La lettre juridique n°642 du 4 février 2016 : Finances publiques

[Chronique] Chronique de finances locales - Février 2016

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N1126BWM

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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Lorraine

le 04 Février 2016

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de finances locales de Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, co-directeur de la double licence en droit français et allemand Metz-Sarrebruck, Faculté de droit de Metz (UFR DEA), IRENEE, Université de Lorraine. Cette nouvelle chronique ambitionne de suivre l'actualité du droit des finances locales. Afin d'assurer cette veille juridique, nous nous proposons de commenter les principales décisions jurisprudentielles et normes juridiques récentes relatives aux finances locales. Pour des raisons de cohérence, nous nous limiterons aux aspects relatifs au droit budgétaire et à la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs établissements publics. Une autre chronique embrasse en effet le vaste champ de la fiscalité locale. Dans cette première chronique seront analysées trois décisions du Conseil constitutionnel portant sur des lois consacrant des évolutions marquantes du droit des finances locales : la décision du 6 août 2015 relative à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République (N° Lexbase : L1379KG8) (Cons. const., décision n° 2015-717 DC du 6 août 2015) ; la décision du 29 décembre 2015, relative à la la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, de finances initiale pour 2016 (N° Lexbase : L2719KWM) (Cons. const., décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015) ; et la décision du 29 décembre 2015, relative à la la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, de finances rectificative pour 2015 (N° Lexbase : L1131KWS) (Cons. const., décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015).
  • Décision du Conseil constitutionnel relative à la loi "NOTRe" du 7 août 2015 (Cons. const., décision n° 2015-717 DC du 6 août 2015 N° Lexbase : A1146NNR)

Le Conseil constitutionnel n'a censuré dans sa décision sur la loi "NOTRe" du 7 août 2015 qu'une disposition juridiquement mineure malgré son enjeu politique : le mode de répartition des sièges de conseillers de la métropole du Grand Paris. Le juge constitutionnel s'est toutefois bien gardé de délivrer un certificat de constitutionnalité à l'ensemble de la loi. Ses autres dispositions, comme, par exemple, celles présentant un caractère financier, demeurent donc attaquables dans certains cas. Il en est ainsi en cas d'inconventionnalité de la loi. La violation par le législateur d'une convention internationale serait alors invocable tout autant devant le juge ordinaire que devant un juge européen. Ce moyen aboutit cependant rarement en matière financière. Certaines dispositions pourraient aussi être contestées par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil constitutionnel après le filtre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Dans ce cas, le requérant devra pouvoir invoquer la violation d'un droit fondamental constitutionnel, ce qui en matière budgétaire ou comptable n'est pas toujours évident. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique...

Principalement destinée à clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales après la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (N° Lexbase : L3048IZW) (dite "MAPTAM"), la loi "NOTRe" contient une dizaine de dispositions relatives aux finances locales. Elles sont regroupées au titre IV de la loi, lui-même divisé en trois chapitres : transparence financière de l'action locale, responsabilité financière des collectivités locales et de leurs établissements et Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

1 - Tout d'abord, le débat d'orientation budgétaire (DOB) est renforcé dans les collectivités locales les plus importantes, à savoir les communes de plus de 3 500 habitants (CGCT, art. L. 2312-1 N° Lexbase : L2577KGK), départements (CGCT, art. L. 3312-1 N° Lexbase : L2575KGH) et régions (CGCT, art. L. 4312-1 N° Lexbase : L2573KGE). Il pourra désormais s'appuyer sur un rapport d'orientation budgétaire (ROB) et devra donner lieu à une délibération de l'assemblée locale. Ce ROB devra être déposé devant l'organe délibérant dans les deux mois qui précèdent l'examen du budget local (dix semaines pour les régions). Il est destiné à améliorer l'information des élus non seulement en détaillant les orientations budgétaires proposées, mais aussi en matière de dette locale (1) et d'engagements pluriannuels de la collectivité locale. Les communes de plus de 10 000 habitants doivent de surcroît transmettre ce rapport au préfet et à leur EPCI. Les départements et les régions, quant à eux, doivent le communiquer au préfet. Son contenu est en outre étoffé dans les collectivités locales de plus de 10 000 habitants par, notamment, des données relatives à l'évolution prévisionnelle des dépenses de personnel. Un tel ROB est aussi prévu dans les EPCI de plus de 10 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 3 500 habitants (CGCT, art. L. 5211-36 N° Lexbase : L2571KGC). Il doit être transmis aux communes membres.

