Lexbase Social n°108 du 19 février 2004 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Modalités de la contestation de l'utilisation des heures de délégation par l'employeur

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N0560ABD

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par Gilles Auzero, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Décision

Cass. soc., 4 février 2004, n° 01-46.478, Société Daewoo Orion c/ M. Oner Ozipek, publié (N° Lexbase : A2323DBN).

Contestation par l'employeur de l'utilisation de ses heures de délégation par un représentant du personnel au CHSCT et compétence du juge des référés.

C. trav., art. L. 236-7 (N° Lexbase : L6019ACW) et R. 516-30 (N° Lexbase : L0633ADS).

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Faits

Après avoir rémunéré les heures de délégation utilisées par un salarié assumant les fonctions de représentant du personnel au CHSCT, l'employeur avait demandé à ce dernier de lui indiquer l'utilisation faite de ces heures. A la suite du refus opposé par le salarié, l'employeur avait saisi la juridiction des référés en vue d'obtenir les justifications exigées. Estimant qu'il existait une contestation sérieuse sur l'utilisation des heures de délégation, les juges d'appel ont déclaré la juridiction des référés incompétente.

Solution

1. "L'article L. 236-7 du Code du travail, qui impose à l'employeur l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué aux membres du CHSCT pour l'exercice de leurs fonctions, ne dispense pas les bénéficiaires de ce versement d'indiquer l'utilisation faite du temps pour lequel ils ont été payés".

2. "L'obligation du salarié d'indiquer l'utilisation de ses heures de délégation ne se heurtait à aucune contestation sérieuse".

3. Cassation, pour violation des articles L. 236-7 et R. 516-30 du Code du travail. Renvoi devant la cour d'appel de Metz.

Commentaire

1. Rémunération des heures de délégation

L'employeur est tenu de laisser aux représentants du personnel le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, dans la limite d'un nombre d'heures qui varie selon le mandat exercé et l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement. Si ces heures de délégation sont normalement prises pendant le temps de travail, elles peuvent également être utilisées en dehors de celui-ci, à condition toutefois que les nécessités du mandat l'exigent. Il va de soi que ces heures doivent être consacrées à des activités qui se rattachent aux fonctions représentatives exercées. Activités qui vont évidemment différer selon les fonctions dont sont investis les représentants du personnel.

S'agissant de la rémunération de ces heures de délégation, la loi pose en principe que le temps passé par les représentants du personnel à l'exercice de leurs fonctions est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale (C. trav., art. L. 236-7, al. 4 pour les membres du CHSCT N° Lexbase : L6019ACW ; L. 424-1, al. 2 pour les délégués du personnel N° Lexbase : L6381ACC ; L. 434-1, al. 3 pour les membres du comité d'entreprise N° Lexbase : L6432AC9 et L. 412-20, al. 5 pour les délégués syndicaux N° Lexbase : L6340ACS). Cette règle dite du "paiement préalable" vaut tant pour les heures légales que pour les heures conventionnelles (V. par ex., Cass. soc., 9 mai 1989, n° 86-40.375, M. Manzano c/ Société Europe Falcon Service, publié N° Lexbase : A2193AHP). Elle est en revanche écartée pour les heures de délégation prises au titre de circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire les heures prises au-delà des crédits d'heures légaux ou conventionnels. En effet, selon la Cour de cassation, "l'obligation pesant sur l'employeur de payer à l'échéance normale comme temps de travail le temps nécessaire aux représentants du personnel pour l'exercice de leurs fonctions est limitée aux heures dont le nombre est fixé par la loi ou par accord collectif plus favorable et ne s'étend pas à celles qui sont prises en fonction de circonstances exceptionnelles dont il appartient au salarié d'établir l'existence ainsi que la conformité de leur utilisation avec l'objet du mandat représentatif préalablement à tout paiement par l'employeur" (Cass. soc., 10 juin 1997, n° 94-42.546, Manufacture Française des Pneumatiques Michelin c/ Madame Soubeyrou, publié N° Lexbase : A1618ACW Dr. soc. 1997, p. 969, obs. M. Cohen).

