Jurisprudence : CJCE, 05-10-2000, aff. C-16/98, Commission des Communautés européennes c/ République française

CJCE, 05-10-2000, aff. C-16/98, Commission des Communautés européennes c/ République française

A5910AYK

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Cour de justice des Communautés européennes

5 octobre 2000

Affaire n°C-16/98

Commission des Communautés européennes
c/
République française



61998J0016

Arrêt de la Cour
du 5 octobre 2000.

Commission des Communautés européennes contre République française.

Manquement d'Etat - Directive 93/38/CEE - Marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - Travaux d'électrification et d'éclairage public dans le département de la Vendée - Notion d'ouvrage.

Affaire C-16/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-8315

1 Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - Directive 93/38 - Ouvrage - Notion - Critère - Fonction économique et technique du résultat des travaux - Scission artificielle d'un ouvrage unique - Travaux d'électrification et travaux d'éclairage public - Appréciation

(Directive du Conseil 93/38, art. 14, § 10, al. 1, seconde phrase, et 13)

2 Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - Directive 93/38 - Ouvrage - Notion - Existence d'une seule et unique entité adjudicatrice et possibilité de réalisation de l'ensemble des travaux par une seule entreprise - Critères non déterminants

(Directive du Conseil 93/38, art. 14, § 10, al. 1, seconde phrase)

3 Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - Directive 93/38 - Principe de non-discrimination entre les soumissionnaires - Portée

(Directive du Conseil 93/38, art. 4, § 2)

1 En vue de statuer sur l'existence d'une scission artificielle entre plusieurs marchés d'un ouvrage unique au sens de l'article 14, paragraphe 13, de la directive 93/38, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, cette disposition doit être prise en considération conjointement avec celle du paragraphe 10, premier alinéa, de cet article. À cet égard, il résulte de la définition de l'ouvrage figurant à l'article 14, paragraphe 10, premier alinéa, seconde phrase, de la directive 93/38 que l'existence d'un ouvrage doit être appréciée par rapport à la fonction économique et technique du résultat des travaux concernés.

Il s'ensuit que, s'agissant d'une série de travaux ponctuels d'entretien et d'extension qui portent sur des réseaux de distribution d'électricité et d'éclairage public existants, et dont le résultat, lorsqu'ils seront achevés, fera partie intégrante de la fonction remplie par les réseaux concernés, l'appréciation de l'existence d'un ouvrage doit être effectuée par rapport à la fonction économique et technique que remplissent les réseaux de distribution d'électricité et d'éclairage public en question. Un réseau de distribution d'électricité est, d'un point de vue technique, destiné à transporter l'électricité produite par un fournisseur au consommateur individuel final; ce dernier est, sur le plan économique, tenu de payer le fournisseur en fonction de sa consommation.

En revanche, un réseau d'éclairage public est, d'un point de vue technique, destiné à éclairer des lieux publics en utilisant à cet effet l'énergie électrique que procure le réseau de distribution d'électricité. L'autorité qui assure l'éclairage public en supporte elle-même le coût, quitte à recouvrer par la suite les sommes exposées auprès de la population desservie, sans moduler les montants exigés en fonction de l'utilité retirée par les personnes concernées. Il en résulte qu'un réseau de distribution d'électricité et un réseau d'éclairage public ont une fonction économique et technique différente et que les travaux portant sur ces réseaux ne sauraient être considérés comme constituant des lots d'un ouvrage unique scindé artificiellement en méconnaissance de l'article 14, paragraphes 10, premier alinéa, et 13, de la directive. (voir points 31, 36-38, 52-56)

2 Si l'existence d'une seule et même entité adjudicatrice et la possibilité pour une seule entreprise de la Communauté de réaliser l'ensemble des travaux qui sont visés par les marchés concernés peuvent, selon les circonstances, constituer des indices corroborant l'existence d'un ouvrage au sens de la directive 93/38, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, elles ne sauraient, en revanche, constituer des critères déterminants à cet égard. Ainsi, la pluralité d'entités adjudicatrices et l'impossibilité de réalisation de l'ensemble des travaux concernés par une seule entreprise ne sont pas de nature à remettre en cause l'existence d'un ouvrage lorsque cette conclusion s'impose en application des critères fonctionnels définis à l'article 14, paragraphe 10, premier alinéa, seconde phrase, de la directive. En effet, la définition de la notion d'ouvrage que comporte cette disposition ne subordonne pas l'existence d'un ouvrage au concours d'éléments tels que le nombre d'entités adjudicatrices ou la possibilité de réalisation de l'ensemble des travaux par une seule entreprise. (voir points 42-43)

3 Le principe de non-discrimination entre les soumissionnaires énoncé à l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/38, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, s'applique à toutes les phases de la procédure de passation d'un marché, et non pas seulement à partir du moment où un entrepreneur a présenté une offre. Cette interprétation est conforme à la finalité de la directive qui vise à ouvrir les marchés auxquels elle s'applique à la concurrence communautaire. En effet, il serait porté atteinte à cette finalité si une entité adjudicatrice pouvait organiser une procédure de passation de telle manière que les entrepreneurs des États membres autres que celui dans lequel les marchés sont passés seraient dissuadés de soumissionner. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive, en interdisant toute discrimination entre les soumissionnaires, protège également ceux qui ont été dissuadés de soumissionner, parce qu'ils ont été désavantagés par les modalités de la procédure qu'a suivie une entité adjudicatrice. (voir points 107-109)

