Lexbase Affaires n°437 du 24 septembre 2015 : Sociétés

[Doctrine] Sociétés et associations (seconde partie)

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N9041BUE

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse 1 Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 07 Octobre 2015

Après avoir étudié, dans la première partie de cette étude, les divergences (I) existant entre les sociétés et les associations (pour la première partie de cette étude, cf. N° Lexbase : N9040BUD), cette seconde partie est consacrée aux convergences (II) qui tiennent au fait que les sociétés et les associations répondent en tant que groupements à des règles communes II - Les convergences fondées sur le droit commun des groupements et les relations fonctionnelles

A - L'existence d'un droit commun des groupements

Le droit commun des groupements, dont il convient de dégager le contenu (1°), s'étend essentiellement au droit des sociétés (2°), au droit des droit des entreprises en difficulté (2°), au droit du travail, au droit de la concurrence, et au droit fiscal à propos duquel les régimes des sociétés et des associations tendent à se rapprocher (65). En effet, est soumise à l'IS toute société ou association investie de la personnalité juridique, dès l'instant où sa gestion est intéressée, et qu'elle concurrence une entreprise ou exerce son activité dans des conditions identiques à celles d'une entreprise (66). L'application des règles d'imposition dépend donc moins de la forme juridique du groupement, que du caractère lucratif ou non des opérations qu'elle réalise.

Par ailleurs, en tant qu'outil d'organisation et de répartition des compétences en son sein, la délégation des pouvoirs concerne tout groupement. Bien que plus fréquemment utilisée dans les sociétés, les associations n'y échappent pas (67). Cette technique qui se conçoit comme un mécanisme d'exercice conjoint des pouvoirs par le délégant et le délégataire, illustre la difficulté voire l'impossibilité pour le dirigeant, d'exercer personnellement l'ensemble des prérogatives liées à sa qualité. Elle ne se justifie donc que dans les associations d'une dimension relativement importante, car elle est sans effet dans une petite structure que le président est en mesure de contrôler.

1° - Le contenu du droit commun des groupements

Aucun texte ne signale de droit commun des groupements qui est le fruit de réflexions doctrinales (68) fondées sur de nombreux points.

Qu'il s'agisse des sociétés ou des associations, elles se dédoublent en contrat et institution. Elles ont effectivement un fondement contractuel révélé à la fois par l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 qui définit l'association comme une "convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices [...]" (69), et par l'article 1832 du Code civil qui énonce que "la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter [...]". L'aspect contractuel est accentué dans les associations en raison de la présence nécessaires d'au moins deux membres, alors que le législateur conçoit des sociétés unipersonnelles, ce qui justifie qu'une association ne comportant qu'un seul membre soit immédiatement dissoute et de plein droit (70).

Qu'entend-on par bénéfices ? Avant la loi du 4 janvier 1978, la notion de bénéfice se concevait de deux manières. Dans une interprétation extensive, le bénéfice était non seulement ce qui augmente de façon visible, concrète, le patrimoine d'un individu, mais aussi tout avantage d'où résulte une économie, une réduction de frais, de dépenses, de pertes. Eviter une perte revenait à réaliser un bénéfice. Interprété restrictivement, le bénéfice était un gain matériel, positif, visible, concret, ajoutant à la valeur du patrimoine des membres du groupement. La Cour de cassation avait opté pour la conception restrictive dans l'arrêt de "la Caisse rurale de Manigod", en définissant le bénéfice comme : "tout gain pécuniaire ou tout gain matériel qui ajouterait à la fortune des intéressés" (71). Il s'ensuivait que la réalisation d'une économie, c'est-à-dire le fait d'éviter un appauvrissement, ne constituait pas un bénéfice. Le législateur s'est néanmoins rallié à l'orientation extensive, en introduisant dans l'article 1832 du Code civil la notion d'économie susceptible de résulter d'une activité.

