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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 13 Octobre 2011
Benoît Dambre et Anne Vaucher : Ce dispositif s'inscrit avant tout dans le cadre de l'objectif de réduction des déficits publics. Il ne faut pas y voir autre chose, malgré les déclarations d'intentions des uns et des autres.
Lexbase : Sur quoi le législateur s'est-il fondé pour choisir les nouveaux taux applicables et les durées de détention allongées ?
Benoît Dambre et Anne Vaucher : Les taux finalement retenus sont le résultat d'un compromis obtenu à la hâte, dont on peinerait à dégager une logique financière ou économique incontestable, compréhensible et acceptée par tous. L'idée initiale était d'indexer le prix d'acquisition servant à la détermination des plus-values sur l'inflation (1), afin de ne taxer que le seul enrichissement réel (hors érosion monétaire).
Cette proposition n'a pas été retenue : il a été jugé "moins brutal" et plus conforme à la "tradition fiscale" d'allonger la durée de détention conduisant à l'exonération totale de la plus-value (dispositif introduit en 1963 et maintes fois réformé depuis).
S'agissant des abattements, après bien des débats, il a finalement été décidé de retenir des taux selon une pente croissant doucement, surtout les premières années, ce qui découragerait la "rétention" des immeubles.
Lexbase : Cette mesure a-t-elle déjà un effet sur le marché ?
Benoît Dambre et Anne Vaucher : Il convient de rappeler de quel "marché" il est ici question. La réforme ne vise pas "toutes" les plus-values immobilières. Elle ne vise que les personnes imposables à l'impôt sur le revenu à raison des plus-values immobilières réalisées dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé (hors résidence principale, dont la cession reste exonérée sur le fondement de l'article 150 U du CGI N° Lexbase : L0789IPW).
Le texte vise donc essentiellement les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession de leur résidence secondaire ou des "investissements locatifs" (achat d'un immeuble dans le but de le louer) qu'ils ont pu réaliser ces dernières années. Les entreprises ne sont pas touchées par cette réforme.
Cela dit, il est clair que le texte incite ces personnes à céder les immeubles qu'ils détiennent avant le 1er février 2012, date d'entrée en vigueur du nouveau texte, plutôt qu'après cette date butoir (2), surtout s'ils les détiennent depuis plus de 15 ans. Toutefois, dans l'immédiat, l'effet sur le marché est incertain, tant la cession d'un bien immobilier est une décision importante pour la plupart des contribuables, qui ne prennent pas leur décision en fonction des seules règles fiscales applicables. Nombreux sont ceux qui, rendus inquiets par le contexte économique actuel, voient dans la pierre une "valeur refuge", qu'ils hésitent à rendre liquide malgré la réforme. Autrement dit, prise isolément, la réforme ne devrait pas provoquer un afflux massif de biens sur le marché d'ici le 1er février 2012.
Lexbase : Risque-t-il d'y avoir un avant et un après 1er février 2012 ?
Benoît Dambre et Anne Vaucher : Cela est difficile à dire. Un certain nombre de professionnels craignent que la réforme ne vienne figer davantage encore le marché dans les années à venir, contrairement à l'objectif poursuivi de "décourager" la rétention immobilière (3). C'est d'ailleurs l'une des raisons qui avait poussé le législateur à raccourcir le délai de détention, passé de 22 ans à 15 ans en 2004. Ces craintes nous semblent exagérées et, en tout état de cause, difficiles à démontrer de manière incontestable.
Cela dit, toutes choses égales par ailleurs, les cessions portant sur des résidences secondaires et des investissements locatifs devraient être relativement plus nombreuses avant le 1er février 2012 que dans les mois qui suivront l'entrée en vigueur de la réforme. Un certain nombre de personnes ont d'ores et déjà décidé de céder à des SCI familiales des résidences secondaires avant le 1er février prochain, mais cela reste marginal et cette solution doit être maniée avec précaution.
Lexbase : Que conseillez-vous à vos clients qui souhaitent vendre après l'entrée en vigueur de cette mesure ?
Benoît Dambre et Anne Vaucher : Il est probable que les contribuables retrouveront un appétit pour un certain nombre de stratégies patrimoniales déjà connues et utilisées, consistant, par exemple, à consentir une donation portant sur un immeuble destiné à être céder, afin de transmettre un patrimoine tout en "gommant" l'impôt sur les plus-values. Ces stratégies doivent cependant être maniées avec la plus grande prudence, une donation étant un acte solennel qui engage les parties ("donner et retenir ne vaut"), et l'administration fiscale étant à l'affût pour dénicher les "fausses" donations (attention aux risques d'abus de droit fiscal).
(1) Ou, plus exactement sur l'indice moyen annuel des prix à la consommation hors tabac.
(2) Par exception, les nouveaux taux d'abattement s'appliqueront aux plus-values immobilières réalisées au titre des cessions réalisées à compter du 25 août 2011 en cas d'apport de biens immobiliers ou de droits sociaux relatifs à ces biens immobiliers à une société dont la personne à l'origine de l'apport, son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ou un ayant droit à titre universel de l'une ou de plusieurs de ces personnes est un associé ou le devient à l'occasion de l'apport.
(3) "Par ailleurs, alors que la France est confrontée à une insuffisance de l'offre de logements face à la demande en matière immobilière, qui explique en grande partie les difficultés du marché de l'immobilier et du logement, l'existence d'un abattement pour durée de détention incite à la rétention des ressources foncières et immobilières par les propriétaires [...] La modification proposée devrait donc se traduire à la fois par une augmentation importante des recettes liées à la taxation des plus-values immobilières et par une désincitation à la prolongation de la détention d'un patrimoine immobilier à seule fin de réduire ou de supprimer la plus-value taxable", extrait du rapport de la Commission des finances portant sur le projet de loi de finances rectificative, p. 87.
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