2 - Les organes délibérants ne peuvent pas toujours estimer à leur juste mesure les coûts de fonctionnement induits lors de leur approbation d'un investissement local. A partir d'un certain coût de l'investissement, les exécutifs locaux doivent à l'avenir transmettre à leur assemblée délibérante une étude d'impact pluriannuelle des dépenses de fonctionnement engendrées par une opération exceptionnelle d'investissement (modification de l'article L. 1611-9 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L2524KGL). Les seuils applicables seront fixés par décret en fonction de la catégorie et du nombre d'habitants de la collectivité ou de l'EPCI.

3 - La loi "NOTRe" étend ensuite l'information du public en matière financière. Les communes (modification de l'article L. 2313-1 du même code N° Lexbase : L3198KGK), les départements (modification de l'article L. 3313-1 du même code N° Lexbase : L2574KGG) et les régions (modification de l'article L. 4313-1 du même code N° Lexbase : L2572KGD) doivent désormais joindre une synthèse au budget primitif et au compte administratif. Cette synthèse devra être publiée sur le site internet de la collectivité locale avec le ROB et la note explicative ou les rapports annexés au budget primitif et au compte administratif (2). La loi prend étrangement la peine de préciser que cette dernière disposition ne s'applique que si la collectivité locale est dotée d'un site internet. Peut-être afin de ne pas consacrer une obligation législative de se doter d'un site internet pour les collectivités locales ?

4 - La loi "NOTRe" marque par ailleurs une nouvelle étape dans la dématérialisation des documents administratifs. Dans un délai de cinq ans, les documents budgétaires des collectivités locales et des EPCI de plus de 50 000 habitants devront être transmis au préfet sous forme numérique. La quatrième année suivant la promulgation de la loi (nouvel article L. 1617-6 du Code général des collectivités territoriales), il en sera de même pour les pièces justificatives transmises au comptable public par les collectivités locales et certains EPCI (ceux de plus de 10 000 habitants ou bien ceux dont les recettes de fonctionnement sont supérieures à vingt millions d'euros).

5 - Dorénavant, les avis des CRC (chambres régionales des comptes) et les arrêtés des préfets intervenant dans le cadre du contrôle des budgets locaux sont, dans certains cas, immédiatement rendus publics avant même que l'assemblée délibérante concernée ne se réunisse. Les avis de la CRC et les arrêtés du préfet bénéficient ainsi d'un retentissement plus large en cas de dépassement du délai d'adoption du budget local, d'adoption d'un budget déséquilibré, de rejet du compte administratif ou d'apparition d'un déficit lors de l'exécution du budget local. Cette novation permet en effet une double avancée. D'une part, l'information des assemblées locales est accélérée puisque la publicité n'est plus fixée à sa prochaine réunion. D'autre part, l'information du public est améliorée, ce qui augmente la pression sur l'organe délibérant et l'exécutif local pour revenir dans les clous de la légalité budgétaire.

6 - La loi "NOTRe" tente, en outre, de renforcer le suivi des observations des CRC. Les exécutifs locaux (collectivité locale ou EPCI) doivent à présent répondre aux observations définitives des CRC dans un délai d'un an après leur transmission. Ils doivent ainsi déposer devant leur assemblée délibérante un rapport sur les mesures correctrices entreprises (C. jurid. finan., art. L. 132-7 N° Lexbase : L2527KGP). Ces rapports seront aussi transmis aux CRC. La synthèse de ces rapports sera présentée par chaque CRC à la conférence territoriale de l'action publique et communiquée à la Cour des comptes. Le Palais Cambon consacre déjà en effet une partie de son rapport public annuel aux suites données aux observations définitives des juridictions financières. Dans le cas des EPCI, les maires des communes membres deviennent destinataires des observations définitives des CRC et doivent les présenter devant leur organe délibérant. Un débat sur ce sujet est même prévu devant le conseil municipal.

