La lettre juridique n°851 du 21 janvier 2021 : Construction

[Brèves] Ne pas confondre réception et livraison pour apprécier le caractère apparent du désordre dans le cadre d’une VEFA

Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-21.130, FS-P+R (N° Lexbase : A73024CG)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 21 Janvier 2021

► L’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents ;
► le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et non en celle de l’accédant à la propriété au jour de la réception.

L’accédant à la propriété, dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, dispose de plusieurs voies de recours à l’encontre du promoteur, en fonction du caractère apparent ou non du désordre. La qualification est déterminante puisque les différentes actions n’obéissent pas aux mêmes prescriptions.

En application des articles 1642-1 (N° Lexbase : L8942IDK) et 1648 (N° Lexbase : L9212IDK) du Code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni dans un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des vices de construction apparent, étant précisé que l’action doit toutefois être exercée dans le court délai d’un an à compter de la date à laquelle l’acquéreur peut être déchargé des vices apparents.

L’accédant à la propriété devient, d’autre part, à compter de la livraison de son bien, bénéficiaire des actions fondées sur les dispositions des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil, c’est-à-dire du droit spécial de la responsabilité des constructeurs.

Il ressort, en effet, de l’article 1792 du Code civil que l’action en responsabilité décennale suit la chose et qu’elle se transmet aux acquéreurs successifs de l’ouvrage. Il ressort, également, de l’article 1792-1 du Code civil (N° Lexbase : L1921ABR) que le vendeur d’immeuble à construire est débiteur de la responsabilité décennale des constructeurs, comme cela est rappelé à l’article 1646-1 du Code civil (N° Lexbase : L1750ABG).

Cela ne signifie pas pour autant que les conditions de l’action en responsabilité décennale s’en trouvent modifiées. L’action suppose la démonstration d’un désordre caché à la réception, laquelle est définie par l’article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX) comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage. Ainsi, quel que soit l’acquéreur qui agit, le caractère apparent ou caché du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception des travaux.

L’arrêt est en cela confirmatif d’une jurisprudence éculée (pour exemple, Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-19.918, F-D N° Lexbase : A3162ZPS ; Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 15-24.379, FS-P+B N° Lexbase : A9068SGX ; Cass. civ. 3, 21 mars 2019, n° 17-28.021, FS-P+B+I N° Lexbase : A5064Y4C). C’est donc en la personne de celui qui signe matériellement la réception que doit être apprécié in concreto le caractère apparent ou caché du désordre (pour exemple encore, Cass. civ. 3, 27 septembre 2000, n° 98-21.397 N° Lexbase : A2667C4K, Constr. Urb. déc. 2000, p. 297). Il appartient donc au juge du fond de l’apprécier (Cass. civ. 3, 3 mai 2001, n° 00-10.021 N° Lexbase : A3324ATB).

L’enjeu est d’importance puisque, pour reprendre l’expression consacrée, la réserve purge le vice. Autrement dit, hormis le cas dans lequel le désordre se révèle dans sa gravité décennale après la réception, le caractère apparent du désordre empêche l’action sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

Tel était précisément le cas en l’espèce. Une SCI a fait construire, en vue de la vente d’appartements en l’état futur d’achèvement, une résidence comportant plusieurs bâtiments dont la réception est prononcée. L’assemblée générale des copropriétaires a autorisé le syndic à prendre livraison des parties communes. Par la suite, se plaignant de la persistance des désordres et non-finitions, le syndicat des copropriétaires (SDC) assigne le promoteur sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

La cour d’appel déclare l’action du SDC forclose. Les désordres relatifs au fonctionnement du portail d’entrée de la résidence, aux trappes de désenfumage, aux finitions de peintures, au carrelage ébréché etc., étaient apparents à la date de livraison, de sorte que l’action aurait dû être engagée dans le court délai de l’article 1648 précité.

La Haute juridiction censure. Le caractère apparent ou caché d’un désordre s’apprécie à la date de la réception, peu importe que le vice de construction ait été apparent à la date de prise de possession par l’acquéreur.

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