La lettre juridique n°913 du 7 juillet 2022

La lettre juridique - Édition n°913

Avocats/Discipline

[Brèves] Discipline des avocats, élections du CNB, cotisation annuelle… : le décret est paru !

Réf. : Décret n° 2022-965, du 30 juin 2022 modifiant le décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L2884MD8

Lecture: 4 min

N2063BZG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482063
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 06 Juillet 2022

► Le décret n° 2022-965, du 30 juin 2022, publié au Journal officiel du 1er juillet 2022 :

  • fixe les modalités du vote électronique des membres du Conseil national des barreaux – élection désormais confiée au Conseil national des barreaux lui-même ;
  • précise la procédure de recouvrement de la cotisation annuelle due par les avocats redevables au CNB ;
  • réforme la procédure disciplinaire des avocats.

Loi « confiance ». Le décret est pris pour l'application de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l'institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T (lire à ce propos, H. Laudic-Baron, La réforme de la procédure disciplinaire des avocats : confiance ou défiance ?, Lexbase Avocats, mai 2021 N° Lexbase : N7419BYG).
Modification des modalités de vote des membres du CNB. Le nouveau texte vient modifier les modalités de vote des membres du CNB. Le Conseil national des barreaux est désormais chargé de l'organisation des opérations électorales et du dépouillement des votes auparavant dévolue aux Bâtonniers (décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, art. 24). Le vote aura exclusivement lieu par voie électronique.

Recouvrement de la cotisation annuelle au CNB. La procédure de recouvrement de la cotisation annuelle due par les avocats redevables au Conseil national des barreaux est également modifiée. Le nouvel article 37-1 mentionne notamment « qu'à défaut pour l'avocat redevable de s'acquitter de l'intégralité de ses cotisations, dans le mois de sa notification, une décision de nature à produire les effets d'un jugement pourra être rendue à son encontre par le Conseil national des barreaux […] ». L'opposition est portée devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel l'avocat est domicilié (décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, art. 37-2).

Réforme de la procédure disciplinaire des avocats. Le nouveau texte vient, enfin, réformer la procédure disciplinaire des avocats et, particulièrement, ajouter de nouvelles peines complémentaires. L’article 184 précise ainsi que la juridiction disciplinaire peut, à ce titre, ordonner la publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de sa décision, dans le respect de l'anonymat des tiers. L'avertissement, le blâme et l'interdiction temporaire d'exercice peuvent, également, être assortis des peines complémentaires suivantes :

  • la privation du droit de faire partie du conseil de l'Ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de Bâtonnier pendant une durée n'excédant pas dix ans ;
  • l'interdiction temporaire, et ce quel que soit le mode d'exercice, de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d'encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive une durée maximale de cinq ans.

Le CNB avait proposé cette dernière sanction, en février dernier, à la Chancellerie faisant ainsi écho aux témoignages de harcèlement de collaborateurs relayés dans la presse ou sur les réseaux sociaux (lire, à ce propos, Veille Avocat - Toute l'actualité de la profession (février 2022), Lexbase Avocats, mars 2022 N° Lexbase : N0623BZ4). Pour mémoire, le barreau de Paris avait, lui, choisi de ne pas voter cette proposition (lire à ce sujet, "Je ne suis pas du tout pour le tribunal médiatique […] mais je dois admettre que c'est une bonne chose que la parole puisse se libérer et que la peur change de camp" - Questions à Chloé Belloy à propos des nouvelles sanctions disciplinaires en cas de harcèlement, Lexbase Avocats, mars 2022 N° Lexbase : N0575BZC). À noter que la juridiction disciplinaire peut aussi prescrire à l'avocat poursuivi une formation complémentaire en déontologie dans le cadre de la formation continue.

Concernant les réclamations formulées à l’encontre d’un avocat, un chapitre « II – bis » est inséré. Il prévoit leur forme et contenu, les modalités de l’instruction et de la conciliation. Le Bâtonnier y voit ses compétences étendues, désormais « toute réclamation formulée à l'encontre d'un avocat doit, au préalable, être adressée au Bâtonnier ». Il peut aussi « organiser une conciliation entre les parties lorsque la nature de la réclamation le permet » (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 186-3).

Si le Bâtonnier n’entend pas engager de procédure disciplinaire, l'auteur de la réclamation dispose de la possibilité de saisir le procureur général de la cour d'appel ou de saisir directement la juridiction disciplinaire.

Entrée en vigueur. Le texte entre en vigueur le 2 juillet 2022.

newsid:482063

Avocats/Gestion de cabinet

[Questions à...] Un nouveau modèle de cabinet d’avocat holistique : l'exemple belge - Questions à Margarita Hernandez-Dispaux, cofondatrice du cabinet d’avocat « Casa Legal »

Lecture: 13 min

N2044BZQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482044
Copier

par Marie Le Guerroué et Joséphine Pasieczny

Le 08 Juillet 2022

Quatre avocates belges Katia Melis, Noémie Segers, Clémentine Ebert et Margarita Hernandez-Dispaux ont co crée la première ASBL (association sans but lucratif) d’avocats en Belgique « Casa Legal ». Elles y ont développé une nouvelle manière d’exercer leur métier avec une approche multidisciplinaire en droits des étrangers, droit pénal, droit social et droit de la famille après plusieurs années de pratique.

 

Margarita Hernandez-Dispaux, l’une des cofondatrices du cabinet a accepté, pour Lexradio et Lexbase Avocats, de nous expliquer ce nouveau modèle de cabinet d’avocat novateur et inspirant.

 

Cette interview est également à retrouver en podcast sur Lexradio.


 

Coopcity©

Lexbase Avocats : Est-ce que vous pouvez, tout d’abord, nous présenter votre cabinet ? Et nous expliquer pourquoi il s’agit d’un cabinet novateur ? 

Casa Legal est une association d'avocat crée à l'initiative de quatre avocates co-fondatrices. Le cabinet un lieu multidisciplinaire. On y retrouve des avocats, mais aussi d'autres professions. Nous avons ainsi au sein de notre cabinet une assistante psychosociale et deux assistantes sociales détachées chez nous une matinée par semaine. Il s’agit d’un des aspects novateurs de notre cabinet car nous avons dans un même lieu une prise en charge holistique des clients.

La forme juridique du cabinet est aussi novatrice car il s’agit d’une ASBL, une forme juridique d’association sans but lucratif en Belgique. Ce choix de structure est doublement novateur car il est d’abord unique -il n’existe pas à notre connaissance d’autres ASBL d’avocats- mais aussi parce qu’il nous confère le statut de salarié alors que, en Belgique, les avocats ont classiquement le statut d'indépendant.

La dernière innovation du cabinet est sa gouvernance qui est collective. Nous avons été, à cet égard, formées à la gouvernance horizontale. D’autres cabinets fonctionnent aussi avec des outils de gouvernance collective, mais nous essayons de pousser ce concept le plus loin possible.

Lexbase Avocats. Pourquoi vous semblait-il nécessaire de décloisonner la profession ? 

Le décloisonnement était pour nous effectivement très important. Nous avons fait deux constats. D’abord, par rapport aux bénéficiaires. Nous nous sommes rendu compte que dans les matières que nous exerçons (droit des étrangers, droit familial, droit de la jeunesse, droit pénal côté victimes, et l’aide sociale) nous avions des personnes qui arrivaient chez nous avec une problématique juridique et déjà, souvent, en procédure judiciaire. Nous pouvions leur répondre sur nos compétences mais nous devions ensuite les renvoyer vers un autre avocat spécialisé, ces personnes avaient donc besoin de plusieurs avocats. Certaines matières nécessitaient aussi une prise en charge au niveau psychosocial importante qui interférait forcément avec le juridique ou le judiciaire. Dans ce cas, nous les renvoyions vers des services sociaux.

Dans tous ces cas, la personne devait se rendre dans ces services alors que cela n’est pas forcément facile pour elle. Il y avait donc ce besoin de créer un lieu où nous pouvions travailler avec d'autres professions autour des personnes qui venaient nous voir. C’était un premier décloisonnement nécessaire à opérer.

Au niveau du métier d’avocat, ensuite, ce décloisonnement permet de travailler en étroite collaboration avec d’autres professions et d’être chacun à sa place, dans ses compétences et de se consacrer à son expertise. Un avocat n’a pas les compétences d’un psy ou d’une assistante sociale et nous nous retrouvions à faire des choses dont nous n’avions pas les compétences outre le fait que cela n’était pas rémunéré par le système d’aide juridique, ni par les personnes car nous ne pouvions évidemment pas le leur facturer.

Lexbase Avocats. Est ce que vous pouvez nous donner des exemples de dossier ou de contentieux que vous traitez dans votre cabinet avec cette approche multidisciplinaire ? 

Nous avons démarré notre réflexion fin 2018, cela fait donc bientôt quatre ans que nous prenons en charge de nombreuses situations et que nous affinons au fil du temps les situations que nous pouvons prendre en charge. Nous avons, par exemple, beaucoup de femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales, des femmes qui sont en situation administrative compliquée donc qui n’ont pas de titre de séjour ou dont le séjour est en danger du fait de la situation qu'elle traverse. Il s’agit d’un public que nous avons de plus en plus et, pour lequel le modèle « Casa Legal » prend tout son sens.

Par exemple, ce matin j'étais au tribunal de la famille pour une dame qui est venue chez nous à la suite de graves violences de la part de son mari. Ils ont deux enfants mineurs. Cette dame s’est retrouvée hospitalisée à la suite des faits, le mari incarcéré et les filles mineures placées. Elle est donc arrivée avec une dimension où il faut de manière urgente :

- mettre un cadre au niveau familial et saisir d'urgence le tribunal de la famille,

- faire un suivi au pénal : une instruction a été ouverte et il faut donc accompagner la cliente aux auditions de police - avec le réseau que nous avons pu développer nous avons un contact privilégié avec une cellule spécialisée de la police dans les violences conjugales et intrafamiliales et nous pouvons accompagner la cliente à compléter sa plainte si elle avait déjà fait une plainte ou aller la déposer - ;

- il y a aussi un volet de droits des étrangers car la cliente à une situation administrative compliquée donc on doit contacter l'office des étrangers, faire un maintien de séjour éventuellement, voir ce qu’il est possible d'envisager si elle n’a pas de séjour ;

- il y a potentiellement aussi un volet de droits de la jeunesse puisqu’avec un père incarcéré et une mère hospitalisée, il faut prendre des mesures par rapport aux enfants.

Nous avons donc quatre matières de droit. On peut tout prendre en charge ici au sein de « Casa Legal » parce qu’il y a cette équipe d'avocats qui le permet. C'est rare de trouver un seul avocat qui fait toutes ces matières-là à la fois.

Nous avons, en plus de tout cela, un volet psychosocial énorme puisque la cliente se retrouve hospitalisée et doit avoir un logement d'urgence. Notre intervenante psychosociale peut le prendre en charge avec le réseau qu'elle a au niveau associatif. Tout cela m'aide moi, en tant qu'avocate, parce qu'au tribunal de la famille ce matin j'ai pu dire que la cliente était logée et qu’elle était en mesure d’accueillir ses enfants. Tout est interconnecté. Typiquement cela est vraiment une situation que « Casa Legal » prend en charge de manière incroyable !

En tant qu'avocat et, quand on a connu le métier d'avocat avant - nous avions toutes au moins 10 ans de barreaux derrière nous avant d’arriver chez Casa Legal -, on se rend compte que tout cela fait la différence. Nous n’avons plus du tout envie de retourner à un exercice classique de la profession. Je vois aujourd’hui ce que je peux apporter dans un dossier de manière concrète pour que celui-ci avance, c’est incroyable d’efficacité ! Dans le dossier de ce matin, « Casa Legal » a permis à cette femme d’être prise en charge de manière totale et de pouvoir le plus rapidement possible sortir de l'impasse ou en tous cas améliorer sa situation.

Lexbase Avocats. En réinventant l’accompagnement des clients, vous réinventez donc aussi votre métier. Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement ce que cela a changé dans votre quotidien d’avocate ?