7 - Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les finances locales publié chaque année en octobre depuis 2013 devient un rapport annuel sur la situation financière et la gestion des collectivités locales et de leurs établissements (C. jurid. finan., art. L. 132-7). Ce que la loi "MAPTAM" n'avait pas réussi à atteindre en raison de l'opposition du Sénat au Haut conseil des territoires, a été réalisé par le Parlement lors du vote de la loi "NOTRe". Le rapport sur les finances locales quitte le statut périphérique du rapport thématique pour devenir un rapport égal en dignité à celui sur l'exécution des lois de finances, sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale ou les perspectives des finances publiques. Il est aussi expressément prévu que ce rapport soit transmis au Gouvernement et au Parlement.

Le respect des critères du Traité de Maastricht s'appréciant au vu des déficits de l'ensemble des administrations publiques (étatiques, sociales et locales), les administrations publiques locales ne peuvent pas échapper aux efforts de redressement des finances publiques nationales. Ce rapport permet de mieux connaître la situation des finances locales et d'identifier des pistes d'économies. Son renforcement constitue une source supplémentaire d'information pour les parlementaires. C'est pourquoi il est permis de penser qu'il anticipe l'éventuelle création de lois de financement des collectivités locales. Cette nouvelle catégorie de lois financières chercherait à davantage concilier, à l'instar des lois de financement de la Sécurité sociale pour ses différents régimes, autonomie financière des collectivités locales et maîtrise des déficits publics.

8 - Après le lancement de la certification des comptes de l'Etat et des régimes de Sécurité sociale en 2006 puis des hôpitaux en 2007 et des Universités en 2009, le chantier de la certification des comptes locaux est enfin inauguré par l'article 110 de la loi "NOTRe". Les collectivités locales et les EPCI ont jusqu'au 17 août 2016 pour se porter candidates à une expérimentation conduite par la Cour des comptes. Une telle expérimentation est en effet permise par l'article 37-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5155IBK) depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République N° Lexbase : L8035BB9) (3). Notons au passage qu'une telle certification n'est pas seulement une exigence comptable : elle découle aussi de la Directive européenne du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (N° Lexbase : L8173IR7). Elle débutera en 2018 afin de laisser le temps aux acteurs concernés de s'y préparer et devrait durer cinq ans. Un rapport intermédiaire (au bout de trois ans) puis un rapport définitif (à la fin de l'expérimentation) seront remis au Parlement par le Gouvernement. On aurait pu s'attendre à ce que les parlementaires soient directement informés sur cette expérimentation par la Cour des comptes. Ces rapports comprendront cependant les observations de la Cour des comptes (ainsi que des collectivités locales et des EPCI concernés).

9 - L'Observatoire des finances locales est rebaptisé Observatoire des finances et de la gestion publique locale à l'occasion de l'extension de ses missions (CGCT, art. L. 1211-4 N° Lexbase : L2581KGP). Il avait déjà pour mission d'analyser la gestion des collectivités locales par le biais d'un rapport annuel sur la situation financière des collectivités locales et d'études pluriannuelles sur l'évolution des dépenses locales. Il est désormais chargé de la diffusion des bonnes pratiques en ce domaine et pourra évaluer des politiques publiques locales. Il se voit notamment confier la tache de rassembler et d'actualiser les données et les statistiques relatives aux politiques et à la gestion locales. Dans cette optique, il lui faudra mettre en place un tableau du coût des principaux services publics locaux afin de faciliter les comparaisons entre les collectivités locales.

10 - La CJUE tient l'Etat pour seul responsable en cas de manquement au droit de l'Union européenne (4). A partir du 1er janvier 2016, en cas de recours contre la France pour manquement devant la CJUE (TFUE, art. 258 N° Lexbase : L2571IPW à 260), une procédure provisoire sera mise en place afin d'associer la collectivité locale, l'EPCI ou l'établissement public local (EPL) concerné au paiement de l'amende et des astreintes prononcées (CGCT, art. L. 1611-10 N° Lexbase : L2528KGQ). Cette procédure est en effet seulement provisoirement mise en place afin de laisser au Gouvernement le temps d'améliorer son projet de recours récursoire rejeté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette procédure devrait surtout s'appliquer au contentieux des fonds européens dont la gestion est totalement décentralisée depuis la loi "MAPTAM".

