Lexbase Social n°528 du 23 mai 2013 : Emploi

[Panorama] Panorama du contentieux des aides à l'emploi (janvier à avril 2013)

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N7182BT8

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[Panorama] Panorama du contentieux des aides à l'emploi (janvier à avril 2013). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8214492-panorama-panorama-du-contentieux-des-aides-a-lemploi-janvier-a-avril-2013
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

le 23 Mai 2013

L'actualité législative, réglementaire et conventionnelle a été particulièrement riche, ces derniers mois, dans le champ des aides à l'emploi et des contrats aidés : loi n° 2013-185 du 1er mars 2013, portant création du contrat de génération (N° Lexbase : L2915IWU) (complétée par le décret n° 2013-222 du 15 mars 2013 N° Lexbase : L3654IWA) ; loi n° 2012-1189 du 27 octobre 2012, portant création des emplois d'avenir (N° Lexbase : L2659IUZ), ANI du 19 octobre 2012, portant sur le contrat de génération ; ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L9638IUI). Le contentieux développé est tout aussi riche et dense, tant sur un plan numérique, que par la diversité de ses objets : réduction "Fillon" (Cons. const., 5 avril 2013, n° 2013-300 QPC ; Cass. civ. 2, 17 janvier 2013, n° 12-40.090, F-D) ; zone de revitalisation rurale (Cass. civ. 2, 25 avril 2013, n° 12-17.001, F-D) ; réduction de charges sociales des heures supplémentaires (loi dite "TEPA" n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat [LXB= L2417HY8]) (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-18.650, F-D) ; exonération de la contribution sociale de solidarité (Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-27.710, F-D) ; exonération versement transport (Cass. civ. 2, 4 avril 2013, n° 12-15.740, F-D et n° 12-15.739, F-P+B) ; exonération aides à domicile (Cass. civ. 2, 14 mars 2013, n° 11-28.333, F-D, n° 12-12.280, F-D et n° 12-12.281, F-D). I - Réduction "Fillon" : exclusion des chambres de commerce et d'industrie du champ d'application de la réduction "Fillon" (Cons. const., 5 avril 2013, n° 2013-300 QPC N° Lexbase : A5759KBW ; Cass. civ. 2, 17 janvier 2013, n° 12-40.090, F-D N° Lexbase : A5071I39) (1)

Les faits. A la suite d'un contrôle portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, l'URSSAF du Finistère a notifié à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Brest un redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, d'une somme qui en avait été exclue par celle-ci en application de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1981IP3). Contestant ce redressement, la CCI a saisi une juridiction de Sécurité sociale. La CCI a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité que la cour d'appel de Rennes a décidé, par arrêt du 7 novembre 2012 (CA Rennes, 7 novembre 2012, n° 12/06173 N° Lexbase : A5007IWD), de transmettre à la Cour de cassation dans les termes suivants : "l'exclusion des CCI du champ d'application de la réduction "Fillon" ne crée-t-elle pas une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ?". Par un arrêt rendu le 17 janvier 2013, la Cour de cassation a reconnu que la question présente un caractère sérieux en ce que l'exclusion du personnel des CCI, lorsqu'elles exploitent un établissement industriel et commercial, du bénéfice de la réduction "Fillon" est susceptible de constituer une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a donc été saisi par la Cour de cassation, de cette QPC posée par la CCI de Brest, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'exclusion des CCI du champ d'application de la réduction "Fillon". En effet, en excluant les CCI du bénéfice de la réduction de cotisations sociales patronales, la loi a placé les CCI, lorsqu'elles concourent à des marchés identiques, en situation désavantageuse par rapport à des sociétés de droit privé.

La solution. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques est rejeté par le Conseil constitutionnel, pour lequel les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution.

L'intérêt de la décision. Le législateur, en mettant en place la réduction "Fillon", avait défini un champ d'application précis, excluant un certain nombre d'employeurs : particuliers employeurs ; jusqu'au 31 décembre 2005, la Poste ; employeurs relevant des régimes spéciaux de Sécurité sociale, prévus par les dispositions du titre Ier du livre VII du Code de la Sécurité sociale, à l'exception des employeurs des régimes spéciaux de Sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaire.

