Lexbase Affaires n°437 du 24 septembre 2015 : Baux commerciaux

[Evénement] Le bail commercial avant et après la loi "Pinel" - Compte rendu de la conférence des Universités d'été de l'Ecole des avocats Aliénor du 28 août 2015

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[Evénement] Le bail commercial avant et après la loi "Pinel" - Compte rendu de la conférence des Universités d'été de l'Ecole des avocats Aliénor du 28 août 2015. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/26148565-evenement-le-bail-commercial-avant-et-apres-la-loi-pinel-compte-rendu-de-la-conference-des-b-univers
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 24 Septembre 2015

Dans le cadre des Universités d'été de l'Ecole des avocats Aliénor qui se sont déroulées à Biarritz les 28 et 29 août 2015 et qui avaient pour thème "L'immeuble dans tous ses états", s'est tenue une conférence animée par Fabien Kenderian, Maître de conférences à l'Université de Bordeaux, sur "Le bail commercial avant et après la loi 'Pinel'". Les éditions juridiques Lexbase, présentes à cet évènement, vous en proposent un compte rendu. Introduction

Le statut des baux commerciaux a été substantiellement réformé par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (N° Lexbase : L4967I3D ; cf. J. Monéger et F. Kendérian, Premiers regards sur les dispositions de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relatives au bail commercial, RTDCom., 2014, p. 535 et suiv.), dite loi "Pinel". Cette réforme, qui, doit-on le noter, est la plus importante depuis le décret n° 72-561 du 3 juillet 1972, est toutefois difficilement intelligible en raison de la mauvaise rédaction de la loi qui est susceptible de différentes lectures. Ce texte a été débattu selon la procédure accélérée, technique qui ne répond pas aux exigences d'une saine réflexion. La rédaction des baux est ainsi rendue aléatoire en attendant de connaître la position de la Cour de cassation sur de nombreux points. La loi "Pinel" a tout à la fois bouleversé (1) et complexifié (2) le statut du bail commercial.

1 - Bouleversement du statut du bail commercial par la loi "Pinel"

Le nouveau statut peut être éclairé en dix points clés.

1.1 - Convention d'occupation précaire (C. com., art. L. 145-5-1, nouv. N° Lexbase : L4973I3L)

Avant la loi "Pinel" la définition de la convention d'occupation précaire était uniquement prétorienne. Ainsi, dernièrement, la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 14 avril 2015, n° 14-10.128, F-D N° Lexbase : A9373NGA) a-t-elle exigé "l'existence de circonstances particulières autres que la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité".

La loi "Pinel" procède à une codification de la définition prétorienne. Désormais, l'article L. 145-5-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4973I3L) dispose que "n'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties". La convention précaire doit donc détenir un critère objectif de précarité : la réalisation de l'évènement qui a causé la conclusion de la convention précaire ne doit dépendre ni du propriétaire, ni de l'occupant (ex. : attente d'une situation contentieuse touchant un immeuble ou l'attente d'une expropriation).

1.2 - Bail dérogatoire de courte durée (C. com., art. L. 145-5, mod. N° Lexbase : L5031I3Q)

Avant la loi "Pinel", la dérogation au statut était possible sur une durée de deux ans maximum. Le maintien en possession du preneur, entraînait la mutation automatique et immédiate du bail dérogatoire en bail statutaire. Il était, par ailleurs impossible de conclure, entre les mêmes parties, un nouveau bail dérogatoire pour le même local. A contrario, il était possible d'échapper au statut si le nouveau bail portait sur des locaux différents ou était conclu entre des parties différentes, mais pas s'il portait sur une activité nouvelle déployée par le même locataire selon la Cour de cassation (cf. Cass. civ. 3, 31 mai 2012, n° 11-15.580, FS-P+B N° Lexbase : A5198IMH, Bull. civ. III, n° 86 ; RTDCom., 2012, p. 512, avec les obs. de F. Kenderian et les réf. citées). Aucune exigence d'un état des lieux n'était, en outre, posée.

