La lettre juridique n°737 du 5 avril 2018 : Voies d'exécution

[Chronique] Chronique de procédures civiles d'exécution - Avril 2018

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N3447BXX

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par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice, et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon

le 05 Avril 2018

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique de procédures civiles d'exécution réalisée par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon, co-directeurs scientifiques de l’Ouvrage "Voies d'exécution", retraçant l'essentiel de l'actualité juridique en matière de procédures civiles d'exécution. Dans cette nouvelle chronique, les auteurs s'intéressent à la procédure applicable devant le juge de l'exécution et à l'office de cette juridiction (I) ainsi qu'aux procédures d'astreinte (II), de saisie-vente (III) et de saisie immobilière (IV). I - Le juge de l'exécution

1° La communication par voie électronique s'applique aux procédures de saisie immobilière devant le juge de l'exécution (Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 16-25.462, F-P+B N° Lexbase : A0516XG9 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1307EUX)

L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 1er mars 2018 doit retenir l'attention, dans le prolongement des chantiers de la justice civile qui prônent la généralisation de la communication par voie électronique et de la dématérialisation des procédures. Sur des poursuites à fin de saisie immobilière, un jugement d'orientation d'un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien immobilier et fixé la date de la vente. Après qu'un appel a été formé contre ce jugement, la banque a sollicité le report de la date de l'audience de vente forcée par la voie du réseau privé virtuel des avocats (RPVA), mais ce message n'a pas été transmis au juge de l'exécution au motif que la convention sur la communication électronique signée entre le barreau de Lorient et le tribunal de grande instance de Lorient n'incluait pas dans son périmètre les saisies immobilières. Le commandement valant saisie immobilière a donc été déclaré caduc.

Le pourvoi soulevait la question de la régularité du recours à la communication par voie électronique devant le juge de l'exécution, particulièrement dans le cadre des saisies immobilières. La lecture des textes relatifs à la communication par voie électronique ne permet pas toujours d'en définir l'exacte étendue, d'autant que les articles 748-1 (N° Lexbase : L0378IG4) et suivants du Code de procédure civile ainsi que l'arrêté du 7 avril 2009, relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux de grande instance (N° Lexbase : L0193IEU) applicable aux tribunaux de grande instance ont été complétés par la signature de nombreux protocoles entre les barreaux et les juridictions concernées ! En l'espèce d'ailleurs, la convention sur la communication électronique n'incluait pas expressément dans son périmètre les saisies immobilières. La Cour de cassation rappelle, au visa des articles R. 311-6 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2392ITR), 748-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8588IAC) et 1er de l'arrêté du 7 avril 2009, que les envois, remises et notifications des actes de procédure peuvent être effectués par voie électronique dès lors que les conditions prévues par le dispositif législatif sont remplies. L'arrêté du 7 avril 2009 permet la communication par voie électronique entre avocats ou entre un avocat et la juridiction dans les procédures devant le tribunal de grande instance sans exclure aucune procédure. En conséquence, l'avocat de l'une des parties intéressées pouvait adresser valablement sa demande de report d'audience de vente forcée et ses pièces par la voie du réseau privé virtuel des avocats (RPVA), et ce dépôt de conclusions de report ne permettait pas de décider la caducité du commandement valant saisie immobilière. La Cour de cassation a déjà précisé l'absence de valeur normative des protocoles relatifs à la communication électronique dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 19 octobre 2017 (Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-24.234, F -P+B N° Lexbase : A4653WWA), à propos d'une déclaration d'appel formée par communication électronique, refusée aux motifs que le message n'était pas conforme aux exigences de la convention relative à la communication électronique ("sans le message structuré, votre enregistrement ne pourra aboutir") et que cette déclaration d'appel n'étant pas conforme au protocole mis en place avec le barreau de Nantes, ce refus était conforme à l'article 5 de la convention passée avec ce barreau. La Cour de cassation précise que la régularité de la transmission par la voie électronique d'une déclaration d'appel formée contre un jugement rendu en matière d'expropriation s'apprécie au regard des seules dispositions des articles 748-1 et suivants du Code de procédure civile et de l'arrêté pris en application de ces articles par le Garde des Sceaux le 5 mai 2010. Cela ne signifie pas que les protocoles soient dépourvus d'intérêt : ils permettent de mettre en place de bonnes pratiques, et de sécuriser les relations par voie électronique. Mais s'ils peuvent contenir des précisions extralégales, ils ne peuvent en aucun cas sanctionner par des "refus" "rejets" ou autres "irrecevabilités" une remise ou un envoi qui ne répond pas à une des exigences conventionnelles.