Sans surprise, le Conseil constitutionnel rejette l'argumentation développée par la CCI de Brest, en rappelant l'objet de la réduction "Fillon" ; favoriser l'emploi en allégeant le coût des charges sociales pesant sur l'employeur (cons. 8). De plus, pour définir les conditions ouvrant droit à cette réduction, le législateur s'est fondé sur des différences de situation en lien direct avec l'objet de la loi : il a pris en compte le régime juridique de l'employeur, les modalités selon lesquelles l'employeur est assuré contre le risque de privation d'emploi de ses salariés ainsi que le régime de Sécurité sociale auquel ces salariés sont affiliés (cons. 8). Le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi ; les dispositions contestées ne créent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (cons. 8).

Les travaux des économistes ainsi que de la Cour des comptes ont souligné la fonction assignée par le législateur à la réduction "Fillon", de soutenir les entreprises dans une perspective de compétitivité-coût, en prenant en charge une baisse du coût du travail. La réduction "Fillon" a été conçue comme une arme "anti-délocalisations". Dans cette perspective, il est tout à fait raisonnable d'admettre qu'un certain nombre d'employeurs (notamment publics, notamment une CCI) ne soient pas mentionnés en tant que bénéficiaires de ce dispositif.

II - Zone de revitalisation rurale

Si un employeur devait choisir entre le bénéfice de l'exonération "Aubry I", en 1998 et la réduction "Fillon", en 2003, rien ne lui interdisait, par la suite, de renoncer à la réduction "Fillon" pour bénéficier du dispositif ZRR (Cass. civ. 2, 25 avril 2013, n° 12-17.001, F-D N° Lexbase : A6749KCX)

Les faits. Une association a demandé le 12 octobre 2006 à l'URSSAF de la Lozère, la possibilité de renoncer en 2005 au bénéfice de l'exonération ou de la réduction des cotisations de Sécurité sociale prévue par la loi "Aubry I" (loi n° 98-461 du 13 juin 1998 [LXB= L7982AIH], art. 3) et d'y substituer l'exonération dite "ZRR" (loi n° 2005-157 du 23 février 2005, créant une exonération de cotisations patronales au profit des organismes d'intérêt général ayant leur siège social en zone de revitalisation rurale N° Lexbase : L0198G8T, art. 15) (2). L'URSSAF a refusé par courrier du 19 octobre 2006, en raison de l'incompatibilité des dispositifs et du caractère irrévocable du choix fait en 2004 pour le maintien du dispositif issu de la loi du 13 juin 1998. Les juges du fond ont confirmé le refus opposé par la caisse, parce que le choix fait par l'association en 2004 de conserver le bénéfice des dispositions de la loi du 3 juin 1998 est irrévocable.

La Cour de cassation prononce la cassation : la cour d'appel a violé les articles 10.VI.3 modifié de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi dite "Fillon" (N° Lexbase : L0300A9Y), l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998, d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail dans sa version applicable et a privé l'association, sans motif propre à justifier sa décision, du bénéfice de l'article 15 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux relatif aux ZRR.

La solution. A compter du 1er avril 2004, le bénéfice de la réduction de charge sociale "Aubry I" (loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, art. 3) est exclusif pendant la durée de l'aide de toute autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales.

Les entreprises qui bénéficiaient de la réduction de charges sociales "Aubry I" pouvaient opter jusqu'au 31 mars 2004 pour le bénéfice, à compter du 1er avril 2004, de la réduction de cotisations sociales dite réduction "Fillon" (loi du 17 janvier 2003, art. 10). Cette option, qui s'appliquait à l'ensemble des salariés de l'entreprise, était irrévocable. En cas d'option, le bénéfice des exonérations "Aubry I" cessait d'être applicables à compter du 1er avril 2004.

La Cour de cassation donne son interprétation de l'interdiction de tout cumul de réduction/exonération de charges sociales du dispositif "Aubry I". Le caractère irrévocable ne portait que sur l'option offerte de choisir la réduction "Fillon", cette option ayant été instituée au profit des entreprises qui acceptaient de ne plus être régies par les dispositions d'exonération "Aubry I".

Ce caractère irrévocable n'affecte pas dès lors le fait de ne pas opter pour le nouveau dispositif (réduction "Fillon") et de continuer ainsi à bénéficier du dispositif en cours ("Aubry I"). Si le bénéfice de ce dernier dispositif n'est pas cumulable avec un autre dispositif d'exonération ou de réduction, aucune disposition n'interdit qu'il y soit renoncé en vue d'y substituer un dispositif d'exonération ou de réduction plus avantageux, tel celui prévu par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux relatif aux ZRR.

