La lettre juridique n°388 du 25 mars 2010 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le congé de paternité peut être refusé à la compagne homosexuelle de la mère

Réf. : Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853, Mme Elodie Lucas, F-P+B (N° Lexbase : A1879ETR)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

le 07 Octobre 2010

Le congé de paternité consiste en une indemnité journalière, versée après la naissance de son enfant au père assuré, pendant une durée maximale de 11 jours consécutifs et dans les mêmes conditions d'ouverture de droit, de liquidation et de service que l'indemnité journalière versée au titre l'assurance maternité (CSS, art. L. 331-3 N° Lexbase : L2665HIK), sous réserve de cesser toute activité salariée ou assimilée (1). Les textes mentionnent expressément que ce congé, qui porte si bien son nom, bénéficie au père de l'enfant, mais ne comportent aucune indication sur le cadre familial (couple marié, uni par les liens d'un Pacs ou situation de concubinage), ni l'orientation sexuelle des parents. Cette carence des textes a été exploitée par un couple de femmes homosexuelles. L'une d'elle a ainsi demandé en 2006 le bénéfice d'un congé paternité pour un petit garçon mis au monde par sa compagne après une insémination artificielle. Toutes les juridictions saisies ont débouté la demanderesse. La jeune femme a souhaité voir son statut de "parent social" reconnu par la justice, c'est-à-dire de personne qui ne présente pas de lien de filiation avec l'enfant, mais qui se comporte comme des parents vis-à-vis de celui-ci.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes a refusé d'accorder le bénéfice de ce congé de paternité. Par un jugement du 20 mars 2006 (2), le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Nantes a rejeté cette demande. Puis, par un arrêt du 30 janvier 2008, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement nantais qui avait débouté la demande. Enfin, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé dans un arrêt du 11 mars 2010. Invoquant des motifs tirés du caractère discriminatoire d'un tel refus, ainsi que d'une violation de leur droit au respect de la vie privée, la demanderesse est désavouée par la Cour de cassation, parce qu'il résulte des articles L. 331-8 (N° Lexbase : L2978AW9) et D. 331-4 (N° Lexbase : L5410H9A) du Code de la Sécurité sociale que le bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la demanderesse ne pouvait pas prétendre au bénéfice du congé de paternité. La Cour de cassation répond donc clairement à la question de la condition relative à l'identité du demandeur d'un congé de paternité (appartenance à un sexe, orientation sexuelle) (II), mais les textes relatifs au régime de ce congé restent complexes, disparates et imprécis sur ce point (I).
Résumé

Il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel en a déduit que Mme X ne pouvait pas prétendre au bénéfice du congé de paternité.

I - Congé de paternité : pluralité et complexité du régime juridique

Le plus souvent, les textes mentionnent que le bénéficiaire du congé de paternité est bien le père, mais ils n'indiquent pas que la partenaire homosexuelle de la mère puisse être bénéficiaire ; ils n'indiquent pas non plus que la partenaire homosexuelle de la mère soit expressément exclue du bénéfice du congé de paternité.

A - Régime applicable aux militaires

Le Code de la défense (art. R. 4138-5 N° Lexbase : L4686IAS) prévoit que le congé de paternité, prévu à l'article L. 4138-4 (N° Lexbase : L2601HZD), d'une durée de 11 jours consécutifs (ou de 18 jours consécutifs en cas de naissances multiples) est accordé à tout militaire après la naissance de son ou de ses enfants. Le militaire adresse sa demande par écrit au commandant de la formation administrative au moins un mois avant la date à laquelle il entend prendre son congé. Pour bénéficier du congé, le militaire doit justifier de la filiation de l'enfant par présentation d'un acte de naissance.

Ce congé doit être pris dans un délai de 4 mois à compter de la naissance de son ou de ses enfants. Toutefois, ce congé peut être reporté au-delà de ce délai lorsque l'enfant est hospitalisé (le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l'hospitalisation) ; si la mère décède du fait de l'accouchement (le père a droit au congé postnatal de maternité dont la mère n'a pas pu bénéficier. Le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé postnatal de maternité) ; l'enfant décède (le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent le décès) ; ou lorsque les nécessités de service sont impérieuses (le militaire peut prendre le congé de paternité à compter de la fin de sa mission opérationnelle, dès que la période disponible entre deux missions permet le bénéfice de ce droit).

B - Régime applicable aux salariés

  • Régime légal et réglementaire

Le législateur a prévu un certain nombre de règles tirées des rapports individuels comme de rapports collectifs du travail, ainsi que du régime de l'emploi et du chômage. L'ensemble donne une image assez complexe du congé de paternité.

- Rapports individuels de travail

Après la naissance de son enfant, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de 11 jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. Le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail. Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin (C. trav., art. L. 1225-35 N° Lexbase : L0918H9U).

