Le Quotidien du 3 février 2023

Le Quotidien

Peines

[Brèves] Bracelet anti-rapprochement, modalité d'exécution du sursis probatoire : quelle application dans le temps ?

Réf. : Cass. crim., 25 janvier 2023, n° 22-82.432, FS-B N° Lexbase : A06429AZ

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N4232BZR

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par Adélaïde Léon

Le 02 Février 2023

► Les dispositions issues de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 permettant l’ajout par le JAP de l’obligation de porter le dispositif mobile dans le cadre d’un sursis probatoire, modalité d’exécution de celui-ci, relèvent de l’article 112-3 du Code pénal et, puisqu’elles ont pour résultat d’aggraver la situation du condamné, ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées pour des faits commis avant leur entrée en vigueur.

Rappel de la procédure. Le 17 septembre 2019, un individu était condamné par le tribunal correctionnel à dix-huit mois d’emprisonnement, dont cinq mois assortis d’un sursis probatoire, pour violences aggravées en récidive et menace de mort par conjoint.

Le 2 juin 2021, le même individu était condamné à dix-huit mois d’emprisonnement pour violences aggravées en récidive commise sur la personne d’un tiers s‘interposant alors qu’il s’en prenait à sa conjointe. Les juges ont écarté la révocation du sursis probatoire prononcé précédemment, laquelle avait été requise.

Le 20 décembre 2021, le procureur de la République a requis le juge de l’application des peines (JAP) d’ajouter, à la mesure de sursis probatoire imposée à l’intéressé, l’interdiction de paraître dans les lieux habituellement fréquentés par son ancienne conjointe, contrôlée par un dispositif électronique mobile anti-rapprochement pour une durée de six mois.

Le 21 janvier 2022, le JAP n’a pas fait droit auxdites réquisitions. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre d’application des peines a refusé d’ajouter l’obligation de porter un bracelet anti-rapprochement dans le cadre de la peine d’emprisonnement assortie du sursis probatoire prononcée le 17 septembre 2019. Pour motiver son refus, la cour d’appel souligne que les faits concernés ont été commis avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 N° Lexbase : L2114LUT ayant permis la mise en place de ce dispositif, laquelle a eu pour effet de rendre plus sévère la peine prononcée. Selon la cour d’appel, l’obligation de porter un bracelet ne pouvait être imposée que dans l’hypothèse où une révocation du sursis probatoire pouvait être envisagée.

En l’espèce, l’intéressé avait bien commis une nouvelle infraction après l’entrée en vigueur de la loi précitée et pendant le délai d’épreuve du sursis probatoire prononcé le 17 septembre 2019. Mais, la cour d’appel qui l’a sanctionnée a écarté la révocation de ce dernier par décision devenue définitive.

L’intéressé n’ayant commis aucune nouvelle infraction ni manquement à ses obligations susceptibles d’entraîner la révocation du sursis probatoire la cour d’appel valide la solution du premier juge ayant refusé d’ajouter l’obligation demandée.

Le procureur général a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’application des peines.

Moyens du pourvoi. Selon le procureur général, la possibilité de soumettre le condamné au port d’un bracelet, plutôt que d’ordonner la révocation du sursis, ne devait pas être considérée comme une aggravation de la peine.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi.

La Haute juridiction affirme tout d’abord que la chambre de l’application des peines a retenu à tort que l’obligation de porter un bracelet anti-rapprochement pouvait être imposée, dans le cadre d’un sursis probatoire prononcé pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi instituant le dispositif du bracelet, lorsque la révocation du sursis probatoire peut être envisagée.

Toutefois, la Cour estime que l’arrêt d’appel n’encourt pas la censure puisque les articles  132-45, 18° bis N° Lexbase : L7640LPN et 132-45-1 N° Lexbase : L2980LUW du Code pénal, tel qu'issus de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, combinés à l'article 739 du Code de procédure pénale, permettent l’ajout par le JAP de l’obligation de porter le dispositif mobile dans le cadre d’un sursis probatoire, modalité d’exécution de celui-ci, et relèvent de l’article 112-2, 3° du Code pénal N° Lexbase : L0454DZT. Puisque ces dispositions ont pour résultat d’aggraver la situation du condamné, elles ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées pour des faits commis avant leur entrée en vigueur.