Natalie Fricero

2° Le juge de l'exécution a le pouvoir d'annuler une transaction homologuée qui sert de fondement à une procédure civile d'exécution, et celui de l'interpréter en cas d'ambiguïté (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-19.184, FS-P+B N° Lexbase : A5895WTI ; cf. l''Encyclopédie "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M)

L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 28 septembre 2017 est d'un grand intérêt dans le cadre du développement actuel des modes amiables de résolution des différends. Tout processus amiable peut donner lieu à un accord sous forme de transaction soumise aux dispositions des articles 2044 (N° Lexbase : L2431LBN) et suivants du Code civil. Un tel accord peut intervenir hors de toute procédure, en cours d'instance et même après le prononcé d'un jugement. La transaction est un contrat spécial : elle a la force obligatoire (C. civ., art. 1103 N° Lexbase : L0822KZH) et interdit la poursuite ou l'introduction d'une instance entre les mêmes parties ayant le même objet (C. civ., art. 2052 N° Lexbase : L2430LBM). Mais, pour avoir la force exécutoire, la transaction doit être homologuée (C. pr. civ., art. 1567 N° Lexbase : L1241IZY) : seul le juge peut par son imperium, autoriser le recours à des voies d'exécution forcée. En l'espèce, l'accord transactionnel avait été homologué par une ordonnance du conseiller de la mise en état passée en force de chose jugée qui avait en outre constaté le désistement. Lorsque la transaction est homologuée, elle constitue un titre exécutoire par application de l'article L. 111-3-1° du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2593LBN) (Cass. civ. 2, 27 mai 2004, n° 02-18.542, FS-P+B N° Lexbase : A5136DC9). La banque créancière avait fait délivrer un commandement à fin de saisie-vente à la caution solidaire sur le fondement de ce titre exécutoire. La caution saisit alors le juge de l'exécution aux fins de voir prononcer la nullité et la rescision du protocole d'accord et annuler le commandement à fin de saisie -vente. Sur appel, la cour d'appel rejette la demande tendant à voir constater la nullité de l'accord transactionnel ainsi que celles visant à faire constater l'absence de titre exécutoire et la nullité du commandement à fin de saisie-vente, en retenant que l'ordonnance du conseiller de la mise en état est passée en force de chose jugée, ce qui a pour effet d'interdire toute appréciation de la validité de la transaction par le juge de l'exécution. L'arrêt de la Cour de cassation est rendu au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) selon lequel le JEX connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires ), ensemble l'article 480, alinéa 1, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6594H7D) précisant les jugements auxquels est attribuée l'autorité de la chose jugée) : "l'homologation d'un accord transactionnel qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution". La portée de l'homologation d'une transaction est ainsi précisée : elle confère la force exécutoire à l'accord sans que le juge statue sur la validité du titre. A cet égard, l'article 1565 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8380IRS) rappelle que le juge homologateur ne peut pas modifier la teneur de l'accord et qu'il statue sans débat. Certes, le juge peut entendre les parties, mais les observations qu'elles pourraient formuler lui permettraient uniquement de statuer sur la question de l'homologation. Si les parties entendent contester la régularité de l'accord homologué, elles doivent introduire une instance au fond devant le juge compétent pour statuer sur la matière objet de l'accord, conformément au droit commun des contrats ou des dispositions particulières applicables : le consentement d'une partie peut avoir été vicié, une condition de régularité de l'accord peut avoir été méconnue. Peu importe que l'ordonnance du conseiller de la mise en état homologuant l'acte ait acquis force de chose jugée : la décision ne fait que trancher la question de l'homologation (conformité de l'acte à l'ordre public, régularité formelle, Cass. civ. 2, 26 mai 2011, n° 06-19.527, FS-P+B N° Lexbase : A8840HS9) "lorsque le président du tribunal de grande instance statue en application de l'article 1441-4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6405H7D), sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne peut porter que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l'ordre public et aux bonnes moeurs ; qu'ayant retenu que la transaction litigieuse constituait effectivement une transaction, signée par les parties et présentant toutes les apparences de la régularité formelle, et qu'elle était conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs"...) mais non celle de la validité de l'accord.

La compétence du juge de l'exécution pour statuer sur la validité du titre exécutoire qui sert de fondement à des poursuites est admise depuis 2009 (Cass. civ. 2, 18 juin 2009, n° 08-12.760, FS-P+B N° Lexbase : A2973EIX ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution " N° Lexbase : E8242E8R, Bull. civ. II, n° 165), pourvu que ce titre ne soit pas un jugement (Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-23.022, F-P+B N° Lexbase : A0739MKL, Bull. civ. I, n° 64) et qu'une procédure civile d'exécution ait été introduite (COJ, art. L. 213-6 N° Lexbase : L4833IRG). En l'espèce, c'est la transaction qui servait de fondement aux poursuites, et non le jugement d'homologation qui ne constituait pas le titre exécutoire. Comme en l'état actuel des textes et de la jurisprudence, l'ordonnance d'homologation a pour seul effet de conférer force exécutoire à l'accord et ne "purge" pas les irrégularités éventuelles affectant la transaction, le juge de l'exécution était compétent pour statuer sur son annulation.

