La lettre juridique n°914 du 14 juillet 2022

La lettre juridique - Édition n°914

Assurances

[Brèves] Prescription biennale en droit des assurances : toujours applicable, mais strictement appliquée !

Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2022, n° 21-11.601, F-B N° Lexbase : A05208AI

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N2194BZB

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 13 Juillet 2022

► Il résulte de l'article L. 114-1 du Code des assurances que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale qu'il prévoit :

  • cela suppose qu'elles mettent en cause les stipulations du contrat d'assurance ; l'action engagée contre l'assureur en qualité de civilement responsable, qui tend à la réparation d'agissements frauduleux de son mandataire, est dépourvue de lien avec les stipulations d'un contrat d'assurance, et n’entre donc pas dans le champ de la prescription biennale ;
  • le contrat de capitalisation n'est pas un contrat d'assurance ; l’action en responsabilité engagée contre l'assureur ayant remis de faux bons de capitalisation n’entre donc pas dans le champ de la prescription biennale.

Faits et procédure. En l’espèce, une femme, qui soutenait avoir souscrit, par l'intermédiaire d'un mandataire, divers contrats auprès de la société Gan capitalisation avait assigné cette dernière, et la société Gan venant à ses droits, afin d'ordonner une expertise judiciaire destinée à vérifier la validité des contrats d'épargne au porteur qu'elle détenait, à chiffrer le préjudice résultant de la fraude dont elle déclarait avoir été victime de la part de l’intermédiaire et à condamner la société Gan au paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article L. 511-1 du Code des assurances N° Lexbase : L3942LK9.

Elle avait, par la suite, assigné en paiement de dommages-intérêts les sociétés Allianz vie et Allianz France (les sociétés Allianz), venant aux droits de la société AGF, auprès de laquelle elle soutenait avoir souscrit d'autres contrats.

Décision CA. Pour déclarer irrecevable l'action de l’intéressée contre la société Gan, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 2, 5, 8 décembre 2020, n° 18/27798 N° Lexbase : A1868393), après avoir constaté qu’elle avait déposé au greffe, pour consultation, les originaux de plusieurs contrats de capitalisation, avait retenu qu'en l'espèce, la demanderesse avait recherché la responsabilité de la société Gan sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du Code des assurances et du mandat, en soutenant que l’intermédiaire lui avait remis des bons au porteur falsifiés et qu'il n'avait pas transmis à la société Gan les fonds qu'elle lui avait remis à charge de les verser sur l'un des contrats d'assurance-vie. La cour avait ajouté que l’intermédiaire avait reçu mandat de la société Gan aux fins notamment de développer la souscription des contrats de capitalisation de cette société, que des contrats d'épargne au porteur et d'assurance-vie avaient ainsi été souscrits entre 1994 et 2002, par son intermédiaire, par l’intéressée et pour le compte de sa fille, et que des experts désignés par la société Gan avaient confirmé que certains des bons qu'il avait délivrés étaient des faux.

La cour en avait déduit que l'action exercée, qui ne visait pas uniquement à obtenir l'indemnisation de préjudices invoqués du fait de la remise de faux bons de capitalisation, mais plus globalement à indemniser l'ensemble des actes fautifs attribués au mandataire, dérivait d'un contrat d'assurance au sens de l'article L. 114-1 du Code des assurances N° Lexbase : L2081MAC qui édictait une prescription biennale.

Cassation. Le raisonnement est censuré par la Cour suprême au visa de l’article L. 114-1 du Code des assurances, lequel dispose, rappelons-le, que « Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ». C’est donc par une lecture a contrario de ces dispositions (de surcroît strictement interprétées, v. infra), qu’elle en déduit que « seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale ».

On se souvient que la Cour de cassation, en décembre 2021, avait transmis au Conseil constitutionnel une QPC dénonçant le délai de prescription biennal posé par l’article L. 114-1 du Code des assurances, « alors que le délai de prescription de droit commun, prévu à l'article 2224 du Code civil, est de cinq ans, en sorte qu'il pourrait être considéré que la disposition contestée, d'une part, porte atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, d'autre part, instaure une rupture d'égalité entre les justiciables. En effet, ces assurés, comme les autres consommateurs, se trouvent placés en position de faiblesse à l'égard de leurs cocontractants professionnels. Par ailleurs, la différence ainsi instaurée ne paraît pas justifiée par un motif d'intérêt général ».

On se souvient encore que les Sages de la rue Montpensier, par une décision controversée, avaient cependant jugé de la conformité constitutionnelle de la prescription biennale du droit des assurances (Cons. const., décision n° 2021-957 QPC, du 17 décembre 2021 N° Lexbase : A52807GN ; v. Rodolphe Bigot et Amandine Cayol, Chronique du droit des assurances - Avril 2022, Lexbase Droit privé, n° 902, 14 avril 2022 N° Lexbase : N1091BZG).

Ainsi tenue d’appliquer les dispositions en cause, en attendant l’intervention du législateur (comme elle l’a appelé de ses vœux dans son rapport annuel de 2020 : Cour de cassation, Rapport annuel 2020, p. 44  : « La Cour de cassation suggère d’aligner le délai de prescription du droit des assurances sur le délai de droit commun afin que les assurés ne se laissent plus surprendre par la brièveté du délai de deux ans de la prescription, notamment parce qu’ils ne mesurent pas que les pourparlers avec l’assureur ne suspendent pas la prescription »), la Cour suprême, censure l’interprétation extensive retenue par la cour d’appel de Paris dans la présente affaire, en violation de l’article L. 114-1 précité, « dès lors d'une part, qu'elle constatait que certains des contrats en cause étaient des contrats de capitalisation, et non des contrats d'assurance, d'autre part, que l'action engagée contre l'assureur en qualité de civilement responsable, qui tendait à la réparation d'agissements frauduleux de son mandataire, était ainsi dépourvue de lien avec les stipulations d'un contrat d'assurance ».

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Avocats

[Focus] Un avocat peut-il échanger avec son client via Whatsapp ?

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N1991BZR

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par Éric Le Quellenec, avocat associé Simmons & Simmons LLP, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris

Le 13 Juillet 2022

Mots clés : messagerie instantanée • OTT • secret des correspondances • secret professionnel  • avocat  • RGPD

Whatsapp est d’accès facile et apprécié pour son ergonomie et son chiffrement des données de bout en bout. L’avocat communiquant son numéro de portable à ses clients, la généralisation de l’usage de Whatsapp est naturelle. Pourtant, Whatsapp a été la cible de pas moins de quatre autorités de contrôle européennes de protection des données à caractère personnel. La transparence des conditions d’utilisation, la sécurité et la confidentialité des échanges étant en jeu, la compatibilité de cet outil avec le secret professionnel de l’avocat est questionnable. Pour y répondre, il faut d’abord rappeler la nature technique de Whatsapp, opérateur d’un service de communication, avant d’envisager sa conformité


 

Whatsapp est d’accès facile et apprécié pour son ergonomie et son chiffrement des données de bout en bout. L’avocat communiquant son numéro de portable à ses clients, la généralisation de l’usage de Whatsapp est naturelle. Pourtant, Whatsapp a été la cible de pas moins de quatre autorités de contrôle européennes de protection des données à caractère personnel. La transparence des conditions d’utilisation, la sécurité et la confidentialité des échanges étant en jeu, la compatibilité de cet outil avec le secret professionnel de l’avocat est questionnable. Pour y répondre, il faut d’abord rappeler la nature technique de Whatsapp, opérateur d’un service de communication, avant d’envisager sa conformité au RGPD et aux exigences déontologiques de l’avocat.

Whatsapp, opérateur télécom par extension

Contrairement au SMS, service utilisant directement le réseau télécom, Whatsapp est un service dit « over the top », d’où l’acronyme OTT, les informations circulent exclusivement par l’application concernée, via la « data », autrement dit par protocole IP.

Depuis une Directive n° 2018/1972 du 11 décembre 2018 N° Lexbase : L4469LNT [1], transposée en France en 2021 [2], même si la déclaration en tant qu’opérateur n’existe plus en tant que telle en France, la qualification d’opérateur s’applique aux services OTT. Certaines des obligations des opérateurs s’appliquent à Whatsapp, notamment en termes de sécurité, neutralité dans la gestion des flux et d’accès sur réquisition judiciaire.

L’article L. 32-3 du Code des postes et communications électroniques (CPCE) N° Lexbase : L4302LDP prévoit clairement que les opérateurs sont tenus de respecter le secret des correspondances. Le secret couvre le contenu de la correspondance, l'identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, l'intitulé du message et les documents joints à la correspondance. En cas de manquement, l’article 226-5 du Code pénal N° Lexbase : L1792AMC s’applique. Il a ainsi été jugé qu’un employeur ne peut intercepter de tels messages, même adressés depuis du matériel mis à disposition par l’employeur [3].

Cependant, le même article du CPCE prévoit que, sous réserve du consentement exprès de l'utilisateur, l’opérateur peut faire l’analyse à des fins publicitaires, statistiques ou d'amélioration du service apporté à l'utilisateur du contenu de la correspondance en ligne, de l'identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, de l'intitulé ou des documents joints. Ce consentement doit être recueilli tous les ans [4]. Il ne semble pas que Whatsapp utilise cette faculté [5], les données étant nativement chiffrées de bout en bout dans cette messagerie et stockées uniquement sur le terminal de l’utilisateur après envoi. En revanche, les données sur les profils des utilisateurs et l’usage des services sont au cœur du modèle économique de l’application au demeurant gratuite.

Whatsapp et conformité au RGPD

Le premier et principal grief fait depuis 2017 [6] par la CNIL à Whatsapp est le partage des informations sur les profils des utilisateurs à la maison mère Facebook Inc [7] (devenue Meta) pour monnayer les données avec les dérives alors déjà connues en période électorale du Brexit (scandale dit « Cambridge analytica »).

L’autorité de Hambourg a considéré dès 2016 qu’il y avait consentement forcé pour le transfert de données à Facebook [8]. La même autorité [9] après celle d’Italie [10] s’était alarmée du détournement possible des informations collectées pour des finalités commerciales, après publication de nouvelles versions des conditions d’utilisation Whatsapp. De nombreux utilisateurs s’étaient alors désinscrits… 

En tant qu’autorité chef de file [11], l’autorité irlandaise après avoir consulté d’autres autorités dans le cadre du Comité européen à la protection des données personnelles a prononcé une amende administrative record de 225 millions d’euros le 2 septembre 2021 [12].

L’association Not of your business [13] a considéré que cela ne représentait toujours que 0,08 % du chiffre d'affaires du groupe Meta [14].

Les principaux griefs retenus par l’autorité irlandaise sont le manque de précision et de transparence sur l’usage des données, leur durée de conservation et leur localisation. Sur ce dernier point, le fait que des données nominatives soient exportées vers les USA est un problème quasi-insurmontable depuis l’arrêt de la CJUE dit Schrems 2 [15] qui avait mis fin au mécanisme appelé EU-US Privacy Shield et aux dernières positions des autorités de contrôle sur Google Analytics [16].

Compatibilité à la déontologie de l’avocat

L’avocat peut utiliser Whatsapp directement avec un ou plusieurs clients, voire encore pour plusieurs clients, par exemple pour l’envoi d’information instantanée à chaud, selon l’actualité et avec interaction au sein du groupe[17].

L’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ contraint l’avocat à respecter le secret professionnel en toutes matières.

