Le prélèvement de tissus sur le corps du mari défunt sans le consentement de son épouse constitue un traitement dégradant. Telle est la solution retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme dans son arrêt de chambre du 13 janvier 2015 (CEDH, 13 janvier 2015, Req. n°61243/08,
arrêt disponible en anglais). En l'espèce, des experts en médecine légale avaient prélevé des tissus sur le corps du defunt mari de Mme E. à son insu et sans son consentement. En application d'un accord approuvé par l'État, ces prélèvements étaient réalisés après l'autopsie et envoyés à une société pharmaceutique en Allemagne pour la création de bio-implants. Mme E. apprit cette pratique, deux ans après le décès de son mari, lorsqu'une enquête pénale fut ouverte en Lettonie sur des allégations relatives à des prélèvements de tissus et d'organes réalisés illégalement sur des cadavres et à grande échelle. Les autorités lettonnes n'établirent pas l'existence d'éléments constitutifs d'une infraction. Le 5 décembre 2008, Mme E. introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l'Homme invoquant la violation des articles 8 (
N° Lexbase : L4798AQR), 3 (
N° Lexbase : L4764AQI) et 13 (
N° Lexbase : L4746AQT) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. La Cour estime que la loi lettonne, bien qu'exposant le cadre juridique permettant aux plus proches parents d'exprimer leur consentement ou leur refus relativement à un prélèvement de tissus, ne définit pas clairement l'étendue de l'obligation ou de la latitude correspondante des experts ou des autres autorités à cet égard. La manière dont les proches doivent exercer le droit d'exprimer leur souhait et la portée de l'obligation de recueillir le consentement est, en outre, l'objet d'un désaccord entre les autorités nationales elles-mêmes. Dans ces conditions et en l'absence de réglementation administrative ou juridique, Mme E. n'a pas pu prévoir comment exercer son droit d'exprimer son souhait concernant le prélèvement de tissus sur le corps de son défunt mari. La Cour conclut que le droit letton manque de clarté et ne renferme pas des garanties juridiques suffisantes contre l'arbitraire, en violation de l'article 8 de la Convention. La Cour retient, également, que Mme E. s'est trouvée pendant une longue période dans l'incertitude et en proie au désarroi concernant la nature et le but des prélèvements de tissus sur le corps de son défunt mari et la façon dont ces prélèvements ont été réalisés et souligne que, dans le domaine particulier de la transplantation d'organes et de tissus, le corps humain doit être traité avec respect, même après le décès. Par conséquent, les souffrances causées à Mme E., s'analysent incontestablement en un traitement dégradant contraire à l'article 3 de la Convention (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E9970EQC).
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