La lettre juridique n°582 du 11 septembre 2014

La lettre juridique - Édition n°582

Éditorial

Le droit moral est-il au service du droit ou de la morale ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 11 Septembre 2014


La distinction entre la morale et le droit.
Parce que tous deux emportent obligation de faire ou de ne pas faire, sur le fondement de la liberté d'action et non de la nécessité ou de la causalité mécanique décrite par Kant, la morale et le droit, comme systèmes normatifs, ont souvent fait l'objet d'une certaine confusion. Les déclinaisons civiles et pénales du Décalogue sont, bien entendu, les exemples les plus connus de cette porosité normative.

Pour autant, là où la morale s'intéresse à la vertu individuelle de chaque membre du corps social ou religieux -lui-même confondu jusqu'à la généralisation de la laïcité dans les sociétés occidentales-, le droit s'occupe, en principe, du bien public. Ce dernier achemine les Hommes vers un idéal social, quand l'éthique se "cantonne" à l'idéal moral.

Aussi bien, si la distinction entre la morale et le droit paraissait longtemps particulièrement ténue, le pragmatisme à tout crin de la loi, le fait que la norme soit inscrite dans une réalité donnée, comme le démontre Kelsen, un contexte établi, sans commander d'impératifs catégoriques comme l'ordonne la morale, obligent à une distinction de plus en plus affirmée, quand le droit ne tourne pas, d'ailleurs, complètement le dos à une certaine éthique.

Reste que ces deux systèmes normatifs étroitement liés se conjuguent encore sans que l'on sache, d'ailleurs, qui procède de qui. Si la morale, apanage d'abord théocratique, semble s'effacer à la suite d'une laïcisation des Etats et des moeurs, pour ne plus constituer qu'une origine lointaine du droit, on peine à concevoir que le droit puisse, en fait, lui-même concourir au maintien de la morale.

La morale, origine du droit. Il n'est aucunement besoin de revenir au mont Sinaï pour marquer l'origine de certaines de nos normes les plus emblématiques. Le "Tu ne tueras point" repris à l'article 221-1 du Code pénal illustre, bien entendu, cette origine proprement morale du droit -encore que certains auteurs, comme Kelsen dans Théorie pure du droit, estiment que le Code pénal n'établit ici aucune interdiction de tuer, mais décrit seulement les conséquences d'un tel acte à travers les sanctions infligées au criminel : "Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle"-.

Un arrêt de l'Assemblée du Conseil d'Etat, en date du 30 juillet 2014, précise les conditions de légalité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de restitution d'une oeuvre d'art soupçonnée d'avoir été spoliée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est l'occasion de revenir brièvement sur régime particulier, celui des oeuvres inscrites au répertoire "Musées Nationaux récupération" (MNR) créé après la Seconde Guerre mondiale pour accueillir des oeuvres soupçonnées d'avoir été spoliées en France par les autorités d'occupation, en vue de leur restitution à leur légitime propriétaire.

Or, c'est bien parce que la spoliation de l'oeuvre est intervenue dans un contexte de crime contre l'Humanité, crime imprescriptible, que son acquisition ultérieure, même en bonne et due forme, est entachée du péché originel lui-même imprescriptible, que la restitution de l'oeuvre à son propriétaire spolié ou à ses ayant droits est de droit. Même le droit anglo-saxon pourtant plus favorable à la "réparation" abdique devant l'impérieuse moralité de restituer les oeuvres volées par les nazis, aux familles des victimes, afin d'effacer l'acte criminel originel. L'illégalité originelle de l'appropriation condamne toute appropriation successive, même légalement établie. Et il faut reconnaître qu'il n'y a que les oeuvres d'art soupçonnées d'avoir été spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale qui obligent à cette restitution. En ce qui concerne les autres spoliations, une réparation est plus souvent de mise, ou bien la restitution de l'oeuvre est entièrement affaire de morale étatique ou de diplomatie, et le droit s'efface.

Mais, il ne faut pas croire que la morale, idéal absolu, commande universellement au droit, même dans l'exemple de la restitution des oeuvres d'art spoliées durant la Guerre. La thèse de Corinne Bouchoux, "Si les tableaux pouvaient parler"... Le traitement politique et médiatique des retours d'oeuvre d'art pillées et spoliées par les nazis (France 1945-2008), en 2011, montre très bien comment la restitution n'est pas une affaire d'importance pour l'Etat, et donc la société française, avant... 1995. La sécurisation des collections publiques et privées, alimentées même involontairement par cette spoliation, était un enjeu bien plus important que la moralité d'une restitution à son légitime propriétaire. La construction de la paix avec l'Allemagne valait bien, aussi, que l'on passe l'éponge sur la monstruosité du vol des oeuvres concernées. Le silence et l'amnésie commandaient donc à la loi, malgré l'image angélique qu'offre un film récent, Monuments men, relatant l'héroïsme de ce commando américain chargé de retrouver à la fin de la Guerre les oeuvres dérobées par le régime nazi.

Non, la morale refait surface en 1995, notamment en France, parce qu'il était temps de réconcilier le pays avec son passé ; et la restitution des oeuvres volées va de paire avec la reconnaissance des crimes de Vichy. La morale se confond-t-elle avec l'opportunisme politique ? L'une n'est pas toujours l'ennemie de l'autre. Mais, c'est bien le droit qui a remis à l'honneur la morale dans cette affaire.

La morale, finalité du droit. C'est pourquoi, il n'est pas étonnant de voir poindre un bout de morale à l'orée de l'application du droit, même au niveau communautaire. La Cour de justice de l'Union européenne vient ainsi de rendre un avis faisant prédominer le droit moral de l'auteur d'une bande dessinée sur la liberté d'expression et plus singulièrement la caricature. Un parti nationaliste flamand avait détourné la BD belge Bob et Bobette pour véhiculer un message xénophobe.

On sait la Belgique à la pointe quand il s'agit de défendre le droit moral de ses auteurs. La conception belge, et finalement continentale, du droit moral attaché à une oeuvre se heurte de plein fouet à la liberté d'expression et, plus singulièrement, à la parodie ou la caricature. Le droit de parodie est considéré, dans les sociétés démocratiques, comme légitime. Pour autant, le droit moral de l'auteur, alors même qu'il n'est plus propriétaire de l'oeuvre, interdit tout détournement qui contreviendrait à l'esprit de celle-ci. Aussi, la jurisprudence -belge en l'occurrence- n'interdit pas dans la mesure nécessaire pour atteindre l'effet recherché et dans le respect des lois du genre, la reproduction non autorisée de l'oeuvre dans une intention parodique. Mais l'exception de parodie est loin d'être permissive. Outre l'utilisation loyale, l'apport d'éléments originaux et l'absence de risque de confusion, conditions essentielles de l'application de cette exception de parodie, l'effet ou les dommages sur le marché potentiel ou la valeur de l'oeuvre, et sur les droits moraux (intégrité moral de l'oeuvre, réputation de l'auteur) attachés à l'oeuvre sont également pris en compte. C'est pourquoi, bien souvent, le juge écartera l'exception de parodie lorsque l'oeuvre devient le support d'un discours commercial, pornographique ou politique, notamment lorsque ce dernier est discriminatoire. Comme le soulignent les auteurs de Droit d'auteur et liberté d'expression, Regards francophones, d'Europe et d'ailleurs (Larcier), si Tarzoon, la honte de la jungle n'attente pas au droit moral d'Edgar Rice Burrough, selon les juges parisiens, car la parodie ne permet pas la confusion avec l'oeuvre originale, la même année, en 1978, la justice belge écartait l'exception de parodie pour Tintin en Suisse, en raison du style diffamant de l'oeuvre et de la déformation des personnages ; le juge évoquant même une mutilation de l'oeuvre d'Hergé ! Il en est allé de même de La vie sexuelle de Lucky Luke. La moralité véhiculée par les oeuvres doit donc être clairement protégée par le juge et, contrairement au droit anglo-saxon, une simple réparation pécuniaire apparaît insuffisante au respect du droit moral de l'auteur.

La moralité politique aussi commande à ce que soit interdite la publication d'une brochure nationaliste et xénophobe comme le révèle l'arrêt de la CJUE ; non que la parodie politique d'une oeuvre soit exclue pour nécessaire atteinte à la neutralité politique de la majorité d'entre elles. En effet, un tract politique qui évite le risque de confusion, qui ne fait d'emprunt plus que nécessaire, qui est humoristique et ironique, et qui, enfin, est critique en raillant l'oeuvre originale (cf. aff. "Vers l'Avenir c/ L'Avenir Vert") est acceptable selon cette même justice belge. Ainsi, le droit peut clairement défendre une certaine morale, celle contenue notamment au sein des droits fondamentaux des sociétés démocratiques, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, socle de la moralité moderne.

La confusion persistante. Reste que, si la morale est à la fois l'origine et la finalité du droit, on s'arrachera alors longtemps encore les cheveux pour distinguer ce qui relève de la vertu individuelle, attachée à la morale, de l'idéal social, téléologie du droit. L'oeuvre de socialisation toute entière n'est-elle pas d'ailleurs contraire à une telle distinction ? Doit-on laisser à l'Homme nouveau et démocrate la liberté de contrevenir à la morale alors qu'il est à la lisière du droit, mettant ainsi en péril sa vertu, dont la somme ainsi contrariée attenterait inexorablement au bien public, à cet idéal social tant recherché par le droit. En clair, le déterminisme du droit n'est-il pas la préservation de la morale comme tentait de le démontrer Kant ? Assurément, le droit a pour vocation en ces périodes plus que troublées à revendiquer sa part imprescriptible de moralité pour que l'Homme n'use pas du pragmatisme du droit pour se détourner "du bien" public ou individuel...

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Le difficile équilibre entre le secret professionnel et la lutte contre la fraude fiscale

Réf. : Tribunal administratif du Luxembourg, 16 juin 2014, n° 34383 et n° 34384

Lecture: 6 min

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 11 Septembre 2014

La présente note porte sur deux décisions rendues par la seconde chambre du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg (n° 34383 et n° n° 34384) le 16 juin 2014 qui concernent le difficile équilibre entre le secret professionnel et la lutte contre la fraude fiscale. Les faits rapportent qu'à la suite de demandes d'échanges de renseignements concernant les avoirs d'un avocat français au Luxembourg émises par l'administration fiscale française, le contribuable a introduit deux recours devant le tribunal administratif luxembourgeois en vue de réformer les décisions du Directeur de l'administration et des contributions directes. Ces deux décisions mettent en lumière à la fois l'intensification de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans un cadre international (I) et une certaine remise en cause du secret professionnel attaché à l'exercice de la profession d'avocat (II). I - L'intensification de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales à l'échelle internationale

Les modifications substantielles de la législation fiscale depuis le développement de la crise financière de 2008 (A) permettent une intensification de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales en recourant notamment aux échanges de données entre les juridictions fiscales (B).

A - De substantielles modifications de la législation fiscale afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales

La crise financière de 2008 a rendu encore plus insupportable la crise économique que subissent les pays développés depuis plus de trente ans entraînant des propositions de réforme émanant de l'OCDE afin de permettre aux autorités publiques de limiter l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base erosion and profit shifting - BEPS). Dans le même temps, la première économie mondiale a modifié sa législation fiscale en contraignant les établissements financiers étrangers à lui communiquer les données relatives, notamment, aux citoyens américains (Foreign Account Tax Compliance Act - FATCA). La France a suivi attentivement toutes ces évolutions d'autant qu'elle n'a connu que de très rares périodes de croissance soutenue entre 1987 et 1989 puis entre 1999 et 2000. L'avenir s'annonçant par conséquent sous de mauvais auspices (1), les pouvoirs publics ont réagi en prétendant mettre fin aux abus des contribuables (La fin des paradis fiscaux ?, dir. T. Lambert, LGDJ, 2011) et en adoptant des mesures permettant de renforcer la lutte contre la fraude fiscale (notamment pour les textes les plus récents : loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière N° Lexbase : L6136IYW ; circulaire du 22 mai 2014, relative à la fraude fiscale N° Lexbase : L3669I3B) même si, en pratique, les peines prononcées par le juge en répression d'une fraude fiscale sont généralement assorties du sursis et dépassent rarement les six mois d'emprisonnement : eu égard à la pratique judiciaire, la récente modification du quantum de la peine relevé de trois à cinq voire sept ans d'emprisonnement (2) relève au mieux d'une tentative de dissuasion. L'extrême mobilité des capitaux et l'internationalisation croissante des exercices professionnels favorisent sans aucun doute des comparaisons des systèmes fiscaux d'origine et d'accueil par les contribuables, ce qui les incite inévitablement à localiser leurs actifs dans des juridictions fiscales jugées plus clémentes. Mais, les décisions rendues par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg en témoignent, les échanges de données entre les administrations fiscales sont, en principe, autrement plus efficaces pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, si toutefois cette procédure est utilisée dans le respect du statut professionnel du contribuable concerné.

B - Le renouvellement des normes relatives aux échanges de données entre les administrations fiscales

Les conventions fiscales bilatérales signées entre la France et ses partenaires contiennent une clause relative à l'échange de données (3) entre les administrations fiscales des Etats signataires conforme au modèle OCDE (art. 26). C'est ainsi que la France a reçu 34 réponses sur les 75 demandes effectuées par l'administration fiscale à son homologue luxembourgeoise au 31 août 2011 (4). Souhaitant promouvoir l'échange automatique de renseignements (5) -situation encore inimaginable il y a quelques années- l'OCDE a publié une nouvelle norme mondiale au mois de juillet 2014. Au cas particulier, l'administration française s'est appuyée sur la Convention fiscale bilatérale franco-luxembourgeoise (N° Lexbase : L6716BH9) ainsi que la Directive 2011/16/CE, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (N° Lexbase : L5101IPM) qui a abrogé la Directive de 1977 (H. Hamadi, Le renouvellement de l'assistance administrative en matière fiscale au sein de l'Union européenne, Dr. fisc. 2011, ét. 264). Cette Directive, transposée en droit luxembourgeois par la loi du 29 mars 2013, a fait en revanche l'objet d'une transposition partielle en droit français aux termes d'un communiqué de la Commission européenne du 20 novembre 2013 (6). On remarquera que l'intérêt de la Directive 2011/16/CE est, notamment, de ne plus permettre aux Etats membres de refuser la transmission d'informations détenues par un établissement financier et de fixer un délai maximum pour la réponse à condition que l'autorité requérante ait déjà exploité les sources habituelles d'information auxquelles elle pouvait avoir recours pour obtenir les informations demandées. Cette Directive, qui n'impose pas l'obligation de procéder à des enquêtes, permet à l'Etat sollicité de rejeter la demande d'informations notamment lorsque cette transmission entraînerait la divulgation "d'un secret commercial, industriel, ou professionnel". C'est, au cas particulier, ce qui fut invoqué par le contribuable avec succès.

II - La fraude fiscale alléguée et le secret professionnel des avocats

Citadelle assiégée, le secret professionnel des avocats a été institué pour la protection des intérêts de leurs mandants (A) et il a permis, au cas particulier, d'invalider les demandes d'échanges d'informations de l'administration fiscale (B).

A - Le secret professionnel des avocats : une citadelle assiégée

Le secret professionnel est caractéristique de la profession d'avocat (RIN, art. 2.1, al. 1er, N° Lexbase : L4063IP8) dont la violation est sanctionnée par le droit pénal en France (C. pén., art. L. 226-13 N° Lexbase : L5524AIG) mais également au Luxembourg ainsi que cela apparaît dans les jugements rendus par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg (Code pénal, art. 458). Dans une société où la transparence est érigée en dogme sous l'oeil de médias friands de "révélations" et autres "scandales" maladroitement invoqués par certains politiques qui s'en prennent ouvertement à la profession d'avocat et singulièrement à l'avocat fiscaliste (7), le secret professionnel apparaît pour certains comme un obstacle majeur à la société du spectacle (8) et de l'agitation permanente (9) qui caractérise notre pays alors qu'il a été institué, non pour satisfaire les avocats, mais dans l'intérêt de celui qui doit se confier à l'auxiliaire de justice : le secret professionnel est le garant d'une justice de qualité dans un Etat démocratique. Ce secret, d'ordre public, général absolu et illimité dans le temps est pourtant la cible des pouvoirs publics qui diligentent des écoutes téléphoniques ou qui ordonnent des perquisitions (LPF, art. L. 16 B N° Lexbase : L2641IX4) afin de recueillir des éléments de preuve d'une infraction notamment en matière fiscale (10). Il est également possible, de façon beaucoup plus courante, de programmer un contrôle fiscal à l'encontre d'un avocat et de lui demander de justifier les recettes et les dépenses inscrites dans sa comptabilité en produisant les pièces comptables ; ou encore de mettre en oeuvre le droit de communication de l'administration fiscale si toutefois son exercice est conforme à la jurisprudence du juge de l'impôt (CE Contentieux, 1er juillet 1987, n° 54222 N° Lexbase : A2364APA) (11).

B - Le secret professionnel de l'avocat : une échappatoire à la fraude fiscale alléguée par l'administration ?

Les décisions rendues par le tribunal administratif de Luxembourg annulent les décisions du directeur de l'administration des Contributions directes dès lors qu'elles ont violé les dispositions de l'article 18 de la loi du 29 mars 2013 qui s'opposent à la transmission d'informations lorsqu'elles entraînent la divulgation "d'un secret commercial, industriel, ou professionnel" transposant ainsi, en droit interne, l'article 17 de la Directive 2011/16/CE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Pour le tribunal administratif, l'administration n'était pas en mesure d'établir que les pièces saisies concernaient l'avocat pris en sa personne privée et non en sa qualité d'auxiliaire de justice : le doute profite au professionnel du droit à défaut d'une demande précise écartant tout risque de violation du secret de l'avocat. Ce raisonnement, qui doit être salué, s'appuie également sur le fait que les saisies avaient été effectuées au sein du cabinet de l'avocat et non à son domicile privé. On relèvera toutefois, qu'en droit français, la protection du secret professionnel concerne aussi bien le cabinet mais également son domicile qui, de facto, est devenu un lieu de travail grâce au développement de l'informatique. L'administration fiscale devra par conséquent formuler ses demandes avec suffisamment de précision afin d'éviter toute ambiguïté quant au respect des confidences effectuées par les mandants des avocats.


(1) "Et si la croissance ne repartait jamais... Le scénario noir sur le bureau de Valls", Le Monde, 2 septembre 2014. A la fin du premier trimestre 2014, la dette publique s'établit à 93,6 % du PIB selon l'INSEE. Au Japon, la dette publique dépasse 220 % du produit intérieur brut. Mais le pays du Soleil levant a choisi une détention domestique de cette dette ce qui, jusqu'à aujourd'hui, le met à l'abri des caprices des marchés financiers.
(2) Lorsqu'il s'agit d'une fraude fiscale commise en bande organisée ou en cas de délocalisation fictive à l'étranger notamment.
(3) Il n'y a pas de clause d'assistance administrative entre la France et Oman.
(4) Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements, PLF 2013, annexe I.
(5) Selon le site de l'OCDE : "Les Pays et juridictions qui se sont engagés publiquement à la mise en place de l'échange automatique de renseignements : Andorre, Anguilla, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bermudes, Brésil, Iles Vierges Britanniques, Bulgarie, Canada, Iles Caïmans, Chili, République populaire de Chine, Colombie, Costa Rica, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Iles Féroé, Finlande, France, Allemagne, Gibraltar, Grèce, Guernesey, Hongrie, Islande, Inde, Indonésie, Irlande, Ile de Man, Israël, Italie, Japon, Jersey, Corée, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malaisie, Malte, Mexique, Montserrat, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Arabie saoudite, Singapour, République slovaque, Slovénie, Afrique du sud, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Iles Turques-et-Caïque, Royaume-Uni, Etats-Unis, et l'Union européenne".
(6) Le Parlement y a remédié peu après : loi n° 2013-1279, 29 décembre 2013, de finances rectificative pour 2013, art. 72 (N° Lexbase : L7404IYU).
(7) En particulier les avocats fiscalistes dont la mise au pilori par certains parlementaires témoigne de la totale méconnaissance du fonctionnement de notre profession, ce qui est préoccupant de la part du corps législatif : faut-il encore rappeler qu'un avocat ne fait qu'appliquer le droit ? (Manifeste des avocats fiscalistes contre la méfiance dont les pouvoirs publics font preuve à leur égard, Lexbase Hebdo n° 552 du 19 décembre 2013 - édition fiscale  N° Lexbase : N9886BTC).
(8) On peut également s'interroger sur la pratique répandue, et non moins éminemment contestable, consistant à distiller dans la presse les procès-verbaux d'audition de personnes entendues par les forces de l'ordre, ou encore les échanges entre certains professionnels du droit et des journalistes toujours justifiés au nom de principes supérieurs visant à lutter contre l'impunité et empêcher l'enlisement d'un dossier visant des personnes publiques dont on ne partage évidemment pas les idées. On pourrait vraisemblablement ajouter, dans une société où l'individualisme est une valeur sûre, une tentative de relancer une carrière professionnelle.
(9) L'instrumentalisation de la loi fiscale, qui a connu jusqu'à quatre lois de finances par an entre 2008 et 2012 modifiant à plusieurs reprises un même texte, est le parfait exemple d'une frénésie incontrôlée afin de satisfaire une opinion publique qui est loin de comprendre toutes les subtilités techniques qui entourent ces textes (v. concernant la réforme des droits de mutation frappant la cession des titres sociaux ou encore leur taxation au titre des plus-values des particuliers ; la taxation des plus-values immobilières...).
(10) V. notamment en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux : CJCE, 26 juin 2007, aff. C-305/05 (N° Lexbase : A9284DWR) ; CE 1° et 6° s-s-r., 23 juillet 2010, n° 309993 (N° Lexbase : A9869E4B).
(11) L'administration avait adressé des questionnaires aux clients du contribuable qui ont cru, à tort, devoir y répondre.

