La lettre juridique n°296 du 13 mars 2008 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] La fluctuation du cours en bourse de titres côtés peut emporter, pour une société de pêche, le mal de mer

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 21 janvier 2008, n° 277303, Compagnie nationale de navigation (N° Lexbase : A5927D4B)

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par Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

le 07 Octobre 2010

Par une décision du 21 janvier 2008, le Conseil d'Etat a jugé que devaient être réintégrées, dans la base imposable de la Société nationale des Pêches lointaines, deux provisions pour créances douteuses d'un montant de 6,814 millions de francs (MF) (1,038 million d'euros) et de 3,720 MF (567 000 euros) correspondant à la différence entre les prix de cession de 10 MF (152 449 euros) et de 14,34 MF (218 611 euros), diminués d'un premier versement de 4,872 MF (742 731 euros), et la valeur en bourse à la date d'inscription au bilan des deux lots d'actions de la société Pebsa reçues, évalués respectivement à 3,185 MF (485 550 euros) et 5,837 MF (889 844 euros), la différence entre la valeur d'acquisition des titres Pebsa qui auraient dû être inscrits à l'actif du bilan pour leur valeur mentionnée au contrat, et la valeur du cours de bourse de ces titres en décembre 1990 ne pouvait donner lieu, le cas échéant, qu'à une provision pour dépréciation de titres, soumises au régime des moins-values de long terme. Les faits dans cette affaire sommairement résumés sont les suivants : en application de protocoles d'accord en date du 15 novembre 1989 et du 20 février 1990, la société nouvelle des pêches lointaines (SNPL), absorbée en 1991 par la Compagnie de navigation UIM (CNUIM), qui avait pour activité l'armement de navires à la grande pêche a cédé à la société espagnole Pebsa sa participation ainsi que son compte courant dans la société saint-pierraise Interpêche. En contrepartie, elle a reçu deux lots d'actions de la société Pebsa. Postérieurement à une vérification de comptabilité, le service a remis en cause la déduction des provisions pour dépréciation de créance de 6,8 MF et de 3,7 MF constatées dans les écritures de la société vérifiée à la date du 31 décembre 1990 et correspondant à la différence entre, d'une part, le prix de cession des actions Interpêche et du compte courant détenu dans cette société et, d'autre part, la valeur boursière des actions Pebsa reçues. La société requérante a contesté le redressement au motif que la remise des actions Pebsa en échange de son compte courant et de ses titres de participation dans la société Interpêche ne constituait pas un paiement dans le cadre d'un échange de titres, mais une garantie de paiement du prix convenu pour la cession des titres et du compte courant Interpêche.

L'intérêt de la solution réside dans la détermination de la solution fiscale en conséquence des termes des protocoles d'accord et de leurs clauses. Les règles civiles déterminent, ainsi, les règles fiscales applicables à l'opération. C'est, en effet, à partir d'une analyse des termes des protocoles d'accord passés les 15 novembre 1989 et 20 février 1990 entre la Société nationale des Pêches lointaines et le groupe morutier espagnol Pebsa que le Conseil d'Etat forge sa solution. La Haute juridiction écarte la notion d'échange et rappelle les conditions dans lesquelles une vente doit être regardée comme ayant été réalisée, précisant la valeur pour laquelle les titres de participations doivent être inscrits à l'actif. Par ailleurs, le Conseil d'Etat rappelle que la prise en compte de la dépréciation des titres, outre qu'elle suppose leur inscription à l'actif, ne peut être constatée que par la constitution de provision pour dépréciation. Toutefois, la Haute juridiction, d'une certaine façon, réserve ce point, les provisions pour dépréciation n'ayant pas été passées. On pourra, notamment, rapprocher cet arrêt de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 3ème ch., 16 mai 2006, n° 02BX01681, Société Copagef N° Lexbase : A1262DQS). Par ailleurs, à supposer les titres acquis et surtout inscrits à l'actif immobilisé de la société SNPL, le cours de bourse du titre Pebsa ayant chuté et en l'absence de remontée de la valeur du titre avant la clôture de l'exercice, la société SNPL aurait été en droit de constituer une provision sur le titre Pebsa égale à la différence entre la valeur de ce titre inscrite au bilan et la valeur inscrite à la cote officielle (TA Paris, 19 novembre 1991, n° 8806350, SA Via Assurance Vie).