L'intérêt de la décision. L'arrêt rendu par la Cour de cassation est, en lui-même, un tableau saisissant de l'activisme du législateur et du pouvoir réglementaire, dans le champ des aides à l'emploi, puisque sont recensés pas moins de trois dispositifs : l'exonération "Aubry I", en 1998 ; la réduction dite "Fillon", en 2003 et enfin le dispositif des ZRR, en 2005.

L'arrêt rendu par la Cour de cassation illustre également la complexité des dispositifs, que les rapports parlementaires et institutionnels dénoncent ad nauseam (3). La complexité ne tient pas tant aux dispositifs en eux-mêmes qu'à leur articulation dans le temps, le législateur ayant pris soin, la plupart du temps, d'aménager cette articulation, le plus souvent par un mécanisme de non cumul (brevitatis causa, les anciens dispositifs ne se cumulent pas avec les nouveaux. L'entreprise ou l'association qui entend bénéficier d'une aide à l'emploi doit choisir).

L'arrêt illustre la complexité non pas des dispositifs en eux-mêmes, mais celle de leur interprétation et mise en oeuvre. En l'espèce, la complexité (inutile) provenait de l'URSSAF, qui avait décidé que la renonciation de l'association à la réduction "Fillon" au profit de l'application de la réduction "Aubry I", impliquait également la renonciation au bénéfice de la réduction ZRR, règle non prévue par les textes.

L'arrêt illustre, enfin, une difficulté soulevée par l'Acoss (4), dans la mise en oeuvre problématique des mesures pour l'emploi par les entreprises. Les exonérations dites "zonales" (géographiques), au premier rang desquelles figure le dispositif des ZFU, constituent également une source importante d'irrégularités. Là encore, la législation peine à être appliquée de façon sécurisée.

L'arrêt rapporté complète ainsi parfaitement la décision rendue par le juge administratif le 27 juillet 2012 (5), selon lequel l'espérance légitime de bénéficier, pour les salaires versés à des salariés postérieurement à l'entrée en vigueur du dispositif ZFU, constitue un "bien". Mais il n'y est porté qu'une atteinte limitée dès lors que le principe de l'exonération n'est pas supprimé, seul son montant étant, pour l'avenir, limité en fonction du niveau des salaires de l'entreprise afin de favoriser le recrutement de salariés moins qualifiés et de réduire le coût du dispositif pour les finances publiques.

En d'autres termes, le législateur peut modifier un dispositif de politique de l'emploi, sans que les futurs bénéficiaires ne puissent reprocher au législateur de l'avoir modifié ou d'en avoir réduit le périmètre ; réciproquement, le bénéficiaire d'une mesure pour l'emploi peut renoncer à un dispositif et demander à bénéficier d'un autre, plus avantageux (arrêt rapporté).

III - Réduction de charges sociales des heures supplémentaires (loi "TEPA")

Dans le secteur du transport routier de marchandises, seules les heures effectuées par le conducteur "grand routier" ou "longue distance" au-delà de 43 heures par semaine bénéficient du régime d'exonération instauré par la loi "TEPA" (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-18.650, F-D [LXB= A9788I9E])

Contexte. La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dite "TEPA" avait mis en place un régime spécifique de réduction de charges sociales au titre des heures supplémentaires (CSS, art. L. 241-17 N° Lexbase : L4457IRI et 241-18 N° Lexbase : L9509ITD). Ce régime des heures supplémentaires visait à diminuer le coût du travail pour les entreprises qui augmentent la durée de travail de leurs salariés ; à inciter les salariés à travailler plus par la garantie d'une augmentation substantielle de leurs revenus (hausse du pouvoir d'achat).

En 2012, le législateur a mis un terme à cette mesure (seconde loi de finances rectificatives pour 2012, n° 2012-958 du 16 août 2012 N° Lexbase : L9357ITQ ; circulaire n° DSS/5B/2012/319 du 18 août 2012, relative au régime social applicable aux heures supplémentaires et au taux du forfait social résultant de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 [LXB= L0252IUU] ; décret n° 2012-1074 du 21 septembre 2012 N° Lexbase : L1032IUR) (6). Le législateur a abrogé le volet fiscal du régime des heures supplémentaires (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, art. 3-II) mais, également, le dispositif de l'allègement de charges sociales salariales (réduction salariale) (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, art. 3-I) et, enfin, le dispositif de déduction forfaitaire sur les cotisations patronales pour les entreprises de plus de vingt salariés (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, art. 3-II).