Oui, d’abord, le travail en équipe est ultra bénéfique. Il y a des cabinets où il est évidemment possible de frapper à la porte de son collègue pour discuter mais ici cela n’est pas la même dynamique. Nous sommes vraiment plusieurs avocats avec potentiellement un intervenant psychosocial et nous faisons des réunions d'équipe sur les situations avec tous les intervenants dans les dossiers. Nous répartissons le travail et, de ce fait, il est beaucoup plus efficace. Nous travaillions mieux et les compétences sont mieux réparties. Nous faisons ainsi avancer les choses très vites.

Dans le dossier que j’évoquais précédemment si j’avais été seule - je pratique le droit de la famille et de la jeunesse - j’aurais dû décrocher mon téléphone pour appeler celle qui fait du droit des étrangers, celui qui fait du droit pénal et puis contacter l'assistante sociale. Ici nous agissons extrêmement rapidement, dans la cohérence et dans l'efficience du travail. Le modèle fait vraiment que nous travaillons mieux. 

Nous avons pu également identifier, par le biais de la gouvernance collective, à quel moment de la semaine et quelle réunion nous avions besoin de fixer. Nous avons ainsi programmé les réunions « en grande équipe » le jeudi en fin de matinée. On y a recours quand la « petite équipe » qui est autour de la personne a besoin de soumettre des questions qui nécessitent une intelligence collective. Par exemple, dans un dossier, ma collègue en droit des étrangers pourra me demander d’attendre pour demander le divorce afin de respecter un délai qui est important pour elle etc.. Il y a toute une cohérence d'action qui donne une plus-value énorme au travail qu'on fait.

Lexbase Avocats. Est ce que votre modèle suppose également une approche économique différente afin d’en assurer la viabilité financière ? 

Oui, tout à fait, en tous les cas pour nos matières et notre public. Car, outre notre modèle particulier, et il y aussi les matières pratiquées avec ce modèle. Nous faisons chez « Casa Legal » du droit des étrangers, du droit familial, du droit de la jeunesse, du droit pénal pour les victimes. Ces matières impliquent un public souvent très précarisé au niveau économique, au niveau social et, parfois, même d’un point de vue psychologique. Ce public très spécifique dépend pour la majorité de l’aide juridique ici en Belgique. On est donc rémunéré pour ces personnes par un système de points par l’État suivant une nomenclature bien précise qui est faite en fonction du contentieux. Par exemple, l’introduction d’une demande de divorce vaut X euros. Il n’y a pas du tout de place pour tout le travail que nous faisons et pour la manière dont nous travaillons chez « Casa Legal ».

Pour mon exemple précédant, j’aurais eu 3 points pour la requête en divorce sur la base de la nomenclature ce qui globalement vaut 80 euros alors qu’autour de cette requête j’ai rencontré 3 à 4 fois la cliente, nous lui avons téléphoné, nous étions en contact avec les assistantes sociales de l'hôpital quand elle était hospitalisée etc.. Tout cela est du temps qui n’est pas rémunéré avec le système de l'aide juridique et encore moins le travail en équipe qu'on fait autour du dossier. Si nous devions être rémunéré que par l’aide juridique en l’état actuel le système ne serait pas rentable.

Nous avons des clients qui peuvent payer des honoraires en fonction d’une grille. Ce point est également novateur car nous avons établi un système de forfait en fonction de la situation financière des personnes et de l'intervention que nous allions faire. Nous adaptons vraiment nos honoraires aux bénéficiaires. Toutefois, comme je vous le disais la majorité de nos bénéficiaires dépendent de l'aide juridique donc ces honoraires ne permettent pas non plus de subvenir à nos besoins financiers chez « Casa Legal ».

Nous avons donc développé tout une recherche de fonds publics qui vont permettre de le financer.. Les fonds publics ne vont pas rémunérer le travail d'avocat mais celui des assistantes sociales, l'intervenant psychosociale et tout ce qui concerne la gestion et la coordination de l’ASBL.

Nous avons donc un système hybride de financement, d’aide juridique, de bénéficiaires qui peuvent payer des honoraires, des fonds publics mais aussi des fonds privés.

Ce fonds privé « Les amis de Casa Legal » est géré par « La fondation Roi Baudouin », une fondation belge très importante qui nous accompagne dans nos recherches de fonds. C'est clair que l'enjeu financier et l'enjeu de la pérennisation financières de l’ASBL est au cœur, depuis le début des réflexions, et d'autant plus maintenant.

Il faut également savoir que, pour obtenir des fonds publics, il faut répondre à des appels à projets et donc nous passons aussi énormément de temps là-dessus. Il ne s’agit pas de chose que les avocats font normalement. Une partie immense de notre travail n'est pas du pur fonds. Nous développons ainsi des compétences entrepreneuriales, ce qui est assez passionnant mais c’est aussi très mobilisant et tout à fait nouveau donc cela prend du temps !

Nous développons aussi des liens avec le politique parce que, s’agissant des fonds publics -et là c'est une grosse partie aussi de notre travail- on est dans un lobby politique de plus en plus intense. En Belgique, il y a un accord de Gouvernement qui a été pris en 2020 et qui suggère qu’il y ait des projets pilotes de cabinets multidisciplinaires qui se développent en Belgique.

Nous prenons cette ligne de l'accord au mot pour aller frapper à la porte des politiques, pour les convaincre qu’il faut ajouter ce complément d'offres car il s’agit là d'accès à la justice finalement. Il faut donc convaincre le politique de développer cette nouvelle offre car même s’il y a un système d'accès à la justice actuellement en Belgique, nous proposons un complément qui n’existe pas et qui est efficace.

Lexbase Avocats : Est-ce que ce modèle a été compliqué à mettre en place d’un point de vue administratif ? 

Oui, cela a été très compliqué parce que le modèle est totalement novateur dans la profession. Nous avons toujours eu un dialogue avec notre Ordre et les Bâtonniers successifs pour pouvoir faire les choses convenablement et en accord avec nos règles.

Très vite on se rend compte que ce que nous proposons répond à un besoin que tout le monde constate et donc nos interlocuteurs sont très vite convaincus mais ensuite il faut passer le cap du financement…

Comme toute entreprise cela a été compliqué et c’est compliqué. Cela représente beaucoup d'investissements en temps et financiers au départ.

Lexbase Avocats. Votre modèle pourrait-il faire des émules ? Y compris en France avec une législation adaptée ?  

D'après ce que nous savons, il n'y a pas de projet comme le nôtre ayant vu le jour encore en Europe. Nous savons qu’il existe d’autres modèles outre Atlantique, par exemple au Canada et à New York où il existe un cabinet qui s’appelle « The Bronx Defenders » qui fonctionnent aussi de manière multidisciplinaire. C’est, a priori, quelque chose de tout nouveau et qui, sauf erreur, n'existe pas encore en France.

Nous imaginons évidemment depuis le début que « Casa Legal » fasse des émules. Nous avons en Belgique le modèle des maisons médicales. Il s’agit d’un modèle qui a vu le jour dans les années 70 où les médecins avec d’autres professions prennent en charge les patients de manière plus globale. Nous prenons ce modèle comme image avec la différence que nous le faisons démarrer avec des avocats. Nous sommes convaincues qu'il pourrait y avoir des « Casa Legal » un peu partout en Belgique et pourquoi pas à l'international !

En Belgique, nous avons beaucoup de demandes d'avocats qui nous contactent pour savoir comment nous avons fait. Nous en sommes à un point où nous organisons des « lunch » de rencontres avec d’autres avocats qui viennent d’autres barreaux. Ils sont aussi intéressés par le modèle multidisciplinaire pour l’adapter à d’autres matières du droit.

Cela intéresse les confrères et consœurs notamment, je pense, parce que ce modèle fait sens et particulièrement pour les jeunes générations. Nous avons de nombreuses demandes de stage. Il y a vraiment un intérêt pour cette nouvelle manière de fonctionner.

newsid:482044

Baux commerciaux

[Brèves] « Loyers Covid-19 » : la Cour de cassation de cassation a tranché… les loyers sont dus !

Réf. : Cass. civ. 3, 30 juin 2022, trois arrêts, n° 21-20.127, FS-B N° Lexbase : A858778K ; n° 21-20.190, FS-B N° Lexbase : A859678U et n° 21-19.889, FS-D N° Lexbase : A194279S

Lecture: 5 min

N2135BZ4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482135
Copier

par Johanna Granat

Le 06 Juillet 2022

► La mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public en raison de l’épidémie de Covid-19 n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance ; le locataire n’est pas non plus fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.

Contexte. Par trois décisions distinctes rendues le 30 juin 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la suspension du paiement des loyers des baux commerciaux durant la période d’état d’urgence sanitaire. Ces arrêts sont accompagnés d’un communiqué, dans lequel la Haute juridiction précise qu’elle a été saisie d’une trentaine de pourvois et qu’elle fait le choix d’examiner trois d’entre eux en priorité, car ils lui offraient l’opportunité de répondre à des questi-ons de principe posées par cette situation.

Elle mentionne également que le parquet général de la Cour de cassation a versé aux débats une note du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers des commerces. Il ressort de cette note que :

  • jusqu’à 45 % des établissements du commerce de détail ont été fermés durant la crise ;
  • le montant total des loyers et charges locatives ainsi immobilisés est estimé à plus de 3 milliards d’euros ;
  • ces entreprises ont pu bénéficier de trois dispositifs d’aides successifs (fonds de solidarité, coûts fixes et aide loyers), ainsi que d’autres mesures de soutien.

Faits et procédure. Par application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 N° Lexbase : Z75305S9, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national, nécessitant la prescription de mesures générales et notamment l’interdiction temporaire de se déplacer hors de son domicile sauf nécessité.

Dans ce contexte, trois sociétés locataires de baux commerciaux ont informé leurs bailleurs respectifs de la suspension du paiement de leurs loyers et charges en raison de l’interdiction gouvernementale de recevoir du public. Face au refus de paiement, les bailleurs ont soit assigné la locataire en paiement d’une provision correspondant à l’arriéré locatif (n° 21-20.127), soit procédé sur les comptes de la locataire à la saisie-attribution d’une somme correspondant à l’intégralité de la facture de loyer du deuxième trimestre 2020 (n° 21-20.190), soit enfin obtenu une ordonnance d’injonction de payer (n° 21-19.889).  

Dans ces trois affaires, les locataires ont fait opposition aux actions des bailleurs en estimant qu’elles n’avaient pas à s’acquitter du loyer afférent à la période au cours de laquelle elle n’avait pu jouir de leurs locaux afin d’exercer leur activité. Les juges d’appel, dans deux affaires (CA Grenoble, 1er juillet 2021, n° 20/03802 N° Lexbase : A11894YP ; CA Paris, 1-10, 3 juin 2021, n° 21/01679 N° Lexbase : A92514TS) et le tribunal de commerce de Bordeaux (T. com. Bordeaux, 25 mai 2021, aff. n° 2021F00082 N° Lexbase : A451043G) dans la troisième ont débouté les locataires.

Elles ont donc formé des pourvois en cassation. Pour cela, elles se sont fondées sur plusieurs moyens :

  • la perte de chose louée en vertu de l’article 1722 du Code civil N° Lexbase : L1844ABW ;
  • l’exception d’inexécution du contrat de bail ;
  • la qualification de force majeure en vertu de l’article 1218 du Code civil N° Lexbase : L0930KZH.

Décision. Par ces trois arrêts particulièrement attendus, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette les pourvois et relève que l’interdiction temporaire de recevoir du public n’exonère pas le paiement de leur loyer par les commerçants durant cette période. La Haute juridiction retient d’abord que « édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020 […] résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique ».

Elle se prononce ensuite en détail sur l’inapplication des trois causes exonératoires.

La perte de chose jugée. Ainsi, elle retient qu’en raison de l’application du caractère général de l’interdiction de se déplacer et du caractère non-indispensable des services fournis par les locataires, il est justement relevé que « l’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du Code civil ».

S'agissant d'un arrêt rendu en référé, elle ajoute, dans l’une des affaires, que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, de sorte que l'obligation de payer le loyer n'est pas sérieusement contestable (n° 21-20.127).

L’exception d’inexécution du contrat de bail.  Pour la Haute juridiction, l'impossibilité d'exploiter étant le seul fait du législateur, la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est  pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance.

La force majeure. Sur ce point, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article 1218 du Code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. Dès lors, la locataire, débitrice des loyers, n'est pas fondée à invoquer à son profit la force majeure (n° 21-20.190).