1. Une chute du cours de l'action remise en paiement de titres de participations et d'un compte courant, postérieure à l'accord sur la chose et le prix ne permet pas la constitution de provisions pour créances douteuses

Dans l'affaire "Compagnie nationale de navigation", en application des protocoles d'accord des 15 novembre 1989 et 20 février 1990, la SNPL a cédé au groupe morutier espagnol Pebsa sa participation dans la société Interpêche pour un prix de 10 MF ainsi que le montant de son compte courant détenu dans cette même société et arrêté à la somme de 14,34 MF. En contrepartie, la société Pebsa lui a remis 198 318 de ses actions en échange de sa participation dans la société Interpêche et 284 510 de ses actions en échange du compte courant. L'analyse des modalités de la transaction induit la nature fiscale de la provision qu'il convenait de passer.

1.1. La remise des actions en échange du compte courant et des titres de participation est une cession de titres et non un échange

Le Conseil d'Etat, dans cette affaire, devait tout d'abord préciser si l'opération effectuée entre la SNPL et le groupe morutier Pebsa était constitutive d'une vente ou d'un échange de titres, les actions remises devant, alors, être regardées comme une simple garantie de paiement. De la réponse donnée à cette première question découle la possibilité pour le juge de préciser le type de provisions qui pouvaient être passées. Nous sommes, selon le cas, en présence d'une provision pour créance douteuse ou pour dépréciation. Mais, pour qu'il puisse y avoir constitution de provision pour créance douteuse, encore fallait-il qu'il y ait créance et que le cessionnaire n'ait pas réglé, par la remise des actions, le montant convenu avec le groupe morutier Pebsa.

La solution du litige fiscal, c'est-à-dire la déductibilité d'un type de provision, dépend donc ici de la nature des protocoles d'accords relatifs au transfert de la propriété et au paiement du prix des actions litigieuses. L'opération, en l'espèce, n'est pas assimilable à un échange mais est à une vente.

La Haute juridiction, pour motiver sa solution et regarder l'opération comme une vente, affirme qu'il résulte clairement des termes du protocole d'accord du 15 novembre 1989 que les parties s'étaient entendues sur la chose et le prix et qu'il y avait, à la date de l'accord, équivalence de valeur entre, d'une part, les actions et le compte courant cédés et, d'autre part, les actions acquises nonobstant la chute du cours en bourse de ces actions postérieurement et les garanties et restrictions de l'usage des titres dont étaient assorties ces opérations. Le Conseil d'Etat s'appuie, donc, sur les dispositions de l'article 1583 du Code civil (N° Lexbase : L1669ABG), aux termes duquel une vente "est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé".

Les conditions de la vente étaient en l'espèce satisfaites : il y avait accord des parties, autrement dit consentement réciproque des parties, l'une s'engageant à livrer le bien vendu, l'autre à acquitter le prix convenu. L'accord sur la chose était aussi effectif. L'objet de la vente doit être désigné de façon à pouvoir être identifié, mais il n'est pas nécessaire que ses caractéristiques soient entièrement connues. De même, une vente peut porter sur une chose future. Enfin, il y avait accord sur le prix, c'est-à-dire sur la contrepartie fournie par l'acquéreur au vendeur en échange de la chose cédée. Le prix doit être déterminé ou déterminable et la fixation du prix ne doit pas dépendre de l'une des parties. Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'acte est imparfait. En l'espèce, les protocoles fixaient un prix et la fluctuation du cours de l'action Pebsa est postérieure aux dates de signatures des deux protocoles d'accord.

Toutes les conditions requises par les dispositions de l'article 1583 du Code civil étant remplies, la vente est parfaite, emportant, d'une part, création d'obligations réciproques entre le vendeur et l'acheteur (livraison, paiement du prix, garantie...) et, d'autre part, transfert de propriété, alors même que la chose n'aurait pas été livrée, ni le prix payé. En conséquence, la remise des actions Pebsa ne pouvait être regardée comme une simple garantie du paiement du prix mais comme le paiement de celui-ci. Le prix initial ayant été convenu à titre définitif, la somme reçue du cédant pouvait être regardée comme correspondant à une réduction du prix de cession des titres ; cette somme peut être retranchée du montant pour lequel les actions figuraient jusque-là à l'actif du bilan.

