La lettre juridique n°626 du 24 septembre 2015

La lettre juridique - Édition n°626

Éditorial

Obligation de déconnexion : bâtir sur des sables mouvants

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N9087BU4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 24 Septembre 2015


Il est un fait avéré -et donc têtu, à paraphraser Lénine- que la société de l'information et de la communication numériques ne s'arrête pas aux portes de l'entreprise, malgré toutes les digues instaurées afin d'empêcher la violation de la vie privée du salarié, quant à l'ouverture des fichiers figurant sur son ordinateur professionnel ou le contrôle de ses pages personnelles affichées sur tout réseau social au regard des intérêts même légitimes de son employeur.

La mise à disposition d'outils nomades de communication, essentiellement des portables à forte capacité de datas et des "tablinateurs" ultra-connectés, modifie sensiblement l'appréhension de certaines catégories de salariés (cadres ou ceux relevant d'entreprises d'informations et de conseils), quant à leurs "plages horaires" de travail, quant à leur disponibilité au service de l'entreprise, engendrant parfois un stress, "un sentiment de fatigue" et "posant en creux la question des risques psychosociaux". Il en découle une ambiguïté de la relation cadres/tic qui en facilitant l'activité professionnelle augmentent la charge de travail, l'interpénétration entre vie privée et professionnelle. Une étude du cabinet américain Roambi auprès de 1 300 cadres et patrons français révélait ainsi que 93 % d'entre eux consultent des données professionnelles chez eux, dont la moitié... au lit (Alternatives Economiques n° 339 - octobre 2014).

L'impact de cette "transformation numérique de notre économie" n'est en fait que récemment pris en considération par les partenaires sociaux, d'abord, les pouvoirs publics, ensuite, alors que les premiers soubresauts pointaient déjà à la fin du XXème siècle. L'on a fait grand cas de la signature, en avril 2014, d'un accord au sein de la branche Syntec prévoyant une "obligation de déconnexion des outils de communication à distance", pour garantir le respect des durées minimales de repos. Mais, l'initiative en est restée là et une généralisation de l'inscription de ce nouveau droit, dans les contrats de travail de l'ensemble des cadres impactés, peine à devenir réalité pour ces "victimes" de "l'infobésité".

Aussi, à l'orée de la conférence sociale du 19 octobre 2015, et à la suite des premières actions de sensibilisation des syndicats en mars dernier, le Gouvernement ne pouvait qu'accueillir en "grande pompe" le rapport, rendu, le 15 septembre 2015, par Bruno Mettling, directeur général adjoint d'Orange, chargé des ressources humaines. Ce dernier y formule ainsi trente-six préconisations, en suivant une approche qui se veut "équilibrée" (sic) : "Le numérique est d'abord une opportunité pour penser différemment l'organisation du travail, le fonctionnement de l'entreprise au quotidien", confie M. Mettling au Monde. "Mais il peut aussi être porteur de risques pour la santé des salariés, qu'il convient d'anticiper. Il ne faut pas que ça serve de prétexte pour mettre à bas le Code du travail".

Et, c'est bien là le problème ! D'abord, parce qu'à l'heure où une refonte complète de ce code, pour tendre à une réelle simplification, est dans tous les esprits, à la suite des rapports "Combrexelle", de l'"Institut Montaigne" et "Barthélémy - Cette" -tous trois commentés par notre édition sociale de cette semaine-, craindre de "mettre à bas" ledit code ne devrait pas hanter les esprits réformateurs. On le sait le Code du travail souffre de deux maux principaux : il est encore assis sur le socle de la Révolution industrielle du XIXème siècle et il ne laisse pas suffisamment de place à la négociation collective et individuelle pour que l'égalité juridique ne devienne pas, dans certaines entreprises et dans certaines situations salariales, un carcan mortifère. La propension du code à généraliser un certain nombre d'obligations, faisant mine de les adapter à la taille de l'entreprise -seul indicateur objectif de différenciation, aujourd'hui-, au détriment d'une réelle liberté de négociation au sein de chaque profession -toujours la hantise des corporations- est désormais plus que contre-productive.

Ce qui est à craindre aujourd'hui, c'est l'édification de nouvelles obligations pour le salarié certes, mais aussi pour l'employeur, l'efficience un droit à la déconnexion, venant se surajouter à l'ensemble des protections et contrôles existants, notamment quant à l'encadrement du temps de travail. Car, bien entendu, le premier écueil d'une telle généralisation, même négociée branche par branche, est de considérer, encore, que l'alpha et l'oméga de la quantification du travail demeure le temps de travail ; quand, d'une part, il ne s'agit pas nécessairement de la mesure la plus opportune dans une société de services, d'informations et de conseils, où la productivité et l'inventivité doivent être à l'honneur ; et, d'autre part, quand le reste du monde table sur une valorisation du travail au regard du résultat. D'où l'incompréhension de nos partenaires, quand il est fait grand cas de réductions ou d'aménagements du temps travail en France.

Bien entendu, le rapport "Mettling" n'est pas dupe. C'est bien parce qu'il a conscience que le développement des formes non salariales de travail, avec l'explosion de l'auto-entreprenariat, qu'il est convenu d'encourager pour résorber un chômage endémique, qu'il préconise une certaine souplesse d'application d'un tel droit à déconnexion. On ne peut pas continuer à fractionner une population active dont une partie significative (10 % : agriculteurs, artisans, commerçants, professions libérales, auto-entrepreneurs) ne compte plus ses heures, depuis longtemps ; et d'autant plus à l'heure numérique. D'abord, le rapport préconise l'instauration du forfait jour, afin d'écarter la question du temps réel de travail de l'équation pour les cadres ; ensuite, il prévoit les "coups de bourre" et autres "charettes" pour lesquels le respect des onze heures consécutives par jour et des trente-cinq heures consécutives par semaine, au minimum, est une gageure. Mais en même temps, il impose à l'entreprise de prendre les mesures nécessaires pour que le salarié respecte son droit à déconnexion. L'exemple de Volkswagen ayant lancé un "dispositif de mise en veille des serveurs", entre 18h15 et 7 heures du matin, pour les smartphones professionnels, est ainsi servi. Il ne suffira plus d'inscrire ce droit au contrat ("Le présent avenant rappelle qu'en votre qualité de la salariée cadre, vous êtes aussi acteur de votre santé et sécurité au travail. A ce titre, vous devez respecter, en toutes circonstances, le repos minimal quotidien de onze (11) heures consécutives, le repos hebdomadaire (35 heures), ainsi que les durées maximales : journalière et hebdomadaire de travail. Pendant ce temps de repos, vous devez laisser déconnectés vos outils de communication à distance (téléphone et ordinateur portables)"), laissant à la charge du salarié le soin d'user de son droit et de se responsabiliser. L'employeur sera, sans nul doute comme pour tout ce qui a trait à la santé du salarié, soumis à une obligation de résultat. On imagine sans peine, même après négociation collective, la désorganisation de ces entreprises ayant provoqué la croissance sur le terreau de l'investissement de leurs salariés, en misant sur la culture du résultat pour, et ce n'est que juste rétribution, que ces salariés profitent eux aussi de l'expansion de leur entreprise par voie d'attributions gratuites d'actions, de stock-options, ou tout simplement d'augmentations salariales dépassant le cadre de l'inflation annuelle !

Oui, et on le constate notamment dans la branche Syntec, l'instauration du forfait jour avec un cadre minimal de responsabilisation des salariés comme des employeurs quant à l'emploi des moyens de communication hors plage traditionnelle de travail, est un compromis efficace. Mais, concrètement, seuls les cadres supérieurs ou dirigeants d'une entreprise peuvent en bénéficier. Les cadres moyens, qui sont parfois tout autant impactés par cette transformation numérique, sont hors de portée d'un tel forfait, pour des raisons proprement rémunératoires. Sans coller au Smic, bien entendu, l'ensemble des cadres moyens d'une entreprise n'a pas un salaire proche de celui de leurs dirigeants -dans un pays où le ratio salarial entre salarié/patron peut atteindre 1 à 1 000 !-. En négociant ce droit à déconnexion dans la branche Syntec, les partenaires sociaux auraient tôt fait de porter attention au mécanisme du forfait jour pour qu'il puisse bénéficier à plus de cadres qu'aujourd'hui. Car, attention, le forfait jour n'est pas un blanc-seing pour asservir le salarié. Les mêmes règles relatives à sa santé, à son rythme de travail et ses congés sont préservées.

En conséquence, négocier, même branche par branche, l'instauration de cette obligation de déconnexion au sein des entreprises, sans revoir la question du temps de travail et celle de la rémunération, c'est prendre le risque d'imposer une obligation salutaire et nécessaire pour préserver la santé des salariés et, in fine, la productivité des entreprises, en faisant peser sur ces dernières une charge lourde, une désorganisation importante de leur fonctionnement ; alors qu'il convient, à la veille d'une refonte du Code du travail et d'une communautarisation européenne de notre droit social, de "pulvériser" la notion de lieu et de temps de travail -pour reprendre l'expression de d'Yves Lasfargue, chercheur et consultant spécialisé dans le management des nouvelles technologies, directeur de l'Observatoire des conditions de travail et de l'ergostressie (Obergo)-. Car l'autre pendant de la transformation numérique de notre société, c'est au-delà de l'hyper-connectivité informationnelle, la question du télétravail qui peine encore à être accepté par le management... quand le temps de travail est encore et toujours la base du salaire versé. CQFD !

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Avocats/Procédure

[Chronique] Chronique sur la prescription extinctive - Septembre 2015

Lecture: 12 min

N8930BUB

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par Philippe Casson, Maître de conférences à l'Université de Haute-Alsace, H.D.R.

Le 24 Septembre 2015

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, une nouvelle chronique réalisée par Philippe Casson, Maître de conférences à l'Université de Haute-Alsace, H.D.R., retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de prescription extinctive. L'auteur analyse successivement la question de la prescription applicable à l'action en responsabilité (Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-17.346, F-D), celle visant les actions en restitution (Cass. civ. 1, 1er juillet 2015, n° 14-20.369, FS-D) et s'intéresse à l'extension de l'interruption de la prescription dans le cadre de deux actions tendant au même but (Cass. com., 16 juin 2015, n° 14-16.772, F-D). I - La Cour de cassation rappelle que la prescription applicable à l'action en responsabilité du préjudice causé par le dol du cocontractant est distincte de celle concernant l'action en nullité de l'article 1304 du Code civil (N° Lexbase : L8527HWQ) (Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-17.346, F-D N° Lexbase : A7770NMQ).

Le vice du consentement que constitue le dol de l'article 1116 du Code civil (N° Lexbase : L1204AB9) -erreur provoquée- est sanctionné de deux manières distinctes : la nullité du contrat et la réparation du préjudice (A), ces deux actions demeurant distinctes, notamment au regard du régime de la prescription (B).

A - De la dualité des actions...

Aux termes de l'article 1116 du Code civil, "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé". Quant à l'article 1117 du même code (N° Lexbase : L1205ABA), il ajoute que la nullité ne joue pas de plein droit mais doit être prononcée par le juge (1). Outre cette action en nullité ou en rescision, la victime du dol peut également demander des dommages et intérêts qui, soit viendront compléter l'annulation du contrat lorsque celle-ci laisse subsister un préjudice (2), soit se substitueront à l'annulation du contrat (3). Le demandeur est donc autorisé dans ce dernier cas à maintenir le contrat et à limiter ses prétentions à l'allocation de dommages et intérêts s'il y trouve un intérêt, parce que le caractère intentionnel du dol ne serait pas établi (4), ou bien encore parce que l'annulation n'est plus recevable du fait de la prescription (5), de la renonciation du demandeur (6) ou de son désistement (7). En l'espèce, les acheteurs d'un immeuble assignent le vendeur pour obtenir le paiement de dommages et intérêts. Malgré une clause figurant dans l'acte authentique informant les acquéreurs de problèmes d'humidité et d'une procédure en cause, le vendeur avait dissimulé l'ampleur des désordres qui avaient été chiffrés à 700 000 francs (soit 106714,30 euros). Les acheteurs agissaient donc en dommages et intérêts sans prétendre obtenir la nullité de la vente, afin d'obtenir la compensation de leur préjudice. Cette action indemnitaire résulte de la faute commise par l'auteur du dol et se fonde sur l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) (8). La Cour de cassation a précisé que "s'agissant de deux actions distinctes, une telle renonciation à l'action en nullité se trouvait sans incidence sur l'action délictuelle qui n'en constituait pas l'accessoire" (9). De cette indépendance entre les deux actions résulte un certain nombre de conséquences (10), notamment en matière de prescription.

B - ...Résulte la dualité de prescription

L'article 1304 du Code civil dispose que les actions en nullité relative se prescrivent par cinq ans et que, dans le cas du dol, ce délai court du jour où il a été découvert. Dans l'arrêt sous analyse, la cour d'appel a rejeté la demande des acheteurs au motif que celle-ci était prescrite en application de l'article 1304 du Code civil, le point de départ du délai de cinq ans étant fixé à la date de la vente qui faisait mention de la clause précitée. Le délai quinquennal de l'article 1304 du Code civil ne s'applique qu'aux seules actions en nullité ou en rescision à l'exclusion de toute autre action qui ne viserait pas la validité de l'acte. L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil, indépendante de l'action en nullité, reste donc soumise au délai de prescription de droit commun, soit en l'espèce, avant la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I) qui a ramené le délai de prescription en matière de responsabilité quasi-délictuelle à cinq ans, de dix ans. C'est pour avoir considéré que cette action était régie par le délai de l'article 1304 du Code civil que l'arrêt est cassé. Avant la loi n° 2008-561, cette différence de fondement, et donc de délai, apparaissait comme très importante eu égard au délai de droit commun de dix ans. La loi de 2008 ayant réduit le délai de droit commun à cinq ans (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC), la solution de l'arrêt sous commentaire pourrait avoir perdu de son intérêt. Il convient cependant d'observer que le délai quinquennal de l'article 1304 court à compter de la découverte du dol alors que le délai de droit commun de l'article 2224 du Code civil court désormais quant à lui à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui n'implique pas une totale coïncidence (11).

II - La prescription applicable aux actions en restitution relève des seules règles de la nullité (Cass. civ. 1, 1er juillet 2015, n° 14-20.369, FS-D N° Lexbase : A5379NM8)

Le locataire d'un immeuble, sur lequel lui a été consenti un droit d'usage et d'habitation qui a été annulé en raison du caractère dérisoire du prix par un arrêt devenu irrévocable rendu en 2002, assigne le propriétaire en remboursement des travaux effectués sur l'immeuble, lequel oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil. Pour rejeter cette fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale, la cour d'appel retient que la demande en liquidation de la restitution est une action distincte soumise au délai de prescription de droit commun des actions personnelles ou mobilières d'une durée de trente ans à la date où la nullité a été prononcée. Par voie de conséquence, cette prescription n'était pas acquise lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et l'action du locataire restait recevable pendant cinq ans à compter de cette date. L'arrêt est cassé au visa de l'article 1304 du Code civil et au motif que "les restitutions consécutives à une annulation relèvent des seules règles de la nullité". L'action du locataire était donc prescrite. A défaut de dispositions relatives aux restitutions après annulation du contrat (hormis l'article 1312 du Code civil N° Lexbase : L1423ABC, relatif aux restitutions qui font suite à la rescision d'une convention pour vice d'incapacité), c'est la jurisprudence qui a dû élaborer le régime des restitutions subséquentes à l'annulation d'une convention en recourant le plus souvent aux règles du droit des biens, de la responsabilité civile ou des quasi-contrats dont la doctrine et la jurisprudence s'accordent pour considérer qu'elles s'avèrent inadaptées (12). Aussi, n'est-il pas étonnant que la Cour de cassation ait décidé en 2002 que "les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l'indu mais seulement des règles de la nullité" (13). Certes, le contenu de ces règles s'avère imprécis, mais il a été relevé "que la restitution est une sorte de noyau irréductible de la nullité ou de la résolution. Elle relève d'un droit plus élémentaire. Elle est fatale, elle est même automatique puisqu'elle est la conséquence de plein droit de la décision de nullité. Elle est accordée quand bien même elle n'aurait pas été demandée. Car la restitution est un effet légal de la nullité ou de la résolution : l'anéantissement du contrat 'implique nécessairement la restitution', de même que la cassation d'une décision de justice entraîne de plein droit la nullité de tous les actes qui sont la suite ou l'exécution de la décision cassée [...]. La restitution est inhérente à la résolution ou à la nullité". Il peut paraître dès lors cohérent de soumettre l'action en restitution au délai quinquennal de l'article 1304 du Code civil et non au délai de droit commun de l'article 2224 du même code qui s'applique notamment aux actions en répétition de l'indu (15). Là encore, l'alignement des délais du fait de la réforme de 2008 risque de faire perdre une grande partie de son intérêt à la solution de l'arrêt commenté.

III - Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte tendent à un seul et même but (Cass. com., 16 juin 2015, n° 14 -16.772, F-D N° Lexbase : A5244NLS)

Les circonstances de fait de cette affaire apparaissent passablement complexes. Il est possible de les résumer ainsi afin de bien comprendre la solution de l'arrêt. Un bien immobilier est acquis indivisément par un couple. Un jugement du 7 décembre 1988 ordonne la licitation du bien en question sur la demande du Trésor. La cour d'appel réforme le jugement et enjoint à Mme X de payer la créance du Trésor. La banque, dont le prêt consenti au couple pour acquérir le bien est devenu exigible le 8 avril 1991, intente une tierce opposition contre l'arrêt de la cour d'appel, déclarée recevable par arrêt du 22 juin 1992, et obtient la rétractation de la disposition relative au paiement de la créance du Trésor. A l'initiative de ce dernier, l'affaire revient devant la cour d'appel qui, par arrêt du 9 avril 2002 (CA Paris, 9 avril 2002, n° 1999/10293 N° Lexbase : A9093A7W), confirme la licitation décidée par le jugement du 7 décembre 1988. Un pourvoi formé contre cet arrêt, auquel la banque était défenderesse, est rejeté par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 mars 2005 (16) qui met fin à la procédure de licitation. M. X est mis en liquidation judiciaire par jugement du 5 juillet 2007. La banque déclare sa créance à titre privilégié le 28 janvier 2011. Le liquidateur s'y oppose et fait grief à la cour d'appel d'avoir admis la créance au motif que la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3), qui a été ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle avait commencé à courir le 8 avril 1991, date de la déchéance du terme, n'a pas pu être interrompue par la banque avant que celle-ci ne déclare sa créance le 28 janvier 2011, soit bien après l'expiration du délai extinctif. Le pourvoi est rejeté au motif que "si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte tendent à un seul et même but".

En principe, "la prescription n'est interrompue que relativement au droit allégué à l'appui de la demande. Il en résulte que l'effet interruptif ne s'étend pas d'une action à l'autre" (17) et que "l'interruption de la prescription ayant pour but de sauvegarder les intérêts de celui qui demande en justice la reconnaissance de son droit, elle ne peut être invoquée que par ce dernier dans la mesure où la demande a été formée par lui-même" (18). L'interruption de la prescription ne s'étend donc pas non plus d'une personne à l'autre : De persona ad personam non fit interruptio civilis (19). C'est la règle de principe qu'impose la relativité des actes juridiques (20), énoncée par D'Argentrée dans son Commentaire de la coutume de Bretagne (21), que connaissait l'ancien droit ainsi que l'atteste Dunod de Charnage qui professait que "l'interruption civile n'opère pas régulièrement d'une personne à l'autre, ni d'une obligation à une autre" et qu'"en un mot, l'exercice d'une action n'empêche pas la prescription de l'autre, quand même elles seraient incompatibles, parce qu'elles peuvent être exercées ensemble par fins subsidiaires ; et qu'on doit s'imputer de ne l'avoir pas fait" (22). C'est la solution qui a été maintenue sous l'empire du Code civil dont l'article 2244 ancien du Code civil (N° Lexbase : L2532ABE), disposait qu'"une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir", formule reprise par l'article 2241 du Code civil dans la rédaction résultant de la loi du 18 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L7181IA9) (23) qui précise que "la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure".