Utiliser Whatsapp comme forum d’échanges et de discussion avec ses clients sur des sujets d’actualité ne pose aucune difficulté déontologique, puisque le secret professionnel n’est pas en jeu [18].

La question se pose nécessairement plus directement pour les échanges liés à un dossier confié à l’avocat. Le CNB ni aucun grand barreau n’ont pris de position publique contre Whatsapp.

Les conditions d’utilisation de Whatsapp rappellent que la société irlandaise n’en est pas moins filiale d’une société américaine et qu’à ce titre des lois à effet exterritorial peuvent s’appliquer. Outre le fameux Cloud Act [19], les lois anti-terroristes (Patriot Act [20]) mais aussi de lutte contre la corruption de mineur, peuvent permettre aux autorités américaines d’accéder au contenu, ce que l’avocat français, ramené à son simple statut d’utilisateur lambda aura du mal à anticiper et ne serait-ce que savoir, en l’absence de traité international encadrant ce type d’accès.

Ce problème majeur mis de côté, le chiffrement et l’absence d’usage du contenu des conservations paraissant acquis (voir supra), la question délicate est bien celle de la conformité au RGPD.

Même si la CNIL dit elle-même que le consentement de l’utilisateur conjugué à une approche par les risques ne suffisent pas à assurer une telle conformité (avis Google analytics précité), il n’empêche que ces précautions réduisent en toute hypothèse l’exposition à des sanctions fortes.

Les mentions RGPD sur le site web de l’avocat et la clause donnée personnelle dans sa convention d’honoraires doivent impérativement prévoir la possibilité d’un usage de Whatsapp, le cas échéant, informant le client sur l’usage des données d’utilisation de ce service, renvoyant à la politique de confidentialité de cet opérateur et ne laissant aucune ambiguïté sur la possibilité de flux de données nominatives vers les USA. Ce sont sous ces réserves qu’un usage de Whatsapp peut s’envisager professionnellement pour l’avocat.

À retenir : Apprécié pour son ergonomie et son chiffrement des données de bout en bout, Whatsapp pose néanmoins des questions importantes en termes de conformité au RGPD. Si l’avocat n’a pas d’autre moyen de communiquer avec son client, une information renforcée de ce dernier dans la convention d’honoraires et la politique de confidentialité du cabinet s’impose.

 

[1] Directive établissant le Code des communications électroniques européen.

[2] Ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 N° Lexbase : L6123L4K.

[3] Dans le cas d’espèce, c’est Messenger, autre service de messagerie instantanée géré par Meta (ex-Facebook) qui était concerné : Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28.448, F-D N° Lexbase : A6523ZSE.

[4] Décret n° 2017-428 du 28 mars 2017 relatif à la confidentialité des correspondances électroniques privées N° Lexbase : L4188LDH.

[5] Privacy Policy - EEA (whatsapp.com) [En ligne].

[6] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, Délibération du bureau de la Commission nationale de l’informatique et des libertés n° 2017-300 du 12 décembre 2017 décidant de rendre publique la mise en demeure n° 2017-075 du 27 novembre 2017 prise à l’encontre de la société X [En ligne].

[7] Facebook a racheté Whatsapp en 2014.

[8] Anordnung des Hamburger Datenschutzbeauftragten: WhatsApp darf keine Daten an Facebook weitergeben, netzpolitik.org , 27 septembre 2016 [En ligne].

[9] Anordnung des HmbBfDI: Verbot der Weiterverarbeitung von WhatsApp-Nutzerdaten durch Facebook, datenschutz-hamburg.de, 11 mai 2021 [En ligne].

[10] La Cnil italienne s'inquiète des nouvelles conditions d'utilisation de WhatsApp… inapplicables en Europe, L’Usine digitale, 15 janvier 2021 [En ligne] .

[11] Données personnelles : l'UE précise les compétences des pays membres, Le Figaro.fr, 15 juin 2021 [En ligne].  

[12] Data Protection Commission announces decision in WhatsApp inquiry, dataprotection.ie, 2 septembre 2021 [En ligne].

[13] Mieux connue sous l’acronyme « NYOB ».

[14] Le CPD irlandais a infligé une amende de 225 millions d'euros à WhatsApp/Facebook, noyb.eu, 2 septembre 2021 [En ligne]. 

[15] CJUE, 16 juillet 2020, affaire C‑311/18 N° Lexbase : A26443RD.

[16] Post Sarah Bailey, Emilie Danglades-Peres, Eric Le Quellenec, juin 2022 [En ligne].

[17] Exemple cite dans Profession avocat - Le guide - Le Formulaire, édition en ligne 2019, ©Wolters Kluwer.

[18] Mais le RGPD oui, de telles activités rentrant dans la qualification de prospection selon le dernier référentiel de la CNIL [En ligne].   

[19] Cloud Act, Department of Justice, The United States, [En ligne].

[20] Usa Patriot Act, Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism (USA PATRIOT) Act of 2001 [En ligne].

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Avocats/Procédure pénale

[Brèves] Saisie spéciale de sommes d’argent sur le compte bancaire d’un avocat : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1002 QPC, du 8 juillet 2022, Société cabinet Lysandre N° Lexbase : A05058AX

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N2164BZ8

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par Marie Le Guerroué

Le 27 Juillet 2022

► Dans une décision du 8 juillet 2022, le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article 706-154 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013 ; les Sages considèrent que les dispositions contestées ne méconnaissent ni les droits de la défense ni le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Texte contesté. La société d’avocat aux Conseils requérante soutenait que, lorsqu’une saisie porte sur des sommes versées sur le compte bancaire d'un avocat, les dispositions de l’article 706-154 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9507IYR dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013 N° Lexbase : L6136IYW contraignent ce dernier, pour contester cette saisie, à divulguer des informations protégées par le secret professionnel, relatives notamment à ses prestations et à ses clients. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit au respect de la vie privée. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 706-154 précité.

Décision du Conseil constitutionnel. Selon le premier alinéa de l'article 706-154 du Code de procédure pénale, afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation prévue à l'article 131-21 du Code pénal N° Lexbase : L7984MBC, l'officier de police judiciaire peut être autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire. Cette mesure à caractère conservatoire est maintenue ou levée dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou du juge d'instruction. Les dispositions contestées du deuxième alinéa de l'article 706-154 du Code de procédure pénale prévoient que l'ordonnance relative à cette saisie peut être déférée à la chambre de l'instruction notamment par le titulaire du compte et, s'ils sont connus, les tiers ayant des droits sur ce compte. Le Conseil constitutionnel relève, en premier lieu, que ces dispositions ont pour seul objet de prévoir un recours contre la saisie d'une somme d'argent dont l'exécution n'implique en elle-même ni recherche de preuves, ni investigations, ni divulgation d'informations se rapportant à cette somme. En deuxième lieu, il souligne que cette saisie est justifiée par l'existence d'indices laissant présumer la commission de l'infraction sur la base de laquelle elle est ordonnée et s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes inscrites sur un compte bancaire au moment de sa réalisation et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie. Sa contestation n'implique pas de justifier de l'origine de la somme qui en fait l'objet. Par conséquent, dans le cas où la saisie porte sur les sommes versées sur le compte professionnel d'un avocat, ce dernier peut la contester sans être tenu de révéler des informations portant sur ses clients ou les prestations à l'origine des sommes saisies. En dernier lieu, à supposer même que l'avocat soit amené, pour exercer ses droits de la défense, à révéler des informations couvertes par le secret professionnel pour contester la saisie d'une somme versée sur son compte, il peut le faire sous la condition que ces révélations lui soient imposées par les strictes exigences de sa propre défense devant une juridiction.

Conformité. Pour les Sages, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense, le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Elles doivent donc être déclarées conformes à la Constitution.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Loyers « covid » : la Cour de cassation tranche en faveur des bailleurs

Réf. : Cass. civ. 3, 30 juin 2022, trois arrêts, n° 21-20.127, FS-B N° Lexbase : A858778K ; n° 21-20.190, FS-B N° Lexbase : A859678U et n° 21-19.889, FS-D N° Lexbase : A194279S

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N2205BZP

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par Bastien Brignon, Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, Directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés (IGS), Membre du centre de droit économique (UR 4224) et de l’institut de droit des affaires

Le 13 Juillet 2022

Mots-clés : bail commercial • covid-19 mesures sanitaires • interdiction temporaire et générale de recevoir du public • paiement des loyers et des charges • perte de la chose louée (non) • manquement du bailleur à son obligation de délivrance (non) • exception d’inexécution (non) • force majeure (non) • obligation de payer les loyers sérieusement contestable (non)

Par trois arrêts en date du 30 juin 2022 (n° 21-20.190, n° 21-20.127 et n° 21-19.889), dont deux sont publiés au Bulletin (trente pourvois avaient été formés), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé, à propos des loyers commerciaux dits « covid », que la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. En outre, l’obligation de payer les loyers n’est pas sérieusement contestable. Les locataires doivent donc dès à présent régler les loyers commerciaux dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire (mars-mai 2020 ; octobre-novembre 2020 ; février-avril 2021).


 

1. Dans ses trois arrêts du 30 juin 2022, la Cour de cassation juge, à propos des loyers commerciaux dits « covid », que la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.

2. Lors du premier confinement (mars à mai 2020) ordonné afin de limiter la propagation de la covid-19, les autorités publiques ont interdit l’accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme non-essentiels. De nombreux commerçants ont décidé de suspendre le paiement de leur loyer. Leurs bailleurs ont saisi la justice pour obtenir paiement des loyers. Les juges du fond ont rendu des décisions qui donnaient raison tantôt aux bailleurs tantôt aux preneurs. Il devenait urgent que le juge du droit se prononce. Saisie d’une trentaine de pourvois, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a décidé d’en examiner trois en priorité, deux seulement étant publiés (n° 21-20.190 et n° 21-20.127), étant observé que les locataires exploitaient tous les trois des commerces dits « non essentiels » : une résidence tourisme (n° 21-20.127) ; un supermarché à dominante non alimentaire (n° 21-20.190) et une agence immobilière (n° 21-19.889) ; ils avaient chaque fois décidé unilatéralement de suspendre le paiement de leur loyer et étaient poursuivis en justice par leurs bailleurs.

3. Fait rarissime, le parquet général de la Cour de cassation a versé aux débats une note du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers des commerces, de laquelle il ressortait, d’abord, que jusqu’à 45 % des établissements du commerce de détail ont été fermés durant la crise, ensuite, que le montant total des loyers et charges locatives ainsi immobilisés était estimé à plus de 3 milliards d’euros, enfin, que ces entreprises ont pu bénéficier de trois dispositifs d’aides successifs (fonds de solidarité, coûts fixes et aide loyers), ainsi que d’autres mesures de soutien. Fait rarissime également, la Cour de cassation avait, dans un communiqué du 16 juin, soit antérieurement à la date des délibérés, rappelé ces données économiques ainsi que les questions de droit posées à laquelle elle allait répondre. La Cour de cassation a également publié un communiqué sur son site internet le 30 juin 2022 dans lequel elle revient sur chacune des questions traitées.

  • Première question : les mesures prises par les autorités publiques écartent-elles le droit commun de la relation contractuelle ?