Pour aller plus loin : v. commentaire de B. Brignon in Lexbase Affaires n° 726 à paraître le 21 juillet 2022. 

 

newsid:482135

Contrats et obligations

[Brèves] Garantie légale de conformité des biens et des contenus et services numériques : publication du décret d’application de la réforme

Réf. : Décret n° 2022-946 du 29 juin 2022 relatif à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques N° Lexbase : L2734MDM

Lecture: 3 min

N2139BZA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482139
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 06 Juillet 2022

► Le décret n° 2022-946, du 29 juin 2022, publié au Journal officiel du 30 juin 2022, révise et complète les dispositions réglementaires en vigueur relatives à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, à la suite de la réforme opérée par l'ordonnance n° 2021-1247, du 29 septembre 2021.

Le texte adapte l'obligation générale d'information précontractuelle à la modernisation de la garantie légale de conformité des biens et à la création d'une garantie légale analogue pour la fourniture de contenus numériques et de services numériques. Il détermine les informations relatives aux garanties légales, en particulier la garantie légale de conformité et la garantie des vices cachés, qui doivent être contenues dans un encadré aux conditions générales du professionnel. Il prévoit que les contrats de garantie commerciale comportent un même encadré rappelant l'existence et les modalités de mise en œuvre des garanties légales. Il précise enfin selon quelles modalités le consommateur est informé, préalablement à toute vente aux enchères publiques auxquelles il peut assister en personne, qu'il ne bénéficie pas de la garantie légale de conformité pour les biens d'occasion acquis dans ce contexte.

Il prévoit en outre que le professionnel précise, dans ses conditions générales, la nature de l'avantage que le consommateur consent, le cas échéant, en l'absence ou en complément du paiement d'un prix en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service, en présentant le modèle par lequel le professionnel en tire un bénéfice économique et en indiquant, en particulier, de quelle manière les éventuelles données à caractère personnel du consommateur sont valorisées par le professionnel.

Ce décret précise par ailleurs les modalités d'information du consommateur sur les mises à jour logicielles des biens comportant des éléments numériques. D'une part, sont précisées les modalités par lesquelles le producteur d'un bien comportant des éléments numériques communique au vendeur les informations sur la durée pendant laquelle le producteur fournit des mises à jour qui sont compatibles avec les fonctionnalités du bien, et dans quelles conditions le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur. D'autre part, il détaille les informations relatives aux caractéristiques essentielles, que le producteur communique au consommateur lors de la fourniture des mises à jour.

Le décret précise, au surplus, certaines modalités de la mise en conformité du bien affecté d'un défaut de conformité, en vue de sa réparation ou de son remplacement.

Il actualise enfin les références indiquées dans les dispositions, inchangées au fond, relatives au rescrit portant sur certaines garanties commerciales.

Entrée en vigueur. Les dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2022.

Pour aller plus loin :

  • Dimitri Houtcieff, L'ordonnance relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques : entre nouvel ordre et désordre, Lexbase Droit privé, n° 889, 6 janvier 2022 N° Lexbase : N9972BYY ;
  • Dimitri Houtcieff, Ordonnance relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs : l’alourdissement des sanctions ou le remède ordinaire de l’ineffectivité du droit, Lexbase Droit privé, n° 900, 31 mars 2022 N° Lexbase : N0948BZ7.

 

newsid:482139

Expropriation

[Brèves] Expropriation pour cause d'utilité publique : modalités de l’obligation de réaliser une contre-expertise indépendante

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 22 juin 2022, n° 450701, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A204778C

Lecture: 3 min

N2074BZT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482074
Copier

par Yann Le Foll

Le 06 Juillet 2022

► L’évaluation socio-économique des investissements publics dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour cause d'utilité publique peut impliquer une obligation de réaliser une contre-expertise indépendante, dont l’absence dans le dossier d’enquête n’est pas obligatoirement de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Principe. L'obligation de contre-expertise prévue par l'article 3 du décret n° 2013-1211, du 23 décembre 2013 N° Lexbase : L7047IYN, pris en application de la loi n° 2012-1558, du 31 décembre 2012 N° Lexbase : L8106IUR, trouve à s'appliquer non seulement pour un projet dont le montant de financement public dépasse les seuils ainsi fixés, mais aussi, en cas de modification d'un projet déjà autorisé :

  • soit lorsque la modification entraîne un dépassement des seuils de financement public prévus par cette disposition ;
  • soit lorsque la modification apportée porte elle-même sur des montants supérieurs à ces seuils ;
  • soit, enfin, lorsque la modification, portant sur un projet qui a déjà donné lieu à une contre-expertise, est telle que, sans entrer dans les cas précédents, elle conduit à remettre en cause les données fondamentales du dossier d'évaluation socio-économique, et donc l'analyse effectuée dans la contre-expertise initiale.

Application. Le projet de ligne 18 (métro automatique qui doit relier l'aéroport d'Orly à la gare de Versailles Chantiers) a déjà donné lieu à la contre-expertise prévue par cette disposition lors de la déclaration d'utilité publique prononcée par le décret n° 2017-425, du 28 mars 2017 N° Lexbase : L4189LDI.

Toutefois, les modifications apportées au projet par la déclaration d'utilité publique modificative du 14 janvier 2021 entraînent un accroissement du coût des besoins en financement public supérieur au seuil de 100 000 000 euros HT, accroissement qui représente au moins 5 % du montant total hors taxe du projet d'investissement. Il était, dès lors, nécessaire de procéder, comme cela a été fait, à une nouvelle contre-expertise.

Une procédure viciée (non) ? Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative (par exemple, l’irrégularité de l'évaluation ne contenant aucune information précise sur le mode de financement et la répartition envisagés pour le projet,  CE, 1°-6° s-s-r., 15 avril 2016, n° 387475, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4292RIS).

S'il n'est pas contesté que la contre-expertise et l'avis du secrétaire général pour l'investissement n'ont pas été versés au dossier d'enquête, il ressort des pièces du dossier que l'analyse socio-économique qui figurait dans le dossier d'enquête indiquait clairement les différentes évolutions par rapport aux projections faites initialement et répondait aux observations faites dans le cadre de la contre-expertise et par le secrétaire général pour l'investissement.

Dans ces conditions, l'absence de la contre-expertise et de l'avis du secrétaire général pour l'investissement dans le dossier d'enquête n'a pas été de nature à nuire à l'information du public, ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

newsid:482074

Harcèlement

[Brèves] Précisions sur les conditions d’enquêtes internes en cas de dénonciations de faits de harcèlement

Réf. : Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437, FS-B N° Lexbase : A8415788

Lecture: 4 min

N2054BZ4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482054
Copier

par Charlotte Moronval

Le 06 Juillet 2022

En cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié ;

Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.

Faits et procédure. Licencié pour faute grave à raison de faits de harcèlement sexuel ainsi que de faits de harcèlement moral tenant à un management agressif, un salarié saisit la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement.

La cour d’appel juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle retient d’abord que :

  • selon le rapport de l'inspection générale, une salariée a décrit « des propos récurrents à connotation sexuelle » tels que des propos « graveleux et déplacés sur son physique, ses tenues vestimentaires ou celles de collègues, sur les seins de sa femme » ;
  • une autre salariée dénonce une pression quotidienne et des reproches permanents, le salarié en question lui ayant notamment « avoué être contre sa titularisation » lors de son entretien annuel d'appréciation et évoque également une réflexion du salarié sur son décolleté.

Toutefois, la durée de l'interrogatoire du salarié n'est pas précisée, pas plus que le temps de repos.

Par ailleurs, seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues et cette audition a été commune.

Selon la cour d'appel, l'ensemble de ces éléments et notamment le caractère déloyal de l'enquête à charge réalisée par l'inspection générale, sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne permet pas d'établir la matérialité des faits dénoncés et de présumer d'un harcèlement sexuel ou d'un harcèlement moral.

La société forme un pourvoi en cassation.

La solution. Au visa des articles L. 1152-4 N° Lexbase : L5790I3T, L.1152-5 N° Lexbase : L0732H9Y, L. 1153-5 N° Lexbase : L0338LMH, L. 1153-6 N° Lexbase : L8845ITR et L. 1234-1 N° Lexbase : L1300H9Z du Code du travail, la Chambre sociale casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel, rappelant, d’une part, qu’en matière prud'homale, la preuve est libre, et d’autre part, qu’en cas de licenciement d'un salarié en raison de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur tenu d'une obligation de sécurité peut être produit par lui pour justifier la faute imputée au salarié licencié, dès lors qu'il n'a pas été mené d'investigations illicites, et qu'il est notamment corroboré par les autres éléments de preuve produits.

Pour aller plus loin :

  • v. aussi Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, FS-P+I N° Lexbase : A89224LZ, relatif à la loyauté de la production du compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur, sans que la salariée suspectée de harcèlement ne soit informée et entendue ;
  • lire P. Larroque-Daran et S. Hervouët, Situation de harcèlement moral : les bons réflexes à adopter par l’employeur, Lexbase Social, octobre 2020, n° 841 N° Lexbase : N5033BY3 ;
  • v. aussi ÉTUDE : Harcèlement moral, Les obligations de l’employeur, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9486YUU ;
  • se former : Le harcèlement : caractérisation et prévention, Lexlearning.

newsid:482054

Licenciement

[Brèves] Pas d’information obligatoire du salarié sur son droit à demander des précisions sur les motifs du licenciement

Réf. : Cass. soc., 29 juin 2022, n° 20-22.220, FS-B N° Lexbase : A859378R

Lecture: 3 min

N2094BZL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482094
Copier

par Lisa Poinsot

Le 04 Novembre 2022

► Aucune disposition légale n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.

Faits et procédure. Une salariée est licenciée pour faute grave, après avoir été convoquée à un entretien préalable. Elle saisit la juridiction prud’homale en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé.

La cour d’appel (CA Colmar, 29 septembre 2020, n° 19/04164 N° Lexbase : A20083WB) constate, dans un premier temps, que la lettre de licenciement énonce un grief tiré d’un comportement et de propos déplacés de la salariée à l’égard de quatre collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail.

Elle retient, en second lieu, que ce motif de licenciement est précis et matériellement vérifiable. Elle en déduit que la lettre de licenciement répond à l’exigence légale de motivation.

Le motif de harcèlement moral imputable à la salariée dans la lettre de licenciement est justifié, selon la cour d’appel, par la réalisation d’une enquête interne, durant laquelle il n’est pas nécessaire d’entendre la salariée.

La salariée forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que la lettre de licenciement n’est pas suffisamment motivée puisqu’elle ne comportait ni le nom des salariés lui imputant des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements. De plus, l’enquête mettant en exergue les faits de harcèlement moral ne pouvait pas lui être opposable puisqu’elle n’a pas été entendue ni confrontée aux plaignants et témoins.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application de l'article L. 1235-2 du Code du travail N° Lexbase : L1316LTW, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN et de l'article R. 1232-13 du même Code N° Lexbase : L6228LH7, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 N° Lexbase : L6195LHW.

Pour aller plus loin :

  • sur l'enquête interne en cas de harcèlement moral : Ch. Moronval, Précisions sur les conditions d'enquêtes internes en cas de dénonciations de faits de harcèlement, Lexbase Social, juillet 2022, n° 913 N° Lexbase : N2054BZ4 ; Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437, FS-B N° Lexbase : A8425788 : l'employeur peut produire le rapport de l'enquête interne à laquelle il recourt pour justifier la faute imputée au salarié licencié ; 
  • v. ÉTUDES : La procédure applicable au licenciement pour motif personnel, Précisions des motifs énoncés dans la lettre de licenciement N° Lexbase : E2281GAQ et Les procédures de licenciement pour motif économique, La possibilité de préciser a posteriori le motif de licenciement N° Lexbase : E2282GAR, in Droit du travail, Lexbase.

 

newsid:482094

Procédure civile

[Brèves] Un message électronique peut-il valoir régularisation de la déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs du jugement critiqués ?