La Chambre criminelle avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’application dans le temps du dispositif anti-rapprochement dans un avis de septembre 2021, au terme duquel elle avait conclu que les dispositions des articles 132-45, 18° bis et 132-45-1 du Code pénal, issues de la loi de 2019, lorsqu’elles permettent l’aménagement d’une peine ’emprisonnement en cours d’exécution, relèvent de l’article 112-2, 3° du Code pénal et n’ont pas pour résultat d’aggraver la situation du condamné.

La Haute juridiction statue ici sur l’hypothèse de l’ajout de l’obligation de porter un bracelet dans le cadre d’un sursis probatoire, modalité d’exécution dudit sursis.

Pour aller plus loin :

  • A. Léon, Application dans le temps du dispositif anti-rapprochement : la Chambre criminelle rend son avis, Lexbase Pénal, octobre 2021 N° Lexbase : N8973BYY ;
  • A.-L. Lonné-Clément et A. Léon, Dispositif électronique mobile anti-rapprochement : publication du décret de mise en œuvre, Le Quotidien, Lexbase, 25 octobre 2020 N° Lexbase : N4644BYN.

newsid:484232

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Impossibilité de s’inscrire à un barreau pour un avocat ivoirien pour défaut de réciprocité au bénéfice des avocats français

Réf. : CA Fort-de-France, 6 janvier 2023, n° 22/00302 N° Lexbase : A156289Q

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N4188BZ7

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par Marie Le Guerroué

Le 02 Février 2023

► La condition de réciprocité exigée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 n'étant pas remplie, il n'y a pas lieu d'inscrire un avocat ivoirien au tableau d'un Ordre des avocats français.

Faits et procédure. Le conseil de l'Ordre du barreau de Martinique avait décidé d'inscrire un avocat de nationalité ivoirienne au tableau de l'Ordre des avocats de Martinique à compter de la date de sa prestation de serment. Le procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France, qui avait reçu notification de la décision, a déposé un recours.

Textes. La cour d’appel de Fort-de-France rappelle les textes applicables. L'article 11, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, dispose que nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il ne remplit les conditions suivantes : 1° Être français, ressortissant d'un État membre des communautés européennes ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un État ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France, sous réserve des décisions de conseil de l'Union européenne relatives à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cet article ne pose pas une condition de nationalité mais de réciprocité pour les ressortissants d'un État ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union ou à l'Espace économique européen.

L'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire, du 24 avril 1961, dispose que les avocats inscrits au barreau de Côte d'Ivoire pourront assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions françaises, tant au cours des mesures d 'instruction qu'à l'audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits aux barreaux français. À titre de réciprocité, les avocats inscrits aux barreaux français pourront assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions ivoiriennes, tant au cours des mesures d'instruction qu'à l'audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits au barreau de Côte d'Ivoire. L'alinéa 2 de l'article prévoit que, toutefois, l'avocat qui use de la faculté d'assister ou de représenter les parties devant une juridiction de l'autre État devra, pour la réception de toutes notifications prévues par la loi, faire élection de domicile chez un avocat dudit État.

Réponse de la CA. La cour relève que cet article permet aux avocats de chacun des deux pays d'intervenir devant les juridictions nationales de l'un et de l'autre. Cependant, il ne prévoit pas que les ressortissants d'un des deux États puissent s'inscrire dans un barreau de l'autre pays.. En effet, il n'est pas établi que des avocats français ont pu être inscrits au barreau de Côte d'Ivoire, aucune pièce de nature à établir ce fait n'ayant été versée aux débats. La condition de réciprocité exigée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 n'est pas présente. Il n'y a ainsi pas lieu d'inscrire l’avocat ivoirien au tableau de l'Ordre des avocats de Martinique (v. déjà CA Paris, 2-1, 26 janvier 2017, n° 16/15764 N° Lexbase : A6167TAN).

Infirmation. La décision du conseil de l'Ordre des avocats de Martinique est donc infirmée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les passerelles d'accès à la profession d'avocat, L'inscription au tableau des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse, in La profession d’avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33593RT.