Après la loi "Pinel" la durée maximum du bail dérogatoire passe de deux à trois ans. En outre, le délai pendant lequel le maintien en possession du preneur peut entraîner la naissance d'un bail statutaire est allongé. Antérieurement à la loi "Pinel", si le bailleur n'avait pas pris le soin d'adresser au locataire une mise en demeure de quitter les lieux à l'arrivée du terme du bail dérogatoire et que le locataire restait dans les lieux, la mutation en bail statutaire s'effectuait dès l'arrivée du terme du bail dérogatoire. La loi "Pinel" crée un délai de carence d'un mois à compter de l'expiration du bail dérogatoire pour que la mutation en bail statutaire opère.

Par ailleurs, il est désormais obligatoire d'établir un état des lieux d'entrée et de sortie, mais le texte ne prévoit pas de sanction en l'absence de respect de cette obligation. Enfin, l'impossibilité de conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux est maintenue.

1.3 - Durée du bail commercial (C. com., art. L. 145-4, mod. N° Lexbase : L2010KGK)

Avant la loi "Pinel", il était possible de déroger à la faculté de résiliation triennale du preneur en stipulant une durée ferme de neuf ans.

Après la loi "Pinel", est désormais posée à l'article L. 145-4 du Code de commerce, l'interdiction de stipuler une durée ferme, sauf exceptions : pour les baux de plus de neuf ans, les baux de locaux monovalents, les baux de locaux à usage exclusif de bureaux et les baux portant sur des locaux de stockage mentionnés à l'article 231 ter, III, 3°, du Code général des impôts (N° Lexbase : L7785I8T). En outre, il est possible pour les ayants-droit du preneur décédé de donner congé à tout moment dans les formes et délais de l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L2009KGI).

1.4 - Forme du congé (C. com., art. L. 145-9, mod. N° Lexbase : L2009KGI)

Avant la loi "Pinel", le congé devait obligatoirement être donné par acte d'huissier, les actes délivrés par tout autre moyen, notamment par simple lettre recommandée, étant nuls, quand bien même le bail prévoyait cette possibilité.

La loi "Pinel" est venue autoriser les deux parties à notifier le congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (C. com., art. L. 145-9, version loi "Pinel" N° Lexbase : L5043I38), étant précisé qu'en cas de recours à cette possibilité, "la date du congé est celle de la première présentation de la lettre", tel que le précise l'article R. 145-1-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L7048I4S), créé par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 (N° Lexbase : L7060I4A). Toutefois, dernièrement, la loi "Macron" (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC) a fait perdre au bailleur la possibilité de donner congé au preneur par simple LRAR. Parallèlement, cette même loi permet au preneur, de manière généralisée, de recourir à la LRAR s'agissant de toutes ses autres notifications. Les articles modifiés permettant désormais la notification par LRAR par le preneur sont les suivants :

- l'article L. 145-10, alinéa 2 (N° Lexbase : L2008KGH), relatif à la demande de renouvellement ;

- l'article L. 145-18, alinéa 5 (N° Lexbase : L2006KGE), relatif à la signification par le locataire évincé de son acceptation du local de remplacement proposé par le bailleur, aux lieu et place de l'indemnité d'éviction ;

- l'article L. 145-19, alinéa 1er (N° Lexbase : L2005KGD), relatif à la notification au propriétaire à la suite d'un refus de renouvellement sans indemnité pour insalubrité ou dangerosité de l'immeuble sa décision d'user de son droit de priorité en cas de reconstruction ;

- l'article L. 145-47, alinéa 2 (N° Lexbase : L2004KGC), relatif à la notification au propriétaire de son intention de procéder à une déspécialisation partielle ;

- l'article L. 145-49, alinéa 1er (N° Lexbase : L2002KGA), relatif à la demande faite au bailleur d'autorisation préalable de déspécialisation plénière ;

- l'article L. 145-55 (N° Lexbase : L2003KGB), relatif à la notification au bailleur de son refus de bénéficier d'une déspécialisation.

Quant au bailleur, il doit, en principe, toujours procéder par acte extrajudiciaire pour ses notifications, y compris désormais, lorsqu'il délivre congé. La loi "Macron" l'autorise à recourir à la lettre recommandée avec avis de réception dans un seul cas : lorsqu'il notifie son droit de repentir (C. com., art. L. 145-12, al. 4 N° Lexbase : L2007KGG).