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Contrat de travail

[Brèves] Prise en compte de la perte de chance d'obtenir une demande d'aide au titre du fonds social européen, à la suite d'une omission de déclaration préalable à l'embauche

Réf. : CE 1° s-s., 27 août 2014, n° 364585 (N° Lexbase : A8667MUK)

Lecture: 2 min

N3626BUT

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Le 18 Septembre 2014

Le refus par l'administration d'une aide au titre du fonds social européen, à la suite d'une condamnation de cinquième catégorie pour omission de déclaration préalable à l'embauche, constitue une perte de chance. Telle est la décision retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 27 août 2014 (CE 1° s-s., 27 août 2014, n° 364585, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8667MUK). Dans cette affaire, la SAS V. avait mis en place un plan de formation à destination de ses salariés pour les années 2001, 2002 et 2003 et sollicité, à cette fin, des aides publiques au titre du fonds social européen et de l'engagement de développement de la formation conclu avec l'Etat sur le fondement de l'article L. 951-5 du Code du travail (plus en vigueur N° Lexbase : L6967ACZ ; disp. abrogée). Par une décision du 7 août 2002, le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle avait refusé d'accorder à la société cette aide, en raison de la constatation par les services d'inspection du travail d'une infraction en matière de travail dissimulé. Par un jugement du 29 juillet 2011, le tribunal administratif de Toulouse avait, d'une part, annulé la décision du 7 août 2002 rejetant la demande d'aide publique de la société au titre de l'engagement de développement de la formation des industries agro-alimentaires de Midi-Pyrénées ainsi que la décision refusant de lui verser une participation au titre du fonds social européen révélée par le courrier du préfet de la région Midi-Pyrénées à l'organisme paritaire collecteur agréé AGEFOS-PME du 8 juillet 2002 et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions. Par un arrêt du 16 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SAS Valette Foie gras tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire. Par un jugement du 27 novembre 2003, le tribunal correctionnel n'avait toutefois pas retenu le délit de travail dissimulé et avait condamné la SAS V. à une contravention de cinquième classe pour omission de déclaration préalable à l'embauche. Mais le tribunal avait estimé que la société n'avait formé aucune demande d'aide au titre du fonds social européen à ce titre pour l'exercice 2003, et que si elle soutenait avoir renoncé à présenter une demande en raison du motif du refus qui lui avait été opposé en 2002, ce motif était fondé sur la méconnaissance par la société de ses obligations en matière sociale pour la seule année 2002 et n'impliquait pas par lui-même l'adoption par l'administration de la même position pour l'année 2003. Le Conseil d'Etat a estimé que le préjudice subit par la SAS V. résultait en l'espèce de la perte de chance de bénéficier d'aides publiques au titre, d'une part, de l'engagement de développement de la formation pour les années 2002 et 2003 et, d'autre part, du fonds social européen pour l'année 2002 (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7321ESX).

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Discrimination et harcèlement

[Textes] Situations nées avant la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 : les homosexuels pacsés ont les mêmes droits que les couples mariés

Réf. : Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 10-18.341, FS-P+B (N° Lexbase : A4139MUT)

Lecture: 15 min

N3628BUW

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 11 Septembre 2014

Discrimination à l'adresse (loi n° 2014-173 du 21 février 2014, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine N° Lexbase : L5073IZW), discrimination selon les convictions religieuses (Ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, P+B+R+I N° Lexbase : A7715MR8) et discrimination selon l'orientation sexuelle : la pression de l'actualité ne faiblit pas. La Cour de cassation y contribue, comme en témoigne l'arret rendu par la Chambre sociale le 9 juillet 2014, d'ailleurs comme la doctrine (1). La question ici posée portait sur la situation juridique, en droit du travail, des homosexuels pacsés et des prérogatives ou autres avantages auxquels ils bénéficient, comparativement aux couples mariés. La question, d'ailleurs, ne se pose, par définition, qu'antérieurement à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH) (2), puisque le législateur a, précisément par cette loi, donné les mêmes droits aux homosexuels qu'aux hétérosexuels, sur un plan statutaire, en leur accordant le droit de se marier. L'employeur ne peut plus, par définition, distinguer la conjugalité selon les orientations sexuelles des salariés. Mais pour les situations nées antérieurement à cette loi du 17 mai 2013, dans le silence de la loi, la qualification de discrimination peut être discutée, plaidée et peut-être, retenue par les juridictions.
Résumé

Les salariés qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause (congés et prime de mariage) à celle des salariés contractant un mariage. Les dispositions de la Convention collective nationale du Crédit agricole ont instauré une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être écartée.

En l'espèce, il s'agit d'une affaire assez ancienne, ayant connu beaucoup de développements judiciaires, aussi bien internes (Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, question préjudicielle portée devant la CJUE (3) ; arrêt rapporté) qu'européens (CJUE, 12 décembre 2013, aff. C-267/12 N° Lexbase : A2597KRM) (4). Un salarié, employé depuis 1998 par le Crédit agricole mutuel de Charentes-Maritimes et des Deux-Sèvres, a demandé à son employeur l'attribution de jours de congés et d'une prime de mariage, par la Convention collective nationale du Crédit agricole (art. 20 et 34 de la convention collective nationale du Crédit agricole). L'intéressé n'était pas marié, mais avait conclu, le 11 juillet 2007, un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe. La cour d'appel avait confirmé le jugement du conseil de prud'hommes qui l'avait débouté de cette demande. Mais la CJUE (CJUE, 12 décembre 2013, affaire C-267/12, préc.) a invalidé l'analyse retenue par les juges du fond. En effet, est contraire au droit européen (Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 N° Lexbase : L3822AU4, art.2 § 2 a), la disposition d'une convention collective, en vertu de laquelle un travailleur salarié qui conclut un Pacs avec une personne de même sexe est exclu du droit d'obtenir des avantages (jours de congés spéciaux et prime salariale), octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage, lorsque la réglementation nationale de l'Etat membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier, dans la mesure où, compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, il se trouve dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie. Or, pour rejeter la demande du salarié, les juges du fond avaient estimé que le Pacs se différencie du mariage (par les formalités relatives à la célébration, à la possibilité d'être conclu par deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe, par le mode de rupture, par les obligations réciproques en matière de droit patrimonial, de droit successoral, de droit de la filiation). La différence de traitement entre conjoints mariés et Pacs en matière d'avantages rémunérés pour événements familiaux ne résulte ni de leur situation de famille ni de leur orientation sexuelle mais d'une différence de statut résultant de leur état civil qui ne les placent pas dans une situation identique. En somme, il n'y aurait donc pas situation de discrimination. Cette analyse est rejetée par la Cour de cassation, car les salariés qui ont conclu un Pacs avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage. Les dispositions de la convention collective nationale litigieuses ont instauré dès lors une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle, et doivent être en l'espèce écartée.

L'arrêt rendu par la Cour de cassation dans le prolongement de celui rendu par la CJUE, confirme une tendance générale à la reconnaissance de la conjugalité, c'est-à-dire du couple, non nécessairement indexé à un statut (mariage, Pacs), laquelle, à ce titre, produit des effets de droits, aussi bien à l'égard de l'employeur, du salarié ou, plus largement, des assurés sociaux (5).

I - Un contentieux de la discrimination selon l'orientation sexuelle, limité au passé

Le présent contentieux est très limité dans sa portée. Il n'intéresse que les situations nées antérieurement à la loi du 17 mai 2013. De plus, la FNCA et les syndicats ont conclu un accord, le 10 juillet 2008, qui étend le bénéfice des avantages rémunérés pour événements familiaux aux salariés unis par un PACS

A - Un contentieux limité aux situations nées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013

1- Situation discriminatoire légale (prévue ou rendue possible par la loi)

Jusqu'à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les situations qualifiables de discriminations étaient juridiquement susceptibles d'exister. En effet, les couples homosexuels ne pouvaient pas contracter mariage, et leur conjugalité n'avait d'autre cadre juridique que celui du Pacs. En d'autres termes, les couples homosexuels, pacsés et nécessairement exclus du mariage, ne pouvaient avoir accès aux avantages (tels que des jours de congés spéciaux et une prime salariale) octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage.

La CJUE a caractérisé cette situation d'exclusion des couples homosexuels à des avantages réservés aux couples mariés, de discriminatoire, dans la mesure où, compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, les couples homosexuels se trouvent dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie.

2 - Situation discriminatoire conventionnelle (prévue ou rendue possible par la convention collective)

Là aussi, jusqu'à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les situations qualifiables de discriminations étaient juridiquement susceptibles d'exister. La CJUE, saisie dans cette même affaire, par la Cour de cassation d'une question préjudicielle (Cass. soc., 23 mai 2012, nº 10-18.341, préc.), a répondu à la question de la qualification de la discrimination, qui doit être retenue. Et dans la mesure où la discrimination trouve son siège dans une convention collective, la CJUE en écarte l'application, faute d'être compatible avec l'article 2 § 2 -§ 2-a de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000. Les partenaires sociaux doivent agir dans le respect de la Directive 2000/78/CE (6), à défaut de quoi la disposition litigieuse ne s'applique (CJUE, arrêt rapporté, § 7).

B - Appréciation du caractère discriminatoire des avantages réservés aux couples mariés

1 - Critères de la discrimination

La CJUE, saisie dans cette même affaire, a retenu la qualification de la discrimination. La convention collective prévoyait qu'un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe est exclu du droit d'obtenir des avantages (jours de congés spéciaux et prime salariale), octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage. Les critères de la discrimination sont, pour la CJUE, doubles :

- la réglementation nationale de l'Etat membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier ;

- compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, le travailleur homosexuel Pacsés se trouve dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie.

2 - Mise en oeuvre de ces critères

Le premier critère est le plus aisé. Avant la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les couples homosexuels ne pouvaient obtenir un statut marital, car le mariage leur était fermé. Leur conjugalité épousait (sic) nécessairement la forme du Pacs. Les avantages réservés aux couples mariés leur étaient donc fermés, faute de se prévaloir d'un statut marital. Depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, la situation est totalement changée, puisque les couples homosexuels peuvent se marier. Les avantages réservés aux couples mariés leur sont donc ouverts, par définition.

Le second critère est plus délicat. Il consiste à apprécier la "comparabilité" des statuts, entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas. L'appréciation de cette "comparabilité" est essentielle, car elle conduit (ou pas) à la constatation de l'existence d'une situation discriminatoire. Comme le rappelle la CJUE (décision préc., § 32), l'existence d'une discrimination présuppose que les situations mises en balance soient comparables. La consigne, fixée par la CJUE, étant que les situations soient non "identiques", mais seulement "comparables" ; l'examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée (7). En d'autres termes, la comparaison des situations doit être fondée sur une analyse focalisée sur les droits et les obligations des époux mariés et des partenaires de vie enregistrés, qui sont pertinents compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de la prestation, et non pas consister à vérifier si le droit national a opéré une assimilation juridique générale et complète du partenariat de vie enregistré au mariage.

Ainsi, les juges du fond avaient écartés la qualification de discrimination, parce qu'ils avaient une lecture assez précise du statut des couples homosexuels pacsés, comparativement à celui des couples mariés. Le Pacs (loi nº 99-944 du 15 novembre 1999 N° Lexbase : L7500AIM) se différencie du mariage par les formalités relatives à la célébration, à la possibilité d´être conclu par deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe, par le mode de rupture, par les obligations réciproques en matière de droit patrimonial, de droit successoral, de droit de la filiation. Aussi, pour les juges du fond, la différence de traitement entre conjoints mariés et partenaires d´un Pacs en matière d´avantages rémunérés pour événements familiaux ne résulte ni de leur situation de famille, ni de leur orientation sexuelle, mais d´une différence de statut résultant de leur état civil qui ne les placent pas dans une situation identique. En d'autres termes, couples pacsés (homos) et couples mariés sont placés dans deux situations différentes. Leurs statuts diffèrent, comme leur état (civil). Aussi, les juges du fond, implicitement, reconnaissent que les partenaires sociaux aient pu mettre en place un avantage réservé aux couples mariés, à l'exclusion des autres formes de conjugalité (pacs ou concubinage). Cette différence de traitement n'est donc pas discriminatoire.

La Cour de cassation prend l'exact contrepied de cette analyse. Les salariés qui ont conclu un Pacs avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi nº 2013-404 du 17 mai 2013, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage. Aussi, les dispositions de la Convention collective nationale du Crédit agricole ont instauré une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle. Bref, pour la Cour de cassation, couples homosexuels pacsés ou couples (non homosexuels) mariés, sont, fondamentalement, dans une situation identique, en termes de conjugalité, et les partenaires sociaux (pas plus que l'employeur) n'ont donc pas à établir de différence de traitement, au regard des avantagés accordés à leurs salariés, liés au couple (plus qu'au statut, celui du mariage). Ce qui compte, pour la Cour de cassation, est bien le couple et non son statut (marital, Pacsés), dans la mesure où précisément, le statut conduit, en l'espèce, à une différence de traitement et un comportement discriminatoire de l'employeur.

La Cour de cassation fait donc sienne l'analyse de la CJUE (arrêt préc.), ainsi que la Halde (délibération nº 2007-366 de la HALDE du 11 février 2008 aux termes de laquelle celle-ci a retenu sur la question litigieuse que rien ne semble justifier la différence de traitement entre les conjoints et les personnes liées par un pacte civil de solidarité, différence de traitement qui peut être considérée comme discriminatoire).

II - Un contentieux selon l'orientation sexuelle, limité pour l'avenir

Pour les couples homosexuels, que leur statut soit celui du Pacs ou, depuis la loi nº 2013-404 du 17 mai 2013, du mariage, le droit du travail (et le droit de la protection sociale) ont largement intégré l'assimilation entre salariés mariés et salariés pacsés. Mais il reste encore un certain nombre d'incertitudes et de zones d'ombre.

A - Une protection des homosexuels en couple contre toute discrimination, garantie en droit interne et européen

- Congé de soutien familial

Ce congé (C. trav., art. L. 3142-22 N° Lexbase : L0603H99) est ouvert à tout salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise lorsque son partenaire lié par un pacs présente un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité. La loi ouvre, d'ailleurs, à une large catégorie de personnes le lien entre le salarié et la personne handicapée ou présentant une perte d'autonomie d'une particulière gravité : conjoint, concubin, partenaire lié par un Pacs, ascendant, descendant, enfant dont le salarié assume la charge, collatéral jusqu'au quatrième degré, ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un Pacs.

- Congé de paternité et d'accueil de l'enfant

Le salarié pacsé a droit au congé paternité à l'occasion de la naissance de son enfant, en droit interne (onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples). La CEDH y veille (8), même si la Cour de cassation a, en 2010, refusé le bénéfice du congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853 N° Lexbase : A1879ETR) (9).

Le législateur a ouvert le bénéfice de ce congé au père salarié, mais aussi aux personnes qui n'en sont pas le père : conjoint salarié de la mère ; personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement (C. trav., art. L. 1225-35 N° Lexbase : L7121IUB).

- Participation aux résultats de l'entreprise

En matière de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, le décret du 30 mars 2009 (C. trav., art. R. 3324-22 N° Lexbase : L8929ID3) prévoit la possibilité pour le bénéficiaire qui n'a pas opté pour la disponibilité immédiate des sommes dues au titre de ses droits à faire néanmoins liquider ses droits avant l'expiration des délais fixés par la loi. Les droits constitués au profit des bénéficiaires peuvent être exceptionnellement liquidés avant l'expiration des délais légaux, dans un certain nombre d'hypothèses précisément définies : mariage ou conclusion d'un pacte civil de solidarité par l'intéressé, naissance ou arrivée au foyer d'un enfant en vue de son adoption, dès lors que le foyer compte déjà au moins deux enfants à sa charge, divorce, la séparation ou la dissolution d'un pacte civil de solidarité ; invalidité de l'intéressé, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; décès de l'intéressé, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; rupture du contrat de travail, la cessation de son activité par l'entrepreneur individuel, la fin du mandat social, la perte du statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé ; affectation des sommes épargnées à la création ou reprise, par l'intéressé, ses enfants, son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ; affectation des sommes épargnées à l'acquisition ou agrandissement de la résidence principale ; surendettement.

- Procédure prud'homale

Devant la juridiction prud'homale, les parties peuvent être assistées ou représentées par leur conjoint, leur concubin ou par la personne liée à elles par un pacs (C. trav., art. R. 1453-2 N° Lexbase : L0387ITI), ainsi que les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité ; les délégués permanents ou non permanents des organisations d'employeurs et de salariés ; enfin, les avocats.

- Prestations familiales

Les personnes liées par un pacs peuvent prétendre aux différentes prestations familiales et aux prestations assimilées dans les mêmes conditions que les couples mariés et les concubins (CSS, art. R. 553-2 N° Lexbase : L5909H9Q). Les aides au logement leur sont également attribuées (CSS, art. D. 542-8 N° Lexbase : L9621ADP).

- Maladie-maternité

Enfin, un assuré social peut être reconnu comme ayant-droit de son partenaire de Pacs au titre de l'assurance maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14 N° Lexbase : L4687ADX) : la terminologie employée est celle de "droits dérivés". De même, depuis 1978 (loi n° 78-2, 2 janvier 1978 N° Lexbase : L5636IUB) (10), la personne qui vit maritalement avec un assuré social et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, bénéficie de la qualité d'ayant-droit pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14, al. 1 N° Lexbase : L4687ADX). Mais l'ayant-droit doit sa qualité, au regard du droit à l'assurance maladie, à la réunion de deux conditions : "vivre maritalement" avec un assuré social ; "se trouver à sa charge effective, totale et permanente".

La qualité d'ayant-droit, reconnue à la personne ayant conclu un Pacs, ouvre seulement le bénéficie des prestations en nature de l'assurance maladie et maternité, mais pas des prestations en espèces. Bref, la situation en droit de la protection sociale est contrastée, s'agissant des assurés sociaux (homosexuels, en l'espèce) vivant en couple, mais non mariés (Pacs, concubinage). D'ailleurs, un certain nombre de prestations leur sont fermés (11).

B - Incertitudes et zones d'ombre

- Maladie-maternité

La personne qui vit maritalement avec un assuré social et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, bénéficie de la qualité d'ayant-droit pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14, al. 1), à condition de ne pas être homosexuel(le). Cette condition avait été posée, en son temps, par la Cour de cassation (12). En se référant à la notion de vie maritale, la Cour avait, en effet, déduit que le législateur avait entendu limiter les effets de droit, au regard des assurances maladie et maternité, à la situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu'un couple constitué d'un homme et d'une femme.

Mais la Cour européenne des droits de l'Homme, en 2010, s'est prononcée sur une affaire d'acquisition de la qualité d'ayant droit, refusée à un couple d'homosexuels en droit comparé, pas en droit français (13).

- Congés pour événements familiaux

Jusqu'à la loi du 4 août 2014 (loi n° 2014-873, pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes N° Lexbase : L9079I3N), sauf dispositions conventionnelles plus favorables, les salariés pacsés n'avaient pas les mêmes droits à congés familiaux que les salariés mariés (C. trav., art. L. 3142-1 N° Lexbase : L9297I3Q). Avant la loi du 4 août 2014 le législateur avait prévu le bénéfice de deux jours en cas de décès du partenaire lié par un pacs, mais aucun congé pour la conclusion de son pacs (contre quatre jours pour le mariage) ou celui d'un de ses enfants (contre un jour en cas de mariage). Désormais, tout salarié bénéficie, sur justification et à l'occasion de certains événements familiaux, d'une autorisation exceptionnelle d'absence de : 4 jours pour son mariage ou pour la conclusion d'un pacte civil de solidarité et 2 jours pour le décès d'un enfant, pour le décès du conjoint ou du partenaire lié par un Pacs (14).

- Prestations familiales

Les assurés sociaux, liés par un Pacs, peuvent prétendre aux différentes prestations familiales dans les mêmes conditions que les couples mariés et les concubins, dans la mesure où les textes associent "personnes vivant en concubinage" avec "personnes liées par un Pacs" (CSS, art. R. 553-2 N° Lexbase : L5909H9Q).

De même, les aides au logement leur sont également attribuées (CSS, art. D. 542-8 N° Lexbase : L9621ADP) : "les dispositions du présent chapitre relatives à la résidence principale ou qui comportent la prise en compte des ressources s'appliquent dans les mêmes conditions au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité et au concubin".

- Pensions de réversion

Enfin, la pension de réversion, ouverte au conjoint marié survivant d'un assuré social n'est pas assurée au partenaire survivant d'un Pacs. La Halde avait, en son temps, regretté la solution, qualifiée de discriminatoire, recommandant aux pouvoirs publics d'initier une réforme législative pour y remédier (délibération Halde, n° 2008-107, 19 mai 2008) (15). De même, en 2009, le Médiateur de la République a préconisé d'étendre le bénéficie au pacsé et au concubin survivant (16). En 2008, le COR (17) s'est également posé la question de la pertinence d'un modèle favorisant exclusivement un type de conjugalité (le mariage) au détriment des autres (Pacs, concubinage, unions libres).