Dans le prolongement de cette jurisprudence, on peut mentionner un autre arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 1er février 2018 (Cass. civ. 2, 1er février 2018, n° 16-21.400, F-D N° Lexbase : A4813XCA) qui accorde logiquement au JEX le pouvoir d'interpréter une transaction homologuée par le président du tribunal. Un commandement à fin de saisie-vente avait été délivré sur le fondement d'un protocole d'accord transactionnel homologué par une ordonnance du président du tribunal de grande instance ; l'intéressé avait saisi le juge de l'exécution en nullité de ce commandement en se fondant sur les articles L. 111-2 (N° Lexbase : L5790IRU) et L. 111-6 (N° Lexbase : L5794IRZ) du Code des procédures civiles d'exécution. Or, il résulte de l'article L. 221-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5851IR7) qui traite de la saisie-vente que "tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier". Le titre exécutoire doit répondre à ces exigences pour servir de fondement à une saisie-vente, même s'il s'agit d'une transaction rendue exécutoire par l'homologation du président du tribunal de grande instance. La créance est liquide lorsque le titre exécutoire contient des éléments suffisamment précis pour permettre au juge de l'exécution d'en déterminer le montant. Or, en l'espèce, le protocole transactionnel était ambigu sur ce point : le juge de l'exécution comme la cour d'appel pouvaient donc interpréter les termes ambigus et en déduire que cette transaction, fût-elle homologuée par le président du tribunal de grande instance, ne constatait pas une créance liquide et exigible et ne pouvait donc servir de fondement à la saisie-vente litigieuse.

Natalie Fricero

3° Portée du désistement du créancier poursuivant sur la compétence du JEX en matière de saisie immobilière (Cass. civ. 2, 11 janvier 2018, n° 16-22.829, F-P N° Lexbase : A1936XAX ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0286E9H)

Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG), le "juge de l'exécution connaît [...] de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit", à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. En application de ces dispositions, il est en principe compétent pour statuer sur les contestations nées de la procédure de saisie immobilière et présentées à titre reconventionnel. La question se pose néanmoins de savoir ce qu'il advient de cette compétence juridictionnelle lorsque le demandeur déclare ultérieurement se désister de l'instance qu'il a initiée. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation y répond opportunément dans un arrêt du 11 janvier 2018.

Dans cette affaire, une banque fait délivrer un commandement valant saisie immobilière à un couple de débiteurs. Assignés devant le juge de l'exécution compétent à fin de vente forcée de leur bien immobilier, ces derniers sollicitent -à titre reconventionnel - dudit juge qu'il constate la prescription de la créance litigieuse et de l'action en paiement de la banque (conclusions datant du 30 mars 2015). Un peu plus d'un mois plus tard (le 4 mai 2015), ladite banque dépose des conclusions de désistement. Par la suite, les débiteurs demandent au juge de l'exécution de juger recevables et bien fondées leurs demandes reconventionnelles ainsi formées (conclusions datant du 5 août 2015). Cependant, ils n'obtiendront pas gain de cause. L'arrêt de la cour d'appel donne acte à la banque créancière de ce qu'elle se désiste de la procédure de saisie et déclare les débiteurs irrecevables à prétendre faire juger leurs demandes reconventionnelles. En effet, pour cette juridiction d'appel, en raison de ce désistement, le juge de l'exécution, dont la procédure de saisie immobilière "est l'unique objet de l'intervention et l'unique support de la compétence exclusive", perd toute compétence pour statuer sur les demandes nées de cette procédure.

Les débiteurs forment un pourvoi en cassation et développent une argumentation ayant trait notamment (1) au défaut de perfection du désistement. Prenant appui sur les articles 394 (N° Lexbase : L6495H7P) et 395 (N° Lexbase : L6496H7Q) du Code de procédure civile, ils considèrent que le désistement n'est parfait et ne met un terme à l'instance que par l'acceptation du défendeur, lorsque celui-ci a présenté une défense au fond, une fin de non-recevoir ou une demande reconventionnelle au moment où le demandeur se désiste. Or, dans leurs conclusions du 5 août 2015, tout en acceptant partiellement le désistement, ils ont maintenu leurs demandes reconventionnelles. Bien que séduisante, cette argumentation n'a pas été retenue par la Cour de cassation.

Les Hauts magistrats rejettent le pourvoi, en considérant que la cour d'appel a exactement retenu que "dès lors que le créancier avait déclaré par conclusions écrites se désister de la procédure de saisie immobilière qu'il avait engagée, le juge de l'exécution n'était plus compétent pour trancher les contestations qui avaient été élevées à l'occasion de celle-ci ni pour statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s'y rapportant". Ainsi, le désistement de la banque a retiré au juge de l'exécution sa compétence pour statuer sur les demandes reconventionnelles. On note que la Cour de cassation raisonne seulement sur le terrain de la compétence matérielle du juge de l'exécution et non, à proprement parler, sur celui de la perfection du désistement ainsi qu'elle était invitée à le faire par les demandeurs au pourvoi. Dans l'attente d'autres arrêts plus explicites sur ce point, le régime potentiellement dérogatoire de la procédure de saisie immobilière au regard des règles générales dégagées dans les articles 394 et 395 du Code de procédure civile ne peut être appréhendé qu'avec prudence. Quoi qu'il en soit, si les débiteurs souhaitent voir judiciairement constatées la prescription de la créance et l'action en paiement de la banque, ils devront s'adresser au juge du fond compétent.