 

newsid:484188

Contentieux de la Sécurité sociale

[Brèves] Action subrogatoire d’une caisse de Sécurité sociale : impossibilité de constitution de partie civile, droit réservé aux victimes

Réf. : Cass. crim., 31 janvier 2023, n° 22-82.917, F-B N° Lexbase : A60339AP

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par Laïla Bedja

Le 22 Février 2023

► Lorsqu'elles exercent l'action subrogatoire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1, alinéa 9, du Code de la Sécurité sociale rappelées dans le cadre d'une procédure pénale, l'intervention des caisses de Sécurité sociale est fondée uniquement sur l'action accordée à la victime de l'infraction par le Code de procédure pénale ; à cette occasion, elles ne formulent donc pas des demandes indemnitaires en réparation d'un dommage dont elles ont personnellement souffert et qui a été directement causé par l'infraction, mais cherchent à obtenir des auteurs de celle-ci le remboursement des prestations qu'elles ont versées à leurs assurés ; elles ne peuvent dès lors se constituer partie civile, droit réservé aux victimes.

Les faits et procédure. À la suite d’un accident de la circulation, le tribunal correctionnel a condamné M. X, notamment, pour blessures involontaires avec incapacité et a prononcé les intérêts sur le civil. La caisse primaire d’assurance maladie est intervenue à la procédure.

En appel, les juges du fond ont déclaré recevable la constitution de partie civile de la caisse et condamné le conducteur au paiement d’une certaine somme, à titre d’indemnité provisionnelle au titre des prestations qu’elle a servies à la victime.

Un pourvoi en cassation a alors été formé contestant la recevabilité de constitution de partie civile de la caisse primaire d’assurance maladie.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. En déclarant recevable la constitution de partie civile, la cour d’appel a violé les articles 2 N° Lexbase : L9908IQZ et 418 N° Lexbase : L3825AZP du Code de procédure pénale et L. 376-1, alinéa 9, du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8870LHY. La Cour de cassation rappelle que la caisse ne peut exercer l’action civile que par la voie de l’intervention (v. notamment : Cass. crim., 18 septembre 2007, n° 07-80.347, F-P+F N° Lexbase : A6663DYG).

Pour aller plus loin : P. de Combles de Nayves, ÉTUDE : L'exercice de l'action civile, L’exercice de l'action civile par voie d'intervention, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E19553BZ, spéc. Mise en cause des civilement responsables.

newsid:484234

Contrats et obligations

[Brèves] Convention d’assistance bénévole : assistance spontanée ou sollicitée, peu importe

Réf. : Cass. civ. 1, 18 janvier 2023, n° 20-18.114, F-B N° Lexbase : A605988W

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N4179BZS

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 02 Février 2023

► La convention d’assistance bénévole peut être caractérisée, que l’aide apportée ait été spontanée ou ait été sollicitée, comme cela avait été le cas en l’espèce.

La convention d’assistance bénévole fait régulièrement l’objet d’arrêt, le dernier en date publié ne remonte pas à plus d’un an (Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-20.331 N° Lexbase : A42177HN), et chemin faisant, les précisions se multiplient.

Question. Peut-on caractériser une telle convention lorsque l’assistance est sollicitée et non spontanée ? Telle était la question ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 18 janvier 2022, où le gérant d’une société avait sollicité l’aide de deux de ses salariés pour ramasser des pommes dans son verger, opération au cours de laquelle l’un d’eux s’était blessé. Point de convention d’assistance bénévole pour la cour d’appel faute d’assistance spontanée (CA Nancy, 26 mai 2020, n° 18/02734 N° Lexbase : A12373PI).

Solution. L’arrêt est cassé au visa de l’article 1101 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la réforme N° Lexbase : L1190ABP (« Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose »). Concis, le principe dégagé par la Haute juridiction tient en peu de mots : « dans une convention d’assistance bénévole, l’assistance peut être spontanément apportée par l’assistant ou sollicitée par l’assisté ». La Cour de cassation tranche une question qui n’avait jusque là jamais été tranchée aussi clairement, précisant ainsi les conditions pour caractériser une convention d’assistance bénévole : peu importe que l’assistance ait été sollicitée ou ait été spontanée.