Cependant, en 2011, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de l'article L. 39 Code des pensions civiles et militaires de retraite (N° Lexbase : L2066DKQ), qui réserve aux seuls conjoints survivants le bénéfice des pensions de réversion à l'exclusion des partenaires liés par un Pacs, au motif que Pacs et mariage ne sont pas comparables au regard d'une pension de réversion (décision n° 2011-155 QPC, 29 juillet 2011 N° Lexbase : A5593HW3) (18). De même, la Cour de cassation a admis que la situation du concubin et de l'époux diffèrent, en matière de réversion : "le bénéfice d'une pension de réversion est réservé au conjoint survivant non remarié en raison des obligations ayant existé entre les époux du fait du mariage. La situation juridique du conjoint remarié différait, par les obligations qu'elle emporte, de celle des concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité" (Cass. civ. 1, 12 avril 2005, n° 02-13.762, F-D N° Lexbase : A8588DHK)


(1) Parmi les très nombreuses références, V. not. G. Gavard, Le couple en droit social, dir. J.-P. Laborde, thèse Bordeaux I, 1994, Economica, 1997 ; A.-M. Gilles, Le couple en droit social, Economica 1998 ; Ch. Radé, Amour et travail : retour sur un drôle de ménage, Dr. soc., 2010, p. 35 ; Ch. Radé, Rupture amoureuse et rupture du contrat de travail : ne mélangez jamais travail et sentiments ! (Cass. soc., 8 février 2005, n° 03-40.385, F-P+B, N° Lexbase : A6960DGU), Lexbase Hebdo, n° 156 du 24 février 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4733ABW) ; Y. Saint-Jours, Le statut social du concubinage, JCP éd. N, 1993. I. 138 ; Ch. Willmann, "Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille", dans L'amour selon la loi- exercices d'écriture, 2014, dir. C. Puigelier, avant-propos N. Disseaux, éd. Mare et Martin, p. 357.
(2) LSQ, n° 16334 du 25 avril 2013 ; J.-Ph. Lhernould, Mariage pour tous : des discriminations en raison de l'orientation sexuelle en moins, LSE, n° 330 du 30 mai 2013 ; Ch. Radé, Aspects sociaux du projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, Lexbase Hebdo n° 506 du 22 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4506BT3) ; A. Gouttenoire, L'accès des couples homosexuels au mariage et à l'adoption : première étape, Lexbase Hebdo n° 505 du 15 novembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4458BTB).
(3) Nos obs., Congés et prime de mariage exclus pour les salariés Pacsés : la qualification de discrimination liée à l'orientation sexuelle est renvoyée devant la CJUE (Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, FS-P+B N° Lexbase : A4139MUT), Lexbase Hebdo n° 488 du 7 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2259BTT)
(4) LSQ, n° 5 du 8 janvier 2014 ; JSL, n° 359 du 6 février 2014 ; S. Laulom, L'interdiction des discriminations dans l'emploi, SSL, n° 1640 Supplément du 21 juillet 2014 ; LSE, n° 343 du 26 décembre 2013.
(5) Ch. Willmann, Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille, préc..
(6) CJUE, 13 septembre 2011, aff. C-447/09 (N° Lexbase : A7249HXR).
(7) CJUE, 1er avril 2008, aff. C-267/06 (N° Lexbase : A7276D7M), Rec. p. I 1757, points 67 à 69.
(8) Nos obs., Congé parental et genre : comment la Cour européenne des droits de l'Homme qualifie et sanctionne une discrimination (CEDH, 2 octobre 2012, req. n° 33411/05 (N° Lexbase : A6780ITB), Lexbase Hebdo n° 504 du 8 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4327BTG).
(9) Nos obs., Le congé de paternité peut être refusé à la compagne homosexuelle de la mère, Lexbase Hebdo n° 388 du 25 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6159BNG).
(10) Loi n° 78-2 du 2 janvier 1978 (préc.).
(11) Ch. Willmann, Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille, préc..
(12) Cass. soc., 11 juilllet 1989, préc. ; JCP éd. G, 1990, II, 21553, note Meunier ; D., 1990, n° 582, note Ph. Malaurie ; conclusions de l'avocat général M. Dorwling Carter, Gaz Pal. 13 avril 1990 ; rapport de la Cour de cassation, 1989, p. 85 ; F. Taquet, Homosexualité et droit social, SSL, n° 905 du 19 octobre 1998, préc. ; M. Harichaux, La vie en commun de deux homosexuels n'est pas une "vie maritale", et ne peut donner la qualité d'ayant droit au regard de la sécurité sociale, RDSS, 1990 p. 116.
(13) Cf. CEDH, 22 juillet 2010, req. n° 18984/02, AJ Famille, 2010 p. 395 (arrêt en anglais et en serbe, mais non traduit en français) ; ainsi qu'une autorisation exceptionnelle d'absence de 3 jours pour chaque naissance survenue à son foyer ou pour l'arrivée d'un enfant placé en vue de son adoption ; 1 jour pour le mariage d'un enfant ou pour le décès du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur.
(14) Publication du Rapport de la Halde stigmatisant la discrimination résultant des articles L. 38 et suivants du Code des pensions civiles et militaires de retraite entre conjoints et partenaires pacsés en matière de pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 390 du 8 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7344BNC).
(15) Communiqué du 23 février 2009, Dr. famille, 2009, alerte 28.
(16) COR, 6ème Rapport, décembre 2008, préc., p. 198.
(17) Cons. const., 29 juillet 2011, n° 2011-155 QPC (N° Lexbase : A5593HW3) ; AJ fam., 2011. 436, obs. W. Jean-Baptiste ; RTD Civ., 2011. 748, obs. J. Hauser ; Dr. fam., 2011. Comm. 143, obs. V. Larribau-Terneyre ; J. Siro, La limitation du bénéfice de la pension de réversion est conforme à la Constitution, Actualité Dalloz, 7 septembre 2011 ; A.-C. Foirry, Pacsés et concubins exclus du bénéfice de la pension de réversion : une interprétation controversée mais cohérente du principe d'égalité par le Conseil constitutionnel, Politeia, automne 2011, n° 20, p. 41-51 ; A. Devers, Le droit à pension de réversion du conjoint homosexuel, Droit de la famille, juillet-août 2013, n° 7-8, p. 28-29.

Décision

Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 10-18.341, FS-P+B (N° Lexbase : A4139MUT)

Cassation de CA Poitiers, 30 mars 2010 n° 09/02604 (N° Lexbase : A6581EUB)

Textes concernés : loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH) ; Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), art. 2-§ 2-a ; C. trav., art. L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ).

Mots-clés: prime ; congés ; bénéfice ; condition ; couples mariés ; exclusion ; couples Pacés homosexuels.

Lien base : (N° Lexbase : E5347EXC)

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Entreprises en difficulté

[Textes] Le rééquilibrage du rôle des acteurs : l'exemple des modifications intéressant la déclaration, la vérification et l'admission des créances

Réf. : Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives (N° Lexbase : L7194IZH)

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N3566BUM

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

Le 11 Septembre 2014

L'ordonnance du 12 mars 2014 poursuit l'effort entamé par les législations précédentes, depuis la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7), pour améliorer la situation des créanciers dans les procédures collectives. La loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), empreinte d'un grand dogmatisme confinant souvent à la démagogie, avait conduit à traiter les créanciers en quantité négligeable. De là à affirmer que le redressement judiciaire des entreprises devait se faire sur le dos des créanciers, il n'y avait qu'un pas qu'avait allègrement franchi la sacrificielle loi "Badinter" du 25 janvier 1985. Souvenons nous de tous les pièges tendus sur le chemin procédural du créancier, qui était devenu un véritable parcours du combattant. Si, encore, les résultats avaient été au rendez-vous, un début de pardon aurait pu être accordé au législateur. Mais il n'en avait rien été ! Il n'est, dès lors, pas étonnant de constater que l'histoire récente du droit des entreprises en difficulté est aussi celle d'une quête de rééquilibrage de la législation pour les créanciers. A cet égard, l'ordonnance du 12 mars 2014 les appréhende davantage comme des partenaires, qui, à titre d'exemple, peuvent, dans le cadre des comités de créanciers, proposer des plans de sauvetage. Il n'est, dès lors, pas étonnant que les solutions posées pour appréhender le passif dans les procédures collectives aient été substantiellement modifiées par la toute récente législation. C'est le point autour duquel seront axés les développements.
Rappelons que l'un des objectifs importants poursuivi par le législateur a été la simplification du droit des entreprises en difficulté (1). A cet égard, parmi les mesures les plus topiques de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 figure la simplification de la procédure de déclaration des créances, en rendant possible la déclaration de créance sans pouvoir. Au-delà des modifications intéressant spécifiquement la déclaration de créance, c'est tout le processus de traitement du passif non salarial qui est retouché par le législateur. On distinguera pour les besoins de l'exposé les modifications intéressant la déclaration des créances (I) et celles concernant la vérification et l'admission des créances (II).

I - Les modifications intéressant la déclaration des créances

Les modifications sont multiples. Il est d'abord question de nouvelles dispenses de déclaration des créances (A). Il est ensuite et plus fondamentalement question de modifications de la nature juridique de la déclaration de créance (B). Il est enfin question de modifications importantes, pour ne pas dire essentielles, intéressant le relevé de forclusion (C).

A - Nouvelles dispenses de déclaration des créances

La première nouvelle dispense de déclaration des créances introduite par l'ordonnance du 12 mars 214 concerne le créancier postérieur. Il doit avoir fait la démarche pour conserver son privilège de créancier postérieur méritant, c'est-à-dire avoir porté sa créance à la connaissance des organes de la procédure. Le décret précise qu'il doit figurer sur la liste des créances postérieures privilégiées.

La deuxième dispense identiquement posée par l'article L. 626-27, III du code (N° Lexbase : L7300IZE) intéresse le créancier ayant déclaré au passif d'une première procédure dans la seconde procédure ouverte à la suite de la résolution du plan. Pareille dispense existe déjà en cas d'ouverture d'une procédure collective concomitante à la résolution du plan. L'intérêt de la modification est d'étendre la solution à l'hypothèse d'une procédure collective prononcée après la résolution du plan, laquelle est intervenue pour inexécution sans cessation des paiements. Il suffira que la décision d'ouverture constate que la résolution a provoqué l'état de cessation des paiements.

La troisième dispense de déclaration des créances est sans doute la plus importante. Elle vise l'hypothèse où le débiteur aura porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire grâce à la liste des créances qu'il est tenu d'établir à l'ouverture de la procédure collective et qu'il peut compléter. Le débiteur est alors, dans certaines conditions, réputé avoir déclaré la créance pour le compte du créancier, de sorte que ce dernier bénéficie d'une dispense de déclaration personnelle. Mais cette question touche déjà le deuxième point, celui de la modification de la nature juridique de la déclaration de créance.

B - Changement de la nature juridique de la déclaration de créance

Jusqu'à l'ordonnance du 12 mars 2014, la déclaration de créance est l'acte procédural par lequel le créancier antérieur, et depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le créancier postérieur non éligible au traitement préférentiel, manifestent leur intention d'obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui leur est dû par le débiteur. Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, en effet, certains créanciers postérieurs, que le législateur traite comme des créanciers antérieurs, sont identiquement astreints à cette formalité.

Substitut de l'action en paiement, laquelle est fermée, la déclaration de créance a été analysée par la Cour de cassation, pour exiger du déclarant qu'il ait pouvoir pour le faire, comme équivalente à une demande en justice (2).

Bien que l'ordonnance du 12 mars 2014 ne prenne pas explicitement position sur la question, il nous semble qu'elle a modifié la nature juridique de la déclaration de créance. L'alinéa 2 de l'article L. 622-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L7290IZZ) conserve la solution selon laquelle la déclaration de créance est effectuée par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. L'ordonnance complète le texte en indiquant que "le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à le juge statue sur l'admission de la créance". Il ne sera donc plus, comme par le passé, nécessaire de justifier, jusqu'à ce que le juge statue, du pouvoir de déclarer les créances, détenu dans le délai de la déclaration de créance, c'est-à-dire dans le délai de l'action. Jusqu'à ce que le juge statue, cela signifie jusqu'à ce que le juge du fond statue, y compris donc la cour d'appel. Il suffira, s'il y a une discussion sur cette question, que le créancier ratifie la déclaration faite pour son compte, et cela en dehors même du délai de l'action. La question du pouvoir pour déclarer les créances a donc vécu comme source aussi artificielle que gigantesque d'un contentieux particulièrement irritant pour les créanciers institutionnels.

En outre, l'alinéa 3 nouveau de l'article L. 622-24 du Code de commerce dispose que "lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration prévue au premier alinéa". Si le créancier ne procède pas personnellement à la déclaration de créance, la créance sera alors considérée comme valablement déclarée pour son compte par le débiteur.

Observons que celui qui déclare sciemment au nom d'un créancier une créance supposée est passible de la faillite personnelle (C. com., art. L. 653-5 N° Lexbase : L7346IZ4).

Il faut donc comprendre que la déclaration de créance peut désormais être faite par une personne qui n'a pas le pouvoir de l'accomplir. Elle sera alors suivie d'une ratification, manifestation unilatérale de volonté par laquelle une personne approuve un acte accompli par elle par une personne sans pouvoir, cette ratification pouvant intervenir en dehors du délai du de déclaration de créance.

Il faut aussi admettre que la créance puisse été portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur, qui est alors présumé agir pour le compte du créancier.

Ces deux démarches apparaissent exclusives d'un acte équivalent à une demande en justice.

Il faut donc, nous semble-t-il, abandonner l'idée que la déclaration de créance équivaut à une demande en justice (3) et plutôt considérer que la déclaration de créance est devenue un acte conservatoire (4), qui peut donc être accompli sans le pouvoir d'agir en justice. C'est ce qui explique que le débiteur puisse, en portant la créance à la connaissance du mandataire judiciaire, conserver le droit du créancier. La remarque vaut tout autant pour celui qui déclare la créance sans pouvoir, ce qui conduira à la ratification.

Cette interprétation nous semble corroborer par le fait que le législateur, partant de ce postulat, a immédiatement dû préciser les effets attachés à la déclaration de créance, ce qui aurait été inutile si l'analyse classique de l'équivalence de la déclaration de créance à une demande en justice avait perduré. Le nouvel article L. 622-25-1 du code (N° Lexbase : L7238IZ4 ; ordonnance 12 mars 2014, art. 28) prend le soin de préciser que "la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites". Cette analyse s'imposait déjà. Si le législateur a aujourd'hui besoin de le préciser, c'est précisément parce qu'il a abandonné le support de l'analyse : la déclaration de créance n'équivaut plus à une demande en justice. C'est un acte conservatoire auquel on va faire produire des effets classiquement attachés à une demande en justice, ce qui impose alors de toute évidence la précision. Très timidement, le rapport au président de la République, de l'extrémité de sa plume, et sans appuyer, laisse transparaître l'analyse : "l'article 28 précise les effets de la déclaration de créance sans qu'il soit besoin de les déterminer par la qualification d'action en justice" (5).

La solution est d'importance et conduira à reconstruire le régime de la déclaration de créance. De manière incontestable, il y a là un "progrès considérable pour la sécurité juridique" (6).

C - Modifications intéressant le relevé de forclusion

On se souvient que la loi de sauvegarde avait créé un deuxième motif de relevé de forclusion. Tout en conservant le premier motif, celui tenant à la démonstration que la défaillance à déclarer dans les délais n'était pas due au fait du créancier, elle avait ajouté que le juge-commissaire relèvera de la forclusion les créanciers s'ils établissent que leur défaillance est due à une "omission volontaire du débiteur ".

Dans le souci de renforcer la protection des créanciers et de faire jouer un rôle encore plus important à la liste des créanciers établie par le débiteur à l'ouverture de sa procédure collective, l'ordonnance du 12 mars 2014 (art. 29) assouplit encore le relevé de forclusion. Elle supprime l'exigence de la démonstration du caractère volontaire de l'omission. Désormais, en vertu de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L8103IZ7), il faut, et il suffit, de démontrer l'omission, c'est-à-dire l'absence du créancier sur la liste établie par le débiteur pour que ce créancier puisse obtenir son relevé de forclusion. En effet, le juge-commissaire ne semble ici avoir aucun pouvoir d'appréciation. Si l'omission est constatée, le relevé de forclusion s'impose. Il a été dit que l'omission devenait un cas de relevé de forclusion automatique (7). Disons plutôt qu'il s'agit d'un cas de relevé de forclusion obligatoire. On passe du dol du débiteur à sa simple négligence (8). Il n'est plus question de sanctionner le débiteur, qui a triché, mais d'avoir de la compassion pour le créancier. Les temps ont bien changé depuis la loi du 25 janvier 1985...

De nouvelles difficultés, qui constitueront à n'en pas douter une source très importante du contentieux de demain, se présenteront, lorsque la créance aura été mentionnée sur la liste remise par le débiteur au mandataire judiciaire, mais que les indications relatives à la créance ne sont pas celles auxquelles prétend le créancier (9).

Le législateur a également et directement modifié certaines règles intéressant le relevé de forclusion. Enonçons-les rapidement.

Jusqu'alors, les textes n'enfermaient le créancier relevé de forclusion dans aucun délai pour procéder à sa déclaration de créance. La solution n'est certes pas très heureuse pour la célérité de la procédure. Mais, faute de délai prévu par les textes, il semblait délicat d'en inventer. C'est pourtant ce qu'a cru devoir faire la Cour de cassation (10). C'est semble-t-il à cette solution a priori contra legem que l'article 21 de l'ordonnance s'attaque, en énonçant, à l'alinéa 1er, de l'article L. 622-24 (N° Lexbase : L7290IZZ) que lorsque le créancier a été relevé de forclusion, les délais -de déclaration de la créance- ne courent qu'à compter de la notification de cette décision. Mais, précise le texte, ils sont alors réduits de moitié. Ainsi, le créancier qui doit, classiquement, déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication au Bodacc, aura un mois seulement à compter de la notification de la décision le relevant de forclusion. Le créancier qui dispose de quatre mois -créancier étranger- disposera, quant à lui, d'un délai de deux mois. Aucun relevé de forclusion ne pourra, à notre sens, être à nouveau accordé.

Par principe, le créancier dispose d'un délai de six mois qui court à compter de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture pour présenter une demande de relevé de forclusion. Le délai de six mois est écarté, pour être porté à un an, pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité (11). La Cour de cassation, ayant eu à connaître d'une question prioritaire de constitutionnalité, a estimé que le créancier ne connaissant pas l'existence de sa créance à expiration du délai spécial de relevé de forclusion, pouvait néanmoins présenter une demande tendant à cette fin. C'est une application particulière de la règle posée à l'article 2234 du Code civil (N° Lexbase : L7219IAM), depuis la loi du 17 juin 2008 (loi n° N° Lexbase : L9102H3I), qui interdit de faire courir un délai contre une personne placée dans l'impossibilité d'agir.

L'ordonnance consacre la solution prétorienne dégagée par la Cour de cassation en posant à l'alinéa 3 de l'article L. 622-26 du Code de commerce la règle selon laquelle le délai de relevé de forclusion court à compter de la date à laquelle le créancier, qui établit avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois précité -délai classique de l'action en relevé de forclusion-, ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.

La solution est évidemment préférable à la brutale simplicité de la règle précédente. Pour autant, elle n'est pas pleinement satisfaisante, en obligeant un créancier placé dans l'impossibilité d'agir à se faire relever d'une forclusion qu'il ne devrait pas, en bonne logique, encourir. Aussi, nous apparaît-il préférable de traiter cette question par le biais d'un décalage du point de départ du délai de déclaration de créance.

Ensuite, l'ordonnance modifie les règles de support des frais de l'instance en relevé de forclusion. Jusqu'alors, systématiquement, ces frais étaient supportés exclusivement par le créancier retardataire. Il pourra désormais en aller autrement dans certains cas. L'alinéa 2 de l'article R. 622-25, du Code de commerce (N° Lexbase : L6266I3H), issu de la rédaction que lui donne l'article 51 du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, prévoit que le juge pourra faire supporter au débiteur les frais de l'action en relevé de forclusion, lorsque le débiteur n'aura pas mentionné la créance sur la liste prévue à l'article L. 622-6 ou n'aura pas porté utilement la créance à la connaissance du mandataire judiciaire.

Les modifications intéressant la déclaration de créance sont complétées par des changements intéressant la vérification et l'admission des créances.

II - Les modifications intéressant la vérification et l'admission des créances

Ces modifications peuvent être constatées dans le domaine de la contestation des créances (A) et dans celui de l'office juridictionnel du juge-commissaire (B).

A - Des contours temporels précisés de la contestation de créance

Le législateur commence par enfermer dans des délais le débiteur désireux de contester une créance. Jusqu'alors, le débiteur pouvait proposer des contestations de créances, à répétition. De manière nouvelle, le législateur enferme le débiteur dans des délais pour formuler des observations sur les créances déclarées, dans le cadre de la vérification des créances. En ce sens, l'article L. 624-1 (N° Lexbase : L7294IZ8), résultant de l'ordonnance de réforme, prévoit que ces observations devront être faites dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Le débiteur qui ne formule pas d'observations dans ce délai ne peut émettre aucune contestation sur la proposition ultérieure du mandataire judiciaire.

L'article R. 624-1, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6267I3I), issu de la rédaction que lui donne l'article 52 du décret n° 2014-736 (N° Lexbase : L5913I3E), fixe à trente jours ce délai, qui est identique à celui imparti au créancier pour répondre à la contestation. Ce délai court à compter de la date à laquelle le débiteur a été mis en mesure, par le mandataire judiciaire, de formuler ses observations.

Si le débiteur ne participe pas à la vérification des créances, le délai court à compter de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui est adressée par le mandataire judiciaire ; cette lettre, qui vaut mise en demeure, comporte les propositions d'admission, de rejet ou de renvoi mentionnées au premier alinéa de cet article.

Une mise en demeure au débiteur d'avoir à présenter ses observations nous aurait semblé préférable, dans tous les cas et il eut été plus simple de faire uniformément courir le délai pour formuler des contestations à compter de la réception du courrier de mise en demeure.

Afin de vérifier la date à laquelle le débiteur a formulé ses observations, ce qui conditionne la recevabilité de la contestation qui émane intellectuellement de lui, l'article R. 624-2, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L6268I3K), dans la rédaction que lui donne l'article 53 du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, précise que la liste des créances contenant les indications prévues à l'article L. 622-25 (N° Lexbase : L3745HBC) et R. 622-23 (N° Lexbase : L0895HZ8), ainsi que les propositions du mandataire judiciaire et les observations du débiteur "avec indication de leur date", est déposée au greffe.

Le dispositif nouveau est complété par un alinéa 3 inséré à l'article R. 624-1 du code, qui indique qu'il appartient au mandataire judiciaire de justifier de la date à laquelle il a sollicité les observations du débiteur. Ainsi, le créancier pourra savoir si la contestation émanant du débiteur a été faite dans les délais et, par conséquent, si elle reste recevable. Si tel n'est pas le cas, le créancier soulèvera une irrecevabilité, ce qui dispensera d'examiner la contestation au fond du droit.

La solution nouvelle mérite entière approbation. Elle va grandement contribuer à accélérer les opérations de vérification du passif.

Le législateur répond également à une préoccupation de la pratique en rendant possible la reprise de la procédure de vérification des créances, lorsque le délai imparti à l'ouverture de la procédure collective par le tribunal au mandataire judiciaire est expiré.

Il existe, en effet, dans la procédure de liquidation judiciaire plusieurs dispositions permettant au liquidateur de ne pas vérifier une partie du passif. Il en est ainsi d'abord dans le régime général de la liquidation judiciaire. Il n'y pas lieu de vérifier le passif chirographaire s'il apparaît que le produit de l'actif doit être absorbé par les créanciers privilégiés. Plus énergiquement, dans la liquidation judiciaire simplifiée, ne sont vérifiées, outre les créances salariales, que les seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions.

Or, il peut apparaître utile, en cours de procédures, de vérifier le passif, par exemple pour mettre à la charge d'un dirigeant l'insuffisance d'actif, composée pour partie du passif chirographaire. Un problème peut alors se poser : celui de l'écoulement du délai imparti par le jugement d'ouverture au liquidateur pour vérifier la passif.

Très judicieusement, et pour faire écho aux observations éclairées d'un praticien (12), l'ordonnance de réforme insère un alinéa 3 à l'article L. 641-4 du code (N° Lexbase : L7328IZG), qui prévoit que "lorsqu'il apparaît nécessaire de reprendre la vérification des créances, le juge-commissaire fixe pour y procéder un délai supplémentaire qui ne peut excéder six mois". Le texte ajoute que la fixation de ce délai a les mêmes conséquences que celles prévues à l'article L. 624-1. Il faut notamment comprendre que ce délai allongé profitera aux créanciers autorisés à se délivrer à eux-mêmes des titres exécutoires pour déclarer leur créance à titre définitif. En outre, le mandataire judiciaire pourra être rémunéré au titre de la vérification des créances s'il respecte ce délai allongé.

