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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 07 Octobre 2010
Vincent Malige : Comment ne pas être favorable au rapprochement entre avocats et juristes d'entreprise ? Que l'on regarde la situation française par rapport à celle de nos principaux partenaires économiques et l'on comprend aisément que la situation actuelle ne peut perdurer. Je travaille dans un groupe international dans lequel mes collègues juristes anglais, allemands, suisses et américains sont respectivement solicitors, Rechtsanwält et attorneys. A ce titre ils restent soumis aux règles déontologiques de l'ordre auquel ils appartiennent, sont soumis au secret professionnel et bénéficient des règles relatives à la confidentialité des correspondances. A contrario, en France, les membres de mon équipe et moi-même avons dû demander notre omission du barreau de Paris. Notre statut actuel se traduit en véritable désavantage compétitif comparé à nos principaux collègues européens et américains.
Cela n'est pas sans conséquence, notamment, pour les nombreux groupes qui ont une activité aux Etats-Unis ou qui ont mis en place un programme d'american depositary receipts (ADR). En cas de contentieux aux Etats-Unis, un groupe européen peut se retrouver contraint de produire à la partie adverse tous les documents pouvant éclairer le juge sur l'issue du litige qui les oppose. Dans ce contexte, se prévaloir de la confidentialité des correspondances et documents échangés avec les juristes internes peut s'avérer essentiel.
Même si l'on peut discuter de la portée et du respect par certains des règles de déontologie, de la confraternité, il n'en demeure pas moins que c'est une exigence dont les juristes d'entreprises auraient tout à gagner.
Par ailleurs sous l'impulsion notamment des autorités règlementaires (AMF et ACAM, notamment), les entreprises doivent développer leur politique de compliance et de gestion des risques. Or, sur ce type de problématique, il me semble que les entreprises ont tout intérêt à avoir en leur sein des personnes qui sont elles-mêmes soumises à des règles déontologiques et à qui il est reconnu, par ce statut d'avocat en entreprise, une certaines autorité, voire, même, une certaine indépendance.
Lexbase : Le rapport "Darrois" confère, dans tous les cas, un rôle essentiel à l'employeur. Une telle association de l'employeur à la procédure vous semble-t-elle justifiée ?
Vincent Malige : Il me semble que, dès lors que les droits et obligations liés au statut d'avocat en entreprise pèsent sur le salarié, que c'est à lui qu'est attachée cette qualité, c'est à lui d'avoir le rôle essentiel dans la procédure. L'avantage, toutefois, d'associer l'employeur est de facto, de faire en sorte qu'il reconnaisse un statut particulier au salarié avocat en entreprise.
Lexbase : Les conditions de la passerelle existante, permettant au juriste de devenir avocat libéral, vous semblent-elles appropriées ?
Vincent Malige : Les conditions actuelles devraient être revues, car elles excluent les juristes de PME.
Lexbase : Pensez-vous qu'il faille maintenir cette passerelle, en cas de création du statut d'avocat en entreprise ?
Vincent Malige : Si le rapprochement des professions du droit conduit, comme nous le montre le rapport "Darrois", vers un rapprochement des formations, alors, le maintien de la passerelle perdrait peut-être de son utilité. En revanche, dans la situation actuelle, son maintien, voire, son évolution, pour prendre en compte la situation des juristes de PME me paraît tout à fait souhaitable.
Lexbase : Certains juristes d'entreprise craignent une dévalorisation de leur emploi, voire, à terme, une disparition de leur profession. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Vincent Malige : Le rôle du juriste d'entreprise et de l'avocat sont complémentaires. Je vois, donc, plutôt, dans le projet de réforme, une valorisation de la fonction juridique en entreprise.
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