La collectivité locale, le groupement ou l'établissement public concerné doit être informé du recours en manquement dès son dépôt. Un avis rendu par une commission indépendante recommandera une répartition de l'amende et des astreintes entre l'Etat et la collectivité locale, le groupement ou l'établissement public concerné. Cette commission sera composée de magistrats du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, ainsi que de représentants des collectivités locales. Saisie par le Premier ministre, elle pourra auditionner des experts en plus des représentants de l'Etat et des collectivités locales, du groupement ou de l'établissement public concerné. Son avis sera rendu avant même l'arrêt de la CJUE mais pourra être rectifié par la suite en fonction du niveau de l'amende et des astreintes. Le montant à la charge de la collectivité locale représentera une dépense obligatoire au sens de l'article L. 1612-15 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8456AAG). Un abattement ou une modulation du remboursement seront toutefois envisageables. Comme on le voit, cette procédure ne s'applique pas aux personnes juridiques de droit privé.

  • Décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances initiale pour 2016 (Cons. const., décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015 N° Lexbase : A1007N3P)

Les annulations prononcées par le Conseil constitutionnel lors du contrôle de la loi de finances initiale pour 2016 ne concernent, en matière de finances locales, que la fiscalité locale (l'amendement "Ayrault" sur la CSG et la taxation des transactions financières intrajournalières). Les autres dispositions financières intéressant les collectivités locales sont donc applicables en l'état actuel du droit et en l'absence d'inconventionnalité ou de QPC victorieuse. Nous allons rapidement commenter les principales d'entre elles.

1 - Dans le cadre du Pacte de confiance et de solidarité, proposé par l'Etat aux collectivités locales en 2013 et précisé par la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014, de programmation des finances publiques pour 2014-2019 (N° Lexbase : L2842I7E), les dotations de l'Etat aux collectivités locales doivent baisser de 10,5 milliards d'euro entre 2015 et 2017. Ces 10,5 milliards représentent la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques nationales. Toutes administrations publiques confondues, 50 milliards de réduction des dépenses publiques ont été prévues entre 2015 et 2017 afin de revenir au respect des critères du Traité de Maastricht. Les 10,5 milliards d'économies attendues des collectivités locales sur les 50 milliards d'économies toutes administrations publiques confondues sont proportionnelles au poids des collectivités locales au sein de l'ensemble de la dépense publique. Il est cependant admis que le pacte de sécurité proposé par le président de la République après les attentats du 13 novembre 2015 éloigne de cet objectif.

Après une baisse de 1,5 milliards en 2014 et 3,5 milliards en 2015, les dotations étatiques versées aux collectivités locales vont à nouveau baisser de 3,5 milliards d'euros en 2016 (5). En pratique, seule la DGF (dotation générale de fonctionnement) est affectée. Un même effort est attendu des collectivités locales en 2017. Les 3,5 milliards de réduction des dotations étatiques sont répartis entre les collectivités locales en fonction de leurs recettes réelles de fonctionnement. Les communes perdent ainsi 1,45 milliards, les EPCI à fiscalité propre, 621 millions, les départements, 1,148 milliards et les régions, 451 millions. Cette baisse de la DGF est toutefois en partie compensée par une hausse de la péréquation verticale. La dotation nationale de péréquation est supprimée afin d'augmenter la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR).

2 - La loi de finances initiale pour 2016 initie la grande réforme de la DGF tant attendue en raison de la complexité de sa construction actuelle. En 2015, le rapport "Pires-Beaune" (Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : osons la réforme, remis au Premier ministre le 24 juillet 2015) avait notamment dénoncé cette situation et proposé des améliorations. L'année précédente, des pistes intéressantes d'évolution avaient déjà été préconisées dans le rapport "Malvy-Lambert" (Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun, remis au Président de la République le 16 avril 2014). Cette simplification de la DGF est aujourd'hui indispensable pour atténuer la baisse des dotations étatiques. Son application est cependant reportée à 2017.

