La lettre juridique n°851 du 21 janvier 2021 : Sociétés

[Brèves] Pacte d’actionnaires : étendue et pleine efficacité de l’engagement conclu pour la durée de la société

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 16ème ch., 15 décembre 2020, n° 20/00220 (N° Lexbase : A7916393)

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N6152BYI

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par Vincent Téchené

le 20 Janvier 2021

► Est à durée déterminée et ne peut donc pas faire l’objet d’une résiliation unilatérale, un pacte d'actionnaires conclu pour la durée de la société, la prorogation éventuelle de la société ne pouvant avoir pour effet d'entraîner la prorogation du pacte et la durée du pacte ne pouvant être assimilée à un engagement perpétuel, alors notamment qu’il faisait partie d'un ensemble conventionnel prévoyant un mécanisme de vente forcée de l'intégralité des actions détenues par l'une des parties au plus tard sept années après leur acquisition ;

En outre, le pacte d'actionnaires ayant été conclu aux fins de donner à l'actionnaire bénéficiant du droit à l'information des garanties sur la valeur de sa participation dans la société et la preuve d'un abus de droit n'étant pas rapportée, la caducité du pacte et la demande de l'un des actionnaires d'être déchargé de son obligation d'information au titre du pacte doivent être rejetées.

Faits et procédure. Le directeur de la création d’une importante maison de couture et une société créée par ce dernier pour l'exploitation de ses droits commerciaux, d'une part, et la maison de couture et sa société mère, d'autre part, ont conclu diverses conventions organisant leurs relations, dont un pacte d'actionnaires. À la suite du départ du créateur, puis de son engagement auprès d'un concurrent, plusieurs procédures ont été initiées. Plus spécifiquement, estimant la résiliation du pacte d'actionnaires irrégulière et abusive, la société gérant l’exploitation des droits commerciaux du célèbre couturier a assigné en référé la holding de la maison de couture, pour qu'il lui soit enjoint de poursuivre l'exécution du pacte jusqu'à son terme. Puis, la holding a saisi au fond le tribunal de commerce de Paris pour faire juger valable la résiliation du pacte d'actionnaires, à effet au 30 juin 2016, date à laquelle les relations entre la maison de couture et son créateur ont cessé.

Décision. La Chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris devait se prononcer sur deux points : la validité de la résiliation du pacte et la caducité de ce dernier.

  • Sur la résiliation du pacte d’actionnaires 

En ce qui concerne la résiliation du pacte, les parties s'opposaient sur la stipulation d'un terme de nature à conférer au pacte d'actionnaires la qualité de contrat à durée déterminée. La cour relève que le pacte d’actionnaires a été conclu pour la durée de la société. En outre, il est prévu que « le pacte se terminera de plein droit et par anticipation [...] à l'égard de tout actionnaire ayant cessé de détenir directement ou indirectement une ou des actions de la société […] ».

Ainsi, pour les juges, à la date de résiliation du pacte, la société du créateur étant encore actionnaire de la maison de couture, cette situation n'autorisait pas la mise en oeuvre de la cessation de plein droit du pacte. Par ailleurs, il s'induit de la stipulation expresse d'une clause de durée dans le pacte et de sa référence à la durée de la société, qui est affectée du terme de 99 ans, que les parties ont bien entendu appliquer un terme précis à leurs engagements au titre du pacte d'actionnaires, ce qui est conforté par la rédaction du pacte en ce qu'il vise la fin « anticipée », dont les conditions sont parfaitement déterminées. De plus, la prorogation éventuelle de la société ne peut avoir pour effet d'entraîner la prorogation du pacte d'actionnaires, dès lors notamment que les parties au pacte ne l'ont pas expressément prévu.
Enfin, le pacte d'actionnaires fait partie d'un ensemble conventionnel cohérent comportant un document intitulé « annexe participation », qui prévoit qu'une fois la mission du créateur arrivée à son terme, l'intégralité des lots d'actions devra être revendu suivant un calendrier précis et au plus tard sept années après l'acquisition du dernier lot. Il en résulte, selon les juges, que cela constitue un terme, que la durée du pacte est précise et déterminée et ne peut en aucun cas être assimilée à un engagement perpétuel au seul motif que la durée de la société serait de 99 années.

La cour précise, en outre, que la durée de 99 ans n'apparaît pas excessive s'agissant d'actionnaires, personnes morales, de sorte que c'est à tort qu’il est soutenu qu'une telle durée contreviendrait à la prohibition des engagements perpétuels.

Dès lors, pour les juges d’appel, le pacte litigieux est un contrat à durée déterminée.

Observations. On rappellera que la stipulation d'un délai n'est pas une condition de validité du pacte d’actionnaires (Cass. civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-20.673 N° Lexbase : A5333ATP). Ainsi, il a déjà été retenu qu’un pacte prévoyant seulement que ses dispositions « s'appliqueront aussi longtemps que [les parties] ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires » n'est affecté d'aucun terme et est donc à durée indéterminée, de sorte qu’il peut être résilié unilatéralement par l’un des cocontractants (Cass. com., 6 novembre 2007, n° 07-10.620, FS-D N° Lexbase : A4290DZW ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 15 décembre 2006, n° 06/18133 N° Lexbase : A0202DUZ)

  • Sur la caducité du pacte d'actionnaires et l’abus de droit

La société holding soutenait à titre subsidiaire que le pacte d'actionnaires est devenu caduc dès la décision du créateur de ne pas renouveler le contrat de conseil et du désengagement concomitant de sa société du capital social de la maison de couture, matérialisant la disparition de l'affectio societatis, élément essentiel du pacte d'actionnaires. Ainsi, elle reproche au créateur et à sa société de vouloir obtenir des informations confidentielles en exécution du pacte d'actionnaires, alors qu'ils sont entièrement dépourvus d'affectio societatis à l'égard de la société.

La cour d’appel rejette cette demande et donne pleine efficacité au pacte. Selon elle, le droit renforcé à l'information organisé par le pacte d'actionnaires trouve une justification supplémentaire dans le schéma de rémunération mis en place dans le contrat de conseil. Ainsi, la conclusion du pacte d'actionnaires se comprend essentiellement comme ayant été conclu au bénéfice de la société du créateur pour lui permettre d'optimiser la valeur de sa participation dans la société. En outre, il n'est pas établi que les parties aient souhaité que le sort du pacte d'actionnaires dépende de celui du contrat de conseil. En effet, aucune stipulation contractuelle n'a été convenue à cet effet, et la fin du contrat de conseil ne rend techniquement pas impossible l'exécution du pacte d'actionnaires.

Enfin, la cour retient qu’à défaut pour la holding de rapporter la preuve d'un détournement par la société du créateur de la finalité de son droit à l'information, et notamment de son exercice dans l'intention de lui nuire, elle est déboutée de cette demande.

À noter. Dans cette importante affaire, un autre contentieux relatif à l’engagement de non-concurrence qui liait les parties opposait ces dernières. Un arrêt de la Chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris, également rendu le 15 décembre 2020, a statué sur cette question (CA Paris, Pôle 5, 16ème ch., 15 décembre 2020, n° 20/00218 N° Lexbase : A775939A ; lire N° Lexbase : N6154BYL).

Pour aller plus loin : v. Étude : Les pactes d'actionnaires, La durée du pacte d'actionnaire, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E7619EQA).

 

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