Dans l'affaire C-16/98,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H. van Lier, conseiller juridique, et O. Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. P. Lalliot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, à l'occasion de la procédure de passation de marchés lancée par le Syndicat départemental d'électrification de la Vendée en décembre 1994 pour l'attribution de travaux d'électrification et d'éclairage public, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphe 2, 14, paragraphes 1, 10 et 13, ainsi que des articles 21, 24 et 25 de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, M. Wathelet et V. Skouris (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 16 novembre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 février 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 janvier 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, à l'occasion de la procédure de passation de marchés lancée par le Syndicat départemental d'électrification de la Vendée (ci-après le "Sydev") en décembre 1994 pour l'attribution de travaux d'électrification et d'éclairage public, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphe 2, 14, paragraphes 1, 10 et 13, ainsi que des articles 21, 24 et 25 de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84, ci-après la "directive").

Cadre juridique

2 La directive vise à réaliser l'ouverture des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.

3 Aux termes de l'article 1er, points 1 et 6, de la directive:

"Aux fins de la présente directive, on entend par:

1) 'pouvoirs publics': l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

Est considéré comme un organisme de droit public tout organisme:

- créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial,

- doté d'une personnalité juridique

- dont soit l'activité est financée majoritairement par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public;

...

6) 'soumissionnaire': le fournisseur, l'entrepreneur ou le prestataire de services qui présente une offre..."

4 L'article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive prévoit:

"1. La présente directive s'applique aux entités adjudicatrices:

a) qui sont des pouvoirs publics ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées au paragraphe 2;

...

2. Les activités relevant du champ d'application de la présente directive sont les suivantes:

a) la mise à disposition ou l'exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution:

i) d'eau potable

ii) d'électricité

iii) de gaz ou de chaleur

ou l'alimentation de ces réseaux en eau potable, en électricité, en gaz ou en chaleur;

..."

5 Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, de la directive:

"Les entités adjudicatrices veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services."

6 L'article 14, paragraphes 1, 10 et 13, de la directive dispose:

"1. La présente directive s'applique aux marchés dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse:

...

c) 5 000 000 d'écus en ce qui concerne les marchés de travaux.

...

10. Le calcul de la valeur d'un marché de travaux aux fins de l'application du paragraphe 1 doit être fondé sur la valeur totale de l'ouvrage. On entend par ouvrage le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique et technique.

Lorsque, notamment, une fourniture, un ouvrage ou un service est réparti en plusieurs lots, la valeur de chaque lot doit être prise en compte pour l'évaluation de la valeur indiquée au paragraphe 1. Lorsque la valeur cumulée des lots égale ou dépasse la valeur indiquée au paragraphe 1, les dispositions de ce paragraphe s'appliquent à tous les lots. Toutefois, dans le cas de marchés de travaux, les entités adjudicatrices peuvent déroger à l'application du paragraphe 1 pour des lots dont la valeur estimée hors TVA est inférieure à 1 000 000 d'écus, pour autant que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur de l'ensemble des lots.

...

13. Les entités adjudicatrices ne peuvent pas contourner l'application de la présente directive en scindant les marchés ou en utilisant des modalités particulières de calcul de la valeur des marchés."

7 L'article 20, paragraphe 1, de la directive prévoit que les entités adjudicatrices peuvent choisir d'appliquer la procédure ouverte, la procédure restreinte ou la procédure négociée "pour autant que, sous réserve du paragraphe 2, une mise en concurrence ait été effectuée en vertu de l'article 21".

8 L'article 21, paragraphes 1 et 5, de la directive dispose:

"1. Dans le cas des marchés de fournitures, travaux ou services, la mise en concurrence peut être effectuée:

a) au moyen d'un avis établi conformément à l'annexe XII partie A, B ou C

b) au moyen d'un avis périodique indicatif établi conformément à l'annexe XIV

c) au moyen d'un avis sur l'existence d'un système de qualification établi conformément à l'annexe XIII.

...

5. Les avis visés au présent article sont publiés au Journal officiel des Communautés européennes."

9 L'article 24, paragraphes 1 et 2, de la directive prévoit:

"1. Les entités adjudicatrices qui ont passé un marché, ou organisé un concours, communiquent à la Commission, dans un délai de deux mois après la passation de ce marché et dans des conditions à définir par la Commission, conformément à la procédure définie à l'article 40, les résultats de la procédure de passation du marché au moyen d'un avis établi conformément à l'annexe XV ou à l'annexe XVIII.

2. Les informations fournies à l'annexe XV titre I, ou à l'annexe XVIII, sont publiées au Journal officiel des Communautés européennes...."

10 L'article 25, paragraphes 1 et 5, de la directive énonce:

"1. Les entités adjudicatrices doivent être en mesure de fournir la preuve de la date d'envoi des avis prévus aux articles 20 à 24.

...

5. Les marchés ou concours pour lesquels un avis est publié au Journal officiel des Communautés européennes en vertu de l'article 21 paragraphe 1 ou paragraphe 4 ne doivent pas être publiés, par tout autre moyen, avant la date d'envoi de cet avis à l'Office des publications officielles des Communautés européennes. Cette publication ne doit pas contenir de renseignements autres que ceux qui sont publiés au Journal officiel des Communautés européennes."

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