Jurisprudence : CE Contentieux, 28-07-2000, n° 199325, COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 199325

COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU

M. Stefanini, Rapporteur
M. Austry, Commissaire du Gouvernement

Séance du 3 juillet 2000
Lecture du 28 juillet 2000


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1998 et 4 janvier 1999 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU, représentée par son maire en exercice, domicilié en l'Hôtel de Ville, Place Roger Salengro à Decines-Charpieu (69151) ; la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 7 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 octobre 1994 du tribunal administratif de Lyon qui a annulé l'arrêté du 12 juillet 1993 par lequel le maire de DECINES-CHARPIEU a refusé de délivrer l'autorisation de lotir demandée par la société Gimenez, d'autre part, condamné la commune à verser la somme de 6 000 F à ladite entreprise au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de condamner l'entreprise Gimenez à lui verser la somme de 25 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU, et de Me Guinard, avocat de l'Entreprise Gimenez,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, selon l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme : "L'autorité qui délivre l'autorisation de (...) lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement (...) du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie (...)" ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne concernent que les équipements propres au lotissement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la rue du Sablon et l'avenue Godard sont affectées à la circulation générale et non pas exclusivement à la desserte du lotissement faisant l'objet de la demande d'autorisation déposée par la société Antoine Gimenez et Compagnie ; que les travaux d'élargissement de ces deux voies ne peuvent ainsi être regardés comme s'appliquant à un équipement propre au lotissement ; que, par suite, en se fondant, après avoir relevé que ces deux voies ne pouvaient constituer une desserte répondant à l'importance du projet sur un motif tiré de ce que le maire aurait pu assortir la délivrance du permis de lotir d'une prescription relative à la réalisation des travaux d'élargissement, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; qu'il en résulte que la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 315-28 du code de l'urbanisme : "L'autorisation est refusée si le projet de lotissement n'est pas conforme aux dispositions du plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou du document d'urbanisme en tenant lieu. Dans les communes ne disposant pas des documents mentionnés à l'alinéa précédent, l'autorisation peut être refusée si le projet vise à équiper des terrains destinés à recevoir des bâtiments pour lesquels les demandes de permis de construire pourraient être rejetées pour l'une des raisons mentionnées aux articles R. 111-2 à R. 111-17 (...)" et qu'aux termes des dispositions des deux premiers alinéas de l'article R. 111-4 du même code : "Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé (...) D peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, comportant cinquante cinq lots, pour lequel la société Antoine Gimenez et Compagnie a demandé une autorisation de lotir en vue de la réalisation de constructions à usage d'habitation ou d'activité professionnelle, libérale,

commerciale ou artisanale est desservi par la rue du Sablon et par l'avenue Godard ; que, dans sa partie qui borde au sud le lotissement envisagé, la rue du Sablon est large de 3,70 m seulement et ne comporte pas de trottoirs mais un simple cheminement piétonnier ; que, dans sa partie qui borde à l'est le lotissement envisagé, l'avenue Godard constitue une impasse de desserte d'un autre lotissement, qui est dépourvue de trottoirs et dont la largeur n'est jamais supérieure à 4 mètres ; que si la société Antoine Gimenez et Compagnie fait état de projets d'élargissement de ces deux voies dans celles de leurs portions qui longent le projet de lotissement, la réalisation de ces projets n'a pas fait l'objet d'une programmation par les collectivités publiques compétentes ; que si la création d'un troisième accès au lotissement, à l'ouest, a été envisagée par la société Antoine Gimenez et Compagnie, dans sa demande d'autorisation de lotir, cette simple hypothèse ne s'est trouvée assortie d'aucune précision quant à son calendrier de réalisation et à ses modalités de mise en oeuvre ; que, dès lors, la desserte du projet de lotissement ne peut être regardée comme assurée dans des conditions correspondant à l'importance de l'ensemble des constructions envisagées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du maire de la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU refusant l'autorisation demandée, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que ce maire aurait commis une erreur en estimant insuffisante la desserte du lotissement concerné ;

Considérant que s'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Antoine Gimenez et Compagnie devant le tribunal administratif de Lyon et tirés de l'illégalité des deux autres motifs invoqués par le maire au soutien de son arrêté, et relatifs respectivement à l'insuffisance de la desserte en eau du lotissement et aux risques pouvant résulter, pour la sécurité publique, des conditions de desserte par la voie publique, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de l'insuffisance de la desserte, lequel motif est, ainsi qu'il vient d'être dit, de nature à fonder légalement la décision de refus d'autorisation de lotir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de son maire en date du 12 juillet 1993 refusant (autorisation de lotir sollicitée par la société Antoine Gimenez et Compagnie ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du l0juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la société Antoine Gimenez et Compagnie à payer à la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU la somme de 25 000 F, qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Antoine Gimenez et Compagnie la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : L'arrêt en date du 7 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : Le jugement en date du 12 octobre 1994 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société Antoine Gimenez et Compagnie devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 4 : La société Antoine Gimenez et Compagnie versera à la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU une somme de 25 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Les conclusions de la société Antoine Gimenez et Compagnie tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE DECINES-CHARPIEU, à la société Antoine Gimenez et Compagnie et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.

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