La règle fondée sur la relativité des actes juridiques connaît, cependant, des exceptions légales prévues par les articles 2245 (N° Lexbase : L7177IA3) et 2246 (N° Lexbase : L7176IAZ) du Code civil, en cas, tout d'abord, de solidarité, où les cointéressés sont censés mandataires les uns des autres de telle sorte que chacun agissant seul est réputé agir pour la totalité (24), d'indivisibilité ensuite, où, à défaut de mandat, l'indivisibilité de l'objet de l'obligation fait que le créancier qui conserve son droit indivisible contre un débiteur le conserve également à l'égard de tous (25), ou de cautionnement, enfin (26) ; seules hypothèses envisagées par Bigot-Préameneu dans les travaux préparatoires du Code civil (27). La jurisprudence déroge également au principe de l'effet relatif de l'interruption de la prescription quant aux actions, notamment lorsque celles-ci tendent au même but.

Cette dérogation a lieu de jouer lorsqu'un même créancier assigne successivement son débiteur en paiement de sa créance sur des fondements juridiques différents, la recevabilité de la première demande ne posant pas difficulté dans la mesure où elle a été engagée par hypothèse avant l'expiration du délai de prescription. L'interruption du délai qui en résulte dure alors aussi longtemps que l'instance n'a pas trouvé son issue définitive comme le précise, depuis la loi du 17 juin 2008, l'article 2242 du Code civil (N° Lexbase : L7180IA8). Le créancier exerce alors une nouvelle action, alors que le délai initial qui lui était imparti est expiré, mais pendant le nouveau délai qui a commencé à courir à compter de la cessation de l'interruption résultant de la décision qui met fin à la première action. Dans de tels cas de figure, la Cour de cassation retient la recevabilité de ces actions qui "quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première" (28). L'ancien droit admettait cette atteinte au principe (29) qui demeura sans application sous l'empire du droit intermédiaire durant la période révolutionnaire, et que la jurisprudence exhuma au XIXème siècle, l'appliquant ponctuellement dans un premier temps, sans lui conférer le rang de règle jurisprudentielle strictement énoncée dans un attendu de principe. Le premier arrêt qui a mis en oeuvre cette dérogation sous l'empire du Code civil, est une décision de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation du 23 novembre 1820 (30), suivie par d'autres (31) rendues également sans souci de leur portée doctrinale. Ce n'est qu'en 1906 que la même chambre énonce que "si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde soit virtuellement comprise dans la première" (32), formule qui sera reprise ultérieurement à l'identique par les arrêts des différentes chambres de la Cour de cassation (33). Ainsi, selon cette jurisprudence, dès lors que les différentes actions exercées par le même créancier contre le même débiteur tendent au même but, l'interruption de la prescription résultant de l'exercice de la première, engagée par hypothèse avant l'expiration du délai extinctif, profite à la seconde, celle-ci introduite tardivement par rapport au délai initial mais pendant le déroulement du nouveau délai qui a commencé à courir à compter de la cessation de l'interruption.

Le fondement de cette solution jurisprudentielle n'a que peu préoccupé la doctrine, laquelle se borne à en signaler d'une phrase l'existence (34), quand elle ne dénie pas à celle-ci tout caractère dérogatoire, comme l'a fait Huc pour qui "[...] s'il y a des actions dont l'exercice comprend virtuellement une autre demande, cette autre demande est virtuellement exercée en même temps que la première et par le même acte ; alors où est l'exception ? La difficulté ne peut porter en pareille hypothèse que sur le point de savoir quelles sont les actions qui doivent être virtuellement comprises dans l'exercice d'une autre" (35). En fait, la solution retenue par la Cour de cassation trouve sa raison d'être dans le comportement du créancier qui, en prenant l'initiative d'assigner, exprime sa volonté de ne pas abandonner son droit (36).

Les faits de l'espèce s'insèrent parfaitement dans ce schéma. La tierce opposition de la banque s'analyse bien comme une action en justice qui a pour effet d'interrompre la prescription décennale qui courait dans ses rapports avec ses débiteurs. Cette interruption a duré jusqu'à la fin de la procédure de licitation soit le 8 mars 2005, date de l'arrêt de cassation y ayant mis un terme. A compter de cet arrêt une nouvelle prescription a recommencé à courir pour dix nouvelles années. La loi du 17 juin 2008 a fait courir à titre transitoire un délai de cinq ans. La déclaration de sa créance par la banque à la liquidation judiciaire de M. X en 2011 équivalait à une demande en justice qui interrompt la prescription (37). La tierce opposition ainsi que la déclaration au passif visaient au même but : obtenir le remboursement du prêt ; l'interruption de la prescription résultant de la première action profite dès lors à la seconde.


(1) Sur ces différents points v. J. Flour, L.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les obligations, 1. L'acte juridique, 16ème éd., Sirey, 2014, n° 211 et s..
(2) V. par exemple Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-16.197 (N° Lexbase : A1853CML) (frais des emprunts souscrits pour les besoins de l'acquisition annulée). Adde J. Ghestin (dir.), Traité de droit civil, La formation du contrat, Tome 1, Le contrat - Le consentement, 4ème éd., LGDJ, 2013, n° 1437.
(3) J. Ghestin (dir.), op. cit., n° 1438 et s..
(4) Cass. civ. 1, 28 mai 2008, n° 07-13.487, F-P +B (N° Lexbase : A7868D8W), Bull. civ. I, n° 154, RDC, 2008, p. 1118, obs. D. Mazeaud.
(5) Cass. civ. 1, 4 février 1975, n° 72-13.217 (N° Lexbase : A6868AGH), Bull. civ. I, n° 43 ; Cass. civ. 1, 25 juin 2008, n° 07-18.108, F-P+B ([LXB=A3720D9N ]), Bull. civ. I, n° 184, CCC, 2008, comm. 254, obs. L. Leveneur.
(6) Cass. civ. 1, 4 octobre 1988, n° 85-18.763 (N° Lexbase : A1407AHL), Bull. civ. I, n° 265 ; Defrénois 1989, n° 34554, n° 49, p. 757, note J.-L. Aubert ; D., 1989, somm. 229, obs. J.-L. Aubert.
(7) Cass. com., 18 octobre 1994, n° 92-19.390 (N° Lexbase : A3952ACD), Bull. civ. IV, n° 293 ; RTDCiv., 1995, p. 353, obs. J. Mestre ; D., 1995, p. 180, note C. Atias.
(8) Cass. civ. 1, 4 février 1975, n° 72-13.217, préc..
(9) Cass. civ. 1, 4 octobre 1988, n° 85-18.763, préc..
(10) Sur lesquelles v. B. Petit, S. Rouxel, Juris classeur civ., C. civ., art. 1116 (N° Lexbase : L1204AB9), n° 45.
(11) Dans ce sens v. B. Petit et S. Rouxel, op. cit., n° 45 in fine.
(12) J. Ghestin, (dir.), Traité de droit civil, La formation du contrat, Tome 2, L'objet et la cause - Les nullités, 4ème éd., LGDJ, 2013, n° 2883, p. 1539.
(13) Cass. civ. 1, 24 septembre 2002, n° 00-21.278 (N° Lexbase : A4924AZE), Bull. civ. I, n° 218, RTDCiv., 2003, p. 284, obs. J. Mestre et B. Fages ; D., 2003, p. 369, note J.-L. Aubert ; Cass. com. 18 février 2004, n° 01-12.123, FS -P (N° Lexbase : A3121DB9), Bull. civ., IV, n° 38 ; Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 12-13.772, FS-D (N° Lexbase : A3069I9K).
(14) M. Malaurie, Les restitutions en droit civil, Cujas, 1991, p. 48-49.
(15) Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-17.427, FS-P+B (N° Lexbase : A5530KIN), Bull. civ. II, n° 150.
(16) Cass. civ. 1, 8 mars 2005, n° 02-17.892, F-D (N° Lexbase : A2486DHK).
(17) H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, Tome 3, Procédure de première instance, Sirey, 1991, n° 171, p. 175.
(18) H. Solus et R. Perrot, op. cit., n° 172, p. 175.
(19) H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, 4ème éd., Litec, 1999, n° 86, p. 155.
(20) M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, 2ème éd., LGDJ, 1954, T. VII, Les obligations, n° 137 ; J. Ghestin (dir.), Traité de droit civil, Le régime des créances et des dettes, LGDJ, 2005, n° 1190 s.
(21) D'Argentré, Sur la coutume de Bretagne, art. 266, des interruptions, chap. 3, n ° 19.
(22) F.I. Dunod de Charnage, Traités des prescriptions, de l'aliénation des biens d'église et des droits des dixmes, 4ème éd., à Paris, chez Briasson, Libraire, rue St Jacques, à la Science, M. DCC. LXV, avec approbation et privilège du Roi, p. 61.
(23) Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, J.O. 18 juin, p. 9856.
(24) Voir par exemple Cass. civ. 2, 24 juin 2004, n° 02-19.761, F-P+B (N° Lexbase : A8039DCQ), Bull civ. II, n° 324 : "les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires, fût-ce sur le fondement d'un titre distinct, interrompent la prescription à l'égard de tous".
(25) Cass. civ. 1, 5 janvier 1966, Bull. civ. I, n° 16, JCP éd. G, 1966, II, 14592, note P. Voirin : "attendu qu'il résulte de cet article [C. civ., ancien art. 2249] que, lorsque l'obligation est indivisible, l'interruption de la prescription faite par l'un des créanciers ou à l'égard de l'un des débiteurs profite à tous les créanciers ou nuit à tous les débiteurs". Voir également en matière de droit de la construction l'action du syndic et des copropriétaires en réparation de dommages causés de manière indivisible à des parties communes et privatives, Cass. civ. 3, 18 mars 1987, n° 85 -17.950 (N° Lexbase : A6694AA8), Bull. civ. III, n° 55 ; Cass. civ. 3, 24 février 1988, n° 86-17.110 (N° Lexbase : A7315AA8), Bull. civ. III, n° 41 ; Cass. civ. 3, 10 janvier 1990, n° 88-14.656 (N° Lexbase : A0078ABI), Bull. civ. III, n° 6 ; Cass. civ. 3, 4 décembre 1991, n° 89-21.793 (N° Lexbase : A2840ABS), Bull. civ. III, n° 298 ; Cass. civ. 3, 20 mai 1998, n° 96-14.080 (N° Lexbase : A2696ACT), Bull. civ. III, n° 105 (a contrario) ; Cass. civ. 3, 20 mars 2002, n° 99-11.745, FS-P+B (N° Lexbase : A2970AYN), Bull. civ. III, n° 69 ; Cass. civ. 3, 31 mars 2004, n° 02-19.114, F-P+B+I (N° Lexbase : A7529DBH), Bull. civ. III, n° 65, Constr.-urb. 2004, comm. n° 107, note D. Sizaire. Adde C. Brenner, De l'intérêt et de la qualité à agir en justice dans la copropriété des immeubles bâtis in Apprendre à douter, Questions de droit, Questions sur le droit, Etudes offertes à Claude Lombois, Pulim, s.d., p.179, spéc. p.187 s..
(26) M. Planiol et G. Ripert, op. et loc cit.. Voir par exemple Cass. com. 15 octobre 2002, n° 99-14.394 ([LXB=A2646A3E ]) ; Cass. com., 26 septembre 2006, n° 04-19.751, F-P+B (N° Lexbase : A3401DRE), Bull. civ. IV, n° 190 ; Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-22.090, F-D (N° Lexbase : A5514DW7) ; Cass. com., 27 février 2007, n° 04-16.700, FS-P+B (N° Lexbase : A5886DUK), Bull. civ. IV, n° 71.
(27) P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome 15, Videcoq, 1836, p. 584.
(28) H. Solus et R. Perrot, op. cit., n° 171, p. 175 ; J. Ghestin (dir.), Traité de droit civil, Le régime des créances et des dettes, LGDJ, 2005, n° 1191, p. 1217.
(29) F.-I. Dunod de Charnage, op. et loc. cit..
(30) Cass. req., 23 novembre 1820, S., 1822, 1, p. 37. Solution adoptée par la cour d'appel que le pourvoi contestait, lequel a simplement été rejeté par la Chambre des requêtes.
(31) Cass. req., 1er mai 1850, DP., 1850, 1,. P. 151 ; Cass. civ., 7 janvier 1863, D., 1863, 1, 226, S., 1863, 1, 121 ; Cass. req., 7 avril 1873, D., 1873, 1, p. 421 ;
(32) Cass. req., 3 avril 1906, S., 1907, 1, 417, note Tissier, RTDCiv., 1906, p. 677, obs. R. Demogue.
(33) Parmi une jurisprudence abondante v. Cass. civ. 1, 15 juin 1954, Bull. civ. I, n° 196 ; Cass. soc., 15 juin 1961, n° 58-51.528, Bull. civ. IV, n° 650 ; Cass. soc., 20 février 1975, n° 74-10.693 (N° Lexbase : A2369CIL), Bull. civ. V, n° 83 ; Cass. soc. 27 novembre 1980, n° 79-13.299 (N° Lexbase : A2584CKW), Bull. civ. V, n° 864, RTDCiv., 1981, n° 4, p. 448, obs, R. Perrot ; Cass. com., 1er octobre 1991, n° 89-17.604 (N° Lexbase : A3963ABE), Bull. civ. IV, n ° 269, RJDA 11/91, n° 974, RTDCiv., 1992, n° 5, p. 562 ; Cass. com., 26 juin 2002, n° 00-21.638 (N° Lexbase : A0103AZT), Bull. civ. III, n° 149, RDI, 2002, p. 419, obs. Ph. Malinvaud, RGDA, 2002, p. 728, note H. Périnet-Marquet ; Cass. civ. 3, 19 mai 2010, n° 09-12.689, FS-P+B (N° Lexbase : A3813EXI), Bull. civ. III, n° 97.
(34) V. par exemple Ch. Larroumet (dir.), Droit civil, Les obligations, Régime général, 3ème éd., Economica, 2013, n° 171, p. 172 et s., par J. François.
(35) Th. Huc, Commentaire théorique et pratique du Code civil, Tome 14, Pichon, 1902, n° 408.
(36) J. Mestre, obs. sous Cass. com., 1er octobre 1991, RTDCiv., 1992, p. 562, n° 5.
(37) Cass. com., 28 juin 1994, n° 92-13.477 (N° Lexbase : A6894ABX), Bull. civ. IV ; n° 240 ; Cass. com., 27 janvier 2015, n° 13-20.463, FS-P+B (N° Lexbase : A7175NAY). Adde P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 8ème éd., 2015-2016, n° 661-21 et la jurisprudence citée. Sur le droit positif actuel en la matière v. Ph. Casson, Rép. com. Dalloz, V° Prescription, n° 40.

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Commercial

[Brèves] Cession de fonds de commerce et préavis de rupture des relations commerciales : pas de substitution du cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que ce dernier entretenait avec un transporteur

Réf. : Cass. com., 15 septembre 2015, n° 14-17.964, FS-P+B (N° Lexbase : A3860NPN)

Lecture: 2 min

N9105BUR

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Le 25 Septembre 2015

Si l'opération de cession du fonds de commerce au locataire-gérant transfère à ce dernier la propriété des éléments du fonds cédé, elle n'a pas de plein droit substitué le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que ce dernier entretenait avec le transporteur. Dès lors, la durée du préavis dont doit bénéficier le cocontractant, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM), n'a pas à être déterminée en considération de la relation précédemment nouée avec le cédant du fonds. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 septembre 2015 (Cass. com., 15 septembre 2015, n° 14-17.964, FS-P+B N° Lexbase : A3860NPN). En l'espèce, une société, qui exploitait un fonds de commerce de négoce de boissons (la cédante), l'a donné en location-gérance à une autre société (la cessionnaire), avant de le lui céder, par acte du 30 mars 2006. Le 14 avril 2006, la cessionnaire a informé son cocontractant (le transporteur), qui assurait, depuis plusieurs années, les transports d'approvisionnement en boissons de ce fonds, de sa décision d'utiliser désormais ses propres camions pour ses approvisionnements, décision devenue effective au mois d'août suivant. Se prévalant de la durée de la relation commerciale qu'il avait entretenue avec les prédécesseurs de la cessionnaire, le transporteur l'a assignée pour rupture brutale d'une relation commerciale établie. La cour d'appel ayant rejeté la demande du transporteur (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 13 février 2014, n° 12/09668 N° Lexbase : A2303MEZ ; lire N° Lexbase : N1091BUX), celui-ci a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rejette ce pourvoi : ayant relevé que la société cessionnaire avait pris en location-gérance, à partir du 1er octobre 2005, le fonds de commerce qu'elle avait ensuite acquis par acte du 30 mars 2006, l'arrêt retient que, si cette opération a transféré à la société cessionnaire la propriété des éléments du fonds cédé, elle n'a pas de plein droit substitué le cessionnaire au cédant dans les relations contractuelles et commerciales que ce dernier entretenait avec le transporteur. En outre, s'il est établi que la cessionnaire a confié le transport de ses boissons au transporteur, pendant le temps de la location-gérance puis après l'acquisition du fonds, avant de l'informer, par lettre du 14 avril 2006, qu'elle mettait fin à leurs relations, ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que cette société ait eu l'intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée entre la cédante et le transporteur. Ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu la nature délictuelle de la responsabilité encourue sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, a exactement déduit que le préavis dont devait bénéficier le transporteur n'avait pas à être déterminé en considération de la relation précédemment nouée avec la cédante du fonds.

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Contrats et obligations

[Projet, proposition, rapport législatif] Réforme du droit des contrats : des avancées, des doutes et des critiques

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par Philippe Delebecque, Professeur à l'Université Paris 1, Panthéon Sorbonne

Le 24 Septembre 2015

Le projet de réforme dont tous les juristes parlent aujourd'hui est ambitieux, car il embrasse le droit des contrats, le droit des obligations et le droit de la preuve. C'est dire qu'il aura nécessairement un impact sur la rédaction des contrats, leur pratique et le contentieux judiciaire, d'autant plus qu'il affecte tous les contrats, qu'il s'agisse de contrats de consommation ou de contrats entre professionnels, comme le sont les contrats commerciaux, i.e. la vente, le transport, le louage d'ouvrage ou encore le contrat de mandat. En nous limitant ici à quelques observations sur les contrats et en nous réservant ainsi le droit de revenir sur les autres aspects tout aussi importants du projet concernant notamment le régime de l'obligation, on voudrait se féliciter de certaines avancées, tout en exprimant quelques doutes, pour ne pas dire quelques critiques. On relèvera, avec satisfaction, l'attention portée, dans des dispositions préliminaires ayant valeur de principes, à la liberté contractuelle (C. civ., nouv. art. 1102, reconnaissant les nombreuses dimensions du sujet), au thème de la bonne foi qui doit présider à l'exécution, mais aussi à la formation des contrats (C. civ., nouv. art. 1103), à la distinction entre les contrats de gré à gré et les contrats d'adhésion (C. civ., nouv. art. 1108), qui sous-tend la distinction entre les contrats de professionnels et les contrats de consommation, aux questions de négociation précontractuelle, partagées entre les exigences de liberté, de loyauté et de confidentialité, ainsi qu'à la promesse unilatérale de vente, enfin reconsolidée, ou au pacte de préférence que l'on s'est bien gardé, malgré quelques suggestions doctrinales maladroites, d'enfermer dans un quelconque délai et qui est désormais clairement sanctionné. On peut également se réjouir de la consécration dans les contrats d'adhésion de la règle contra proferentem (C. civ., nouv. art. 1193), si chère aux Anglais.