La structure actuelle de la DGF des communes voit sa principale composante, la dotation forfaitaire, divisée en trois éléments. Une dotation socle de soixante-quinze euros et soixante-douze centimes par habitant garantira à chaque commune un même montant par habitant. Une dotation "centralité" allant de quinze à quarante-cinq euros en fonction du nombre d'habitants permettra de mieux prendre en compte les charges spécifiques des villes-centres (6). Une dotation "ruralité" s'élevant à vingt euros par habitant compensera le manque de ressources des villages peu peuplés. La DGF des EPCI à fiscalité propre est elle aussi réformée à partir de 2017. Elle comprendra tout d'abord une partie de la dotation de centralité revenant aux communes membres. Elle sera aussi composée d'une dotation de péréquation de quarante-neuf euros par habitant. Elle sera enfin complétée par une dotation d'intégration s'élevant à vingt-et-un euros par habitant. Afin de rassurer le bloc communal, la loi prend soin de garantir que la nouvelle dotation forfaitaire des communes et la nouvelle DGF des EPCI ne pourront être ni inférieures à 95 %, ni supérieures à 105 % du montant perçu l'année précédente. Un rapport du Gouvernement au Parlement est aussi prévu avant le 30 juin 2016 afin de préciser la réforme et de proposer des adaptations.

3 - Les dépenses des collectivités locales en vue de l'entretien du patrimoine et de la voirie entrent à partir de 2015 dans le champ du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Il en va de même pour les investissements dans le haut-débit à compter de 2016. Le projet de loi de finances initiale déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale ne prévoyait qu'une extension limitée aux dépenses d'entretien des bâtiments publics à partir de 2016. Le Parlement a élargi la réforme aux dépenses d'entretien de la voirie et aux dépenses des collectivités locales effectuées dans le cadre du plan "France très haut débit". Ces mesures ne visent cependant pas seulement à encourager l'entretien du patrimoine et des voiries ainsi que le développement du haut-débit. Le remboursement partiel de la TVA payée sur ces dépenses dégagera une ressource nouvelle importante au profit de l'investissement des collectivités locales. En année pleine, il devrait s'agir de 374 millions d'euros susceptibles d'abonder les dépenses d'investissement des collectivités locales.

4 - Les investissements du bloc communal sont encouragés par un fonds national d'un milliard d'euros. Ce fonds est constitué de deux enveloppes de 500 millions d'euros gérées par les préfets de région. La première enveloppe financera de grands projets prioritaires décidés en commun par l'Etat et des communes ou des intercommunalités. Ces priorités concernent notamment la rénovation thermique, la transition énergétique et la mise aux normes d'équipements publics. La seconde enveloppe est destinée à soutenir les projets de développement de bourgs-centres et de villes petites et moyennes. Cette seconde enveloppe est elle-même constituée de la majoration de 200 millions d'euros de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de 300 millions d'euros dédiés aux territoires faiblement peuplés. En effet, seules les communes de moins de 50 000 habitants pourront candidater sur cette partie de la seconde enveloppe.

5 - Certaines incitations financières encourageant la formation de communes nouvelles sont prolongées. Parmi ces incitations, on compte notamment l'exonération de contribution au redressement des finances publiques et la non baisse de dotation forfaitaire de la DGF. Deux catégories de communes nouvelles bénéficient de cette prolongation : les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants et les communes nouvelles formées à partir d'un EPCI regroupant moins de 15 000 habitants. L'arrêté de création doit avoir été édicté avant le 30 septembre 2016 et les délibérations des conseils municipaux concernés doivent avoir été adoptées avant le 30 juin 2016. En cas d'extension d'une commune nouvelle à une ou plusieurs communes, l'incitation financière demeure en revanche bornée à trois ans après sa création.

6 - Le montant du FPIC (Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales) passe de 780 millions d'euros en 2015 à seulement 1 milliard d'euro en 2016 au lieu des 1,2 milliards attendus. Cette mesure est principalement destinée à contenir la montée des contributions versées par les communes les plus riches.