4° Absence d'obligation pour le JEX de relever d'office la prescription du titre servant de fondement à une saisie immobilière (Cass. civ. 2, 11 janvier 2018, n° 16-22.829, F-P N° Lexbase : A1936XAX ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0286E9H)

Dans le déroulement de la procédure de saisie immobilière, la nécessaire tenue de l'audience d'orientation constitue une étape charnière. Elle permet au juge de l'exécution de contrôler la régularité de la première phase de cette procédure. Conformément aux dispositions de l'article R. 322-15 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2434ITC), cette audience a un triple objet. Avant de statuer sur les modalités de poursuites de la procédure (vente amiable ou vente forcée), le juge de l'exécution doit non seulement examiner les éventuelles contestations et demandes incidentes formées par le débiteur saisi ou les tiers inscrits, mais également vérifier d'office si plusieurs conditions de fond -visées aux articles L. 311-2 (N° Lexbase : L5866IRP), L. 311-4 (N° Lexbase : L5868IRR) et L. 311-6 de ce même code (N° Lexbase : L5870IRT)- sont réunies. Parmi ces conditions, figure notamment celle suivant laquelle le créancier souhaitant mettre en oeuvre une procédure de saisie immobilière doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Dans son arrêt du 11 janvier 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte d'utiles précisions sur l'office du juge de l'exécution à l'égard de la prescription pouvant s'appliquer à un tel titre exécutoire.

Dans ce litige opposant une banque à un couple de débiteurs, la première a diligenté une procédure de saisie immobilière à l'encontre des seconds. Faute pour ces derniers de se rendre à l'audience d'orientation ou d'y être représentés, un jugement d'orientation -réputé contradictoire (2)- est rendu à leur encontre et la vente forcée du bien saisi, ordonnée. Le débiteur (3) interjette appel de ce jugement, tirant argument de la prescription biennale applicable aux actions en paiement engagées en matière de crédit immobilier (4). Débouté, il forme alors un pourvoi en cassation, faisant grief à l'arrêt attaqué de le déclarer irrecevable en ses contestations et demandes incidentes et d'avoir confirmé le jugement de première instance. Selon lui, en ne relevant pas que la prescription du titre servant de fondement à la saisie était acquise, la cour d'appel a méconnu les articles R. 322-15 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2434ITC) et R. 632-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0942K9R) (5).

La Cour de cassation ne fait pas sienne cette argumentation et rejette le pourvoi au moyen d'un raisonnement en deux temps. Tout d'abord -et c'est là le principal apport de l'arrêt-, si le juge de l'exécution est effectivement tenu de vérifier que le créancier poursuivant dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (C. proc. civ., d'exécution, art. R. 322-15 N° Lexbase : L2434ITC), les Hauts magistrats considèrent que cela ne signifie pas pour autant que ce juge a l'obligation de relever d'office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites. Ensuite, reproduisant en cela les dispositions de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2391ITQ), ils ajoutent qu'"à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 (N° Lexbase : L2434ITC) à moins qu'elle porte sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci". Or, ainsi que l'a jugé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mars 2010 (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-13.312, FS-P+B+I N° Lexbase : A1841ETD ; cf. l’Ouvrage N° Lexbase : E9537E8Q) (6), en application de ces dispositions (7), doivent être déclarées d'office irrecevables les contestations formées pour la première fois en cause d'appel, qui ont été présentées par le débiteur saisi après l'audience d'orientation à laquelle il n'a pas comparu, et qui ne portent pas sur des actes postérieurs à cette audience (8). En application de cette jurisprudence, la contestation fondée sur la prescription du titre servant de fondement aux poursuites était donc tardive et, partant, irrecevable.

Guillaume Payan

II - L'astreinte

5° Détermination du point de départ de l'astreinte (Cass. civ. 2, 1er février 2018, n° 17-11.321, F-P+B N° Lexbase : A4728XC4 ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8338E8C)

On le sait, l'astreinte est une mesure qui permet d'exercer une pression financière sur le débiteur afin qu'il procède volontairement à l'exécution d'une décision de justice. Son régime juridique est détaillé, dans le Code des procédures civiles d'exécution, au sein d'un chapitre unique inséré dans un titre consacré à "la prévention des difficultés d'exécution" (C. proc. civ. d'exécution, art. L. 131-1 N° Lexbase : L5815IRS et s. ; art. R. 131-1 N° Lexbase : L2179ITU et s.). Il y est notamment question de la détermination de son point de départ. A ce propos, l'article R. 131-1 de ce code énonce, dans son premier alinéa, que l'"astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire". Et cet article de se poursuivre, dans un second alinéa, en précisant qu'elle peut toutefois "prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire". En dépit de l'apparente clarté de ces dispositions, la fixation de la date de prise d'effet de l'astreinte fait l'objet d'un important contentieux. L'arrêt prononcé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 1er février 2018, en est une nouvelle illustration.

En l'espèce, deux sociétés sont condamnées -par un conseil de prud'hommes- à remettre, à une ancienne salariée, plusieurs documents sous astreinte passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement. Cette condamnation n'ayant pas été respectée, cette dernière obtient du juge de l'exécution compétent la liquidation de l'astreinte à un certain montant. Cette décision est toutefois infirmée par la cour d'appel, au motif que l'astreinte litigieuse n'avait pas pu courir à l'encontre des sociétés débitrices, faute pour le jugement du conseil de prud'hommes d'avoir été signifié. La créancière forme alors un pourvoi en cassation au soutien duquel elle rappelle que de tels jugements sont notifiés par le greffe de la juridiction (C. trav., R. 1454-26 N° Lexbase : L6683LEA) et qu'il convenait, en conséquence, de retenir la date de cette notification comme point de départ de l'astreinte. Son argumentation ne sera cependant pas couronnée de succès.