La cession de titres non cotés intervient, donc, à la date à laquelle les parties se sont mises d'accord sur la chose et sur le prix. Cette date est celle à laquelle intervient le transfert de propriété d'un point de vue juridique. Toutefois, il est admis que la date de transfert de propriété et, donc, le fait générateur peuvent être différés, soit à une date convenue entre les parties, soit à une date à laquelle intervient la réalisation de certaines conditions ou l'accomplissement de formalités. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Le commissaire du Gouvernement, M. Chahid Nouraï, précisait, sous un arrêt du Conseil d'Etat du 27 mars 1991 (CE Contentieux, 27 mars 1991, n° 81119, Croize N° Lexbase : A9337AQU : RJF 5/91, n° 6141991), qu'il faut s'en tenir aux "critères civilistes car le texte fiscal, en renvoyant à une notion traitée par le droit civil, renvoie nécessairement ipso facto aux modalités précises agencées par ce droit en l'absence de disposition ou d'impératif particulier au droit fiscal".

La position de l'administration fiscale a, de son côté, été précisée dans un compte rendu du Comité fiscal de la Mission d'organisation administrative du 17 décembre 1998, qui précise que "pour déterminer le fait générateur de la vente, il y a lieu de se référer, sauf disposition législative spéciale, aux règles posées par l'article 1583 du Code civil selon lesquelles la propriété est acquise à l'acheteur lorsque les parties sont convenues de la chose et du prix, sauf dans les circonstances où ces dernières entendent déroger aux dispositions de cet article pour convenir d'un transfert de propriété des titres à l'acheteur après un certain délai, l'exécution de certaines conditions ou l'accomplissement de formalités prévues".

1.2. La fluctuation des cours de la bourse ne pouvait justifier la constitution d'une provision pour créance douteuse

Nous ne sommes pas, en l'espèce, en présence d'un d'échange qui, aux termes de l'article 1702 du Code civil, est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre.

La société soutenait que les protocoles d'accord organisaient un simple échange de titres. Plus précisément, elle avançait que la remise des actions Pebsa en échange de son compte courant et de ses titres de participation dans la société Interpêche ne constituait pas un paiement dans le cadre d'un échange de titres, mais une garantie de paiement du prix convenu pour la cession des titres et du compte courant Interpêche. Un doute pouvait être entretenu quant à la détermination du prix, dès lors que les titres n'avaient pas été inscrits à l'actif et que, par suite, au sens comptable, ce prix n'était pas déterminé. Mais les conditions civiles de la vente oblitèrent d'une certaine manière les hésitations fiscales découlant de l'application de la règle comptable ; cela même si le montant porté en comptabilité lors de l'entrée dans le patrimoine d'une immobilisation acquise à titre onéreux est le prix définitif convenu (la notion de prix définitif n'étant pas explicitement précisée dans le PCG, mais la doctrine comptable en déduit que la somme reçue du vendeur en conséquence d'une révision de prix vient en diminution du coût d'entrée et non en produit, même si cette somme n'est reçue qu'au cours d'un exercice postérieur à celui de l'acquisition).

Les opérations d'échange visées à l'article 150-0 B du CGI (N° Lexbase : L2312HL9) s'entendent des offres publiques, des fusions, des scissions, de l'absorption d'un FCP (fonds commun de placement) par une Sicav (société d'investissement à capital variable), d'une conversion, d'une division, ou d'un regroupement réalisé conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Il en est de même en cas d'échanges successifs de titres placés sous le champ des dispositions de l'article 150-0 B du CGI.

Le fait générateur d'imposition des plus-values réalisées lors de l'une de ces opérations d'échange interviendra lorsque les titres remis en échange seront soit cédés, soit rachetés, remboursés ou annulés. La plus-value devra, alors, être calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres remis à l'échange, le cas échéant, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée. Comme cela était le cas dans l'hypothèse d'échange de titres placé sous un régime de report d'imposition prévu aux articles 92 B II (N° Lexbase : L1933HL8) et 160 I ter (N° Lexbase : L2652HLS) du CGI aujourd'hui abrogés, "la plus-value en sursis est définitivement exonérée d'impôt sur le revenu en cas de transmission à titre gratuit des titres reçus en échange".

