La lettre juridique n°388 du 25 mars 2010 : Avocats

[Questions à...] Refonte du régime des spécialisations des avocats - Questions à Jean-François Leca, Président délégué de la commission Formation du CNB et ancien Bâtonnier d'Aix-en-Provence

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[Questions à...] Refonte du régime des spécialisations des avocats - Questions à Jean-François Leca, Président délégué de la commission Formation du CNB et ancien Bâtonnier d'Aix-en-Provence. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212572-questions-a-refonte-du-regime-des-specialisations-des-avocats-questions-a-b-jeanfrancois-leca-presid
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010

"Offrir la possibilité d'une spécialisation accessible et utile à tous, tant au bénéfice des justiciables qu'à celui des avocats, [était] une priorité du Conseil national des barreaux" (CNB) (1). Celui-ci s'est exécuté. Le 13 mars 2010, l'assemblée générale du CNB entérinait les règles, proposées par la commission Formation, de refonte du régime des spécialisations. A l'exception du point sur la publicité -qui reste à trancher-, les préconisations du rapport d'étape présenté les 11 et 12 décembre 2009 à l'assemblée générale du Conseil ont toutes été majoritairement approuvées, les quelques discussions n'ayant porté que sur de menus détails. Ce vote a mis fin à plus de trois années de travaux et quelques péripéties (le rapport présenté en avril 2008 sous l'ancienne mandature n'avait, en effet, pas abouti). "Trois ans, cela peut paraître long, mais c'est finalement court, eu égard à la complexité du sujet et à ses imbrications", souligne Jean-François Leca, Président délégué de la commission Formation du CNB et ancien Bâtonnier d'Aix-en-Provence. Celui-ci nous a fait l'honneur d'une rencontre, afin de nous présenter les grandes lignes d'une réforme attendue par tous. Lexbase : Quel est le régime actuellement en vigueur ?

Jean-François Leca : D'un régime à l'origine déclaratif, nous sommes passés à un dispositif d'obtention des spécialisations conditionné par une pratique professionnelle et la réussite à un examen.

Ainsi, aux termes de l'article 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires ou juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), la spécialisation est :

- acquise par une pratique professionnelle continue d'une durée de quatre ans, justifiée par un dossier transmis au préalable par l'avocat ;

- sanctionnée par un contrôle de connaissances véritable examen universitaire composé d'une épreuve écrite et d'une discussion orale devant un jury ; et

- attestée par un certificat délivré par un Centre régional de formation professionnelle.

En application du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), la liste des spécialisations (au nombre de quinze) a été fixée par arrêté du Garde des Sceaux du 8 juin 1993, sur proposition du Conseil national des barreaux (CNB). Celui-ci, par décision du 7 septembre 2002, a subdivisé les spécialisations en soixante "champs de compétence".

Chaque avocat ne peut acquérir plus de trois spécialisations ou champs de compétence.

Parallèlement à cela, l'avocat exerce dans des domaines d'activités qu'il détermine librement, sous réserve du respect des règles essentielles régissant la profession et la déontologie. L'Ordre exerce un contrôle sur la véracité des domaines d'activités sur lequel l'avocat déclare intervenir, dont la mise en oeuvre est de plus en plus difficile, compte tenu de la multiplication des supports de communication et de publicité (notamment, sur internet).

Lexbase : Pourquoi refondre ce régime ?

Jean-François Leca : Nous avons constaté que le dispositif actuellement en vigueur ne répondait plus aux objectifs poursuivis, à savoir, favoriser une information claire du public et apporter une plus-value à l'avocat.

Au contraire, les usagers du droit se perdent entre les notions de spécialisations, champs de compétences et domaines d'activités et les avocats, qui peuvent, aujourd'hui, utiliser indifféremment les mêmes intitulés qu'il s'agisse de l'un ou l'autre de ces trois "niveaux", boudent l'examen de spécialisation. La compétence n'est finalement plus valorisée. Par ailleurs, le contrôle des ordres sur les activités autoproclamées est difficile à réaliser et se doit d'être facilité.

Enfin, nous avons souhaité revoir l'examen d'obtention de la spécialisation, pour deux raisons. En premier lieu, il n'apparaissait pas pertinent d'obliger le confrère à un nouvel examen de type universitaire. Les études de droit sont, déjà, suffisamment longues pour en rajouter, d'autant que le succès ou l'échec à cet examen ne représente pas la réalité d'une pratique professionnelle, condition essentielle de la spécialisation. En outre, il arrive, parfois, que le jury fasse "barrage", notamment pour des motifs de concurrence, à l'accès aux spécialisations.

Lexbase : Quelles règles ont été entérinées par l'assemblée générale du CNB du 13 mars 2010 ?

Jean-François Leca : La refonte du régime des spécialisations, telle qu'entérinée par l'assemblée générale du CNB du 13 mars dernier, porte sur quatre lignes directrices :

- l'actualisation de la liste des spécialités ;

- la modification des conditions d'obtention du certificat de spécialisation ;

- un renforcement du rôle du CNB ; et

- la péremption des mentions de spécialisations en l'absence de formation continue.

Sur le premier axe, nous avons décidé de supprimer la distinction, qui prêtait à confusion, entre les spécialités et les champs de compétence. Nous avons préféré retenir vingt-neuf spécialités, étant précisé que l'avocat peut, toutefois, au titre de l'obtention d'une spécialité, demander à bénéficier d'une mention particulière, sur autorisation du CNB. Ainsi, un confrère qui sera spécialisé en droit immobilier, mais dont le principal champ d'intervention tiendra au droit de la copropriété, pourra solliciter le bénéfice de cette dernière mention et la réalité de sa pratique dans ce domaine fera, également, l'objet de l'épreuve. La détermination de l'intitulé de la mention sollicitée est contrôlée par le CNB. Cette mention doit correspondre à un domaine de la spécialisation.