Reste à déterminer le sens de "profiter d'une économie". Certes, l'idée de partage, même si elle n'est pas complètement absente, occupe une place secondaire dans la mesure où on ne partage pas une économie, mais on en tire profit. Il doit s'agir d'un profit collectif c'est-à-dire tiré par chacun des membres, quel que soit le groupement, faute de quoi en matière de sociétés on pourrait être en présence d'un abus de majorité, d'une clause léonine ou d'un groupement qui ne répond pas véritablement aux caractéristiques d'une société posées par l'article 1832 du Code civil.

Par ailleurs l'une et l'autre se conçoivent comme des groupements dotés de la personnalité juridique, à condition pour l'une (l'association) d'avoir été déclarée à la préfecture et, pour l'autre (la société), d'avoir été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, qu'elle soit civile ou commerciale. Dès lors, le groupement devenu personne morale, dispose d'un patrimoine composé d'apports, à cette différence qu'une association n'a pas de capital.

En toutes hypothèses, les membres sont animés d'une volonté de collaborer, affectio societatis et affectio associationis, en vue de la réalisation d'un intérêt commun. Etant donné la communauté d'intérêts, ceux-ci sont convergents alors qu'habituellement dans les autres contrats synallagmatiques, les intérêts sont antagoniques.

Eu égard à cette volonté de collaborer, les associés (sociétés) et les sociétaires (associations) participent collectivement à la vie du groupement, ne fût-ce que par leur vote des décisions qui traduit l'exercice de droits extra-patrimoniaux, tandis que ces derniers, contrairement aux premiers, ne disposent pas de droits patrimoniaux, étant donné le caractère non-lucratif du groupement dont ils font partie. En effet, l'assemblée des associés ou des sociétaires, en tant qu'organe de délibération, est l'organe prépondérant investi des prérogatives les plus importantes que ne peuvent exercer les dirigeants et mandataires sociaux. Par ailleurs, sous réserve des conditions légales d'ordre public, beaucoup plus marquantes dans les sociétés que dans les associations, ces assemblées déterminent librement les statuts, plus particulièrement l'objet du groupement, l'organisation et le fonctionnement du groupement, les pouvoirs des dirigeants, les modalités de contrôle de ceux-ci...

2° - L'application supplétive du droit des sociétés aux associations

Le caractère essentiellement contractuel du droit associatif explique très aisément que la loi du 1er juillet 1901 soit peu loquace à propos des associations simplement déclarées qui, rappelons-le, disposent tout de même de la personnalité juridique.

Pour tenter de pallier les insuffisances, bon nombre d'associations ont recours aux statuts de celles reconnues d'utilité publique, bien que ces dernières ne bénéficient pas de tous les droits dont disposent les sociétés. D'autres associations adoptent des statuts assez précis, encore faut-il que les fondateurs ou les dirigeants aient les compétences nécessaires pour procéder à une telle rédaction, à moins de souhaiter ou d'espérer qu'une ambiguïté sciemment prévue leur confère une certaine liberté d'action.

Pour résoudre les conflits notamment entre dirigeants et sociétaires dont ils ont été saisis, les tribunaux ont parfois, en raison du vide juridique auquel ils se sont trouvés confrontés, appliqué aux associations les dispositions relatives aux sociétés. Ainsi, ont-ils explicitement ou implicitement prévu la reprise par l'association personne morale, des actes accomplis par les sociétaires durant la période de constitution du groupement (72). De plus, ils ont statué en faveur de la non-rétroactivité de la nullité d'une association sur le fondement de l'article 1844-15 du Code civil (N° Lexbase : L2035ABY) (73). Ils ont également prononcé la révocation du président et de certains administrateurs en vertu de dispositions relatives au droit des sociétés (74).

Plus récemment, la Cour de cassation a estimé que "dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d'une association, [...] les dispositions du Code civil, et à défaut du Code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application" (75). Il convient également de relever l'extension de la loi "NRE" du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420 N° Lexbase : L8295ASZ) aux personnes morales de droit privé non commerçantes exerçant une activité économique de la procédure des réglementées applicable aux sociétés (76).