Si les conditions civiles de la vente avaient permis de situer le litige sur le terrain de l'échange, sans doute eût-il alors été possible de passer une provision pour créance douteuse, la remise des titres Pebsa pouvant être regardée comme une garantie de paiement du prix, mais non comme le prix lui-même.

Les créances devenues irrécouvrables constituent des charges déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel leur perte présente un caractère certain et définitif. Mais une créance peut, sans pour autant être considérée comme définitivement perdue, être compromise à la clôture d'un exercice donné en raison, soit de la mauvaise situation financière du débiteur, créance douteuse, soit d'un litige opposant le créancier et le débiteur, créance litigieuse. Dans ces deux hypothèses, la perte de la créance, sans être certaine, peut néanmoins apparaître comme probable à la clôture de l'exercice. L'entreprise est alors autorisée, en contrepartie de l'inscription obligatoire de la créance à l'actif du bilan, à déduire de ses résultats une provision égale au montant de cette créance ou à la fraction de cette créance dont le recouvrement est compromis.

D'une manière générale, les événements de nature à justifier la constitution de provisions pour créances douteuses tiennent aux difficultés financières rencontrées par le débiteur. Le seul non-paiement des créances par le débiteur à la date de leur échéance ne suffit toutefois pas à justifier la déduction d'une provision pour créance douteuse. La jurisprudence considère que la situation financière notoirement difficile d'une société débitrice et le caractère improbable de son redressement sont de nature à justifier la constitution de provisions pour créances douteuses par la société créancière (CE Contentieux, 20 juin 1997, n° 99429, Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et du Buget c/ Société "Maison Laproste Diapar" N° Lexbase : A0598AEU), et ce même si celle-ci n'a pas engagé de poursuites contre le débiteur (CE Contentieux, 19 juin 1989, n° 58984, Société provençale de chaudronnerie N° Lexbase : A1230AQM).

Ainsi, la situation financière notoirement difficile d'une société débitrice, corroborée par la vente au cours de l'année de ses deux établissements de vente, et le caractère improbable de son redressement, sont de nature à justifier la constitution par la société créancière de provisions pour créances douteuses. Toutefois, le non-recouvrement d'une créance peut ne pas être lié aux difficultés financières du débiteur (CE Contentieux, 6 décembre 1996, n° 149923, Société L'Oréal N° Lexbase : A2208APH, BDCF 1/1997, n° 8).

Par ailleurs, le fait que la société créancière ait continué, conformément à son intérêt de fournisseur, de livrer des marchandises à son débiteur et n'ait pas cherché à obtenir autrement que par des voies amiables le recouvrement de ses créances ne fait pas obstacle à ce qu'elle constituât pour celles-ci des provisions. La convention par laquelle la société débitrice a confié à la filiale de la société créancière le soin d'assurer sa gestion technique n'a pas été de nature à modifier, pour celle-ci, les perspectives de recouvrement de ses créances (CE, 9° et 8° s-s-r., 20 juin 1997, n° 99429, Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget c/ Société "Maison Laproste Diapar" N° Lexbase : A0598AEU : RJF 8-9/97 n° 763).

A été jugée non déductible, une provision pour laquelle il n'est apporté aucune précision sur la réalité de la créance ni sur le risque d'irrécouvrabilité qu'elle présente (CE Contentieux, 21 mars 1986, n° 43476, Mme Couturier N° Lexbase : A4092AMI). Une entreprise a, en revanche, été reconnue fondée à déduire une provision pour couvrir le risque de non-recouvrement d'une créance provenant de l'insolvabilité du débiteur lorsque cette dernière est caractérisée par la situation financière difficile et le caractère improbable de son redressement (CE, 20 juin 1997, n° 99429, Société "Maison Laproste Diapar", précité).