Mais, introduisant un indéniable élément de complexité, le législateur a maintenu le dispositif de réduction de charges sociales au titre des heures supplémentaires, au profit des PME (entreprises de moins de vingt salariés), désormais intitulé "déduction forfaitaire des cotisations patronales" (loi n° 2012-958 du 16 août 2012, art. 3-I, nouvelle rédaction de l'article L. 241-18 du Code de la Sécurité sociale ).

L'appréciation du seuil de déclenchement des heures supplémentaires diffère selon le secteur d'activité, spécialement, l'activité de transport routier. En effet, en application du décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises (N° Lexbase : L0152HU8), la durée du temps de service des personnels roulants "grands routiers" ou "longue distance" est fixée à 43 heures par semaine, soit 559 heures par trimestre.

Les faits. M. X, mis à la disposition de la société T. à compter du 13 décembre 2006 par contrats de travail temporaire en qualité de chauffeur routier "super poids lourds", a été engagé par celle-ci en cette même qualité par contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2007. Les juges du fond ont condamné la société à payer un rappel de salaire au titre de la réduction de charges en application de la loi "TEPA", dans la mesure où cette "exonération" (sic) (réduction "TEPA") porte sur des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires.

La Cour de cassation prononce la censure, dans la mesure où le salarié avait la qualité de chauffeur routier "longue distance". Il ne pouvait bénéficier de la réduction "TEPA" à partir de la trente-sixième heure de travail hebdomadaire, parce que seules les heures effectuées par le conducteur "grand routier" ou "longue distance" au-delà de 43 heures par semaine bénéficient du régime d'exonération instauré par la loi "TEPA".

La solution. Dans le secteur du transport routier de marchandises, soumis à un régime conventionnel d'équivalence, seules les heures effectuées par le conducteur "grand routier" ou "longue distance" au-delà de 43 heures par semaine bénéficient du régime d'exonération instauré par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007.

L'intérêt de la décision. Même si la Cour de cassation confirme, exactement dans les mêmes termes, une solution déjà admise (Cass. soc., 20 novembre 2012, n° 11-22.298, F-D N° Lexbase : A4956IXT), l'arrêt rapporté présente un réel intérêt. La décision illustre la nécessaire application des mesures pour l'emploi de manière pragmatique, réaliste et opérationnelle. La loi "TEPA", aménageant une possibilité de réduction de charges sociales à partir de la 36ème heure, n'est pas susceptible de bénéficier, en tant que telle, aux entreprises de transport routier, pour lesquelles les règles de décompte des heures supplémentaires (le calcul de la durée du travail, en d'autres termes) ont été adaptées et aménagées.

IV - Exonération de la contribution sociale de solidarité

L'employeur n'est pas fondé à contester l'exonération en cause, parce qu'il exerce sous la forme d'une société à responsabilité limitée, l'activité de société coopérative de transport (Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-27.710, F-D N° Lexbase : A4206KCR)

Contexte. La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est due par les entreprises réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 760 000 euros (CSS, art. L. 651-1, 10° N° Lexbase : L6969IUN). Elle finance le régime de protection sociale des travailleurs indépendants (artisans, commerçants, exploitants agricoles, etc.). Le taux des contributions est de 0,16 % du chiffre d'affaires : 0,13 % pour la C3S et 0,03 % pour la contribution additionnelle. Les entreprises de certains secteurs à faible marge bénéficient d'un taux de 3,08 % de leur marge brute (somme des salaires, impôts, dotations, etc.).

Les faits. La société A., qui conteste être redevable de la contribution sociale de solidarité des sociétés recouvrée par la caisse nationale du régime social des indépendants, a saisi, le 28 janvier 2013, la Cour de cassation d'un mémoire spécial soulevant une question prioritaire de constitutionnalité. Pour l'employeur, l'exonération de la contribution sociale de solidarité est contraire au principe d'égalité des droits (DDHC, art. 1er N° Lexbase : L1365A9G) ; au principe d'égalité devant la loi (DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M) ; au principe d'égalité devant les charges publiques (DDHC, art. 13 N° Lexbase : L1360A9A) ; enfin, au droit à la propriété.