Au-delà de l'application supplétive du droit des sociétés aux associations, objet de critiques doctrinales, on constate une tendance marquée à une confusion des genres entre ces deux catégories de groupements. Les règles étendues aux associations émanent du droit commun ou spécial des sociétés (77) et non du droit commun des groupements, à l'instar de la théorie des incidents de séance, de la théorie de l'abus de majorité, de la dissolution pour cause de mésintelligence (78), de la survie de la personnalité juridique de l'association pour les besoins de la liquidation (79). La jurisprudence les applique de plus en plus souvent, en dehors de règles spécifiques.

Bien évidemment, l'extension aux associations des règles du droit des sociétés connaît des limites en ce que certaines sont inapplicables à ces dernières, sauf à les dénaturer. C'est le cas de l'application des règles relatives à la répartition des bénéfices, alors que les sociétaires ne peuvent prétendre à leur partage, ou à l'attribution d'un droit de vote en fonction des parts sociales détenues dans le capital.

3° - L'éligibilité des associations au droit des entreprises en difficulté

A l'origine, seuls les commerçants personnes physiques étaient accessibles aux procédures collectives. Par la suite, la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 (N° Lexbase : L7803GT8) (80) a étendu le "droit de la faillite" à toutes les personnes physiques exerçant en nom propre investies de la qualité d'entrepreneur, ainsi qu'aux personnes morales de droit privé désormais éligibles aux procédures de traitement des difficultés financières régies actuellement par le livre VI du Code de commerce. Cette règle reprise par l'article 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L7852AGW) a été consacrée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150GHT) dont les dispositions sont contenues dans les articles L. 620-2 (N° Lexbase : L8850IN4), L. 631-2 (N° Lexbase : L8853IN9) et L. 640-2 (N° Lexbase : L8862INK) du Code de commerce respectivement relatifs aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires.

Dès lors, les associations s'exposent aux procédures collectives, encore faut-il qu'elles aient la personnalité juridique (81). C'est le cas de celles dont le récépissé de la déclaration faite auprès de la préfecture a été inséré au Journal officiel, tandis que celles qui n'ont pas fait l'objet de cette formalité constituent simplement un contrat. A fortiori, il en va pareillement pour les associations reconnues d'utilité publique (82).

En revanche, les membres d'une association en cours de constitution ne peuvent être poursuivis car, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, seules sont assujetties aux procédures collectives les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle indépendante.

Par ailleurs, à l'instar des autres personnes morales de droit privé, quelles que soient leur nature juridique et l'activité économique ou non exercée par elles, les associations dotées de la personnalité juridique connaissent le droit d'alerte de l'article L. 611-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8841INR).

En la matière, compte tenu du caractère civil de l'activité associative, la juridiction habilitée à connaître la procédure est, en principe, le tribunal de grande instance (83). S'agissant de la compétence territoriale, selon l'article R. 600-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0796HZI), elle est du ressort du tribunal dans lequel le débiteur personne morale a son siège. Cette règle s'applique aisément pour la plupart des associations déclarées ou reconnues d'utilité publique qui ne comportent aucune section ni établissement autre que le siège social, ou pour une association qui fait partie d'un réseau dont chacune des associations dispose de la personnalité juridique. En revanche, pour les associations ayant des sections ou des établissements secondaires non pourvus de la personnalité juridique, la procédure est impérativement ouverte dans le ressort du siège social, en incluant dans son périmètre tous les établissements secondaires, peu importe leur dénomination.

Enfin, à l'image de toutes les procédures collectives, celle ouverte à l'encontre d'une association peut être étendue à une ou à plusieurs autres, ou encore à son président, au motif de la confusion de leurs patrimoines (confusion des comptes, flux financiers anormaux...), ou de la fictivité de l'association, celle-ci n'étant qu'une façade permettant notamment au président de soustraire ses actifs aux poursuites de ses créancier (84).

B - Les relations fonctionnelles entre sociétés et associations

1° - Les liens de filialisation entre les groupements

a) La société filiale de l'association

Deux moyens s'offrent à une association d'avoir pour filiale une société. La première consiste à participer à la création d'une société filiale en souscrivant au capital social. La seconde réside dans la prise de contrôle d'une société préexistante en acquérant la majorité des parts sociales. L'objet de la filiale doit s'inscrire dans le cadre général de celui poursuivi par l'association au regard de ses statuts (85).