Il est très heureux que le législateur envisage assez largement la théorie de la représentation, en considérant comme inopposable au représenté l'acte accompli par un représentant démuni de pouvoir, en interdisant à un représentant d'agir pour le compte des deux parties ou de contracter pour son propre compte avec le représenté (C. civ., nouv. art. 1160) -dont acte pour de nombreux agents immobiliers- et accordant au tiers qui se préoccupe de l'étendue des pouvoirs du représentant une action interrogatoire (C. civ., nouv. art. 1157).

Tout aussi original et bienvenu est le droit pour le créancier victime d'une exécution imparfaite du contrat auquel il est partie, d'accepter la situation et de réduire proportionnellement le prix (C. civ., nouv. art. 1223), ce qui devrait intéresser beaucoup de praticiens. On se réjouira aussi de voir consacrer le droit pour le cocontractant victime d'une "inexécution suffisamment grave" de résilier unilatéralement le contrat. Sortir du contrat lorsque le partenaire ne joue plus du tout le jeu est une solution intelligente et qui épargne aux parties des discussions et des délais interminables.

Malgré ces évolutions satisfaisantes qui sont certainement de nature à donner au droit français des contrats le nouvel élan dont il a besoin, on se permettra d'exprimer les réserves les plus extrêmes sur deux dispositions phares du projet.

D'abord sur l'article 1169 qui transpose dans tous les contrats la théorie des clauses abusives pourtant conçues pour les contrats de consommation. Le législateur a jugé bon de consacrer la jurisprudence récente concluant à la nullité de toute clause privant de sa substance l'obligation essentielle du débiteur (C. civ., nouv. art. 1168), ce qui renforce si besoin était, les solutions qui ont interdit, notamment, aux transporteurs rapides de se dispenser de leur obligation de célérité (affaire "Chronopost"). Est-il besoin d'aller plus loin encore et de permettre au juge de "supprimer une clause qui crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au contrat", à la demande du cocontractant au détriment de laquelle elle est stipulée ? Cette atteinte à la liberté contractuelle, pourtant érigée au rang de principe directeur du droit des contrats (cf. supra), est difficilement acceptable et remet en cause la foi que l'on doit avoir dans le contrat.

Est tout aussi critiquable l'article 1196 qui revient sur la jurisprudence "Canal de Craponne" (1) et donc sur l'un des plus grands arrêts de la jurisprudence civile dont le message était particulièrement clair : aux parties -et aux seules parties- de prévoir les changements pouvant venir bouleverser l'équilibre contractuel. Le contrat doit rester la chose des parties. Le juge ou l'arbitre est simplement là pour assurer son respect et non pour le refaire.

Ne parlons pas, non plus, de l'article 1163 permettant au juge de fixer, en cas d'abus, le prix d'un contrat de distribution ! La réforme va ici au devant de contentieux bien délicats.

On aurait préféré une réforme plus ciblée, tant il est vrai que certaines questions contractuelles font difficulté (cf. caducité de l'offre ; réalité de la violence économique ; rétractation d'une promesse unilatérale de vente ; conditions de la rupture unilatérale du contrat ; jeu de la faute lourde dans les clauses d'exonération...). Ce n'est pas l'option qui a été retenue. On peut le regretter, car le contrat est l'outil le plus approprié de régulation des rapports sociaux et sa réforme, à la supposer nécessaire, passe par un bilan objectif et par une large consultation des professionnels eux-mêmes et de ceux qui pratiquent le droit des contrats, qu'ils soient ou non spécialisés.

On l'aura compris, la réforme ne va pas de soi, contrairement à ce que certains disent. Au-delà de ces brèves remarques, deux observations complémentaires méritent d'être faites.

D'abord, sur la forme, sans parler des lourdeurs de style et des répétitions :

Pourquoi confondre contrat et convention (cf. C. civ., nouv. art. 1101) ?

Pourquoi réécrire l'article 1165 (N° Lexbase : L1267ABK), référence de tous les juristes, devenu un laborieux article 1200 ?

Pourquoi parler de déséquilibre "significatif" (C. civ., nouv. art. 1169) ? "Significatif" ne renvoie pas à important, mais à ce qui exprime un sens. Le langage moderniste et consumériste ne doit pas être celui du Code civil.

Pourquoi parler de "contenu" du contrat pour désigner la théorie de l'objet qui relève des conditions de validité du contrat ? Contenu renvoie, semble-t-il, aux obligations créées par le contrat et donc à la question du dénombrement de ces obligations et à celle de l'appréciation de leur force.

Pourquoi aussi ce vocabulaire médical ? En cas d'inexécution, on ne devrait plus parler de sanction, mais de "remèdes".

Sur la portée de la réforme, ensuite.

Un sentiment de défiance envers le Code civil de 1804 transpire à travers les nouvelles dispositions. Il faut abolir la théorie de la cause, prétendument incompréhensible, tout en la maintenant au détour d'un article sur les contrats à titre onéreux (C. civ., nouv. art. 1167), détruire le "Canal de Craponne", dont l'eau est pourtant toujours limpide, consacrer et donc figer la notion d'interdépendance contractuelle (C. civ., nouv. art. 1186, al. 2) dont on ne saisit pas les limites et surtout donner au juge un pouvoir qu'il ne souhaite sans doute pas et pour lequel il n'est pas préparé.

Cet esprit donne à croire que le droit français a fait jusqu'à présent fausse route, en tout cas sur le rôle du juge dans le contrat ou sur les conditions de validité même du contrat (C. civ., art. 1108 originaire N° Lexbase : L1014AB8). On ne saurait le partager car il laisse penser à ceux -nombreux- qui ont étudié le droit civil et qui l'ont pris pour modèle que ce modèle précisément n'était pas le bon.

La richesse du monde est dans sa diversité. Les Anglais sont d'excellents juristes. Ils ont leurs méthodes, leurs juges, particulièrement reconnus, leur common law. Les Français ont leurs principes, leurs notions, leur rationalisme, qui leur viennent de l'héritage romain, du Grand siècle et du siècle des Lumières, ce qui permet, du reste, de comprendre, comme l'avait si bien dit Réné David, que le droit des contrats est devenu causaliste, lorsqu'il a cessé d'être formaliste. La famille romano-germanique est une réalité. Beaucoup s'y reconnaissent et y sont fidèles : pensons à nos amis d'Amérique du Sud, d'Afrique et du Maghreb. Ne les lâchons pas, au prétexte que la modernité n'est plus dans le droit civil. Les enjeux de la réforme ne sont pas franco-français. Ils sont beaucoup plus larges : il ne faudrait surtout pas l'oublier en ouvrant une nouvelle page du Code des contrats qui doit rester avant tout un Code civil, c'est-à-dire rationnel et prévisible.


(1) Cass. Req., 6 mars 1876, DP, 1876, 1, p.193.

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Contrats administratifs

[Doctrine] La redéfinition des critères jurisprudentiels de qualification des contrats administratifs

Lecture: 12 min

N9026BUT

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 24 Septembre 2015

Depuis maintenant une dizaine d'années, l'essentiel des évolutions qui ont marqué le droit des contrats administratifs concerne le contentieux contractuel. Ce mouvement, qui a débuté avec l'arrêt d'Assemblée "Tropic travaux signalisation" du 16 juillet 2007 (1), concerne à la fois les textes et la jurisprudence et a abouti à une véritable recomposition de la structure de ce contentieux, laquelle a fait l'objet d'une attention particulièrement soutenue de la part de la doctrine. Cette évolution n'est d'ailleurs pas achevée et l'intervention récente d'arrêts importants dans ce domaine aurait pu justifier qu'une nouvelle chronique d'actualité soit consacrée à cette question. Rappelons ainsi que dans l'arrêt d'Assemblée du 4 avril 2014 "Département-du-Tarn-et-Garonne", le Conseil d'Etat a ouvert le champ du recours en contestation de la validité du contrat à "tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses". De même, à l'occasion de l'arrêt du 27 février 2015, "Commune de Béziers" -dit arrêt "Commune de Béziers III" (2)-, le Conseil d'Etat est venu apporter d'utiles précisions concernant les conditions de la résiliation des conventions conclues entre personnes publiques relatives à l'organisation du service public ou aux modalités de réalisation en commun d'un projet d'intérêt général. C'est toutefois la question, apparemment plus classique, des critères jurisprudentiels de qualification des contrats administratifs qui sera ici traitée. Rappelons tout d'abord que ces critères n'ont vocation à s'appliquer que dans le silence de la loi. Ainsi, par exemple, les marchés publics, les contrats de délégation de service public, ou encore les contrats de partenariat public privé sont des contrats administratif par détermination de la loi. S'agissant des critères jurisprudentiels, la situation a pu longtemps paraître figée depuis que les arrêts de Section du 20 avril 1956, "Epoux Bertin et Ministre de l'Agriculture c/ Consorts Grimouard" (3) ont réhabilité le critère de l'objet du contrat. Il résulte de ces arrêts que la reconnaissance du caractère administratif d'un contrat suppose que deux critères cumulatifs soient satisfaits. D'une part, un critère organique dont il résulte qu'un contrat ne peut être administratif que si an moins l'un des cocontractants est une personne morale de droit public. D'autre part, un critère qui se présente sous une forme alternative en application duquel un contrat est administratif s'il contient une clause exorbitante du droit commun, ou s'il a pour objet l'exécution même du service public, ou s'il constitue une modalité d'exécution du service public.

Si la jurisprudence récente n'a pas bouleversé ces critères elle les a néanmoins fait évoluer de façon significative sur deux points. Tout d'abord, si le critère organique n'a pas été remis en cause, les aménagements qui lui sont apportés ont subi des modifications (I). Ensuite, le Tribunal des conflits a opéré une tentative de reformulation du critère des clauses exorbitantes (II).

I - Les évolutions concernant les aménagements au critère organique

Le critère organique est un élément essentiel de qualification des contrats administratifs. En principe, en effet, un contrat ne peut être administratif que si au moins l'une des parties signataires est une personne publique. Cette exigence s'impose, y compris lorsque l'une des personnes privées partie au contrat exerce une mission de service public et dispose de prérogatives de puissance publique (4). Mais si ce principe ne connaît pas de véritables exceptions, il fait toutefois l'objet d'aménagements qui concernent tous des hypothèses où une personne publique est en quelque sorte représentée par l'une des parties privées signataires. Ce sont ces aménagements au critère organique qui ont fait l'objet d'évolutions récentes. On peut ici identifier une nouveauté, constituée par l'intégration de la théorie de l'accessoire comme nouvel aménagement à l'exigence du critère organique (A), et un abandon concernant la solution retenue à l'occasion de l'arrêt du Tribunal des conflits "Société entreprise Peyrot" du 8 juillet 1963 (B) (5).

A - Une nouveauté : l'intégration de la théorie de l'accessoire

La théorie de l'accessoire résulte du principe civiliste accessorium sequitur principale. Jusqu'à très récemment, son utilisation en droit administratif, si elle n'était pas réellement inédite, était réservée à la seule hypothèse des contrats de cautionnement accessoires d'un marché public (6). En revanche, le Tribunal des conflits avait refusé de considérer qu'un contrat de crédit-bail emportant occupation du domaine public pouvait être considéré comme l'accessoire d'une délégation du service public (7). Selon cet arrêt, en effet, le contrat de crédit-bail ne pouvait être qualifié de contrat administratif dès lors qu'il "se borne à mettre en place une opération de financement entre deux sociétés commerciales".

Reléguée en arrière-plan et cantonnée à une hypothèse précise, la théorie de l'accessoire paraissait devoir ne pas connaître d'évolutions significatives. Pourtant, contre toute attente, le Tribunal des conflits a récemment promu cette théorie en la faisant expressément apparaître comme une dérogation possible à l'exigence du critère organique dans le considérant de principe de l'arrêt "Société d'exploitation des énergies photovoltaïques" du 8 juillet 2013 (8). Les juges ont précisé dans cette affaire que "les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public".

Si le Tribunal des conflits paraît ainsi vouloir donner une place plus importante à la théorie de l'accessoire, il est toutefois difficile de déterminer la portée du cette innovation. D'une part, en effet, les juges considèrent qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce, alors qu'il semblait, a priori, que la théorie de l'accessoire aurait pu recevoir application. Ils considèrent, en effet, qu'un contrat de raccordement d'une installation de production d'électricité photovoltaïque au réseau EDF ne peut pas être considéré comme l'accessoire d'un contrat d'achat d'électricité, lequel est un contrat administratif par détermination de la loi en vertu de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (N° Lexbase : L4327A3N), alors même que ces contrats sont indubitablement liés l'un à l'autre. D'autre part, cet arrêt est demeuré pratiquement isolé. On peut seulement relever, à ce titre, un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, concernant une fois encore un contrat d'achat d'électricité et ses liens avec une convention portant sur des travaux dans une centrale hydroélectrique (9). Mais de façon cohérente au regard de la jurisprudence du Tribunal des conflits, la cour a logiquement considéré que la théorie de l'accessoire n'avait pas lieu de s'appliquer et on voit mal, au final, dans quelle hypothèse autre que celle des contrats de cautionnement, qui ont l'a vu est admise de longue date, elle serait susceptible de recevoir application.

B - Un revirement : l'abandon de la jurisprudence "Société entreprise Peyrot"

Si l'apport de l'arrêt "Société d'exploitation des énergies photovoltaïques" s'avère finalement mineur, il en va tout autrement, en revanche, concernant l'arrêt du Tribunal des conflits du 9 mars 2015, "Rispal c/ Société des Autoroutes du Sud de la France" (10). A cette occasion, le Tribunal des conflits abandonne la solution qu'il avait retenue dans le célère arrêt "Peyrot" du 8 juillet 1963 (11). Le Tribunal des conflits avait introduit dans cette affaire la notion de travaux appartenant "par nature" à l'Etat et réalisés "pour son compte", ce qui conduisait à qualifier d'administratif un contrat passé entre deux personnes privées. Ainsi, dans l'affaire "Peyrot", le contrat conclu entre une société d'économie mixte concessionnaire d'une autoroute avec un sous-traitant a été qualifié de contrat administratif.

Si l'on pouvait penser, à l'époque, que cette solution avait vocation à s'étendre à de nombreuses hypothèses, elle est réalité demeurée cantonnée aux seuls travaux routiers et autoroutiers. Dans une affaire dont les faits sont proches de l'affaire "Rispal", le Tribunal des conflits a par exemple jugé qu'une association chargée de sélectionner l'artiste qui devra édifier une oeuvre d'art sur la place publique d'une commune ne saurait être considérée comme agissant au nom et pour le compte de cette commune (12).

Le fait même que la jurisprudence "Peyrot" était demeurée isolée et cantonnée à une hypothèse précise remettait en cause sa pertinence : si l'on peut admettre l'idée selon laquelle certaines activités appartiennent par nature à l'Etat -alors même que cette approche est susceptible de créer des incertitudes dans la qualification des contrats- on ne voit pas pourquoi cette notion ne s'appliquerait qu'au type d'activités visées par l'arrêt "Peyrot".

A l'occasion de l'arrêt "Rispal", le Tribunal des conflits, mettant un terme au splendide isolement des contrats relatifs aux travaux routiers et autoroutiers, considère "qu'une société concessionnaire d'autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut, en l'absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'Etat" et "que les litiges nés de l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire".

Toutefois, eu égard aux conséquences de ce revirement, le Tribunal des conflits décide de moduler ses effets. Il énonce ainsi "que la nature juridique d'un contrat s'appréciant à la date à laquelle il a été conclu, ceux qui l'ont été antérieurement par une société concessionnaire d'autoroute sous le régime des contrats administratifs demeurent régis par le droit public et les litiges nés de leur exécution relèvent des juridictions de l'ordre administratif". Si cette formulation manque singulièrement de clarté elle implique que la qualification des contrats signés avant le 9 mars 2015 -soit la date de lecture l'arrêt "Rispal"- ne doit pas être remise en cause.

II - La reformulation du critère des clauses exorbitantes

Dans la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'Etat, la notion de clauses exorbitantes ne se définit pas autrement qu'en opposition avec les clauses admises dans les contrats de droit privé. Désormais cette définition "en creux" (13), de la notion de clause exorbitante (A) a laissé la place, avec l'arrêt "SA Axa France IARD" du 13 octobre 2014 (14), à une définition positive, sans pour autant que cela puisse être considéré comme une révolution juridique (B).

A - Une ancienne définition "en creux" de la notion de clause exorbitante

Le critère des clauses exorbitantes est apparu à l'occasion de l'arrêt du Conseil d'Etat du 31 juillet 1912, "Société des granits porphyroïdes des Vosges" (15). Si le Conseil d'Etat ne se réfère pas expressément à cette notion dans cette célèbre décision, il considère que le contrat litigieux "avait pour objet unique des fournitures à livrer selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers". En d'autres termes, les litiges liés à l'exécution de ces contrats, qui ne contiennent aucune clause exorbitante, relèvent du juge judiciaire. Plus précisément, c'est la notion de "clause exorbitante du droit commun" qui a été constamment utilisée par le juge administratif depuis 1912.

Pourtant, le recours à cette notion présentait un certain nombre d'inconvénients, qui sont tous liés à l'absence de définition positive de la clause exorbitante du droit commun. S'il l'on s'en tient à la jurisprudence, il s'agit de clauses qui ont "pour effet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales" (16). Le Conseil d'Etat a pu également se référer à "des clauses attribuant à la puissance publique des prérogatives exorbitantes du droit commun" (17). De façon plus directe encore, un autre arrêt se réfère à "une clause qui serait illicite ou impossible à insérer dans un contrat de droit privé" (18). A contrario, ne présentent pas un caractère exorbitant du droit commun celles "qui diffèrent par leur nature de celles qui peuvent être stipulées dans un contrat analogue de droit privé" (19) ou qui imposent au cocontractant des "obligations particulières [...] dans un intérêt public" (20).

D'un point de vue théorique, cette méthode d'identification est contestable puisqu'elle paraît conférer un caractère secondaire ou subordonné au droit administratif, qui ne se définirait qu'au regard du droit privé (21). Ce procédé n'est toutefois pas inhabituel et il a le mérite d'insister clairement sur les différences entre les contrats administratifs et les contrats de droit privé. Il repose finalement sur une logique proche de celle de l'arrêt "Blanco" (22) qui définit le champ du droit administratif en opposition au droit privé.

D'un point de vue pratique, l'utilisation de cette définition est délicate et elle manque de fiabilité, ce qui est difficilement contestable. En effet, elle est entièrement dépendante du droit des obligations et de l'idée que s'en fait le juge au moment où il qualifie le contrat. Or, le droit des obligations n'est pas une matière figée. Pour ne citer qu'un exemple, une clause de résiliation unilatérale n'est plus nécessairement considérée comme une clause exorbitante du droit commun, ce qui est lié à l'évolution du droit civil des obligations qui admet aujourd'hui qu'une telle clause peut être stipulée dans un contrat de droit privé. Ainsi, lorsqu'est en cause une convention d'occupation temporaire du domaine privé, une clause permettant à la personne publique de reprendre la jouissance de l'immeuble à tout moment et pour tout motif n'est pas considérée comme une clause exorbitante du droit commun (23). En effet, la juridiction judiciaire admet la conclusion de conventions d'occupation précaire, exonérées du régime des baux commerciaux, à condition que leur caractère provisoire soit justifié par des circonstances spéciales connues des deux parties (24).

S'ajoute à cela une autre difficulté qui est liée au fait que les juges ne procèdent pas à une analyse clause par clause du contrat, mais ils prennent en compte l'équilibre général de la convention. En d'autres termes, une sujétion imposée au cocontractant privé peut être compensée par un avantage inhabituel qui lui est concédé et dans ce cas le critère ne sera pas satisfait. Ainsi, dans l'arrêt "Verrière c/ Courly" du 20 février 2008 (25), le contrat permet certes au bailleur d'utiliser librement le bien, mais en contrepartie l'ensemble des dépenses liées à l'entretien sont à sa charge. Les juges ont considéré, en conséquence, que la première clause n'avait pas de caractère exorbitant.