Le congé de paternité est pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant. Le congé peut être reporté au-delà des quatre mois dans l'un des cas suivants : hospitalisation de l'enfant (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l'hospitalisation) et décès de la mère (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en application de l'article L. 1225-28 N° Lexbase : L0861H9R) (C. trav., art. D. 1225-8 N° Lexbase : L2604IAP).

A l'issue du congé de paternité, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente (C. trav., art. L. 1225-36 N° Lexbase : L0921H9Y). Est puni des amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 1225-35 (N° Lexbase : L0918H9U) et L. 1225-36 relatives au congé de paternité (C. trav., art. R. 1227-5 N° Lexbase : L2525IAR).

Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé : les périodes de congés payés ; les périodes de congé maternité, paternité et d'adoption (C. trav., art. L. 3141-5 N° Lexbase : L3969IBM). Ne peuvent être déduits du congé annuel les absences autorisées ainsi que les congés de maternité, paternité et d'adoption (C. trav., art. D. 3141-4 N° Lexbase : L9454H9Z).

Les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes : libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ; discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; protection de la maternité, congés de maternité et de paternité, congés pour événements familiaux (C. trav., art. L. 1262-4 N° Lexbase : L1747H9L).

- Rapports collectifs de travail

Le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise, prévu à l'article L. 2323-57 du Code travail (N° Lexbase : L2874H9C), comporte des indicateurs permettant d'analyser la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise et son évolution. Ce rapport comporte, également, des indicateurs permettant d'analyser les conditions dans lesquelles s'articulent l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale des salariés. Ces indicateurs comprennent des données chiffrées permettant de mesurer les écarts. Ces indicateurs sont relatifs à l'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale et portent, notamment, sur l'existence d'un complément de salaire versé par l'employeur pour le congé de paternité, le congé de maternité, le congé d'adoption) (C. trav., art. D. 2323-12 N° Lexbase : L8900IDY).

- Emploi-Chômage

Est réputée immédiatement disponible pour occuper un emploi, au sens de l'article L. 5411-7, la personne qui, au moment de son inscription à Pôle emploi ou du renouvellement de sa demande d'emploi, bénéficie d'un congé de paternité (C. trav., art. R. 5411-10).

  • Régime conventionnel

Le droit conventionnel est intervenu très largement en matière de congé de paternité, pour en compléter le régime légal ou réglementaire. Les références abondent.

Il pourrait, ainsi, être fait mention de l'avenant n° 74 du 27 avril 2009 (art. 29) à la Convention collective nationale de travail des gardiens, concierges et employés d'immeubles du 11 décembre 1979 , selon lequel conformément aux articles L. 1225-35 et L. 1225-36 du Code du travail, le salarié peut bénéficier d'un congé de paternité quelle que soit la nature de son contrat de travail et quelle que soit son ancienneté. Le père peut cesser son activité professionnelle pendant une période de 11 jours calendaires consécutifs ou 18 jours en cas de naissances multiples. Ces jours sont cumulables avec les 3 jours accordés pour une naissance (art. 27. 3). Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit par écrit son employeur au moins 1 mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin.

Il faudrait, également, citer la Convention collective nationale de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985 prévoyant, en son article 924, que le congé de paternité est assimilé à du temps de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Les salariés ayant 1 an de présence dans l'entreprise à la date de la naissance bénéficient du maintien de leur salaire par l'employeur, sous déduction du montant des indemnités journalières "paternité" versées par la Sécurité sociale dès la date de prise d'effet du présent accord, pendant les 6 premiers jours du congé de paternité ; ou à compter du 1er janvier 2011, pendant les 11 premiers jours du congé de paternité. Le congé de paternité est assimilé à une période de présence pour la répartition de l'intéressement et de la participation. Le départ en congé de paternité ne porte pas atteinte aux droits du salarié à la formation professionnelle ; notamment, l'acquisition du droit individuel à la formation (Dif) se poursuit au même rythme que durant le temps de travail effectif.

C - Autres régimes spéciaux

  • Personnel de bord

Le Code de travail maritime (art. 5-1 N° Lexbase : L3010HGL) prévoit que les personnels employés à bord des navires utilisés pour fournir de façon habituelle, dans les eaux territoriales ou intérieures françaises, des prestations de services de remorquage portuaire et de lamanage sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles du lieu de prestation, applicables en matière de législation du travail aux salariés employés par les entreprises de la même branche, établies en France, pour ce qui concerne les matières suivantes : libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, exercice du droit de grève ; durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, congés pour événements familiaux, congés de maternité, congés de paternité.

  • Internes de médecine, praticiens hospitaliers

L'interne bénéficie d'un congé de maternité, d'adoption ou paternité d'une durée égale à celle prévue par la législation de la Sécurité sociale. Est garanti, pendant la durée de ce congé, le maintien de la rémunération mentionnée aux 1°, 2° et 4° de l'article R. 6153-10 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3856IEK, C. santé publ., art. R. 6153-13 N° Lexbase : L3853IEG).