Ces hypothèses sont d'autant plus envisageables que la loi du 1er juillet 1901 ne l'interdit pas et que le droit des sociétés (Code civil et Code de commerce) ne fait pas de distinction parmi les personnes physiques ou morales participant à son capital. En outre, certains textes énoncent expressément la possibilité de filialisation. Il en va ainsi de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (N° Lexbase : L7559AG3), modifiée par les lois n° 92-652 du 13 juillet 1992 (N° Lexbase : L1050IWS) et n° 2000-627 du 6 juillet 2000 (N° Lexbase : L0778AIN), qui a rendu obligatoire la filialisation au-dessus d'un certain seuil des recettes et des rémunérations allouées aux joueurs.

L'association désireuse de créer une filiale est libre dans le choix de la formule qui dépend fréquemment de l'activité exercée par la filiale. Ainsi, la forme d'une société civile immobilière sera adoptée pour la gestion du patrimoine immobilier de l'association. Celle-ci aura recours à une SARL, une SA ou une SAS, pour la gestion de ses activités commerciales. Elle pourra se tourner vers une EURL ou une SASU si elle ne souhaite partager le pouvoir de gestion avec quiconque (86), le dirigeant de la société (gérant ou président) pouvant devenir l'administrateur de l'association. Cette option permet à l'association de contrôler entièrement la filiale. Elle présente cependant le risque en cas de dissolution de l'EURL ou de la SASU qu'en vertu de l'article 1844-5 du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM) son patrimoine fasse l'objet d'une transmission universelle au profit de l'association, ce qui peut s'avérer dommageable pour cette dernière si le passif est important.

En revanche, l'utilisation d'une société en nom collectif peut se révéler problématique en raison du statut de commerçant revêtu par ses associés, en conséquence par la société mère, et de la responsabilité indéfinie et solidaire assumée par eux.

b) L'association filiale de la société

Cette hypothèse est beaucoup moins fréquente. Elle vise essentiellement les sociétés désireuses de faire gérer une activité culturelle, sportive et sociale de leurs salariés (87).

La création d'un lien de filialisation par une prise de contrôle d'une association préexistante s'avère impossible dans la mesure où elle suppose l'acquisition majoritaire du capital social, alors qu'une association ne possède pas de capital social, en raison de son caractère non-lucratif.

2° - Les mutations d'un groupement à l'autre

Des mutations sociales sont possibles. Soit qu'une société prend conscience que ses activités lucratives occupent une place très secondaire parce qu'aucune répartition des bénéfices n'est opérée entre ses membres et que ne se dégage même pas un boni de liquidation (a). Soit qu'un groupement, initialement né sous la forme d'une association, ne se reconnaît plus comme tel (b). Son activité commerciale prenant le pas sur toutes les autres, elle envisage tout naturellement de s'orienter vers le partage des bénéfices entre ses membres.

La logique et le bon sens commandent donc d'entériner ces constats par un changement de forme afin d'en tirer des avantages, avant que le juge, saisi d'un éventuel litige, procède à une requalification des groupements en cause, pratiquement toujours génératrice de conséquences néfastes.

a) La transformation en association d'une société

Compte tenu de la différence de nature entre ces deux groupements, il n'existe pas d'autres solutions que de dissoudre la société et de constituer une association. Il y a donc dévolution à une association sans continuation de la personnalité morale existante. En l'absence de contrepartie, la dévolution à une association risque d'être considérée comme une libéralité, au point de s'exposer à une annulation si elle est intervenue au profit d'une association non autorisée à recevoir des libéralités.

Cette mutation sociale génère un certain nombre de problèmes, particulièrement ceux auxquels se trouvent confrontés les associés qui, subissant une atteinte à leurs droits, peuvent prétendre à un boni de liquidation. Cela justifie qu'une pareille mutation résulte d'une décision unanimement prise par les associés, futurs sociétaires.