B - Confirmations et nouveautés en matière d'office juridictionnel du juge-commissaire

Jusqu'à l'ordonnance du 12 mars 2014, il résultait des solutions dégagées par la Cour de cassation, telles que nous avions pu les résumer en en proposant une grille de lecture (13), que lorsque le juge-commissaire devait connaître du fond de la créance, il lui appartenait de statuer, comme l'aurait fait le juge des référés, en juge de l'évidence. Si une discussion sur le fond de la créance s'élevait devant le juge-commissaire, ce dernier devait surseoir à statuer, après avoir indiqué que la question dépassait son office juridictionnel, en présence d'une contestation sérieuse. Toutefois, si la question soulevée devant le juge-commissaire appartenait à la compétence exclusive d'une juridiction autre que celle à laquelle appartenait le juge-commissaire, ce dernier devait se déclarer incompétent.

Dans une première phase de sa jurisprudence, la Cour de cassation avait soigneusement distingué le régime du dépassement de l'office juridictionnel du juge-commissaire et celui de son incompétence. Le délai de saisine du "bon juge" imparti à peine de forclusion ne s'imposait que dans le second cas. Puis un coup de tonnerre a retenti dans le ciel des procédures collectives, lorsque la Cour de cassation a décidé de soumettre au délai de forclusion la saisine du "bon juge" en cas de simple dépassement de l'office juridictionnel (14).

L'ordonnance du 12 mars 2014 et son décret d'application du 30 juin 2014 confirment ces solutions. L'article L. 624-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7295IZ9), issu de la rédaction de l'ordonnance du 12 mars 2014 (art. 34) prévoit que "en l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission". Ainsi, il suffit d'une contestation sérieuse et l'office juridictionnel du juge-commissaire est alors épuisé. Ensuite, le décret n° 2014-736 du 30 juin 2014 reprend à son compte l'alignement du régime du dépassement de l'office juridictionnel sur celui de l'incompétence, opéré par la Cour de cassation dans son arrêt de revirement du 13 mai 2014 (15).

Le mérite du décret est de bien préciser que l'incompétence stricto sensu existera dès lors que sont atteintes les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui a désigné le juge-commissaire. Autrement dit, si la question en débat devant le juge-commissaire peut être connue de la juridiction d'appartenance du juge-commissaire, alors il n'y a pas incompétence, mais tout au plus dépassement de l'office juridictionnel du juge-commissaire. C'est le tribunal d'appartenance du juge-commissaire qui doit statuer. Observons au passage que les solutions ne seront donc pas les mêmes selon que la procédure collective a été ouverte au TGI ou au tribunal de commerce. En revanche, si la question en débat ne relève pas de la compétence de la juridiction qui a désigné le juge-commissaire, alors il y a véritable incompétence.

La nouveauté des textes tient à la précision contenue dans le décret. L'alinéa 1er de l'article R. 624-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6270I3M) a pris le soin d'indiquer qu'il appartiendra au juge-commissaire d'inviter, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification (pour le créancier et le débiteur) ou de la réception (pour le mandataire judiciaire) de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Nous ne pouvons ici que dire et redire notre désaccord avec la solution du dépassement de l'office juridictionnel du juge-commissaire. Même si la Cour de cassation d'abord, le décret ensuite, ont pris le soin d'enfermer la saisine du tribunal dans un délai d'un mois, cette solution conduit à retarder la vérification du passif et expose le créancier, déjà confronté à un débiteur ayant temporairement le droit de ne pas payer ses dettes, et qui ne les paiera peut-être jamais, à des frais et à des procédures bien inutiles.

Mais ne terminons pas sur cette note et reconnaissons plutôt que la législation va dans le bon sens. Si la philosophie d'un droit moderne des entreprises en difficulté est orientée vers le sauvetage des entreprises, lorsqu'il est encore temps, cette quête doit se faire en respectant la vertu première d'une législation en cette matière : l'équilibre. Cela passe par le respect des droits des créanciers, qui sont d'abord des partenaires économiques, non des ennemis. L'ordonnance du 12 mars 2014 et le décret du 30 juin 2014 l'ont bien compris et il faut en féliciter leurs rédacteurs.


(1) Menjucq, Rossi, Leloup, Carboni et Jourdan, La simplification des procédures collectives et du droit des entreprises en difficulté, Rev. proc. coll., mai 2013, Table ronde 2.
(2) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-11.690, publié (N° Lexbase : A4985CH4), Bull. civ. IV, n° 471, RJDA, 1994, n° 1, p. 12, concl. Piniot, Bull. Joly, 1994. 196, note M. Jeantin, JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J Campana et J.-M Calendini, JCP éd.G, 1994, II, 22200, note M. Rémery, Banque, 1994, 93, obs. J.-L. Guillot, Rev. sociétés, 1994, 100, note Y. Chartier, RTDCom., 1994. 367, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 14 février 1995, deux arrêts, n° 93-12.064 (N° Lexbase : A1126ABC) et n° 93-12.398 (N° Lexbase : A4010CHY), Bull. civ. IV, n° 43, LPA, 1995, n° 91, p. 13, note P. Alix, Bull. Joly, 1995, 442, note J.-J. Daigre ; Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-10.249 (N° Lexbase : A6255EH7), F-D, D., 2009, AJ 1691, obs. A. Lienhard ; Cass. com. 26 janvier 2010, n° 09-10.294, F-D (N° Lexbase : A7712EQP) ; Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, P+B+R+I (N° Lexbase : A3498GRY), Bull. ass plén., n° 2, D., 2011, AJ 514, obs. A Lienhard, D., 2011. Pan. 2074, obs. F.-X. Lucas, Gaz. Pal. éd. sp. Dr. entr. en diff. 1er et 2 avril 2011, p. 30, note E. Le Corre-Broly, Act. proc. coll., 2011/5, n° 80, note Ph. Roussel Galle, Gaz. Pal., 9 et 10 mars 2011, p. 13, note L. Antonini-Cochin, JCP éd. E, 2011, chron. 1263, n° 7, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 2011, 1264, note Ph. Roussel Galle, Rev. proc. coll., mars/avril 2011, comm. 23, p. 32, note P. Cagnoli, Rev. proc. coll., mai-juin 2011, comm. 79, p. 42, note F. Legrand et M.-N. Legrand, Rev. sociétés, 2011, 387, note Ph. Roussel Galle, Procédures, 2001, n° 177, note B. Rolland, Rev. sociétés, mai 2011, note P. Crocq, Dr. et proc., mai 2011, J. 16, p. 117, note F. Vinckel ; BJE, mai/juin 2011, § 66, p. 130, nos obs., RTDCom., 2011. 412, obs. A. Martin-Serf, Dr. et patr., septembre 2011, n° 206, 76, note C. Saint-Alary Houin, LPA, 3 janvier 2012, n° 2, p. 4, note A.-N. Zattara-Gros, E. Le Corre-Broly in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Février 2011 (2nd comm.), Lexbase Hebdo n° 239 du 17 février 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N4844BRT).
(3) Partageant l'analyse, Ph. Pétel, Entreprises en difficulté : encore une réforme !, JCP éd. E, 2014, 1223, n° 32.
(4) Partageant l'analyse, F. Macorig-Vénier, Les créanciers antérieurs hors comités après l'ordonnance du 12 mars 2014 : un vent de simplification en faveur de la reconnaissance de leur droit de créance, BJE, mai 2014, p. 185, spéc. p. 186.
(5) Rapport au Président de la République, ord. 12 mars 2014, p. 7.
(6) F. Pérochon, L'ordonnance du 12 mars 2014 : une révolution inespérée en faveur des créanciers tenus de déclarer, BJE, mai 2014, éditorial p. 133.
(7) F.-X. Lucas, Présentation de l'ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, BJE, mars 2014, 111, spéc. p. 115 ; F. Legrand, M.-N. Legrand et M.-H. Monsèrié-Bon, Qu'est qui change pour les partenaires de l'entreprise en difficulté ?", Rev. proc. coll., mars 2014, Dossier 18, n° 9.
(8) A. Lienhard, Codes des procédures collectives - réforme issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, Dalloz, 2014, p. 25.
(9) Sur le détail de cette complexe et importante question, nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 8ème éd., 2015/2015, à paraître octobre 2014, n° 662.53.
(10) Cass. com., 9 mai 2007, n° 05-21.357, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1105DWT), D., 2007, AJ 1424, note A. Lienhard ; D., 2008, pan. 577, nos obs. ; JCP éd. E, 2007, chron. 2119, p. 24, n° 8, obs. Ph. Pétel ; RD banc. et fin., mai-juin 2007, 113, p. 21, note F.-X. Lucas ; RTDCom., 2008. 192, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; RJ com., 2007, 367, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1568, n° 8, note D. Gibirila ; nos obs in Chronique de droit des entreprises en difficulté (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 261 du 23 mai 2007 - édition privée (N° Lexbase : N1642BBG).
(11) Amendement du Gouvernement, n° 380, déb. Sénat, JO 30 juin 2005, p. 4830.
(12) Intervention de Me Patrick Canet, Entretiens de la sauvegarde, Paris, 27 janvier 2014, Atelier "Actualités de la déclaration des créances".
(13) Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 682.15.
(14) Cass. com., 13 mai 2014, n° 13-13.284, P+B+R+I (N° Lexbase : A9732MKN), D., 2014, actu 1093, note A. Lienhard ; Gaz. Pal., 29 juin 2014, n° 180, p. 14, note D. Boustani ; Act. proc. coll., 2014/9, comm. 170, note J. Vallansan ; Rev. sociétés, 2014, 405, note L.-C. Henry ; Leden, mars 2014, comm. 044, nos obs. ; également lire nos obs. in Chronique de droit des entreprises en difficulté - Mai 2014, Lexbase Hebdo n° 382 du 22 mai 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N2235BUC).
(15) Cass. com., 13 mai 2014, n° 13-13.284, P+B+R+I, préc. et les obs. préc..

newsid:443566

Environnement

[Brèves] Nouvelle condamnation de la France pour cause de pollution aux nitrates

Réf. : CJUE, 4 septembre 2014, aff. C-237/12 (N° Lexbase : A9575MU8)

Lecture: 1 min

N3564BUK

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Le 11 Septembre 2014

Dans un arrêt rendu le 4 septembre 2014, la CJUE condamne une nouvelle fois la France en raison d'une mise en oeuvre insuffisante de la Directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (N° Lexbase : L7579AUA), à la suite de poursuites engagées en 2012 par la Commission européenne (CJUE, 4 septembre 2014, aff. C-237/12 N° Lexbase : A9575MU8, voir déjà CJCE, 8 mars 2001, aff. C-266/99 N° Lexbase : A0240AWS, CJUE, 13 juin 2013, aff. C-193/12 N° Lexbase : A4715KGQ et lire N° Lexbase : N7707BTM). Pour ce faire, la Cour de Luxembourg estime, notamment, que les périodes d'interdiction d'épandage des fertilisants prévues par la réglementation française sont soit insuffisantes, soit même inexistantes concernant certaines cultures. En outre, jusqu'au 1er juillet 2016, le calcul des capacités de stockage pourra toujours tenir compte d'un calendrier d'interdiction d'épandage non conforme aux exigences de ladite Directive. Par ailleurs, cette réglementation ne veille pas à ce que les agriculteurs et les autorités de contrôle soient en mesure de calculer correctement la quantité d'azote pouvant être épandue afin de garantir l'équilibre de la fertilisation. En ce qui concerne la volaille, les valeurs de rejet d'azote sont fixées sur la base d'un coefficient de volatilisation erroné de 60 %. Enfin, ladite réglementation ne comporte pas de critères clairs, précis et objectifs, conformément aux exigences du principe de sécurité juridique, concernant les conditions d'épandage de fertilisants sur les sols en forte pente. L'amende forfaitaire et les astreintes journalières pourraient atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros. Actuellement, près de 19 000 communes françaises sont considérées comme des zones vulnérables aux nitrates.

newsid:443564

Environnement

[Brèves] Conformité à la Constitution du pouvoir d'application immédiate de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014 (N° Lexbase : A0853MWI)

Lecture: 1 min

N3611BUB

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Le 11 Septembre 2014

La possibilité d'application immédiate par le préfet de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) sont conformes à la Constitution, énonce le Conseil constitutionnel dans un arrêt rendu le 9 septembre 2014 (Cons. const., décision n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014 N° Lexbase : A0853MWI). La question prioritaire de constitutionnalité était relative à l'article L. 562-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7778IMZ), lequel dispose qu'en cas d'urgence, le préfet peut décider de rendre immédiatement opposables certaines des dispositions d'un PPRNP. Le Conseil constitutionnel a relevé que la décision de rendre opposables par anticipation certaines dispositions d'un projet de PPRNP a pour objet la sécurité des personnes et des biens à l'égard des risques naturels prévisibles. Elle ne peut être adoptée que si "l'urgence le justifie" et a pour seul effet d'interdire ou de restreindre, à titre provisoire et conservatoire, des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations. Par suite, le Conseil a jugé que cette décision ne constitue pas une décision publique ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte (participation obligatoire du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement) et qu'il ne pouvait donc être excipé de la violation de cet article. Les Sages ont aussi écarté le moyen relatif à la violation de l'article 7 de la DDHC (N° Lexbase : L1371A9N) (droit de propriété). L'article L. 562-2 a, dans un objectif de sécurité publique, uniquement pour effet d'interdire ou de restreindre, dans l'attente de la publication du plan, des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations. Or, le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le propriétaire d'un bien supporterait une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. Les dispositions de l'article L. 562-2 du Code de l'environnement ont donc été déclarées conformes à la Constitution.

newsid:443611

Pénal

[Questions à...] La loi "Taubira" ou la nouvelle approche de la sanction pénale - Questions à Monsieur Pierre Bricard, ancien magistrat

Réf. : Loi n° 2014-896 du 15 août 2014, relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (N° Lexbase : L0488I4T)

Lecture: 21 min

N3556BUA

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Monsieur Pierre Bricard, ancien magistrat - par Aziber Seïd Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef droit pénal et droit processuel">

par Aziber Seïd Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef droit pénal et droit processuel

Le 11 Septembre 2014

Publiée au Journal officiel du 17 août 2014, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (lire le point de vue des praticiens in Quelles perspectives pour le projet de réforme pénale ? Compte-rendu de la réunion du 19 mai 2014 de la Commission "Droits de l'Homme" du barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 578 du 10 juillet 2014 - édition privée N° Lexbase : N3051BUK) a vu la quasi-totalité de ses dispositions validées par le Conseil constitutionnel, à l'exception de l'article prévoyant une majoration des amendes pénales au profit de l'indemnisation des victimes (Cons. const., décision n° 2014-696 DC du 7 aout 2014 N° Lexbase : A8364MUC). De manière générale, la nouvelle loi réforme la politique de prévention de la récidive et vise à diminuer le nombre de victimes tout en garantissant la réinsertion des personnes condamnées. Plusieurs dispositions nouvelles sont introduites dans la législation pénale.

Pour faire le point sur cette importante loi, Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré Monsieur Pierre Bricard, ancien magistrat, qui a accepté de nous faire part de son avis impartial sur ce texte.

Lexbase : Pouvez-vous nous faire état des principales dispositions adoptées par la nouvelle loi ?

Pierre Bricard : L'objectif général de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 est de promouvoir l'individualisation de la peine, mettre fin aux automatismes et introduire la possibilité pour les magistrats de condamner les délinquants à un autre type de peine privilégiant les efforts de réinsertion du condamné.

La loi nouvelle affirme, d'abord, un certain nombre de principes sur la peine et son exécution.

- En ce qui concerne la peine, ses finalités et fonctions sont clarifiées dans le Code pénal. La peine a désormais une dualité fonctionnelle : sanction et amendement. Le nouvel article 130-1 (N° Lexbase : L9806I3L) dispose en effet qu'"afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime", la peine a essentiellement pour fonctions de sanctionner l'auteur de l'infraction mais aussi de "favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion". De plus le nouvel article 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) affirme le principe de l'individualisation des peines. Ainsi "dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine". Le texte affirme, en outre, le principe de la nécessité de la peine d'emprisonnement ferme qui "ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate".

- En ce qui concerne l'exécution et l'application de la peine, la loi contient de nombreuses dispositions qui assouplissent les textes en vigueur et doivent aussi inciter les juges à faire procéder, dans la mesure du possible, à des aménagements. Au niveau des principes, le nouveau texte rappelle en effet que "le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions [...].Ce régime est adapté au fur et à mesure de l'exécution de la peine, en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l'objet d'évaluations régulières" (C. pr. pén., art 707, II N° Lexbase : L9874I34). Le texte précise, enfin, que tout détenu doit bénéficier "chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire" (C. pr. pén., art. 707 III).

Sans trop rentrer dans les détails techniques, les principales dispositions appliquant ces principes et adoptées par cette loi sont donc les suivantes.

Création d'une nouvelle peine : la "contrainte pénale"

L'article 19 de la loi crée une nouvelle peine alternative à l'incarcération à exécuter en milieu ouvert baptisée "contrainte pénale". Provisoirement, ce nouveau type de sanction sera limité aux délits passibles de cinq années d'emprisonnement maximum. Il est prévu qu'elle sera étendue à l'ensemble des délits à compter du 1er janvier 2017.

Il s'agit de la principale innovation de la loi du 15 août 2014. Cette nouvelle peine est conçue comme une peine sui generis déconnectée de la notion d'emprisonnement, l'objectif de cette disposition étant de lutter contre la récidive, en sortant la personne du milieu carcéral pour l'exécution de sa peine. Elle repose sur l'idée d'une véritable peine effectuée en milieu ouvert, par opposition au milieu carcéral.

Le nouvel article 131-4-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9812I3S) prévoit, en effet, que l'auteur d'un délit, puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, peut être condamné à la peine de contrainte pénale "lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur [...] et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu".

La contrainte pénale emporte pour le condamné "l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société". Les obligations et interdictions particulières, auxquelles peut être astreint le condamné, sont en fait les obligations prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve mais il est prévu l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général ainsi que l'injonction de soins en cas de condamnation pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement.

Ainsi, ce nouveau texte créé une nouvelle peine, que le condamné pourra exercer en dehors de la prison, tout en étant soumis à un certain nombre d'obligations et d'interdictions conçues pour être normalement plus contraignantes que le sursis avec mise à l'épreuve. La contrainte pénale, qui est prononcée par le tribunal correctionnel, se veut donc "déconnectée" de la peine de prison au contraire de la probation (sursis avec mise à l'épreuve et autre mesures) qui est une modalité d'exécution de la peine privative de liberté. Dès que cette peine est prononcée, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) seront chargés, dans un délai de trois mois, de faire ce que les anglo-saxons appellent un "diagnostic à visée criminologique", c'est-à-dire une enquête prenant en considération l'ensemble du contexte socio-culturel dans lequel évolue le condamné. Ils proposeront, ensuite, au juge de l'application des peines un ensemble de mesures. Celui-ci décidera de choisir celles qui lui paraîtront les plus adaptées.

Autres mesures facilitant la réinsertion des condamnés

- Les "peines planchers", prévues pour les délinquants récidivistes, qui avaient été introduites dans le Code pénal en 2007 afin d'obliger les juges à prononcer une peine minimale lorsqu'est constaté l'état de récidive légale, sont supprimées (abrogation de l'article 132-19-1 du Code pénal N° Lexbase : L8955HZP par l'article 7 de la loi).

- En ce qui concerne les mineurs, l'article 20-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 (N° Lexbase : L4662AGR) est modifié. Il n'y aura plus dorénavant les restrictions introduites dans cet article, en 2007, dans le cadre du principe de l'atténuation de la peine à la moitié de la peine encourue des mineurs de plus de 13 ans. Toutefois, si le mineur est âgé de plus de 16 ans, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs pourront, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application de cette atténuation.

- La révocation automatique du sursis simple est supprimée (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 8 ; C. pén., art. 132-5 N° Lexbase : L2217AM3 et 132-6 N° Lexbase : L2292AMT), elle devra donc être expressément ordonnée par le tribunal qui prononce la nouvelle condamnation ; néanmoins, le procureur de la République pourra ultérieurement saisir le tribunal correctionnel d'une requête motivée tendant à la révocation du sursis si le tribunal n'avait pas eu connaissance de cette condamnation. Il est précisé que le caractère non avenu d'une condamnation ne fait pas obstacle à la révocation expresse totale ou partielle du sursis par le tribunal dans son jugement de condamnation en cas d'infraction nouvelle commise dans le délai de cinq ans.

- Il est prévu la possibilité d'ajourner le prononcé de la peine après la déclaration de culpabilité. Ainsi, le tribunal pourra, dans un premier temps, prononcer la culpabilité et statuer immédiatement sur l'indemnisation des victimes, puis ajourner sa décision sur la peine à une seconde audience afin d'obtenir davantage d'informations sur la personnalité et la situation de l'auteur (quatre mois plus tard au maximum, délai renouvelable, C. pén., art. 132-70-1 N° Lexbase : L9841I3U). L'article 132-70-3 (N° Lexbase : L9809I3P) prévoit aussi cette possibilité d'ajournement en soumettant le condamné à l'obligation de consigner une somme d'argent en vue de garantir le paiement d'une éventuelle peine d'amende. Le tribunal détermine le montant de cette consignation et le délai dans lequel celle-ci doit être déposée au greffe, qui ne saurait être supérieur à un an.

- Il est désormais possible de suspendre l'exécution d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans dans l'attente d'un aménagement de peine lorsque celle-ci n'a pas été mise à exécution par le Parquet dans un délai de trois ans, à moins que le condamné ne soit détenu pour autre cause ou qu'un fait nouveau ne soit intervenu rendant, de ce fait, inopportun cette suspension (C. pr. pén., art. 723-17-1 N° Lexbase : L9810I3Q).

- Le texte humanise l'exécution d'une peine privative de liberté pour raison familiale : aménagements particuliers (suspension, fractionnement de peine) pour une femme enceinte de plus de douze semaines ou toute personne exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 25 de la loi - C. pr. pén., art. 708-1 N° Lexbase : L9821I37 et 720-1 N° Lexbase : L9420IEM).