7 - Le fonds de soutien aux collectivités locales possédant des emprunts structurés à risque (dits emprunts toxiques) est réformé. Afin de tirer les conséquences du décrochage de la parité entre l'euro et le franc suisse depuis janvier 2015, le fonds de soutien aux collectivités locales qui possèdent des emprunts toxiques voit son montant doublé. Ce doublement est financé par l'augmentation de la taxe assise sur les niveaux minimum de fonds propres exigés. Cette taxe est acquittée par les banques. La loi "NOTRe" était déjà intervenue en ce domaine quelques mois plus tôt. Son article 111 avait en effet réformé l'article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW), organisant le fonds de soutien aux collectivités locales possédant des emprunts toxiques.

Soucieuses de réduire la somme totale des intérêts payés, les collectivités locales et leurs établissements publics tentent de rembourser de façon anticipée les emprunts toxiques. Des indemnités de remboursement anticipé sont dues lors du remboursement du prêt avant la date prévue. Elles compensent en partie pour le prêteur la perte des intérêts attendus. Comme ces indemnités de remboursement anticipé sont le plus souvent indexées sur le franc suisse, son décrochage avec l'euro a accrû les difficultés financières des collectivités locales détentrices d'emprunts toxiques. Afin de les soulager lors du remboursement anticipé des emprunts toxiques, la loi "NOTRe" a permis au fonds de soutien de prendre en charge les indemnités de remboursement anticipé jusqu'à 75 % (leur laissant assumer 25 %) et non plus 45 % comme auparavant. Cependant, l'aide du fonds étant versée progressivement chaque année, parfois jusqu'à quinze tranches, la collectivité locale doit dans un premier temps financer seule la totalité des indemnités de remboursement, ce qui n'est pas possible sans endettement nouveau ...

8 - La cotisation des collectivités locales au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est ramenée de 1 % à 0,9 % de la masse salariale de chaque collectivité locale. Cette réduction du budget du CNFPT fait écho à différentes critiques adressées par la Cour des comptes à la gestion du CNFPT. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet (Observations définitives sur la gestion du CNFPT pour les exercices 2008-2013, mai 2015) pointe à cet égard certaines sources d'économies. Il s'agit par exemple du régime indemnitaire des délégués régionaux des Centres régionaux d'orientation, du coût de la direction de la communication ou de l'attribution de logements de fonctions. Le projet de loi de finances initiale abaissait à 0,8 % la cotisation des collectivités locales au CNFPT. Les députés ont tout d'abord résisté en votant en première lecture le retour au 1 % avant d'accepter une réduction à 0,9 %. Cette solution signifie un rétablissement de la situation qui prévalait avant le passage au 1% en 2013, puisqu'un amendement du sénateur Jean Arthuis avait déjà fait descendre à 0,9 % la cotisation au CNFPT en 2011.

  • Décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances rectificative pour 2015 (Cons. const., décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015 N° Lexbase : A1008N3Q)

Le Conseil constitutionnel a validé les principales dispositions relatives aux finances locales dans cette décision. Seules deux mesures intéressant les finances locales ont été annulées par le juge constitutionnel (considérants n° 15 à 18 et 21-22). Il s'agit, d'une part, de la nouvelle obligation de contribution à une dotation de solidarité communautaire pour certaines communes, complétée par le partage entre la métropole du Grand Paris et ses communes membres du prélèvement du FPIC (paragraphes VII et VIII de l'article 50 de la loi de finances rectificative). Il s'agit, d'autre part, de la réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes (article 115 de la loi de finances rectificative).