En toute hypothèse, le passage d'une société à une association ne constitue pas une transformation au sens juridique du terme, sans création d'une personne morale nouvelle, mais la substitution d'une association investie de la personnalité juridique à une société investie d'une personnalité juridique de nature différente (88). Dans une espèce, s'est posée aux juges la question de savoir si la personne morale qui a existé avant les modifications statutaires était une association ou une société : dans la première hypothèse, les droits d'enregistrement sur les apports étaient certainement dus ; dans la seconde, ils n'étaient pas dus (89). Pour statuer en faveur d'une société, les juges du fond approuvés par la Cour de cassation ont constaté l'existence d'apports, d'un partage de bénéfices et d'une contribution aux pertes (90).

Néanmoins, certaines lois ont admis la transformation d'une société en une association dans des hypothèses particulières et pour une période bien déterminée.

Ainsi, la loi n° 69-717 du 8 juillet 1969 (article 4 périmé), relative à certaines dispositions concernant les sociétés, avait autorisé la requalification d'une société civile ou commerciale dotée principalement d'une activité qui consiste en la gestion d'immeubles lui appartenant loués ou affectés à des objectifs éducatifs, sociaux, sanitaires ou culturels (91). Cette requalification devait être décidée par l'assemblée générale à la majorité simple, en respectant un quorum (92).

La loi n° 77-574 du 7 juin 1977, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (N° Lexbase : L9905KCT), avait également permis durant six mois à tout actionnaire ou associé d'une société civile ou commerciale dépourvue de tout but lucratif, de demander en justice la "restitution" de la qualification d'association (93). Reste à savoir pourquoi le législateur avait préféré les termes de "requalification" et de "restitution" à celui de "transformation" plus adapté au contexte. On pourrait trouver une explication dans le voeu du législateur de conférer un caractère "déclaratif" et non "constitutif" à la délibération de l'assemblée ou à la décision judiciaire, ce qui aurait pour inconvénient d'entraîner une rétroactivité, source d'insécurité juridique pour les intéressés.

b) La transformation en société d'une association

La transformation impossible. Bien que ne se heurtant pas à une interdiction légale, quelques membres de la doctrine estiment impossible la conversion d'une société en une association. Simplement, pareille mutation n'entraîne pas la continuité de la personne morale, étant donné la différence de nature entre les deux structures (94). Ce principe vaut même si la société a une activité identique à celle de l'association (95).

Il y a lieu de dissoudre l'association avant de transférer ses actifs à la société, une décision de l'assemblée générale pouvant déterminer le bénéficiaire de la dévolution (96). Le tout est que l'attributaire n'ait pas la qualité de membre de l'association dissoute, mais aussi qu'il dispose de la capacité de recevoir des libéralités, si la dévolution se fait à titre gratuit, et qu'il ne soit pas un écran dissimulant frauduleusement les membres.

L'attribution des biens d'une association reconnue d'utilité publique doit être autorisée par décret. Lorsque, d'une façon générale, elle comporte des immeubles, elle doit être établie par acte notarié et respecter les règles de publication aux services chargés de la publicité foncière contenues dans l'article 939 du Code civil (N° Lexbase : L5310IMM).

Par ailleurs, le défaut de continuité de la personnalité morale génère des conséquences préjudiciables d'ordre juridique, telles que l'impossibilité pour une société qui a repris l'activité d'une association d'intervenir dans un procès engagé par cette dernière avant sa dissolution (97), et d'ordre fiscal, notamment la taxation des plus-values, le paiement de droits d'enregistrement et de droits d'apports.

Les transformations possibles. En revanche, une association peut devenir une société coopérative ayant une activité similaire, sans création d'une personne morale nouvelle (98). Les fonds associatifs constitués avant la transformation ne sont pas distribuables aux sociétaires ou incorporables au capital. De plus, la société coopérative bénéficiera des agréments et aides financières obtenus auparavant par l'association.