- La "libération sous contrainte" des détenus en fin de peine est instaurée : afin d'éviter les sorties "sèches" de prison sans accompagnement socio-éducatif, il est prévu, pour les détenus exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans, une évaluation obligatoire en commission d'application des peines de leur situation pénale s'ils ont déjà exécuté les deux-tiers de leur peine, ce qui permettrait d'envisager leur sortie progressive de prison. Une "libération sous contrainte" pourra être décidée par le juge d'application des peines, en fonction du projet d'insertion de la personne détenue. La libération sous contrainte entraîne l'exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le juge de l'application des peines, de la semi-liberté, du placement à l'extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. S'il n'est pas procédé à cet examen, le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel pourra, d'office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, prononcer une mesure de libération sous contrainte. Si le total des peines portées à l'écrou est supérieur à cinq ans, la situation du condamné devra être examinée par le juge ou le tribunal de l'application des peines à l'occasion d'un débat contradictoire.

- Un détenu, qui a purgé sa peine après avoir bénéficié de réductions de peine, peut se voir imposer, à sa libération, un certain nombre d'obligations par le juge de l'application des peines. S'il ne les respecte pas, le bénéfice de ces réductions de peine peut lui être retiré (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 44 ; C. pr. pén., art. 721-2.-I N° Lexbase : L9902I37).

- Une personne placée en détention provisoire peut être libérée pour motif médical (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 50 ; C. pr. pén., art.147-1 N° Lexbase : L9833I3L).

- Les mesures concernant les victimes ont été renforcées (C. pr. pén., art. 707 N° Lexbase : L9874I34) : elles pourront notamment demander à être informées de la fin de l'exécution d'une peine de prison, ou saisir la justice si elles estiment qu'il existe une atteinte à leurs droits en cours d'exécution de peine. L'existence des bureaux d'aide aux victimes et bureaux de l'exécution des peines est officiellement reconnue par la loi. L'article 18 de la loi prévoit en outre la possibilité d'une justice "restaurative" consistant en un rapprochement de l'auteur et de la victime pour résoudre "des difficultés résultant de l'infraction".

- La durée maximum de la peine de travail d'intérêt général est portée de 210 à 280 heures (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 21 ; C. pr. pén., art. 132-57 N° Lexbase : L9871I3Y).

- L'article 35 de la loi prévoit la possibilité, sur autorisation du Procureur de la République, d'une transaction pénale effectuée par l'officier de police judiciaire au cours de l'enquête pour des petits délits (pas plus d'un an d'emprisonnement encouru). Cette transaction, qui peut comporter le versement d'une consignation (dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l'amende encourue) ainsi que l'accomplissement de certaines obligations, doit être homologuée par le Président du tribunal de grande instance (C. pr. pén., art. 41-1-1.-I. N° Lexbase : L9828I3E).

- Le nouveau texte fixe les modalités de diminution de la peine d'une personne atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes : réduction du tiers de la peine ou s'il s'agit d'une peine perpétuelle réduction à 30 ans (C. pén., art. 122-1 N° Lexbase : L2244AM3) ; toutefois, le juge de l'application des peines peut ordonner, à la libération de cette personne, si son état le justifie et après avis médical, une obligation de soins pendant une durée qu'il fixe et qui ne peut excéder cinq ans en matière correctionnelle ou dix ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement.

- Enfin, le texte prévoit des dispositions particulières visant à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie en cas de violation de ses obligations par une personne sous main de justice (loi n° 2014-896 du 15 août 2014, art. 34).

Lexbase : Ces nouvelles mesures vous paraissent-elles satisfaisantes ?

Pierre Bricard : Ce texte contient des avancées intéressantes dont la plupart avaient été demandées par les praticiens. Comme il a été dit, l'objectif de cette loi était, en effet, de faire prévaloir l'individualisation et l'aménagement des peines, dans une optique d'insertion pouvant éviter la récidive. Ainsi, on peut se féliciter de l'abrogation des peines planchers et des restrictions concernant les mineurs, véritables obstacles à l'individualisation des peines et de la suppression du caractère automatique de la révocation des sursis simples qui gênait le travail de suivi et d'insertion mené par les professionnels.

Il est intéressant de définir une peine originale, la "contrainte pénale" déconnectée de la peine d'emprisonnement centrée sur des mesures de probation coercitive mais il fallait donner un vrai contenu à cette peine pour qu'elle soit conçue comme une véritable peine autonome ne dépendant pas du bon vouloir du juge de l'application des peines pour en définir son contenu. Il fallait permettre au tribunal correctionnel de définir lui-même l'intégralité des mesures de probation à la suite d'un véritable débat contradictoire sur la personnalité du prévenu. En cas de non-respect de la mesure, il aurait été souhaitable que le tribunal détermine initialement une peine d'emprisonnement fixe dans le jugement condamnant à une contrainte pénale, la durée de cet emprisonnement n'aurait pu être révisable à la baisse par la suite, qu'à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée. En fait, les juges de l'application des peines cerneront mal l'intérêt de cette mesure qui semble faire double emploi avec le sursis avec mise à l'épreuve.

Enfin, l'objectif était d'impliquer le condamné détenu à un projet de réinsertion au cours de l'exécution de sa peine et de préparer sa sortie. Toutefois, le législateur, obéissant à des préoccupations sécuritaires, a fait le choix d'élargir à tous les détenus sortant de prison et ayant bénéficié de réductions de peines le champ de la surveillance judiciaire qui était auparavant réservé à quelques infractions graves. Or, une peine est exécutée ou ne l'est pas, si un condamné sort de prison après avoir exécuté sa peine, il ne me paraît pas possible de revenir sur les réductions de peines dont il a justement bénéficié en raison d'un bon comportement en détention, le bénéfice de ces réductions de peine devant être définitif à sa sortie de prison. La surveillance judiciaire à la sortie de prison ne peut se justifier, à mon avis, que pour les délinquants sexuels ou autres délinquants considérés comme particulièrement dangereux.

Lexbase : La contrainte pénale (validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2014), qui est l'une des mesures phares de la loi, traduit-elle, selon vous, un certain laxisme, comme ont pu le soutenir certains ?

Pierre Bricard : Si on se place dans une optique ultra sécuritaire, cette réforme peut paraître, pour certains, comme la manifestation d'une certaine indulgence exagérée à l'égard des délinquants puisqu'elle semble privilégier l'insertion du condamné à sa neutralisation en milieu fermé pour protéger la société. Il convient, toutefois, de remarquer que la nouvelle peine de "contrainte pénale" ne concerne que les délits et non les crimes qui concernent les infractions les plus graves. Le reproche de laxisme de la loi nouvelle sous-tend aussi l'idée que les juges sont, eux-mêmes, très tolérants pour les délits considérés comme de moindre gravité. Or, dans tous les cas, le tribunal ou le juge ont la possibilité de prononcer une peine ferme sans aucune mesure d'aménagement, en motivant spécialement leur décision "au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale" ; je ne pense donc pas que ces nouvelles dispositions inciteront les juges à une particulière tolérance à l'égard des prévenus. Ainsi, ce n'est qu'au cas par cas que le tribunal pourra envisager d'appliquer, à titre exceptionnel, cette nouvelle peine de contrainte pénale. De plus, en cas de non-respect des obligations, le juge pourra rendre ces dernières beaucoup plus strictes, voire même solliciter l'emprisonnement de la personne condamnée.

En fait, la réelle utilité de la "contrainte pénale" peut être discutée. Le régime de la contrainte pénale emprunte, en effet, à des obligations qui peuvent être prononcées dans le cadre du suivi socio-judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve et je vois mal l'originalité de cette mesure en tant que peine si ce n'est qu'elle est déconnectée du prononcé d'une peine d'emprisonnement.

En réalité, le législateur a élargi la gamme des sanctions en accordant plus d'initiatives au juge de l'application des peines, la philosophie de la loi étant que la peine ne pouvait se limiter à un simple enfermement du condamné. En effet, l'élévation généralisée des quanta de peine ou l'instauration de peines minimales pour les récidivistes ne semble pas être une réponse adéquate à la délinquance. De plus, les tribunaux sont de plus en plus sévères, les quanta moyens des peines d'emprisonnement prononcées étant passé de 8 mois à 11 mois, ce qui n'a pas amélioré la situation de la délinquance dans notre pays. On peut donc en conclure que l'on ne sort pas de la délinquance par un allongement de la peine et qu'il faut se centrer sur l'efficacité de la sanction dans une optique d'amendement du condamné et de réinsertion et non se focaliser uniquement sur la durée de l'emprisonnement. De plus, si l'on examine l'aspect avantage-coûts, force est de constater que la prison est le moyen le plus onéreux d'aggraver la délinquance au lieu de l'atténuer ; un jour d'emprisonnement coûte au minimum 100 euros par détenu, un jour de mise à l'épreuve 30 euros et un jour de bracelet électronique 11 euros...Toutefois, la contrainte pénale ne peut être motivée uniquement par cet aspect de réduction des coûts et par la libération de places dans les prisons surpeuplées. En effet, la peine d'emprisonnement ferme ou assortie d'un sursis partiel s'impose pour les délits les plus graves. Aussi, à mon avis, la contrainte pénale serait adaptée comme substitut aux courtes peines d'emprisonnement, ce qui éviterait un emprisonnement suivi d'une sortie "sèche" génératrice, la plupart du temps, de récidive. Elle ne pourrait être appliquée qu'à un public limité très motivé et véritablement apte à se soumettre à des mesures très contraignantes, disposé et ayant la possibilité d'indemniser la victime dans une véritable démarche dynamique d'insertion socio-professionnelle dans le respect des droits de la victime. En aucun cas cette mesure ne pourrait être envisagée lorsqu'il s'agit d'atteintes graves et réitérées aux personnes ou lorsqu'un condamné ne présente aucun gage sérieux de réinsertion.

Pour conclure sur cette polémique, je ne pense donc pas qu'il soit juste de condamner une réforme et la taxer de "laxiste" avant même qu'elle ne soit effectivement appliquée. D'ailleurs, ce texte a été précédé d'un sérieux travail d'experts (conférence de consensus) et le Conseil de l'Europe a, quant à lui, préconisé l'instauration d'une peine différente de l'emprisonnement à l'instar de certains pays étrangers. Cette réforme n'empêchera d'ailleurs pas le prononcé de lourdes peines ou le maintien en détention lorsque les juges estimeront que la gravité de l'infraction et la personnalité du prévenu le justifieront. Le mérite de cette réforme est simplement de donner de nouveau la possibilité aux juges d'adapter la sanction à la gravité de l'infraction ainsi qu'aux considérations pouvant permettre une réinsertion future du condamné. Le législateur a voulu humaniser la sanction dans le sens d'une meilleure efficacité de la justice. Laissons donc maintenant travailler les magistrats avant qu'un bilan ne soit effectué en 2017.

Lexbase : La multiplicité des attributions du juge de l'application des peines méconnaît-elle le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement ainsi que le principe d'impartialité des juridictions ?

Pierre Bricard : Cet argument a été rejeté d'un revers de main par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, le Conseil constitutionnel a en effet tranché ce point en ces termes : "considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution [...] que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles [...] considérant que la définition des compétences respectives de la juridiction de jugement, du juge de l'application des peines et du président du tribunal ou son délégué ne méconnaît ni le principe d'impartialité des juridictions ni le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement qui en résulte ; que les griefs tirés de la violation des exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés ; considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les articles 19 et 22 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution".

Il est vrai que les attributions du juge de l'application des peines ont été considérablement élargies, mais le fait de saisir le Président du tribunal correctionnel en cas de non-respect des obligations de même que d'écrouer provisoirement le condamné ne constitue pas en soi un acte de poursuite mais un acte lié au contentieux de l'exécution de la peine, l'urgence pouvant commander ces mesures. D'ailleurs, les attributions du ministère public ont été respectées, ce dernier devant intervenir dans la procédure et faire des réquisitions.

Ainsi, si l'on analyse le texte dans le détail, on ne peut que constater que les attributions du tribunal, du juge de l'application des peines et du ministère public ont été équitablement réparties : l'article 131-4-1 du Code pénal prévoit que, lorsqu'elle prononce la contrainte pénale, la juridiction de jugement fixe la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint ; cet emprisonnement ne peut excéder deux ans ni même excéder le maximum de la peine d'emprisonnement encourue ; il est prévu que le juge peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction de jugement, ce qui rentre parfaitement dans les attributions du juge de l'application des peines ; de même le nouvel article 713-45 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9816I3X) dispose que si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant au moins un an, que son reclassement paraît acquis et qu'aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l'application des peines peut, sur réquisitions conformes du procureur de la République, décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale. En l'absence d'accord du ministère public, le juge de l'application des peines peut saisir à cette fin, par requête motivée, le président du tribunal ou un juge par lui désigné, qui statue à la suite d'un débat contradictoire public (C. pr. pén., art. 713-45).

D'autre part, le nouvel article 713-47 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9818I3Z) prévoit qu'en cas d'inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et d'assistance, des obligations ou des interdictions, le juge de l'application des peines peut, "d'office ou sur réquisitions du procureur de la République", modifier ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Il peut également procéder à un rappel des mesures, obligations et interdictions auxquelles est astreinte la personne condamnée.

Si cela est insuffisant pour assurer l'effectivité de la peine, le juge "saisit, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l'emprisonnement dont la durée a été initialement fixée par la juridiction. Le président du tribunal ou le juge par lui désigné, qui statue à la suite d'un débat contradictoire public, fixe la durée de l'emprisonnement à exécuter, laquelle ne peut excéder celle fixée par la juridiction". Il est précisé que le président du tribunal ou le juge par lui désigné peut décider que cet emprisonnement s'exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou de la surveillance électronique.

Nous voyons donc bien que le juge de l'application des peines intervient dans la définition des obligations auxquelles le condamné est astreint, qu'il en assure le suivi et le contrôle. Cela ne peut être regardé comme portant atteinte au principe d'impartialité des juridictions. La durée maximale d'emprisonnement est de toute façon fixée par le tribunal correctionnel et la sanction de la violation des obligations de la contrainte pénale sera assurée par le président du tribunal de grande instance ou le juge par lui délégué. La loi distingue ainsi clairement le prononcé de la peine par le tribunal, le contrôle de son exécution par le juge de l'application des peines et la sanction de sa violation par un juge indépendant et impartial.

Enfin, l'on ne peut critiquer le fait que le juge de l'application des peines puisse, s'il l'estime nécessaire, ordonner l'incarcération provisoire du condamné, ce dernier devant, d'ailleurs, être libéré d'office si le débat contradictoire n'a pas lieu dans le délai de 15 jours. Cette mesure provisoire se justifie pleinement par l'urgence et les risques de réitération de l'infraction. Cette possibilité pour le juge d'application des peines d'incarcérer provisoirement le condamné jusqu'à la décision du juge répond ainsi à l'objectif constitutionnel de sûreté ; elle était, d'ailleurs, déjà prévue de manière générale, en cas d'inobservation des obligations d'un condamné bénéficiant d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une libération conditionnelle par l'article 712-19 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9509IEW). Cette mesure répond de surcroît au principe de proportionnalité, la détention provisoire ne pouvant excéder un délai de 15 jours.

Toutefois, il me semble que le législateur est allé un peu trop loin en accordant au juge de l'application des peines le pouvoir de substituer une peine de jours-amende en peine de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (C. pr. pén., art. 747-1-2 N° Lexbase : L9823I39). Cette prérogative devrait rester celle du tribunal car il n'appartient pas au juge de l'application des peines de transformer une peine en une autre de nature très différente.

Lexbase : Reste-t-il des domaines d'intervention nécessaire pour parfaire cette réforme ?

Pierre Bricard : La mise en oeuvre concrète de la peine nouvelle de "contrainte pénale" posera des difficultés pratiques pour les praticiens et professionnels de l'application des peines. En effet, elle repose sur un diagnostic et un suivi individualisé, ce qui suppose un investissement en moyens suffisant. Or, le budget du ministère de la Justice n'est pas suffisamment étoffé pour faire face à une réforme de cette ampleur qui exige des moyens importants, surtout à une époque de restriction budgétaire. Dans cette optique, on ne peut que souhaiter le renforcement en personnel des services d'insertion et de probation, car cela ne sert à rien de faire voter une loi introduisant une nouvelle peine dans notre droit positif s'il n'existe aucune mesure d'accompagnement.

Lexbase : Cette nouvelle loi marque-t-elle une véritable évolution idéologique du point de vue de la répression pénale ?

Pierre Bricard : L'évolution du concept de peine vient du fait que la nouvelle loi a essayé de voir la sanction sous un autre angle en déconnectant les mesures de probation de la peine d'emprisonnement. Le fait de mettre à la disposition des magistrats un nouveau type de peine leur apporte une marge de manoeuvre non négligeable quant à la variété des peines prononcées. Certes, étant donné qu'elle est accompagnée d'une série d'obligations et interdictions, la contrainte pénale s'ajoutera à la possibilité de condamner un prévenu à une peine d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve (SME).

D'autre part, l'intérêt de cette nouvelle peine, c'est qu'elle implique, avant qu'elle ne soit prononcée, une évaluation dès la condamnation du prévenu. Des paramètres, tels que ses liens sociaux, ses éventuelles addictions, sa situation professionnelle, devront être analysés et décideront des obligations et des interdictions qui lui seront imposées. L'innovation vient de là. De surcroît, la possibilité de scinder le procès pénal en plusieurs phases, celle de la culpabilité d'abord, puis l'indemnisation de la victime et enfin le choix de la sanction qui implique une évaluation du condamné, est une idée très intéressante qui va dans ce sens.

newsid:443556

Procédure pénale

[Brèves] Modalités de conversion de peines d'emprisonnement ferme en sursis avec travail d'intérêt général

Réf. : Cass. crim., 3 septembre 2014, n° 13-80.045, F-P+B+I (N° Lexbase : A9187MUS)

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Le 12 Septembre 2014

Lorsque plusieurs peines d'emprisonnement ferme ont été prononcées, pour des délits de droit commun, leur conversion en sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en jours-amende n'est possible que si leur durée totale n'excède pas six mois. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 3 septembre 2014 (Cass. crim., 3 septembre 2014, n° 13-80.045, F-P+B+I N° Lexbase : A9187MUS ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal général" N° Lexbase : E9810EWA). En l'espèce, M. X a sollicité l'aménagement de deux peines de quatre mois et trois mois d'emprisonnement prononcées contre lui, par jugements du tribunal correctionnel d'Evry, en date des 27 mai 2010 et 14 juin 2011. Le juge de l'application des peines a fait droit à cette demande et ordonné la conversion desdites peines en les assortissant du sursis avec obligation d'accomplir respectivement 120 heures et 90 heures de travail d'intérêt général. Le procureur a interjeté appel de cette décision et, pour confirmer le jugement, la cour d'appel a énoncé, notamment, que la durée totale des deux peines n'excède pas deux ans et qu'aucune d'entre elles n'est supérieure à six mois. A tort, selon la Cour de cassation qui censure la décision ainsi rendue et précise qu'en se déterminant ainsi, alors que la durée cumulée des peines d'emprisonnement dont elle a prononcé la conversion atteignait sept mois, la chambre de l'application des peines a méconnu les articles 132-57 du Code pénal (N° Lexbase : L9508IEU) et 723-15 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9392IEL) et le principe ci-dessus énoncé.

newsid:443551

Procédure civile

[Brèves] Incompatibilité entre la fonction d'expert judiciaire et celle de juge consulaire dans le ressort de la même cour d'appel

Réf. : Cass. civ. 2, 4 septembre 2014, n° 14-60.154, F-P+B (N° Lexbase : A0551MWC)

Lecture: 1 min

N3574BUW

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Le 12 Septembre 2014

L'inscription sur une liste d'experts judiciaires d'une cour d'appel est incompatible avec la fonction de juge consulaire au sein d'un tribunal de commerce du ressort de cette même cour d'appel. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 4 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 4 septembre 2014, n° 14-60.154, F-P+B N° Lexbase : A0551MWC ; sur la nécessité d'une réelle indépendance de l'expert judiciaire en matière pénale, lire N° Lexbase : N2806BUH). En l'espèce, M. B. a sollicité son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Bordeaux. Par une décision du 14 novembre 2013 contre laquelle M. B. a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a refusé son inscription, au motif que les conditions de l'article 2-6° du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, relatif aux experts judiciaires (N° Lexbase : L5178GUC), ne sont pas remplies, le candidat étant juge au tribunal de commerce de Bordeaux. A l'appui de son recours, M. B. a fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu l'assemblée générale, il n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise car il a sollicité son inscription sur la liste uniquement dans le domaine agricole alors que pour tous les contentieux judiciaires en matière agricole, seuls le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance sont compétents, de sorte qu'il n'y a aucun risque d'incompatibilité avec l'exercice de sa fonction de juge au tribunal de commerce. A tort, selon les juges suprêmes qui retiennent que M. B. était juge consulaire au tribunal de commerce de Bordeaux et c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 2-6° du décret précité, que l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel a statué comme elle l'a fait (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E6434ETH).

newsid:443574

Procédure pénale

[Brèves] Modalités de conversion de peines d'emprisonnement ferme en sursis avec travail d'intérêt général

Réf. : Cass. crim., 3 septembre 2014, n° 13-80.045, F-P+B+I (N° Lexbase : A9187MUS)

Lecture: 1 min

N3551BU3

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Le 12 Septembre 2014

Lorsque plusieurs peines d'emprisonnement ferme ont été prononcées, pour des délits de droit commun, leur conversion en sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en jours-amende n'est possible que si leur durée totale n'excède pas six mois. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 3 septembre 2014 (Cass. crim., 3 septembre 2014, n° 13-80.045, F-P+B+I N° Lexbase : A9187MUS ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal général" N° Lexbase : E9810EWA). En l'espèce, M. X a sollicité l'aménagement de deux peines de quatre mois et trois mois d'emprisonnement prononcées contre lui, par jugements du tribunal correctionnel d'Evry, en date des 27 mai 2010 et 14 juin 2011. Le juge de l'application des peines a fait droit à cette demande et ordonné la conversion desdites peines en les assortissant du sursis avec obligation d'accomplir respectivement 120 heures et 90 heures de travail d'intérêt général. Le procureur a interjeté appel de cette décision et, pour confirmer le jugement, la cour d'appel a énoncé, notamment, que la durée totale des deux peines n'excède pas deux ans et qu'aucune d'entre elles n'est supérieure à six mois. A tort, selon la Cour de cassation qui censure la décision ainsi rendue et précise qu'en se déterminant ainsi, alors que la durée cumulée des peines d'emprisonnement dont elle a prononcé la conversion atteignait sept mois, la chambre de l'application des peines a méconnu les articles 132-57 du Code pénal (N° Lexbase : L9508IEU) et 723-15 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9392IEL) et le principe ci-dessus énoncé.

newsid:443551

Propriété intellectuelle

[Brèves] Exceptions au droit d'auteur : sur la notion de parodie

Réf. : CJUE, 3 septembre 2014, aff. C-201/13 (N° Lexbase : A9174MUC)