S'appuyant sur les dispositions de l'article R. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution, les Hauts magistrats considèrent qu'après avoir relevé que "l'astreinte accessoire à la condamnation est expressément soumise par le dispositif du jugement en ce qui concerne son point de départ, à la formalité particulière de la signification par acte d'huissier de justice", la cour d'appel a pu exactement retenir "que si le jugement est exécutoire pour le paiement de sommes et la remise de documents sociaux dès sa notification par le greffe, en l'absence de signification, l'astreinte n'avait pas couru". A l'inverse, il est permis de considérer que dans l'hypothèse où la décision qui ordonne cette mesure n'en fixe pas le point de départ, l'astreinte court à compter du jour de la notification -assurée par le greffe- de la décision du conseil de prud'hommes portant obligation (à rapprocher de Cass. civ. 2, 23 juin 2005, n° 03-16.851, FS-P+B N° Lexbase : A8085DIB, Bull. civ. II n° 171, p. 153).

Guillaume Payan

III - La saisie-vente

6° La signification régulière du jugement réputé contradictoire dans les six mois de sa date empêche le prononcé de la nullité du commandement de payer à fin de saisie-vente (Cass. civ. 2, 1er février 2018, n° 16-13.120, F-D N° Lexbase : A4851XCN)

L'article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B) prévoit que le jugement réputé contradictoire (ou le jugement par défaut) doit être signifié dans les 6 mois de sa date à peine d'être réputé non avenu. Si un commandement valant saisie est délivré sur le fondement d'un jugement non avenu, le JEX peut être saisi de l'incident, constater le non avenu et prononcer la nullité du commandement. C'est dans ce contexte qu'a été rendu l'arrêt de la deuxième chambre civile du 1er février 2018. Le créancier avait fait procéder à la signification du jugement, mais le débiteur saisi prétendait que cette signification était nulle, ce qui lui permettait d'en déduire le caractère non avenu du jugement et de solliciter l'annulation par voie de conséquence du commandement (la nouvelle signification valablement effectuée était intervenue au-delà du délai de six mois prévu par l'article 478 du Code de procédure civile s'agissant d'une décision réputée contradictoire). Le pourvoi critiquait la cour d'appel en ce qu'elle avait admis la régularité de la signification par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier de justice (C. pr. civ., art. 656 N° Lexbase : L6825H7W). L'huissier de justice qui ne parvient pas à faire une signification à personne doit accomplir toutes les diligences utiles pour contrôler qu'il s'est bien rendu au domicile de l'intéressé, et il doit mentionner ces diligences dans l'acte de signification. La jurisprudence se révèle rigoureuse avec les professionnels. Or, en l'espèce, il résultait du procès-verbal de signification que le caractère certain du domicile avait été vérifié par différents éléments, à savoir, l'inscription du nom de l'intéressé sur le tableau des résidents, l'inscription du nom de l'intéressé sur la boîte aux lettres n° [...] et la confirmation du voisinage. Il n'existait aucune raison apparente de douter de la réalité de la domiciliation et partant, de procéder à des investigations complémentaires. Comme le clerc significateur ignorait l'éventuel lieu de travail du destinataire et qu'il n'avait pas pu obtenir sur place des indications lui permettant de rencontrer l'intéressé, la signification accomplie sur le fondement de l'article 656 du Code de procédure civile a été jugée régulière. Le jugement réputé contradictoire n'était donc pas non avenu, et le commandement valant saisie pouvait produire ses effets.

Nathalie Fricero

IV - La saisie immobilière

7° Conséquences de l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière sur son effet interruptif de prescription (Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 16-25.746, F-P +B N° Lexbase : A0577XGH ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9922ETN)

L'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 1er mars 2018 concerne les conséquences de l'annulation d'un commandement de payer valant saisie immobilière sur son effet interruptif de prescription.

En l'espèce, une banque accorde un prêt immobilier à un de ses clients. L'emprunteur ne respectant pas les échéances, l'établissement bancaire lui fait délivrer en mai 2010 un commandement de payer valant saisie immobilière, lequel commandement est par la suite -par un arrêt de novembre 2011- annulé en raison de l'imprécision du décompte de créance qu'il comporte. La banque fait alors délivrer à l'encontre de son débiteur un commandement à fin de saisie-vente en juillet 2012 et fait pratiquer, en août de cette même année, une saisie-attribution. Ledit débiteur conteste la validité de ces différents actes et mesures devant le juge de l'exécution compétent. Selon lui, la créance dont la banque poursuit l'exécution est prescrite par le jeu de la prescription biennale régie par l'ancien article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) (devenu depuis l'article L. 218-2 de ce même code N° Lexbase : L1585K7T) applicable au prêt litigieux. Cependant, il est débouté de sa demande tant en première instance, qu'en appel.