En outre, une association peut se convertir en une société coopérative d'intérêt collectif, (SCIC). Celle-ci instituée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 (N° Lexbase : L1823ATP) et le décret n° 2002-241 (N° Lexbase : L7203ISL) a pour objet "la production ou la fourniture de biens et services d'intérêt collectif présentant un caractère d'utilité sociale". Elle doit être agréée par le préfet et peut obtenir des subventions de la part des collectivités territoriales (99).

Signalons également la possibilité de se muer en groupement d'intérêt économique (GIE) ou en groupement européen d'intérêt économique (GEIE), sans dissolution ni création d'une personne morale nouvelle (100), d'une association qui a pour objet de développer l'activité économique de ses membres, sans chercher à réaliser des bénéfices par elle-même.


(65) E. Diarra, La fiscalité des associations n'est plus ce qu'elle était : de la simplicité à la complexité, Journ. sociétés, septembre 2014, p. 27, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(66) Instruction fiscale du 15 septembre 1998, M. Cozian et F. Deboissy, Précis de fiscalité des entreprises, LexisNexis, 2013-2014, n° 672, p. 275.
(67) Nos obs., La délégation de pouvoirs dans les associations, Journ. sociétés, septembre 2014, p. 8, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(68) D. Randoux, Vers un droit commun des groupements, JCP éd. G, 1996, I, 3982 ; V. Grellière, Propositions pour un droit commun des groupements personnifiés, D. Affaires, 1997, n° 35, p. 1133.
(69) L. Butstraën, La confirmation jurisprudentielle de la nature contractuelle de l'association, LPA, 23 mars 1998, n° 35, p. 4 ; Y. Chartier, L'association, contrat dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation, dans Aspects actuels du droit des affaires, Mélanges en l'honneur de Yves Guyon, p. 195, Dalloz, 2003.
(70) QE n° 19256 de M. Roland Huguet, JO Sénat 7 octobre 1999 p. 3286, réponse publ. 24 février 2000 p. 697, 11ème législature (N° Lexbase : L9900KCN), JCP éd. E, 2000, p. 392 ; Dr. sociétés, 2000, n° 84.
(71) Préc. Sociétés et associations (première partie), note 3.
(72) CA Versailles, 3 Mai 1990, Bull. Joly Sociétés, 1990, 648, obs. M. Jeantin ; RTDCom., 1990, p. 601, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(73) Cass. civ. 1, 19 novembre 1991, n° 89-19.383, inédit (N° Lexbase : A1861CX9), Dr. sociétés, janvier 1992, n° 25, obs. Th. Bonneau.
(74) Cass. civ. 1, 29 novembre 1994, n° 92-18.018, publié (N° Lexbase : A7210ABN), Bull. Joly Sociétés, 1995, p. 182, obs. M. Jeantin.
(75) Cass. civ. 1, 3 mai 2006, n° 03-18.229, FS-P+B (N° Lexbase : A2453DPK), Rev. sociétés, 2006, p. 855, note D. Randoux ; D., 2006, p. 1456, note A. Lienhard ; Dr. sociétés, avril 2014, n° 61, obs. H. Hovasse.
(76) C. com., art. L. 612-5 (N° Lexbase : L3230ICM).
(77) P. Rubellin, note sous CA Paris, 2 mars 2010, Pôle 5, 8ème ch., 2 mars 2010, n° 09/15336 (N° Lexbase : A9471ESL), Bull. Joly Sociétés, 2010, p. 662.
(78) Cass. civ. 1, 17 octobre 1973, n° 72-10.882, publié (N° Lexbase : A8977CHX), Bull. civ. I, n° 274, pour une application du droit des sociétés. V. aussi, Cass. civ. 1, 10 mai 1978, RTDCom., 1979, p. 770, obs. : espèce dans laquelle la Cour de cassation n'a pas fait référence au droit des sociétés, mais aux statuts prévoyant cette règle.
(79) Cass. civ. 1, 29 juin 1971, n° 70-10.725, publié (N° Lexbase : A4593CKC), RD sanit. et soc., 1972, p. 210, obs. Lavagne ; Cass. civ. 1, 3 janvier 1985, RTDCom., 1985, p. 326.