Comme on le voit, la définition "en creux" de la notion de clause exorbitante pose toute une série de difficultés, ce qui a conduit le Tribunal des conflits à faire le choix d'une définition positive du critère des clauses exorbitances.

B - Une nouvelle définition positive de la notion de clause exorbitante

Dans ses conclusions sur l'arrêt "SA Axa IARD", le commissaire du Gouvernement Desportes est revenu sur les difficultés liées à la notion de clause exorbitante en insistant sur le fait qu'en "se bornant à désigner cette clause comme celle qui ne se trouve pas dans les contrats de droit privé, la définition donne peu d'indications permettant de déterminer, de manière positive, l'élément objectif caractérisant l'existence d'une relation de droit public". Le commissaire du Gouvernement a alors proposé de "revenir à ce qui fait la spécificité de l'action administrative : l'accomplissement d'une mission d'intérêt général par la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique".

C'est cette nouvelle approche qui a été choisie par le Tribunal des conflits, les clauses exorbitantes se définissant alors "comme celles qui, dans un but d'intérêt général, soit confèrent à la personne publique, des prérogatives ou des avantages exorbitants, soit imposent à son cocontractant des obligations ou des sujétions exorbitantes". Ainsi, deux conditions cumulatives sont désormais nécessaires pour considérer qu'une clause est exorbitante du droit commun : elle doit nécessairement s'exercer dans un but d'intérêt général et, soit conférer "à la personne publique, des prérogatives ou des avantages exorbitants", soit imposer "à son cocontractant des obligations ou des sujétions exorbitantes".

Cette nouvelle approche permet de mieux comprendre des solutions jurisprudentielles qui, comme on l'a évoqué plus haut, sont souvent très nuancées. Si l'on revient sur l'arrêt "Verrière c/ Courly" du 20 février 2008 (26), on peut ainsi considérer que c'est aussi l'absence d'une telle finalité d'intérêt général dans une convention d'occupation précaire du domaine privé qui a conduit les juges à considérer qu'une clause dotant la collectivité publique contractante d'un pouvoir de résiliation unilatérale n'était pas exorbitante.

Il semble toutefois que cette évolution ne soit pas de nature à dissiper toutes les difficultés liées à l'utilisation du critère des clauses exorbitantes, notamment parce que le juge fait référence à la notion, centrale en droit administratif, mais éminemment imprécise, "d'intérêt général". Au final, l'intérêt pratique de la jurisprudence "SA Axa IARD" apparaît limité et il est probable que son application au cas par cas n'emportera pas d'évolutions notables sur la qualification des contrats soumis au juge administratif.

En conclusion, il apparaît que si les critères de qualification des contrats administratifs ont subi une évolution réelle, il faut plus parler de réaménagement ou de rénovation que de bouleversement. Les grandes articulations entre les critères jurisprudentiels d'identification des contrats administratifs n'ont pas évolué : le critère organique est évidemment toujours exigé, et les autres critères alternatifs liés à l'objet du contrat et à son contenu subsistent. C'est seulement dans la formulation et dans les nuances que des évolutions se sont produites. Si l'on envisage le critère organique, l'abandon de l'hypothèse très particulière et précisément délimitée visée par la jurisprudence "Peyrot" a une portée mineure. De même, l'intégration de la théorie de l'accessoire, comme aménagement possible à l'exigence du critère organique, était déjà implicitement admise et elle ne devrait pas apporter de bouleversements. La même réflexion peut être faite à propos de la reformulation du critère des clauses exorbitantes du droit commun. Il est probable, concrètement, que ces évolutions n'aboutiront ni à une extension, ni à une restriction du champ des contrats administratifs. On peut, en revanche, affirmer qu'elles procèdent d'une démarche réaliste de la part du juge et d'une volonté de reformuler les critères de façon à ce qu'ils rendent mieux compte des solutions retenues.


(1) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4715DXW), AJDA, 2007, p. 1577, chron. F. Lénica et J. Boucher, Dr. adm., 2007, repère 7, note J.-B. Auby, JCP éd. A, 2007, 2212, note F. Linditch et 2221, note M.-C. Rouault, JCP éd. G, 2007, II, 10156, note M. Ubaud-Bergeron et 10160, note B. Sellier, Rev. Lamy conc. 2007/13, n° 914, obs. Clamour, RFDA, 2007, p. 696, concl. D. Casas, RJEP, 2007, dossier 1, concl. et note P. Delvolvé.
(2) CE 3° et 8° s-s-r., 27 février 2015, n° 357028, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5134NC7), Contrats-Marchés publ., 2015, 101, note G. Eckert, Dr. adm., 2015, 40, note F. Brenet, JCP éd. A, 2015, 2183, note J. Martin.
(3) CE, Sect., 20 avril 1956, n° 98637, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8010AYC), Rec. p.167 et 168, AJDA, 1956, II, p. 272, concl. Long, chron. J. Fournier et G. Braibant, RDP, 1956, p. 869, concl. Long, note M. Waline, D., 1956, p. 433, note de A. Laubadère, Rev. Adm., 1956, p.496, note G. Liet-Veaux.
(4) CE 1° et 4° s-s-r., 15 mars 1999, n° 199889, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3778AX9), RFDA, 2002, p. 350, note F. Lichère.
(5) T. confl., 8 juillet 1963, n° 01804 (N° Lexbase : A8175BD7), Rec. p. 787, AJDA, 1963, p. 463, chron. M. Gentot et J. Fournier, D., 1963, jurispr. p. 543, concl. Lasry, note P.-L. Josse, Gaz. Pal., 1964, 2, p. 58, note Ch. Blaevoet, JCP éd. G, 1963, II, 13375, note J.-M. Auby, RDP, 1963, p. 766, concl. C. Lasry, RDP, 1964, p. 767, note Fabre et Morin.
(6) CE, Sect., 13 octobre 1972, n° 79499, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9586B78), AJDA, 1973, p. 213 ; CE, 22 mars 1974, n° 81721 (N° Lexbase : A5084B8S), Rec. p. 211.
(7) T. conf., 21 mars 2005, n° 3436 (N° Lexbase : A1187DPN), AJDA, 2005, p. 1186, note J.-.D. Dreyfus, BJCL, 2005, p. 302, concl. F. Roul, obs. B. P., BJCP, 2005, p. 241.
(8) T. confl., 8 juillet 2013, n° 3906 (N° Lexbase : A8357KID), Contrats-Marchés publ., 2013, 241, note P. Devillers, Dr. rur., 2013, 14, note P. Tifine.
(9) CAA Paris, 6ème ch., 9 mars 2015, n° 13PA01311 (N° Lexbase : A5432NPU).
(10) T. confl., 9 mars 2015, n° 3984 (N° Lexbase : A9541NCD).
(11) Préc..
(12) T. conf., 12 décembre 2001, n° C3274 (N° Lexbase : A5431NPT), Contrats Marchés publ., 2002, 66, RFDA, 2002, p. 43.
(13) Cette expression est utilisée par J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe, AJDA, 2014, p. 2180.
(14) T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963 (N° Lexbase : A6721MYL), Contrats-Marchés publ., 2014, 322, note G. Eckert, Dr. adm., 2015, 3, note F. Brenet, JCP éd. A, 2015, note H. Pauliat.
(15) CE, 31 juillet 1912, n° 30701 (N° Lexbase : A6681A7L), Rec. p. 909, concl. L Blum, RDP, 1914, p. 145, note G. Jèze.
(16) CE, Sect., 20 octobre 1950, Stein, Rec. p. 505 ; voir également T. confl., 15 novembre 1999, n° 03144 (N° Lexbase : A6678A7H), Rec. p. 478.
(17) CE, 21 janvier 1948, Société Penaroya, S., 1949, III, p. 6.
(18) CA Caen, 26 juin 2008, n° 08/00826, Loyers et Copropriété, 2008, 271, note B. Vial-Pedroletti.
(19) Cass. civ. 1, 18 février 1992, n° 90-18.826, publié (N° Lexbase : A5572AHT), Bull. civ. I, 1992, n° 59.
(20) CE, Sect., 17 décembre 1954, Rec. p. 674.
(21) Voir F. Brenet, note sur T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963, préc.
(22) T. confl., 8 février 1873, n° 00012 (N° Lexbase : A8170BDX).
(23) T. confl., 20 février 2008, n° 3623 (N° Lexbase : A3438D7H), Contrats - Marchés publ., 2008, 122, note G. Eckert.
(24) Cass. civ. 3, 14 novembre 1973, n° 72-13.043 (N° Lexbase : A6933AGU), D., 1974, p. 139 ; Cass. civ. 3, 25 mai 1977, n° 76-10.226 (N° Lexbase : A7210AG7) : Bull. civ. III, 1977, n° 220.
(25) Préc..
(26) Préc..

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Contrat de travail

[Brèves] Fin de la période d'essai avant son terme : l'employeur peut dispenser le salarié de l'exécution de son préavis en lui payant les salaires correspondants

Réf. : Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-16.713, FS-P+B (N° Lexbase : A3898NP3)

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N9100BUL

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Le 26 Septembre 2015

L'employeur qui met fin à la période d'essai avant son terme peut dispenser le salarié de l'exécution de son préavis en lui payant les salaires correspondants. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 septembre 2015 (Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-16.713, FS-P+B N° Lexbase : A3898NP3).
En l'espèce, M. G. a été engagé par la société X à compter du 15 mars 2010, avec une période d'essai de quatre mois. Cette période d'essai ayant été prolongée pour une nouvelle durée de quatre mois, elle devait s'achever le 14 novembre 2010. Mais, par courrier du 13 octobre 2010, la société a informé le salarié qu'elle mettait fin à la période d'essai et le dispensait de l'exécution de son "préavis" prenant fin le 2 décembre 2010. Estimant que la rupture du contrat s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes.
Pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre tant de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, la cour d'appel de Versailles, par un arrêt rendu le 12 mars 2014, retient que l'employeur a respecté les prescriptions de l'article L. 1221-25 du Code du travail (N° Lexbase : L5804I3D) relatives au délai de prévenance, que les dispositions de l'article 14 de la Convention collective Syntec (N° Lexbase : X0585AEE), fixant la durée du préavis et aboutissant à un dépassement de la période d'essai légale ne peuvent s'appliquer, de sorte que la rupture intervenue le 2 décembre 2010 au lieu du 15 novembre s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'arrêt sera censuré sur ce point par la Haute juridiction au visa de l'article L. 1221-25 du Code du travail : en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait mis fin à la période d'essai avant son terme et avait dispensé le salarié de l'exécution de son "préavis" lequel avait été réglé, la cour d'appel a violé le texte susvisé .

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Contrat de travail

[Brèves] Travail à temps partiel : le contrat doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle de travail

Réf. : Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-10.291, FS-P+B (N° Lexbase : A3790NP3)

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N9099BUK

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Le 25 Septembre 2015

Il résulte de l'article L. 3123-14 du Code du travail (N° Lexbase : L0679IXG) que, si le contrat de travail à temps partiel des salariés des associations et entreprises d'aide à domicile peut ne pas mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, il doit néanmoins mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle de travail. Telle est la solution d'un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 16 septembre 2015 (Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-10.291, FS-P+B N° Lexbase : A3790NP3).
En l'espèce, Mme L. a été engagée le 10 janvier 2010 par Mme B. en qualité d'auxiliaire de vie selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. Le 25 novembre 2010, l'employeur a demandé à son expert-comptable d'établir les documents de rupture du contrat de travail consécutifs à la démission de la salariée à la date du 30 novembre 2010 et a, le 9 décembre 2010, convoqué cette dernière à un entretien fixé au 20 décembre suivant en vue d'une rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail. Mme L. ne s'est pas présentée à cet entretien et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
La cour d'appel (CA Versailles, 27 mars 2013, n° 12/00323 N° Lexbase : A0777KBE) l'ayant déboutée de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, la salariée a formé un pourvoi en cassation qui sera accueilli par la Haute juridiction.
En effet, celle-ci, au visa de l'article L. 3123-14 du Code du travail, énonce que la cour d'appel, après avoir constaté que le contrat de travail stipulait une durée hebdomadaire de travail pouvant varier entre 10 et 30 heures, retient que pour les entreprises d'aide à domicile, il suffit que soit mentionnée au contrat la durée hebdomadaire ou mensuelle garantie au salarié, et que tel est le cas en l'espèce, la durée hebdomadaire garantie à l'intéressée ayant été fixée à 10 heures dans le contrat. Or, en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail ne mentionnait pas la durée exacte de travail convenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0470ETL).

newsid:449099

Contrôle fiscal

[Brèves] Conformité à la Constitution de l'amende pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger

Réf. : Cons. const., 17 septembre 2015, n° 2015-481 QPC (N° Lexbase : A2348NPN)

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Le 24 Septembre 2015

Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 17 septembre 2015, a déclaré conforme à la Constitution le IV de l'article 1736 du CGI (N° Lexbase : L9148I8C), relatif à l'amende pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (Cons. const., 17 septembre 2015, n° 2015-481 QPC N° Lexbase : A2348NPN). Les dispositions de cet article répriment d'une amende forfaitaire d'un montant de 1 500 euros le défaut de déclaration annuelle de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger, montant porté à 10 000 euros lorsque le compte est ouvert dans un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Les requérants soutenaient alors que l'amende instituée par les dispositions contestées méconnaissait les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel a donc écarté ces griefs en jugeant, d'une part, que le législateur a, s'agissant du manquement à une obligation déclarative poursuivant l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, instauré des sanctions dont la nature est liée à celle de l'infraction et qui, même par le cumul d'amendes qu'elles permettent, ne sont pas manifestement disproportionnées à la gravité des faits qu'il entend réprimer. D'autre part, il a relevé que la loi elle-même (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 N° Lexbase : L3784IC7) a assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés en prévoyant deux montants forfaitaires distincts, selon que l'Etat ou le territoire dans lequel le compte est ouvert a ou non conclu une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Après avoir relevé que le juge exerce son plein contrôle sur les agissements commis par le contribuable, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines .

newsid:449035

Copropriété

[Brèves] Régularisation des pouvoirs du syndic qui a agi en justice au nom du syndicat sans mandat

Réf. : Cass. civ. 3, 16 septembre 2015, n° 14-16.106, F-S P+B+I (N° Lexbase : A1089NPZ)

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N9029BUX

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Le 24 Septembre 2015

La régularisation des pouvoirs du syndic qui a agi en justice au nom du syndicat sans mandat ne peut intervenir après l'expiration du délai d'appel. Telle est la solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 septembre 2015 (Cass. civ. 3, 16 septembre 2015, n° 14-16.106 N° Lexbase : A1089NPZ). En l'espèce, dans l'instance introduite par les consorts Y-Z contre le syndicat des copropriétaires en annulation de la cinquième décision de l'assemblée générale du 22 janvier 2010, la société D. avait relevé appel au nom du syndicat du jugement ayant accueilli la demande ; les consorts Y-Z avaient invoqué l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 25 octobre 2011, pour défaut de pouvoir de la société D. Le syndicat faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris de le dire irrecevable, faisant valoir que l'action introduite au nom du syndicat des copropriétaires par une personne qui ne pouvait agir comme représentant de celui-ci est régularisée lorsque cette personne acquiert la qualité de syndic dans le cours de la procédure et est habilitée à exercer l'action (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 29 janvier 2014, n° 11/19137 N° Lexbase : A1819MDQ). En vain. La Cour de cassation, après avoir énoncé la règle précitée, approuve la cour d'appel qui, ayant relevé que l'assemblée générale du 27 janvier 2010 avait donné mandat à la société D. jusqu'au 31 décembre 2010, que l'assemblée générale du 5 juillet 2012 avait donné, rétroactivement, un nouveau mandat à cette société et qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue entre le 27 janvier 2010 et le 5 juillet 2012, avait retenu, à bon droit, que l'appel formé le 25 octobre 2011 par la société D. au nom du syndicat alors qu'elle était dépourvue de mandat était nul d'une nullité de fond et que la nullité n'avait pas été couverte (cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E8080ETG).

newsid:449029

Douanes

[Brèves] Conformité partielle à la Constitution des tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes portant sur les déchets non dangereux

Réf. : Cons. const., 17 septembre 2015, n° 2015-482 QPC (N° Lexbase : A2349NPP)

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N9036BU9

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Le 24 Septembre 2015

Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 17 septembre 2015, a déclaré partiellement conforme à la Constitution le tableau du a) du A du 1 de l'article 266 nonies du Code des douanes (N° Lexbase : L1911IZS), relatif aux tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes portant sur les déchets non dangereux (Cons. const., 17 septembre 2015, n° 2015-482 QPC N° Lexbase : A2349NPP). Les dispositions de ce tableau fixent les tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes applicables aux déchets non dangereux qui sont réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux. La société requérante faisait notamment valoir que les tarifs plus favorables prévus par le tableau en cause au profit des installations produisant et valorisant le biogaz, y compris lorsqu'elles réceptionnent des déchets insusceptibles d'en produire, méconnaissaient le principe d'égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel, qui a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution, a relevé qu'en prévoyant des tarifs plus avantageux pour les déchets susceptibles de produire du biogaz lorsqu'ils sont réceptionnés par les installations de stockage produisant et valorisant le biogaz, le législateur a institué une différence de traitement en adéquation avec l'objectif d'intérêt général poursuivi qui consiste à favoriser la valorisation des déchets au moyen de la production de biogaz. La Cour suprême a, en revanche, jugé que l'application des tarifs réduits prévus par les dispositions contestées du tableau aux déchets insusceptibles de produire du biogaz entraînerait une différence de traitement sans rapport direct avec l'objet de la loi. Elle en a déduit que ces tarifs réduits ne sauraient être appliqués aux déchets insusceptibles de produire du biogaz réceptionnés par les installations produisant et valorisant le biogaz.

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Fiscalité des dividendes : nouvelle étape dans l'harmonisation européenne et nouvelles perspectives pour l'intégration fiscale

Réf. : CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14 (N° Lexbase : A3750NN9)

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N9065BUB

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par David Chrétien, Tax Partner - Financial Services, Mazars Avocats

Le 05 Février 2021


Est contraire au droit de l'Union la législation française relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre Etat membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option. Telle est la solution dégagée par la CJUE dans un arrêt rendu le 2 septembre 2015 (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14).


 

Au cas présent, une SCA est la mère, d'une part, de filiales françaises, avec lesquelles elle a constitué un groupe fiscalement intégré, et, d'autre part, de filiales résidentes de pays membres de l'Union européenne et dont elle perçoit des dividendes.

Bénéficiant du régime « mère et filiale », la SCA avait procédé à la déduction fiscale de dividendes, moyennant la réintégration fiscale d'une quote-part de frais et charges de 5 % (QPFC) [1]. Prenant néanmoins une position très en pointe sur ce sujet, la SCA a réclamé à l'administration fiscale, non pas un élargissement de son intégration fiscale à ses filiales de l'UE, mais la restitution de la fraction d'impôt sur les sociétés (et ses contributions additionnelles) ainsi acquittée résultant de la réintégration de la QPFC afférente aux dividendes versés par ces dernières. L'argument avancé porte sur une atteinte du principe européen de liberté d'établissement [2] qui résulterait du fait que seule la détention de filiales françaises, seules éligibles à une entrée dans une intégration fiscale, permet une exonération de QPFC, à la différence d'une participation dans une filiale de l'UE.

Evincée par l'administration, déboutée par le tribunal administratif, la SCA trouva en appel une oreille sensible à la difficulté juridique posée ; la cour administrative d'appel de Versailles formula, en conséquence, une question préjudicielle à la CJUE [3] consistant à examiner si la liberté d'établissement prévue par le droit européen s'oppose à ce que la législation française de l'intégration fiscale réserve la neutralisation et l'exonération fiscale de la QPFC afférente, aux seuls dividendes reçus des sociétés résidentes françaises.

La CJUE a retenu qu'une infraction à la liberté d'établissement était bien caractérisée, ouvrant ainsi la voie à la réclamation de la société, ainsi qu'à une probable réforme de l'intégration fiscale (II). Nous analyserons préalablement les dispositions concernées et les principes jurisprudentiels (I).