C’est ainsi en faveur d’une conception extensive qu’opte la Cour de cassation, ouvrant ainsi à l’assisté le droit d’obtenir réparation (sur la question, v. récemment sur les questions de responsabilité : Cass. civ. 1, 5 mai 2021, n° 19-20.579, F-P N° Lexbase : A96824QN, v. H. Conte, Lexbase Droit privé, n° 868, 10 juin 2021 N° Lexbase : N7848BYC).  

newsid:484179

Contrat de travail

[Brèves] Les chauffeurs Uber sont des salariés

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2023, n° 21-11.273, F-D N° Lexbase : A44209AX

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N4196BZG

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par Lisa Poinsot

Le 01 Février 2023

Les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ;

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ;

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

Faits et procédure. Contractuellement lié à la société Uber BV par la signature d’un formulaire d’enregistrement de partenariat et enregistré au répertoire Sirene en tant qu’indépendant, un chauffeur exerce son activité de transport de voyageurs par taxis en recourant à la plateforme numérique Uber.

Toutefois, la société Uber BV suspend son compte pendant 2 semaines au motif d’un taux d’annulation très élevé de ses courses avant de le réactiver.

Le chauffeur saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber BV en contrat de travail.

La cour d’appel  (CA Lyon, 15 janvier 2021, n° 19/08056 N° Lexbase : A63364CN) retient, tout d’abord, que certaines dispositions du contrat pourraient s’apparenter à l’exercice d’un pouvoir de directive de la société Uber sur les chauffeurs :

  • celles relatives à la mise en place d’un itinéraire défini ;
  • celles relatives à l’obligation pour les chauffeurs de prendre 6 heures de pause lorsqu’ils ont accumulé 10 heures de conduite, à la préconisation au chauffeur ;
  • celles relatives à l’obligation pour les chauffeurs d’attendre au moins 10 minutes qu’un utilisateur se présente sur le lieu convenu ;
  • celles relatives à l’engagement du chauffeur de ne pas contacter les utilisateurs ou d’utiliser leurs données personnelles, sauf à réserver toutefois l’hypothèse où ils seraient d’accord ;
  • celles relatives à l’obligation de ne pas transporter d’autre personne que l’utilisateur et à s’engager à ce que tous les utilisateurs soient transportés directement vers leur destination convenue, sans interruptions ou arrêts non autorisés ;
  • celles relatives à l’engagement du chauffeur de s’abstenir d’afficher des noms ou logos sur son véhicule ou de s’abstenir de porter un uniforme ou autre tenue vestimentaire à l’effigie ou aux couleurs d’Uber.

Néanmoins, ces dispositions du contrat pourraient s’apparenter à la préconisation de règles qui relèvent plus de la fixation d’un cahier des charges destiné à garantir la qualité et la sécurité d’une prestation plutôt que de la mise en œuvre de directives formelles et précises caractérisant le pouvoir de direction.

Ensuite, la cour d’appel retient que la mention d’un tarif utilisateur fixé au moyen des algorithmes de la plateforme et sur lequel le chauffeur n’a aucune prise n’est que la conséquence découlant de la politique tarifaire de la société. En outre, cette situation n’est pas différente de celle découlant de la relation entre un franchisé et un franchiseur ou dans le cadre d’une location gérance où il peut être parfaitement imposé une politique tarifaire et la possibilité pour la société Uber d’ajuster le tarif, notamment si le chauffeur choisi un itinéraire inefficace.

Enfin, les juges du fond retiennent que la désactivation du compte du chauffeur pendant deux semaines ne résulte pas de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire de la société dès lors que le chauffeur a la possibilité de revenir en ligne dès qu’il le souhaite en cliquant sur un bouton.

Sur ce point, ils relèvent que la société Uber possède cette faculté de déconnexion temporaire ou définitive en vertu des conditions générales. Ils considèrent que cet élément non discuté par la société Uber, s’il peut certes constituer un indice de l’exercice d’un pouvoir de disciplinaire par un employeur, s’assimile tout aussi bien à la faculté d’un acteur économique de rompre ses relations avec son co-contractant au motif qu’il n’aurait pas respecté les termes de leur convention. Cet élément est alors insuffisant à caractériser de manière incontestable l’exercice d’un pouvoir disciplinaire.

