Lexbase Droit privé n°459 du 27 octobre 2011 : Procédure civile

[Evénement] Le particularisme de la procédure d'appel, notamment en ce qui concerne la réparation des désordres et malfaçons du bâtiment - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

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[Evénement] Le particularisme de la procédure d'appel, notamment en ce qui concerne la réparation des désordres et malfaçons du bâtiment - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/5618090-evenement-le-particularisme-de-la-procedure-dappel-notamment-en-ce-qui-concerne-la-reparation-des-de
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 27 Octobre 2011

La sous-commission "responsabilité et assurance des constructeurs" de la Commission de droit immobilier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris tenait, le 13 octobre 2011, sous la responsabilité de Jean-François Péricaud, une réunion sur "Le particularisme de la procédure d'appel, notamment en ce qui concerne la réparation des désordres et malfaçons du bâtiment" animée par Maître Jacques Pellerin, avoué. Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de retrouver un compte-rendu de cette réunion. Ainsi que le relève Maître Pellerin, l'une des particularités de la réforme de la procédure d'appel est, notamment, de prévoir un rythme plus maîtrisé, via un recadrage des délais. Le législateur a retenu un système de délais fixes, fermes et définitifs, qui oblige les parties à s'y conformer strictement, sans qu'il soit possible d'obtenir un report de délais. Jacques Pellerin a ainsi tenu, en premier lieu, à expliciter le mécanisme présidant à l'élaboration des délais.

Par ailleurs, l'intervenant est revenu sur les nouveaux pouvoirs du conseiller de la mise en état, qui vont également dans le sens d'un recadrage, d'autant plus avec la mise en état électronique. Cela étant, au neuvième mois de l'application effective de la réforme, Jacques Pellerin reste dans l'attente des premières jurisprudences, espérant une interprétation quelque peu assouplie des nouvelles dispositions, notamment celles relatives aux pouvoirs du conseiller de la mise en état.

  • Le délai de signification de la déclaration d'appel

La déclaration d'appel doit être déposée au greffe, lequel adresse la déclaration aux intimés (C. pr. civ., art. 902 N° Lexbase : L0160IPM).

Ainsi que le relève Maître Pellerin, trois situations se présentent alors : 

- soit l'intimé a constitué avoué ;

- soit l'intimé n'a pas constitué avoué dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification ; dans ce cas, le greffe émet un avis électronique à l'avoué de l'appelant précisant que l'intimé ne s'est pas constitué ; cet avis fait alors courir un délai d'un mois pour signifier la déclaration d'appel à l'intimé (ce délai court à compter de l'ouverture du document par le destinataire, qui génère un accusé de réception automatique de réception) ;

- soit l'intimé n'est pas touché par la déclaration d'appel et la lettre adressée par le greffe revient au greffe ; le greffe émet alors un avis de retour de lettre, lequel déclenche également un délai d'un mois pour signifier la déclaration d'appel.

Le non-respect de ce délai d'un mois, qui commence à courir à compter de la date de l'avis émis par le greffe, entraîne la caducité de la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 902, al. 3). Si, en soi, la caducité n'entraîne de conséquences immédiates, puisqu'il suffit de réitérer la déclaration, il convient de garder à l'esprit que le délai d'appel préfix déclenché par la signification du jugement continue de courir.

Pour bien maîtriser ce délai, il convient de comprendre ce qui justifie que l'on avertisse, ici, l'intimé ou les intimés.

En effet, il faut savoir que l'appelant dispose d'un délai de trois mois pour conclure et la réception par l'intimé des conclusions de l'appelant, déclenche pour l'intimé un délai de deux mois pour conclure et, soit demander la confirmation, soit soulever un appel incident (cf. infra). L'idée est donc de prévenir le plus tôt possible (dès que la déclaration d'appel est faite) l'intimé, s'il n'est pas constitué, que l'appel est formé, et par conséquent, que l'appelant va bientôt conclure (le temps que le mois soit passé on se situe alors environ au 2ème mois et demi) ; il s'agit donc de le prévenir que va bientôt commencer à courir à son égard le délai de deux mois pour conclure, pour faire une confirmation ou un appel incident.

L'instauration de ce délai d'un mois, qui est une nouveauté, représente ainsi une première embûche sous plusieurs aspects. Tout d'abord, les avocats doivent être attentifs aux avis du greffe qui peuvent déclencher ce délai, et qui peuvent avoir des conséquences importantes. Ensuite, il faut souligner que l'intimé n'a pas d'intérêt absolu à se précipiter pour se constituer lorsqu'il reçoit une déclaration d'appel : en effet, s'il ne se constitue pas et si l'appelant dépasse le délai de signification de la déclaration d'appel, il pourra bénéficier de la caducité de l'appel (sauf, bien sûr, à ce qu'il veuille faire appel incident).