Les praticiens régis par la présente section ont droit à un congé de maternité, d'adoption ou de paternité d'une durée égale à celle prévue par la législation de la Sécurité sociale, pendant lequel l'intéressé perçoit l'intégralité des émoluments prévus à l'article R. 6152-23 (N° Lexbase : L3573HTI, C. santé publ., art. R. 6152-35 N° Lexbase : L3577HTN ; même disposition pour les praticiens des hôpitaux à temps partiel, C. santé publ., art. R. 6152-227 N° Lexbase : L0352HPQ ; pour les praticiens contractuels, C. santé publ., art. R. 6152-418 N° Lexbase : L0371HPG ; assistants des hôpitaux, C. santé publ., art. R. 6152-520 N° Lexbase : L5802HBI).

II - Condition relative à l'identité du demandeur : appartenance à un sexe, orientation sexuelle

A - Condition relative à l'identité du demandeur : conformité au principe de non discrimination

  • Discrimination selon l'orientation sexuelle

- Droit européen

Par un arrêt rendu le 7 janvier 2004 (3), la CJCE a condamné la discrimination à propos du droit à une pension de réversion au sein d'un couple formé par une femme et une transsexuelle. Sous le visa des articles 13 § 1 du Traité de l'Union européenne et 21 de la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, la CJCE a conclu que toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est prohibée.

Dans le même sens, la CJCE a relevé que le débiteur d'une prestation n'a pas respecté le principe communautaire d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, au sens de la Directive 2000/78/CE (Directive du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4) : une telle discrimination, fondée sur l'orientation sexuelle est bien contraire au droit communautaire, dans la mesure où la CJCE considère que la Directive 2000/78/CE s'applique bien et où la pension de veuf doit être assimilée à une "rémunération" au sens de la Directive 2000/78/CE, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle étant qualifiée de "directe" (4).

- Droit interne

Le législateur a prévu qu'est nulle toute clause d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat de travail qui réserve le bénéfice d'une mesure quelconque, à un ou des salariés, en considération du sexe. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque cette clause a pour objet l'application des dispositions relatives à la protection de la grossesse et de la maternité ; à l'interdiction d'emploi prénatal et postnatal ; à l'allaitement ; à la démission de la salariée en état de grossesse médicalement constaté ; enfin, au congé de paternité.

En l'espèce, selon la demanderesse, est interdite toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le refus de la CPAM de Nantes d'étendre le droit à un congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère qui élève l'enfant à ses côtés dans les mêmes conditions qu'un père, de lui en refuser le bénéfice et de la priver, par conséquent, des prestations sociales auxquelles un tel congé donnerait droit est constitutif d'une discrimination illicite des salariés et des assurés sociaux homosexuels par rapport aux salariés et aux assurés sociaux hétérosexuels. Ce refus serait discriminatoire, en violation de l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4) ; de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (N° Lexbase : L1365A9G) ; de l'article 13 § 1er du Traité instituant la Communauté européenne ; des articles 1 et 2 § 1er de la Directive CE n° 2000-78 du Conseil du 27 novembre 2000 ; de l'article 21 § 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; de l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) ; enfin, des articles L. 122-25-4 du Code du travail (N° Lexbase : L9580GQU, dans sa version applicable en l'espèce) et L. 331-8 du Code de la Sécurité sociale.

La Halde, dans un communiqué de presse du 17 septembre 2007, a relevé des disparités dans le bénéfice des prestations sociales entre les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie. En effet, à la naissance de l'enfant, la Caf a pris en compte la notion de "foyer fiscal" et n'a pas accordé l'allocation de parent isolé à la mère biologique. Les allocations familiales sont versées selon le taux accordé à un couple. En revanche, la CPAM a refusé le congé de paternité au motif que la réclamante n'est pas le père. Le président de la Halde a adressé un courrier au Premier ministre concernant les disparités dans les conditions d'attribution des prestations sociales en lien avec l'éducation des enfants, aux couples de même sexe.

Des réflexions ont été menées ces dernières années sur la position du juriste face à la question de l'homosexualité, et plus largement, le principe de la non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (5). L'arrêt rapporté contribuera à alimenter de telles réflexions, tant la Cour de cassation a fait preuve de laconisme. En effet, selon la Cour de cassation, il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Mais la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale excluent toute discrimination selon l'orientation sexuelle.

  • Discrimination selon l'appartenance à un sexe

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation n'a pas validé le raisonnement suivi par la demanderesse. En effet, il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant. La Cour de cassation en tire la conséquence (déjà mentionnée plus haut) que ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Là aussi, la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 excluent toute discrimination selon l'appartenance à un sexe.