Contrairement à ce que soutient le débiteur, les juges du fond considèrent que le commandement de payer valant saisie immobilière a conservé son effet interruptif de prescription jusqu'à l'arrêt de novembre 2011 qui en prononce l'annulation. Pour parvenir à cette solution, les juges du fond appliquent, aux actes d'exécution forcée, les dispositions du second alinéa de l'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9). Or, il résulte de ces dispositions que la demande en justice interrompt le délai de prescription (ainsi que le délai de forclusion), y compris "lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure". Selon eux, "même si la précision n'est pas expressément reprise pour les actes d'exécution forcée, il serait illogique de pénaliser le créancier pour ses erreurs alors que l'on a précisément voulu l'en abriter pour l'introduction de la demande en justice".

La Cour de cassation, saisie du pourvoi du débiteur, ne fera pas sien le raisonnement par analogie retenu par les juges du fond. Au visa des articles 2241 et 2244 du Code civil, elle casse donc logiquement l'arrêt attaqué en disant pour droit que "les dispositions de l'article 2241, alinéa 2, du Code civil ne sont pas applicables aux actes d'exécution forcée, de sorte que l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière prive cet acte de son effet interruptif de prescription".

Assurément, le commandement valant saisie immobilière s'analyse comme un acte d'exécution forcée. En ce sens, il résulte de l'article R. 321-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2398ITY) que la "procédure d'exécution est engagée par la signification au débiteur [...] d'un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant". Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 2244 du Code civil, il n'est guère discutable qu'un tel acte interrompt le délai de prescription (9). Cependant, à défaut de précision étendant cet effet interruptif aux actes frappés de nullité en raison d'un vice de procédure, la portée de cette disposition est conditionnée par la validité de l'acte. C'est du moins l'enseignement qu'il convient de retenir du présent arrêt.

Cette solution, parfaitement justifiée au regard de la lettre des articles 2241 et 2244 du Code civil, doit attirer l'attention des créanciers et de leurs représentants sur l'importance qu'il y a d'observer la plus grande rigueur lors de la rédaction des commandements de payer aux fins de saisie immobilière, particulièrement lorsque la créance est soumise à la -courte- prescription de l'article L. 218-2 du Code de la consommation.

Il est à souligner que, dans un arrêt du 10 juillet 2014 (Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-15.511, FS-P+B+I, N° Lexbase : A3176MU8, Bull. civ. I, n° 138), la première chambre civile de la Cour de cassation avait déjà jugé que l'annulation du commandement valant saisie immobilière le privait de tout effet interruptif de prescription. Cependant, dans un arrêt inédit postérieur, elle avait pris le contrepied de cette solution dans une affaire où ledit commandement avait été annulé pour défaut de pouvoir régulièrement délégué à l'établissement bancaire ayant engagé la procédure de saisie immobilière (Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-23.736, F-D N° Lexbase : A5197NUZ). Le présent arrêt prononcé par la deuxième chambre civile vient ainsi minimiser la portée de cette jurisprudence divergente.

Guillaume Payan

8° Portée de l'effet interruptif de la prescription attachée à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation (Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 17-11.238, F-P+B N° Lexbase : A0629XGE ; cf. l''Encyclopédie "Procédure civile" N° Lexbase : E9922ETN)

Dans l'arrêt du 1er mars 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est -de nouveau- amenée à clarifier la portée des dispositions du Code civil ayant trait aux causes d'interruption de la prescription, à l'occasion de la mise en oeuvre d'une procédure de saisie immobilière.

Cette affaire -qui a donné lieu à une procédure assez complexe- a pour origine un litige opposant une banque à des emprunteurs. Se prévalant d'une copie exécutoire d'un acte notarié de prêt consenti à ces derniers, ladite banque leur fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, lequel commandement est publié le 28 mars 2008. Dans un jugement d'orientation daté du 16 octobre 2008, les débiteurs obtiennent du juge de l'exécution qu'il constate la nullité des poursuites du fait de la prescription de l'action. Ce jugement est néanmoins infirmé par un arrêt -rendu sur renvoi après cassation le 15 septembre 2011 et signifié le 28 septembre de cette même année- dans lequel non seulement est rejetée la fin de non-recevoir prise de la prescription, mais également est retenue la créance de la banque pour un certain montant et ordonnée la vente forcée de l'immeuble saisi. Un pourvoi est formé contre cet arrêt infirmatif, mais il est déclaré non-admis par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 6 décembre 2002, n° 11-26.314). Par la suite, dans un jugement du 25 juillet 2013, un juge de l'exécution constate la péremption du commandement publié le 28 mars 2008 et ordonne la mainlevée de la saisie immobilière. Cela conduit la banque créancière, d'une part, à faire délivrer -le 15 novembre 2013- un nouveau commandement valant saisie immobilière et, d'autre part, à interjeter appel du jugement d'orientation (du 25 juillet 2013) ayant constaté la prescription de la créance et ordonné la mainlevée de la saisie.

Dans l'arrêt confirmatif d'appel attaqué, la cour d'appel juge tardives les nouvelles poursuites initiées par le (second) commandement délivré le 15 novembre 2013. Au soutien de cette solution, les conseillers d'appel retiennent que l'effet interruptif de la prescription attaché par l'article 2242 du Code civil à l'exercice d'une action en justice cesse à compter du jour où "le litige trouve sa solution". Ils fixent ce jour à la date de la signification du premier arrêt d'appel (prononcé 15 septembre 2011), soit le 28 septembre 2011. Or, si l'on considère que le délai de prescription biennale de l'article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T) -applicable en l'espèce- a recommencé à courir dès cette date, on ne peut que constater le caractère tardif des nouvelles poursuites.