I - Dispositions nationales fiscales concernées et principes jurisprudentiels européens

A - Les dispositions nationales fiscales concernées

 

Lorsque ses conditions d'application sont réunies, l'application du régime « mère et filiale » (CGI, art. 145 et art. 216 pris pour la transposition de la Directive européenne sur les sociétés mères et filiales [4] permet la déduction fiscale d'un dividende moyennant une réfaction de 5 % opérée sur le montant du produit de participation perçu (crédit d'impôt compris).

Si l'on postule que la perception d'un produit fiscalement exonéré ne doit pas permettre la déduction des charges qui en ont permis l'acquisition, la réintégration fiscale de la QPFC requise par le régime « mère et filiale » incarne une mesure « d'équilibre » avec l'exonération des produits de participation qu'il permet par ailleurs.

Les frais et charges à réintégrer fiscalement sont estimés forfaitairement selon une quote-part de 5 % du produit net tiré d'une participation éligible au régime « mère et filiale » [5].

À titre de mesure de faveur, le régime de l'intégration fiscale prévoit, lui, que la QPFC afférente aux dividendes versés au sein d'un groupe fiscal par une filiale distributrice après sa première année d'appartenance au groupe et éligibles au régime « mère et filiale » doit être neutralisée, c'est-à-dire que le montant de QPFC réintégré dans le résultat imposable individuel d'une société membre de l'intégration qui bénéficie d'un dividende intragroupe doit être déduit pour le calcul du résultat imposable de l'ensemble du groupe intégré [6].

La règle de neutralisation des QPFC afférentes aux dividendes intragroupes peut donc être perçue comme une disposition favorable propre au régime de l'intégration fiscale, par-delà ses objectifs essentiels de consolidation des bénéfices et déficits fiscaux dans le groupe et de neutralité fiscale des transactions intragroupes.

Comme telle, cette mesure ne peut aucunement bénéficier à une distribution de dividendes provenant d'une filiale étrangère, et notamment de l'UE, à qui toute option en faveur de l'entrée dans une intégration fiscale est refusée.

Rappelons qu'à l'époque des faits, et encore maintenant après les différentes réformes du régime de l'intégration fiscale [7] impliquées ou appelées par la jurisprudence de la CJUE [8], seules les sociétés françaises (et les établissements stables français de sociétés non-françaises de l'UE) peuvent être membres d'une intégration fiscale.

Face à la prétention de la SCA, l'administration maintenait une ligne de défense selon laquelle il ne pouvait pas y avoir lieu à une discrimination blâmable au regard du droit européen, et notamment son principe de liberté d'établissement, dès lors que toutes les sociétés françaises ne font pas nécessairement partie de tels groupes intégrés, même quand elles y sont éligibles, et que, en conséquence, les dividendes qu'elles distribuent obligent leur société mère à la réintégration d'une QPFC en cas d'application du régime « mère et filiale ».

La neutralisation de la QPFC ne pouvait être jugée qu'au regard de principes issus de la jurisprudence de la CJUE sur la liberté d'établissement.

B - Le contexte jurisprudentiel communautaire

La décision rendue par la CJUE marque une illustration de la portée de la liberté d'établissement, à laquelle des restrictions avaient été reconnues comme justifiées par la Cour dans certaines jurisprudences antérieures.

En particulier, ayant à statuer sur la législation néerlandaise sur l'intégration fiscale, la CJUE avait admis une restriction à la liberté d'établissement dans une décision de 2010 au nom d'un motif d'intérêt général de préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les États membres [9].

Dans ce même arrêt de 2010, la Cour avait également conféré une certaine autonomie aux motifs admis pour apporter une restriction à la liberté d'établissement (1°, la nécessité de prévenir le risque d'évasion fiscale ; 2°, la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal et ; 3°, la répartition du pouvoir d'imposition entre les États membres de l'UE).

Dans le cadre de l'affaire commentée, la Cour maintient une analyse par laquelle les différents types de restriction possibles sont étudiées indépendamment et est amenée à se pencher, en particulier, sur la discrimination introduite par l'intégration fiscale et la neutralisation de la QPFC au regard du maintien de la cohérence du système fiscal et de la répartition du pouvoir d'imposer entre les États membres.

La Cour retient d'abord que la situation de sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré est comparable à celle des sociétés n'appartenant pas à un tel groupe ; en effet, à ses yeux, dans les deux cas, une société mère supporte des charges liées à la gestion de sa participation dans sa filiale et, par ailleurs, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l'objet d'une double imposition économique ou d'une imposition en chaîne.

Poursuivant, la CJUE indique qu'il n'existe pas de principe général d'exclusion des sociétés filiales non-résidentes du bénéfice des différents avantages attachés à un régime fiscal de groupe [10] ; ces différents avantages doivent, par ailleurs, être envisagés distinctement.

Après ce postulat prometteur, on pouvait craindre néanmoins que l' « appel d'air » en faveur d'une totale harmonisation d'un régime fiscal de groupe transfrontalier soit limité dès lors que, d'une part, dans l'arrêt du 25 février 2010, la Cour avait retenu qu'un État membre est libre d'interdire l'accès des sociétés non-résidentes à son régime fiscal de groupe compte tenu de la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les États membres de l'UE [11] et, d'autre part, conformément à sa jurisprudence du 27 novembre 2008 [12], une restriction à la liberté d'établissement peut être admise en particulier lorsque les désavantages infligés aux société mères dans le cadre du régime français de l'intégration fiscale résultent de la circonstance que leurs filiales sont établies dans un autre État membre.

En l'occurrence, la Cour fait pencher la balance en faveur de la liberté d'établissement, sans que la répartition équilibrée du pouvoir d'imposer entre les États soit en cause (puisque le seul flux financier concerné consiste en des dividendes entrant et, donc, au seul droit d'imposer de la France) et sans que la cohérence du système fiscal soit menacée au point de restreindre la liberté d'établissement.

II - Perspectives ouvertes par l'arrêt du 2 septembre 2015

A - Quelles perspectives de réforme de la fiscalité des dividendes ou de l'intégration fiscale ?

Reconnue contraire à la liberté européenne d'établissement, la législation française sur l'intégration fiscale est vouée à être modifiée, à tout le moins [13], en ce qui concerne cette discrimination reconnue injustifiée sur la neutralisation de la QPFC réservée aux groupes fiscalement intégrés et, donc, aux seules distributions entre sociétés françaises.

En première analyse, deux voies s'offrent au législateur pour réformer le régime de l'intégration fiscale.

Il peut être envisagé, en premier lieu, de remettre en cause l'exonération dont bénéficient les sociétés mères françaises d'un groupe fiscal intégré en supprimant le principe de neutralisation de la QPFC au sein des groupes intégrés [14]. Dans ce cadre, la QPFC resterait l'attribut du régime « mère et filiale », lequel bénéficie dans les mêmes conditions à des dividendes provenant de filiales françaises et de filiales implantées dans l'UE. La difficulté de cette option est le surcoût fiscal pour les groupes fiscaux intégrés pour lesquels, en pratique, la neutralisation de la QPFC est parfois le premier avantage recherché dans la mise en œuvre de l'intégration fiscale.

Dans le sens opposé, une généralisation de la neutralisation de la QPFC aux dividendes versés par des sociétés résidant dans l'UE et revenant à des sociétés, françaises, membres d'une intégration fiscale pourrait apparaître comme une alternative. Le législateur aurait beau jeu, néanmoins, de limiter cette extension aux seules filiales de l'UE détenues, directement ou indirectement, à au moins 95 % par une société mère intégrante française ou une entité mère non-résidente (EMNR), dans le cadre de l'intégration fiscale « horizontale ». Le surcoût financier serait alors pour les finances de l'Etat.

De manière plus prospective encore, certaines voix considèrent une modification de la portée du régime de l'intégration fiscale pour qu'elle permette une consolidation plus approfondie, au sein de laquelle une neutralisation bénéficierait aux remontées de produits de participation, en tant que telle, et à l'instar du régime de groupe fiscal aux Pays-Bas.

On le voit, la réflexion peut donc s'engager dans diverses directions mais une certaine urgence existe pour cette réforme. La forme et la portée qu'elle prendra (rétroactivité ?... limitée à 2015 ? nouveau dispositif ?) restent à déterminer.

B - Quelle réclamation fiscale ?

L'impossibilité juridique de neutraliser une QPFC afférente à des dividendes de source UE perçus par une société membre d'une intégration fiscale ayant été reconnue, le surcroît d'IS et de contributions additionnelles correspondant pourra faire l'objet d'une réclamation auprès de l'administration.

En effet, il est de principe que les contribuables peuvent demander la décharge ou la réduction d'impositions, en se fondant sur le fait qu'une disposition, ayant initialement reçu application, s'avère non-conforme à une règle de droit supérieure, et notamment à une règle du droit de l'Union européenne.

La Cour n'ayant assorti sa décision d'aucune limite temporelle, les contribuables n'ayant pas encore réclamé la décharge des impositions relatives à la QPFC sur les dividendes perçus de sociétés résidentes de l'Union européenne et détenues à 95 % par une société française peuvent le faire dans les délais habituellement applicables en la matière.

Rappelons à ce sujet que l'arrêt du 2 septembre 2015 de la CJUE, même s'il révèle la non-conformité de l'article 223 B du CGI avec le droit européen, n'est pas de nature à ré-ouvrir un délai pour agir en réclamation ; ce délai court donc selon les règles ordinaires, à compter de la date de versement de l'IS concerné.

En l'occurrence, le délai, de droit commun pour agir, expirant le 31 décembre de la 2nde année suivant celle au cours de laquelle l'IS et ses contributions ont été versés, il sera possible de réclamer, avant le 31 décembre 2015, à l'encontre des exercices 2012 et suivants [15], pour les entités dont l'exercice coïncide avec l'année civile. Pour les groupes intégrés fiscalement déficitaires, la période répétible pourra s'étendre sur toute la période d'intégration marquée par l'existence de déficits reportables.

 

[1] CGI, art. 216 (N° Lexbase : L3998HLN), dans sa rédaction applicable à l'époque des faits : « I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145 du CGI (N° Lexbase : L4714I7Q), touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges.

La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ».

[2] TFUE, art. 49 (N° Lexbase : L2697IPL) : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un État membre ».

[3] CAA de Versailles, 29 juillet 2014, n° 12VE03691 (N° Lexbase : A7124MYI).

[4] Directive 90/435/CEE, du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (N° Lexbase : L7669AUL), notamment son article 4 : « 1. Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère :

- soit s'abstient d'imposer ces bénéfices,

- [...]

2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale ».

[5] L'article 10, de la loi n° 2010-1657, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ), a supprimé la possibilité qui existait antérieurement de plafonner la réintégration fiscale aux montants réel des frais et charges de toutes natures supportés par une société-mère.

[6] CGI, art. 223 B, al. 2, dans sa rédaction actuelle (N° Lexbase : L4695I7Z) : « Le résultat d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire, d'une société étrangère ou de l'entité mère non résidente pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa »Le 3ème alinéa de l'article 223 B du CGI dispose que, s'ils n'ouvrent pas droit à l'application du régime "mère et filiale" (et sont donc à inclure dans le résultat imposable d'une société du groupe bénéficiant d'une distribution intragroupe), les produits des participations sont in fine totalement retranchés du résultat imposable d'ensemble.

[7] Instauration de l'intégration fiscale « verticale » par l'article 33, de la loi n° 2009-1674, de finances rectificative pour 2009 (N° Lexbase : L1817IGE) et de l'intégration fiscale « horizontale » par l'article 63 de la loi 2014 n° 2014-1655, de finances rectificative pour 2014 (N° Lexbase : L2844I7H).

[8] Notamment : CJCE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07, Société Papillon c/ Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique (N° Lexbase : A4435EBU) ; CJUE, 12 juin 2014, aff. C-39/13, C-40/13 et C-41/13,  Inspecteur van de Belastingdienst/Noord/kantoor Groningen c/ SCA Group Holding BV (N° Lexbase : A2810MRI).

[9] Ce motif légitime de restriction à la liberté d'établissement avait été antérieurement reconnu et illustré par deux arrêts (CJCE, 13 décembre 2005, aff. C-446/03 N° Lexbase : A9386DL9 et CJCE, 18 juillet 2007, aff. C-231/05 N° Lexbase : A4373DXA) qui refusent de laisser aux sociétés la faculté d'opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l'Etat membre où elles ont implanté un établissement, cette faculté par laquelle compromettrait gravement une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les États membres.

[10] Point 27 de l'arrêt.

[11] Points 31 à 33 de l'arrêt.

[12] CJUE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07, points 15 à 32.

[13] On réserve ici la perspective d'une extension de la portée de cet arrêt aux autres mesures de faveur de l'intégration fiscale (neutralité des abandons de créances et subventions, ainsi que des transferts d'immobilisations, atténuation du "rabot" et du régime de sous-capitalisation,...).

[14] Une telle perspective amènerait à s'interroger sur la portée d'une telle remise en cause, notamment si elle devait s'accompagner de l'usage de la procédure européenne de contestation des aides d'Etat (TFUE art. 107 N° Lexbase : L2404IPQ et 108 N° Lexbase : L2405IPR).

[15] Pour l'IS 2012 payé en 2013, on ne peut exclure un risque de discussion avec l'administration qui pourrait chercher à s'appuyer sur l'article L. 190, al. 4 et 5 du LPF (N° Lexbase : L9530IYM), pour invoquer une prescription le concernant.

newsid:449065

[Brèves] Cautionnement : les articles 1326 du Code civil, L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, relatifs aux mentions manuscrites, ne sont pas des lois de police

Réf. : Cass. civ. 1, 16 septembre 2015, n° 14-10.373, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0452NPG)

Lecture: 2 min

N9027BUU

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Le 24 Septembre 2015

Ni l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT), qui fait obligation à la partie qui s'engage seule envers une autre à lui payer une somme d'argent de porter sur le titre constatant cet engagement sa signature ainsi qu'une mention écrite par elle-même de la somme en toutes lettres et en chiffres, ni les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation, lesquels imposent à la personne physique qui se porte caution envers un créancier professionnel de faire précéder sa signature d'une mention manuscrite, les mentions prévues par ces textes étant destinées à assurer une meilleure protection de la personne qui s'engage, ne sont des lois dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable, et de constituer une loi de police. Tel est le principe énoncé par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 16 septembre 2015, n° 14-10.373, FS-P+B+I N° Lexbase : A0452NPG). En l'espèce, une banque ayant son siège en Italie a accordé à un résidant italien un prêt dont un résidant français s'est rendu caution par acte séparé, conclu en Italie. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné l'emprunteur et la caution en paiement des sommes restant dues. Enonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel au visa des articles 3 (N° Lexbase : L2228AB7) et 1326 du Code civil, L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation et de l'article 7, § 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 (N° Lexbase : L1180ASI). Elle censure, également l'arrêt d'appel en ce que, pour déclarer la loi française applicable au contrat de cautionnement, il a retenu que le cautionnement est un contrat autonome et que c'est bien avec la France que le contrat litigieux présentait les liens les plus étroits, dès lors que la caution y résidait lors de sa conclusion et que la prestation était susceptible d'y être exécutée en cas de défaillance du débiteur principal. En effet, la Cour estime qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de cautionnement litigieux, rédigé en italien, avait été conclu en Italie, que le prêteur avait son siège dans ce pays, que l'emprunteur y avait sa résidence habituelle et que le contrat de prêt dont l'acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne, ce dont il résultait que le contrat de cautionnement en cause présentait des liens plus étroits avec l'Italie qu'avec la France, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de Rome. Au demeurant, la Cour de cassation rappelle également qu'il incombe au juge français saisi d'une demande d'application d'un droit étranger de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, et de l'appliquer (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7158A8M et N° Lexbase : E7870AGL).

newsid:449027

Marchés publics

[Brèves] Relèvement du seuil de dispense de procédure à 25 000 euros

Réf. : Décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015, modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics (N° Lexbase : L7398KHH)

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N9121BUD

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Le 25 Septembre 2015

Le décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015, modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics (N° Lexbase : L7398KHH), a été publié au Journal officiel du 20 septembre 2015. Tirant les conséquences de la décision n° 2015-257 L du Conseil constitutionnel reconnaissant le caractère réglementaire du seuil de dispense de procédure contenu à l'article 19-1 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (N° Lexbase : L8653AGL) (Cons. const., décision du 13 août 2015 N° Lexbase : A2667NN4), il procède au relèvement du seuil de dispense de procédure des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices à 25 000 euros HT, tout en garantissant, en dessous de ce seuil, le respect des principes fondamentaux de la commande publique. Il met en cohérence les autres dispositions comportant également des seuils (seuil au-delà duquel un contrat revêt la forme écrite, seuil de publicité et seuil de notification du contrat, qui sont également fixés à 25 000 euros HT). Entrant en vigueur le 1er octobre 2015, les dispositions du décret sont applicables aux contrats en vue desquels une consultation est engagée ou un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication postérieurement à sa date d'entrée en vigueur.

newsid:449121

Procédure administrative

[Brèves] Modification de dispositions du Code de justice administrative relatives au Conseil d'Etat et aux juridictions administratives

Réf. : Décret n° 2015-1145 du 15 septembre 2015, modifiant le Code de justice administrative (partie réglementaire) (N° Lexbase : L7150KHB)

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N9124BUH

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Le 26 Septembre 2015

Le décret n° 2015-1145 du 15 septembre 2015, modifiant le Code de justice administrative (partie réglementaire) (N° Lexbase : L7150KHB), a été publié au Journal officiel du 17 septembre 2015. Le titre Ier du décret comprend des dispositions diverses relatives à la composition des sections administratives et de la commission permanente du Conseil d'Etat, à la qualité et à la nomination des commissaires du Gouvernement devant les sections administratives, aux modalités de délégation dans un tribunal administratif dont les effectifs nécessitent un renforcement ponctuel d'un magistrat affecté auprès d'une autre juridiction, à la date à laquelle s'apprécie la condition d'absence de cessation d'activité de deux ans pour être inscrit au tableau des experts, aux conditions d'inscription ou de réinscription au tableau des experts, aux pouvoirs des premiers vice-présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en matière d'ordonnances. Le titre II comprend des dispositions applicables aux tribunaux administratifs d'outre-mer : ceux portant le nom de la ville où ils siègent changent de dénomination et deviennent le tribunal administratif de Guadeloupe, le tribunal administratif de la Guyane, le tribunal administratif de La Réunion, le tribunal administratif de Martinique et le tribunal administratif de Wallis-et-Futuna. Enfin, le titre III comporte des dispositions modifiant l'article 6 du décret n° 2012-1437 du 21 décembre 2012, relatif à la communication électronique devant le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (N° Lexbase : L7386IU4), fixant l'entrée en vigueur de ce décret, pour les juridictions d'outre-mer, au 31 décembre 2016.

newsid:449124

Procédure pénale

[Brèves] Application immédiate des nouvelles dispositions relatives à la possibilité de réduction de peine pour les personnes atteintes au moment des faits d'un trouble ayant altéré leur discernement

Réf. : Cass. crim., 15 septembre 2015, n° 14-86.135, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9770NN8)

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N9042BUG

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Le 24 Septembre 2015

Les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Ainsi, l'article 122-1, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L9867I3T), qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (N° Lexbase : L0488I4T), retient que si la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement, encourt une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers, est applicable à la situation en cours. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 15 septembre 2015 (Cass. crim., 15 septembre 2015, n° 14-86.135, FS-P+B+I N° Lexbase : A9770NN8). En l'espèce, la cour d'appel, pour confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, par conjoint, avec usage d'une arme et avec préméditation, n'a pas examiné la situation au regard des dispositions plus favorables de l'article 122-1, alinéa 2, du Code pénal, entré en vigueur le 1er octobre 2014. La Haute cour censure la décision des juges d'appel, après avoir rappelé les principes sus évoqués, et décide qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à un nouvel examen de l'affaire, au regard de ces dispositions plus favorables .