Lecture: 2 min

N3548BUX

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Le 11 Septembre 2014

Dans un arrêt du 3 septembre 2014, la CJUE se prononce sur la notion de parodie et sur les limites de cette exception au droit d'auteur (CJUE, 3 septembre 2014, aff. C-201/13 N° Lexbase : A9174MUC). Dans cette affaire, le membre d'un parti politique a distribué des calendriers de l'année 2011 dont la page de garde présentait un dessin qui ressemblait à celui figurant sur la couverture d'un album de bandes dessinées. Le dessin original représentait un personnage emblématique de la série, revêtu d'une tunique blanche et entouré de personnes qui essayaient de ramasser les pièces de monnaie qu'il jetait autour de lui. Sur le dessin ornant les calendriers, ce personnage était remplacé par le bourgmestre de la ville de Gand, tandis que les personnes qui ramassaient les pièces de monnaie étaient voilées et de couleur. Estimant que ce dessin et sa communication au public enfreignent leurs droits d'auteur, plusieurs héritiers de l'auteur ainsi que d'autres titulaires de droits de cette série de bandes dessinées se sont pourvus en justice. Saisie d'une question préjudicielle, la Cour rappelle, en premier lieu, que la définition de la notion de parodie doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la directive. A cet égard, la Cour relève que, dans le langage courant, la parodie a pour caractéristiques essentielles, d'une part, d'évoquer une oeuvre existante dont elle doit se différencier de manière perceptible et, d'autre part, de constituer une manifestation d'humour ou une raillerie. En revanche, une parodie ne doit pas avoir un caractère original propre autre que celui de présenter des différences perceptibles par rapport à l'oeuvre originale parodiée. De même, il n'est pas nécessaire qu'elle puisse être attribuée à une personne autre que l'auteur de l'oeuvre originale ni qu'elle porte sur l'oeuvre originale ou mentionne la source de l'oeuvre parodiée. En second lieu, la Cour souligne que l'application de l'exception pour parodie, instaurée par la Directive 2001/29 sur le droit d'auteur (N° Lexbase : L8089AU7), doit respecter un juste équilibre entre, d'une part, les intérêts et les droits des auteurs et autres titulaires de droits et, d'autre part, la liberté d'expression de la personne qui souhaite se prévaloir de cette exception. Dans ce contexte, la Cour constate que, si une parodie transmet un message discriminatoire (par exemple en remplaçant des personnages communs par des personnes voilées et de couleur), les titulaires de droits de l'oeuvre parodiée ont, en principe, un intérêt légitime à ce que leur oeuvre ne soit pas associée à un tel message. Il appartiendra donc à la juridiction belge d'apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce, si l'application de l'exception de parodie respecte le juste équilibre entre les intérêts divergents des personnes concernées.

newsid:443548

QPC

[Brèves] QPC - question transmise : inégalité entre un établissement public et privé d'enseignement concernant la taxe spéciale sur les contrats d'assurances relatifs aux incendies

Réf. : Cass. QPC, 2 septembre 2014, n° 14-40.029, inédit (N° Lexbase : A0516MWZ)

Lecture: 1 min

N3579BU4

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Le 16 Septembre 2014

Par un arrêt rendu le 2 septembre 2014, la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité s'agissant des taux de la taxe réduits pour les assurances contre l'incendie des biens affectés de façon permanente et exclusive à une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ainsi que des bâtiments administratifs des collectivités locales (Cass. QPC, 2 septembre 2014, n° 14-40.029, inédit N° Lexbase : A0516MWZ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E6081A8Q). La question transmise est relative à la contrariété des dispositions de l'article 1001, 1°, du CGI (N° Lexbase : L0701IZY), et notamment en son dernier alinéa, aux principes d'égalité prévus par les articles 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 13 (N° Lexbase : L1360A9A) de la DDHC ainsi qu'au principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement. Selon les requérants, la différence de traitement instituée par l'article 1001, 1°, du CGI, dernier alinéa, crée une rupture d'égalité entre les contribuables en ce qu'elle n'est pas en rapport direct avec l'objectif du législateur qui était de favoriser la couverture du risque incendie des professionnels. La loi méconnaît également, toujours selon les requérants, la liberté d'enseignement, en opérant une différenciation entre les établissements publics et les établissements privés d'enseignement. En l'espèce, le taux de la taxe sur les conventions d'assurance contre l'incendie des locaux des établissements privés appliqué par l'administration fiscale, pour les années 2006 et 2007, était de 30 % (au lieu du taux réduit de 7 %). Pour la Cour de cassation, cette question présente un caractère sérieux en ce que la différence de traitement au regard du taux de la taxe applicable aux assurances contre l'incendie, entre les bâtiments administratifs affectés à l'enseignement public, et les bâtiments appartenant à des personnes privées affectés à l'enseignement privé, pourrait être regardée comme n'étant pas en rapport avec l'objet de la loi qui établit cette différence de traitement, en ce qu'il vise à remédier à une couverture insuffisante des risques liés à l'incendie, selon l'exposé des motifs de l'article 12 du projet de la loi de finances pour 1973 instituant un taux réduit de cette taxe.

newsid:443579

QPC

[Doctrine] QPC en matière fiscale : analyse des décisions rendues par le Conseil constitutionnel entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2014

Lecture: 22 min

N3568BUP

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par Thibaut Massart, Professeur, Directeur du Master 2 fiscalité de l'entreprise de l'Université Paris-Dauphine

Le 16 Septembre 2014

La question prioritaire de constitutionnalité a été instaurée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK) qui est entrée en vigueur le 1er mars 2010. Alors que la première année de mise en oeuvre de la QPC avait été marquée par une très forte activité, l'année 2013 et le premier semestre 2014 attestent une certaine stabilisation des QPC. Après avoir procédé à une analyse statistique des QPC rendues entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2014, nous étudierons quelques décisions les plus importantes avant de nous livrer à un exercice de prospective juridique. I - Approche statistique

Dans la première année de la QPC (1er mars 2010 - 1er mars 2011), le Conseil constitutionnel rendit 83 décisions portant sur 102 affaires renvoyées par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. Sur ces 83 décisions, 36 % furent de non-conformité totale (14), partielle (7) ou avec réserve (9). Si ces décisions portèrent sur des matières très diverses, le droit fiscal fut, avec le droit pénal, la matière qui donna lieu au plus de QPC : Dix-sept questions avaient été, dans chacun de ces deux domaines, renvoyées au Conseil. Parmi les décisions fiscales, dix furent dans le sens de la conformité de la disposition législative contestée à la Constitution. Sept conduisirent à une réserve de constitutionnalité ou à une censure totale ou partielle. Le taux de non-conformité (41 %) était ainsi légèrement supérieur à la moyenne (36 %).

Pour la période 2013 et du premier semestre 2014, le nombre de QPC en matière fiscale s'élève à vingt-cinq, dont quinze ont été transmises par le Conseil d'Etat et dix par la Cour de cassation. Comme certaines affaires furent fusionnées, le nombre de décisions rendues par le Conseil constitutionnel est en réalité de vingt-deux.

Il y a sept décisions de non-conformité, dont une de non-conformité partielle et quatre de non-conformité avec effet différé. Le nombre de décisions de conformité s'élève à quatorze, dont cinq avec réserve. Il y a eu, par ailleurs, une décision de non-lieu à statuer. On constate ainsi que le taux de non-conformité (incluant les décisions de conformité avec réserve) a fortement progressé de 54 % au lieu des 41 % de la première année de la QPC. Cette forte croissance doit cependant être tempérée par le fait que l'année 2013 confirme la tendance déjà remarquée les années précédentes d'une baisse du nombre de QPC enregistrées tant devant la Cour de cassation que devant le Conseil d'Etat.

Devant la Cour de cassation, et pour l'année 2013, 367 QPC ont été posées, toutes matières et tous modes de saisine confondus, soit une baisse de 4,67 % par rapport à l'année 2012 (rapport annuel 2013 de la Cour de cassation, Dr. fisc., 2014, n° 25, p. 387). Cette baisse résulte d'une diminution des QPC en matière civile de 19,68 %, que n'a pas compensée l'augmentation de 9,65 % du nombre de questions soumises à la Chambre criminelle.

Le phénomène est identique devant le Conseil d'Etat (rapport public 2014 du Conseil d'Etat, Dr. fisc., 2014, n° 24, p. 373) avec une baisse de 13,4 % des entrées en 2013 (62 dossiers transmis par les juridictions administratives en 2013 contre 54 en 2012 et 100 mémoires présentés directement devant le Conseil d'Etat contre 133 en 2012). On constate d'ailleurs que les tribunaux administratifs ont été saisis de 490 QPC en 2010, 459 en 2011, 374 en 2012, et 353 en 2013, soit 1 676 depuis le 1er mars 2010. Les cours administratives d'appel ont quant à elles été saisies de 242 QPC en 2010, 134 en 2011, 105 en 2012 et 106 en 2013, soit 587 depuis le 1er mars 2010. Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le nombre des QPC, après avoir décru sensiblement entre 2010 et 2012, semble se stabiliser depuis 2013.

Devant les juridictions administratives, le principal pourvoyeur des questions prioritaires de constitutionnalité reste, de très loin, le contentieux fiscal avec 44 % des QPC déposées en première instance en 2013 et 25,6 % des QPC en appel. Ce contentieux représente 46 % des QPC déposées depuis le 1er mars 2010 en première instance et 45,5 % des QPC en appel. Au 31 décembre 2013, compte tenu du délai qui leur est imparti, les tribunaux administratifs avaient examiné 1 525 QPC, dont 400 au cours de l'année 2013. Les cours administratives d'appel avaient examiné 537 QPC, dont 125 au cours de l'année 2013. Depuis le 1er mars 2010, les TA et les cours administratives d'appel avaient transmis 268 QPC au Conseil d'Etat, le taux de transmission en 2013 est de 11,4 % et en moyenne depuis 2010 de 13 %. Outre ces 267 transmissions des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, le Conseil d'Etat a été saisi directement de 526 QPC et de 24 QPC par d'autres juridictions. Sur ce total de 817 QPC, il en avait examiné 773 au 31 décembre 2013, et transmis 188 au Conseil constitutionnel, soit un taux de transmission de 24 %.

II - Les décisions les plus importantes

Depuis l'instauration de la QPC, les principales décisions de non-conformité du Conseil constitutionnel en matière fiscale se sont généralement fondées sur une rupture d'égalité devant les charges publiques. Mais, pour la première fois, le Conseil constitutionnel a également retenu l'incompétence négative du législateur pour asseoir une décision de non-conformité à la Constitution.

A - La reconnaissance de l'incompétence négative

1 - La première décision : n° 2012-298 du 28 mars 2013

Par cette décision (Cons. const., 28 mars 2013, n° 2012-298 QPC [LXB=A0762KBT ] ; Dr. fisc., 2013, n° 22, comm. 302, note C. de la Mardière ; RJF, 2013, n° 640 ; Procédures, 2013, com. 206, note L. Ayrault), le Conseil constitutionnel reconnut pour la première fois qu'une QPC fondée sur l'incompétence négative du législateur est recevable.

Saisi d'une QPC transmise par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 28 décembre 2012, n° 363303 N° Lexbase : A6292IZ3) : Dr. fisc., 2013, n° 4, act. 54 ; RJF, 3/2013, n° 339 ; BDCF, 3/2013, n° 36, concl. F. Aladjidi), le Conseil constitutionnel déclara contraires à la Constitution les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du CGI (N° Lexbase : L4031I3P) dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, en ce qu'elles ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement, contrôle et contentieux de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En effet, en négligeant de définir ces règles de recouvrement, le législateur avait méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) qui précise que le législateur fixe les normes relatives à l'assiette, la liquidation et le recouvrement des impôts et taxes. Plus précisément, en oubliant de définir les modalités de recouvrement, le législateur avait porté atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D).

Une telle décision n'est toutefois pas totalement une surprise. Avant 2010, en plus de la taxe professionnelle, les entreprises devaient acquitter la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie, de manière à financer ces établissements publics. Or, dans une précédente décision, le Conseil constitutionnel avait censuré la loi de finances rectificative pour 1987, qui entendait conférer à chaque chambre de commerce le soin de fixer le montant de la taxe. Le Conseil avait considéré qu'il n'appartenait qu'au législateur d'exercer une telle compétence (Cons. const., 30 décembre 1987, n° 87-239 DC : Rec. Cons. const., 1987, p. 69 N° Lexbase : A8161ACA). En 2010, la taxe professionnelle fut remplacée par une imposition qui lui ressemble beaucoup, la contribution économique territoriale (CET). Celle-ci rassemble deux prélèvements distincts : la contribution foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La scission fut réalisée par la loi du 23 juillet 2010 (loi. n° 2010-853, du 23 juillet 2010, art. 9, 10, 15, 17 et 19 N° Lexbase : L8265IM3 : Dr. fisc., 2010, n° 36, comm. 461), venant modifier l'article 1600 du CGI. Mais, en raison d'un oubli manifeste, cette disposition ne prévoyait pas les modalités de recouvrement, de contrôle et de contentieux de la taxe additionnelle à la CVAE.

On soulignera cependant qu'une QPC n'est recevable que si la loi dénoncée met en cause un droit ou une liberté garantis par la Constitution. Or, cette situation se présente rarement dans le cas où le Parlement n'exerce pas sa propre compétence, car le Conseil constitutionnel a déjà jugé que l'article 14 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1361A9B), qui pose le principe de la légalité de l'impôt, ne confère pas un tel droit ou liberté (Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-5 N° Lexbase : A9571EZI, consid . 3 : Dr. fisc., 2010, n° 48, comm. 576, note M. Guichard et R. Grau ; RJF, 10/2010, n° 940). Mais le Conseil a, dans la présente affaire, précisé que "la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit". Tel est le cas lorsque, comme en l'espèce, le contribuable peut invoquer la violation du droit à un recours effectif tiré de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

On notera également que cette décision reste d'une portée limitée, le législateur ayant eu recours à une loi de validation rétroactive. Le Conseil constitutionnel a, en effet, précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité, si elle prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision, ne pouvait néanmoins être invoquée qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012, puisque le législateur avait, entre-temps, défini, par l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ) (Dr. fisc., 2012, n° 36, com. 413), les modalités de recouvrement manquantes par un neuvième alinéa en précisant, au II, que celui-ci était rétroactivement applicable "aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012".

On notera au surplus que lors d'une deuxième QPC transmise par le Conseil d'Etat (CE, 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2013, n° 365323 N° Lexbase : A1396KCP : RJF, 2013, n° 745), le Conseil constitutionnel a ajouté, dans une décision du 21 juin 2013 (Cons. const., 21 juin 2013, n° 2013-327 QPC N° Lexbase : A7984KGS : Dr. fisc., 2013, n° 26, act. 362 ; RJF, 2013, n° 961), une réserve d'interprétation, à propos du II de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 précité, selon laquelle la validation rétroactive des règles relatives aux modalités de recouvrement ne saurait avoir pour effet de permettre que soient prononcées des sanctions fiscales ayant le caractère de punition à l'encontre des personnes assujetties à la taxe au titre du recouvrement de celle-ci avant l'entrée en vigueur de l'article 39 précité.

2 - La deuxième affaire : n° 2013-351 du 25 octobre 2013

Dans la lignée de sa décision du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a jugé, à la suite de sa saisine le 3 septembre 2013 par la Cour de cassation (Cass. com., 3 septembre 2013, n° 13-40.035, FS-D N° Lexbase : A3921KKG), qu'en omettant de déterminer les modalités de recouvrement de la taxe locale sur la publicité extérieure, le législateur avait méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution (Cons. const., 25 octobre 2013, n° 2013-351 N° Lexbase : A4369KN7, Dr. fisc., 2013, n° 45, act. 590). Comme dans sa précédente décision, le Conseil considéra que l'absence de détermination des modalités de recouvrement d'une imposition affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, les dispositions des articles L. 2333-6 (N° Lexbase : L6016IRA) à L. 2333-14 (N° Lexbase : L0344IWN) ainsi que celles des paragraphes A et D de l'article L. 2333-16 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8149IRA), dans leur rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), furent déclarées contraires à la Constitution dans leur rédaction antérieure à leur modification par l'article 75 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-1978, du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L4994IRE). Afin d'éviter l'effet d'aubaine susceptible de résulter de la censure, le Conseil constitutionnel a décidé que la déclaration d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoquée à l'encontre des impositions définitivement acquittées et qui n'avaient pas été contestées avant la date de la publication de la décision commentée.

B - Violation du principe d'égalité devant les charges publiques

Depuis l'instauration de la QPC, les principales décisions de non-conformité du Conseil constitutionnel en matière fiscale se sont généralement fondées sur une rupture d'égalité devant les charges publiques.

1 - Décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014

L'une des décisions les plus importantes a été rendue le 20 juin 2014 (Cons. const., 20 juin 2014, n° 2014-404 QPC N° Lexbase : A6294MRK) Dr. fisc., 2014, n° 26, act. 356 ). Elle fait suite à un renvoi du Conseil d'Etat (CE, 3° et 8° s-s-r., 11 avril 2014 , n° 371921 N° Lexbase : A1109MKB, concl. M.-A. Nicolazo de Barmon, Dr. fisc., 2014, n ° 21, comm. 344) et concerne l'imposition des revenus distribués en cas de rachat de titres.

Cette affaire aborde le traitement fiscal de la rémunération perçue par un actionnaire en contrepartie du rachat par une société de ses propres titres. Rappelons que le législateur a toujours été hostile à un tel rachat, car cette opération se traduit par une sorte de remboursement des apports alors que le principe d'intangibilité du capital social a pour objectif de protéger les créanciers sociaux. Après un régime d'interdiction avec dérogations, nous sommes passés à un régime d'autorisation sous conditions. A l'issue de cette évolution, le Code de commerce encadre trois catégories de rachats d'actions de ses propres titres par la société émettrice : les rachats en vue de la gestion financière de la société, d'une redistribution aux salariés et d'une réduction de capital non motivée par des pertes. Le principe étant désormais l'autorisation, d'autres rachats d'action sont possibles en dehors de ce cadre réglementé, notamment le rachat d'actions non suivi d'une réduction de capital par l'annulation des titres. Or, ces différentes catégories de rachats d'action obéissent, selon leur finalité pour la société, à des régimes d'imposition distincts dans le chef de l'actionnaire-personne physique. L'actionnaire qui se retire de la société voit son gain qualifié soit de plus-value soit de revenus de capitaux mobiliers. Pour les rachats en vue d'une réduction de capital par exemple, la somme perçue par l'actionnaire en rémunération de la vente de ses actions est même, s'agissant d'une seule et même opération, pour partie un revenu distribué et pour partie une plus-value.

Cette approche byzantine s'explique par le fait que, vu depuis la société, le rachat qui peut s'analyser soit comme un remboursement d'apports, soit comme une distribution de bénéfices et/ou de réserves. Mais, vue depuis l'associé, l'opération ressemble furieusement à une cession ordinaire, faisant éventuellement apparaître une plus-value. Or, comme l'indiquait déjà Jérome Turot,"on voit mal ce qui, pour lui, distingue une cession de ses titres à la société elle-même d'une cession à un tiers" (J. Turot, Rachat par une société de capitaux de ses propres titres. Un régime assis entre deux chaises : RJF, 8-9/1992 p. 659).

Le choix du législateur est-il justifié par un motif d'intérêt général ? Le rapporteur public devant le Conseil d'Etat avançait qu'il n'était "pas interdit de penser que le développement de la participation des salariés par le biais de l'attribution d'actions et la gestion financière des sociétés, notamment pour favoriser la résistance aux OPA des entreprises françaises, puissent constituer des motifs d'intérêt général" (M.-A. Nicolazo de Barmon, précité). Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant inexistante sur cette question, le rapporteur n'était pas entièrement convaincu que ces motifs soient suffisants pour justifier la différence de traitement faite aux actionnaires. Effectivement, le Conseil constitutionnel censure les dispositions relatives à l'imposition des rachats en précisant que "la différence de traitement entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants pour l'imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice ne repose ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat ni sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi".

2 - Décision n° 2013-362 QPC du 6 février 2014

Le 6 février 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la taxe sur les éditeurs de services de télévision, en ce qu'elle est assise sur un certain nombre de recettes, dont certaines sont perçues par des tiers, et non par les éditeurs assujettis à la taxe (Cons. const., du 6 février 2014, n° 2013-362 QPC N° Lexbase : A5825MD4 ; note de S. Cazaillet, "Taxe sur les services de télévision : entre censure par le Conseil constitutionnel et validation par le Conseil d'Etat", Lexbase Hebdo, n° 560, du 27 février 2014 - édition fiscale N° Lexbase : N0941BUE).

En effet, l'assiette de la taxe sur les services de télévision diffère selon que le redevable est un "éditeur" ou un "distributeur". Pour les distributeurs de services de télévision, l'assiette comprend les montants hors TVA des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision (une déduction de 10 % s'applique), mais également les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération de services souscrits dans le cadre d'offres destinées au grand public, donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision (une déduction de 66 % s'applique, qui s'explique par le fait que ces services entrent dans des offres "triple play", qui concernent d'autres services non soumis à la taxe). Plus précisément, le c) du 1° de l'article L. 115-7 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L1704IG9) dispose que "La taxe est assise sur le montant hors TVA : 1° Pour les éditeurs de services de télévision [...] c ) Des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables concernés, ou aux personnes en assurant l'encaissement, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général". Cette référence au tiers, qui perçoit les recettes imposables, revient à faire porter la taxe sur des recettes que ses redevables ne perçoivent pas. Or, assujettir un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas n'est pas conforme à la Constitution. L'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables (DDHC, art.13 N° Lexbase : L1360A9A), qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource (pour un exemple, voir Cons. const, du 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC N° Lexbase : A6288IZW).

Les Sages ont donc censuré, à juste titre, les termes "ou aux personnes en assurant l'encaissement".

On notera cependant que le Conseil d'Etat, amené à se prononcer sur l'opportunité de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative au cumul de l'imposition des activités d'éditeur et de distributeur, a considéré, de son coté, que le fait que la même personne, l'éditeur de services de télévision, soit soumise à cette taxe et à celle sur les distributeurs de services de télévision, lorsque l'éditeur porte aussi cette casquette, était tout à fait normal et ne constituait pas une double imposition (CE 9° et 10° s-s-r., 5 février 2014, n° 373258, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9297MDP). Pour asseoir sa décision, le Conseil d'Etat affirma, d'une part que la taxe sur les services de télévision peut s'appliquer aux éditeurs qui distribuent eux-mêmes les services qu'ils éditent au même titre qu'aux autres éditeurs, sans instaurer de discrimination, et d'autre part que l'assiette de la taxe étant différente entre les éditeurs et les distributeurs, il n'existe pas de double imposition.