4. La Cour de cassation estime que non. On aurait pu en douter car toute une série de mesures avait été prise à travers la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national N° Lexbase : L5506LWT, les décrets n° 2020-293  du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5507LWU et n° 2020-423 du 14 avril 2020 N° Lexbase : Z979389S interdisant de quitter son domicile jusqu'au 11 mai 2020, sauf pour effectuer des achats de première nécessité ou de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle, et les arrêtés des 14 N° Lexbase : Z229179S et 16 mars 2020 N° Lexbase : L5063LWG du ministre des Solidarités et de la Santé portant interdiction de recevoir du public s’appliquant aux commerces dont l’activité n’est pas indispensable à la vie de la Nation et dont l’offre de biens ou de services n’est pas de première nécessité, ainsi que, et surtout, les ordonnances n° 2020-306 N° Lexbase : L5730LW7 et n° 2020-316 N° Lexbase : L5731LW8.

On rappelle que les articles 4 de ces deux dernières ordonnances avaient prévu des mesures destinées non pas à suspendre l’exigibilité des loyers commerciaux et charges, mais gelant les actions des bailleurs contre les preneurs et leurs garants, ce qui revenait à différer les paiements. De plus, une certaine lecture de ces textes pouvait laisser croire que tout le droit commun (du contrat et du louage) risquait de ne pas s’appliquer, supplanté par ces textes de crise. Toujours est-il que si des textes spéciaux, par nature éphémères étaient nécessaires, ils n’ont pas gommé, un, le contrat de bail, et deux, le droit commun du bail. Or, ce droit commun du bail recoupe à la fois le droit commun des contrats (avec le régime général des obligations) et le droit commun du louage. C’est précisément dans ces deux droits que les preneurs sont allés puiser des arguments afin de ne pas avoir à régler les loyers commerciaux dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire.

  • Deuxième question : l’interdiction de recevoir du public constitue-t-elle une perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du Code civil, permettant au locataire de solliciter une réduction du montant des loyers dus ?

5. Selon l’article 1722 du Code civil N° Lexbase : L1844ABW, si, pendant la durée du bail, le bien loué est détruit en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; s’il n’est détruit qu’en partie, le locataire peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix ou la résiliation même du bail. À ce sujet, la jurisprudence admet depuis longtemps que la perte par cas fortuit ne soit pas de nature uniquement matérielle, mais puisse être « juridique » et consister dans l’impossibilité pour le locataire de jouir complètement du local loué. Il a par exemple été jugé qu’il y avait perte totale du bien loué en cas d’interdiction administrative d’exploiter une salle de cinéma où les conditions de sécurité du public ne sont plus assurées [1], en cas d’interdiction d’exploiter un commerce situé dans un périmètre de rénovation urbaine résultant d’une disposition légale [2] ou encore en cas de fermeture d’un centre commercial par arrêté administratif [3]. Cet argument a été invoqué à de nombreuses reprises depuis le début de la crise sanitaire, parfois avec succès, tant en référé [4] qu’au fond [5].

6. En l’occurrence, pour la Cour de cassation, l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil. En effet, cette interdiction était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat (n° 21-20.190). Cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public aux seules fins de garantir la santé publique. Par conséquent, le principe est que l’effet de cette mesure administrative générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte du local : la mise en œuvre de l’article 1722 du Code civil, qui consacre un mécanisme de caducité, suppose une perte définitive, même partielle, et non pas temporaire. Par ailleurs, le caractère général de la mesure aurait conduit à entraîner la perte automatique de tous les lieux loués. Les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer (n° 21-19.889).

  • Troisième question : l’interdiction de recevoir du public constitue-t-elle un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire se prévale du mécanisme de l’exception d’inexécution ?

7. En vertu de l’article 1719 du Code civil N° Lexbase : L8079IDL, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à son locataire et de lui en garantir la jouissance paisible, conformément à sa destination contractuelle. Cela étant, la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. Dès lors, les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers (n° 21-20.190).

8. En effet, conformément à l’article 1219 du Code civil N° Lexbase : L0944KZY, une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Dans la mesure où elle peut être mise en œuvre en dehors de tout recours judiciaire, l’exception d’inexécution a été très largement invoquée par les praticiens. Pour pouvoir être invoquée par le locataire, l’exception d’inexécution suppose que celui-ci établisse que le bailleur a manqué à son obligation de délivrer le local loué et d’en garantir la jouissance paisible. Peut-elle être opposée par le locataire commercial touché par la crise sanitaire ? Non, répond très clairement la Cour de cassation dans les trois décisions commentées.

9. La Cour de cassation retient ainsi, dans deux des décisions (n° 21-19.889 et n° 21-20.190), que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance. En effet les locaux loués ont été mis à la disposition du locataire et l’impossibilité d’exploiter était le seul fait du législateur. Tant et si bien que l’obligation de délivrance n’inclurait pas l’obligation d’assurer l’accessibilité permanente au local loué, en cas de fermeture administrative résultant d’une mesure générale.

10. On peut rappeler que selon la Cour de cassation, l’obligation de délivrance des lieux loués ne se réduit pas à la remise des clés du local (délivrance dite « matérielle »), mais consiste à en faire jouir paisiblement le locataire pendant toute la durée du bail et conformément à sa destination (délivrance dite « juridique »). Une telle obligation ne pourrait cependant obliger le bailleur qu’à prendre en charge les travaux nécessaires à l’affectation du local prévue au contrat ou à vérifier l’absence de restriction administrative, prévisible lors de la conclusion du bail, susceptible d’être contraire à celle-ci [6]. Or ici, l’impossibilité d’exploiter ne résulte pas d’un obstacle préexistant au bail ou lié à l’état du bien loué ou à ses inadaptations, mais d’une décision d’ordre général et « sans lien direct avec la destination contractuelle » affectant tous les commerces non essentiels.

11. Pour écarter l’exception d’inexécution, la Cour de cassation relève également, dans la troisième décision (n° 21-20.127), que l’effet de la mesure administrative générale et temporaire n’est pas imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance. La non-imputabilité au bailleur de ce manquement fait obstacle à l’exception d’inexécution [7].

12. Quoi qu’il en soit, selon les décisions sous commentaire, l’exception d’inexécution ne peut pas être invoquée par le locataire victime de la crise sanitaire.

  • Quatrième et dernière question : l’interdiction de recevoir du public constitue-t-elle un cas de force majeure invocable par le locataire ?

13. Conformément à l’article 1218 du Code civil N° Lexbase : L0930KZH, en matière contractuelle, il y a force majeure lorsqu'un événement échappe au contrôle du débiteur et l’empêche d’exécuter son obligation. Il s’agit d’un événement qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées. Il résulte dudit texte que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure [8].

14. La force majeure a souvent été invoquée depuis le début de la crise sanitaire. S’inscrivant dans la droite ligne de sa jurisprudence, la Cour de cassation confirme qu’ici, pas plus qu’ailleurs, elle ne peut être invoquée par les locataires contraints de fermer par les mesures de restrictions sanitaires. En effet, d’une part, la force majeure ne s’applique pas à l’obligation de payer une somme d’argent [9]. D’autre part, la partie à un contrat qui, du fait d’un événement de force majeure, n’a pas pu profiter de la prestation qu’il a payée ne peut pas obtenir l’anéantissement du contrat en invoquant cet événement [10].

15. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a exactement retenu que le locataire, créancier de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure (n° 21-20.190).

  • L’obligation du locataire n’est pas sérieusement contestable

16. Enfin, et par ailleurs, la Cour de cassation retient que les arguments tirés de l’exception d’inexécution ou de la perte du local loué ne rendent pas l’obligation de payer le loyer sérieusement contestable (n° 21-20.127). L’obligation de payer les loyers n’est pas sérieusement contestable (n° 21-20.127), les preneurs ne pouvant invoquer ni l’exception d’inexécution ni la perte de la chose (n° 21-19.889). Les bailleurs peuvent donc agir en référé afin d’obtenir le paiement des loyers.

17. Comme cela a été souligné, « […] d’un point de vue technique, une telle solution est difficile à justifier. Il semble en effet inconcevable de juger que l’obligation n’était pas sérieusement contestable quand il a fallu trois arrêts rendus en formation de section pour trancher en faveur des bailleurs ou des preneurs. C’était d’ailleurs le sens de l’avis de monsieur l’Avocat général qui demandait une cassation sans renvoi » [11].

  • Conclusion

18. Deux observations pour conclure.

19. D’abord, on note que deux arguments n’ont pas été véritablement écartés : l’imprévision, qui n’est applicable qu’aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, et la mauvaise foi du bailleur, qui avait été soulevée par l’un des locataires et que la Cour de cassation écarte en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond (n° 21-20.190) : dans cette affaire, le bailleur avait vainement proposé de différer le loyer d’avril 2020, ce dont les juges du fond avaient déduit qu’il avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et manifesté sa bonne foi.

20. Ensuite, la solution était prévisible : le législateur n’a pas pris le risque d’annuler les loyers des commerces fermés (contrairement à ce que le premier discours du Président de la République avait pu laisser présager), la mesure aurait été inconstitutionnelle, si bien que la Cour de cassation ne pouvait juger autrement. Seule l’exigibilité ayant été différée, il convient à présent de régler les loyers et charges dus. Sans doute cette position en faveur des bailleurs s’explique par l’importance des aides publiques dont certains preneurs ont pu bénéficier.


[1] Cass. com., 19 juin 1962, n° 60-12.941, publié N° Lexbase : A9622AGH.

[2] Cass. civ. 3, 12 mai 1975, n° 73-14.051, publié N° Lexbase : A0126AU9.

[3] Cass. civ. 3, 30 octobre 2007, n° 07-11.939, F-D N° Lexbase : A2476DZQ.

[4] TJ Paris, JEX, 20 janvier 2021, n° 20/80923 N° Lexbase : A30924DU ; TJ Paris, référé, 19 février 2021, n° 2020/047783 ; CA Versailles, référé, 4 mars 2021, n° 20/02572 N° Lexbase : A75634IX.

[5] TJ La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428 N° Lexbase : A03004NG, BRDA, 8/21 inf. 15.

[6] Cass. civ. 3, 28 novembre 2007, n° 06-17.758, FS-P+B N° Lexbase : A9422DZY ; voir également l’avis de l’Avocat général sur ce point.

[7] Contra M. Fabre-Magnan, Les Obligations,  t. 1, PUF, coll. Themis, 5ème éd., n° 206, cité in Navis, 7 juillet 2022. Pour une partie de la doctrine, il ne serait pas possible de faire échec à l’exception d’inexécution en se prévalant de l’absence de faute du bailleur ou même d’un cas de force majeure.

[8] Cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n° 19-21.060, FS-P+B+I N° Lexbase : A551737H.

[9] Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-20.306, F-P+B N° Lexbase : A8468MWK.

[10] Cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n° 19-21.060, FS-P+B+I, préc. Contra : Cass. civ. 1, 10 février 1998, n° 96-13.316, publié N° Lexbase : A2237ACT.

[11] P. Gaiardo, Dalloz Actualités, 4 juillet 2022.

newsid:482205

Covid-19

[Brèves] Interprétation des conditions d'application de la prise imposée de jours de repos autorisée par l'état d'urgence sanitaire

Réf. : Cass. soc., 6 juillet 2022, n° 21-15.189, FP-B+R N° Lexbase : A582179H

Lecture: 4 min

N2159BZY

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par Lisa Poinsot

Le 13 Juillet 2022

► Les mesures autorisées par l’état d’urgence sanitaire permettant à l’employeur d’imposer aux salariés de prendre des jours de repos peuvent être mobilisées par celui-ci lorsque la crise sanitaire a un retentissement sur le fonctionnement de l’entreprise.