En conséquence, la cour d’appel dit que le chauffeur n’est pas lié par un contrat de travail à la société Uber et le déboute de ses demandes.

Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement de l’article L. 8221-6 du Code du travail N° Lexbase : L8160KGC, prévoyant une présomption de non-salariat en faveur des personnes immatriculées au RCS, et de la définition jurisprudentielle du lien de subordination.

La Haute juridiction considère que les éléments relevés par les juges du fond caractérisent l’existence d’un pouvoir de direction, d'un pouvoir de contrôle de l’exécution de la prestation ainsi que d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, élément caractérisant un lien de subordination.

Pour aller plus loin :

newsid:484196

Droit des étrangers

[Brèves] Rappel des règles applicables à une demande d’asile formée en France par une personne qui s’est déjà vu reconnaître une protection internationale de la part d’un autre État

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 460094, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A20499A7

Lecture: 2 min

N4198BZI

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par Yann Le Foll

Le 02 Février 2023

► Une personne s'étant déjà vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire dans un État membre de l'UE, peut, dès lors qu’elle a été admise au séjour en France, y déposer une demande d'asile avec obligation pour l'OFPRA de l'examiner, y compris lorsqu'une première demande d'asile a été rejetée antérieurement à l'admission au séjour. 

Faits. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté comme irrecevables les demandes d'asile présentées par des ressortissants syriens, par des décisions du 26 avril 2016, au motif que les autorités espagnoles leur avaient reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire en 2014. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté, le 15 décembre 2016, leurs recours formés contre ces décisions. Après avoir été admis au séjour en France le 1er décembre 2017, les intéressés ont présenté des demandes de réexamen de leurs demandes d'asile, qui ont été rejetées par l'OFPRA le 8 juillet 2020. Par des décisions du 26 mars 2021 contre lesquelles ils se pourvoient en cassation, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions.

Position CNDA. Pour rejeter les demandes, la CNDA s'est bornée à relever qu'ils n'apportaient aucun élément ou fait nouveau justifiant de la cessation de la protection subsidiaire qui leur avait été accordée en Espagne, ou démontrant son caractère ineffectif.

Décision CE. En statuant ainsi, alors que le maintien du bénéfice de la protection subsidiaire reconnu par un État tiers ne faisait pas obstacle au réexamen de leurs demandes d'asile dès lors qu'ils avaient été admis au séjour en France, la Cour a commis une erreur de droit (reprise de CE, 17 juin 2015, n° 369021 N° Lexbase : A5357NLY, en l'étendant ici au cas où une première demande d'asile aurait été rejetée antérieurement à l'admission au séjour).

Conclusions. Le rapporteur public Philippe Ranquet précisait dans ses conclusions : « nous ne nous voyons pas pourquoi la réserve de l’admission au séjour, une fois celle-ci posée, bénéficierait seulement aux demandes initiales. Au contraire, quand une demande a été rejetée à raison de la protection assurée par un autre État et que l’intéressé se voit ensuite admis au séjour, cela nous semble constituer par excellence un fait nouveau de nature à permettre que son cas soit réexaminé ».

newsid:484198

Représentation du personnel

[Brèves] Contrôle du juge sur l’accord collectif fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein du CSE

Réf. : Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-15.371, FS-B+R N° Lexbase : A01989BX

Lecture: 2 min

N4231BZQ

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par Charlotte Moronval

Le 08 Février 2023

► Les signataires d'un accord d'entreprise sont libres de déterminer les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise, à la condition toutefois qu'ils soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés.

Faits et procédure. Une compagnie aérienne signe avec un ensemble de syndicats un accord d’entreprise relatif à la mise en place des CSE d'établissement et du CSE central d'entreprise. Cet accord prévoit la division de l’entreprise en 7 établissements, dont un établissement dénommé « Exploitation aérienne », regroupant la direction générale des opérations aériennes, laquelle assure la gestion des pilotes, et la direction générale service en vol, compétente pour la gestion des personnels navigants commerciaux et des personnels commerciaux sédentaires.