Les difficultés financières du débiteur ne justifient la constitution d'une provision pour créance douteuse que dans l'hypothèse où des éléments précis permettent d'établir que son insolvabilité est probable. Il eût alors fallu, en l'espèce, démontrer que la dégradation du cours de bourse était irréversible. Les actions ou parts sont maintenues à l'actif du bilan pour leur prix d'acquisition. La société cessionnaire peut seulement constituer une provision pour dépréciation s'il apparaît que la valeur probable de négociation des titres est devenue inférieure à leur prix de revient, étant rappelé qu'une provision de cette nature est soumise, en vertu du dernier alinéa de l'article 39-1-5° du CGI (N° Lexbase : L1224HLW), au régime fiscal des moins-values à long terme. Il peut en être ainsi lorsqu'une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire est engagée à son encontre. On notera à cet égard que, selon certaines décisions, la poursuite des relations commerciales entre le créancier et le débiteur n'est pas en elle-même un obstacle à la déductibilité de la provision.

2. La dépréciation des titres pouvait être constatée éventuellement par une provision pour dépréciation

Pour les titres détenus par des sociétés soumises à l'IS, le régime des plus et moins-values à long terme est applicable aux provisions pour dépréciation des parts qui ont le caractère de titres de participation au sens de l'article 219 I a-ter et 219 I a quinquies du CGI (N° Lexbase : L2822HZK) (1).

2.1. Les titres de participation devaient être inscrits à l'actif pour leur valeur d'acquisition

Dans son arrêt "Compagnie nationale de navigation", le Conseil d'Etat souligne que, si les titres avaient été immobilisés à l'actif, il était éventuellement possible de passer une provision pour dépréciation des titres. Il eût alors fallu constater une dégradation durable du cours du titre. La société SNPL a tiré de son analyse erronée des protocoles la nécessité de passer des provisions pour créances douteuses, quand il eût fallu analyser les protocoles comme une vente et passer en conséquence, le transfert de propriété étant effectué et la valeur des titres fixée par inscription à l'actif, une provision pour dépréciation de titres.

Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L6529HLE) : "la dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du I de l'article 39 du CGI". Pour être déductible fiscalement, la dépréciation doit être calculée par rapport à la valeur probable de réalisation du bien à la clôture de l'exercice (CE Contentieux, 24 octobre 1980, n° 17147, SARL "La Distribution moderne Tourquenoise" N° Lexbase : A8506AIU et n° 17148, SA "La Distribution Moderne Générale" N° Lexbase : A8884AIU).

L'article 219-I-a ter du CGI précise que : "constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable". Constituent, alors, des titres de participations au regard du droit fiscal les pures participations au sens du droit comptable, et les participations par assimilation au sens du droit fiscal.

La distinction entre titres de participation et titres de placement est importante du point de vue comptable et surtout fiscal. Notamment, les plus-values de cession de titres de participation détenus depuis plus de deux ans, plus-values à long terme, sont, sauf exception, exonérées à partir de 2007, sous réserve de la quote-part de frais et charges de 5 % calculée sur le résultat net des plus- values de cession.

Dans le même temps, les plus-values de cession de titres de placement sont imposées comme de simples produits, au taux de droit commun de 33 % 1/3. Comme la définition fiscale des titres de participation ne coïncide pas avec la définition comptable, il est utile de la préciser. Si l'on s'en tient aux grandes lignes, les critères de qualification sont simples et logiques. Le texte de référence est l'article 219-I a ter du CGI. Il précise que, constituent des titres de participation, les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. La notion comptable qui constitue le socle de la définition des titres n'empêche pas un prolongement fiscal de la notion. De fait, constituent des titres de participation au sens fiscal : d'une part, les participations au sens du droit comptable et, d'autre part, les participations par assimilation au sens du droit fiscal. Au sens du droit fiscal, les titres de participation sont ceux qui ouvrent droit au régime des sociétés mères, ce qui implique, d'une part, une participation minimale de 5 % ou représenter un prix de revient de 22 800 000 euros ou encore avoir été acquis en exécution d'une OPA ou d'une OPE et, d'autre part, avoir été isolé dans un compte spécial titres relevant du régime des plus-values à long terme de la rubrique comptable dont ils relèvent.

