La lettre juridique n°388 du 25 mars 2010 : Interprofessionnalité

[Projet, proposition, rapport législatif] Ce qu'il faut retenir du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées

Réf. : Projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010

Michèle Alliot-Marie a présenté au Conseil des ministres du 17 mars 2010 le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, dont l'objectif affiché est de "moderniser et renforcer les professions du droit et de les inciter à travailler ensemble, pour mieux répondre aux besoins des Français et relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit". Le texte est sans surprise. Les contours sont annoncés depuis longtemps : essentiellement, rejet de la profession unique, création de l'acte d'avocat et quelques mesures visant à favoriser l'interprofessionnalité... Mais, alors que l'exposé des motifs indique expressément mettre en oeuvre un certain nombre des propositions les plus importantes du rapport "Darrois", force est de constater que ce nombre est finalement limité : pour exemple, aucun mot n'est soufflé sur le statut d'avocat en entreprise et le sort du juriste, la gouvernance, la formation commune ou encore le financement de l'aide juridictionnelle (par les avocats ?). Ainsi, si le projet de loi préparé par la Chancellerie concerne toutes les professions juridiques et judiciaires réglementées (avocats, notaires, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, huissiers de justices, greffiers etc.), l'ampleur de la réforme est variable pour les principaux concernés et, du moins pour l'instant, moins importante que certains avaient pu le craindre.

Restons, toutefois, prudents, "d'autres mesures de modernisation des professions juridiques et judiciaires réglementées [doivent le] compléter". Il faut dire qu'au sein même des professions, les avis divergent toujours, et souvent fortement. Instituer l'acte contresigné par un avocat n'étant, par ailleurs, pas une mince affaire, peut-être la Chancellerie a-t-elle aussi opté pour l'introduction progressive d'une réforme d'envergure, histoire de "faire passer la pilule". Faut-il, alors, attendre d'autres bouleversements (et réactions en chaîne des principaux concernés) ? Les cartes ne sont pas toutes distribuées et la question se pose encore de la teneur du dispositif final.

Faute de pouvoir, pour l'heure, déterminer si "la montagne a accouché d'une souris", s'il s'agit d'une couche supplémentaire dans l'empilement des textes inappliqués ou, au contraire, si ce projet de loi est une des pierres de l'édifice en construction des "Nouvelles professions du droit", analysons ce qui vient de nous être mis sous la dent.

Le projet de loi comporte trois séries de dispositions : celles spécifiques à chaque profession (I), celles relatives aux structures d'exercice (II) et, enfin, des dispositions communes à tous (III).

I - Dispositions spécifiques à certaines professions

Certaines dispositions aux enjeux variables concernent spécifiquement les avocats (A), les notaires (B) et les administrateurs et mandataires judiciaires (C).

A - Dispositions relatives aux avocats

La mesure phare du projet de loi est celle instituant l'acte d'avocat. Le chapitre 1 du projet de loi vise, en effet, à conférer à l'acte sous seing privé, lorsqu'il est contresigné par un avocat, une efficacité juridique renforcée.

"La signature de l'avocat manifestera l'engagement de la responsabilité de ce professionnel" (déjà pleinement reconnue par la loi -notamment, par l'article 9 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA- et par la jurisprudence) et fera pleine foi de l'écriture et de la signature des parties ; sans, toutefois, avoir la même force probante renforcée qu'un acte authentique. Cette réforme est présentée comme une conséquence logique de l'activité de conseil de l'avocat (premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, parmi les professions judiciaires et juridiques).

Le texte insère les articles 66-3-1 à 66-3-3 à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), visant à :

- réaffirmer le devoir de conseil et d'information qui incombe à l'avocat contresignataire à l'égard de la ou des parties qu'il conseille ; et

- instituer une présomption, du fait des diligences accomplies par l'avocat, et à la différence des autres actes sous seing privé, qu'un tel acte émane des parties signataires.

La signature de l'avocat (qui aura, au préalable, vérifié l'identité des parties) attestera de l'origine de l'acte. L'écriture et la signature des parties ne pourront, alors, plus faire l'objet d'une contestation par la procédure de vérification d'écriture (applicable aux actes sous seing privé). Toutefois, comme pour tout acte juridique, la preuve d'une fraude pourra permettre de remettre en cause l'origine de l'acte, en vertu de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout". N'étant pas un acte authentique, la contestation de l'acte d'avocat ne sera, en outre, pas soumise à la procédure "d'inscription de faux", mais à la procédure de "faux" applicable aux actes sous seing privé. Enfin, le texte prévoit, pour les parties à l'acte, une dispense de la formalité de la mention manuscrite, lorsque celle-ci est normalement exigée par la loi (dans le cas de l'engagement de caution notamment).

L'article 2 du projet de loi permet, quant à lui, à un avocat n'exerçant pas en France (mais au sein de l'UE ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse) d'être associé à une structure d'exercice d'avocats de droit français. Enfin, l'article 3 modifie des dispositions applicables aux régimes de retraite de base et complémentaire des avocats.

B - Dispositions relatives aux notaires

Sûrement pour rassurer les notaires quant à la création de l'acte d'avocat, le texte réaffirme, tout d'abord, le rôle essentiel de ce professionnel et de l'acte authentique.