1.5 - Cession du bail commercial (C. com., art. L. 145-16, al. 2, mod. N° Lexbase : L5033I3S, L. 145-16-1, nouv. N° Lexbase : L4971I3I, L. 145-16-2, nouv. N° Lexbase : L1932I4C, et L. 642-7, al. 4, nouv. N° Lexbase : L7333IZM)

Avant la loi "Pinel", il existait un doute au sujet des hypothèses exactes de transmission de plein droit du bail d'une société. Si les textes visaient expressément la fusion et l'apport partiel d'actif, tel n'était pas le cas de la scission. Par ailleurs, aucune réglementation de la clause de garantie solidaire du cédant n'existait. Enfin, le repreneur était obliger de respecter la clause de destination du bail cédé dans le cadre d'un plan de cession de l'entreprise.

Après la loi "Pinel", les cas légaux de transmission de plein droit du bail d'une société sont étendus à la scission ainsi qu'à la transmission universelle de patrimoine (C. com., art. L. 145-16, al. 2, mod.). La garantie solidaire du cédant est réglementée dans deux nouveaux textes, les articles L. 145-16-1 et L. 145-16-2, qui mettent à la charge du bailleur une obligation d'information du cédant et limitent la garantie de celui-ci dans le temps. En effet, le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci. Cependant, le législateur n'a prévu aucune sanction en la matière. En outre, le bailleur ne peut invoquer la garantie solidaire du cédant que durant trois ans à compter de la cession du bail. Il convient de relever que seule la clause garantie du cédant est désormais encadrée et non celle de garantie du cessionnaire, clause que l'on retrouve dans de plus en plus de baux. Cette clause est particulièrement efficace en cas de procédure collective puisque la Cour de cassation a jugé dans un important arrêt du 27 septembre 2011 (Cass. com., 27 septembre 2011, n° 10-23.539, FS-P+B N° Lexbase : A1219HYS) que, lorsque le bail est cédé par le liquidateur en temps qu'élément d'actif isolé, la clause de garantie solidaire du cessionnaire est parfaitement efficace, le droit des procédures collectives ne réputant non-écrite que la clause de garantie du cédant. Dans un arrêt du 12 mars 2015, la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 13ème ch., 12 mars 2015, n° 14/02599 N° Lexbase : A3029NDK) a étendu cette jurisprudence au plan de cession.

Enfin, est désormais introduite la possibilité de "cession-déspécialisation" du bail en procédure collective, par adjonction, à l'activité prévue au bail, d'une activité connexe ou complémentaire (C. com., art. L. 642-7, al. 4 ; cf. F. Kenderian in La nouvelle cession-déspécialisation du bail commercial en cas de procédure collective, A propos du nouvel alinéa 4 de l'article L. 642-7 du Code de commerce, Rev. proc. coll., septembre-octobre 2014, étude 25, p. 31).

1.6 - Loyer révisé ou renouvelé (C. com., art. L. 145-34, mod. N° Lexbase : L5035I3U, L. 145-38, mod. N° Lexbase : L5034I3T et L. 145-39, mod. N° Lexbase : L5037I3X)

Avant la loi "Pinel", il était prévu une application de l'indice des loyers commerciaux (ILC) et de l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) uniquement en cas d'accord des parties. L'indice de référence était l'indice du coût de la construction (ICC). En pratique, rares ont été les bailleurs qui ont consenti à indexer les loyers sur l'ILC ou l'ILAT. En outre, les effets du déplafonnement du loyer s'appliquer immédiatement.

Après la loi "Pinel", l'ICC est remplacé définitivement par l'ILC et l'ILAT, tant pour le calcul du loyer révisé que pour le calcul du loyer plafonné du bail renouvelé. Cette disposition ne s'applique qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014. Par ailleurs, il est prévu un lissage du déplafonnement du loyer révisé ou renouvelé (plafond de 10 % par an par rapport au dernier loyer en cours).