Telle est la solution énoncée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juillet 2022, concernant, pour la première fois, l’interprétation des articles 2 N° Lexbase : Z90324TD et 4 N° Lexbase : Z90312TD de l’ordonnance n° 2020-323, du 25 mars 2020.

Faits et procédure. Dans le cadre de la mise en œuvre des articles 2 et 4 de l’ordonnance n° 2020-323, du 25 mars 2020, plusieurs sociétés ont informé et imposé la prise de jours de repos ou de jours épargnés sur le compte-épargne temps à leurs salariés, par deux notes de service, l’une relative aux « mesures sur les congés » pour les salariés ne pouvant exercer leur activité en télétravail, l’autre concernant « les salariés actuellement à domicile pour garder un enfant de moins de 16 ans ainsi qu’aux salariés vulnérables ou qui partagent le même domicile qu’une personne vulnérable ».

Une organisation syndicale saisit le juge des référés du tribunal judiciaire de demandes de cessation du trouble manifestement illicite résultant de la mise en œuvre de ces notes de service et de rétablissement des droits des salariés concernés.

Concernant l'application par l'employeur des mesures autorisées par l'état d'urgence, la cour d’appel (CA Paris, 1er avril 2021, n° 20/12215 N° Lexbase : A25704NI) considère, en premier lieu, que l’employeur ne peut se prévaloir des mesures relatives au Covid-19 pour traiter la situation des salariés devant garder un enfant de moins de 16 ans ou étant vulnérables, de sorte que les mesures prévues dans l’une des notes de service constituent un trouble manifestement illicite. En second lieu, elle retient que les sociétés, invoquant la nécessité d’adapter leur organisation, face à une augmentation inattendue de l’absentéisme tenant au fait qu’une partie de leurs salariés se trouve en arrêt-maladie, en raison des conditions sanitaires, n’apportent pas la preuve de l’existence de difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19.

Les sociétés forment un pourvoi en cassation en soutenant que :

  • depuis le début de la crise sanitaire, elles avaient fait le choix de ne pas recourir à l'activité partielle en plaçant en dispense d'activité tous leurs salariés se trouvant dans l'impossibilité de travailler, tout en leur maintenant à 100 % leur rémunération ;
  • l’application des dispositions légales relatives à la protection contre le Covid-19, permettant à l’employeur, « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 », d’imposer aux salariés, à des dates déterminées, la prise de jours de repos, n'est pas subordonnée à la démonstration par l'employeur de difficultés économiques qui lui sont propres.

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation juge que le recours aux mesures de protection contre le Covid-19 en entreprise n’est pas conditionné à l’existence de difficultés économiques. Toutefois, l’employeur doit apporter la preuve de la réalité du retentissement de la crise sanitaire sur le fonctionnement de l’entreprise, pour pouvoir mobiliser ce dispositif spécifique.

Par ailleurs, la Haute juridiction articule les dispositions des articles 2 et 4 de l’ordonnance n° 2020-323, du 25 mars 2020, avec celles de l’article 20 de la loi n° 2020-473, du 25 avril 2020, pour affirmer que l’employeur n’est plus tenu de recourir au dispositif d’activité partielle fondée sur la solidarité nationale et peut décider le maintien de la rémunération et des avantages découlant du contrat de travail, malgré l’impossibilité de travailler des salariés.

Néanmoins, pour les salariés maintenus à domicile, après le 4 mai 2020, pour garder un enfant de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité au Covid-19 ou de celle d'une personne avec laquelle ils partagent leur domicile, l’employeur ne peut leur imposer la prise de jours de repos puisque l’impossibilité de travailler de ces salariés ne répond pas à la situation concrète de l’entreprise mais à leur situation personnelle.

Pour aller plus loin :

  • lire la notice explicative de l’arrêt ;
  • v. ÉTUDE : Flash info. Prolongation des mesures d’urgence en matière de congés payés, de jours de repos, de renouvellement de certains contrats et de prêt de main-d’œuvre, in Recueil Covid-19, Lexbase N° Lexbase : E07434AR ;
  • Questions-réponses Activité partielle - Chômage partiel : « le dispositif dérogatoire d’activité partielle, dont bénéficient les salariés de droit privé qui sont contraints de garder leur enfant de moins de 16 ans ou leur enfant en situation de handicap en raison de la fermeture pour raison sanitaire de la section, de la classe ou de l’établissement d’accueil de leur enfant, sans pouvoir télétravailler, prend fin le 31 juillet 2022 ».

 

newsid:482159

Fiscal général

[Brèves] Les mesures fiscales du projet de loi de finances rectificative pour 2022

Réf. : Projet de loi de finances rectificative pour 2022, Assemblée nationale, 7 juillet 2022

Lecture: 3 min

N2179BZQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 13 Juillet 2022

Le projet de loi de finances rectificative pour 2022 a été présenté en Conseil des ministres le 7 juillet 2022 [en ligne].

En ce qui concerne le volet fiscal, on notera les mesures suivantes :

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public : l’article 1 supprime la CAP due par les particuliers et les professionnels à compter de 2022. Pour rappel cette contribution était de 138 euros par an en France métropolitaine et de 88 euros dans les départements d’outre-mer. De façon corrélative, pour tenir compte de la réforme du mode de financement des organismes de l’audiovisuel public, le présent article supprime la composante résiduelle de la CAP due par les professionnels.

Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise sur le gazole non routier : l’article 2 reporte d’un an la hausse du tarif d’accise sur le gazole non routier prévue au 1er janvier 2023. Cette mesure a pour objectif de renforcer le plan de résilience économique et sociale et le bouclier tarifaire mis en œuvre sous le précédent quinquennat afin de contenir les hausses des prix de l’énergie observées depuis la fin de l’année 2021 et accentuées par la situation géopolitique. À noter, l’entrée en vigueur des mesures visant à préserver certains publics de la hausse de fiscalité est également reportée d’un an : tarif mixte pour les industries extractives exposées à la concurrence internationale et pour la manutention portuaire, tarif réduit propre aux activités en zone de montagne, mesure de répercussion dans les contrats des secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) et des industries extractives, remplacement du remboursement agricole par un tarif réduit applicable directement à la pompe.

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et transmission des données de transaction : l’article 3 a pour objectif d’instituer un mécanisme de reporting électronique des données de transaction à l’administration fiscale, en s’appuyant sur la généralisation de la facturation électronique, dans le but d’améliorer, d’une part, la compétitivité des entreprises grâce à la dématérialisation des cycles de facturation et, d’autre part, le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ainsi que son contrôle. Ainsi, il généralise la facturation électronique dans les transactions domestiques entre assujettis à la TVA et institue, à la charge des assujettis, une obligation de transmission à l’administration des données de facturation y afférentes ainsi que des données relatives aux transactions non domestiques, des transactions réalisées avec des non assujettis et des données de paiement des prestations de service.

Le texte précise le calendrier d’entrée en vigueur de la réforme, de manière progressive et adaptée aux besoins des entreprises, tels qu’identifiés au cours des nombreuses consultations conduites depuis le début de l’année 2021 :

  • dès le 1er juillet 2024, une obligation de réception de la facture électronique entrera en vigueur pour l’ensemble des entreprises ;
  • une obligation d’émission progressive, inspirée des modalités d’entrée en vigueur de l’obligation de facturation électronique dans le cadre des relations de la sphère publique avec ses fournisseurs, est prévue en fonction de la taille des entreprises :
    • 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises,
    • 1er janvier 2025 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI),
    • 1er janvier 2026 pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les microentreprises.

newsid:482179

Procédure civile

[Brèves] L'avis de la Cour de cassation relatif à l’application dans le temps de la pratique de l’annexe à la déclaration d’appel

Réf. : Cass. avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, FS-B N° Lexbase : A72698AH

Lecture: 3 min

N2216BZ4

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 20 Juillet 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a répondu à deux questions dans son avis rendu le 8 juillet 2022, la première portant sur l’application aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur, du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel ; la seconde dans l’affirmative de la précédente, portant sur l’annexe de la déclaration d’appel et la régularité de la déclaration d’appel et ce même en l’absence d’empêchement technique.

Demande d’avis. La Cour de cassation a reçu de la cour d’appel de Paris la demande d'avis ci-après reproduite : «  1- Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel N° Lexbase : L5665MBG sont-ils immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires ?

2 - Dans l'affirmative, une déclaration, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue-t-elle l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN, dans sa nouvelle rédaction, dès lors que la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe, et ce même en l'absence d'empêchement technique ? »

Avis de la Cour de cassation. À la première question, la Cour de cassation énonce que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, ont pour effet de conférer validité aux déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, dès lors qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.

À la seconde question, la Haute juridiction énonce qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.

Pour aller plus loin : l’avis fera l’objet d’un commentaire détaillé par Yannick Joseph-Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Centre de Recherches Juridiques à paraître prochainement dans Lexbase Droit privé, n° 915 du 21 juillet 2022.

newsid:482216

Procédure prud'homale

[Actes de colloques] Évaluation de la réforme de l’appel en matière prud’homale après cinq années de pratique

Lecture: 39 min

N2182BZT

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par Gaël Balavoine, Avocat au barreau de Caen, ancien Bâtonnier de l’Ordre et Delphine Mardon, Maître de conférences en droit privé, Université Rouen Normandie

Le 13 Juillet 2022

Mots-clés : procédure prud’homale • appel • réforme • délais • défenseur syndical • déclaration d’appel • conclusions d’appel • formalisme

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « La réception de la nouvelle procédure prud'homale par les acteurs du procès du travail », qui s’est tenu le 13 mai 2022 à Caen, et qui était organisé sous l'égide de l’Université Caen Normandie et par la Faculté de droit et l'Institut caennais de recherche juridique (UR 967), sous la coordination scientifique de Véronique Mikalef-Toudic et Vincent Orif.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N2200BZI.


Notre contribution au colloque de ce jour comporte un aspect temporel, à savoir « les 5 années de pratique » du nouvel appel en matière prud’homale. Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut remonter un peu plus loin dans le temps, précisément au 1er janvier 2011, et l’entrée en vigueur du décret « Magendie » N° Lexbase : L0292IGW [1]. Prônant une accélération de la procédure d’appel, ce décret instaurait des délais couperets pour toutes les procédures d’appel avec représentation obligatoire : conclusions et significations dans des délais brefs, à peine de sanctions automatiques, caducité de la déclaration d’appel ou irrecevabilité des conclusions.

Un temps à l’abri, car soumis à la procédure orale sans représentation obligatoire [2], l’appel prud’homal s’est fait rattraper par la procédure avec représentation obligatoire par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 N° Lexbase : L2693K8A [3] applicable aux appels formés à compter du 1er août 2016. Ce changement a entraîné de grands bouleversements : d’une procédure très souple, on est passé aux sanctions particulièrement sévères du socle Magendie ; les demandes nouvelles ne sont plus recevables en tout état de cause ; et la péremption d’instance n’est plus soumise aux diligences mises expressément à la charge des parties.

La procédure avec représentation obligatoire correspond à une procédure écrite et instruite, en principe, sous le contrôle du conseiller de la mise en état. Ce type de procédure offre un cadre au déroulement de la procédure d’appel qui faisait défaut avec la procédure orale. La réforme avait pour objectif d’améliorer la situation : une protection du principe du contradictoire favorisée par l’échange des conclusions et des pièces avant la clôture de l’instruction ; des délais maîtrisés avec la fin des renvois successifs des audiences de plaidoirie et la diminution du risque de violation du délai raisonnable. Mais pour que les bénéfices se concrétisent, encore faut-il que les exigences formelles attachées à la procédure écrite ne se retournent pas contre le justiciable. La forme doit être mise au service de la justice, prendre en considération l’intérêt des justiciables et non se concentrer seulement sur la gestion des stocks d’affaires. En effet, le formalisme procédural à défendre est celui qui offre « la forme de la liberté guidant les justiciables et les préservant de l’arbitraire » [4] ; et non pas celui qui, poussé à l’extrême, limite l’accès à la justice d’appel.