Réf. : Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-12.720, F-B N° Lexbase : A8574783

Lecture: 4 min

N2097BZP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482097
Copier

par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 06 Juillet 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 30 juin 2022, répond par la négative, affirmant de nouveau que la déclaration d’appel, qui ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, ne peut être régularisée, que par une nouvelle déclaration d’appel, qui doit être formée dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond ; les Hauts magistrats confirment leur position (Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528 FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4 ; Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P N° Lexbase : A68084M4), en excluant expressément qu’un message électronique de l’avocat de l’appelant, quel que soit son libellé et même adressé au greffe dans le délai requis, ne peut valoir régularisation de la déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués : seul l’acte d’appel emporte la dévolution des chefs critiqués du jugement !

Faits et procédure. Dans cette affaire, le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement (T. com. Paris, 16 mai 2019, n° 2018001658 N° Lexbase : A27983GQ), dans une affaire opposant une société, son gérant, ainsi que son épouse, dans un litige les opposant à leur assureur. Les demandeurs ont interjeté appel à l’encontre de cette décision. Faisant valoir que la déclaration d’appel n’énonçait pas les chefs critiqués du jugement, l’assureur a saisi la cour d’appel d’un incident tendant à dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif.

Le pourvoi. Les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Paris, 4, 8, 5 janvier 2021, n° 19/11815 N° Lexbase : A43064B4) d’avoir constaté, qu'aucun effet dévolutif d'appel ne s'exerce et que la cour n'était donc pas saisie du litige, dès lors que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqués. En l’espèce, la déclaration d’appel contenait pour seule mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et l’avocat des appelants avait par message RPVA alerté le greffe, pour solliciter de tenir compte des chefs critiqués du jugement non pris en compte, en récapitulant l’énoncé. La cour d’appel a retenu que les appelants pouvaient procéder à une nouvelle déclaration d’appel pour régulariser leur appel, et considérer que les messages électroniques ne pouvaient être qualifiés de nouvelle déclaration d’appel régularisée.

Solution. La Haute juridiction rappelle préalablement que :

  • seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs du jugement critiqués, et que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs critiqués du jugement, l’effet dévolutif n’opère pas ;
  • la déclaration d’appel ne mentionnant pas expressément les chefs du jugement critiqués ne peut être régularisée uniquement par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond (CPC, art. 910-4 N° Lexbase : L9354LTM).

Les Hauts magistrats énonçant la solution précitée aux termes des dispositions de l’article 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL valident le raisonnement de la cour d’appel, déclarent le moyen non fondé, et rejettent le pourvoi. Ils précisent que c’est sans méconnaitre l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, que la cour d’appel, ayant pris en considération deux messages électroniques, n’avait pas à répondre à de simples allégations, et a, à bon droit décidé qu’à défaut d’effet dévolutif, elle n’était pas saisie.

Pour aller plus loin :

  • v. F. Seba, ÉTUDE : L’appel, Déclaration d’appel : mentionsin Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E5193499 ;
  • Y. Joseph-Ratineau, Sanction de l’acte d’appel ne mentionnant pas les chefs critiqués du jugement : entre clarifications et questionnements, Lexbase Droit privé, février 2020, n° 814 N° Lexbase : N2332BYZ.

 

 

 

newsid:482097

Procédure pénale

[Brèves] Impartialité de la procédure pénale : ne peut intervenir en qualité de JLD le magistrat instructeur qui a procédé à la mise en examen dans le même dossier

Réf. : Cass. crim., 28 juin 2022, n° 22-82.698, F-B N° Lexbase : A8576787

Lecture: 5 min

N2064BZH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482064
Copier

par Adélaïde Léon

Le 27 Juillet 2022

► Le juge d'instruction ayant mis en examen un individu ne peut intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention dans ce même dossier ; En outre, en l'absence de convocation ou de débat contradictoire, il n'est pas établi que l’intéressé ait eu connaissance de l'identité du JLD avant la notification de l'ordonnance, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n’avoir pas engagé de procédure de récusation.

Rappel des faits. À la suite d’un incident grave survenu dans un centre pénitentiaire, un individu est mis en examen pour tentative de meurtre en récidive par le juge d’instruction. Saisi par ce dernier, le juge des libertés et de la détention (JLD) a placé l’intéressé en détention provisoire, mesure prolongée par la suite.

Le prévenu a par la suite formé une demande de mise en liberté.

Cette demande a été rejetée par ordonnance d’un JLD, lequel n’était autre que le magistrat qui, en sa qualité de juge d’instruction, avait procédé à la mise en examen du détenu.

L’intéressé a interjeté appel de cette décision arguant du défaut d’impartialité du JLD.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance rejetant la demande de mise en liberté. Elle considérait notamment qu’il n’existait aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions du juge d’instruction pour de JLD.

Les juges soulignaient par ailleurs que la décision même de placement en détention provisoire avait été prise à l’époque par un magistrat indépendant du juge d’instruction ayant notifié la mise en examen, et que cette décision ne présumait pas de parti pris de la part du magistrat.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyen du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir confirmé l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté alors que l’exigence d’impartialité objective avait été méconnue.

Le moyen rappelait qu’en sa qualité de juge d’instruction, le magistrat dont la partialité était mise en cause avait eu à apprécier de l’existence d’indices graves ou concordants de la commission d’une infraction. Or, plus tard, en sa qualité de JLD, ce même magistrat avait notamment justifié son ordonnance de rejet par l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de l’intéressé.

En rejetant le moyen tiré du défaut d’impartialité du JLD, la chambre de l’instruction avait nécessairement méconnu les articles 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR et préliminaire du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9741IPH.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 6 de la CESDH et 137-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6259LBG.

La Cour déduit de ces textes, en précisant qu’elle lit le second à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000 N° Lexbase : L0618AIQ, qu’un magistrat ayant porté, en tant que juge d’instruction, une appréciation sur l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission des infractions dont il est saisi ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de JLD dans la mesure ou ce dernier est amené, pour statuer sur les mesures de sûretés, à apprécier l’existence de tels indices.

Rappelons que la loi du 15 juin 2000 avait notamment retiré au juge d’instruction la possibilité de placer une personne en détention provisoire pour confier cette prérogative au JLD. La Cour faisant référence aux travaux préparatoires, on pourra notamment citer le rapport de Madame Christine Lazerges, Rapporteure à l’Assemblée nationale de ladite loi [en ligne] : « le présent projet de loi tente donc de répondre, à son tour, aux critiques récurrentes formulées contre la procédure pénale en vigueur, qui confie au juge chargé de l'instruction le pouvoir de placer la personne mise en examen en détention provisoire. […] Cette situation, est très souvent mise à l'index, ses détracteurs soulignant, à juste titre, que la confusion des rôles au profit du juge d'instruction affecte l'impartialité objective de la procédure pénale, que requiert l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. […] Pour pallier ces inconvénients, le projet de loi propose dans son article 10 la création d'un « juge de la détention provisoire ».

La Chambre criminelle affirme sans détour que le juge d’instruction ayant mis en examen l’intéressé ne pouvait intervenir en qualité de JLD dans le même dossier.

La Haute juridiction précise également qu’en l’absence de convocation ou de débat contradictoire, il n’était pas établi que le mis en examen ait eu connaissance de l’identité du JLD avant la notification de l’ordonnance. Dans ces conditions il ne pouvait lui être reproché de n’avoir pas engagé la procédure de récusation.

Pour aller plus loin :

  • Ch. Lazerges, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 : la genèse de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, Lettre juridique, Lexbase, 18 juin 2020 N° Lexbase : N3670BYL ;
  • F. Nguyen, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 - Le juge des libertés et de la détention : à la recherche du sens perdu, Lexbase Pénal, juin 2020 N° Lexbase : N3694BYH.

newsid:482064

Régimes matrimoniaux

[Jurisprudence] CCM, logement & capital personnel : le cas du compte courant d’associé

Réf. : Cass. civ. 1, 9 juin 2022, n° 20-21.277, F-B N° Lexbase : A790674L

Lecture: 12 min

N2100BZS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482100
Copier

par Jérôme Casey, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, Avocat associé au Barreau de Paris, Directeur scientifique de l’Ouvrage « Droit des régimes matrimoniaux »

Le 08 Juillet 2022

Mots-clés : régimes matrimoniaux • séparation de biens • contribution aux charges du mariage (CCM) • logement familial • bien indivis • apport en capital • fonds personnels • dépenses d’acquisition • dépenses d’amélioration  

Sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer, la part de l'autre lors de l'acquisition (ou encore l'amélioration, par voie de construction) d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.


 

(i) Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l'autre lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], après avoir constaté que l'immeuble avait été financé pour partie au moyen d'un apport en capital provenant d'un compte courant d'associé de celui-ci, l'arrêt relève que le contrat de mariage des époux stipule que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, que l'importante disparité de revenus entre eux devait conduire M. [M] à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage, que Mme [K] alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et familiales, que l'immeuble avait constitué le domicile conjugal et qu'ainsi les paiements effectués par M. [M] participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sans dépasser une contribution normale.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé
[C. civ., art. 214 N° Lexbase : L2382ABT].

(ii)  Il résulte de ce texte [C. civ., art. 214] que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre du financement d'une partie des travaux de la maison sise à […], après avoir constaté que celui-ci justifiait sa demande par la production de la copie d'un chèque tiré sur son compte bancaire au bénéfice du promoteur, l'arrêt retient que les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Observations. Pour ceux qui douteraient du pouvoir créateur de la jurisprudence, la présente décision constituera un beau démenti. En effet, l’arrêt rapporté est la preuve de ce que la Cour de cassation entend continuer à forger le régime de sa jurisprudence que nous avons baptisée dès 2013 « CCM & Logement », puisqu’elle porte (en régime de séparation de biens) sur l’incidence de la contribution aux charges du mariage sur le financement du logement (et autres biens assimilés au logement en raison de leur destination familiale). Nous en rendons d’ailleurs compte très régulièrement dans ces colonnes, au rythme des différents arrêts et des précisions qu’ils apportent (v. notamment, Cass. civ. 1, 3 octobre 2018, n° 17-25.858, F-D N° Lexbase : A5433YEX ; Cass. civ. 1, 5 décembre 2018, n° 18-10.488, F-D N° Lexbase : A7877YPG ; pour une analyse détaillée, v. J. Casey, Sommaires de jurisprudence - Droit des régimes matrimoniaux (année 2018) - Première partie, obs. n° 17, Lexbase Droit privé, janvier 2019, n° 769 N° Lexbase : N7341BX8 ; Cass. civ. 1, 18 novembre 2020, n° 19-15.353, FS-P+B N° Lexbase : A506837T ; pour bien comprendre l’articulation globale des solutions, v. J. Casey, Sommaires de droit des régimes matrimoniaux (septembre 2020 - décembre 2020), obs. n° 10, Lexbase Droit privé, janvier 2021, n° 850 N° Lexbase : N6084BYY).

Au cas présent, deux questions sont tranchées par la Cour de cassation :

1.    Un compte courant d’associé constitue-t-il un « apport personnel » au sens où les arrêts précédents de la première chambre civile l’ont entendu ?

2.    Les dépenses d’amélioration sont-elles soumises, comme les dépenses d’acquisition, à l’absence de blocage par la contribution aux charges du mariage, dès lors qu’elles sont réglées avec du capital personnel ?

La Cour de cassation apporte une réponse affirmative dans les deux cas, ce qui n’est guère surprenant.

I. Un compte courant d’associé peut être un « apport personnel »

On sait que la Cour de cassation a décidé, par deux arrêts successifs, que les apports personnels sont toujours remboursés lorsqu’ils financent un bien immobilier à vocation familiale (Cass. civ. 1, 3 octobre 2019, n° 18-20.828, FS-P+B+I N° Lexbase : A4983ZQM ; obs. J. Casey ; Cass. civ. 1, 17 mars 2021, n° 19-21.463, FS-P N° Lexbase : A88744LA, AJ fam. 2021. 314, obs. J. Casey ; D. 2021. 631 ; ibid. 819, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 1784, chron. V. Champ, C. Dazzan, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, X. Serrier, J. Mouty-Tardieu, E. Buat-Ménard et A. Feydeau-Thieffry ; AJDI 2021. 383). Cela a encore été répété récemment, mais dans une affaire très particulière, où le mari n’avait que du capital personnel et aucun revenu (Cass. civ. 1, 9 février 2022, n° 20-14.272, F-D N° Lexbase : A06507NE : la cassation est prononcée, car la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’une convention, fût-elle tacite, entre les époux pour que la contribution aux charges du mariage se fasse en capital).