La solution. L'employeur n'est pas fondé à contester l'exonération en cause, parce qu'il exerce sous la forme d'une société à responsabilité limitée, l'activité de société coopérative de transport. Aussi, le paiement de cette contribution lui est réclamé sur le fondement du 2° de l'article L. 651-1 du Code de la Sécurité sociale (en tant que SARL) et non sur celui du 10°, qui n'est applicable qu'aux coopératives exerçant sous des formes juridiques non visées aux 1° à 9° (dont les SARL).

L'intérêt de la décision. Les textes organisent deux exonérations au paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés : la première résulte de l'article L. 651-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6968IUM), listant toutes les entreprises non soumises au paiement de cette contribution .

La seconde voie ouverte au non paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés résulte de l'article L. 651-1 du Code de la Sécurité sociale, qui liste les entreprises soumises au paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés. Sont exclues du versement de la contribution, les sociétés coopératives agricoles (visés à l'article L. 521-1 du Code rural (N° Lexbase : L4237AEN) qui ont pour objet exclusif d'assurer l'approvisionnement de leurs associés coopérateurs en leur procurant les produits, les équipements, les instruments et les animaux nécessaires à leurs exploitations agricoles et des sociétés coopératives agricoles ayant pour objet exclusif l'utilisation de matériels agricoles par les associés coopérateurs.

V - Exonération versement transport

L'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne exerce une activité de caractère social, et doit à ce titre bénéficier ainsi de l'exonération du versement de transport (Cass. civ. 2, 4 avril 2013, 2 arrêts, n° 12-15.740, F-D N° Lexbase : A6401KBP et n° 12-15.739, F-P+B N° Lexbase : A6391KBC)

Contexte. Selon l'Acoss (8), la CSG-CRDS, le versement transport et la contribution retraite et prévoyance représentent à eux seuls 85 % de ces irrégularités relevées en 2010. Le versement transport est donc un véritable enjeu pour l'Acoss.

Les faits. L'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne a sollicité, par lettre du 20 décembre 2007, auprès du syndicat des transports d'Ile-de-France, le bénéfice de l'exonération du versement de transport. Le syndicat ayant opposé un refus à sa demande, l'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne a saisi d'un recours une juridiction de la Sécurité sociale

La solution. L'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne exerce une activité de caractère social. Elle doit bénéficier ainsi de l'exonération du versement de transport.

L'intérêt de la décision. Les juges du fond ont donné raison à l'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne, qui doit être exonérée du versement de transport. La Cour de cassation confirme la solution.

La Cour de cassation a, en effet, relevé que le domaine de compétence de l'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne relève directement de l'action sociale et familiale. Le caractère social de son activité est justifié par la présence de nombreux bénévoles participant non seulement à son conseil d'administration, mais à toutes les commissions sociales où elle est représentée, des représentants de l'union départementale agissant de même, à titre bénévole, dans les centres communaux d'action sociale, les offices HLM, les hôpitaux et d'autres commissions sociales, ou prêtant leur concours au programme éducatif "lire et faire lire" mis en oeuvre localement par l'union départementale.

L'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne n'est pas seulement chargée d'une fonction de représentation des familles, mais participe à diverses mesures très concrètes d'action sociale telle que l'aide aux familles surendettées, l'accompagnement social au logement, la tutelle aux prestations sociales et la protection des majeurs incapables : le fait que ces activités soient en partie accomplies en vertu de dispositions légales et financées en partie avec des fonds publics ou des subventions ne leur enlevant pas leur caractère essentiellement social. Le versement d'une contribution pour les majeurs protégés dont les biens sont administrés par l'union départementale ne fait pas perdre son caractère social à cette activité, la gestion des mesures de protection répondant à un besoin social et la contribution demandée ne couvrant pas le coût réel du service rendu.

Bref, l'union départementale des associations familiales du Val-de-Marne exerce une activité de caractère social (au sens de l'article L. 2531-2 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L2333IBZ) et doit bénéficier ainsi de l'exonération du versement de transport.