L’exhaustivité n’étant pas permise dans le temps imparti, nos échanges et certaines positions récentes de la Cour de cassation, nous ont orientés vers 4 « thèmes » illustrant la nouvelle procédure d’appel prud’homale, à savoir :

  • les singularités liées à la présence du défenseur syndical en procédure d’appel (I.) ;
  • le cadre temporel exigeant de la procédure d’appel (II.) ;
  • le contenu de la déclaration d’appel appréhendé par la communication par voie électronique (III.) ;
  • le modelage jurisprudentiel du formalisme des conclusions d’appel (IV.).

Il sera ensuite possible de dresser un bilan avantages/inconvénients de ce nouvel appel prud’homal.

I. Les singularités liées à la présence du défenseur syndical en procédure d’appel

Malgré l’application de la procédure d’appel de droit commun, la matière prud’homale a conservé une spécificité en la personne du défenseur syndical. L’article R. 1461-1 du Code du travail N° Lexbase : L2663K87 offre aux parties la possibilité d’être représentées par un défenseur syndical, et, à défaut, les oblige à constituer avocat. Ce maintien du défenseur syndical - sorte d’acte de résistance politique - a été envisagé comme facilitant l’accès au juge d’appel pour les salariés.

Surtout, cette présence du défenseur syndical a conduit à un aménagement de la procédure d’appel. Elle a d’abord influencé l’absence de territorialité pour l’avocat, comme cela nous a été clairement exposé ce matin [5]. Elle oblige également à une adaptation des règles relatives à la communication par voie électronique. En effet, dans la procédure d’appel de droit commun, la communication s’effectue par voie électronique, à peine d’irrecevabilité des actes de procédure [6]. Cette communication électronique passe par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) du côté des avocats et par le Réseau Privé Virtuel de la Justice (RPVJ) du côté du greffe. N’étant pas avocat, le défenseur syndical n’a pas accès au RPVA. Un cadre juridique différent lui a alors été réservé : il rédige les actes en version papier [7].

Dans ses rapports avec le greffe, il peut soit lui remettre directement les actes, soit les envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception. La jurisprudence sociale a récemment admis que, dans la mesure où il n’existe pas un autre formalisme plus précis, la remise de l’acte peut être effectuée au greffe au nom du défenseur syndical, par toute personne qu’il a mandatée à cette fin [8]. En l’espèce, l’acte en question était des conclusions que la cour d’appel a pu estimer régulièrement remises au greffe par la salariée représentée puisqu’elles étaient signées par le défenseur syndical et accompagnées d’un courrier de transmission à son entête et revêtu de sa signature.

Pour la communication entre les différents représentants des parties, si au moins l’un d’eux est un défenseur syndical, l’alinéa 3 de l’article 930-3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6642LEQ prévoit deux modalités de notification des actes de procédure : soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par voie de signification.

En pratique, le maintien du défenseur syndical a compliqué encore plus une procédure déjà emplie de chausse-trappes. Certains défenseurs syndicaux ont continué à intervenir en cause d’appel sans prendre la mesure de la réforme et des sanctions attachées au non-respect des règles de notification des actes de procédure ou des délais Magendie. De ce fait, certains procès d’appel s’en sont trouvés affectés, généralement au détriment du justiciable, les sanctions appliquées ayant un caractère automatique. Une véritable inégalité des armes est apparue dans un premier temps. Par la suite, les défenseurs syndicaux - comme les avocats d’ailleurs - ont dû soit se former à la nouvelle procédure d’appel, soit demander à un avocat de se constituer pour suivre la procédure à leur côté, soit renoncer à suivre le dossier en appel et orienter le justiciable vers un avocat ou un autre défenseur syndical.

Du côté des avocats ainsi que des greffes, la constitution sur la procédure d’un défenseur syndical qui n’a pas accès au RPVA rend les échanges plus difficiles. Les transmissions par voie postale n’étant pas sécurisées, beaucoup d’avocats ont pris le parti par prudence, même si cela a un coût, de privilégier la signification par huissier de justice à la notification par lettre recommandée avec accusé de réception. L’acte de signification à date certaine. L’intervention de l’officier public et ministériel garantit par ailleurs les modalités de remise de l’acte.

II. Le cadre temporel exigeant de la procédure d’appel

Si le délai d’appel n’a pas été modifié par la réforme (1 mois à compter de la notification du jugement [9] et 15 jours en matière de référé [10]), l’appel prud’homal doit dorénavant respecter de nombreux délais imposés aux parties. Ces délais s’enchaînent et donnent un rythme soutenu à la procédure, à tout le moins dans les premiers mois du procès.

Au-delà du rythme imposé, naissent des contraintes nouvelles en lien avec les sanctions prononcées en cas de non-respect des délais procéduraux. Ces sanctions sont lourdes : caducité de la déclaration d’appel ou irrecevabilité des conclusions, chacune devant être relevée d’office. S’agissant de la caducité, la contrainte est renforcée puisque le Code de procédure civile prévoit que la partie n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie [11]. Le cas de force majeure mis à part, les sanctions apparaissent imparables et aux conséquences terribles.

Pour envisager rapidement le rythme imposé, sous réserve de la fixation à bref délai [12] et du jour fixe [13], l’enchaînement des actes est le suivant :

  • l’intimé dispose d’un mois, à compter de la notification de la déclaration d’appel par le greffe, pour constituer avocat ou défenseur syndical. Ce délai n’est pas assorti d’une sanction ;
  • l’appelant dispose d’un délai de 3 mois à compter de la déclaration d’appel - sa remise au greffe [14] - pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à la partie adverse [15]. La Cour de cassation a précisé que lorsque l’appel a été interjeté par lettre recommandée, le point de départ de ce délai de 3 mois est le jour de l’expédition du courrier, et non celui de la réception par le greffe de la déclaration d’appel [16]. Si l’intimé n’a pas constitué, l’appelant dispose d’un mois supplémentaire pour lui signifier ses écritures [17]. Le respect de ces délais est sanctionné par la caducité de l’appel ;
  • un délai identique est octroyé à l’intimé, 3 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant [18] pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un appel incident [19]. La sanction encourue est l’irrecevabilité non seulement de ses conclusions, mais aussi de ses pièces [20] ;
  • enfin, l’appelant dispose d’un nouveau délai de 3 mois pour conclure en réponse à l’appel incident de l’intimé [21]. Là encore, la sanction encourue est l’irrecevabilité des conclusions en réponse et des pièces versées à l’appui.

Ces différents délais ont été examinés par chacune des Hautes juridictions qui ont relevé les objectifs vertueux défendus. Pour le Conseil d’État, leur présence répond à « l’exigence de célérité de la justice et [à] la nécessité de garantir le droit à un jugement dans un délai raisonnable » [22]. Quant à la Cour de cassation, elle reconnaît « un but, conforme à l’intérêt général, d’accélérer le déroulement des procédures, ce qui n’est en contradiction ni avec le droit au procès équitable, ni avec le principe de proportionnalité, l’automaticité des sanctions étant la condition nécessaire de l’effectivité de la réforme » [23].

Cette analyse participe à leur application maximale avec l’absence de distinction selon la qualité du représentant de la partie. Autrement dit, ces délais doivent être respectés que la partie soit représentée par un défenseur syndical ou un avocat. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, lorsque l’intimé a constitué un défenseur syndical pour le représenter, et que cette constitution a été portée à la connaissance de l’avocat de l’appelant avant qu’il ne remette ses conclusions au greffe de la cour d’appel, l’appelant doit notifier ses conclusions au défenseur syndical, dans le délai de remise au greffe, sans pouvoir profiter du délai supplémentaire d’un mois de l’article 911 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7242LEX [24]. En l’espèce, l’appelant ayant notifié ses conclusions passé le délai de trois mois de sa déclaration d’appel, la caducité de cette dernière devait être prononcée quand bien même les conclusions avaient effectivement été notifiées au défenseur syndical dans le délai supplémentaire de l’article 911. Au titre des délais, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre le défenseur syndical et l’avocat.

En pratique, les délais pour conclure imposés en matière d’appel avec représentation obligatoire apparaissent totalement inadaptés. En effet, ils s’appliquent sans distinction de la complexité du dossier. Par ailleurs, les sanctions de leur non-respect sont implacables et manifestement déconnectées de « l’exigence de célérité de la justice », du but « d’accélérer le déroulement des procédures » mis en avant par les promoteurs de la réforme ou les juridictions qui l’ont validée. La célérité recherchée supposerait que les cours d’appel puissent statuer dans l’année du recours. Tel n’est malheureusement pas le cas, les délais de traitement des dossiers d’appel étant rarement inférieurs à deux années et pouvant même dans certaines des plus grosses cours d’appel, excéder trois voire quatre années. Ces délais de traitement anormalement longs exposent les parties à un autre risque procédural : celui de la péremption d’instance.

N’en déplaise au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la rigidité des délais de la procédure d’appel conjuguée à l’instauration de sanctions graves et, pour beaucoup, irréversibles portent d’évidence atteinte au droit au procès équitable, et aussi au principe de proportionnalité. Comment expliquer au justiciable qui a porté appel en juin 2022 que son délai impératif pour conclure arrivera à expiration en septembre 2022, que le délai, lui aussi impératif, pour conclure en réponse de l’intimé arrivera à expiration en décembre 2022 et que le dossier sera in fine plaidé en 2025, 2026 voire 2027 ? Quel est le sens de cette précipitation dans les mois qui suivent l’appel avant d’entrer dans une période de grand silence, la réponse juridictionnelle ne pouvant intervenir que plusieurs mois après ?

Au surplus, plutôt que d’accélérer le rythme des procédures d’appel, le contentieux né de l’application du seul décret Magendie le ralentit dans bien des cas. Ainsi, les incidents de caducité d’appel ou d’irrecevabilité des conclusions se multiplient. Les décisions rendues dans ce cadre sont susceptibles de déférer devant la cour d’appel qui doit se prononcer sur l’incident de procédure. Dans certaines situations, ce n’est que plusieurs mois après l’introduction de l’appel, à l’issue d’un véritable parcours du combattant, que les parties pourront plaider leur dossier au fond devant la juridiction du second degré.

Enfin, les réformes de la procédure d’appel, qui ont donné à l’avocat un rôle prépondérant, ont une incidence significative sur la sinistralité relative à la responsabilité civile professionnelle, s’agissant du nombre de déclarations de sinistres consécutives à la commission d’un manquement dans le cadre d’une procédure d’appel. De 9,4 % des sinistres déclarés représentant la 4ème cause de sinistralité en 2015, les pièges de la procédure d’appel sont passés à 25,9 % des sinistres devenant la 1ère cause de sinistralité en 2019 ; ils se sont même maintenus à 23,6 % en 2020, alors que les cours d’appel ont connu plusieurs semaines d’inactivité et que des prorogations de délais spécifiques ont été instaurées pour tenir compte de la pandémie liée à la covid-19 [25].