L’originalité de la présente décision tient au fait que le capital personnel utilisé était non pas une somme provenant d’une succession ou d’une donation (ou de deniers antérieurs au mariage), mais d’une créance en compte courant d’associé. Il s’agissait donc d’une somme provenant du remboursement de ce compte courant. La nature personnelle de cette somme ne peut faire de doute, compte tenu de la nature du compte courant d’associé. En effet, on sait qu’un tel compte s’analyse en une forme de prêt à la société (Cass. com., 18 novembre 1986, n° 84-13.750, publié au bulletin N° Lexbase : A6110AAK), qui constitue d’ailleurs un actif disponible de celle-ci tant que son remboursement n’a pas été demandé ou qu’il n’est pas bloqué (Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-13.741, F-D N° Lexbase : A9786EGK ; Cass. com., 10 janvier 2012, n° 11-10.018, F-D N° Lexbase : A8083IAM, Bull. Joly 201. 295, note F.-X. Lucas). En revanche, une fois le remboursement du compte demandé, celui-ci devient du passif, exactement comme si la société remboursait une dette d’emprunt ordinaire exigible.

Or, si l’on considère les choses sous l’angle du créancier, il ne fait aucun doute que le paiement monétaire d’une créance personnelle ne peut être, par l’effet de la subrogation réelle, que créateur d’une somme d’argent de même nature que la créance que ce paiement a éteinte. De sorte que, la créance étant, au regard du régime matrimonial, constitutive d’un bien personnel du temps du prêt à la société, le capital issu du paiement effectué par la société débitrice constituera lui aussi un bien personnel au regard des qualifications du régime séparatiste. Il ne pouvait donc faire de doute, en l’espèce, que le paiement effectué par Romeo avec les capitaux provenant du remboursement de son compte courant d’associé était constitutif d’un « apport personnel » au sens de la jurisprudence du 3 octobre 2019 précitée.

Les juges du fond, qui ont bien indiqué que l’acquisition de l’appartement par Romeo s’est faite avec un apport en capital provenant d’un compte courant d’associé, n’ont cependant strictement tiré aucune conséquence de cette constatation. Pour eux, cela était indifférent dès lors que le contrat de mariage prévoyait la « grande » clause sur la contribution et qu’il existait une grosse disparité de revenus entre les époux et que Juliette déposait aussi ses revenus sur le compte joint du ménage. L’erreur était manifeste. Les juges du fond étaient focalisés sur une éventuelle surcontribution du mari (pour l’écarter) alors que le débat n’était pas du tout là. Il était dans la qualification à donner au paiement de Romeo, réalisé avec le capital provenant du remboursement d’un compte courant d’associé. C’est donc avec raison que le pourvoi a replacé le débat là où il devait être : le paiement du mari avec des deniers personnels, n’entre pas dans le champ de la contribution aux charges du mariage (et donne donc lieu à remboursement).

Ainsi, la présente décision contribue à affiner une branche de la jurisprudence « CCM & Logement », qui est celle portant sur la notion de capital personnel. On sait désormais, positivement :

  • que constitue un capital personnel toute somme provenant du prix de vente d’un bien personnel (v., Cass. civ. 1, 3 octobre 2019, prec.) ; c’est à cette catégorie que se rattache la présente décision, et c’est son apport majeur, lequel doit être souligné ;
  • que constitue un capital personnel toute somme provenant de deniers personnels qui ne proviennent pas de l’aliénation d’un bien personnel, donc des deniers personnels économisés, ou provenant d’une donation, succession, ou présents au jours du mariage (v., Cass. civ. 1,17 mars 2021, prec.).

Mais on sait aussi, négativement :

  • que ne constituent pas un capital personnel les deniers provenant d’un tel capital, dès lors qu’il existe une convention (le plus souvent tacite), explicable par la nature des faits, par laquelle l’époux solvens a marqué son accord de contribuer aux charges du mariage en puisant dans son capital personnel, et ceci en l’absence de tous revenus personnels (v., Cass. civ. 1, 9 février 2022, prec., sol. impl.).

On voit ainsi se dessiner les contours d’une sous-catégorie de la jurisprudence « CCM & Logement », et c’est donc la notion de capital personnel qui est précisée. Ainsi, est encore un peu plus clarifiée la notion de deniers personnels issus d’un tel capital, par opposition aux revenus, qui sont constitués aussi de deniers personnels, mais qui ne seront pas remboursés, les revenus entrant dans la catégorie des charges du mariage. Tout ceci est fort logique et ne peut qu’être approuvé.

II. Les dépenses d’amélioration entrent dans le champ de la jurisprudence « CCM & Logement »

Ce point nous retiendra moins longuement, tant il est évident. En l’espèce, les juges du fond ont refusé le remboursement à Romeo aux motifs que les deniers personnels utilisés provenaient d’un compte bancaire personnel à Romeo mais que « les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application ». Or, une lecture attentive de l’arrêt révèle que l’appartement de la « Localité 3 » est celui acquis pour partie avec les deniers provenant du paiement du compte courant d’associé, dont nous avons expliqué ci-dessus ce que l’on peut en penser. Autrement dit, les juges du fond ne voulaient pas rembourser Romeo pour les dépenses d’amélioration car pour eux la source du financement ne le justifiait pas, ainsi qu’il a été vu. Une telle position était intenable. Dès lors qu’il est jugé que le compte courant d’associé constitue un capital personnel, le paiement de dépenses d’amélioration au moyen de deniers provenant d’un compte bancaire alimenté par le remboursement de ce compte courant d’associé doit obligatoirement connaître le même dénouement. Ainsi, ces dépenses d’amélioration ont nécessairement été payées avec du capital personnel, et, partant, doivent être remboursées à l’époux solvens puisque ces sommes n’entrent pas dans le champ de la contribution aux charges du mariage, ainsi que cela a été développé ci-dessus.

Quant à dire que la nature des dépenses (dépenses d’amélioration) constituerait une surprise, il n’en est rien. Cela fait un moment déjà que la Cour de cassation les inclut dans le champ de sa jurisprudence « CCM & Logement », au même titre que les dépenses d’acquisition (v., déjà en ce sens, Cass. civ. 1,  18 janvier 2017 n° 15-28.164, F-D N° Lexbase : A7185S9Y, travaux d’installation dans le logement familial ; Cass. civ. 1, 18 janvier 2017, n° 15-28.965, F-D N° Lexbase : A7075S9W, travaux dans un pavillon). Cela est parfaitement logique : qui peut le plus peut le moins. Si l’on bloque le remboursement du patrimoine prêteur pour des dépenses d’acquisition, a fortiori doit-il en aller de même pour des dépenses d’amélioration, qui sont souvent moins coûteuses. En outre, dans les deux cas, il s’agit du logement de la famille (ou d’un bien à usage familial) et les deux types de dépenses participent du même but : loger correctement la famille. À quoi servirait-il d’aider à l’acquisition du logement, si c’était pour le laisser en mauvais état ? Ce qui prime, de toute évidence, c’est la participation financière à la vie commune, et cela sans faire de compte précisément parce que c’est un logement à vocation familiale. Peu importe alors la nature des dépenses, qu’elles soient d’acquisition ou d’amélioration. On remarquera enfin que c’est aussi cette logique qui prévaut pour les concubins (v., not., Cass. civ. 1, ,9 février 2022, n° 20-22.533, F-D N° Lexbase : A06427N4, la censure est encourue car les juges du fond n’ont pas recherché si la participation du solvens aux dépenses de construction du logement de la famille ne relevait pas des dépenses de la vie commune).

À retenir : au total, l’arrêt commenté doit recevoir une pleine approbation. On notera précieusement en carnet son message principal : financer le logement de la famille (en acquisition ou en amélioration, peu importe) via le capital perçu du remboursement d’un compte courant d’associé, relève de la notion de « capital personnel » telle qu’entendue par l’arrêt du 3 octobre 2019 (et ses suites). 

newsid:482100

Responsabilité

[Brèves] Garantie des vices cachés et chaînes translatives de propriété : entre précision et rappel

Réf. : Cass. com., 29 juin 2022, n° 19-20.647, F-B N° Lexbase : A858878L

Lecture: 2 min

N2156BZU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482156
Copier

par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 07 Juillet 2022

► Le maître de l’ouvrage qui agit contre l’entrepreneur ayant eu recours à un tiers pour lui fournir des produits lesquels se sont avérés défectueux, ne peut invoquer la garantie des vices cachés ;
► dans une chaîne de contrats, l’entrepreneur qui exerce un recours en garantie contre le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés doit exercer ce recours dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle il est assigné.

Chaînes translatives de propriété et garantie des vices cachés : voilà le contexte ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2022 dans lequel une précision et un rappel se côtoient.

Faits et procédure. En l’espèce, la société Engie avait confié à une société la réalisation d’une centrale de production d’électricité, pour cela, cette dernière, l’entrepreneur avait acheté des panneaux solaires auprès d’une société, le vendeur, lequel avait utilisé pour fabriquer ces derniers des connecteurs fabriqués par un fabricant. Condamné sur le fondement de la garantie des vices cachés (CA Versailles, 9 septembre 2021, n° 21/02325 N° Lexbase : A008244S) et son recours en garantie contre le fabricant ayant été déclaré prescrit, l’entrepreneur forma un pourvoi en cassation.

Solution. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel tant sur le moyen relatif à l’identité des personnes redevables de la garantie des vices cachés que sur celui fondé sur le point de départ de la prescription. S’agissant du premier, elle considère que « dans leurs rapports directs, l’action en garantie des vices cachés n’est pas ouverte au maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur ». Autrement dit, maître de l’ouvrage et entrepreneur étant liés par un contrat, peu importe que ce dernier ait été le fournisseur final des connecteurs défaillants. La logique des chaînes de contrats n’a ici pas lieu d’être. S’agissant du second, elle considère que le recours en garantie dont dispose l’entrepreneur contre le fabricant sur le fondement de l’article 1648 du Code civil N° Lexbase : L9212IDK « court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui », et non pas à compter de la découverte du vice. Une précision est ainsi apportée sur le point de départ de la prescription dans les chaînes de contrats.

newsid:482156

Social général

[Le point sur...] Les nouveaux lieux de travail : un cadre juridique à définir

Lecture: 20 min

N2088BZD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482088
Copier

par Audrey Probst, Avocat, DSJ Avocats

Le 06 Juillet 2022

Mots-clés : lieux de travail • télétravail • travail à distance • tiers-lieux • coworking • obligations de l'employeur • santé et sécurité au travail • exécution du contrat de travail

L’expérience du confinement lié à la crise sanitaire et la mise en place d’un télétravail à grande échelle au domicile des salariés a ouvert de nouveaux horizons pour les lieux de travail. L’activité d’une entreprise ne se concentre plus exclusivement entre ses murs mais aussi, et de plus en plus, dans d’autres lieux. Les changements induits par la diversification des lieux de travail sont vertigineux, et vont bien au-delà de la simple question du lieu physique d’exécution du travail. Décryptage des enjeux.


De la révolution industrielle, avec l’apparition des usines, jusqu’à l’avènement du secteur tertiaire et ses grands centres d’affaires, la vie économique et sociale s’est organisée autour des lieux d’implantation des entreprises. Cette réalité est encore d’actualité pour la plupart des salariés, devant se rendre quotidiennement dans les locaux de leur employeur pour y accomplir leur prestation de travail. Mais l’expérience du confinement lié à la crise sanitaire et la mise en place d’un télétravail à grande échelle au domicile des salariés a ouvert de nouveaux horizons.