B - Condition relative à l'identité du demandeur : conformité au principe droit au respect de la vie privée

La demanderesse soulevait l'argumentation connue en droit du travail et droit de la protection sociale tirée du droit au respect de la vie privée. En l'espèce, le refus de la CPAM de Nantes d'étendre le droit à un congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère qui élève l'enfant à ses côtés dans les mêmes conditions qu'un père porte une atteinte illicite et discriminatoire au droit à la vie familiale de cette compagne homosexuelle, "parent sociologique" d'un enfant qu'elle élève et dont elle s'occupe comme s'il était le sien. En ayant jugé que ce refus n'était pas illicite, la cour d'appel a violé l'article 1er de la Constitution, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) ; l'article 13 § 1er du Traité instituant la Communauté européenne ; l'article 21 § 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne ; les articles 8 § 1er et 14 de la CEDH ; les articles L. 122-25-du Code du Travail (dans sa version applicable en l'espèce) et L. 331-8 du Code de la Sécurité sociale.

A nouveau, par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation n'a pas suivi le raisonnement de la demanderesse. La Cour de cassation tire la conséquence des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code du travail, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant : ces textes ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Là aussi, la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée.


(1) En cas de naissances multiples, la durée maximale est égale à dix-huit jours consécutifs. L'indemnité journalière n'est pas cumulable avec l'indemnisation des congés maladie et d'accident du travail, ni avec l'indemnisation par l'assurance chômage ou le régime de solidarité (CSS, art. L. 331-8). L'assuré doit adresser à l'organisme de sécurité sociale la ou les pièces justificatives (dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale) et attester de la cessation de son activité professionnelle (CSS, art. D. 331-4).
(2) P. Morvan, JCP éd. S, 2006, 1993 et au JCP éd. E, 2007, 1197, n° 7.
(3) CJCE, 7 janvier 2004, aff. C-117/01, K. B. c/ National Health Service Pensions Agency (N° Lexbase : A6500DAY). J.-Ph. Lhernould, Transsexualisme, concubinage homosexuel et hétérosexuel et prestations sociales, RJS, 2004, p. 263-265 ; J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, Droit communautaire et transsexualisme, L'actualité juridique, Droit administratif, 2004, p. 321 ; Ph. Icard, Un droit d'accès au mariage protégé par la CJCE, Recueil Le Dalloz, 2004, Jur., p. 979-983 ; L. Idot, Egalité de traitement. Un transsexuel peut bénéficier d'une pension de réversion si la condition de mariage requise est objectivement impossible, Europe, 2004, Comm. nº 75, p. 19 ; J. Hauser, Personnes et droits de la famille. Goodwin à Luxembourg : il ne manquait plus que la Cour de justice des Communautés européennes!, Revue trimestrielle de droit civil, 2004, p. 266-267 ; J.-P. Marguénaud et J. Raynard, Sources internationales. Le droit communautaire à la rescousse du veuf transsexuel privé de pension de réversion pour cause de mariage impossible, RTDC, 2004, p. 373-375 ; J.-P. Didier, Le mariage des transsexuels et la pension de réversion vus par le droit communautaire, L'actualité juridique fonctions publiques, 2004, p. 199-200.
(4) Lire nos obs., Du droit du partenaire homosexuel à une pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 302 du 25 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N7962BEM). Réf. : CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06, Tadao Maruko c/ Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen (N° Lexbase : A7276D7M).
(5) Discrimination liée à l'orientation sexuelle dans l'emploi... Questions à Maître Christine Segard-Deleplanque, Avocate, Carnot Juris, consultante pour la Halde, Lexbase Hebdo n° 388 du 26 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6046BNA) ; Réf. : CPH Lille, sec. Activités diverses, 21 janvier 2010, n° 09/00756, Monsieur Julien Plichon c/ Flasen (N° Lexbase : A8993ERI).


Décision

Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853, Mme Elodie Lucas, F-P+B (N° Lexbase : A1879ETR)

CA Rennes, 30 janvier 2008, n° 06/02651, Madame Elodie L. c/ Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes (N° Lexbase : A3894D4Y)

Textes applicables : CSS, art. L. 331-8 (N° Lexbase : L2978AW9) et D. 331-4 (N° Lexbase : L5410H9A) ; DDHC, art. 1er (N° Lexbase : L1365A9G) ; Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 10ème et 11ème alinéas (N° Lexbase : L6821BH4) ; Traité instituant la Communauté européenne, art. 13 § 1er  ; Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, art. 21 § 1er ; CESDH, art. 8 § 1er (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU)

Mots-clés : congé paternel ; bénéficiaire ; compagne homosexuelle de la mère (non) ; discrimination selon l'orientation sexuelle (non) ; discrimination homme/femme (non)

Lien base : (N° Lexbase : E0210ETX)

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