newsid:449042

Social général

[Projet, proposition, rapport législatif] Réformer le droit du travail - présentation critique du rapport "Barthélémy - Cette"

Réf. : Rapport "Barthélémy - Cette", septembre 2015

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N9030BUY

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 24 Septembre 2015

Alors qu'est publié le rapport "Combrexelle", dont Gilles Auzero assure la présentation dans ce numéro (1) et qui préfigure l'architecture de la réforme du droit du travail qui pourrait intervenir courant 2016, l'avocat Jacques Barthélémy et l'économiste Gilbert Cette publient, avec quelques jours d'avance, leur "Réformer le droit du travail" (2). Cet autre rapport, commandé par le think tank Terra Nova (3), fait suite aux travaux menés par ces deux auteurs bien connus, qui avaient déjà présentés, séparément (4) ou ensemble (5), différentes analyses et propositions pour réformer le droit du travail. Le point de départ de ces réflexions est aujourd'hui le même pour tous les rapports, celui de l'inefficacité économique du droit du travail actuel (6) et de son incapacité à régler la question du chômage. Sont notamment stigmatisées la complexité des lois du travail (7) et leur trop grande généralité qui empêchent l'application de normes adaptées aux différentes catégories de salariés, qui n'ont pas tous les mêmes besoins, au mépris de la variétés des situations locales, et au détriment notamment de la négociation collective, qui ne dispose pas de la place qui devrait être la sienne. Selon les auteurs, l'état actuel du droit du travail nuirait au dynamisme économique et contribuerait à un chômage structurellement élevé et souvent de longue durée, ainsi qu'aux difficultés d'insertion sur le marché du travail qui frappent en particulier les jeunes et travailleurs les plus âgés. Pire, le droit du travail se retournerait contre ceux qu'il est censé protéger en ne traitant pas de manière suffisamment efficace les travailleurs qui rencontrent les plus grandes difficultés d'accès à l'emploi. L'objectif poursuivi par les auteurs est alors double : améliorer l'efficacité économique du droit du travail et assurer aux salariés une véritable protection. Le rapport repose sur deux axes (I). Le premier concerne les sources du droit du travail et vise à renforcer le rôle de la négociation collective en prolongeant les réformes engagées par les lois n° 2004-391, du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8) et n° 2008-789, du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ), et à assurer le primat de l'accord d'entreprise sur les accords de branche, la loi et le règlement. Le second concerne l'objet même du droit du travail et propose des modifications importantes de règles existantes dans les domaines les plus variés. Reste à apprécier les propositions du rapport qui sont intéressantes, même si elles reposent sur un pari, celui de la capacité des partenaires sociaux au niveau des entreprises à se substituer effectivement au pouvoir étatique, dont on n'est pas certain qu'il puisse être gagnant (II).
I - Présentation des axes du rapport

A - Priorité donnée à l'accord d'entreprise

Etendre la subsidiarité du droit étatique. La loi du 4 mai 2004 avait fait prévaloir, par principe, l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, tout en réservant l'application de ce dernier lorsque les partenaires sociaux le décident, et sous réserve de points qui échappent au primat de l'accord de branche (salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires et mutualisation des fonds de la formation professionnelle (8)). La loi du 20 août 2008 avait été un peu plus loin, en matière de durée du travail, en affirmant, sans réserves, le primat de l'accord d'entreprise et la subsidiarité de l'accord de branche, dans des hypothèses précisément visées par le législateur (9).

C'est cette subsidiarité que le rapport se propose de généraliser, d'étendre "massivement", au-delà donc des cas introduits en 2008 en matière de durée du travail.

Le nouveau dispositif ne ferait, bien entendu, pas disparaître l'ordre public légal (absolu), mais une réflexion sur son domaine serait menée avec les partenaires sociaux pour en définir plus précisément, et plus strictement, le périmètre, car il ne saurait, bien entendu, question d'admettre ici la moindre dérogation, ou la moindre subsidiarité. Il s'agirait, pour les auteurs, de protéger les droits fondamentaux et les engagements internationaux de la France, mais aussi les principes pour lesquels les partenaires sociaux souhaiteraient qu'ils demeurassent en dehors du champ de la dérogation.

Etendre l'exigence majoritaire. En contrepoint de ce renforcement de l'autorité s'attachant aux accords d'entreprise, les auteurs proposent de consacrer la condition de majorité, selon un périmètre restant encore à définir, alors que, depuis 2008 le seuil de validité de l'accord avait été fixé, d'une manière générale, à 30 % des suffrages exprimés lors des précédentes élections professionnelles (10).

Le risque de blocage de la négociation collective en raison de ce seuil élevé d'audience des signataires doit, par ailleurs, être mis en perspective avec l'objet même de la subsidiarité, qui n'est pas de priver le législateur de son rôle normatif en droit du travail (chose impossible en raison des termes mêmes de la Constitution du 4 octobre 1958), mais de permettre à la négociation collective d'entreprise, lorsqu'elle peut aboutir, d'adopter d'autres règles que celles issues de la loi. A défaut d'accord, ce sont donc bien les dispositions légales ou réglementaires qui s'appliqueront.

Le rapport revient également sur la problématique de l'articulation de l'accord collectif et du contrat de travail, dans le sillage des critiques formulées ces dernières années à l'encontre du primat de l'accord individuel sur l'accord collectif.

Renforcer l'autorité des accords collectifs sur le contrat de travail. Les auteurs se proposent, ici, de procéder à une réduction du pouvoir de résistance reconnu au salarié, au travers d'une distinction non plus bipartite entre éléments essentiels non modifiables sans l'accord du salarié, et éléments non essentiels relevant de la détermination des conditions de travail et qui relèvent du pouvoir de direction de l'employeur. La catégorie des éléments essentiels serait elle-même scindée en deux : un noyau dur demeurerait, composé d'éléments essentiels "absolus" soumis au régime actuel de l'accord du salarié, et des éléments essentiels "relatifs" que le salarié pourrait défendre contre certaines modifications induites par le statut collectif (soit à titre temporaire, sur le modèle des accords de maintien de l'emploi, soit de manière définitive, lorsque l'accord aurait atteint un certain seuil de légitimité), mais qui entraînerait l'application d'un régime de rupture du contrat de travail à la fois simplifié et moins favorable, notamment sur le plan indemnitaire, puisque le licenciement serait justifié par la volonté de forcer l'application d'une norme conventionnelle majoritaire, et l'indemnité de licenciement diminuée, singulièrement amputée de sa fraction conventionnelle, lorsqu'elle existe. Dans ce système inspiré des règles mises en place à titre exceptionnel depuis 2002, lorsqu'un salarié refuse la réduction de la durée de travail (sans baisse de rémunération) résultant de l'application d'un ARTT, ou d'un accord de maintien de l'emploi, le salarié disposerait, comme en matière économique, d'un délai de réflexion, à l'expiration duquel il serait censé avoir accepté, s'il n'a pas refusé, la modification de son contrat.

Renforcer l'attractivité des syndicats. Conscients du principal obstacle à la réalisation d'une telle ambition, à savoir la capacité effective des syndicats à prendre en charge la priorité accordée à la négociation d'entreprise, les auteurs envisagent des mesures incitatives destinées à favoriser l'engagement syndical, notamment la généralisation du chèque syndical (p. 89) (11).

Favoriser la négociation collective d'entreprise. L'objectif entraîne également un approfondissement des techniques visant à permettre la négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, au moment même où la loi "Rebsamen" du 17 août 2015 vient modifier le cadre existant (12). Il s'agit ici de favoriser la négociation avec le comité d'entreprise ou un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche, en supprimant la validation par la commission paritaire de branche.

Les auteurs souhaitent également un renforcement de ce qu'on a pris coutume de nommer "les accords de méthode", qui devront systématiquement précéder l'engagement des négociations au fond. S'inscrivant dans le courant de la procéduralisation, les auteurs proposent de faire du respect de ces règles de méthode des obligations conditionnant la validité des accords.

Les accords collectifs devront également comporter, de manière plus fréquente, des éléments de régime concernant la durée, l'interprétation, la révision ou la dénonciation, et des dispositions relatives à leur interprétation.

B - Déjudiciariser les relations professionnelles

Dépénaliser. Les auteurs proposent également de limiter le champ des obligations pénales, en pratiques ineffectives, au profit d'incitations et de sanctions administratives, plus opérationnelles, comme on a pu le constater avec la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU) qui a réhabilité le rôle de l'administration du travail dans le processus d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, de préférence au juge judiciaire.

Favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges. Les modes alternatifs de règlement des litiges sont également favorisés, comme la médiation ou la conciliation, tant pour les litiges individuels que collectifs, leur caractère obligatoire pouvant conduire à déroger à la compétence de la juridiction prud'homale. L'arbitrage ferait également son apparition lorsqu'un accord de branche le prévoit (éventuellement en limitant le recours à certaines catégories de salariés, et/ou à certains litiges).

Professionnaliser les juridictions prud'homales. Les auteurs proposent de rompre avec la structure actuelle des conseils de prud'hommes et d'introduire l'échevinage, c'est-à-dire la présence d'un magistrat professionnel, intervenant plus seulement comme juge départiteur mais comme juge de droit commun, aux côtés d'assesseurs salariés et employeurs, désignés par les organisations professionnelles. Il s'agit ici d'améliorer la qualité des jugements de première instance, de réduire les taux d'appel et donc de désengorger les tribunaux.

C - Introduire de nouvelles garanties sociales

Etendre le champ de la négociation collective. L'outil conventionnel est également favorisé, dans un domaine -celui de la Sécurité sociale- où il n'a, en principe, pas sa place, et ce, afin de favoriser l'apparition de nouveaux droits portant sur la mobilité, la promotion sociale, la citoyenneté ou l'employabilité.

Mise à l'écart du contrat unique. Les auteurs écartent la proposition d'un contrat unique, compte tenu des besoins spécifiques couverts par les CDD (p. 130). Ils marquent également leur préférence pour une taxation du recours aux CDD, minorée, toutefois, en cas d'encadrement conventionnel (p. 147).

Assouplir le régime du SMIC. Les auteurs proposent une réforme du SMIC, également assise sur une analyse économique de son efficacité actuellement limitée pour lutter contre la pauvreté. Il s'agirait d'autoriser des dérogations au niveau du SMIC par accord de branche étendu, à tout le moins de geler ses augmentations.

II - Appréciation critique

Comment mesurer la part du droit du travail dans l'ensemble des contraintes normatives ? Les propositions de Jacques Barthélémy et Gilbert Cette repose sur un constat, celui des contraintes, qu'on qualifiera de "juridiques", qui pèsent sur les entreprises et brident la croissance et l'emploi. Ces contraintes ne sont pas que juridiques ; les auteurs pointent du doigt également des facteurs plus technologiques, comme le sous-emploi des technologies de l'information et de la communication (p. 11). Lorsqu'elles sont juridiques, elles ne concernent pas que le marché du travail et le marché des biens, mais aussi la gestion des systèmes d'assurances sociales ou de formation professionnelle (p. 13). On peut également citer les contraintes imposées par le droit de l'urbanisme, de la construction, les précautions à prendre en matière de santé publique, les spécificités d'activités réglementées, etc..

De la complexité des causes naît une interrogation : si la part de la complexité du droit du travail dans les difficultés économiques rencontrées par la France est si difficile à préciser, et les causes si imbriquées, en quoi une réforme profonde du droit du travail serait-elle de nature à garantir, par elle-même, et avec suffisamment de certitude, une amélioration de la situation de l'emploi ? Ne faut-il pas plus radicalement changer de modèle économique et social, comme le préconisaient d'ailleurs Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen (13) dans un ouvrage publié récemment, et qui sert, d'ailleurs, de première étape au rapport cosigné par Gilbert Cette ? Certes, pourrait-on observer, il faut bien engager les réformes par un bout et réaliser les premières modifications du droit du travail, mais, sans une entreprise plus vaste, avec quelles garanties ? La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), dite loi "Macron", qui s'inscrit résolument dans cette perspective, a-t-elle été au bout de la logique en desserrant suffisamment l'étau ?

L'accord d'entreprise peut-il concilier efficacité économique et protection des salariés ? Une autre hésitation concerne la réalisation du double objectif affiché par les auteurs, au travers notamment de l'extension du domaine de la subsidiarité et de la promotion de l'accord d'entreprise, celui d'une conciliation entre une meilleure efficacité économique et le respect de la fonction protectrice du droit du travail. Cette capacité à tenir les deux bouts de la chaîne repose sur un pari, celui de la capacité des syndicats à imposer, en contrepartie d'un assouplissement des règles d'organisation du travail, la protection des droits des salariés.

Or, on peut raisonnablement douter qu'il en soit toujours ainsi. On sait, en effet, que la négociation d'entreprise s'inscrit dans un contexte économique pesant, et que singulièrement les enjeux en termes d'emploi (ne pas en perdre, à défaut d'en gagner) sont omniprésents, singulièrement en période de crise économique. Sans aller jusqu'à craindre systématiquement un "chantage à l'emploi", on peut craindre que la protection soit la variable d'ajustement de la recherche d'une meilleure efficacité économique des normes d'entreprise (14). Par ailleurs, la soumission des organisations syndicales de l'entreprise à la pression électorale permanente, qui est le revers de la nécessaire relégitimation des acteurs engagées depuis 2008, met les syndicats en porte-à-faux sur les questions d'emploi, et rend la conclusion d'accords dérogatoires (tant à la loi qu'aux dispositions dérogeables des accords de branche) plus délicates, qui plus est, compte tenu de la généralisation annoncée de la condition de majorité.

La subsidiarité est-elle la solution ? Enfin, le choix de privilégier la voie conventionnelle et de maintenir un droit du travail d'origine étatique, s'appliquant de manière subsidiaire, n'est pas de nature à régler le problème de la surproduction des normes étatiques, de la succession, de la complexité, voire de la médiocrité de certaines réformes. Le mouvement de recentrage du droit du travail sur l'accord d'entreprise doit, par conséquent, s'accompagner d'une modification profonde de la politique législative qui doit gagner en rareté et en simplicité, le législateur devant se concentrer sur sa mission constitutionnelle qui est de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail (15). Les auteurs du rapport sont bien entendu conscients de cette exigence, et renvoient le législateur à une sorte de "déontologie", laissant à la négociation collective le soin de fixer le détail des règles qu'il édicte.

Ce retour du législateur dans son domaine constitutionnel d'intervention, dans le cadre d'un partage plus net des compétences avec les partenaires sociaux, nous semble, d'ailleurs, être la seule solution pour que les accords d'entreprise puissent véritablement jouer pleinement leur rôle. Même dans le cadre d'une subsidiarité élargie des sources étatiques, l'accord d'entreprise risque de se heurter à l'obstacle majoritaire. Si, en effet, les normes étatiques continuent de garantir des hauts niveaux de normes pour les salariés, les syndicats d'entreprise pourraient bien de ne pas se risquer à y substituer des normes d'entreprises moins favorables, au risque de perdre une partie significative de leur électorat aux prochaines élections professionnelles. En revanche, si les normes étatiques laissent aux partenaires sociaux le soin de fixer largement les règles applicables dans les entreprises, sans préjuger de ce qu'elles doivent être, alors il faudra bien trouver un terrain d'entente (qui n'entrera pas en concurrence avec les normes étatiques).

Le schéma qui se dessine est alors plus celui d'un ordre public social au domaine restreint, c'est-à-dire de normes planchers réduites aux droits essentiels des travailleurs, et laissant les acteurs, sur le terrain, décider s'il y a lieu d'aller plus loin ou d'instaurer de nouvelles prérogatives, et de réaliser les choix d'organisation qui s'imposent. Il n'est donc pas certain que la subsidiarité placée au centre du dispositif soit la solution la plus efficace pour parvenir aux objectifs fixés.


(1) G. Auzero, Rapport "Combrexelle" : propositions de réforme autour de la négociation collective, le travail et l'emploi, Lexbase Hebdo n° 626 du 24 septembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N9068BUE).
(2) Ed. Odile Jacob, septembre 2015, 171 pages.
(3) Selon la présentation qui en est assurée sur leur site, Terra Nova "est un progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe". Ce "laboratoire d'idée" est actuellement présidé par François Chérèque, qui fut secrétaire général du syndicat CFDT, à la suite de Nicole Notat, de 2002 à 2012.
(4) Pour G. Cette, l'ouvrage publié avec P. Aghion et E. Cohen, Changer de modèle, éd. Odile Jacob, avril 2014, 263 pages.
(5) Dernièrement, Refonder le droit social : mieux concilier protection du travailleur et efficacité économique, 2ème éd., 2013, Doc. fr. ; Vers une approche plus qualitative de la durée du travail, Dr. soc., 2015, p. 47.
(6) C'est également l'opinion de R. Badinter et A. Lyon, Le travail et la loi, Fayard, 2015, 77 pages, notamment p. 11-12.
(7) Sur laquelle notre étude, Simplifier le droit du travail - ou comment vider le tonneau des Danaïdes, Lexbase Hebdo n° 623 du 3 septembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N8714BUB).
(8) C. trav., art. L. 2253-3 (N° Lexbase : L2413H9A).
(9) L'ordre d'application est donc, dans ces hypothèse, l'accord d'entreprise, à défaut l'accord de branche (sans que les partenaires sociaux ne puissent alors s'y opposer, cette subsidiarité étant d'ordre public), à défaut le décret.
(10) C. trav., art. L. 2232-12 (N° Lexbase : L3770IBA).
(11) Sur le chèque syndical, et le précédent au sein de la société Axa : Nicole Notat, A propos de l'accord Axa", Dr. soc., 1991, p. 93.
(12) Sur ces mesures, voir notre étude Loi "Rebsamen" : interdiction des agissements sexistes (art. 20), négociation en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise (art. 21), réforme des IRP (art. 22) et de la représentativité des organisations patronales (art. 23), Lexbase Hebdo n° 624 du 10 septembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N8826BUG).
(13) Préc..
(14) C'est déjà cette critique qui pouvait être faite à la thématique de la flexi-sécurité, les aspects de flexibilité des réformes apparaissant plus nettement que les gains de sécurité ...
(15) On observera, d'ailleurs, que les trois rapports publiés en septembre, le rapport "Combrexelle" (voir le commentaire de Gilles Auzero,  précité note 1), le rapport de l'Institut Montaigne (voir le commentaire de Sébastien Tournaux, Rapport de l'Institut Montaigne - Sauver le dialogue social, Lexbase Hebdo n° 626 du 24 septembre 2015 - édition sociale N° Lexbase : N9093BUC) et le rapport "Barthélémy-Cette", insistent sur l'articulation des normes et la promotion des accords d'entreprise, et moins sur la qualité de la norme légale. Seuls Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen s'attaquent frontalement au problème de l'objet des lois sociales (ouvrage préc.).

newsid:449030

Sociétés

[Doctrine] Sociétés et associations (première partie)

Lecture: 17 min

N9040BUD

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse 1 Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 24 Septembre 2015

La distinction entre sociétés et associations constitue un vieux problème (1) toujours d'actualité (2). A cet égard, il est habituel et inévitable de se référer au célèbre arrêt de "la Caisse rurale de la commune de Manigod" rendu toutes chambres réunies qui avait qualifié un groupement d'association en s'appuyant sur le critère de "l'absence de gain pécuniaire ou matériel qui ajouterait à la fortune" des membres (3). Du même coup, bien que cela fût moins perceptible, cette décision avait rapproché les associations des sociétés. Le groupement litigieux était une coopérative de crédit qui permettait à ses membres de réaliser des économies en ayant une ristourne sur les emprunts effectués auprès de la caisse quand celle-ci dégageait des bénéfices. Dès lors, on admettait qu'une association n'était pas nécessairement un groupement désintéressé, puisqu'elle pouvait réaliser des bénéfices en accroissant son patrimoine, ce dont profitaient ses membres (sociétaires), sans toutefois en tirer un enrichissement personnel, à l'inverse des membres d'une société (associés). C'est d'ailleurs ce qu'indique depuis toujours l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 (N° Lexbase : L0978HDL).
La loi du 4 janvier 1978 (loi n° 78-9 N° Lexbase : L1471AIC), réformant l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ), a poursuivi le rapprochement entre sociétés et associations, afin de permettre également aux sociétés de réaliser des économies. En outre, une association peut avoir un objet non-contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, exercer une activité non seulement économique, mais encore une activité commerciale. Ce fût d'ailleurs le cas de la Caisse rurale de la commune de Manigod qui effectuait des opérations de crédit qualifiées d'actes de commerce, conformément à l'article 632 du Code de commerce devenue l'article L. 110-1 de ce code (N° Lexbase : L1282IWE).
Il convient tout de même de se conformer aux règles de la para-commercialité en mentionnant cette activité dans les statuts (4), ce qui ne suffit pas à convaincre la Cour de cassation de conférer aux associations la qualité de commerçant en vertu de cette activité commerciale (5).