Ceux occupant des tâches télétravaillables ont vite compris les avantages qu’ils pouvaient en tirer : absence de trajet quotidien domicile-lieu de travail, engendrant un gain de temps et financier, liberté dans l’organisation de l’espace de travail, meilleure conciliation entre la vie professionnelle et personnelle, etc. Pour certains, la perspective d’une pérennisation du travail à distance leur fait même entrevoir la possibilité d’un changement de vie personnelle, dans un cadre plus en adéquation avec leurs aspirations, à la campagne, au bord de mer, à la montagne, ou encore dans une ville permettant de concilier l’activité du conjoint et un meilleur épanouissement des enfants. La possibilité de travailler depuis un lieu de vacances ou de loisir n'est aujourd’hui plus une utopie [1]. Des entreprises du secteur du tourisme n’ont d’ailleurs pas mis longtemps à s’adapter à cette nouvelle manne de clientèle [2]. Fleurissent également un peu partout dans l’hexagone, des espaces de coworking, et même désormais des « tiers-lieux », favorisant les interactions sociales entre citoyens venant d’horizons divers, pour s’enrichir personnellement et « faire ensemble ». Le rôle « facilitateur » des tiers-lieux, et les perspectives de développement qu’ils offrent, sont encouragés par les pouvoirs publics [3], qui y voient un tremplin pour l’insertion professionnelle, la formation professionnelle, la transmission des « savoir-faire », et la mobilité tant fonctionnelle que géographique des travailleurs.

Parallèlement, avec les perspectives du métavers [4], et la possibilité d’une (véritable) immersion en 3D dans l’entreprise, le don d’ubiquité pourrait bientôt devenir palpable : l’avatar restant au bureau avec ses collègues, alors que le salarié peut être physiquement à peu près n’importe où dans le monde…

Les changements induits par la diversification des lieux de travail sont vertigineux, et vont bien au-delà de la simple question du lieu physique d’exécution du travail.

L’entreprise de demain pourra difficilement ignorer ces changements, au risque de devenir moins attractive sur le marché de l’emploi, moins agile et moins innovante que ses concurrents. Un des freins à ces changements reste toutefois, pour les entreprises et leurs salariés, les incertitudes juridiques existantes principalement :

  • sur les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité (I.) ;
  • et sur les conséquences juridiques et managériales sur l’exécution du contrat de travail (II.).

Faisons le point.

I. Nouveaux lieux de travail : les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité

L’intérêt d’une ouverture de l’entreprise à de nouveaux lieux de travail peut laisser perplexe notamment en raison de l’inadéquation de la règlementation en matière de santé et de sécurité. Une clarification de la règlementation serait à cet égard bienvenue (A.).

Néanmoins, l’application du principe général de prévention des risques, par sa généralité, permet d’assurer efficacement la protection des salariés. Ce devoir de prévention ne doit donc pas être négligé par les entreprises (B.)

A. L’application de la règlementation des lieux de travail en question

Dans le cadre d’une organisation traditionnelle de l’entreprise, le lieu de travail des salariés se situe dans les locaux de l’employeur, que ces locaux lui appartiennent ou qu’il en est l’usage. L’employeur organise alors les postes de travail directement sous sa responsabilité, selon une règlementation très dense visant à assurer la sécurité physique des travailleurs (aération, assainissement, éclairage, ambiance thermique, aménagement des postes de travail, installations électriques, risque incendie et d’explosion, évacuation).

L’article R. 4221-1 du Code du travail N° Lexbase : L3224IAN réserve l’application de cette règlementation aux « lieux destinés à recevoir des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l'établissement, ainsi que tout autre endroit compris dans l'aire de l'établissement auquel le travailleur a accès dans le cadre de son travail ». L’application de cette règlementation dans des lieux qui ne sont pas situés dans l’air de l’établissement de l’entreprise, et qui ne sont pas, principalement, destinés à recevoir des postes de travail, pose question.

S’agissant des divers lieux que certains salariés investissent pour travailler, alors que ces lieux ne sont pas « destinés à recevoir des postes de travail » (trains, gares, aéroports, restaurants, chambres d’hôtel, etc.), il apparait évident d’exclure l’application de la règlementation sur la conception et l’utilisation des lieux de travail, codifiée aux articles R. 4221-1 et suivants du Code du travail, quand bien même le salarié travaillerait habituellement dans ces conditions.

À l’inverse, au sein des espaces de coworking, les bureaux sont généralement conçus et utilisés comme au sein de l’entreprise. L’abonnement pris par une entreprise à un ou plusieurs espaces de coworking lui impose dès lors de vérifier que l’espace de travail répond bien aux exigences règlementaires.

Pour d’autres lieux, en revanche, l’analyse est plus incertaine.

S’agissant du domicile du salarié, qui reste avant tout un domicile privé, et qui n’est pas « destiné » à recevoir des postes de travail, ni a fortiori à être un lieu où l’employeur est établi, l’application de la règlementation en matière d’hygiène et de sécurité apparait inapplicable en droit (sous réserve de l’interprétation des juges) et en pratique (la réglementation étant totalement inadaptée et l’employeur n’ayant en tout état de cause, pas les moyens de vérifier de son propre chef la bonne application de cette règlementation). Les mêmes remarques s’appliquent que le domicile soit stable ou temporaire (résidence de vacances, location à la journée d’un appartement, etc.).

L’Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 sur le télétravail entretient toutefois une ambiguïté sur l’étendue des obligations de l’employeur, en précisant que les dispositions en matière de santé et de sécurité sont applicables aux télétravailleurs, sans toutefois préciser lesquelles, et tout en affirmant qu’il doit néanmoins être tenu compte « du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée » [5]. Dans l’incertitude, certaines entreprises continuent d’exiger du salarié qu’il consacre une partie de son domicile à son activité professionnelle, effectue un diagnostic d’électricité, et même parfois de pouvoir visiter le domicile du salarié pour vérifier les conditions de travail. Ces démarches apparaissent toutefois largement artificielles, le salarié restant maitre de l’usage de son propre domicile, protégé par le respect du droit à la vie privée. Une clarification du champ d’application de la règlementation pourrait dès lors être utile, afin de le cantonner aux lieux soumis à l’autorité de l’employeur, et éviter le risque d’une interprétation large des lieux « destinés à recevoir des postes de travail ».

S’agissant des tiers-lieux, comprenant, entre autres, des espaces de coworking, leur nature hybride implique qu’ils ont pour objet d’accueillir des postes de travail, mais également des ateliers, des campus, des animations, des marchés, des expositions…. Sont présentes dans ces lieux des entreprises, mais aussi des auto-entrepreneurs, des associations, des acteurs sociaux… L’objet des tiers-lieux étant de créer du lien social, le bouillonnement social recherché pourrait être réduit à néant par une règlementation trop rigide ou sujette à des interprétations rendant difficile l’évaluation du risque. Or, un employeur autorisant ses salariés à travailler régulièrement dans un tiers-lieu doit-il préalablement s’assurer de l’application de l’ensemble de la règlementation en matière d’hygiène de santé et de sécurité ou doit-on considérer que ce lieu n’est pas « destiné » par l’entreprise à recevoir des postes de travail ? Par ailleurs, comment appliquer dans un tel lieu, l’article L. 4121-5 du Code du travail N° Lexbase : L1456H9S qui dispose que « lorsque dans un même lieu de travail les travailleurs de plusieurs entreprises sont présents, les employeurs coopèrent à la mise en œuvre des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail » ? Une réforme, permettant de clarifier l’application de la règlementation et rassurer les entreprises, serait également utile sur ce point.

La question devient encore plus épineuse lorsque le salarié est totalement libre de déterminer son lieu de travail [6]. Les textes règlementaires deviennent alors, de fait, inapplicables. Peut-on pour autant accepter de voir l’employeur se désintéresser des conditions dans lesquelles le salarié exécute sa prestation de travail ? Assurément non. 

L’évolution des lieux de travail, et l’inadaptation de la règlementation de ces lieux, nous poussent alors vers une logique de prévention, et une utilisation bien plus pertinente et efficace des articles L4121-1 et suivants du Code du travail.

B. L’importance de l’obligation de prévention

Avec le développement du numérique et l’éclatement des lieux de travail, l’obligation générale de prévention se montre être un bon outil juridique pour éviter les dérivent d’organisations du travail débridées et faisant fi de toutes les normes d’hygiène et de sécurité. 

L’obligation générale de prévention trouve en effet sa source dans l’existence même du contrat de travail et du lien de subordination juridique, indépendamment du lieu d’exécution du contrat.

Au sein de l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 sur le télétravail, les partenaires sociaux y ont d’ailleurs fait expressément référence, soulignant l’importance de la prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risques [7].

L’article L. 4221-1 du Code du travail N° Lexbase : L1548H99 impose, en effet, à l’employeur de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ces mesures comprennent des actions de prévention, d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Dans le cadre de son obligation de prévention, l'employeur doit notamment évaluer les risques (y compris dans le choix des équipements de travail, l'aménagement des lieux de travail, et l'organisation du travail), et à la suite de cette évaluation, mettre en œuvre les actions de prévention ainsi que des méthodes de travail garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs (C. trav., art. L. 4121-3 N° Lexbase : L4413L7L). Il doit encore prendre en considération les capacités du salarié à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité (C. trav., art. L. 4121-4 N° Lexbase : L1454H9Q) et lui donner des instructions notamment sur les conditions d'utilisation des équipements de travail (C. trav., art. L. 4122-1 N° Lexbase : L1458H9U). Par ailleurs, l'employeur doit également informer les salariés sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier (C. trav., art. L. 4141-1 N° Lexbase : L6387IWH), et dispenser des formations appropriées [8]. L’Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020, pour une mise en œuvre réussie du télétravail, prévoit également une telle obligation de formation [9].

En conséquence, dès lors que l’employeur fait le choix d’une organisation du travail, ouvrant la possibilité pour les salariés de travailler à leur domicile ou dans tout lieu de leur choix, il doit :

  • évaluer le risque que comporte une telle organisation sur la santé et la sécurité des salariés, tant physique (ergonomie du poste de travail, écran, casque audio ou de réalité virtuelle…) que psychologique (isolement, stress, décloisonnement de la vie privée et professionnelle…) ;
  • mettre en œuvre les actions de prévention des risques identifiés ;
  • informer les salariés concernés des risques et des actions de prévention ;
  • et donner des instructions claires aux salariés en prenant en considération leur capacité à appréhender ces risques. 

Il peut être également utilement rappelé au salarié qu’il est également acteur et responsable de sa propre santé et sécurité.

En pratique, il convient de noter que la gestion du risque varie selon l’organisation du travail décidée par l’employeur. Les risques d’une organisation du travail à distance seront naturellement plus élevés dans une entreprise en « full remote » (100 % télétravail), que dans une entreprise n’autorisant le télétravail qu’un ou deux jours par semaine. L’appréciation du risque ne sera également pas la même selon que les salariés sont libres ou contraints, même certains jours seulement, de télétravailler, et selon les outils informatiques et technologiques mis en place. L’analyse des risques et l’élaboration des mesures de prévention doit ainsi se faire au cas par cas, au plus près de l’organisation choisie par l’entreprise.

Lorsque ce travail de prévention a bien été exécuté en amont et que les mesures de prévention sont effectivement appliquées, y compris par la ligne managériale, l’employeur pourra être en capacité de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour évaluer les risques d’accident, de maladie professionnelle et les risques psychosociaux, et éviter leur survenance.

Face à la diversification des modes d’organisation des entreprises et à la multiplication des lieux de travail, l’obligation de prévention devient ainsi la pierre angulaire de la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

II. Nouveaux lieux de travail : les conséquences sur l’exécution du contrat de travail

La diversification des lieux de travail, rendue possible par les rapides innovations technologiques, entraine des conséquences juridiques et managériales multiples sur l’exécution du contrat de travail. Celles-ci doivent faire l’objet d’une analyse en amont par l’employeur, afin que l’expérimentation ne tourne pas au cauchemar. Outre la question de la prévention de la santé et de la sécurité des salariés, les parties au contrat de travail auront à veiller notamment aux éléments suivants.

A. Contractualisation du travail à distance

Le travail à distance, qu’il soit effectué depuis le domicile ou tout autre lieu, donne lieu à une contractualisation de ce mode d’organisation, empêchant toute modification sans l’accord du salarié, à défaut de clause de « réversibilité » valable.

L’organisation d’un travail à distance est, en effet, selon la Cour de cassation, nécessairement contractualisée [10]. En cas de litige sur l’accord convenu, les juges disposent d’un pouvoir d’interprétation. Il a, par exemple, été jugé qu’en cas d’accord sur un « télétravail exceptionnel », le terme « exceptionnel » doit être entendu comme un mode dérogatoire de l’exécution du contrat, et non comme une autorisation temporaire, ce qui implique que l’employeur ne peut pas valablement mettre fin au télétravail de manière unilatérale sans l’accord du salarié [11]. De même, le rythme du télétravail est également contractualisé, et il n’est dès lors pas possible pour l’employeur de modifier ce rythme unilatéralement, au risque de bouleverser l’économie générale du contrat [12]. Le refus du salarié n’est alors aucunement fautif [13].