Le syndicat des pilotes de la compagnie aérienne saisit la juridiction prud’homale pour demander l’annulation de cet accord. Il sollicite également la reconnaissance d'un établissement distinct ne comprenant que le personnel navigant technique.

La cour d’appel (CA Paris, 6-2, 18 février 2021, n° 19/14084 N° Lexbase : A69564H4) le déboute de ses demandes. Le syndicat des pilotes forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

L’arrêt de la cour d’appel ayant énoncé que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux est confirmé.

Pour aller plus loin :

  • lire la notice relative à l’arrêt ;
  • à rappr. dernièrement de : Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 21-19.551, FS-B+R N° Lexbase : A49598ZP ;
  • sur ce sujet, lire E. Peskine, L’établissement distinct dans la jurisprudence de la Cour de cassation : bref état des lieux, Lexbase Social, juin 2022, n° 912 N° Lexbase : N1994BZU ;
  • v. ÉTUDE : Les conditions de mise en place du comité social et économique, La détermination du périmètre de mise en place du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9046ZQ4.

 

newsid:484231

Sociétés

[Brèves] Pacte d’actionnaires : le contrat conclu pour la durée de vie de la société ne constitue pas un engagement perpétuel

Réf. : Cass. civ. 1, 25 janvier 2023, n° 19-25.478, FS-B N° Lexbase : A06569AK

Lecture: 3 min

N4153BZT

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par Perrine Cathalo

Le 01 Février 2023

► La prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.

Faits et procédure. Par acte du 30 janvier 2010, les actionnaires d’une SAS ont conclu un pacte d’actionnaires qui prévoit des dispositions devant immédiatement régir la vie de la société et les actes des actionnaires.

Par acte du 23 février 2017, deux actionnaires ont notifié la résolution unilatérale du contrat.

Un troisième actionnaire les a assignés afin qu’il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en œuvre de manière abusive et qu’elle était irrégulière et inefficace.

Par décision du 17 octobre 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 17 octobre 2019, n° 18/15518 N° Lexbase : A4730ZRM) a déclaré régulière la résiliation du pacte d’actionnaires du 30 janvier 2010 aux motifs que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était une durée excessive assimilable à une durée indéterminée.  

L’actionnaire a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 N° Lexbase : L1234ABC, et 1838 du Code civil N° Lexbase : L2009ABZ, de la combinaison desquels il résulte que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.

Partant de ce principe, les juges de la Cour de cassation rejettent le raisonnement de la cour d’appel, qui a jugé que les parties étaient habilitées à résilier le pacte d’actionnaires litigieux à tout moment en ce sens que la durée du contrat, conclu pour la durée de la société, soit une durée de 99 ans renouvelable, confisquait autrement toute possibilité réelle de fin de pacte pour les actionnaires.

La première chambre civile rejette ensuite le pourvoi incident formé par deux sociétés venant aux droits d’un actionnaire de la SAS en matière de succession.

Observations. En jugeant que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, non seulement la Haute juridiction valide la pratique consistant à renvoyer, dans un pacte extrastatutaire, à la durée de vie de la société, mais encore elle marque une véritable distinction de régime juridique entre le pacte d’actionnaire conclu pour une durée déterminée et celui conclu pour une durée indéterminée :

  • le contrat conclu pour une durée déterminée échappe à la prohibition des engagements perpétuels et ne peut pas être résilié unilatéralement par les parties, quand bien même sa durée est identique à celle de la vie de la société (CA Paris, 5-16, 15 décembre 2020, n° 20/00220 N° Lexbase : A7916393, v. V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 662 N° Lexbase : N6152BYI) ;
  • le contrat conclu pour une durée indéterminée peut quant à lui être résilié à tout moment par la volonté unilatérale des actionnaires (Cass. com., 6 novembre 2007, n° 07-10.620, FS-D N° Lexbase : A4290DZW, CA Paris, 3-B, 15 décembre 2006, n° 06/18133 N° Lexbase : A0202DUZ).

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les pactes d'actionnaires, La durée du pacte d'actionnaires, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E9418AGW.

 

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