En définitive, se pose la question de savoir si une structure associative peut, au même titre qu'une structure sociétaire, servir à créer une entreprise ou si, au contraire, il convient au gré des circonstances d'opter pour l'un ou l'autre de ces groupements (6). Pour faire leur choix, le ou les créateurs de l'entreprise tiennent compte de divers critères : de l'exercice du pouvoir par les apporteurs de capitaux dans les sociétés, ce qui n'est pas le cas dans les associations en raison de leur caractère non-lucratif ; de la liberté d'organisation plus importante dans les associations que dans les sociétés ; de l'octroi plus facile de subventions publiques aux associations ; de la reconnaissance de la propriété commerciale (droit au renouvellement du bail ) aux commerçants immatriculés et aux sociétés commerciales (7), alors qu'elle est refusée aux associations, ce qui rend précaire l'occupation des locaux dans lesquels elles exercent leur activité, d'autant plus qu'en cas de non-renouvellement du bail parvenu à expiration, elles ne bénéficient pas du versement d'une indemnité d'éviction .

Ce dernier inconvénient peut toutefois être évincé par l'accord passé avec le propriétaire du local occupé par l'association pour soumettre le bail au statut des baux commerciaux, avec la simple précaution de l'exclusion de toute équivoque sur la volonté des parties (8). En outre, toute association exerçant une activité économique peut invoquer à son profit les dispositions d'ordre public liées au bail professionnel et, en conséquence, tirer avantage de la stabilité corrélative à l'occupation des locaux (9).

Signalons que depuis l'ordonnance du 25 mars 2004 (ordonnance n° 2004-274 N° Lexbase : L4315DPI) (10), rien n'empêche une association de donner un fonds de commerce en location-gérance (11).

Par ailleurs, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire (N° Lexbase : L8558I3D), a dernièrement accentué le rapprochement entre sociétés et associations ou, tout au moins, atténué la différence entre elles (12).

Au-delà de ces divergences (I), il existe des convergences (II) qui tiennent au fait que les sociétés et les associations répondent en tant que groupements à des règles communes. Cela relève de la tradition et de l'évidence ; mais ce qui est plus récent et plus original, c'est de constater l'émergence d'un droit commun des sociétés et des associations.

I - Les divergences liées aux structures, aux objectifs et aux acteurs des groupements

A - Les différences d'ordre structurel

La restriction financière subie par les associations est contrebalancée par la très grande souplesse des règles qui touchent leur constitution (1°), leur dissolution (2°) et leurs acteurs (3°), points sur lesquels leur différence avec les sociétés est notable. A cet égard, la loi du 1er juillet 1901 est vraiment peu diserte, tandis que le Code de commerce qui a repris les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 (loi n° 66-537 N° Lexbase : L6202AGS) est très complet afin de préserver les intérêts de la structure sociétaire et de ses membres, sans oublier ceux des tiers, et ainsi établir un équilibre entre eux.

1° - En ce qui concerne la constitution

La constitution de l'association est empreinte de simplicité et de liberté, probablement en raison du caractère non lucratif du groupement. Effectivement, le formalisme réduit à sa plus simple expression, limité notamment à un dépôt des statuts sans contrôle préalable, suffit. Ce dépôt est éventuellement suivi d'une déclaration à la préfecture dont un extrait doit être inséré au Journal officiel, pour bénéficier de la personnalité morale (13), et non de l'immatriculation au RCS (14) qui, d'ailleurs est prohibée, même pour une association exerçant une activité commerciale. Le refus d'une pareille inscription est justifié en justice par le fait que l'association ne figure pas parmi les organismes tenus de s'inscrire au registre du commerce en vertu de l'article L. 123-1, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L5559AIQ) (15). Le ministre délégué au Commerce et à l'Artisanat s'est rallié à cette idée (16), après avoir, dans un premier temps, estimé que rien ne s'opposait à l'immatriculation d'une association exerçant une activité commerciale (17). Seules doivent être immatriculées au RCS, les associations qui émettent des valeurs mobilières et ceci pour la seule durée allant jusqu'au remboursement des titres émis (18).

En revanche, la mise sur pied d'une société requiert des formalités plus importantes qui, si elles ne sont pas correctement effectuées, peuvent se heurter au refus du greffier de procéder à son immatriculation au RCS. Il s'ensuit tout naturellement que la personnalité morale d'une société, quand elle est acquise, est plus complète que celle d'une association. Seule la reconnaissance d'utilité publique (19) confère à celle-ci une personnalité proche de celle reconnue à une société, la déclaration à la préfecture conférant seulement la "petite" personnalité juridique qui exclut toute capacité de disposer et de recevoir à titre gratuit (20). Plus précisément, d'une part, sous peine de nullité absolue, elle ne peut recevoir des dons ou legs ; d'autre part, elle ne peut acquérir, posséder ou administrer que le local destiné à l'administration et à la réunion de ses membres et les immeubles strictement nécessaires à la réalisation de son objet, ce qui exclut les immeubles de rapport.

Néanmoins, avec la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire, les associations déclarées depuis au moins trois ans et dont l'ensemble des activités est mentionné à l'article 200, 1, b, du Code général des impôts (N° Lexbase : L7769I8A) peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires, posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit (21).

Ces dispositions s'appliquent sans condition d'ancienneté aux associations exclusivement destinées à l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale déclarées avant la date de promulgation de la loi du 31 juillet 2014 et qui avaient, à cette même date, accepté une libéralité ou obtenu une réponse favorable à une demande faite sur le fondement du V de l'article 11 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG) (22).

Quant aux associations reconnues d'utilité publique, elles peuvent réaliser tous les actes de la vie civile non-prohibés par leurs statuts, accepter les libéralités entre vifs et testamentaires. Les actifs éligibles aux placements des fonds de ces associations sont ceux autorisés par le Code de la Sécurité sociale pour la représentation des engagements réglementés des institutions et unions exerçant une activité d'assurance.

Une autre différence de taille oppose sociétés et associations. Depuis la loi n ° 2011-893 du 28 juillet 2011 (art. 45), pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8283IQT), ces dernières peuvent être librement constituées par des mineurs non émancipés à partir de l'âge de seize ans. Avec l'accord écrit préalable de leur représentant légal, ils peuvent accomplir tous les actes utiles à son administration, à l'exception des actes de disposition (23). Cette autorisation n'est pas requise pour adhérer à l'association, cotiser, exercer le droit de vote et être élu au conseil d'administration.

Il est vrai que la loi n° 2010-658, 15 juin 2010 (art. 2), relative à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (N° Lexbase : L5476IMR) avait ouvert la voie en permettant aux mineurs émancipés d'acquérir la qualité de commerçant (24), par conséquent de devenir associé en nom collectif, sur autorisation du juge des tutelles, plus précisément du juge aux affaires familiales exerçant la fonction de juge des tutelles des mineurs depuis le 1er janvier 2010, en application de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (25), donnée au moment de la décision d'émancipation, ou sur autorisation du président du tribunal de grande instance en cas de demande formulée après avoir été émancipé (26).

En ce qui concerne les conditions de fond, les associés doivent effectuer des apports en industrie, en numéraire ou en nature en vertu de l'article 1832 du Code civil. Pour une association, les sociétaires ne sont tenus que d'apporter leur activité ou leurs connaissances, les apports matériels étant facultatifs (27), puisqu'elle ne comporte pas de capital. Il en va différemment d'une société pour laquelle le capital présente une "une importance quasi-sacramentelle" (28) et dont le montant même symbolique doit impérativement figurer dans les statuts (29), seules les sociétés anonymes et en commandite par actions devant comporter un capital minimal de 37 000 euros (30). Par ailleurs, la sous-capitalisation d'une société expose ses dirigeants à la mise en jeu de leur responsabilité pour faute de gestion (31).

En outre, si une association peut être associée dans une SARL, une société anonyme ou une société par actions simplifiée, et même associée unique d'une EURL ou d'une SASU, elle ne peut l'être d'une société en nom collectif, faute d'avoir la qualité de commerçant. En revanche, les dirigeants et associés d'une association ne répondent pas individuellement des engagements de la personne morale.

En définitive, les deux structures révèlent des caractéristiques si différentes, qu'elles peuvent aisément être mises en exergue.

2° - En ce qui concerne la dissolution

En dehors des causes de dissolution particulières à chaque type de sociétés, il existe des causes générales énumérées par l'article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L7356IZH). Parmi elles, la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif (7°) ne s'applique pas à l'association (32). Celle-ci y échappe donc, contrairement aux sociétés. Cela signifie qu'après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif, une association, du fait de la préservation de sa personnalité juridique, recouvre la maîtrise de ses biens (33) et, par conséquent, la vocation à poursuivre son activité.

La restriction relative à la personnalité morale trouve un écho dans la dissolution de l'association : le boni de liquidation n'est pas réparti entre les sociétaires ; il est obligatoirement dévolu à un groupement qui poursuit un but identique à celui de l'association dissoute ou à l'Etat (34) ; il ne peut donc être réparti entre les sociétaires, tandis qu'il appartient aux associés d'une société de partager entre eux les bénéfices.

Les deux groupements se différencient également par le régime de la reprise des apports au moment de leur dissolution. Autant la reprise est obligatoire dans les sociétés, autant elle est facultative dans les associations (35). Dans celles-ci, l'initiative de la décision de reprise revient à l'assemblée générale des sociétaires. Cette disposition peut toutefois être déjouée soit par l'insertion dans l'acte d'apport ou dans les statuts d'une clause stipulant la reprise de l'apport par son auteur, soit par la réalisation de l'apport en jouissance ou en usufruit (36).

B - Les différences relatives à l'objet

1° - Les critères de distinction

L'association se différencie fondamentalement de la société par son but qui n'est pas de partager les bénéfices entre les membres, mais de mettre "[...] en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre [...]" (37), tandis que la société est constituée "[...] en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter [...]" (38).

Une association ne saurait donc exercer à titre principal et permanent une activité à caractère commercial. Ce principe avait été posé par la cour d'appel de Besançon à propos de bals organisés en nombre limité au cours de grandes fêtes annuelles de Lizine, petit village du Doubs, dont les bénéfices retirés étaient exclusivement destinés à des oeuvres ou manifestations charitables (39). La Cour de cassation s'était prononcée en ce sens à propos de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris, association de la loi de 1901, mais qui disposait d'un magasin permettant à ses fidèles de se procurer une viande préparée selon les rites coraniques. Elle avait considéré que le boucher qui avait approvisionné ce magasin pouvait opposer ses livres de commerce à l'Institut musulman en raison de la réalisation habituelle par celui-ci d'actes à caractère commercial (40).

Dernièrement, une juridiction d'appel a estimé que caractérisent des actes de commerce accomplis à titre habituel, les prestations (délivrance des agréments et contrôle du respect de la viande halal moyennant paiement de redevances par ses agréés) réalisées par une association au service de la communauté musulmane de France (41). Cette activité lucrative de contrôle de l'abattage traduit une activité commerciale susceptible de conférer la qualité de commerçant à cette association. Aussi, est valable la clause attributive de compétence contractée par elle en qualité de commerçant avec une société.

L'interdiction d'exercer de façon habituelle des activités commerciales est expressément formulée par l'article 37 alinéa 2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence (devenu l'article L. 442-7 du Code de commerce N° Lexbase : L6608AIL) et pénalement sanctionnée (42). En outre, une association peut exercer une activité économique (43) ; ce qui l'oblige à nommer un commissaire aux comptes et un suppléant, si elle excède deux des trois seuils suivants : 50 salariés, 3,1 millions d'euros hors taxes de chiffres d'affaires ou de ressources, 1,55 million d'euros de total du bilan.

Une association exerçant une activité commerciale, devrait obéir aux dispositions régissant pareille activité, faute de quoi elle se trouverait dans une situation privilégiée. Il ne saurait toutefois en résulter qu'une association puisse avoir pour activité normale l'accomplissement habituel d'actes de commerce. A défaut, celle-ci acquerrait la qualité de commerçant car son objet statutaire consisterait à réaliser professionnellement des actes de commerce par nature qui conditionneraient son existence (44). Une association ne saurait donc bénéficier des avantages procurés par le droit commercial. Elle se trouve, en effet, gouvernée par un régime de "commercialité-sanction" (45) qui ne l'expose qu'aux conséquences de la commercialité appliquée à titre de sanction, sans en bénéficier des avantages.

Par conséquent, le terrain d'élection de l'association est celui des activités désintéressées, à savoir : philanthropiques, culturelles, cultuelles, artistiques, sportives et politiques. Cependant, la rédaction ambiguë de la loi du 1er juillet 1901 ne l'empêche pas, afin de réaliser son objet, de se procurer les ressources nécessaires par l'exercice d'activités lucratives. Il y a lieu de distinguer l'autorisation de réaliser des bénéfices de la prohibition de partager des bénéfices.

2° - Les intérêts pratiques de la distinction

La confrontation des définitions des deux groupements données par les articles 1832 du Code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901 aboutit à l'une des solutions suivantes.

Lorsque le groupement envisage de partager les bénéfices procurés par l'action commune, il doit incontestablement revêtir la forme d'une société. Une association qui allouerait des bénéfices à ses membres pourrait être requalifiée en société créée de fait.

S'il est constitué dans un objectif purement désintéressé, sans rechercher un quelconque avantage patrimonial (profit ou économie), il doit prendre la forme d'une association. Une société qui ne poursuivrait ni bénéfice, ni économie, ne satisferait pas aux exigences de l'article 1832 du Code civil et serait nulle.

S'il a uniquement pour but de permettre à ses membres de réaliser des économies, c'est-à-dire de réduire leurs dépenses, notamment par l'obtention d'un service à un prix moindre qu'aux conditions habituelles du commerce, il peut être indifféremment une société ou une association. C'est l'exemple de nombreuses associations qui organisent des loisirs, des manifestations sportives, des voyages. De ce point de vue, sociétés et associations recouvrent un domaine commun assez étendu. Néanmoins, la forme de société paraît préférable à celle d'association, pour deux raisons :
- d'une part, le bénéfice par la société de la pleine capacité juridique, alors que la capacité de l'association est limitée ;
- d'autre part, l'impossibilité de répartir entre les sociétaires le boni de liquidation d'une association dissoute (46).

Ainsi, l'actuelle définition de la société confirme que la mise en commun de moyens par des professionnels avec l'intention d'exercer séparément une même activité libérale, mais d'économiser sur les locaux, le secrétariat et le matériel, constitue bien une forme de société dite société civile de moyens telle qu'elle résulte de l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 (N° Lexbase : L3146AID). Mais cela peut être un GIE ; d'où le risque de confusion de ce groupement avec la société, bien que son but soit de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres (47).

Toujours est-il que la détermination de la nature juridique du contrat s'avère nécessaire, tant pour déterminer le tribunal compétent appelé à statuer en cas de difficulté, que pour cerner le droit applicable. Si le juge saisi du litige conteste la dénomination employée, il va restituer sa véritable qualification à la convention en se fondant sur des éléments comme le but lucratif ou non de l'opération, l'éventuelle participation des parties aux bénéfices et aux pertes et, l'affectio societatis (48).

3° - Les limites de la distinction

A priori, aucune confusion ne semble possible entre une société, groupement à visée essentiellement lucrative, et une association, groupement à but purement non lucratif. En réalité, il existe un risque de confusion, le plus souvent volontaire, favorisée par l'absence de contrôle préalable à la création des associations. Aussi, n'est-il pas surprenant qu'une association prenne sciemment l'apparence d'une société afin de bénéficier d'une capacité juridique complète ou, qu'une société se cache sous le statut d'une association, dans l'espoir de profiter d'un statut fiscal plus favorable. La terminologie achève même d'entretenir la confusion, puisqu'on nomme sociétaire l'adhérent d'une association et, associé, le membre d'une société.

Rappelons que sur le plan purement juridique, la poursuite d'un objectif autre que le partage des bénéfices ne fait pas obstacle à ce qu'une association accomplisse des actes de commerce, sous réserve qu'ils ne soient pas habituels et surtout, que les bénéfices qui en résultent ne soient pas distribués entre les membres.

Dans les faits, on assiste à une véritable dérive de l'association qui devient progressivement une entreprise et, en conséquence, connaît de nos jours un grand essor (49). Il a en effet été soutenu qu'aucune disposition textuelle (Code de commerce ou loi de 1901) n'édicte l'incapacité d'une association à être commerçante (50), si bien qu'elle pourrait devenir une entreprise commerciale sans perdre sa nature de groupement à but non-lucratif (51).

Cet aspect explique certainement les convergences entre les sociétés et les associations fondées sur le droit commun des groupements. En effet, on ne saurait occulter l'application dans certains domaines aux associations des règles du droit des sociétés, mais également du droit des entreprises en difficulté, et du droit du travail.

C - Les différences relatives aux acteurs

1° - Les associés et les sociétaires

La situation des associés varie au gré de la nature de la structure sociétaire. Dans les sociétés à risque limité (SARL, SA, SCA et SAS), leur responsabilité est limitée à leur part dans le capital social. Dans celles à risque illimité, elle est indéfinie et conjointe (sociétés civiles) ou solidaire (SNC (52) et SCS), ce qui implique d'assumer la dette sociale jusqu'à extinction complète, au besoin sur leur patrimoine personnel en cas d'insuffisance du patrimoine social. La situation des sociétaires est foncièrement différente, puisqu'en vertu du principe de l'effet relatif des contrats, ils ne courent aucun risque patrimonial.

Hormis dans celles à capital variable, la fixité du capital dans les sociétés fait obstacle au retrait direct d'un associé, sauf disposition statutaire contraire (53). Ainsi se trouve assurée la pérennité des membres de ce type de groupement. Il en va différemment des sociétaires qui, en dépit de toute clause contraire, peuvent se retirer à tout moment après paiement des cotisations échues et de l'année courante (54).

En ce qui concerne l'assemblée générale en sa qualité d'organe de délibération souverain quant à la prise de décisions importantes, aussi bien dans les sociétés que dans les associations, au sein de ces dernières, l'obligation de réunir une assemblée annuelle ne vaut que pour celles reconnues d'utilité publique ou celles qui émettent des obligations, alors qu'elle vise toutes les sociétés civiles ou commerciales, indépendamment de leur forme, de leur objet ou de leur dimension.

De plus, les statuts des associations ont la possibilité, eu égard à la liberté d'association, de fixer les conditions de participation à une assemblée. Pareilles restrictions sont au contraire bannies dans les sociétés à propos desquelles l'article 1844 du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG) interdit aux statuts d'apporter des restrictions au droit de prendre part aux assemblées.

Par ailleurs, malgré l'accroissement des obligations comptables, la multiplication des hypothèses de contrôle de leurs comptes (55), la publicité de ceux-ci ne s'impose que lorsque le montant total des dons et/ou des subventions (56) au cours de l'exercice comptable atteint 153 000 euros (57).