B. Coûts du travail à distance

Si le travail à distance peut permettre une économie de certains coûts (immobilier, aménagement des locaux, frais d’entretien…), il en entraine d’autres qui doivent être évalués : location des espaces de coworking, frais de télétravail [14], indemnité d’occupation du domicile [15], prise en charge des abonnements à des transports collectifs [16], éventuelle compensation des temps de déplacement inhabituels [17]...

Sur ces questions, l’accord sur l’organisation du travail à distance peut alors utilement fixer les règles d’indemnisations des salariés, dans le respect des dispositions légales [18].

C. Organisation du travail à distance et contrôle de l’activité

L’ouverture de l’entreprise à de nouveaux lieux de travail ne dispense pas l’employeur d’organiser collectivement et individuellement l’activité des salariés. L’employeur conserve naturellement son pouvoir de direction et du choix d’organisation de l’entreprise. Cette organisation doit alors s’effectuer dans le respect des temps de travail et de repos, ainsi que du droit à la déconnexion [19]. À cet égard, il convient de rappeler qu’un travail à distance ne modifie pas le mode de décompte et de contrôle de la durée du travail [20]. L’employeur doit donc fixer, en amont, les règles de communication et de contrôle de l’activité et du temps de travail, de tous les salariés, et y compris de ceux exerçant à distance.

D. Confidentialité et vie privée

À distance, la communication devra s’organiser via les outils technologiques (téléphone, courriels, chat, vidéo, immersion 3D, signature électronique …). Or, l’utilisation de ces outils nécessite, du fait de leur nature, une étude d’impact RGPD [21], du système de contrôle de l’activité dont les salariés doivent être informés [22] dans le respect de leur doit à la vie privée.

Bien évidemment, il convient également de ne pas négliger la question de la confidentialité des données traitées par les salariés. Outre la sécurisation du système d’information, le risque d’atteinte à la sécurité et à la confidentialité des données de l’entreprise devra ainsi être apprécié au regard des possibilités laissées aux salariés de travailler dans un autre lieu que les locaux de l’entreprise, et en présence de personnes étrangères à l’entreprise (voir travaillant pour une entreprise concurrente).

L’ouverture de l’entreprise à de nouveaux lieux de travail peut ainsi se révéler délicate pour les entreprises de secteurs sensibles (banque, assurance, santé, défense nationale…) et pour certains postes nécessitant de traiter de données sensibles, stratégiques ou hautement confidentielles.

E. Le management, la mobilité et la fidélisation de la main-d’œuvre

L’exercice d’un travail à distance et l’utilisation des outils de télécommunication favorisent les modes de management horizontaux et participatifs. La co-construction, voire l’intra-entreprenariat, est en outre recherchée dans les tiers-lieux, dont l’un des objectifs est de favoriser l’innovation par les interactions sociales. Bien maitrisé, ce type d’organisation peut alors présenter de formidables atouts tant pour les entreprises que pour les salariés. 

Ces atouts doivent toutefois être mis en balance avec, d’une part, le risque de remise en cause de la cohésion sociale dans l’entreprise. Des tensions sociales peuvent en effet apparaitre lorsque le travail à distance n’est possible que pour certains alors que d’autres devront continuer, chaque jour, à se déplacer dans les locaux de l’entreprise, devenus, malgré tous les efforts, moins attractifs que des tiers-lieux ou le domicile personnel.

D’autre part, l’exercice d’un travail à distance peut entrainer une plus grande volatilité de la main-d’œuvre, qui sera plus ouverte à des opportunités professionnelles. L’entreprise aura alors tout intérêt à soigner son image et son attractivité, notamment en communiquant sur son projet d’entreprise et son sens social, afin de conserver ses compétences et d’attirer les nouveaux talents. 

F. L’impact d’un travail à distance depuis l’étranger

Lorsque l’entreprise fait le choix d’ouvrir les lieux de travail possibles, y compris habituellement depuis l’étranger, elle devra alors rester vigilante aux conséquences juridiques attachées à un tel choix. En effet, dès lors que le lieu habituel d’exécution du contrat de travail est situé de manière durable sur le territoire d’un autre État, un conflit de loi peut en résulter. Rappelons à cet égard, qu’en cas de litige, un juge d’un État membre de l’Union européenne se réfèrera au Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 (« Rome I ») N° Lexbase : L7493IAR, afin d’apprécier si les parties ont fait le choix d’une loi applicable, si la loi applicable est celle du lieu habituel du contrat de travail ou de celle où l’employeur est établi, ou encore si le contrat présente des liens plus étroits avec un autre État. Il faudra également prendre en considération l’application de l’article 9 du règlement précité, et l’application des lois de police, soit des lois qu’un pays estime impératives, quelle que soit la loi applicable au contrat.

La liberté laissée au salarié de choisir le lieu d’exécution de sa prestation de travail peut inclure l’étranger, mais, par précaution, mieux vaut encadrer cette faculté et lui conserver une nature temporaire.  

En anticipant l’impact d’une modification de l’entreprise, une plus grande liberté de choix du lieu de travail des salariés peut alors avoir un impact très positif pour l’entreprise, en termes :

  • d’image et d’attractivité ;
  • de qualité de vie au travail ;
  • d’augmentation de la productivité ;
  • de valorisation du travail collaboratif ;
  • d’innovation, et d’agilité ;
  • de réduction de l’absentéisme ;
  • de réduction des accidents de trajet ;
  • de réduction des coûts (immobilier notamment).

L’évolution des lieux de travail signe ainsi l’amorce d’un changement plus profond des modes de vie tant personnels que professionnels et de l’organisation des entreprises. Au-delà, des secteurs entiers de l’économie pourraient s’en trouver profondément modifiés. Seul l’avenir nous dira jusqu’à quel point.


[1] Télétravail. Les Canaries veulent attirer 30 000 travailleurs à distance, Courrier international, 24 novembre 2020 [en ligne] ; Ch. Robinet, Les salariés du Club Med peuvent télétravailler depuis un village vacances, Le Parisien, 18 février 2022 [en ligne].

[2] Par exemple, les hôtels Accor et Pierre et Vacances ont développé une offre spécifique télétravail. Airbnb permet désormais de filtrer les locations qui proposent check-in automatique et Wifi vérifié. Voir également C. Guillou, Le télétravail pour prolonger ses vacances, Le Monde, 16 février 2022 [en ligne].

[3] Le Gouvernement Castex a fait des tiers-lieux l’un des piliers de la relance, avec la création de France tiers-lieux. Voir le rapport « les tiers-lieux au cœur des transitions », disponible sur le site francetierslieux.fr.

[4] Le métavers est attendu comme une vague de la transition numérique plus puissante encore que celles du Web, du commerce électronique et de l’ubérisation réunis, Le Monde, 20 mai 2022 [en ligne] ; J.-E. Ray, Manager dans le métavers, Le Monde, 7 juin 2022 [en ligne].

[5] ANI du 26 novembre 2020, art. 3.4.

[6] La Directive n° 2019/1152 du 29 juin 2019 N° Lexbase : L0121LRW prévoit la possibilité d’informer un salarié du fait qu’il est « libre de déterminer son lieu de travail ».

[7] ANI du 20 novembre 2020, art. 3.4.1.

[8] Rappelons à cet égard que la formation dispensée doit être pertinente : Cass. crim., 2 février 2010, n° 09-84.250, F-D N° Lexbase : A4559ESN.

[9] ANI du 26 novembre 2020, art. 3.1.6.

[10] Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-13.783, F-D N° Lexbase : A60844HS.

[11] CA Lyon, 10 septembre 2021, n° 18/08845 N° Lexbase : A125944E.

[12] CA Orléans, 7 décembre 2021, n° 19/01258 N° Lexbase : A37787EN.

[13] CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 8 juillet 2021, n° 19/05670 N° Lexbase : A96084YI.

[14] Rappelons, à cet égard, que l’URSSAF a instauré une tolérance permettant aux parties de se dispenser de la production de justificatifs dans la limite d’un barème, le cas échéant, prévu par des dispositions conventionnelles, dès lors que ce barème est fonction des jours réellement télétravaillés. M. Bernardis et E. Dubuy, Comment rembourser des frais professionnels ?, Lexbase Social, janvier 2020, n° 808 N° Lexbase : N1276BYW ; L. Bedja, Télétravail : extension de la « tolérance » de l’URSSAF relative au remboursement des frais de télétravail sans justificatif, Le Quotidien, 23 février 2021 N° Lexbase : N6424BYL

[15] L’occupation par le salarié, d’une partie de son domicile pour les besoins de son activité professionnelle, oblige l’employeur à compenser cette sujétion par le paiement d’une indemnité d’occupation du domicile (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-28.847, F-D N° Lexbase : A8160IQB), ce qui n’est en revanche pas le cas, si le salarié dispose d’un bureau mis à sa disposition dans les locaux de l’entreprise (Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667, FS-P+B N° Lexbase : A5541KQB), la charge de la preuve de cette mise à disposition incombant à l’employeur (Cass. soc., 5 avril 2018, n° 16-26.526, F-D N° Lexbase : A4467XKN).

[16] C. trav., art. L. 3261-2 N° Lexbase : L2712ICG. Précisons que, pour la Cour de cassation, le domicile apprécié pour les trajets domicile-lieu de travail est celui que le salarié occupe la semaine, et non celui qu’il rejoint les week-end (Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-15.986, FS-P+B N° Lexbase : A2561RUE), mais qu’à défaut d’un domicile stable à proximité du lieu de travail, la prise en charge de l’abonnement s’effectue depuis et vers le domicile du salarié, même distant de plusieurs centaines de kilomètres (Cass. soc., 12 novembre 2020, n° 19-14.818, F-D N° Lexbase : A515534P). Le BOSS a également été modifié en ce sens (BOSS – FP-780). En cas de pluralité de lieux de travail, le remboursement a lieu pour l’ensemble des lieux de travail (C. trav., art. R. 3261-10 N° Lexbase : L5232ICR ; BOSS-FP-610)

[17] C. trav., art. L. 3121-4 N° Lexbase : L6909K9R.

[18] Un accord collectif peut, en effet, comporter des clauses, mêmes moins favorables que l’ANI sur le télétravail (C. trav., art. L. 2253-3 N° Lexbase : L7333LH3), à l’inverse d’une Charte.

[19] V. Actes du colloque : Droit à la déconnexion et télétravail : quelle(s) contradiction(s) ?, Lexbase Social, janvier 2019, n° 768 N° Lexbase : N7184BXD.

[20] CA Chambéry, 9 décembre 2021, n° 20/00862 N° Lexbase : A64677EA.

[21] La collecte de données personnelles via les outils technologiques doit faire l’objet d’une étude au titre du Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (« RGPD ») N° Lexbase : L0189K8I.

[22] C. trav., art. L. 1222-4 N° Lexbase : L0814H9Z.

newsid:482088

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Focus] TVA et nouvelle Directive « Taux » : vers une justice fiscale verte et sociale ?

Lecture: 40 min

N2096BZN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482096
Copier

par Pierre Pradeau - Olivier Galerneau et Maxime Mahtout, Avocats, EY Société d'avocats

Le 06 Juillet 2022

Mots-clés : 

À l’aune des débats publics et politiques sur le changement climatique, l’Union européenne est consciente des enjeux environnementaux.


 

Elle a en effet, le 11 décembre 2019, communiqué au Parlement européen, au Conseil européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions ses propositions pour un « Pacte vert pour l’Europe » [en ligne].  

La Commission, afin de relever « les défis climatiques et ceux liés à l’environnement, qui constitue une mission majeure […] », a établi une stratégie de croissance qui vise à transformer l’UE pour une économie moderne et « efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, caractérisée par l’absence d’émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 et sans laquelle la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources ».

Graphique 1 – COM (2019) 640 final

Parmi ses propositions, la Commission souhaite établir une législation européenne sur le climat consacrant l’objectif de neutralité climatique.

