délai de préavis court à partir de la notification de la décision effective de licenciement. Le non-respect de ce délai entraîne l'illégalité du licenciement, dont l'agent est alors susceptible d'obtenir l'annulation devant le juge (1).

- la transmission de la décision de licenciement au contrôle de légalité : la décision de licenciement d'un agent non titulaire doit être soumise au contrôle de légalité. Cette obligation ne concerne pas, toutefois, le licenciement d'agents recrutés dans le cadre d'un besoin saisonnier ou occasionnel.

- le versement d'indemnités : l'agent non titulaire licencié remplissant certaines conditions a droit au versement d'une indemnité de licenciement dont le montant dépend de son ancienneté (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 43). Aucune indemnisation n'est, cependant, possible lorsque le licenciement intervient pour des motifs disciplinaires ou au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. Par ailleurs, sauf en cas de licenciement disciplinaire, l'agent qui ne peut, du fait de l'administration, bénéficier de tous ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice (décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 5). Enfin, quel qu'en soit le motif, le licenciement est considéré comme une perte involontaire d'emploi. L'agent licencié peut donc prétendre au bénéfice d'allocations chômage s'il remplit les conditions exigées.

Lexbase : Le juge administratif a-t-il été jusqu'ici plutôt favorable aux agents ou à l'administration ?

Véronique Fontaine : Le juge administratif se montre globalement favorable aux agents publics et veille au respect des droits de ces derniers par les personnes publiques employeurs. Il applique strictement les règles et principes régissant le licenciement des agents non titulaires et n'hésite pas à sanctionner l'administration en cas de violation de ces règles. Un licenciement irrégulier sur le fond ou sur la forme est ainsi systématiquement annulé par le juge. Toute illégalité étant fautive, elle ouvre droit à réparation du préjudice financier, professionnel et moral subi par l'agent. Ainsi, à la suite de l'annulation d'un licenciement illégal, pour vice de forme, de musiciens travaillant dans un orchestre professionnel, la réparation due aux agents a été fixée à plus de 45 000 euros (2). 

De même, l'annulation du licenciement entraîne l'obligation pour l'administration de réintégrer l'agent, comme s'il n'avait jamais cessé d'être présent. Si le juge administratif se montre protecteur des droits des agents, il n'en demeure pas moins que ce dernier veille à ce que l'administration puisse mettre en oeuvre ses prérogatives d'employeur et mettre fin au contrat de travail d'un agent non titulaire, dès lors qu'un motif légitime le justifie.

Lexbase : Son appréhension du préavis est-elle suffisamment protectrice des agents selon vous ?

Véronique Fontaine : La décision du Conseil d'Etat paraît juste. En effet, la durée du préavis est, en principe, fixée par les articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988. Cette durée est de huit jours si l'agent a accompli moins de six mois de services, un mois au moins s'il a accompli des services d'une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, et de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans.

Dans son arrêt du 6 février 2013, le Conseil d'Etat est allé au delà des textes et a reconnu aux parties la possibilité de prévoir dans le contrat de travail une durée de préavis plus favorable à l'agent, fixée en considération de son ancienneté et de la nature de ses fonctions. Ce préavis contractuel ne peut, toutefois, ni être inférieur à la durée minimale réglementaire, ni avoir une durée excessive qui aurait pour effet d'entraver la possibilité pour l'administration de mettre un terme au contrat dans l'intérêt du service et de licencier l'agent, comme l'indique la Haute juridiction dans sa décision du 6 février 2013. En prenant une telle décision, le Conseil d'Etat a donc fait preuve de souplesse dans l'application des règles relatives au préavis et s'est montré protecteur des droits des agents en la matière.

Lexbase : Au final, cette solution vous semble-t-elle justifiée ?

Véronique Fontaine : Oui. Il paraît effectivement justifié de reconnaître aux parties la possibilité de prévoir, dans le contrat de travail, des règles plus favorables à celles prévues par les textes à la condition, toutefois, que les droits de chacune d'entre elles soient bien respectés. Tel est bien le cas des règles posées par le Conseil d'Etat dans sa décision du 6 février 2013, lequel reconnaît que l'agent non titulaire ne peut se voir imposer une durée de préavis inférieure aux durées minimales réglementaires et que la durée du préavis contractuel ne peut avoir pour effet d'entraver la possibilité pour l'administration de mettre fin au contrat de l'agent.


(1) CE 9° et 10° s-s-r., 14 mai 2007, n° 273244, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3872DWC).
(2) CE, 8 novembre 2000, n° 200836, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9077AHN).

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