1.7 - Etat des lieux (C. com., art. L. 145-40-1, nouv. N° Lexbase : L4974I3M)

Avant la loi "Pinel", l'établissement d'états des lieux d'entrée et de sortie des locaux n'était pas obligatoire.

Après la loi "Pinel", l'établissement d'états des lieux d'entrée et de sortie des locaux est rendu obligatoire. Le nouveau texte pose, en outre, l'impossibilité pour le bailleur, en l'absence de réalisation de l'état des lieux, d'invoquer la présomption de bon état de l'article 1731 du Code civil (N° Lexbase : L1853ABA).

1.8 - Charges, impôts, taxes et travaux liés au bail (C. com., art. L. 145-40-2, nouv. N° Lexbase : L4976I3P)

Avant la loi "Pinel", la répartition des charges entre les parties relevait de la liberté contractuelle, sous réserve d'une jurisprudence procédant à une interprétation de plus en plus restrictive des clauses transférant au preneur la charge de dépenses incombant en principe au bailleur, et refusant à ce dernier de s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux relatifs à la structure de l'immeuble loué.

Après la loi "Pinel", un inventaire précis et limitatif est obligatoire comportant l'indication de leur répartition entre bailleur et preneur des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés au bail (sur les charges, impôts, taxes et redevances ne pouvant, en raison de leur nature, être imputés au locataire, cf.. C. com., art. R. 145-35 N° Lexbase : L7051I4W, créé par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 N° Lexbase : L7060I4A).

1.9 - Droit de préemption (C. com., art. L. 145-46-1, nouv. N° Lexbase : L4978I3R)

Avant la loi "Pinel", il n'existait un droit de préférence du preneur qu'en cas de prévision du contrat.

Après la loi "Pinel", est partiellement instauré un droit de préemption au profit du preneur en cas de vente d'un local à usage commercial ou artisanal, dont le régime est largement inspiré de celui prévu par le statut des baux d'habitation.

1.10 - Sanction des clauses contraires aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5032I3R et L. 145-16, al. 1er, mod. N° Lexbase : L5033I3S)

Avant la loi "Pinel", les clauses contraires aux dispositions d'ordre public du statut des baux étaient sanctionnées par la nullité, avec pour conséquence l'application de la très courte prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID), dont le point de départ, fixé à la conclusion du contrat, entravait la mise en oeuvre de l'action en nullité des clauses contraires au statut, malgré la subsistance de la voie d'exception.

Après la loi "Pinel", la sanction devient le "réputé non écrit", avec pour conséquence, a priori, l'éviction du jeu de la prescription biennale, ce qui devrait permettre aux locataires de contester les clauses contraires au statut à tout moment. Il est à noter que la cour d'appel de Pairs, dans un arrêt du 28 janvier 2015, a jugé, à propos d'une clause interdisant au locataire de demander la révision du loyer pour une autre cause que celle résultant d'une modification des facteurs locaux de commercialité visée par l'article L. 145-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5034I3T), que la nouvelle sanction du réputé non écrit ne s'appliquait pas aux procédures en cours (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 28 janvier 2015, n° 13/12547 N° Lexbase : A4670NA9).

2 - Complexification du statut du bail commercial par la loi "Pinel"

2.1 - Un nouveau statut source d'insécurité juridique

Les nouvelles dispositions se caractérisent par leur manque de clarté, de précision et parfois même de pertinence, ce qui est peu sécurisant pour les parties.

Voici un florilège de difficultés.

- Est-il désormais possible de conclure un nouveau bail dérogatoire entre les mêmes parties et pour le même local en cas de changement d'activité ?

- Est-il encore possible de conclure des baux dérogatoires successifs avec renonciation du preneur au statut ?

- Quelle sanction retenir, dans le silence de la loi, en cas de manquement du bailleur à l'obligation d'établir un état des lieux en matière de baux dérogatoires ? S'agira-t-il, comme en matière de baux statutaires, de l'exclusion de la présomption de bon état de l'article 1731 du Code civil ?

- La possibilité de délivrer congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'est-elle pas contraire à la sécurité juridique la plus élémentaire ?