Toujours sur le terrain de la lourdeur de fonctionnement des sociétés, avec une certaine réserve pour les sociétés de personnes (sociétés civiles, SNC, SCS) dites à risque illimité, et aussi les SAS, contrastant avec la souplesse de fonctionnement des associations, il convient de souligner la souplesse de financement de celles -ci au moyen des cotisations des sociétaires (58). A l'opposé, l'article 1836, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2007ABX) énonce que les engagements d'un associé ne peuvent être accrus sans son consentement (59).

Ainsi, les statuts des associations indiquent l'organe compétent pour fixer le montant des cotisations (bureau, conseil d'administration, assemblée générale). Le sociétaire qui ne s'acquitte pas de sa cotisation s'expose à une exclusion, le paiement périodique dans le délai imparti par les statuts ou le règlement intérieur pouvant être une condition de son maintien au sein du groupement.

Néanmoins, cet avantage notable des associations est contrebalancé par le recours dans les sociétés à la technique des comptes courants d'associés qui apporte une certaine souplesse au financement des sociétés.

2° - Les dirigeants

Le législateur soumet les sociétés à des conditions et des modalités bien précises de désignation des dirigeants et d'exercice de leurs fonctions. Ces différents points sont imprégnés du caractère institutionnel, en particulier la mise en oeuvre des pouvoirs que les statuts ne peuvent aménager que dans la mesure de ce que le législateur prévoit expressément. Tout spécialement, les dirigeants, gérants des sociétés civiles, de SNC et de SARL, directeur général et directeurs généraux délégués de SA monistes, directoire de SA dualistes, président et dirigeants de SAS, sont seuls habilités à agir en toute circonstance au nom de la société et à représenter celle-ci à l'égard des tiers, ce à quoi les associés ne sauraient s'opposer même à l'unanimité (60). Le législateur soumet la nomination des dirigeants sociaux à des interdictions ou à des incompatibilités. Pour ne citer qu'un exemple, le Code de commerce exclut toute personne morale de l'exercice des fonctions de gérant d'une SARL pluripersonnelle ou unipersonnelle, de directeur général ou de directeur général délégué, de président du conseil d'administration et de membre du directoire d'une SA, lesquelles ne peuvent donc être assumées que par une personne physique (61).

La situation générale des dirigeants de sociétés contraste notablement avec celle des dirigeants d'associations gouvernée par la loi des parties inscrite dans les statuts ou issue de décisions prises en assemblée. C'est particulièrement le cas du cumul de fonctions administratives et du statut de salarié qui, au sein des associations, est librement déterminé. En revanche, le cumul du mandat social et d'un contrat de travail est règlementé dans les sociétés, voire prohibé, en particulier pour le président du conseil d'administration obligatoirement administrateur, et pour le directeur général ou le directeur général délégué s'il est administrateur, à moins qu'il s'agisse d'une SA ne dépassant pas à la clôture d'un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises (62) ; dans ce cas, le cumul est autorisé, à condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif .

S'agissant des pouvoirs des dirigeants d'associations, il a été jugé que "le président d'une association est un mandataire de cette personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d'association" (63).

Par ailleurs, la quasi-absence de restrictions légales offre la possibilité aux sociétaires de hisser au rang de dirigeant une plus grande catégorie de personnes que dans les sociétés pour lesquelles la nomination des mandataires sociaux est entourée de conditions strictes. C'est dire que l'organisation de leurs pouvoirs est essentiellement contractuelle, ce qui crée une insécurité plus ou moins importante pour les tiers qui sont souvent tenus de vérifier au coup par coup la réalité des pouvoirs détenus par le représentant d'une association. Le renvoi aux statuts incite la Cour de cassation à s'abriter derrière le pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier les pouvoirs des dirigeants d'associations, notamment dans une espèce à propos du président d'une association habilité à agir en justice au nom de celle-ci "faute d'une disposition statutaire, ou d'une délibération d'assemblée générale retirant un tel pouvoir au président" (64).

Pour la seconde partie de cette étude, cf. (N° Lexbase : N9041BUE)


(1) Kayser, Sociétés et associations, leur domaine d'application, Thèse Nancy, 1928 ; F. Terré, La distinction de la société et de l'association en droit français, Mélanges R. Secrétan, 1964, p. 325 ; Y. Guyon, De la distinction des sociétés et des associations depuis la loi du 4 janvier 1978, Mélanges Kayser, PUAM, p. 483, 1979 ; P. Le Cannu, Réflexion sur la distinction entre l'association et la société, LPA, 18 septembre 1983, n° 104, p. 11 ; E. Alfandari, Associations et sociétés : points de rencontre, LPA, 24 avril 1996, n° 50, p. 47.
(2) L. Nurit-Pontier, Associations et sociétés, Journ. Sociétés, juillet 2014, p. 10, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(3) Cass. réunies, 11 mars 1914, D. 1914, I, p. 257, note L. Sarrut ; S. 1918, I, p. 103.
(4) Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, art. 37, al. 2 (N° Lexbase : L8307AGR).
(5) R. Brichet, Une association peut-elle être une personne morale commerçante ?, JCP éd. G, 1989, I, 3385 ; Cass. com., 19 janvier 1988, n° 85-18.443, publié (N° Lexbase : A6708AAP), Bull. civ. IV, n° 33.
(6) H. Blaise, Esquisse de quelques idées sur la place des associations dans l'activité économique, Etudes R. Houin, p. 35, Dalloz-Sirey 1985 ; E. Alfandari, L'association dérive d'une liberté, JCP éd. E, 1986, suppl. n° 5.
(7) C. com., art. L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS).
(8) Cass. civ. 3, 9 février 2005, n° 03-17.476, FS-P+B (N° Lexbase : A6927DGN), D., 2005, p. 643, obs. Y. Rouquet
(9) Cass. civ. 3, 10 décembre 2002, n° 99-21.858, FS-P+B (N° Lexbase : A4481A4Q).
(10) Ce texte a supprimé l'exigence d'avoir été commerçant pendant sept ans.
(11) A. Reygrobellet, De quelques conséquences imprévues de l'ordonnance du 25 mars 2004 en matière de location-gérance, D., 2005, p. 220.
(12) C. Laronde-Clérac, Loi n° 2014-856 relative à l'économie sociale et solidaire : principales dispositions relatives aux associations, Dr. sociétés, novembre 2014, n° 21.
(13) Loi 1er juillet 1901, art. 5, al. 4 ; pour les départements d'Alsace-Moselle, l'association acquiert la personnalité juridique à compter de son inscription au registre de l'association tenu par le tribunal d'instance en application de l'article 21 du Code civil local.
(14) Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-13.529 (N° Lexbase : A6885ABM), Rev. sociétés, 1994, p. 502, note Y. Guyon, Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 529, note M. Jeantin, Dr. sociétés, mai 1994 n° 88, obs. Th. Bonneau, D., 1994, p. 528, note M.-F. Coutant, JCP éd G, 1995, II, 22418 note J.-F. Kamdem ; Cass. com., 15 novembre 1994, n° 93-10.193, publié (N° Lexbase : A4914ACY), Bull. civ. IV, n° 339, RJDA, 12/1994, n° 1312, Dr. sociétés, février 1995, n° 24 obs. Th. Bonneau ; LPA 26 juillet 1995, n° 89, p. 47, nos obs..
(15) Th. Lamarche, Immatriculation des associations au registre du commerce et des sociétés et bail commercial, JCP éd. E, 1992, I, 142 ; P. Hoang, La protection des tiers face aux associations, Thèse Paris II, 2000.
(16) QE n° 44492 de M. Lengagne Guy, JOANQ 24 juin 1991 p. 2451, réponse publ. 25 mai 1992 p. 2319, 9ème législature (N° Lexbase : L9902KCQ).
(17) QE n° 37345 de M. Farran Jacques, JOANQ 24 décembre 1990 p. 5823, réponse publ. 25 mars 1991 p. 1187, 9ème législature (N° Lexbase : L9901KCP), RTDCom., 1991, p. 412, n° 11, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(18) C. mon. et fin., art. L. 524-1 (N° Lexbase : L2569IXG) ; Ph. Reigné, Les valeurs mobilières émises par les associations, Rev. sociétés, 1989, p. 1.
(19) F. Maury, La reconnaissance d'utilité publique des associations, Journ. Sociétés, juillet 2014, p. 16, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(20) K. Rodriguez, La pertinence en 2006 du droit des associations : pour un statu quo, un toilettage ou une refonte ?, Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 454.
(21) Loi du 1er juillet 1901, art. 6, dern. al., rédact. loi n° 2014-856, 31 juillet 2014, art. 74.
(22) Cf. Cons. const., décision n° 2014-444 QPC, du 29 janvier 2015 (N° Lexbase : A4675NAE), relative à la constitutionnalité de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ; D., 2015, p. 269 ; JCP éd. E 2015, n° 7, act. 135.
(23) Loi du 1er juillet 1901, art. 2 bis, JCP éd. E, 2011, n° 34, act. 418 ; QE n° 118886 de M. Marsac Jean-René, JOANQ 4 octobre 2011 p. 10472, réponse publ. 13 décembre 2011 p. 13082, 13ème législature (N° Lexbase : L9076KBR), Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 147.
(24) B. Saintourens, Mineur et activité commerciale : la réforme 2010, RTDCom., 2010, p. 686 ; Heurts et bonheurs de la loi relative à l'EIRL : le "mineur-entrepreneur" - Questions à Maître Catherine Michelet-Quinquis, avocat, Ernst & Young, société d'avocats, responsable de la ligne droit des sociétés du bureau de Bordeaux, Lexbase Hebdo n° 411 du 7 octobre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N2624BQA).
(25) COJ, art. L 213-3-1 (N° Lexbase : L1695IEI) ; J. Massip, L'extension des compétences du juge aux affaires familiales, Defrénois, 2010, p. 692 ; M. Douchy-Oudot, Nouvelle compétence du juge aux affaires familiales : l'ordonnance de protection issue de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, Procédures, octobre 2010, alerte 37 ; J.-F. Eschylle, La capacité commerciale du mineur émancipé, RTDCom., 2013, p. 203.
(26) C. civ., art. 413-8, C. com. (N° Lexbase : L5709IME), art. L. 121-2 (N° Lexbase : L5708IMD), rédact. loi n° 2010-658, 15 juin 2010, art. 2, relative à l'EIRL.
(27) Loi 1er juillet 1901, art. 1er ; décret du 16 août 1901, art. 15 ; Cass. civ., 20 janvier 1930, S., 1930, I, p. 281 ; Ph. Potentier, L'apport aux associations, JCP éd. N, 1997, p. 831.
(28) M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, n° 247, LexisNexis 2015, 27ème éd.
(29) C. civ., art. 1835 (N° Lexbase : L2006ABW) ; C. com., art. L. 210-2 (N° Lexbase : L5789AIA).
(30) C. com., art. L. 224-2, al. 1er (N° Lexbase : L6127ICW).
(31) CA Aix-en-Provence, 16 mai 2001, BRDA 3/2002, n°7.
(32) Cass. com., 8 juillet 2003, n° 01-02.050, FS-P (N° Lexbase : A0961C9H), Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 103, note Ph. Neau-Leduc ; JCP éd. E, 2004, 151, n° 7, obs. M. Cabrillac.
(33) Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-14.971, F-D (N° Lexbase : A4184GCX), Bull. Joly Sociétés, 2011, p. 118, note F.- X. Lucas.
(34) Cass. civ. 1, 27 juin 2000, n° 98-17.733 (N° Lexbase : A3689AU8), Bull. Joly Sociétés, 2000, p. 980, note R. Crône.
(35) Décret du 16 août 1901, art. 15 ; W. Le Bras, Apports et droit de reprise en matière d'association, Bull. Joly, Sociétés 1983, p. 9 ; D. Lepeltier, Apports et reprise d'apports dans les associations, Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 401.
(36) K. Rodriguez, sous CA Pau, 2ème ch., 1ère sect., 20 janvier 2004, Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 561.
(37) Loi du 1er juillet 1901, art. 1er ; L. Nurit-Pontier, Associations et sociétés, Journ. sociétés, juillet 2014, p. 10, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(38) C. civ., art. 1832.
(39) CA Besançon, 8 janvier 1969, Gaz. Pal., 1969, I, 304.
(40) Cass. com., 17 mars 1981, n° 79-14.117 (N° Lexbase : A0819AYY), RTDCom., 1981, p. 558, obs. E. Alfandari et M. Jeantin ; RTDCom., 1981, p. 713, n° 1, obs. J. Derruppé ; Rev. sociétés, 1982, p. 124, note G. Sousi ; D., 1983, p. 23, note R. Plaisant. V. aussi, Cass. com., 9 décembre 1965, n° 63-12.419, publié (N° Lexbase : A0936AU9), Bull. civ. III, n° 635, censurant CA Nîmes, 2 avril 1963, JCP éd. G, 1964, II, 13693, note H. Delpech, soumission aux conditions de publicité prescrites par la loi du 8 juillet 1969, JCP éd. G, 1970, II, 16155 bis, obs. J. A., compétence du tribunal de commerce.
(41) CA Versailles, 8 janvier 2013, n° 11/09344 (N° Lexbase : A7811IZC), Caractère commercial de l'activité déployée par une association, susceptible de lui conférer la qualité de commerçant, Lexbase Hebdo n° 326 du 7 février 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N5687BTS).
(42) Cass. crim., 10 juin 1991, n° 90-85.001, publié (N° Lexbase : A3499ACL), RJDA 8/1991, n° 722 ; Cass. crim., 19 octobre 1992, n° 91-86.998, publié N° Lexbase : A0756ABM), RJDA 12/1992, n° 1146, Bull. Joly Sociétés, 1993, p. 221.
(43) J. Verlhac, L'activité économique des associations, Journ. sociétés, juillet 2014, p. 22, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila. Bien que la notion d'activité économique ne fasse pas l'objet d'une définition, elle peut, aux termes d'une réponse ministérielle, être conçue comme "toute activité de production, de transformation ou de distribution de biens meubles ou immeubles et toute prestation de services en matière industrielle, commerciale, artisanale et agricole" (JOAN CR, 6 décembre 1983, p. 6016).
(44) En ce sens, O. Simon, La commercialité de l'association du 1er juillet 1901, D., 1977, chron. p. 153 ; G. Sousi, Le fonctionnement des associations, n° 17 et s., éd. L'Hermès, 1980 ; M. de Juglart et B. Ippolito, Traité de droit commercial, vol. II, Les sociétés, t. I, 3ème éd. par E. du Pontavice et J. Dupichot, n° 411-1 ; J.-M. Do Carmo, L'association et le commerce au regard du droit commercial, LPA, 7 juillet 1995, n° 81, p. 21.
(45) Amblard, Associations et activités économiques : contribution à la théorie du tiers-secteur, thèse Versailles 1998, n° 169, p. 112.
(46) Supra, I, A, "2° - En ce qui concerne la dissolution".
(47) C. com., art. L. 251-1 (N° Lexbase : L6481AIU).
(48) Cass. com., 2 mars 1982, n° 80-13.790, publié (N° Lexbase : A9450AT8), RTDCom., 1982, p. 265, obs. E. Alfandari et M. Jeantin ; Cass. com., 15 novembre 1983, n° 82-11.253, publié (N° Lexbase : A9475AT4), Bull. civ. IV, n° 309.
(49) E. Alfandari, Le patrimoine de l'entreprise sous forme associative, Mélanges J. Derruppé, p. 265, GLN Joly et Litec, 1991 ; D. Vidal, L'association est-elle une forme d'entreprise alternative au contrat de société ?, LPA, 24 avril 1996, n° 50, p. 53 ; Y. Marot, La loi du 1er juillet 1901 sur les associations : un principe de liberté ou un principe de démocratie ? L'association un contrat ou une personne juridique ?, D., 2001, cah. dr. aff., chron. doctr. p. 3106 ; R. Brichet, La loi 1901 : succès et dévoiement d'une alerte centenaire, Dr. sociétés, juin 2001, chron. n° 12.
(50) M. de Juglart et B. Ippolito, Traité de droit commercial, vol. II, Les sociétés, t. I, 3ème éd., par E. du Pontavice et J. Dupichot, n° 411-1.
(51) G. Sousi, Le fonctionnement des associations, n° 22, éd. L'Hermès, 1980.
(52) C. com., art. L. 221-1 al. 1er (N° Lexbase : L5797AIK).
(53) C. civ., art. 1869 (N° Lexbase : L2066AB7) pour les sociétés civiles, C. com., art. L. 231-6 (N° Lexbase : L6278AID) pour les sociétés à capital variable, C. com., art. L. 221-12 (N° Lexbase : L5808AIX) pour les cas du gérant statutaire associé révoqué.
(54) Cass. civ. 1, 11 mars 2014, n° 13-14.341, F-P+B (N° Lexbase : A9411MGN), BRDA 8/2014, n° 3 ; RJDA 6/2014, n° 541 ; Sur l'application du principe de liberté d'adhérer et de se retirer d'une association, Lexbase Hebdo n° 374 du 20 mars 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N1324BUL). La Cour ajoute : "les dispositions statutaires entravant la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s'en retirer en tout temps sont entachées d'une nullité absolue". V. aussi, Ass. plén., 9 février 2001, n° 99-17.642 (N° Lexbase : A5651AW9), RJDA, 5/01 n° 599. Pour une étude générale, B. Alibert, Le retrait de l'association, LPA, 25 novembre 1994, n° 141, p. 10 ; M. Rakotovahiny, Le départ d'un sociétaire, Journ. sociétés, septembre 2014, p. 15, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(55) C. com., art. L. 612-1 (N° Lexbase : L3163IM4).
(56) L'article 59 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire, définit les subventions comme des subventions les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire.
(57) C. com., art. L. 612-4 (N° Lexbase : L8784I3Q).
(58) Alors que la loi de 1901 ne prévoit que quatre catégories de ressources financières, le Conseil constitutionnel considère que cette liste n'est pas limitative (Cons. const., décision n° 84-176 DC du 25 juillet 1984 N° Lexbase : A8093ACQ).
(59) P. Mousseron, Le choix de la forme associative, Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1179.
(60) Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-24.658, F-D (N° Lexbase : A4683KNR), Bull. Joly Sociétés, 2014, p. 32, note F.-X. Lucas ; nos obs. Pouvoirs et délégations de pouvoirs au sein d'une société en nom collectif, Lexbase Hebdo n° 363 du 19 décembre 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N9874BTU).
(61) C. com., art. L. 223-18, al. 1er (N° Lexbase : L0906I7P), L. 225-47, al. 1er (N° Lexbase : L5918AIZ), L. 225-51-1, al. 1er (N° Lexbase : L2183ATZ), L. 225-53 (N° Lexbase : L5924AIA), L. 225-59, al. 3 (N° Lexbase : L5930AIH).
(62) C. com., art. L. 225-21-1 (N° Lexbase : L5711ISC), rédact. loi "Warsmann" n° 2012-387 du 22 mars 2012 (N° Lexbase : L5099ISN).
(63) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 88-11351, publié (N° Lexbase : A3485AHK), Bull. civ. I, n° 45 ; Rev. sociétés, 1991, p. 773, note D. Randoux.
(64) Cass. civ. 1, 2 mars 1999, n° 97-15007, publié (N° Lexbase : A3421AUA), Bull. civ. I, n° 69, Dr. sociétés, 1999, n° 88, obs. Th. Bonneau. V. aussi, Cass. civ. 1, 7 novembre 1995, n° 93-18652, publié (N° Lexbase : A7973ABW), Bull. civ. I, n° 389 ; Cass. civ. 1, 19 novembre 2002, n° 99-16749, F-P (N° Lexbase : A4076A3D), Bull. civ. I, n° 242 : irrecevabilité de l'appel formé par le président ne disposant d'aucun pouvoir statutaire particulier de représentation en justice, en l'absence d'un mandat spécial, si ce n'est de faire fonctionner l'association en convoquant le conseil d'administration ou l'assemblée générale.

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