III. Le contenu de la déclaration d’appel appréhendé par la communication par voie électronique

A. La précision du contenu de la déclaration d’appel

Lorsque la procédure d’appel est avec représentation obligatoire, l’appel est fait, soit par déclaration, soit par requête conjointe au greffe de la cour. Le contenu de la déclaration d’appel est fixé par l’article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN. Notamment, la déclaration doit contenir l’objet de la demande, l’indication de la décision attaquée, ou encore les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité. Ces différentes mentions sont prévues à peine de nullité. Il s’agit d’une nullité de forme qui ne sera admise que si celui qui l’invoque rapporte la preuve d’un grief causé par l’irrégularité [26].

Chaque mention de la déclaration d’appel est, en pratique, susceptible d’être mal renseignée par l’avocat ou le défenseur syndical. Mais la mention des « chefs du jugement expressément critiqués » mérite une attention particulière ; cette même attention lui sera d’ailleurs portée au moment de la rédaction des conclusions [27].

Cette mention doit être mise en lien avec l’effet dévolutif ; cet effet de l’appel remet en question le jugement de première instance et conduit la cour à statuer à nouveau en fait et en droit sur les points critiqués. En effet, le décret du 6 mai 2017 a eu pour objectif de centrer l’appel sur la critique du jugement. Le texte a mis fin à la pratique de l’appel général et a orienté la procédure vers un appel voie d’achèvement maîtrisé. Dès lors, il n’est plus admis de faire comme si le jugement de première instance n’avait pas d’existence. Il faut une véritable critique de la décision entreprise formulée dans les conclusions ; d’ailleurs les conclusions d’appel ne peuvent pas reprendre à l’identique celles présentées en première instance [28]. Le litige étant mieux délimité, son traitement serait alors facilité et accéléré.

Issu de ce décret, l’article 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM définit le contour de l’effet dévolutif de l’appel. Désormais, la dévolution ne peut s’opérer pour le tout que dans deux cas : lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. Dans les autres cas, il revient à l’appelant de préciser expressément les éléments de la décision précédente qu’il entend contester. Le recours à la formule « appel total » ou « appel général » n’est plus admis. Si la précision des chefs de jugement expressément critiqués est manquante, la sanction est nette : la cour d’appel n’est pas saisie, car la déclaration d’appel est dépourvue d’effet dévolutif [29]. Autrement dit, la cour ne peut pas statuer ; elle ne peut pas même confirmer le jugement, sous peine d’excès de pouvoir. Plus précisément, elle n’est pas saisie de ce qui a été jugé en première instance et qui n’a pas été critiqué dans l’acte d’appel, sauf appel incident de l’intimé.

À ce stade, on note la cohabitation de deux sanctions : nullité pour vice de forme et absence d’effet dévolutif.

En pratique, les avocats s’abstiennent de soulever la nullité de l’appel qui suppose l’existence d’un grief et permettrait la régularisation d’un nouvel appel. En effet, une déclaration d’appel, même entachée d’un vice de procédure (forme ou fond), interrompt le délai de recours au visa de l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9 ; la décision d’annulation de la déclaration d’appel fait courir un nouveau délai d’un mois pour réitérer l’appel [30]. Quant à la régularisation de la déclaration d’appel, certes elle est admise, mais encore faut-il qu’elle intervienne par le biais d’une nouvelle déclaration d’appel ; la mention des chefs de jugement critiqués dans les conclusions au fond est insuffisante. L’autre contrainte est temporelle : la régularisation doit intervenir dans le délai imparti à l’appelant pour déposer les conclusions au fond [31].

Confronté à un appel général, l’intimé a plus intérêt de conclure à l’absence d’effet dévolutif produit par la déclaration d’appel. Car si dans le même temps, il fait signifier le jugement, l’appelant fera face à une forclusion l’empêchant de réitérer son appel après que la cour d’appel ait constaté qu’elle n’avait pas été saisie par la première déclaration. Se pose même la question de savoir si un second appel est possible… ce qui n’apparaît pas être le cas si la cour a été régulièrement saisie d’un appel incident qui produirait alors son propre effet dévolutif.

B. La communication par voie électronique de la déclaration d’appel

Identifier le contenu de la déclaration d’appel est insuffisant, il faut encore être en mesure de l’élaborer de manière effective. Comme tous les actes de procédure, la déclaration d’appel doit, en principe, être transmise par voie électronique sous peine d’irrecevabilité soulevée d’office [32] et prononcée par le conseiller de la mise en état [33]. Toutefois, comme dit précédemment, cette communication électronique ne va pas être utilisée quand la partie est représentée par un défenseur syndical. Ce qui, au regard des exigences qui vont être présentées et de leurs conséquences, n’est pas un mal pour lui et la partie qu’il représente. L’hypothèse qui nous intéresse est donc celle dans laquelle une partie, voire toutes, ont constitué avocat.

Mais même dans cette hypothèse, l’absence d’utilisation de la voie électronique n’est pas sanctionnée lorsque survient un cas de cause étrangère à celui qui accomplit l’acte. Dans ce cas-là, l’avocat peut valablement réaliser les actes de procédure en format papier. La cause étrangère a été admise par la Cour de cassation dans une hypothèse où l’avocat avait dû faire face à une panne informatique de 3 jours en raison de la défectuosité de la live box rendant impossible l’accès à Internet [34]. Elle a encore pu être retenue lorsque le poids des fichiers a empêché le message de passer, en raison de l’interface [35]. Avec la cause étrangère, il semble plus facile d’échapper à la sanction que lorsque le problème tient au respect des délais. C’est alors un cas de « force majeure » qui est exigé par l’article 910-3 N° Lexbase : L7043LEL. En procédure civile, la force majeure correspond à « la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable » [36].

La communication par voie électronique est de rigueur. Pour en connaître les modalités techniques, il faut étudier l’arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel [37]. Cet arrêté prévoit notamment pour l’élaboration de l’acte, l’utilisation d’un fichier au format XML faisant l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire, ainsi que l’obligation d’utiliser un format PDF quand un document est joint à l’acte.

Au début de l’année 2022, certaines difficultés ont fait couler beaucoup d’encre et même placé dans une situation impossible les justiciables dont la déclaration d’appel avait été portée à compter du 1er septembre 2017 [38]. Elles sont nées de la combinaison de la mention des « chefs de jugement expressément critiqués » avec la communication par voie électronique.

La difficulté de départ provient d’une limite technique imposée au RPVA par le RPVJ : la « case » relative à l’objet de l’appel dans laquelle sont précisés les chefs du jugement expressément critiqués était limitée à 4 080 caractères jusque très récemment (elle est passée depuis à 8 000 caractères). Au-delà, l’acte d’appel ne pouvait pas être adressé. Une simple circulaire semblait admettre qu’une annexe puisse être jointe à la déclaration d’appel [39] ; le recours à l’utilisation de cette annexe rendait possible des appels avec une longue liste de chefs critiqués.

La souplesse offerte par l’annexe a été balayée d’un revers de main par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 2022 N° Lexbase : A14867IU [40]. En effet, la Cour a décidé que la déclaration d’appel est un acte de procédure qui se suffit à lui seul et dans lequel doivent figurer les mentions des chefs de jugement critiqués. En l’occurrence, l’appelant n’avait rien indiqué dans sa déclaration d’appel, mais il lui avait joint un document intitulé « motif déclaration d’appel » contenant les chefs du jugement critiqués. Pour les juges de cassation, ce document joint ne vaut pas déclaration d’appel. Dès lors, la « vraie » déclaration (le fichier XML) qui ne contenait pas les chefs du jugement critiqués ne pouvait pas produire d’effet dévolutif.

La Cour a toutefois formulé une atténuation en cas d’empêchement technique. L’appelant est alors admis à compléter sa déclaration d’appel avec un document auquel elle renvoie et qui fait corps avec elle. Cette atténuation est strictement attachée à l’existence d’un empêchement technique. À bien y regarder, cet empêchement correspond à la limite des 4 080 caractères (maintenant 8 000) évoquée ci-dessus : ce n’est que si ces caractères sont insuffisants pour contenir l’ensemble des chefs de jugement critiqués que l’avocat peut utiliser une annexe, en n’oubliant pas de procéder à un renvoi dans la déclaration. Ce renvoi contribue à l’information du greffe et de l’intimé, participant au respect des droits de la défense pour ce dernier.

Si cette décision a entraîné de nombreuses réactions [41], c’est que cette approche stricte du formalisme va être catastrophique pour un certain nombre d’appels. En effet, les conditions de régularisation de la déclaration d’appel incomplète sont très encadrées par la Cour de cassation [42]. Au surplus, cette dernière n’a pas prévu de moduler dans le temps les effets de sa jurisprudence ; ce qui, à l’opposé, et au nom de la sécurité juridique, peut apparaître positif.

La réaction du pouvoir réglementaire ne s’est pas fait attendre. Dès le 25 février 2022, un décret et un arrêté [43] sont venus modifier, pour le premier, l’article 901 du Code de procédure civile en ajoutant que la déclaration d’appel comprend, le cas échéant, une annexe, et pour le second, les articles 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 N° Lexbase : L1630LXN pour préciser les conditions d’utilisation de l’annexe en cas de communication électronique. Les deux articles sont applicables aux instances en cours.

En pratique, la limite du nombre de caractères cause rarement difficulté. À l’exception de certains contentieux très spécifiques (dossiers de construction, dossiers multipartites avec de nombreuses demandes…), et dans la plupart des dossiers, le nombre de caractères est suffisant pour renseigner la déclaration d’appel dans le fichier XML et sans qu’il soit nécessaire de recourir par renvoi à une annexe PDF jointe.

Nonobstant son apparente sévérité, la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 janvier 2022 est apparue pour beaucoup comme parfaitement logique. Elle respecte les textes et l’esprit de la communication électronique. Contrairement à ce que semblent considérer certains professionnels ou auteurs, il n’est pas certain que le décret N° Lexbase : L5564MBP et l’arrêté de réaction N° Lexbase : L5628MB3 pris en date du 25 février 2022 conduiront la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence.

Il convient donc pour l’avocat d’agir avec la plus grande prudence et de n’utiliser l’annexe qu’en cas d’impossibilité technique liée au nombre de caractères des chefs de jugement critiqués, tout en respectant les exigences résultant de l’arrêté du 25 février 2022, le fichier XML devant renvoyer expressément au document joint.

IV. Le modelage jurisprudentiel du formalisme des conclusions d’appel

Le formalisme atteint également la rédaction des conclusions avec de nouvelles exigences imposées aux parties. Tout d’abord, la tenue d’une mise en état devant le conseiller de la mise en état oblige les parties à une attention particulière : elles doivent rédiger des conclusions d’incident pour saisir le magistrat instructeur de conclusions spécifiques afin de lui soumettre les éléments du litige qui relèvent de sa compétence. La Cour de cassation impose que ces conclusions soient « spécialement adressées au conseiller de la mise en état » [44].

Ensuite, concernant les conclusions au fond, c’est-à-dire celles qui seront soumises à la cour d’appel, les parties doivent respecter un principe de concentration des prétentions dès les premières conclusions d’appelant ou d’intimé, sous peine d’irrecevabilité [45]. Autrement dit, toutes les demandes doivent figurer dans les conclusions déposées dans le premier délai pour conclure. Par exception, sont recevables les demandes nouvelles destinées à « répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait » [46].