Saisie par la banque, la Cour de cassation casse cependant l'arrêt attaqué au visa de l'article 2242 du Code civil (N° Lexbase : L7180IA8). Pour ce faire, elle retient l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive au commandement valant saisie immobilière du 28 mars 2008 (commandement initial). Pour les Hauts magistrats, "en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation", cet effet interruptif a produit ses effets "jusqu'à l'extinction de l'instance introduite par cette assignation, laquelle résultait du jugement du 25 juillet 2013 ayant constaté la péremption de ce commandement". En suivant ce raisonnement, les nouvelles poursuites initiées par le (second) commandement délivré le 15 novembre 2013 s'inscrivent pleinement dans le délai biennal de prescription prévu par l'article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T).

On note que la Cour de cassation prend soin d'expressément subordonner la solution retenue à la condition que le commandement (initial) du 28 mai 2008 n'ait pas été anéanti. En ce sens, ce commandement était atteint de "péremption" (car il n'a pas été mentionné en marge de sa publication, dans les deux ans de celle-ci, un jugement constatant la vente du bien saisi : C. proc. civ. d'exécution, art. R. 321-20 N° Lexbase : L2417ITP et s.) et a conservé, dès lors, son effet interruptif. Il en serait allé autrement si ce commandement avait été annulé (adde, Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 16-25.746, F-P+B, analysé supra).

Guillaume Payan

9° L'irrecevabilité des contestations et demandes incidentes après l'audience d'orientation, y compris en appel (Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 17-11.806, F-D N° Lexbase : A0454XGW)

L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 1er mars 2018 met en évidence la spécificité de la procédure de saisie immobilière, particulièrement en ce qui concerne les possibilités très encadrées de contester la régularité de la procédure ou de soulever une demande incidente. L'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2391ITQ), instaurant un principe de concentration, précise qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 (N° Lexbase : L2434ITC). Lorsqu'un appel est ouvert, l'article 563 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6716H7U) permet aux parties d'invoquer des moyens nouveaux, de produire de nouvelles pièces de proposer de nouvelles preuves pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises aux premiers juges. En l'espèce, la question se posait de savoir si l'article 563 permettait à l'appelant de formuler une nouvelle contestation sur le fondement de l'article 563 du Code de procédure civile, contrairement à la lettre de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution. Devant le juge de l'exécution, à l'audience d'orientation, la partie saisie avait sollicité l'annulation du commandement de payer en faisant valoir qu'il avait été délivré en vertu d'un acte dépourvu de caractère exécutoire. Devant la cour d'appel, la même partie, appelante, avait demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il avait refusé la demande d'annulation, et en faisant valoir un nouveau moyen, à savoir que le commandement était nul en l'absence de notification préalable de la déchéance du terme. Or, ce moyen nouveau n'avait pas été régulièrement présenté devant le juge de l'exécution à l'audience d'orientation. Il avait donc été déclaré irrecevable sur le fondement de l'article R 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution. La Cour de cassation approuve cette motivation : "attendu qu'en application de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution, qui est exclusif de l'application de l'article 563 du Code de procédure civile, aucun moyen de fait ou de droit ne peut être formulé pour la première fois devant la cour d'appel à l'appui d'une contestation des poursuites"... La solution peut paraître sévère, mais elle résulte d'une jurisprudence traditionnelle qui considère qu'aucun moyen de fait ou de droit ne peut être formulé pour la première fois devant la cour d'appel (Cass. civ. 2, 25 juin 2015, n° 14-18.967, FS-P+B N° Lexbase : A9863NLU). Toute contestation soulevée après l'audience d'orientation est irrecevable, et cette règle spécifique de concentration des contestations et demandes incidentes prime le droit commun de l'appel.

Dans la même décision du 1er mars 2018 la Cour de cassation rappelle que la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T) (ancien art L. 137-2 N° Lexbase : L7231IA3) s'applique aux seuls consommateurs, lesquels sont nécessairement des personnes physiques. Comme en l'espèce la débitrice était une personne morale (le prêt pour l'acquisition d'un immeuble avait été consenti à une SCI), la cour d'appel avait exactement déduit que la prescription biennale n'était pas applicable. Certes, en l'espèce, la société civile immobilière avait un caractère familial et le prêt concernait le seul financement du logement de la famille, mais la notion de consommateur est incompatible avec l'existence d'une personne morale...

10° La requête établie sur support papier demandant au premier président de la cour d'appel de fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité est recevable (Cass. civ. 2, 7 décembre 2017, n° 16-19.336, F-P+B+I N° Lexbase : A6749W4Q ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9552E8B)

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 décembre 2017 permet de définir le domaine de la communication par voie électronique en cas d'appel d'un jugement d'orientation. L'article R. 322-19, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2438ITH) dispose que "l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril". La question se posait en l'espèce de savoir si l'appel était recevable, l'appelant ayant remis au greffe une requête établie sur support papier demandant au premier président de la cour d'appel de fixer le jour auquel l'affaire devait être appelée par priorité... La Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir déclaré l'appel recevable : "Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9) que seuls les actes de procédure destinés à la cour d'appel doivent être remis par la voie électronique ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu la validité de la remise au greffe de la requête établie sur support papier demandant au premier président de la cour d'appel de fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité, et a, en conséquence, dit l'appel recevable". Pour des raisons techniques et budgétaires, la mise en place de la communication par voie électronique comme celle de la dématérialisation des procédures sont progressives. De ce fait, il est parfois malaisé de savoir si le support papier permet encore de communiquer avec les juridictions ! L'évolution des dispositions relatives à la communication par voie électronique devant la cour d'appel en constitue une illustration topique.