On aura compris que cette solution ne vaut pas pour les crédits d'heures légaux ou conventionnels. Pour ceux-ci et en vertu de la règle du paiement préalable, l'employeur ne pourra en contester l'usage qu'une fois qu'ils auront été rémunérés. En outre, et surtout, la loi a spécialement aménagé cette faculté de contestation.

2. La contestation par l'employeur de l'utilisation des heures de délégation

A suivre les textes précédemment évoqués et ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans l'espèce commentée, l'employeur qui entend contester l'usage du temps alloué pour l'exercice des fonctions représentatives doit saisir la juridiction compétente, à savoir bien évidemment le conseil de prud'hommes. La loi ayant posé une présomption d'utilisation conforme, c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve que les heures de délégation n'ont pas été utilisées en conformité avec les attributions du représentant du personnel. Toutefois, les exigences posées en la matière par la jurisprudence ont rendu l'ordre de la preuve plus complexe qu'il n'y paraît, ce que démontre d'ailleurs l'arrêt du 4 février 2004.

En effet, l'employeur qui entend contester l'usage qui a été fait des heures de délégation et obtenir par suite le remboursement des sommes versées à ce titre, doit commencer par demander au représentant du personnel d'indiquer les activités pour lesquelles les heures de délégation ont été utilisées. C'est ce que rappelle expressément la Cour de cassation en l'espèce en indiquant que "l'article L. 236-7, qui impose à l'employeur l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué aux membres du CHSCT pour l'exercice de leurs fonctions, ne dispense pas les bénéficiaires de ce versement d'indiquer l'utilisation faite du temps pour lequel ils ont été payés" (souligné par nous).

Cette étape est fondamentale, puisque ce n'est qu'après avoir obtenu des précisions sur l'utilisation des heures de délégation que le chef d'entreprise peut saisir le juge d'une demande en remboursement des sommes versées. A défaut, la demande de l'employeur sera rejetée (Cass. soc., 4 décembre 1991, n° 88-44.977, Société bretonne de galvanisation c/ M. Courtel N° Lexbase : A2574AZD ; Cass. soc., 15 décembre 1993, n° 91-44.481, M. Marquet c/ Société Le Bouchage métallique, publié N° Lexbase : A6689ABD). Parce que cette étape est nécessaire, le chef d'entreprise pourra agir en justice pour obtenir les indications nécessaires, si le représentant refuse de les lui fournir. Ainsi que la Chambre sociale le rappelle en l'espèce, l'employeur pourra à cette fin et sur le fondement de l'article R. 516-30 du Code du travail (N° Lexbase : L0633ADS), saisir le juge des référés prud'homaux, l'obligation du salarié d'indiquer l'utilisation de ses heures de délégation ne se heurtant à aucune contestation sérieuse (V. déjà en ce sens, Cass. soc., 8 juillet 1992, n° 90-43.980, Grands magasins de la Samaritaine c/ M. Mahaux et autres N° Lexbase : A5208ABI). En revanche, l'employeur ne saurait demander en référé des justifications de l'utilisation des heures de délégation, ce qui aboutirait à renverser la charge de la preuve (Cass. soc., 25 mai 1993, n° 89-45.542, M. Tracol c/ Société Ceralep N° Lexbase : A4197AAP).

Le juge des référés peut ainsi enjoindre au représentant du personnel de donner à l'employeur des indications. Muni de ces informations, l'employeur pourra alors, s'il souhaite poursuivre dans la voie de la contestation, saisir le juge d'une demande en remboursement des sommes versées au titre des heures de délégation, en établissant soit que les informations sont inexactes, soit que l'usage des heures de délégation n'est pas conforme aux exigences du mandat dont le salarié est investi.

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