Enfin, et c’est sur ce point que nous focalisons nos propos, les conclusions sont soumises à un formalisme strict. Ce formalisme est censé améliorer leur lisibilité et leur compréhension par la partie adverse dans un premier temps, puis par le juge dans un second temps. Concrètement, les conclusions d’appel doivent être qualificatives [47] et assorties d’un bordereau ; cela renforce la transparence, la qualité et la loyauté du procès. Et les dernières conclusions communiquées sont récapitulatives [48]. Surtout, leur structure est très encadrée : on trouve successivement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, la discussion récapitulant les prétentions et les moyens, et pour finir le dispositif « par ces motifs » ; et le cas échéant, mention des modifications apportées à de précédentes conclusions.

Depuis un peu plus de 3 ans, on assiste à une véritable saga judiciaire autour de la rédaction du dispositif, dernière étape des conclusions. Issu du décret Magendie de 2009, ce dispositif doit à la fois être synthétique et récapitulatif des prétentions. À défaut, la cour d’appel ne répondra pas aux prétentions uniquement développées dans le corps des conclusions.

Cette saga a débuté avec un arrêt non publié de la deuxième chambre civile en date du 31 janvier 2019 N° Lexbase : A9839YUX [49], suivi d’un arrêt rendu le 17 septembre 2020 N° Lexbase : A88313TA [50], puis d’un autre le 4 février 2021 [51]. De ces décisions, il ressort la règle suivante : si le dispositif omet de formuler les prétentions, qu’il s’agisse de celle relative à l’infirmation ou à l’annulation du jugement (prétention de procédure) ou de celle rejetée par le premier juge (prétention de droit substantiel), la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement déféré. Autrement dit, la cour d’appel ne peut pas statuer sur une prétention non énoncée dans le dispositif des conclusions, quand bien même l’appel est régulier en la forme et a produit son effet dévolutif. Dans l’affaire de 2021, l’appelant avait bien indiqué demander l’infirmation du jugement, mais sans réitérer sa prétention contestant la validité de la signification du jugement. Tout ce que le justiciable entend obtenir de la cour, il doit expressément le demander dans le dispositif de ses conclusions. Ainsi, on ne peut pas déduire de la formulation d’une prétention au fond déjà rejetée par le juge précédent que l’appelant souhaite avant tout la réformation du jugement. L’arrêt de 2020 en est l’illustration avec un dispositif dans lequel l’appelant se bornait à conclure à l’annulation d’une saisie, annulation que le premier juge lui avait refusée. Pas plus, n’est-il possible de procéder par simple renvoi au corps des conclusions ou aux écritures de première instance.

Cette nouvelle exigence a surpris une partie des praticiens, notamment parce que l’infirmation ou la réformation de la décision contestée est l’objet même de la déclaration d’appel et l’objectif des conclusions. Le séisme attendu était l’augmentation exponentielle des décisions de confirmation par les cours d’appel. Afin de limiter les retombées de cette décision, la Cour de cassation a circonscrit son application aux seules déclarations d’appel postérieures au 17 septembre 2020. En effet, elle a étonnamment retenu que « l’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL et qui n’a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de sa décision, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable » [52]. L’étonnement provient de l’absence de prise en considération de l’arrêt non publié du 31 janvier 2019 qui avait déjà énoncé la règle. Par la suite, la Cour de cassation a dû sanctionner certaines cours d’appel qui avaient fait application de la règle à des déclarations antérieures, renforçant l’indifférence à l’égard de cet arrêt non publié.

Dans ces différentes affaires, l’appel concerné était l’appel principal. D’où pendant un temps, la question de savoir si l’intimé doit aussi respecter cette exigence formelle, lorsque l’appel est un appel incident. La Cour de cassation a logiquement répondu par l’affirmative [53]. L’absence de différence de nature ou d’objet entre l’appel principal et l’appel incident justifie un traitement identique pour les deux. La formulation de la sanction est plus délicate. Est-elle strictement identique ? Si l’appel incident cherchait à étendre l’effet dévolutif, la cour d’appel ne sera pas valablement saisie de ces chefs de jugement non critiqués par l’appel principal, et n’aura donc pas à statuer sur l’appel incident. En revanche, si l’intimé demandait la réformation d’un même chef de jugement que l’appelant, en tenant compte du seul appel principal, la cour d’appel peut réformer le jugement. Étant entendu qu’elle ne pourra statuer que dans les limites de l’appel principal : l’absence d’appel incident limite l’effet dévolutif à celui de l’appel principal. La cour d’appel ne peut en effet pas aggraver le sort de l’appelant sur son seul appel [54].

En pratique, l’intimé doit formuler de manière claire et précise ses prétentions. S’il souhaite former un appel incident, il doit expressément mentionner dans le dispositif de ses conclusions les chefs de jugement critiqués dont il recherche l’anéantissement. De la même manière, les chefs de jugement dont il sollicite la confirmation doivent être précisés.

La suite de la saga jurisprudentielle intéresse la mise en œuvre de la sanction de caducité. Un arrêt du 9 septembre 2021 [55], rendu sur le fondement des articles 908 N° Lexbase : L7239LET et 954 N° Lexbase : L7253LED du Code de procédure civile, énonce que la caducité de la déclaration d’appel peut être prononcée si l’appelant ne mentionne pas ses prétentions au dispositif de ses conclusions en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel. Cette caducité peut encore être soulevée d’office par la cour d’appel sur le fondement de l’article 914 N° Lexbase : L7247LE7 [56].

En pratique, les parties n’invoquent la caducité devant le conseiller de la mise en état que si elles sont certaines d’obtenir gain de cause. Elles risquent, dans l’hypothèse où leur demande serait rejetée, d’être exposées au paiement des dépens de l’incident et aussi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM. Dans le doute de l’issue de l’incident, les plaideurs préféreront invoquer l’absence d’effet dévolutif.

Quant au dernier épisode en date, il s’agit d’un arrêt du 3 mars 2022 LXB=A24677P3] [57] : le détail des chefs de jugement critiqués par l’appelant n’a pas à apparaître dans le dispositif. Le formalisme n’a - fort heureusement - pas franchi ce seuil d’exigence. Solliciter la réformation du jugement sur les chefs de la décision critiqués est suffisant, ainsi qu’exprimer les prétentions au fond. Dans cet arrêt, l’appelant a effectivement sollicité au dispositif de ses conclusions la réformation du jugement sur les chefs du dispositif critiqués (« infirmer la décision dont appel sur les chefs du dispositif critiqués ») et a formulé ses prétentions. Dès lors, la cour d’appel ne peut pas confirmer la décision au motif que le dispositif ne détaille pas les chefs de jugement critiqués.

Cette exclusion du détail des chefs de jugement critiqués s’admet si l’on songe au fait qu’ils sont déjà présents dans la déclaration d’appel [58], ainsi que dans le corps des conclusions d’appel [59]. Dans la même optique, l’office du juge d’appel impose qu’il statue sur les prétentions reprises dans le dispositif ; sans que l’alinéa 3 de l’article 954 du Code de procédure civile pose comme condition l’indication des chefs du jugement critiqués. On pourrait même saluer cette dispense qui limite les répétitions depuis la déclaration d’appel jusqu’au point final des conclusions d’appel et présente le mérite de ne pas rallonger les écritures au-delà du raisonnable et de l’utile.

La décision s’apprécie notamment en adoptant le point de vue des différents acteurs intéressés au contenu des conclusions d’appel. D’un côté, il faut se placer du point de vue de l’intimé et du juge en leur qualité de destinataire des conclusions. Ne faut-il pas se réjouir que l’intimé et le juge ne subissent pas le même sort que le consommateur qui contracte un crédit, à qui l’on ne cesse de répéter les mêmes choses pour être sûr qu’il les a bien comprises ? Une telle répétition aurait-elle vraiment œuvre de pédagogie ? Participerait-elle à une meilleure justice ? De l’autre côté, il faut se placer du point de vue de l’appelant, en sa qualité de rédacteur. Même si la technique du copier/coller offre une aide indéniable, la répétition n’est-elle pas source d’erreurs ?

Enfin, cette saga n’est sans doute pas achevée, certaines questions restant en suspens. La première concerne l’appelant incident. Va-t-il bénéficier de la solution de l’arrêt du 3 mars 2022 ou, au contraire, sera-t-il tenu d’indiquer les chefs de jugement critiqués dans le dispositif ? La réponse peut être envisagée en prenant appui sur l’arrêt précité du 1er juillet 2021 [60] qui refuse d’opérer une distinction entre l’appel principal et l’appel incident quand il s’agit d’examiner les conclusions déterminant l’objet du litige en appel. Or, seul le dispositif des conclusions de l’appelant incident peut étendre l’effet dévolutif résultant de la déclaration d’appel formée par l’appelant principal. De ce fait, il apparaît plus prudent, pour ne pas dire impératif, que l’appelant incident mentionne dans le dispositif de ses conclusions les chefs de jugement dont il cherche l’anéantissement. Une deuxième question intéresse la possibilité pour l’appelant de se prévaloir de l’irrecevabilité de l’appel incident en application de l’article 909 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7240LEU. Deux lectures de l’arrêt de juillet 2021 sont concevables. Soit on admet cette sanction en estimant qu’elle constitue le pendant de la caducité qui peut être opposée à l’appelant. Soit on l’écarte en considérant que la cour d’appel n’est pas valablement saisie de l’appel incident, ce qui empêche directement le jeu de l’effet dévolutif.

Pour conclure, le bilan de la réforme de l’appel en matière prud’homale laisse apparaître plus d’inconvénients que d’avantages. Certes, le formalisme développé avec la réforme constitue un garant non seulement de l’effectivité des droits de la défense en assurant une information loyale des parties, mais aussi d’une transparence participant à l’amélioration de la qualité de la justice. En cela, il contribue à une bonne administration de la justice. Mais l’excès de formalisme place le fond du droit au second plan. Qu’il s’agisse des nouvelles règles élaborées par le législateur ou encore de l’interprétation stricte de la Cour de cassation, le résultat n’est bénéfique ni aux justiciables, ni aux professionnels du droit. La complexité de la procédure d’appel représente une charge importante pour les professionnels ; pour l’assumer, il est pertinent de demander l’assistance d’un spécialiste, mais c’est alors au justiciable d’assumer le coût financier de la démarche. La décision même d’interjeter appel peut en être affectée. Dès lors, la procédure qui doit être au service du droit, ne finit-elle pas par produire un effet dissuasif à l’exercice de cette voie de recours ?

La spécificité de la procédure prud’homale d’appel - l’intervention du défenseur syndical - ne peut pas être ignorée de ce bilan. En effet, les formalités procédurales telles que les interprète la Cour de cassation se comprennent dès lors que l’on admet qu’il s’agit de charges pesant sur des professionnels à l’adresse d’autres professionnels [61]. Cependant, avec la possibilité offerte de se faire représenter par un défenseur syndical, cette approche interroge sur l’exigence d’égalité des armes selon le défenseur auquel la partie confie ses intérêts. Et si l’on ose aller plus loin, cela interroge sur le maintien de cette particularité si l’avantage qu’en retirent les justiciables n’est pas supérieur aux risques qu’ils encourent. Dans sa décision du 7 avril 2017, le Conseil constitutionnel affirmait que « sont assurées aux parties, qu’elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties »  [62]. Après cinq années d’application du nouvel appel prud’homal, cette affirmation s’est-elle vérifiée ? Rien n’est moins sûr…


[1] Décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L0292IGW. Puis le décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010, modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L9934INA.