  • Les délais pour conclure et communiquer les pièces

- Le délai pour conclure de l'appelant

En vertu de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP), l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour déposer ses conclusions, avec les pièces, au greffe de la cour. La sanction attachée au non-respect du délai de dépôt des conclusions est la caducité de la déclaration d'appel ; en revanche, Jacques Pellerin souligne qu'il n'y a pas de sanctions attachées au défaut de dépôt des pièces.

Si l'intimé est constitué, l'appelant doit signifier ses conclusions au mandataire de l'intimé.

En revanche, si l'intimé n'est pas constitué, alors à compter de l'expiration du délai de dépôt des conclusions au greffe, s'ouvre un délai d'un mois, pour l'appelant, pour assigner l'intimé avec les conclusions (C. pr. civ., art. 911 N° Lexbase : L0164IPR). Il dispose donc d'un mois pour prévenir l'intimé qu'il a déposé ses conclusions. Là encore, la sanction est la caducité de la déclaration d'appel.

- Le délai pour conclure de l'intimé

En vertu de l'article 909 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0163IPQ), la réception des conclusions de l'appelant déclenche, pour l'intimé, un délai de deux mois pour conclure et, le cas échéant, former appel incident. Ce délai de deux mois est édicté sous peine d'irrecevabilité des conclusions et, le cas échéant, de l'appel incident. Le délai court à compter de la signification des conclusions faite à son conseil constitué pour lui, ou faite à lui-même s'il n'a pas constitué avoué, ou encore de l'assignation qui lui est faite.

Maître Pellerin a relevé, ici, la suppression de "l'assignation 908", qui pouvait donner lieu à un arrêt par défaut, lorsque le défendeur n'avait pas constitué avoué dans les quinze jours de l'assignation faite par signification de la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 908 N° Lexbase : L0942H4N) ; aujourd'hui, la définition de l'arrêt par défaut ne vise plus une simple signification mais l'assignation ; il faut donc savoir que si l'appelant procède à une simple signification des conclusions et que l'intimé ne se constitue toujours pas, le conseiller de la mise en état risque de le contraindre à assigner l'intimé de manière à pouvoir rendre sérieusement l'arrêt par défaut. En effet, si la cour mentionne "arrêt par défaut" alors qu'il n'y aurait eu qu'une simple signification des conclusions, l'arrêt encourt la cassation. Autrement dit, désormais, Maître Pellerin préconise de ne pas dissocier les opérations de signification et d'assignation.

Quid de la sanction lorsque la signification des conclusions est jugée nulle ? Maître Pellerin précise que l'on ne peut pas considérer qu'il s'agit d'un défaut de signification de la part de celui qui a signifié entraînant la caducité de la déclaration d'appel ; en revanche, l'intimé peut se prévaloir de cette irrégularité, qui lui fait grief pour ne pas se voir opposer le délai de deux mois.

- Le cas des appels incidents et provoqués et de l'intervention

En cas d'appel incident, chaque intimé incident dispose de deux mois pour conclure, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office. Il en est de même pour l'intimé à un appel provoqué (C. pr. civ., art. 910 N° Lexbase : L0412IGD).

Il apparaît, en revanche, une difficulté s'agissant du délai pour former appel incident ou provoqué.

En effet, l'appel provoqué est défini à l'article 549 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6700H7B), qui prévoit que "l'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance". On voit donc que le terme de "l'appel incident" peut donc aussi couvrir l'appel provoqué.

Dès lors, si l'on retient une interprétation stricte de l'article 909 du Code de procédure civile, aux termes duquel "l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident", Maître Pellerin estime que l'on peut considérer que le délai édicté concerne tant l'appel incident que l'appel provoqué. En effet, l'appel provoqué n'apparaît pas "autonomisé", alors que l'on aurait pu imaginer qu'il était possible de former un appel provoqué à n'importe quel moment. En tout état de cause, il apparaît ici un problème de formulation qui mériterait de donner lieu à interprétation par la Cour de cassation.

S'agissant de l'intervention, l'article 910 prévoit que l'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois pour conclure, à compter de la date à laquelle la demande d'intervention formée à son encontre lui a été notifiée. Etant extérieur au litige, il bénéficie d'un délai plus long que l'intimé.

- Le dépôt des pièces

S'agissant des pièces que doit donner l'appelant, antérieurement à la réforme, il n'y avait lieu de déposer que les pièces nouvelles (C. pr. civ., art. 132, anc. N° Lexbase : L1472H4B). Il résulte de la nouvelle rédaction de l'article 132 (N° Lexbase : L0429IGY) que toutes les pièces doivent être communiquées dans la procédure d'appel, y compris les pièces de première instance. Il faut souligner que cela risque d'être particulièrement lourd dans le contentieux de la construction (rapports d'experts et autres). Maître Pellerin a ainsi évoqué l'idée d'une possible entente entre les parties sur les pièces de première instance qu'elles s'accorderaient mutuellement à ne pas communiquer, en ayant reconnu préalablement les connaître.