3 - Décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014

Saisi d'une QPC transmise par le Conseil d'Etat (CE, 9° et 10° s-s-r., 9 avril 2014, n° 375088 N° Lexbase : A8245MI9 : Dr. fisc., 2014, n° 21, comm. 345, concl. C. Legras ), le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 6 juin 2014 (Cons. const., 6 juin 2014, n° 2014-400 QPC N° Lexbase : A0200MQH, Dr. fisc., 2014 n° 24, act. 332) qu'en réservant la possibilité d'une imputation du montant des frais de constitution de garanties aux seuls cas où le terme du sursis de paiement de l'imposition contestée a pour conséquence l'application des intérêts "moratoires", à l'exclusion de ceux où sont applicables des intérêts "de retard", le législateur a traité différemment des contribuables qui, à l'occasion de la contestation d'une imposition, ont constitué des garanties pour obtenir un sursis de paiement de l'imposition contestée. Cette différence de traitement a été considérée comme sans lien avec l'objectif poursuivi par le législateur et les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 209 du LPF (N° Lexbase : L7620HEX) ont été déclarées contraires à la Constitution en ce qu'elles méconnaissent le principe d'égalité devant la loi.

On notera cependant que le Conseil constitutionnel assortit sa décision d'un effet différé. En effet, l'abrogation du troisième alinéa de l'article L. 209 du LPF aurait pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer la faculté reconnue aux contribuables ayant demandé un sursis de paiement à l'occasion de certains contentieux fiscaux d'obtenir l'imputation des frais de garanties. Comme le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement, il y a été décidé de reporter au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation du troisième alinéa de l'article L. 209 du LPF afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convenait de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a souhaité préserver l'effet utile de sa décision puisqu'il avait déjà posé "qu'en principe une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la QPC" (Cons. const., 30 juillet 2010, n° 2010-14/22 N° Lexbase : A4551E7P). En conséquence, les frais de constitution de garanties engagés à l'occasion d'une demande de sursis de paiement formulée en application du premier alinéa de l'article L. 277 du LPF (N° Lexbase : L8326AE4) avant l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, avant le 1er janvier 2015 seront imputables soit sur les intérêts "moratoires" prévus par l'article L. 209 LPF, soit sur les intérêts "de retard" prévus par l'article 1727 du CGI (N° Lexbase : L0141IW7) dus en cas de rejet, par la juridiction saisie, de la contestation de l'imposition.

III - Prospective juridique

La prospective juridique est un art difficile et nous serons en conséquence prudents. Toutefois, certaines orientations semblent se dessiner.

D'abord, il apparaît que le nombre de QPC en matière fiscale se stabilise avec moins d'une vingtaine de décisions du Conseil constitutionnel par an.

Ensuite, si les QPC fiscales ont concerné des impositions très diverses, il semble aujourd'hui que les taxes fiscales sont principalement concernées par les QPC. Deux raisons peuvent expliquer ce phénomène. En premier lieu, le nombre de taxes n'a cessé de croître de manière exponentielle et incontrôlée. Il existe actuellement plusieurs centaines de taxes applicables qui constituent autant de prélèvements bigarrés servant à alimenter des fonds spéciaux pour boucler certains budgets. En second lieu et surtout, ces taxes fiscales ont tendance à frapper des contribuables bien déterminés, généralement des sociétés, dont les actions de lobbying n'ont d'égale que la puissance de leur chiffre d'affaires. Or la QPC est une arme juridique fréquemment utilisée par ceux qui ont les moyens de financer de longs contentieux, même si le Conseil constitutionnel répond aux questions posées dans un délai très court, de 75 jours en moyenne sur la dernière période.

Enfin, les droits de douane pourraient offrir un terrain propice aux QPC en raison de leurs liens avec la procédure pénale (même si les procédures pénales, douanières et fiscales sont indépendantes : Cass. crim, 16 mai 2012, n° 11-83.602 N° Lexbase : A5371IMU).

Annexe : Tableau des QPC

N° QPC Thème Disposition CE/Cour de cassation Prononcé Résultat Fusion Lire aussi
2012-298 QPC

(N° Lexbase : A0762KBT)

Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises - Modalités de recouvrement CGI, art. 1600 (rédaction antérieure à sa modif par l'article 39 de la loi du 16 aout 2012) (N° Lexbase : L1111ITC) CE 28 mars 2013 Non-conformité Non (N° Lexbase : N6447BTX)
2013-300 QPC

(N° Lexbase : A5759KBW)

Champ d'application de la "réduction Fillon" des cotisations patronales de sécurité sociale CSS, art. L.241-13 II (N° Lexbase : L1981IP3) Cass. civ. 2 5 avril 2013 Conformité Non (N° Lexbase : N6709BTN)
2013-301 QPC

(N° Lexbase : A5760KBX)

Cotisations et contributions sociales des travailleurs non salariés non agricoles outre-mer CSS, art. L.756-5 (rédaction loi Outre-mer du 13/12/2000) (N° Lexbase : L5064I3X) Cass. civ. 2 5 avril 2013 Conformité Non (N° Lexbase : N6609BTX)
2013-305 QPC

(N° Lexbase : A3412KCD)

Taxe locale sur la publicité CGCT, art. L. 2333-16, al. B et C (N° Lexbase : L8149IRA) Cass. com. 19 avril 2013 Conformité Oui 305/306/307 (N° Lexbase : N6807BTB)
2013-306 QPC

(N° Lexbase : A3412KCD)

Taxe locale sur la publicité CGCT, art. L. 2333-16, al. B et C (N° Lexbase : L8149IRA) Cass. com. 19 avril 2013 Conformité Oui 305/306/307 (N° Lexbase : N6807BTB)
2013-307 QPC

(N° Lexbase : A3412KCD)

Taxe locale sur la publicité CGCT, art. L. 2333-16, al. B et C (N° Lexbase : L8149IRA) Cass. com. 19 avril 2013 Conformité Oui 305/306/307 (N° Lexbase : N6807BTB)
2013-323 QPC (N° Lexbase : A4734KGG) Répartition de la DCRTP et du FNGIR des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre lors de la modification du périmètre des établissements Art. 78, al. 3 à 5 du IV du 1,1 du 1 et le IV du 2,1 du 2 - loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 (loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, de finances pour 2010, art. 78, al. 3 à 5 du IV du 1,1 du 1 et le IV du 2,1 du 2 N° Lexbase : L1816IGD) CE 14 juin 2013 Non-conformité et effet différé Non (N° Lexbase : N7581BTX)
2013-327 QPC

(N° Lexbase : A7984KGS)

Réclamations relatives à la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative, art. 39 (N° Lexbase : L9357ITQ) CE 21 juin 2013 Conformité sous réserve Non (N° Lexbase : N7676BTH)
2013-330 QPC

(N° Lexbase : A7735KHX)

Décharge d'obligation de paiement de certains impôts CGI, art. 1691 bis, II (N° Lexbase : L3330IAL) CE 28 juin 2013 Conformité Non (N° Lexbase : N7952BTP)
2013-334 QPC

(N° Lexbase : A1193KKE)

Octroi de mer Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 (N° Lexbase : L8976D7L) Cass. com. 26 juillet 2013 Non lieu à statuer Oui 334/335 (N° Lexbase : N8313BT3)
2013-335 QPC

(N° Lexbase : A1193KKE)

Octroi de mer Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 (N° Lexbase : L8976D7L) Cass. com. 26 juillet 2013 Non lieu à statuer Oui 334/335 (N° Lexbase : N8313BT3)
2013-340 QPC

(N° Lexbase : A4337KL9)

Imposition des indemnités de licenciement versées volontairement par l'employeur CGI, art. 80 duodécies, 1s (N° Lexbase : L0735IXI) CE 20 septembre 2013 Conformité avec réserve Non (N° Lexbase : N8648BTH)
2013-341 QPC

(N° Lexbase : A8221KL3)

Majoration de la redevance d'occupation sans droit ni titre du domaine fluvial C. gén. prop. pers. pub., art. L. 2125-8 (N° Lexbase : L4545IQE) CE 27 septembre 2013 Conformité avec réserve Non (N° Lexbase : N8709BTQ)
2013-344 QPC

(N° Lexbase : A8223KL7)

Mécanisme de réassurance en cas de catastrophes naturelles C. ass., art. L. 431-9 (N° Lexbase : L0040AAQ) CE 27 septembre 2013 Conformité Non (N° Lexbase : N8825BTZ)
2013-351 QPC

(N° Lexbase : A4369KN7)

Taxe locale sur la publicité extérieure II CGCT, art. L. 2333-6 à L. 2333-14, L.2333-16 A et D (rédaction de la loi n° 2008-776 du 4 aout 2008, art. 171) Cass. com. 25 octobre 2013 Non-conformité Non (N° Lexbase : N9193BTN)
2013-355 QPC

(N° Lexbase : A9481KPT)

Compensation du transfert de la taxe sur les surfaces commerciales aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre Loi de finances pour 2010, art. 77 § 1.2.4.2 et b) du §1.2.4.3 (loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, de finances pour 2010, art. 77 § 1.2.4.2 et b) du §1.2.4.3 N° Lexbase : L1816IGD) CE 22 novembre 2013 Conformité Non (N° Lexbase : N9541BTK)
2013-361 QPC

(N° Lexbase : A0538MDB)

Droits de mutation pour les transmissions à titre gratuit entre adoptants et adoptés CGI, art. 786, al. 1,2 et 3 (N° Lexbase : L8196HL7) Cass. com. 28 janvier 2014 Conformité Non (N° Lexbase : N0511BUH)
2013-362 QPC

(N° Lexbase : A5825MD4)

Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévisions Code du cinéma et de l'image aminée, art. L. 115-7, 1°, c (N° Lexbase : L1704IG9) CE 6 février 2014 Non-conformité partielle Non (N° Lexbase : N0703BUL)
2013-365 QPC

(N° Lexbase : A5826MD7)

Exonération sur l'IR des indemnités journalières pour des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé CGI, art. 80 quinquies (N° Lexbase : L2196IGG) CE 6 février 2014 Conformité Non (N° Lexbase : N0755BUI)
2013-366 QPC

(N° Lexbase : A2428MEN)

Versement transport Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, art. 50 (N° Lexbase : L7970IUQ) Cass. civ. 2 14 février 2014 Conformité sous réserve Non (N° Lexbase : N0839BUM)
2013-371 QPC

(N° Lexbase : A3293MG3)

Contribution supplémentaire à l'apprentissage CGI, art. 230 H, V, 1er alinéa (5 derniers mots) CE 7 mars 2014 Conformité sous réserve Non (N° Lexbase : N1163BUM)
2014-386 QPC

(N° Lexbase : A9893MHU)

Dotation globale de compensation Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006, de finances pour 2007, art. 104, 3° du II (N° Lexbase : L8561HTA) CE 28 mars 2014 Conformité Non (N° Lexbase : N1645BUH)
2014-397 QPC

(N° Lexbase : A0198MQE)

Fonds de solidarité des communes IDF CGCT, art. L. 2531-13, II, 2°, b (N° Lexbase : L4667I3A) CE 6 juin 2014 Non-conformité et effet différé Non (N° Lexbase : N2588BUE)
2014-400 QPC

(N° Lexbase : A0200MQH)

Imputation des frais de constitution de garanties pour assurer le recouvrement d'un impôt contesté sur les intérêts moratoires LPF, art. L. 209 (N° Lexbase : L7620HEX) CE 6 juin 2014 Non-conformité et effet différé Non (N° Lexbase : N2575BUW)
2014-404 QPC

(N° Lexbase : A6294MRK)

Régime fiscal applicable aux actionnaires personnes physique en cas de rachat des titres par la société émettrice CGI, art. 109, 1, 2° (N° Lexbase : L2060HLU), art. 112, 6° (N° Lexbase : L2650HNH), art. 150-0 D, 8 ter (N° Lexbase : L9703I3R), art. 161, alinéa 2 (N° Lexbase : L2470HNS) CE 20 juin 2014 Non-conformité et effet différé Non (N° Lexbase : N2861BUI)

newsid:443568

Responsabilité

[Brèves] Absence de responsabilité pénale de la personne morale concernant la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence

Réf. : Cass. crim., 2 septembre 2014, n° 13-83.956, F-P+B+I (N° Lexbase : A9181MUL)

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Le 11 Septembre 2014

Les juges sont tenus de rechercher pour retenir la responsabilité pénale de la personne morale si, d'une part, l'obligation de formation au stage en cause est constitutive d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence et si, d'autre part, les faits reprochés sont commis pour le compte de la personne morale poursuivie, par l'un de ses organes ou représentants. Telle est la solution dégagée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 septembre 2014 (Cass. crim., 2 septembre 2014, n° 13-83.956, F-P+B+I N° Lexbase : A9181MUL).
En l'espèce, un salarié, qui effectuait la vidange d'une machine à la demande de son chef d'équipe, avait été blessé par le liquide s'échappant de la trappe d'évacuation qu'il manoeuvrait. La société employeur avait été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 3 mois par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence. Le tribunal ayant relaxé la prévenue, la partie civile et le ministère public avaient relevé appel du jugement. Pour infirmer la décision entreprise et déclarer la société coupable, la cour d'appel retenait que l'accident subi par la victime était en lien direct avec l'absence de formation spécifique sur le fonctionnement de la machine.
La société s'était pourvue en cassation. Elle alléguait qu'en qualifiant l'obligation de formation mise à sa charge, d'obligation particulière de sécurité ou de prudence, quand cette obligation, loin d'être particulière, présentait, selon elle, un caractère général, selon les termes mêmes de l'article L. 233-5-1 du Code du travail ancien (N° Lexbase : L5983ACL, recod., L. 4321-1 et s., N° Lexbase : L1572H94), la cour d'appel avait violé les textes visés. Elle soutenait, par ailleurs, qu'à aucun moment, il n'avait été établi qu'elle savait qu'une obligation de formation s'imposait à elle dans les circonstances de l'espèce et que son organe ou représentant chargé de faire respecter cette obligation serait passé outre en parfaite connaissance de cause. Enfin, elle reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir vérifié si le délit de violences involontaires, aggravé par le caractère manifestement délibéré du manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité, avait été commis pour son compte par un organe ou représentant.
La Haute juridiction casse l'arrêt d'appel. Elle précise qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 222-20 du Code pénal dans sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L3400IQY) et 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3433ETC).

newsid:443554

Surendettement

[Brèves] Exclusion de principe de la dette de remboursement d'un prêt viager hypothécaire du plan de redressement

Réf. : Cass. civ. 2, 4 septembre 2014, n° 13-18.882, F-P+B (N° Lexbase : A0501MWH)

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N3581BU8

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Le 11 Septembre 2014

A défaut d'aliénation du bien hypothéqué, le remboursement d'un prêt viager hypothécaire n'est pas exigible du vivant des débiteurs, de sorte que cette dette ne peut être traitée dans le cadre d'un plan de désendettement. Tel est le principe énoncé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 4 septembre 2014, n° 13-18.882, F-P+B N° Lexbase : A0501MWH). En l'espèce, une banque a accordé un prêt viager hypothécaire à deux époux. Ces derniers ayant formé une demande de traitement de leur situation financière, une commission de surendettement a imposé diverses mesures. La banque a contesté l'inclusion de sa créance dans le plan de désendettement. La cour d'appel de Rennes a rejeté cette contestation retenant qu'aucun texte ne prévoit de traitement spécifique des dettes issues de prêts viagers hypothécaires et que, si la vente du bien immobilier grevé pourrait être de nature à permettre un désintéressement d'une grande partie des créanciers, cette option, qui n'a pas été retenue ni réclamée par ces derniers, n'est pas indispensable pour traiter la situation des débiteurs. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 314-1 (N° Lexbase : L2436IBT), L. 330-1 (N° Lexbase : L6173IXW) et L. 331-7-2 (N° Lexbase : L6605IML) du Code de la consommation (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E2741E4B)

newsid:443581

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Mise en concurrence entre un avantage fiscal national et un avantage fiscal européen

Réf. : CJUE, 3 septembre 2014, aff. C-589/12 (N° Lexbase : A9178MUH)

Lecture: 2 min

N3580BU7

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Le 16 Septembre 2014

Aux termes d'un arrêt rendu par la CJUE le 3 septembre 2014, un Etat membre ne saurait interdire à un assujetti de se prévaloir de l'effet direct de l'article 11, C, paragraphe 1, premier alinéa, de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9), prévoyant une réduction de la base d'imposition en cas, notamment, de réduction de prix après le moment où s'effectue une opération (CJUE, 3 septembre 2014, aff. C-589/12 N° Lexbase : A9178MUH ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7470AEE). En l'espèce, un consommateur a conclu un contrat de location-vente avec une société qui a acheté ses voitures auprès d'un concessionnaire. Le consommateur est devenu défaillant, alors la société de location-vente a vendu le véhicule aux enchères. Dans ce cas de résiliation à l'amiable d'un contrat de location-vente portant sur un véhicule à moteur entraînant la revente de celui-ci, la législation britannique reconnait que la société de location-vente ne doit pas payer la TVA sur le produit de la vente aux enchères. La question posée à la Cour suprême était de savoir si la partie de la contrepartie de la livraison du véhicule au client qui est restée impayée en raison de la défaillance de ce dernier représentait-elle oui ou non une réduction de prix au sens de l'article 11, C, paragraphe 1, premier alinéa, de la 6ème Directive-TVA. Pour la CJUE, une pratique abusive en matière de TVA suppose, d'une part, que les opérations aient pour résultat l'obtention d'un avantage fiscal dont l'octroi serait contraire à l'objectif poursuivi par ces dispositions et, d'autre part, qu'il résulte d'un ensemble d'éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause se limite à l'obtention de cet avantage fiscal. Le gouvernement du Royaume-Uni a prétendu que l'objectif poursuivi par la 6ème Directive-TVA ne peut être atteint et il en est ainsi en raison d'un "effet d'aubaine" résultant exclusivement de l'application du droit national. Cependant, l'avantage fiscal en cause résulte de l'absence d'imposition de la vente aux enchères du véhicule récupéré chez le locataire qui découle de la législation britannique. Un entrepreneur a donc le choix entre des opérations exonérées et des opérations imposées en se fondant sur un ensemble d'éléments et, notamment, des considérations de nature fiscale tenant au régime objectif de TVA. En effet, lorsqu'un assujetti a le choix entre différentes opérations, il a le droit de choisir la structure de son activité de manière à pouvoir limiter sa dette fiscale (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-277/09 N° Lexbase : A7097GN8). En conséquence, un Etat membre ne saurait interdire à un assujetti de se prévaloir de l'effet direct d'une disposition du droit communautaire à l'égard d'une opération, au motif qu'il peut se prévaloir des dispositions du droit national à l'égard d'une autre opération relative aux mêmes biens.

newsid:443580

Urbanisme

[Le point sur...] La notion de voie publique dans les droit et contentieux de l'urbanisme

Lecture: 11 min

N3555BU9

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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS), Centre Michel de l'Hospital EA 4232 Université d'Auvergne

Le 11 Septembre 2014

Le domaine public routier est défini comme l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées (1). A ces dépendances domaniales que constituent les routes s'ajoutent leurs accessoires, à l'instar par exemple des trottoirs (2), talus (3), murs de soutènement (4), arbres (5), etc. (6), lorsque la collectivité publique en est propriétaire. Une difficulté d'appréciation et donc d'application vient de la terminologie utilisée par certains textes qui ne se réfèrent pas à ces notions de dépendances du domaine public routier ou de voies classées, mais à celle de "voie publique", plus large, moins juridique et sujette à interprétation. Tel peut être le cas dans les documents d'urbanisme. Parfois, le règlement d'un document d'urbanisme définit et précise cette notion (7). Parfois non. Se pose alors la question de sa définition. Le Conseil d'Etat a pu définir sa consistance en jugeant qu'"en l'absence d'indications contraires, la référence faite par un plan d'occupation des sols à la largeur de la voie publique doit, en principe, s'entendre comme comprenant non seulement la partie de la chaussée ouverte à la circulation des véhicules, mais aussi la partie de l'emprise réservée au passage des piétons" (8). Que recouvre donc la notion de voie publique en l'absence de définition ? S'agit-il d'une voie publique parce qu'elle appartient à une collectivité publique, ce qui exclut les voies privées ? Ou bien est-elle ainsi dénommée parce qu'elle est affectée à l'usage du public, ce qui englobe alors les voies privées ouvertes à la circulation générale (9) comme en principe les chemins ruraux ? La question est d'importance en raison des effets liés à l'application de cette notion. Aussi, selon l'élément de définition retenu, une voie privée, même affectée à l'usage du public, qui ne peut dès lors relever du domaine public, faute de propriété publique (10), pourrait être qualifiée de voie publique si le critère de définition n'est pas celui de la propriété publique, mais celui tiré de l'affectation à l'usage du public, laquelle se distingue d'ailleurs de la simple ouverture d'une voie au public (11). Le contentieux de l'urbanisme illustre cette difficulté et le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser ces douze derniers mois les rapports entre le droit de l'urbanisme et celui régissant le domaine public dans la sélection d'arrêts présentés dans cet article.

I - Le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme portant sur une dépendance du domaine public

Toute occupation ou utilisation privative du domaine public n'est possible que si elle est compatible (12) avec la destination de la dépendance concernée, et sous réserve de la délivrance d'une autorisation (13) prenant la forme d'une permission de voirie, d'un permis de stationnement (14) ou d'une convention d'occupation. Dans tous les cas, ces titres présentent un caractère précaire et révocable, quant bien même aucune durée n'y serait mentionnée (15) et l'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire (16).