Cette double censure doit toutefois être relativisée. En effet, le Conseil constitutionnel s'appuie sur des vices de procédures et non des inconstitutionnalités de fond pour fonder sa décision dans ces considérants. Dans le premier cas, les deux assemblées n'ont pas été en mesure de discuter les amendements ajoutant ces dispositions à la loi de finances rectificative puisqu'ils ont été déposés en seconde lecture. Dans le second cas, le juge constitutionnel a considéré que la disposition contrôlée ne relevait pas du domaine des lois de finances. A condition de ne pas répéter les vices de formes identifiés par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement peut proposer à sa majorité parlementaire l'adoption de ces mesures lors de l'examen d'un prochain texte par les deux assemblées. Les dispositions relatives à la contribution à une dotation de solidarité communautaire articulée au partage du prélèvement du FPIC pourront, par exemple, être adoptées lors du vote de la prochaine loi de finances rectificative. La réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes devra être adoptée dans une loi ordinaire puisque le juge constitutionnel a interdit au Gouvernement de bénéficier ici des facilités procédurales des lois financières.

Hormis ces dispositions censurées, cette loi de finances rectificative pour 2015 contient deux mesures significatives du point de vue des finances locales.

1 - Dix départements se voient accorder une aide d'urgence de cinquante millions d'euros en raison de leurs difficultés financières particulièrement importantes pour verser les allocations individuelles de solidarité (AIS) que sont le RSA (revenu de solidarité active), l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) et la PCH (prestation de compensation du handicap). Ce fonds de soutien exceptionnel est pris sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le CNSA est aussi chargé de la gestion de ce fonds. La somme débloquée paraît considérable mais s'apparente plutôt à une rustine. Elle ne représente en réalité que quelques journées de RSA pour les départements.

2 - Les amortissements des subventions d'équipement peuvent désormais être neutralisés par les communes et les EPCI. Les emprunts finançant les subventions d'équipement versées par les communes et les EPCI sont comptabilisés en dépenses dans la section d'investissement. Les années suivantes, l'amortissement de cet emprunt est lui aussi inscrit dans la section d'investissement, mais parmi les recettes. Il est financé par une dotation aux amortissements prévue dans les dépenses de fonctionnement. Cette dotation aux amortissements devait être financée par une recette de fonctionnement. Elle peut désormais être financée sur les fonds propres de la commune ou de l'EPCI, par exemple en redéployant des dépenses, et donc sans recourir à une hausse de la fiscalité locale (CGCT, art. L. 2331-4 N° Lexbase : L3268IZ3). Les régions, les départements et les métropoles bénéficient déjà de cette souplesse comptable, toujours utile en période de baisse des dotations étatiques.

Cette mesure a été accompagnée par plusieurs décrets, dont notamment les deux décrets du 29 décembre 2015 (décret simple n° 2015-1848 N° Lexbase : L2391KWH et décret en Conseil d'Etat n° 2015-1846 N° Lexbase : L2372KWR) s'appliquant aux collectivités locales et aux EPCI. Ces deux décrets (ainsi que le décret n° 2015-1546 du 27 novembre 2015, modifiant les conditions de reprise de l'excédent d'investissement en fonctionnement N° Lexbase : L5021KRE) ont certes reçu un avis défavorable du Comité des finances locales, mais également un avis favorable du Conseil d'évaluation des normes. Ils allongent, d'une part, de quinze à trente ans l'amortissement des subventions d'équipement finançant des bâtiments. Ils font, d'autre part, passer de trente à quarante ans la durée d'amortissement des subventions d'équipement destinées à un projet d'intérêt national.


(1) Dans le prolongement de la loi "MAPTAM" qui a étendu le DOB à la dette locale.
(2) L'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3336KGN) prévoit une note explicative lors de l'adoption, par exemple, du budget primitif et du compte administratif dans les communes de plus de 3 500 habitants. Les articles L. 3121-19 (N° Lexbase : L6535I78) et L. 4132-18 (N° Lexbase : L7930IMN) du Code général des collectivités territoriales prévoient, entre autres, un rapport annexé au budget primitif et un rapport annexé au compte administratif du département ou de la région.
(3) Cette révision constitutionnelle représente le principal volet de l'acte II de la décentralisation.
(4) Voir par exemple l'arrêt CJCE, 26 octobre 2000, aff. C-16/98 (N° Lexbase : A5910AYK).
(5) 3,67 milliards d'euros si l'on compte les réductions de compensations d'exonération de fiscalité locale décidées par l'Etat.
(6) Comme par exemple l'utilisation de leurs équipements par les communes périphériques.

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