VI - Exonération aides à domicile

L'exonération des cotisations patronales prévue pour les aides à domicile ne peut s'appliquer qu'aux rémunérations des salariés intervenant au domicile privatif de ces personnes, à l'exclusion des lieux non privatifs ou collectifs occupés en établissement, en raison de l'impossibilité de maintenir ces personnes chez elles (Cass. civ. 2, 14 mars 2013, n° 11-28.333, F-D N° Lexbase : A9745I9S, n° 12-12.280, F-D N° Lexbase : A9664I9S et n° 12-12.281, F-D N° Lexbase : A9785I9B).

Contexte. L'article L. 241-10-III du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6973IUS) prévoit, au titre des rémunérations des aides à domicile, une exonération des cotisations patronales pour la fraction versée en contrepartie des tâches effectuées chez certaines personnes, strictement définies (9). La loi de finances pour 2011 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 N° Lexbase : L9901INZ) a supprimé l'exonération de cotisations sociales pour les activités d'aide à domicile auprès d'un public "non fragile".

Les particuliers, âgés de 70 ans au moins et non dépendants, employeurs d'aide à domicile, bénéficient d'une exonération totale de charges sociales patronales (assurances sociales et allocations familiales, hors cotisations AT-MP) limitée mensuellement à 65 fois le Smic horaire en vigueur au premier jour du mois considéré, soit 612,95 euros à compter du 1er janvier 2013 (CSS, art. D. 241-5 N° Lexbase : L3101IN8).

Les faits. Le 5 décembre 2008, un hôpital (qui comprend notamment un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) a demandé à l'URSSAF de l'Ardèche le remboursement de la part employeur de cotisations versées pour ses salariés, en faisant valoir qu'ils assuraient auprès des résidents de l'établissement les prestations d'aide à domicile (visées à l'article L. 241-10-III du Code de la Sécurité sociale). L'URSSAF ayant rejeté sa demande, l'hôpital a saisi une juridiction de Sécurité sociale. La cour d'appel de Nîmes a débouté l'hôpital de son recours contre la décision rejetant sa demande

La solution. L'exonération des cotisations patronales prévue pour les rémunérations versées aux aides à domicile ne peut s'appliquer qu'aux rémunérations des salariés intervenant au domicile privatif de ces personnes, à l'exclusion des lieux non privatifs ou collectifs occupés en établissement, en raison de l'impossibilité de maintenir ces personnes chez elles.

L'intérêt de la décision. En l'espèce, la Cour de cassation a relevé que l'établissement géré par l'hôpital était une solution d'hébergement collectif, ce dont il se déduisait que la prestation ne visait pas au maintien dans un domicile privatif ; la domiciliation des personnes hébergées au sein de l'EPAD était une domiciliation collective et non une domiciliation individualisée par rapport à un logement privatif, acquis ou loué.

La Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, s'aligne sur la solution déjà retenue par le législateur. La LFSS 2011 (loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 N° Lexbase : L9761INT, art. 14) (10) a, en effet, précisé le champ de l'exonération de cotisations patronales d'assurances sociales relatives aux services à la personne, dans le cas où les aides à domicile sont employées par des associations ou des entreprises agréées. Désormais, l'exonération s'applique en contrepartie de l'exécution de tâches effectuées, non pas simplement "chez" les personnes âgées ou handicapées et les personnes ayant la charge d'un enfant handicapé mais "au domicile à usage privatif" de ces personnes. En d'autres termes, la LFSS 2011 a exclu du bénéfice de l'exonération les structures d'hébergement collectif employant des personnels d'aide à la personne.