L'article 930-1, alinéa 1er, du Code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Cet article est issu de l'article 5 du décret du 9 décembre 2009, qui n'a été déclaré applicable dans un premier temps qu'aux déclarations d'appel, constitutions d'avoués et déclarations d'appel et conclusions du ministère public afférentes aux appels formés à compter du 1er janvier 2011, le texte ne s'appliquant aux autres actes comme les conclusions des parties ou aux autres actes mentionnés à l'article 930-1 (avis, avertissements, ou convocations adressés aux avocats des parties) qu'à compter de la date fixée par l'arrêté du 30 mars 2011, soit au 1er septembre 2011 et au plus tard au 1er janvier 2013, date à laquelle la communication électronique était généralisée et devenait obligatoire. Néanmoins, les diverses procédures impliquant une remise, et notamment les différentes formes de requête, au nombre desquelles figure la requête au président aux fins d'être autorisé à faire appel à jour fixe, ne sont pas visées à l'arrêté du 30 mars 2011 consolidé au 1er janvier 2013 : peut-on en déduire que la remise d'une requête peut valablement être faite sur support papier ? La procédure d'appel du jugement d'orientation se déroulait en l'espèce devant la cour d'appel de Versailles qui examine la teneur du protocole de procédure sur la communication électronique signé avec le barreau. Elle constate que la convention signée le 31 août 2015 entre la cour d'appel de Versailles et les barreaux du ressort ainsi que le barreau de Paris, applicable à l'instance, cite en son article 4.2 intitulé "La communication électronique en matière civile", une liste en dix points des services "ComCI CA/e-barreau" par types d'actes et pièces, qui ne vise ni les requêtes émanant des parties, ni les ordonnances rendues sur ces requêtes par les juridictions civiles. Elle observe par ailleurs que "les ordonnances rendues sur requête en vue d'assigner à jour fixe présentent la particularité d'être exécutoires sur minute ce qui impose au greffe, tant que le système de la signature électronique n'aura pas été mis en place au plan local ou au plan national, de notifier l'ordonnance autorisant à assigner par simple dépôt de la minute en case de l'avocat requérant, la réciprocité des échanges recherchée par la convention du 30 août 2015 sur la communication électronique passée entre la cour d'appel et les avocats des quatre barreaux de la cour ainsi que celui de Paris n'étant ainsi pas assurée ". La cour d'appel en conclut que "la généralisation totale de la communication électronique devant les cours d'appel n'est pas encore parfaite, même si elle est en devenir" et que "en l'état, la présentation d'une requête aux fins d'assigner à jour fixe, notamment en matière de saisie immobilière comme en l'espèce, sur support papier par remise au greffe demeure possible, au moins tant que la réciprocité des échanges électroniques n'est pas assurée en ce qui concerne ce type d'acte". On ne saurait mieux juger en attendant une généralisation légale de la communication par voie électronique à toutes les juridictions et toutes les procédures.

Natalie Fricero


(1) Parallèlement, ils se fondent sur les dispositions de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) afin de justifier que le juge de l'exécution, valablement saisi par la banque de la procédure de saisie immobilière, demeure compétent pour trancher les contestations nées de cette procédure, quand bien même le demandeur se serait désisté de sa demande.
(2) C. pr. civ., art. 473, al. 2 (N° Lexbase : L6585H7Z).
(3) Qui agit, pour l'occasion, en son nom et en sa qualité d'héritier de son épouse.
(4) C. consom., art. L. 218-2 (N° Lexbase : L1585K7T).
(5) Cet article reconnaît aux juges compétents la possibilité de relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
(6) Bull. civ. II, 2010, n° 55 ; Dr. et procéd. 2010, p. 189, obs. A. Leborgne.
(7) Ou, plus précisément, en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 (N° Lexbase : L7779ITB) qui l'a précédé.
(8) Adde, Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n°17-11.806, analysé infra.
(9) Notons que la portée de cet article n'est pas circonscrite aux "mesures conservatoires" et aux "actes d'exécution forcée" stricto sensu. En ce sens, il a notamment été jugé -au visa de l'article 2244 du Code civil ainsi que des articles L. 221-1 et R. 221-5 du Code des procédures civiles d'exécution- que "le commandement aux fins de saisie-vente qui, sans être un acte d'exécution forcée, engage la mesure d'exécution forcée, interrompt la prescription de la créance qu'elle tend à recouvrer" (Cass. civ. 2, 13 mai 2015, n° 14-16.025, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8787NHW, Bull. civ. 2015 n° 5, II, n°113 ; Procédures 2015, comm. 222, obs. L. Raschel)

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