[2] Elle est maintenue devant le conseil de prud’hommes (C. trav., art. R. 1453-3 N° Lexbase : L0919IAB).

[3] Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail N° Lexbase : L2693K8A. V. R. Laffly, La réforme de la procédure devant la Chambre sociale de la cour d’appel, JCP G, 2016, p. 838 ; V. Orif, L’appel prud’homal en plein effervescence, Droit ouvrier, 2017, p. 14 ; D. Van Der Vlist, Quand la justice ne répond plus à l’appel : guide de la procédure d’appel, Droit ouvrier, 2019, p. 214.

[4] N. Cayrol, obs. sous Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 19-17.360, F-P+B+I N° Lexbase : A88363TG et Cass. civ. 2, 4 février 2021, n° 19-21.070, F-D N° Lexbase : A02014GK, RTD civ., 2021, p. 479.

[5] Sur ce point, nous renvoyons à l’intervention de E. Tamion, L'assistance et la représentation devant le juge judiciaire du contentieux de la Sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale, Lexbase Social, juillet 2022, n° 914 N° Lexbase : N2170BZE.

[6] CPC, art. 930-1 N° Lexbase : L7249LE9.

[7] CPC, art. 930-2 N° Lexbase : L6687LEE.

[8] Cass. soc., 2 février 2022, n° 19-21.810, F-B N° Lexbase : A14057LM, JCP S, 2022, p. 1069, note S. Brissy.

[11] CPC, art. 911-1, al. 3 N° Lexbase : L7243LEY.

[14] Cass. civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-27.206, F-P+B N° Lexbase : A7887YPS. Le point de départ n’est pas l’édition du fichier récapitulatif reprenant les données du message de l’appelant.

[16] Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, n° 18-24.107, F-P N° Lexbase : A47393AR.

[18] Ce délai ne court pas en cas de nullité de la signification des conclusions de l’appelant (Cass. civ. 2, 1er février 2018, n° 16-27.322, F-P+B N° Lexbase : A4731XC9).

[20] Ass. plén., 5 décembre 2014, n° 13-27.501, publié N° Lexbase : A8235M4R. Cette solution jurisprudentielle a été codifiée : CPC, art. 906, al. 3 N° Lexbase : L7238LES.

[22] CE, 1e-6e ch. réunies, 13 juillet 2011, n° 336360 N° Lexbase : A0276HW7.

[23] Cass. civ. 2, 22 mars 2018, n° 17-12.049, F-D N° Lexbase : A8023XHM. V. aussi : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 13-28.017, F-P+B N° Lexbase : A8173NPE.

[24] Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 19-22.810, FS-B N° Lexbase : A46117EI, JCP S, 2022, p. 1008, note Y. Pagnerre ; RDT, 2022, p. 116, note S. Mraouahi.

[25] En 2016 : 15,5 % (248 déclarations), 3ème cause de sinistralité ; en 2017 : 20,4 % (370 déclarations), 2ème cause de sinistralité ; en 2018, 25 % (chiffres issus de la société de courtage des barreaux).

[26] L’intimé peut invoquer une atteinte aux droits de la défense, car il n’est pas en mesure d’appréhender les critiques de l’appelant.

[27] Cf. infra IV.

[28] CPC, art. 954, al. 5 N° Lexbase : L7253LED.

[29] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I [LXB=89403C4], D., 2020, p. 1065, obs. S. Lemoine et E. de Leiris.

[30] Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N° Lexbase : A6522MY9 ; Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I N° Lexbase : A8538WEX.

[31] Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-13.642, F-P+B+I N° Lexbase : A944934Q, Procédures, 2022, comm. 1, note R. Laffly. V. aussi : Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P N° Lexbase : A68084M4.

[33] CPC, art. 914 N° Lexbase : L7247LE7. À partir de sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, le CME est seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel, déclarer l’appel irrecevable, déclarer irrecevables les conclusions du fait du non-respect des délais, statuer sur le non-respect de l’obligation d’avoir recours au RPVA.

[34] Cass. civ. 2, 10 juin 2021, n° 20-10.522, F-P N° Lexbase : A54664UY, Procédures, 2021, comm. 317, note S. Amrani Mekki. La cour d’appel censurée avait prononcé l’irrecevabilité de la déclaration de saisine remise au greffe en version papier en relevant qu’aucune panne n’affectait la clé RPVA de l’avocat, ce qui lui permettait de l’utiliser via un autre ordinateur connecté à Internet, comme celui de l’ordre ou d’un confrère.

[35] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935WZP : « aucune disposition n’impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés ».

[36] Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-10.654, F-P N° Lexbase : A67324MB.

[37] Arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L1630LXN.

[38] Cette date correspond à l’entrée en vigueur des nouveaux articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901 N° Lexbase : L5914MBN du Code du procédure civile, issus du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL.

[39] Circulaire du 4 août 2017, interprétant le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L6244LGD : « dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel. L’attention du greffe et de la partie adverse sur l’existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d’appel ».

[40] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU, D., 2022 p. 325, note M. Barba ; Dalloz actualité, 20 janvier 2022, obs. R. Laffly ; Procédures, 2022, repère 4, obs. H. Croze ; Procédures, 2022, comm. 53, note. S. Amrani Mekki.

[41] Cf. not. le courrier du CNB adressé au Ministère le 18 janvier 2022 pour demander la suppression de la limitation du nombre de 4 080 caractères dans la déclaration d’appel du RPVA et à défaut de pouvoir y faire droit, de modifier l’article 901 du Code de procédure civile afin d’autoriser l’annexion d’un document listant les chefs de jugement attaqués.

[42] La déclaration d’appel, nulle, erronée ou incomplète, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai pour conclure (Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-13.642, F-P+B+I N° Lexbase : A944934Q).

[43] Décret n° 2022-245 du 25 février 2022, favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP ; arrêté du 25 février 2022, modifiant l’arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L5628MB3, Dalloz actualité, 3 mars 2022, obs. Ch. Lhermitte ; Dalloz actualité, 8 mars 2022, obs. N. Fricéro.

[44] Cass. civ. 2, 12 mai 2016, n° 14-25.054, FS-P+B N° Lexbase : A0787RPT ; Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-22.609 F-P+B+I N° Lexbase : A5892394.

[46] CPC, art. 910-4, al. 2.

[47] Elles formulent expressément les prétentions des parties, ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée.

[48] CPC, art. 954 N° Lexbase : L7253LED. Elles reprennent les prétentions et moyens contenus dans les précédentes conclusions, faute de quoi ils sont réputés abandonnés.

[49] Cass. civ. 2, 31 janvier 2019, n° 18-10.983, F-D N° Lexbase : A9839YUX : les conclusions d’appel qui ne précisent pas dans leurs dispositifs qu’elles demandent l’infirmation ou l’annulation du jugement ne remplissent pas les conditions de l’article 954 du Code procédure civile et ne peuvent dès lors pas remplir les exigences de l’article 908 du même Code N° Lexbase : L7239LET (lire A. Guyonnet, Objet du litige ou objet de l’appel ?, Gaz. Pal., 5 novembre 2019, p. 40).

[50] Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA, Procédures 2020, comm. 190, note R. Laffly ; D., 2020, p. 2046, comm. M. Barba ; RTD civ., 2021, p. 479, obs. N. Cayrol. V. aussi Cass. civ. 2, 20 mai 2021, 2 arrêts, n° 19-22.316 N° Lexbase : A25334SM et n° 20-13.210 N° Lexbase : A25324SL, F-P, D., 2021, p. 1217, obs. M. Barba ; Procédures, 2021, comm. 186, note R. Laffly.

[51] Cass. civ. 2, 4 février 2021, n° 19-23.615, F-P+I N° Lexbase : A81614EY, D., 2021, p. 543, obs. N. Fricero ; Procédures, 2021, comm. 92, note S. Amrani Mekki.

[52] Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, préc., point 5. V. aussi : Cass. civ. 2, 10 juin 2021, n° 20-10.102 N° Lexbase : A93394UG.

[53] Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10.694, F-B N° Lexbase : A20054YW, Dalloz actualité, 23 juillet 2021, obs. Ch. Lhermitte ; AJ fam., 2021, p. 505, obs. J. Casey ; JCP G, 2021, p. 932, note R. Laffly.

[54] Cass. civ. 1, 6 mars 2019, n° 18-12.110, F-D N° Lexbase : A0130Y39.

[55] Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-17.263, F-B N° Lexbase : A252744D, D., 2021, p. 1848, obs. M. Barba ; Dalloz actualité, 24 septembre 2021, obs. R. Laffly ; JCP G, 2021, p. 1228, obs. D. d’Ambra ; Procédures, 2021, comm. 288, note S. Amrani Mekki. Cet arrêt est un peu à part puisque le dispositif des conclusions de l’appelant était totalement défaillant : ni infirmation, ni annulation, ni même prétentions au dispositif.

[56] Cass. civ. 2, 4 novembre 2021, n° 20-15.757, 20-15.776, 20-15.778 et 20-15.787, F-B N° Lexbase : A07267BI, D., 2022, p. 96, obs. M. Barba ; Procédures, 2022, comm. 2, note R. Laffly.

[57] Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3, Dalloz actualité, 12 mars 2022, obs. Ch. Lhermitte ; Procédure, 2022, comm. 117, note. R. Laffly.

[58] CPC, art. 901, al. 4 N° Lexbase : L5914MBN.

[59] CPC, art. 954, al. 2 N° Lexbase : L7253LED.

[60] Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10.694, préc..

[61] N. Cayrol, note préc..

[62] Cons. const., décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017 N° Lexbase : A3926UXP, § 23.

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Urbanisme

[Brèves] Demande d’installation d’une terrasse au droit d’un établissement sur le domaine public : illégalité du refus fondé sur un PSMV !

Réf. : CE ,3°-8° ch. réunies, 5 juillet 2022, n° 459089, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A915479W

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N2165BZ9

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par Yann Le Foll

Le 13 Juillet 2022

► Une demande d’installation d’une terrasse au droit d’un établissement sur le domaine public ne peut se voir refusée sur un motif tiré du non-respect d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Principe. Il résulte des articles L. 313-1 N° Lexbase : L2600K98 et L. 313-2 N° Lexbase : L2763KI8 du Code de l'urbanisme que la légalité d'une autorisation d'occupation domaniale située dans le périmètre d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur n'est subordonnée à sa compatibilité avec ce plan et à l'accord de l'architecte des bâtiments de France que lorsqu'elle emporte autorisation de réaliser des travaux ayant pour effet de modifier l'état des immeubles (par exemple un projet comportant la suppression d'une marche avec réfection du sol à l'identique et l'installation de « balustres » en fer forgé d'une hauteur de 1 m à la place des murets et des bacs à fleurs existants).

Les dispositions d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur ne sont, en revanche, pas opposables à une demande qui a pour seul objet de solliciter une autorisation d'occupation du domaine public sans modification de l'état des immeubles.

Application. La demande présentée par la société requérante avait pour seul objet de solliciter une autorisation d'occupation du domaine public sans modification de l'état des immeubles.

Les dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune d'Aix-en-Provence n'étaient donc pas opposables à cette demande. En estimant que la décision de refus contestée pouvait être fondée sur un motif tiré du non-respect des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A2) de ce plan de sauvegarde et de mise en valeur, la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 1er octobre 2021, n° 19MA00831 N° Lexbase : A0315488) a donc commis une erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Le champ d'application des actes individuels d'urbanisme, L'exigence du permis de construire, in Droit de l’urbanisme (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4582E7T.

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