Le projet de loi comprend, ensuite, des dispositions visant à simplifier les formalités entourant la conclusion d'un pacte civil de solidarité (PACS), lorsque les partenaires ont choisi de passer entre eux une convention par acte authentique. Le notaire ayant rédigé cet acte pourra procéder lui-même à l'enregistrement de la déclaration des partenaires, sans qu'il soit nécessaire d'aller au greffe du tribunal d'instance. Il sera, également, chargé d'enregistrer les éventuelles modifications du PACS ou sa dissolution et de faire procéder aux formalités y afférentes.

Les notaires se voient, par ailleurs, attribuer des fonctions d'assistance consulaire, afin de répondre aux besoins des Français de l'étranger qui s'adressent aux consulats pour l'établissement d'un acte notarié. Les agents diplomatiques et consulaires pourront, désormais, à la demande des usagers, faire appel à des notaires, un décret en Conseil d'Etat devant fixer les modalités de leur rémunération.

Sont, également, prévues par le texte des dispositions portant sur :

- la dispense de la mention manuscrite pour les actes authentiques reçus par les notaires ;

- le transfert au notaire de la compétence du juge d'instance pour délivrer l'acte de notoriété destiné à suppléer l'acte de naissance, lors de la constitution du dossier de mariage (proposition de la commission "Guinchard") ; et

- l'instauration d'une cotisation sur les pensions de retraite servies par la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), dont le taux reste à être fixé par décret.

C - Dispositions relatives aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires

La composition de la Commission nationale chargée de statuer en matière d'inscription sur la liste des administrateurs judiciaires ou des mandataires judiciaires est modifiée. Afin d'écarter toute suspicion sur l'objectivité de ses décisions, la participation de ces professionnels est supprimée, sauf lorsque l'organe statue en matière de discipline ou de retrait de la liste tenant à l'inaptitude à assurer l'exercice normal des fonctions. La diminution du nombre de membres serait, en partie, compensée par le siège d'un professeur ou maître de conférences de droit, de sciences économiques ou de gestion.

Le texte précise, également, le délai de prescription applicable à l'action disciplinaire exercée à l'égard d'un administrateur ou d'un mandataire judiciaire. Il réduit, en outre, cette prescription de dix à deux ans, lorsque le professionnel est l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale, étant précisé que, dans ce cas, la prescription ne commencera à courir qu'à compter de la date à laquelle la condamnation sera devenue définitive.

Enfin, les administrateurs et mandataires judiciaires sont, désormais, tenus de l'obligation qui pèse sur les autorités constituées, les fonctionnaires et les officiers publics, de révéler au procureur de la République les crimes ou des délits dont ils apprennent l'existence dans l'exercice de leurs fonctions. La règle devrait, notamment, prendre tout son sens en matière de procédures collectives.

II - Dispositions relatives aux structures d'exercice

La modernisation des professions du droit passe, aussi, par la modernisation de leurs structures d'exercice. En particulier, leur transmission doit être facilitée. Le texte comprend une série de dispositions à cette fin.

D'abord, il serait permis aux associés des SCP et des SEL d'opter pour une dénomination sociale de fantaisie ou pour l'usage, sans limitation temporelle, du nom d'un ou de plusieurs des associés. Par ailleurs, les statuts de la SCP pourraient, désormais, fixer le mode d'évaluation des parts et il serait possible d'exclure la clientèle civile de l'évaluation des droits sociaux (ceci, afin de favoriser l'entrée des jeunes professionnels au capital). Enfin, le caractère solidaire de la responsabilité des associés de la SCP et de la SEL (perçu comme un obstacle au développement de l'entreprise) serait supprimé, au profit de la responsabilité conjointe.

Le projet de loi entend, ensuite, favoriser l'interprofessionnalité, en élargissant les perspectives des sociétés de participation financière libérale (SPFL). Est, ainsi, dorénavant, autorisée la détention minoritaire du capital d'une SEL par une SPFL, même dans l'hypothèse où elle n'est pas exclusivement composée d'associés exerçant dans cette SEL. La majorité des droits de vote de la SEL sera, de cette façon, toujours détenue, directement ou indirectement, par des associés y exerçant. Le projet de loi envisage, en outre, de faire porter l'agrément, non plus sur la constitution de la SPFL, mais sur la prise de participations.

Enfin et surtout, le texte permet aux personnes physiques ou morales exerçant plusieurs professions libérales juridiques ou judiciaires réglementées de constituer des SPFL détenant droits sociaux dans des sociétés dont l'objet est l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de notaire. Ces sociétés pourront, par ailleurs, participer à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice d'une des professions précitées. Une limite est toutefois posée : plus de la moitié du capital et des droits de vote devra être détenue par des professionnels en exercice au sein des structures "cibles".

III - Autres dispositions

Le projet de loi comporte deux séries de dispositions applicables à toutes les professions judiciaires et juridiques réglementées.

D'une part, le chapitre V précise l'étendue et les modalités de la participation des professions judiciaires et juridiques à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

D'autre part, le chapitre VI permet aux organes chargés de la représentation de ces professions de se constituer partie civile dans une affaire pénale, relatives à des faits de nature à porter préjudice directement ou indirectement aux intérêts de la profession.

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