Le choix des spécialisations et leur intitulé n'ont pas posé de difficultés particulières, à l'exception du "droit de l'Union européenne" et du "droit de la médiation". Dans le premier cas, certains ont souligné la transversalité de la matière, qui empêchait d'en faire une spécialité. Mais, la majorité a, cependant, considéré qu'il s'agissait d'une matière à part entière. Dans le second cas, la question s'est posée de savoir si la médiation était une pratique ou un droit. Considérer qu'il s'agissait d'une pratique revenait à supprimer la médiation de la liste des spécialisations, afin de laisser la matière ouverte à tous. Au contraire, si on estime qu'il s'agit d'un droit, son maintien en tant que spécialité est justifié. L'assemblée a tranché en ce sens.

Alors qu'un avocat pouvait jusqu'à présent revendiquer trois spécialités, il sera, désormais, limité à deux. Eu égard au foisonnement des règles et à la complexité du droit, cette restriction nous semble justifiée et mieux correspondre à la pratique, d'autant que rien empêche des confrères de se regrouper s'ils veulent "offrir" un plus grand nombre de spécialisations. Par ailleurs, la possibilité de revendiquer des mentions "complémentaires" permet d'afficher, si l'avocat le souhaite, plus finement ses compétences. Néanmoins, les confrères qui disposent, aujourd'hui, de trois spécialités seront autorisés à les conserver.

Le point essentiel de la réforme concerne la modification des conditions d'obtention des spécialités. L'épreuve écrite est supprimée, l'examen étant, désormais, exclusivement constitué par l'analyse du dossier du candidat par le jury (afin de vérifier l'existence d'une vraie pratique professionnelle) et d'une discussion orale permettant de contrôler la maitrise pratique de la spécialisation demandée.

Dans ce cadre, le CNB se voit confier un rôle central : il reçoit le dossier du candidat, contrôle son exhaustivité, requiert, le cas échant, les pièces complémentaires et l'adresse, enfin, à l'école concernée. La compétence de celle-ci était, jusqu'à présent, territoriale. Dans le cadre de la réforme, le candidat pourra demander au CNB de passer l'examen dans un autre centre de formation qui lui sera indiqué, en fonction de la spécialisation pour laquelle il postule.

Le Conseil tiendra, également, une liste nationale des avocats spécialisés ; la revendication par les confrères d'une spécialisation étant conditionnée par l'inscription de leur nom sur cette liste.

Une fois la spécialité obtenue, l'avocat se devra de la maintenir dans le cadre de la formation continue. Il validera dix heures de formation minimum par an et par spécialité, soit :

- s'il détient une spécialité, 20 heures par an minimum de formation dont 10 relatives à cette spécialisation ;

- s'il en détient deux, il validera 20 heures minimum de formation "spécialisée" (soit, 10 heures minimum par spécialité).

La question s'est posée d'obliger le confrère, outre cette formation "spécialisée" (de 10 ou 20 heures minimum) à valider 10 heures de plus de formation "générale". Nous avons, cependant, abandonné cette idée. L'effort de formation à fournir est, déjà, suffisamment important. Nous sommes, en outre, convaincus que l'avocat qui estimera avoir besoin d'une formation complémentaire la suivra de toutes les façons.

Si l'avocat ne remplit pas ses obligations de formation par spécialisation, il pourra en perdre le bénéfice. Pour y avoir droit de nouveau, il devra reprendre le processus au début et adresser au CNB un dossier en vue de repasser l'examen.

Lexbase : La question de la publicité n'a pas été tranchée par la dernière assemblée générale. Sur quels points portent les dissensions ?

Jean-François Leca : Pour comprendre le problème, il faut, tout d'abord, rappeler qu'il est envisagé par la commission Formation de refuser au non-titulaire d'un certificat de spécialisation d'utiliser l'intitulé des spécialités dans le cadre de sa communication et/ou de sa publicité personnelle ; ceci, dans un souci de valorisation des spécialisations et de lisibilité pour le public. Pour ces deux raisons, la commission Formation tient à ce principe.

Mais, certains redoutent que la règle ferme des portes, dans le sens où, actuellement, les confrères utilisent indifféremment les intitulés des spécialisations pour informer le public sur leurs domaines d'activités.

Nous estimons, qu'en l'état de la réforme, il suffira au confrère qui peut revendiquer une pratique professionnelle de quatre années, de requérir l'obtention de la spécialité. Cela devrait être incitatif. Ce point sera débattu lors de la prochaine assemblée générale du CNB à tenir courant avril 2010.

Lexbase : Comment s'organise la transition entre les deux régimes ?

Jean-François Leca : Une table de concordance sera établie entre les anciens intitulés des spécialisations et champs de compétence et les nouvelles dénominations retenues.

Dans l'hypothèse où les avocats devraient "convertir" l'appellation de leur spécialité, il leur sera demandé de déclarer sur l'honneur que leur activité correspond toujours aux spécialités qu'ils avaient préalablement obtenues.

Enfin, ainsi que je l'ai mentionné, les confrères qui disposent de trois spécialités seront autorisés à les maintenir toutes les trois, dès lors qu'elles correspondent encore à une pratique effective.


(1) Phrase introductive du rapport d'étape sur la refonte du régime des spécialisations des avocats, présenté à l'assemblée générale du CNB des 11 et 12 décembre 2009.

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