Les terrains d'assiette relatifs aux demandes d'autorisations d'urbanisme peuvent concerner des dépendances du domaine public, parfois routier, à l'instar, par exemple, de l'édification d'un kiosque à journaux ou de terrasses sur un trottoir (17). En vertu du principe d'indépendance des législations, une autorisation unilatérale ou contractuelle d'occuper le domaine public ne vaut pas autorisation de construire. De la même manière, une autorisation d'urbanisme ne vaut pas autorisation d'occuper le domaine public (18). Deux autorisations sont ainsi nécessaires. L'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7623HZD) (19) exige que, lorsque le projet porte sur une dépendance relevant du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire dudit domaine. Ces dispositions régissent la recevabilité de la demande d'autorisation au regard des droits sur la parcelle d'assiette de la construction qui fait l'objet de la demande, ainsi que l'a affirmé le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Blancard" lu le 11 juin 2014 (20). Peu de temps auparavant, il avait jugé dans l'arrêt "Commune de Val d'Isère" du 28 avril 2014 (21), qu'"une construction est subordonnée à une autorisation appropriée d'occupation du domaine public, laquelle doit alors être jointe à la demande de permis de construire, lorsqu'elle est destinée à occuper le domaine public ou nécessite un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public". Lors du dépôt de sa demande, le pétitionnaire doit justifier pouvoir occuper juridiquement la dépendance concernée (22). L'administration saisie ne contrôle pas seulement la présence de cette autorisation, mais vérifie également le caractère approprié de celle-ci (23). Par exemple, la création d'un passage piétonnier nécessite l'obtention d'une permission de voirie en raison du caractère permanent de l'aménagement envisagé (24). Cette exigence ne concerne que la parcelle d'assiette du projet, et non l'autorisation qui serait éventuellement nécessaire pour réaliser lesdits travaux, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Commune de Val d'Isère" (25) déjà cité. Tel est le cas de l'accès à la parcelle supportant le projet ou de la nécessité de placer des échafaudages sur une dépendance du domaine public routier (26). C'est pourquoi, dans l'arrêt "Blancard" précité, la Haute juridiction administrative a jugé que "les dispositions précitées n'imposent pas au pétitionnaire de justifier du droit de passer sur les terrains donnant accès au terrain d'assiette". Il ne s'agit là en effet que des conditions d'exécution et de réalisation du projet d'urbanisme autorisé.

II - L'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques

Une construction peut être implantée soit en limite de voie publique, soit en retrait. Lorsque les constructions doivent être implantées en limite de voie, il s'agit de créer un ensemble linéaire et une ligne pour l'oeil. Un recul, se traduisant par une valeur fixe, minimale ou maximale, peut aussi être imposé en raison des caractéristiques de la voie et de la situation des lieux.

L'article R. 111-17 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7383HZH) dispose que, "[...] lorsqu'il existe une obligation de construire au retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement" et ajoute qu'"il en sera de même pour les constructions élevées en bordure des voies privées, la largeur effective de la voie privée étant assimilée à la largeur réglementaire des voies publiques". Ce texte n'est pas applicable lorsqu'a été adopté un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu (27).

Cette disposition n'impose pas l'obligation de construire en retrait de l'alignement des voies publiques, non plus que des limites réelles des voies privées (28) : il régit seulement le régime en cas de retrait imposé. Il précise aussi qu'une "implantation de la construction à l'alignement ou dans le prolongement des constructions existantes peut être imposée" (29). Le règlement d'un plan local d'urbanisme -tel est le cas dans de nombreux articles 6 relatifs aux zones UA- peut prescrire le respect d'une distance entre la construction projetée et les voies de desserte, pouvant être fixé par le texte ou en fonction de la hauteur de la construction. Ces dispositions ont pour objet de créer un front bâti continu le long de la voie, sans distinguer suivant la destination des constructions, et non de réglementer l'implantation des constructions situées au second rang par rapport aux voies publiques (30). Lorsque le terrain d'assiette est placé à l'angle de deux voies, et en l'absence de règle spéciale contenue dans ce règlement, ce reculement doit être effectué par rapport à chaque voie, et non seulement au regard de la voie sur laquelle donne la façade principale du projet (31).

Quelles voies et emprises sont concernées ? Tout dépend de la rédaction du texte. Si celui-ci mentionne les voies et emprises publiques tout en se rapportant à l'alignement, il ne pourra s'agir que des voies communales, départementales et nationales, ainsi que leurs dépendances mentionnées plus avant, puisque l'alignement est défini par l'article L. 112-1 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L2550IRU) comme "la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines". Les voies privées seront concernées seulement si elles sont mentionnées.

S'agissant du respect de cette prescription, les litiges portent plus généralement sur la notion de voie. Pour être ainsi qualifiée au sens de ce texte, le lieu de passage doit exister (32) et être suffisamment large (33). Dans le récent arrêt "Doix" (34) lu le 11 juin 2014, le Conseil d'Etat a exigé de la part de l'autorité administrative saisie que celle-ci recherche si le chemin, lorsqu'il appartient à une collectivité publique, constitue soit une voie publique, ce qui sera le cas s'il est classé dans le domaine public routier ou est affecté en fait à la circulation du public, soit une dépendance de celle-ci (trottoir, talus, accotement, etc.).

III - La desserte et l'accès des engins d'incendie et de secours à la parcelle d'assiette

L'article R. 111-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7371HZZ) dispose que "le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie" (35). Cette disposition, qui reprend les deux premiers alinéas de l'ancien article R. 111-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7370HZY), n'est pas applicable sur le territoire des communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (36).L'objet de ce texte est de garantir la sécurité des conditions de la circulation, et notamment l'accès à la parcelle supportant la construction projetée (37), mais ne s'étend pas aux voies internes du terrain d'assiette des constructions autorisées (38), et l'accès des engins d'incendie et de secours. Aucune autorisation d'urbanisme ne peut donc légalement être délivrée si le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi et le texte parle indifféremment des voies privées et publiques, indépendamment de leur affectation, et la propriété de ces voies est également sans incidence.

Toute personne doit pouvoir accéder à sa parcelle. Tel est le cas si la propriété est reliée à une voie relevant du domaine public routier ou à un chemin rural, lequel est affecté par définition à l'usage du public (39). Si la voie d'accès appartient à un propriétaire privé sans être ouverte au passage du public, l'autorité administrative doit s'assurer de l'existence d'un titre, notamment celui créant la servitude de passage, pour que le pétitionnaire puisse emprunter cette voie. Il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la validité de cette servitude (40). La présence dans le dossier de demande d'un acte attestant de l'existence d'une telle servitude est suffisante (41) et dès lors que le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, toute contestation portant sur la validité et l'étendue de cette servitude de passage est sans influence (42). L'administration doit seulement vérifier l'existence d'un titre, et non pas la validité de celui-ci qui ne relève pas de sa compétence (43). Si la voie est ouverte à la circulation publique, l'administration, comme le juge en cas de litige, doit s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par cette voie, sans avoir à vérifier l'existence d'un titre permettant son utilisation (44).

L'immeuble doit aussi pouvoir être desservi par les véhicules d'incendie et de secours et ce, dans un souci de sécurité publique. Ainsi que le précise le texte même de l'article R. 111-5 précité, les caractéristiques de cette voie ne doivent pas avoir pour effet de rendre difficile leur circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Un accès suffisamment large est nécessaire (45) pour que ces services publics puissent l'emprunter, indépendamment de la propriété et du statut juridique de la voie. Celle-ci peut relever du domaine public routier ou être un chemin rural (46), ou encore une voie privée (47). La seule question posée est pratique : un véhicule de secours peut-il y accéder et mener à bien sa mission ? C'est en ce sens que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser le caractère de voie publique au sens de cette disposition dans l'arrêt du 26 février 2014 "Commune du Castellet" (48), en jugeant qu'il "appartient seulement à l'autorité compétente et au juge de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence". L'autorité administrative, comme le juge, doit vérifier concrètement la situation de la voie, et notamment son caractère carrossable, ainsi que la configuration des lieux : situation de la voie, largeur (49) réellement carrossable incluant la chaussée, mais possiblement les bas-côtés (50), impasse ou voie, surface de retournement, possibilité de croisement des véhicules (51), etc.. Plus le nombre d'immeuble à desservir est important, plus la voie devra être largement accessible. La desserte doit pouvoir être effective dans des conditions correspondant à l'importance de l'ensemble des constructions envisagées (52), mais également à leur destination (53). Par exemple, s'agissant d'un immeuble à usage d'habitation, l'accès pour un véhicule de secours nécessite un passage par une voie de 4 (54) ou 6 mètres (55) de large. Tout dépend aussi de la configuration des lieux alentours et du caractère densément urbanisé de la zone concernée. Pour un ensemble immobilier important, il est nécessaire que les véhicules d'incendie et de secours puissent y accéder, mais également puissent en repartir (surface de retournement, par exemple) et se croiser.

IV - L'affichage lisible de l'autorisation d'urbanisme depuis la voie ou l'espace public

L'article R. 424-15 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7571HZG) exige que la mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable soit affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. L'article A. 424-18 du même code (N° Lexbase : L9871HZM) précise que le panneau d'affichage, rectangulaire et de dimensions supérieures à 80 centimètres (56), doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent, non pas seulement visibles, mais lisibles pendant toute la durée du chantier depuis la voie publique ou, c'est là une nouveauté par rapport à l'ancien article A. 421-7 (N° Lexbase : L9860HZ9), des espaces ouverts au public. Ces textes font état de la visibilité et de la lisibilité des informations depuis la voie publique. Cette exigence est d'autant plus importante que l'affichage en mairie est désormais sans incidence sur le déclenchement des délais de recours, puisqu'il a seulement vocation à informer les citoyens, le délai de recours courant à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain (57). Cette publicité exige une visibilité du plus grand nombre. Peu importe alors la propriété de la voie, il faut que celle-ci soit empruntée par le public.

La question de la nature de la voie a été à l'origine de nombreux litiges portant notamment sur la recevabilité des recours. Si la voie relève du domaine public routier, cette condition est satisfaite. Si le chemin est un chemin rural, cette condition doit être réputée satisfaite en raison de l'affectation dont bénéficie cet ouvrage, sauf s'il est établi qu'il ne serait plus emprunté. Si la voie est privée, l'exigence de lisibilité ne sera remplie que si elle est effectivement affectée au public (58), et non pas seulement ouverte à la circulation publique (59), ce qui exige que son accès ne soit ni empêché (60), ni entravé, ce qui est le cas lorsqu'est apposé un panneau portant la mention "Propriété privée" (61). Aussi, une voie privée, mais qui n'est pas indiquée comme telle, et ouverte à la circulation publique dès lors que son accès n'est pas limité, est une voie publique au sens de ces dispositions (62). Une impasse fermée à la circulation du public ne remplit, en revanche, pas ces conditions (63). S'agissant de la notion ajoutée d'"espace ouvert au public", le Conseil d'Etat a réaffirmé dans un arrêt "SCI Marty" lu le 21 juin 2013 (64) qu'un parc de stationnement d'un magasin répond à cette définition. Aussi, la lisibilité depuis celui-ci permet de justifier que la condition exigée par ce texte est satisfaite.


(1) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2111-14 (N° Lexbase : L4514IQA) ; C. voirie routière, art. L. 111-1 (N° Lexbase : L1635GU4).
(2) CE 2° et 6° s-s-r., 14 mai 1975, n° 90899, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0164B8L), p. 1339, AJDA, 1975, p. 363.
(3) CE 20 juin 1923, Perrot, publié au recueil Lebon, p. 507 ; CE, 9 mars 1956, Cabot, publié au recueil Lebon, p. 113 ; CE 3° et 8° s-s-r., 5 mai 2010, n° 327239, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1170EXM), p. 696, Dr. adm., 2010, comm. n° 111, obs. J.-B. Auby.
(4) CE 2° et 6° s-s-r., 2 mars 1977, n° 97132, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1591B73), p. 732 ; CE, Sect., 12 mai 2004, n° 192595, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2099DCQ), p. 226, JCP éd. A, 2004, 1421, JCP éd. G, 2004, I, 165, JCP éd. G, 2004, IV, 2524, Dr. adm., 2004, comm. n° 138, note E. Glaser, Resp. civ. et assur., 2004, comm. n° 268, note Ch. Guettier, Contrats - Marchés publ., 2004, comm. n° 170, note W. Zimmer, Collectivités - Intercommunalité, 2004, étude n° 21 et comm. n° 149, note J. Moreau.
(5) CE, 10 novembre 1900, Espitalier c/ Ville d'Aix, publié au recueil Lebon, p. 607.
(6) Voir TA Clermont-Ferrand, 2 décembre 1960, Troupel, AJDA, 1961, II, p. 546, obs. B. P.
(7) CE, Sect., 8 janvier 1982, n° 22272 (N° Lexbase : A9224AKT) ; CE 1° s-s., 15 novembre 2000, n° 195431, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0774B88).
(8) CE 7° et 5° s-s-r., 19 juin 2002, n° 219647, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9801AYN).
(9) Lire nos obs., Le statut juridique des voies privées ouvertes à la circulation générale, La Gazette des communes, 9 janvier 2006, n° 1820, p. 48.
(10) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2111-1 (N° Lexbase : L4505IQW). CE, 10 juin 2004, n° 370252, Agence AFP.
(11) T. confl., 5 juillet 1999, n° 03149 (N° Lexbase : A5487BQB), rec. p. 458 ; CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE), lire nos obs., Lexbase Hebdo n° 334 du 5 juin 2014 - édition publique (N° Lexbase : N2459BUM), jugeant que, "si les skieurs l'empruntaient précédemment pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège Solaise Express, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'elle aurait été affectée à l'usage direct du public".
(12) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-1 (N° Lexbase : L4518IQE) et suiv..
(13) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-1.
(14) C. voirie routière, art. L. 113-2 (N° Lexbase : L1316IBD).
(15) CE 3° et 8° s-s-r., 5 février 2009, n° 305021, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9334ECP), p. 20, BJCP, n° 64, p. 224, concl. N. Escaut, RJEP, 2009, comm. n° 42, note Ch. Maugüe, Dr. adm., 2009, comm. n° 53, note F. Melleray, RDImm., 2009, p. 250, note O. Févrot.
(16) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-1, préc..
(17) CE 8° s-s., 20 novembre 2009, n° 315130, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7266ENG).
(18) CAA Marseille, 7ème ch., 6 mars 2008, n° 06MA00858 (N° Lexbase : A6606D9K) ; CAA Marseille, 7ème ch., 26 juin 2012, n° 10MA04206 (N° Lexbase : A3955IRW).
(19) C. urb., ancien art. R. 421-1-1.
(20) CE 9° et 10° s-s-r., 11 juin 2014, n° 346333, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6672MQ8).
(21) Préc..
(22) CE 2° et 6° s-s-r., 19 mai 1976, n° 96119, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3166B8R), p. 265, Dr. adm., 1976, comm. n° 180 ; CE 2° et 6° s-s-r., 10 juin 1983, n° 13315, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0619AMU), p. 237, RDImm., 1983, p. 440, chron. Y. Gaudemet et D. Labetoulle ; CE 1° et 4° s-s-r., 4 novembre 1994, n° 107010, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3438AS7) ; CAA Paris, 27 novembre 2001, n° 98PA04463.
(23) CE 2° et 6° s-s-r., 12 mai 1976, n° 85271, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8661B7W), p. 252, RDP, 1977, p. 211, note M. de Soto, Dr. adm., 1976, comm. n° 179 ; CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon, préc..
(24) CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0799ASE), p. 1250, RDP, 1996, p. 593.
(25) Préc..
(26) Rapp. CE 1° et 6° s-s-r., 4 juin 2014, n° 357176, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3035MQH).
(27) C. urb., art. R. 111-1 (N° Lexbase : L7367HZU).
(28) CE 1° et 4° s-s-r., 19 janvier 1977, n° 93841, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2759B8P), AJDA, 1977, p. 630.
(29) C. urb., ancien art. R. 111-18.
(30) CE 1° et 6° s-s-r., 21 juillet 2009, n° 310234, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1085EKE), BJDU 5/2009, p. 359, concl. L. Derepas, obs. E. Geffray.
(31) CAA Lyon, 1ère ch., 26 octobre 2006, n° 04LY01611 (N° Lexbase : A6064DTR) ; TA Rennes, 16 novembre 2012, n° 1004061.
(32) CE 5° et 10° s-s-r., 8 novembre 1991, n° 97245, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2837ARI) (à propos d'un sentier non utilisé, ni entretenu depuis de nombreuses année ayant, en fait, disparu).
(33) Tel n'a pas le cas, par exemple, d'un passage d'une largeur d'environ un mètre et d'une longueur de 18 mètres, desservant un jardin et séparant la parcelle sur laquelle la construction est envisagée (CE 1° et 5° s-s-r., 9 juin 1971, n° 79816, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6551B7R, p. 1236).
(34) CE 9° et 10° s-s-r., 11 juin 2014, n° 346681, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6732MQE), JCP éd. A, 2014, Act. 507.
(35) C. urb., ancien art. R. 111-4.
(36) C. urb., art. R. 111-1. Avant l'entrée en vigueur au 1er octobre 2007 de la réforme issue de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L4697HDC), et du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 (N° Lexbase : L0281HUX), cette disposition du règlement national d'urbanisme (RNU) était d'ordre public en vertu de l'article R. 111-1 du Code de l'urbanisme et s'appliquait donc à l'ensemble des communes (voir par ex. CE, Sect., 10 avril 1991, n° 97331, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1548ARR).
(37) CE 9° et 10° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 235325 et n° 235386, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2440C9A), BJDU 1/2014, p. 14, concl. L. Vallée, AJDA, 2003, p. 2167, RDImm., 2003, p. 585, obs. P. Soler-Couteaux, JCP éd. A, 2003, n° 1610, note P. Billet.
(38) CE 4° et 5° s-s-r., 26 octobre 2005, n° 265488, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1415DLY), BJDU 1/2006, p. 40, concl. R. Keller.
(39) C. voirie routière, art. L. 161-1 (N° Lexbase : L3157IMU) ; C. voirie routière, art. L. 161-1 (N° Lexbase : L3157IMU).
(40) CE 1° et 6° s-s-r., 9 mai 2012, n° 335932, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1801ILB), p. 943-1020-1029, Construction-Urbanisme, 2012, comm. n° 113, note L. Santoni, AJDA, 2012, p. 974 ; CE 1° et 6° s-s-r., 24 septembre 2012, n° 336598, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6376ITC), Construction-Urbanisme 2013, comm. n° 160, note L. Santoni.
(41) CE 3° et 5° s-s-r., 23 avril 1997, n° 161328, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9412ADX), p. 165.
(42) CE 3° et 5° s-s-r.,19 février 1986, n° 56003, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5460AM8).
(43) CAA Marseille, 1ère ch., 16 mai 2012, n° 10MA03159 (N° Lexbase : A8148IN4) ; CAA Bordeaux, 5ème ch., 17 décembre 2013, n° 12BX01977 (N° Lexbase : A3145MP8), Construction-Urbanisme, 2014, comm. n° 25, note J.-L.Seynaeve.
(44) CE 1° et 6° s-s-r., 9 mai 2012, n° 335932, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(45) CE 1° et 4° s-s-r., 23 juin 1982, n° 28987, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1295ALK), p. 246.
(46) TA Grenoble, 24 mai 2000, Mandon, n° 99126, BJDU 5/2000, p. 302, concl. M. Sogno ; CE, Sect., 8 juin 1983, n° 35191, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8586ALL) ; CE 5° s-s., 9 mars 2009, n° 296538, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6879ED7).
(47) CE, Sect., 14 novembre 1984, n° 40391, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3537ALL) ; CE 1° s-s., 3 avril 1987, n° 72124, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4891APT) ; CE 1° et 4° s-s-r., 8 avril 1987, n° 61610, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4827APH) ; CE, Sect., 11 juin 1982, n° 16567, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1286AL9), p. 221, concl. B. Genevois, AJDA, 1983, p. 42, concl. B. Genevois, D., 1983, IR, p. 25, obs. H. Charles ; CE, Sect., 11 juin 1982, n° 16568, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1784ALN) ; CE 3° et 5° s-s-r., 10 mai 1995, n° 122545, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3816ANN).
(48) CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 356571, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1006MGD), BJCL 4/2014, p. 255, concl. S. Von Coester, p. 259, note B. Pauvert.
(49) CE, Sect., 11 juin 1982, n° 16568, publié au recueil Lebon, préc..
(50) CE, Sect., 10 avril 1991, n° 97331, publié au recueil Lebon, préc..
(51) CE, Sect., 14 novembre 1984, n° 40391, publié au recueil Lebon, préc..
(52) CE 2° et 6° s-s-r., 22 octobre 1982, n° 12522, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9114AKR), p. 356 (54 maisons desservies par une voie de 4,30 mètres de large) ; CE 2° et 6° s-s-r., 29 avril 1983, n° 42451, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8518AL3), p. 168-169; CE 1° et 4° s-s-r., 8 avril 1987, n° 61610, inédit au recueil Lebon, préc. ; CE 3° et 5° s-s-r., 10 mai 1995, n° 122545, inédit au recueil Lebon, préc.; CE, Sect., 28 juillet 2000, n° 199325, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7337ATW), BJDU 4/2000, p. 240, concl. S. Austry.
(53) CE, Sect., 10 avril 1991, n° 97331, publié au recueil Lebon, préc.(légalité du permis pour un centre d'hydrothérapie relié à la voirie par des voies d'une largeur minimale de deux mètres cinquante, plus, au minimum, 1,85 mètres de bas-côtés herbeux praticables, ce qui porte la largeur carrossable, incluant la chaussée et les bas-côtés herbeux, à, au moins 4,35 mètres).
(54) CAA Lyon, 1ère ch., 27 avril 2010, n° 08LY00737 (N° Lexbase : A5122EXY).
(55) En ce sens, CE 1° s-s., 3 avril 1987, n° 72124, inédit au recueil Lebon, préc. (concernant la desserte d'un garage).
(56) C. urb., art. A. 424-15 (N° Lexbase : L9868HZI).
(57) C. urb., art. R. 600-2 (N° Lexbase : L7750HZ3).
(58) CAA Bordeaux, 1ère ch., 23 février 2006, n° 02BX02437 (N° Lexbase : A6594DNK).
(59) CAA Nantes,2ème ch., 22 décembre 2011, n° 10NT01324 et 10NT01535 (N° Lexbase : A4979IAN) ; CAA Marseille, 1ère ch., 19 décembre 2013, n° 12MA00753 (N° Lexbase : A8386ML8).
(60) CAA Marseille, 1ère ch., 19 décembre 2013, n° 12MA00753, préc..
(61) CE 2° et 6° s-s-r., 8 février 1999, n° 176779, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4869AXM), Construction-Urbanisme, 1999, comm. n° 193 ; CAA Douai, 1ère ch., 30 juillet 2009, n° 08DA00072 (N° Lexbase : A7141EMG).
(62) CAA Lyon, 1ère ch., 17 juin 2008, n° 06LY02599 (N° Lexbase : A0273EAD).
(63) CE 9° et 10° s-s-r., 11 juillet 2013, n° 362977, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8335KIK).
(64) CE 4° et 5° s-s-r., 21 juin 2013, n° 360860, nédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1239KK4), confirmant CE 6° s-s., 6 juillet 2011, n° 344793, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9439HU7), Construction - Urbanisme, 2011, comm. n° 125.

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