Jurisprudence : Décision n°87-239 DC du 30-12-1987

Décision n°87-239 DC du 30-12-1987

A8161ACA

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°87-239 DC du 30-12-1987


Publié au Journal officiel du 31 décembre 1987
Rec. p. 69

Loi de finances rectificative pour 1987


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1987, par MM Pierre Joxe, Lionel Jospin, Maurice Adevah-P uf, Jean Anciant, Jacques Badet, Claude Bartolone, Philippe Bassinet, Guy Bêche, Alain Billon, Gilbert Bonnemaison, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Alain Calmat, Jean-Claude Cassaing, Alain Chénard, André Clert, Jean-Hugues Colonna, Marcel Dehoux, Raymond Douyère, Mme Georgina Dufoix, MM Henri Fiszbin, Jean-Pierre Fourré, Gérard Fuchs, Pierre Garmendia, Claude Germon, Jean Giovannelli, Christian Goux, Jacques Guyard, Edmond Hervé, Maurice Janetti, Mme Catherine Lalumière, MM Jérôme Lambert, Jean Laurain, Christian Laurissergues, Georges Le Baill, Jean-Yves Le Déaut, Robert Le Foll, Jean Le Garrec, André Lejeune, Guy Lengagne, François Loncle, Louis Joseph-Dogue, Philippe Marchand, Michel Margnes, Jacques Mellick, Joseph Menga, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Gilbert Mitterrand, Louis Moulinet, Henri Nallet, Mme Paulette Nevoux, MM Jean Oehler, Pierre Ortet, Christian Pierret, Jean-Claude Portheault, Henri Prat, Jean Proveux, Philippe Puaud, Mme Yvette Roudy, MM Jacques Santrot, Michel Sapin, Mmes Odile Sicard, Gisèle Stievenard, MM Olivier Stirn, Yves Tavernier, Mme Catherine Trautmann, MM Guy Vadepied, Michel Vauzelle, Jean-Pierre Worms, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1987.

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les auteurs de la saisine mettent en cause la conformité à la Constitution de l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1987 soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;

Considérant que cet article, qui modifie les troisième et quatrième alinéas de l'article 1600 du code général des impôts, a pour objet de conférer à l'assemblée générale de chaque chambre de commerce et d'industrie le pouvoir de fixer annuellement le montant de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle pour frais de chambres de commerce et d'industrie ;

Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que la liberté ainsi conférée aux chambres consulaires est contraire au principe du consentement des citoyens ou de leurs représentants à l'impôt proclamé par l'article 14 de la Déclaration des droits de 1789 ;
qu'il est soutenu également que sont méconnues les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui définissent la compétence du législateur en matière fiscale ;

Considérant qu'en vertu de l'article 34, la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;
que, s'il ne s'ensuit pas que la loi doive fixer elle-même le taux de chaque impôt, il appartient au législateur de déterminer les limites à l'intérieur desquelles un établissement public à caractère administratif est habilité à arrêter le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses ;

Considérant qu'en s'en remettant à la seule décision des chambres de commerce et d'industrie du soin de fixer le taux de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle instituée pour pourvoir aux dépenses ordinaires de ces organismes, le législateur est resté en deçà de la compétence qui est la sienne en vertu de l'article 34 de la Constitution ;
que, dès lors, l'article 13 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,


Décide :


Art 1er. :
L'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1987 est déclaré contraire à la Constitution.
Art 2. :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
£7A1$Texte 60 députés 1987-12-22
SAISINE DEPUTES Monsieur le président, Messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1987 telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement.
Sur l'article 12 A (nouveau)
Cet article, qui modifie les troisième et quatrième alinéas de l'article 1600 du code général des impôts, donne à l'assemblée générale de chaque chambre de commerce et d'industrie le pouvoir de fixer annuellement le montant de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie.
Jusqu'à présent, et, semble-t-il, depuis la loi du 9 avril 1898, le montant de cette taxe était fixé par décret. Le fait de transférer ce pouvoir aux chambres concernées introduit une innovation constitutionnelle très critiquable.
Le principe du consentement à l'impôt, proclamé dès l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a pour conséquence logique de réserver au Parlement la faculté de fixer les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Cette règle ne connait à ce jour que deux aménagements. Le premier concerne les attributions reconnues au gouvernement, notamment en matière de taxes parafiscales. Mais outre que ces dernières sont expressément mentionnées par l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, chacune des décisions de caractère réglementaire qui sont prises dans le domaine fiscal est soit encadrée par la loi, soit contrôlée par elle à l'occasion de l'autorisation de perception.
Le second aménagement est celui qui profite aux collectivités territoriales. Mais d'une part, les organes compétents de celles-ci sont issues du suffrage universel, d'autre part et surtout la reconnaissance de ce pouvoir fiscal est le corollaire nécessaire du principe constitutionnel de libre administration de ces collectivités.
A l'évidence, les chambres de commerce et d'industrie ne présentent aucune de ces caractéristiques. Leur assemblée générale n'est pas issue du suffrage universel, le taux qu'elles pourraient fixer ne serait pas encadré par la loi ni contrôlé par elle et, enfin, aucun principe constitutionnel ne justifie qu'elles soient dotées de ce pouvoir fiscal assez particulier pour avoir été une des causes et, à travers l'article 14 précité, une des manifestations de la Révolution française.
Certes, on sera tenté d'objecter que les chambres de commerce sont réputées représenter l'ensemble de ceux qui sont assujettis à la taxe dont elles fixeraient le montant. Mais cette circonstance serait tout au plus atténuante et non absolutoire. Outre que l'article 34 de la Constitution mentionne les impositions de toutes natures, ce serait créer un précédent extrêmement grave que d'admettre que le pouvoir de fixer le montant d'une taxe puisse être délégué dès lors qu'il est confié aux représentants supposés des assujettis. On pourrait rapidement arriver à ce résultat dans lequel toute ressource affectée pourrait être déterminée par les affectataires, ce qui amputerait sans limite le pouvoir que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution qui pourrait de la sorte être progressivement vidé d'une partie importante de sa substance.
En tout état de cause, donc la disposition déférée est contraire à la Constitution et devra être déclarée telle.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci la loi qui vous est déférée.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.

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