- Les conséquences de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé

Lorsque l'intimé n'a pas conclu dans les délais, ses conclusions sont irrecevables (C. pr. civ., art. 909 et 910). Cela étant, il faut rappeler que la cour est saisie des motifs qui sont dans le jugement ; par conséquent, si l'intimé est confirmateur, l'irrecevabilité est sans incidence puisqu'il y aura dans les débats ce que le premier juge aura retenu. En revanche, l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé implique l'absence de réponse aux critiques formulées par l'appelant contre le jugement.

Par ailleurs, l'irrecevabilité des conclusions peut être problématique dans le cadre du pourvoi en cassation, dans la mesure où l'intimé se prive de la possibilité de se prévaloir d'un défaut de réponse à conclusions, ou plus généralement de ce qui relève du non-respect des conclusions par le juge d'appel.

L'irrecevabilité est constatée par le conseiller de la mise en état.

  • L'audience du "cinquième mois et demie"

Aux termes de l'article 912, alinéa premier, "le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces".

Ainsi, dans l'hypothèse d'une instance à deux parties, une fois que l'appelant et l'intimé ont conclu, respectivement dans les trois mois, et dans les deux mois, il va se dérouler durant le cinquième mois, dans les quinze jours suivant l'expiration des délais, ce que l'on appelle l'audience "du cinquième mois et demi". Bien évidemment, cette audience a lieu plus tardivement dès lors que l'on se trouve en présence de plusieurs intimés

Aux termes des alinéas suivants, le conseiller de la mise en état "fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avoués. Dans tous les cas, les dossiers, comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l'ordre du bordereau récapitulatif, sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries".

Ainsi, lors de cette audience, le conseiller de la mise en état peut réunir les parties pour déterminer ce qu'il reste à faire. Il s'agit, en principe, de définir le périmètre des moyens et des demandes qui peuvent être exposées devant la cour d'appel entre les deux jeux de conclusions ; dans ce périmètre, il peut soit clôturer à ce moment là, soit préciser des délais, qui sont libres.

Selon Maître Pellerin, les dispositions de l'article 912 peuvent laisser entendre que l'ensemble des moyens, au terme du cinquième mois et demie est évoqué de part et d'autre. Autrement dit, cela implique l'idée de concentration des moyens dans les premiers jeux de conclusions.

Dans la pratique, à ce jour, force est de constater, que le conseiller de la mise en état n'a pratiquement jamais tenu son audience dans les quinze jours. Mais la rédaction de l'article 912 montre bien que c'est le magistrat qui dirige le déroulement, et non les parties. Cela permet donc au magistrat de faire respecter le principe de la concentration ; il est en mesure d'exiger que les parties s'en tiennent à leurs conclusions, et qu'elles n'aient plus le droit que de répondre de part et d'autre. On voit que l'intention du législateur est d'aller vers la restriction des audiences.

  • Le pouvoir d'appréciation du conseiller de la mise en état sur la forclusion de l'appel et sur l'irrecevabilité des conclusions

Ainsi que le prévoit l'article 914 (N° Lexbase : L0168IPW) du Code de procédure civile, "le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910".

Ainsi que le relève Maître Pellerin, en prévoyant que le conseiller de la mise en état "prononce", et non "constate", l'irrecevabilité ou la caducité, il semblerait que le législateur a choisi de laisser au magistrat un certain degré d'appréciation, sachant par ailleurs que les observations des avocats sont requises en vertu de l'article 912. On peut donc penser qu'il peut y avoir matière à débat, dans la mesure où il ne se contente pas de constater l'échéance des délais.

En tous les cas, le conseiller de la mise en état est dorénavant compétent pour connaître les irrecevabilités de l'appel. Auparavant, sa compétence n'était que facultative, les irrecevabilités pouvant également être soulevées devant la cour ; par ailleurs, la décision du conseiller de la mise en état n'avait pas autorité de chose jugée, et l'on pouvait donc soulever à nouveau la demande d'irrecevabilité devant la cour lorsqu'il s'agissait d'un rejet. Désormais, le conseiller est seul compétent pour statuer sur les demandes d'irrecevabilité d'appel (irrecevabilité de forclusion, des conclusions, etc.) et ses décisions ont autorité de chose jugée, sous réserve du déféré, dans les quinze jours de la décision (C. pr. civ., art. 916 N° Lexbase : L0170IPY).

Jacques Pellerin a, enfin, soulevé le problème du sursis. En effet, alors que le sursis est traité dans le Code de procédure civile, parmi les incidents de l'instance, la Cour de cassation, dans un avis de 2008 (Cass. avis, 29 septembre 2008, n° 0080007P N° Lexbase : A0166HZ8), a précisé que le sursis devait être traité comme une exception de procédure, et, notamment, qu'il devait être soulevé in limine litis. La question se pose alors de savoir si le sursis doit impérativement être présenté devant le conseiller de la mise en état ou, en cas d'oubli, si l'on peut le soulever devant le cour. La question reste entière selon Maître Pellerin.

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