En l'espèce, et eu égard à la législation applicable à la date du litige, et en présence de titres de participations (le Conseil réserve sans doute l'examen précis de ce point lorsqu'il affirme, dans la motivation de l'arrêt, que la dépréciation pouvait donner lieu, le cas échéant, à une provision), la différence entre la valeur d'acquisition des titres Pebsa qui auraient dû être inscrits à l'actif du bilan pour leur valeur mentionnée au contrat, et la valeur du cours de bourse de ces titres en décembre 1999 ne pouvait donner lieu, le cas échéant, qu'à une provision pour dépréciation de titres, soumis au régime des moins-values à long terme.

2.2. La fluctuation du cours de bourse était-elle un événement permettant la constitution de la provision pour dépréciation ?

Dans tous les cas, la réalisation de la vente pure et parfaite au plus tard le 20 février 1990, rendait la constitution de provisions pour créances douteuses impossible. Il demeurait envisageable de passer des provisions pour dépréciation. Les conditions de constitution de celles-ci ont été précisées par le législateur. Aux termes de l'article 2 de la loi n° 73-1128 du 21 décembre 1973, repris sous l'article 39-1-5°, 10ème alinéa du CGI, les titres de participation cotés ou non, ne peuvent faire l'objet d'une provision que s'il est justifié d'une "dépréciation réelle" par rapport au prix de revient.

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 24 mai 1978 (CE, 7° et 9° s-s-r., 24 mai 1978, n° 4572 N° Lexbase : A6681B8X), précise qu'une provision pour dépréciation de titres de participation n'est justifiée que si la valeur de négociation de ces titres est inférieure à leur valeur comptable nette. La fluctuation du cours de bourse, s'il s'agit de titres côtés, influe sur la valeur vénale et doit être regardée comme emportant, si elle est irréversible, une dépréciation réelle par rapport au prix de revient.

Les titres en l'espèce devaient être inscrits à l'actif du bilan pour une valeur mentionnée au contrat et la valeur de bourse de ces titres en décembre 1990 pouvait donner lieu à la constitution d'une provision. Le Conseil d'Etat admet qu'une dégradation durable du cours de bourse autorise la constitution d'une provision (CE, 21 novembre 1980, 7° et 8° s-s-r., n° 17055 N° Lexbase : A7746AIQ). Cette provision pour dépréciation de titres n'aurait pu être constituée qu'à la condition que la baisse du cours de l'action soit constatée avant la clôture de l'exercice et que cette dégradation ait été irréversible (TA Paris 19 novembre 1991, n° 8806350, SA Via Assurance Vie).

Le Conseil d'Etat précisant, en outre, dans un arrêt de section en date 4 mai 1979 (CE, 4 mai 1979, n° 4228 N° Lexbase : A2577AKN), que, quand un titre faisant l'objet d'une cotation sur le marché hors cote est un titre coté au sens de l'article 38 septies de l'annexe III (N° Lexbase : L2632HNS), c'est par référence à son cours que doivent être calculées d'éventuelles provisions, le cours de bourse donnant le prix des transactions courantes (CE, 6 juin 1984, n° 35415, Société anonyme "Compagnie financière de Suez" N° Lexbase : A5539ALQ).

La fluctuation du cours de bourse des actions Pebsa pouvait, donc, d'une manière ou d'une autre, être prise en compte ; la société SNPL ne pâtit de l'amertume de l'eau salée qu'en raison de l'analyse incorrecte qu'elle a faite des protocoles passés. En passant des provisions pour créances douteuses elle est restée cohérente avec sa lecture des protocoles, mais elle n'a ainsi fait que persévérer dans l'erreur. Une analyse des protocoles comme une vente lui aurait pourtant permis de constituer les provisions qu'elle souhaitait passer, mais non pas au titre de créances douteuses mais de provisions pour dépréciation de titres. La fluctuation des cours du titre emportait constitution de provision mais pas de la nature de celle que la société SNPL a cru devoir passer.


(1) La loi de finances pour 2007 prévoit que les titres dont le prix de revient est supérieur à 22,8 millions d'euros et qui remplissent toutes les conditions pour ouvrir droit au régime des sociétés mères et filiales autres que celle relative au seuil de 5 % de détention du capital ne bénéficient plus du régime des plus-values de long terme. Les plus-values afférentes à ces titres sont soumises au taux normal de l'IS et non plus au taux de 15 %. Les provisions afférentes à ces titres sont donc déductibles du résultat imposable au taux normal de l'IS et leur déductibilité n'est plus plafonnée.

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