(80) L'article 1er de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 (N° Lexbase : L7803GT8) disposait que les procédures collectives s'appliquaient aux "personnes morales de droit privé même non commerçantes".
(81) Ch. Lebel, Les particularités d'une association en difficulté, Journ. sociétés, septembre 2014, p. 36, dans Le droit associatif, sous la direction de D. Gibirila.
(82) Loi du 1er juillet 1901, art. 10.
(83) C. com., art. L. 621-2, al. 1er (N° Lexbase : L7280IZN) et L. 631-7 (N° Lexbase : L3100I4L) ; CA Lyon, 19 janvier 2010, n° 09/06246 (N° Lexbase : A2823GIE), à propos d'une association gérant un régime de retraite complémentaire obligatoire selon les principes de répartition et de solidarité nationale, considérée comme n'exerçant aucune activité économique commerciale.
(84) C. com., art. L. 621-2, al. 2 et L. 631-7.
(85) QE n° 08532 de M. Rémi Herment, JO Sénat 17 novembre 1994 p. 2705, réponse publ. 2 février 1995 p. 279, 10ème législature (N° Lexbase : L9903KCR), Bull. Joly Sociétés, 1995, p. 262, qui préconise même le recours à la filialisation "lorsque le volume des activités économiques d'une association devient important".
(86) Rep. min. n° 8532, préc., RTD com. 1995, p. 809, obs. E. Alfandari.
(87) Cass. civ. 1, 4 novembre 1982 (N° Lexbase : A0718C84), RTDCom., 1983, p. 572, création d'une association au sein d'une société pour garantir la retraite des salariés ; CA Paris, 19 octobre 1990, RTDCom., 1992, p. 407, création d'une association afin de répartir les actions dans le cas d'une retraite par capitalisation.
(88) I. Riassetto, Typologie des transformations, Bull. Joly Sociétés, 2010, p. 389 et s. ; Cass. civ. 1, 22 novembre 1988, n° 86-18.844, publié (N° Lexbase : A2120AHY) ; Rev. sociétés, 1989, p. 85, note Y. Guyon.
(89) CGI, art. 809, II (N° Lexbase : L7355IGI) et 810, III (N° Lexbase : L5023ICZ).
(90) Cass. com., 20 novembre 2012, n° 11-19.238, F-D (N° Lexbase : A5013IXX), Dr. sociétés, février 2013, n° 25, obs. H. Hovasse.
(91) M. Cozian, La transformation en associations de sociétés affectant leurs immeubles à une oeuvre désintéressée, JCP éd. G, 1970, I, 2298.
(92) T. com. Roubaix, 3 janvier 1979, RTDCom., 1979, p. 763 ; Gaz. Pal., 1979, 2, p. 679, note A. P. S.
(93) CA Paris, 6 juillet 1981, RTDCom., 1982, p. 108, Gaz. Pal. 1982, 2, p. 783, note A. P. S. et sur pourvoi, Cass. civ. 1, 2 mars 1982, n° 80-13.790 (N° Lexbase : A9450AT8), RTDCom., 1984, p. 694 ; Cass. com, 15 mars 1988, n° 85-17.998, publié (N° Lexbase : A7569AAL), RTDCom., 1988, p. 460.
(94) Cass. com., 15 novembre 1983, n° 82-11.253 (N° Lexbase : A9475AT4) ; Cass. civ. 1, 15 mars 1988, n° 85-17.998, préc..
(95) QE n° 32913 de M. Clément Jean-Michel, JOANQ 21 octobre 2008 p. 8957, réponse publ. 8 février 2011 p. 1317, 13ème législature (N° Lexbase : L9904KCS).
(96) Loi du 1er juillet 1901, art. 9 ; décret du 16 août 1901, art. 15.
(97) Cass. civ. 1, 22 novembre 1988, préc. note 88, RTDCom., 1989, p. 269.
(98) Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, art. 28 bis (N° Lexbase : L4471DIG), modifiée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 (N° Lexbase : L1823ATP).
(99) Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, art. 36.
(100) C. com., art. L. 251-18 (N° Lexbase : L6498AII) et L. 252-8 (N° Lexbase : L6511AIY).

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