(1) V. nos obs., Une CCI ne relève pas du champ d'application de la réduction "Fillon", Lexbase Hebdo n° 524 du 18 avril 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6709BTN).
(2) L'exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale (hors cotisations AT-MP) en vigueur dans les ZRU et les ZRR s'applique sur la fraction du salaire inférieure à 2,4 Smic (base 151,67 heures), soit 3 432,60 euros (valeur 1er janvier 2013). L'exonération est totale sur la fraction de la rémunération n'excédant pas 1,5 Smic, soit, pour une durée de travail de 151,67 heures dans le mois, 2 145,37 euros à compter du 1er janvier 2013 (CSS, art. L. 131-4-2 N° Lexbase : L3518IMA). Entre 1,5 Smic et 2,4 Smic, elle est dégressive et calculée en multipliant la rémunération mensuelle brute par un coefficient plafonnée à 0,281 et déterminé selon une formule précise.
(3) En dernier lieu, Conseil d'orientation pour l'emploi, Les aides aux entreprises en faveur de l'emploi - Evaluation d'ensemble, Tome I et Evaluation des principaux dispositifs, Tome II, avril 2013. V. aussi, OFCE, Rapport d'évaluation du projet économique du gouvernement, 26 juillet 2012 (OFCE, Les notes, n° 23, 26 juillet 2012 ; compte rendu dans LSQ, n° 16159, 9 août 2012) ; P. Cahuc, S. Carcillo et K. F. Zimmermann, L'emploi des jeunes peu qualifiés en France, Les notes du Centre d'analyse économique, n° 4, avril 2013 (compte-rendu par LSQ, n° 16337, 30 avril 2013) ; Cour des comptes, Les contrats aidés dans la politique de l'emploi, Communication à la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, octobre 2011 ; Le marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques, Rapport public thématique, janvier 2013.
(4) Rapport d'activité thématique de l'Acoss, Le contrôle des cotisants, 2011.
(5) CE, 9 et 10 s-s-r., 27 juillet 2012, n° 327850 (N° Lexbase : A0695IR8), JCP éd. S, n° 39, 25 septembre 2012, 1401, reproduisant le rapport de Frédéric Aladjidi, rapporteur public.
(6) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, 12 juillet 2012, p. 80 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale, n° 77, 11 juillet 2012, p. 9 ; F. Marc, Rapport, Sénat, n° 689 (2011-2012), tome 1, 23 juillet 2012, p. 70 ; Y. Daudigny, Avis, Sénat, n° 691 (2011-2012), 23 juillet 2012, p. 8 et s., p. 21 et s. ; v. nos obs., Régime d'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires : abrogation pour les aides salariales mais maintien pour les aides patronales, Lexbase Hebdo n° 469 du 6 septembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3362BTP) ; JCP éd. S, act. 390, aperçu rapide, O. Anfray, C. Millet-Ursin.
(7) Les sociétés ou entreprises sont exonérées de la C3S et de la contribution additionnelle : les sociétés d'habitation à loyer modéré et de crédit immobilier, les unions de ces sociétés ; les offices publics de l'habitat ; les sociétés immobilières de copropriété ; les sociétés d'économie mixte de construction ou d'aménagement pour les activités qu'elles réalisent dans le cadre des missions de service d'intérêt général ; les sociétés de rédacteurs de presse ; les sociétés de gestion immobilière à but non lucratif, charitable, éducatif, social, sanitaire, cultuel ou culturel ; les sociétés d'investissement ; les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ; les sociétés en nom collectif et les groupements d'intérêt économique constitués exclusivement entre des sociétés exonérées (supra) pour la réalisation d'opérations que ces sociétés peuvent mettre en oeuvre directement avec le bénéfice de cette exonération ; les sociétés coopératives maritimes ayant pour objet exclusif soit l'avitaillement, soit l'armement de leurs associés coopérateurs.
(8) Acoss, Rapport 2011, préc., p. 27 : l'apparition du groupe de motifs "cotisations, contributions et versements annexes" dans les sources importantes d'irrégularités est un phénomène amorcé en 1999. En valeur absolue, la part de ce thème dans le montant global des redressements a été stable à 10 % entre 2001 et 2003 puis à connu un pic en 2005 à 21%. Depuis plusieurs années, il s'est stabilisé dans une fourchette de 11 à 13 %.
(9) a) Des personnes ayant atteint un âge déterminé ; b) des personnes ayant à charge un enfant ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou à la prestation de compensation ; c) des personnes titulaires, soit de l'élément de la prestation de compensation, soit d'une majoration pour tierce personne servie au titre de l'assurance invalidité, d'un régime spécial de Sécurité sociale ou de l'article L. 18 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (N° Lexbase : L3259IGS), soit d'une prestation complémentaire pour recours à tierce personne servie au titre de la législation des accidents du travail ; d) des personnes se trouvant dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, sous réserve d'avoir dépassé un âge ; e) des personnes remplissant la condition de perte d'autonomie.
(10) LSQ n° 30 du 11 février 2011 ; v. nos obs., Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la Sécurité sociale pour 2011 : contributions sociales et gestion de la dette sociale (première partie), Lexbase Hebdo n° 425 du 27 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1792BRS).

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