- La réglementation de la garantie solidaire du cédant est-elle d'ordre public ou seulement supplétive de la volonté des parties ?

- Quelle sanction retenir, dans le silence de la loi, en l'absence d'information du cédant, par le bailleur, de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci ?

- En fonction de quels critères le tribunal de commerce se prononcera-t-il pour autoriser ou non le repreneur à adjoindre à l'activité prévue au bail une activité connexe ou complémentaire ?

- Quel calcul retenir pour le lissage à 10 % du déplafonnement ? Ce lissage est-il, au-delà, conforme à la Constitution ainsi qu'à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ?

- Peut-on encore se référer à l'ICC dans le cadre de la clause d'échelle mobile ?

- Quelle interprétation donner à la notion de "catégories de charges" devant faire l'objet d'un inventaire précis et limitatif ?

- Le droit de préemption du locataire, en cas de vente des lieux loués, est-il d'ordre public ou seulement supplétif de la volonté des parties ?

- L'action visant à faire constater le caractère non écrit d'une clause contraire aux dispositions impératives du statut, échappe-t-elle vraiment à la prescription biennale ?

2.2 - Un nouveau statut source de formalisme

Le statut des baux commerciaux version loi "Pinel" se caractérise également par une multiplication des annexes obligatoires, dans un souci de transparence et de bonne information du locataire.

- Etats des lieux d'entrée et de sortie (C. com., art. L. 145-40-1, nouv.). En cas de cession du bail ou du fonds de commerce, il semble nécessaire, a priori, d'établir un double état des lieux.

- Inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances, devant faire l'objet de développements précis dans le bail ou prendre la forme d'une nouvelle annexe (C. com., art. L. 145-40-2, al. 1er, nouv.). Les modalités d'établissement de l'inventaire s'avèrent complexes.

- Etat récapitulatif annuel incluant la liquidation et la régularisation des comptes de charges (C. com., art. L. 145-40-2, al. 1er, nouv.). L'article R. 145-36 (N° Lexbase : L7049I4T), créé par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, impose en la matière des délais précis à observer par le bailleur : l'état récapitulatif doit être communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel.

- Etats prévisionnel et récapitulatif des travaux : il incombe, désormais, au bailleur de communiquer tous les trois ans au locataire un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel, et un état récapitulatif de ceux réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût (C. com., art. L. 145-40-2, al. 2 et suiv., nouv.). La mise en oeuvre de cette obligation soulèvera des difficultés, notamment en cas d'immeuble en copropriété. En ce qui concerne le délai, l'articles R. 145-37, créé par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, prévoit que ces états sont communiquées au locataire dans le délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale. A la demande du locataire, le bailleur lui communique tout document justifiant le montant de ces travaux.

Il est à noter que l'article L. 145-40-2 du Code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect par le bailleur des nouvelles obligations légales pourtant d'ordre public.

2.3 - Vers un contournement du nouveau statut par la pratique ?

Il existe un risque réel que l'objectif du législateur, qui était d'accroître la protection des locataires, ne soit pas toujours atteint et que la loi nouvelle se retourne contre ces derniers.

Tout d'abord, on assiste à une précarisation de la situation des locataires, en raison de l'allongement de la durée du bail dérogatoire qui pourrait conduire au développement de baux de trois ans fermes sans renouvellement, alors que l'objectif de la mesure était de rendre ce type de baux plus attractif pour les commerçants souhaitant tester leur activité sans s'engager dans un bail commercial plus contraignant.

Ensuite, on risque d'assister à une neutralisation des effets de la réforme en raison des nombreuses possibilités de dérogation contractuelle que la loi autorise ou semble autoriser :

- la dérogation encore possible, et assez facile, à la faculté de résiliation triennale ;

- la dérogation possible au lissage du déplafonnement et, au-delà, au principe même du déplafonnement en renouvellement (à cet égard, risque de voir le bailleur mettre fin au bail en versant une indemnité d'éviction, pour relouer ensuite au prix du marché, avec un pas-de-porte compensateur) ;

- la dérogation possible, mais encore très incertaine, au droit de préemption ainsi qu'à la réglementation de la garantie solidaire du cédant.

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