La TVA n’y a pas échappé. Le 7 décembre 2021, le Conseil de l’Union européenne a publié les travaux du Conseil des Affaires économiques et financières pour une proposition de Directive modifiant la Directive TVA en ce qui concerne les taux de TVA (Directive (CE) n° 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée N° Lexbase : L7664HTZ) [en ligne].

Cette nouvelle Directive du 5 avril 2022 découle directement de l’impulsion donnée par la Commission concernant le Pacte vert pour l’Europe (Directive (UE) n° 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022, modifiant les directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée N° Lexbase : L3527MCM).

Au regard de l’application de taux réduits visant à poursuivre des objectifs d’intérêt général, cette directive a pour but de permettre aux États membres de soutenir la fourniture de soins de santé et de contribuer à une économie verte et neutre pour le climat en appliquant des taux réduits aux opérations respectueuses de l’environnement, tout en préparant la suppression progressive du traitement préférentiel existant pour les livraisons jugées préjudiciables à l’environnement.

Dans sa proposition, le Conseil de l’Union européenne souhaitait inclure les modifications suivantes dans la Directive 2006/112/CE :

  • Application du taux réduit aux panneaux solaires afin d’offrir aux États membres la possibilité de promouvoir l’utilisation de sources d’énergies renouvelables et soutenir l’utilisation de sources d’énergies renouvelables et de favoriser l’autosuffisance de l’Union en matière d’énergie pour inciter les consommateurs finaux aux énergies vertes ;
  • Offrir la possibilité aux États membres d'appliquer un taux réduit à la livraison et à l'installation de systèmes de chauffages à haut rendement et à faibles émissions qui satisfont aux critères de la législation en matière d'environnement ;
  • Compte tenu de la transformation numérique de l'économie, offrir la possibilité aux États membres de prévoir que les activités, y compris les événements, diffusés en direct reçoivent le même traitement que les activités, y compris les événements, qui, lorsqu'ils sont organisés en présentiel, peuvent bénéficier de taux réduits. Afin d'assurer la taxation dans l'État membre de consommation, il est nécessaire que tous les services qui peuvent être fournis à un client par voie électronique soient imposables au lieu où le client est établi, a son domicile ou sa résidence habituelle.

Comme nous allons le voir, l’ensemble de ses propositions ont été retenues et complétées.

I. Rappel des règles actuellement applicables 

En France, les taux de TVA applicables sont fixés à 20 %, 10 %, 5,5 % et 2,1 % (hors DROM et Corse) et sont prévus par les articles 278 N° Lexbase : L0401IWR à 281 nonies N° Lexbase : L2344IGW du CGI.

Ces dispositions découlent du Titre VIII – Taux – de la Directive 2006/112/CE qui comprend les articles 93 à 129 bis et sont complétés par l’Annexe III à la directive qui fixe la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98.

L’article 98 de la Directive 2006/112/CE prévoit ainsi que les États membres peuvent appliquer un ou deux réduits aux opérations listées par l’Annexe III [1].

L’article 99 de la Directive TVA précise que les taux réduits ne peuvent être inférieurs à 5 % tout en prévoyant une dérogation pour l’application de taux super-réduit, option suivie par la France notamment concernant le régime de la presse (bénéficiant du taux de 2,1 %).

 

II. Les aménagements prévus par la Directive du 5 avril 2022

Si les dispositions relatives à l’application du taux normal restent inchangées, la Directive du 5 avril 2022 procède à des aménagements de grande ampleur concernant l’application des taux réduits.

Certaines modifications sont uniquement rédactionnelles et ont été effectuées afin de prendre en compte la nouvelle numération des articles de la Directive 2006/112/CE et de son Annexe III.

Avec une refonte totale de la rédaction de l’article 98 de la Directive 2006/112/CE et de l’Annexe III, nombre d’articles sont supprimés (cf. notamment article 99 ou articles 109 à 122).

Une section 2 bis au Chapitre 2 du Titre VIII – Taux – est créée et certains aménagements spécifiques à des pays de l’UE précisément visés sont supprimés.

Les mesures relatives à la COVID-19 prévues par l’article 129 bis ne sont pour leur part pas modifiées.

A. La modification de l’article 98 de la Directive TVA 2006/112/CE et de son Annexe III

L’article 98 et l’Annexe III de la Directive 2006/112/CE constituent le socle du régime d’application des taux réduits de TVA dans l’Union européenne.

Leurs rédactions s’en trouvent totalement refondues.

1) Modalités d’application des taux réduits

Les États membres pourront désormais appliquer quatre taux réduits au maximum : deux taux compris entre 5 % et le taux normal, un taux super réduit et un taux 0% avec droit à déduction.

Les taux réduits seront fixés à un pourcentage ne pouvant pas être inférieur à 5 % et ne concerneront que la liste des livraisons de biens et prestations de services expressément énumérées à l’Annexe III.

La nouvelle Annexe III [2] prévoira une liste d’opérations pouvant bénéficier du taux réduit, et il doit être noté à cet égard que la liste actuellement en vigueur a été fortement réaménagée.

Toutefois, une méthode d’application de mise en œuvre des taux réduits devra être suivie par les États membres conformément aux paragraphes 1 et 2 du nouvel article 98 selon lequel notamment :

  • 98-1 de la Directive 2006/112/CE : les États membres « peuvent appliquer les taux réduits aux livraisons de biens et prestations de services couvertes par un maximum de vingt-quatre points figurant à l’annexe III » ;
  • 98-2 de la Directive 2006/112/CE : « Les États membres peuvent, outre les deux taux réduits visés au paragraphe 1 du présent article, appliquer un taux réduit inférieur au seuil minimal de 5 % [c.-à-d., taux super-réduit] et une exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur [taxation à 0 % avec droit à déduction] aux livraisons de biens et prestations de services couvertes par un maximum de sept points figurant à l’annexe III » ;

Le taux super-réduit et l’exonération avec droit à déduction (équivalent au taux 0 %) ne pourront s’appliquer qu’aux livraisons de biens et prestations de services visées par les points 1) à 6) et 10 quater) de la nouvelle Annexe III ainsi qu’à tout autre point de l’Annexe III dans le cadre des options prévues par la nouvelle rédaction de l’article 105 bis-1.

De même, certaines opérations ne pourront pas bénéficier des taux réduits lorsque les services seront fournis par voie électronique (sauf exception).

2) Opérations pouvant bénéficier du taux super réduit ou de la taxation au taux 0 %

Seuls certains points de la nouvelle Annexe III pourront bénéficier du taux super-réduit (inférieur à 5 %) ou du taux 0 % ouvrant droit à déduction, dans la limite de 7 points [3] :

  1. les points 1) à 6) et 10 quater). Dans cette liste, les points 3), 4), 5), 6) ont été modifiés et le 10 quater) ajouté [4].
  2. et tout autre point de l’annexe III entrant dans le cadre des options prévues à l’article 105 bis, paragraphe 1.

Les États membres devront ainsi choisir les éléments pour lesquels le taux super-réduit ou le taux zéro s’appliquera sous réserve de certaines particularités.

  1. Opérations visées par l’Annexe III

1) Les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires ;

2) la distribution d'eau ;

3) les produits pharmaceutiques utilisés à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés pour la contraception et la protection hygiénique féminine, et les produits d’hygiène absorbants ;

Sur ce point, les termes « normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires » sont remplacés par une formulation plus stricte. Sont désormais seulement visés les « produits pharmaceutiques utilisés à des fins médicales et vétérinaires ».

Aussi, le terme « produits d’hygiène absorbants » est ajouté.

4) les équipements, les appareils, les dispositifs, les articles, le matériel auxiliaire et les équipements de protection médicaux, y compris les masques de protection sanitaire, normalement destinés à être utilisés dans le cadre des soins de santé ou à l’usage des handicapés, les biens essentiels pour compenser et surmonter les handicaps, ainsi que l’adaptation, la réparation, la location et le crédit-bail de ces biens ;

La liste des biens pouvant bénéficier du taux réduit ainsi que les prestations s’y rapportant est élargie par une modification rédactionnelle.

Jusqu’à présent, le taux réduit pouvait s’appliquer sur ces biens et prestations uniquement lorsqu’ils étaient à usage personnel et exclusif des handicapés. Dorénavant, ce taux bénéficiera aux personnes recevant des soins des santés et aux personnes handicapées.

Cette modification s’inscrit dans la logique de l’UE souhaitant soutenir la fourniture de soins.

5) le transport de personnes et le transport des biens qui les accompagnent, tels que les bagages, bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques, les véhicules automobiles ou autres véhicules, ou les prestations de services liées au transport de passagers ;

6) la fourniture, y compris en location dans les bibliothèques, de livres, de journaux et de périodiques, que ce soit sur un support physique ou par voie électronique, ou les deux (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou similaires), à l’exclusion des publications consacrées entièrement ou d’une manière prédominante à la publicité et à l’exclusion des publications consistant entièrement ou d’une manière prédominante en un contenu audible musical ou vidéo; la production de publications d’organismes sans but lucratif et les services liés à cette production;

10 quater) la livraison et l’installation de panneaux solaires sur des logements privés, des logements et des bâtiments, publics et autres, utilisés pour des activités d’intérêt général, et à proximité immédiate de ceux-ci.

Sur ce dernier point, par cette modification, l’UE souhaite encourager la transition vers les énergies vertes. Si la France décide d’appliquer le taux réduit aux opérations relatives aux panneaux solaires, les commentaires de l’Administration fiscale seront attendus au regard de la mise en pratique de ce régime : quid de la notion de proximité ou des cas de panneaux solaires acquis pour l’achat-revente d’électricité ?
  1. Options prévues à l’article 105 bis, paragraphe 1 concernant les autres points de l’Annexe III

Le nouvel article 105 bis de la Directive TVA prévoit la possibilité pour les États membres qui au 1er janvier 2021 appliquaient un taux super-réduit ou une taxation à taux zéro avec droit à déduction sur des livraisons de biens ou prestations de services autres que celles visées au (i) ci-dessus, de continuer à appliquer ces taux [5].

Pour les États membres concernés, l’application du taux super-réduit inférieur à 5 % ou du taux zéro aux livraisons de combustibles fossiles ou autres biens ayant une incidence similaire sur les émissions de gaz à effet de serre (tourbe, bois de chauffage) devra cesser avant le 1er janvier 2030.

Concernant les pesticides et engrais chimiques, la limite d’application de ces taux spécifiques susmentionnés est fixée au 1er janvier 2032.

Il convient de noter toutefois que même si l’article 105 bis-1 permet aux États membres de déroger à la liste limitative des opérations pouvant bénéficier du taux super-réduit ou zéro pour des opérations pour lesquelles ces taux étaient appliqués avant le 1er janvier 2021, la limite de 7 opérations maximales devra être respectée.

Toutefois, il est laissé aux États membres jusqu’au 1er janvier 2032 ou à la date de l’adoption du régime définitif, la date la plus proche étant retenue, pour se conformer à cette limitation de 7 opérations maximales.

Afin de placer l’ensemble des États membres sur un pied d’égalité et surtout d’éviter des distorsions d’application de taux réduits et une prolifération de règles différentes, les taux inférieurs à 5 % ou taux zéro pourront être appliqués par d’autres États membres aux mêmes livraisons de biens ou prestations de services que celles applicables au 1er janvier 2021 dans les États membres d’origine.

C’est pour cette raison que l’article 105 bis-1 al. 3 prévoit que les États membres doivent transmettre avant le 7 juillet 2022 à la Commission la liste complète des opérations autres que celles visées aux 1 à 6) et 10 quater) de l’Annexe III bénéficiant de ces taux particuliers.

À titre d’exemple, le taux de 2,1% applicable pour la presse en France pourrait trouver à s’appliquer dans d’autres États membres si la France décide d’en poursuivre son application.

3) Opérations pouvant bénéficier des taux réduits supérieurs à 5 % et inférieurs au taux normal

Comme déjà évoqué, les États membres pourront appliquer deux taux réduits qui ne peuvent être inférieurs à 5 %.

Toutefois, cela devra se limiter à maximum 24 de l’ensemble des points listés par l’Annexe III conformément à l’article 98-1 nouveau de la Directive 2006/112/CE.  Les États membres devront donc procéder à un choix pour l’application des taux réduits parmi les opérations listées par l’Annexe III.

Aussi, rien n’empêchera les États membres d’appliquer aux opérations pouvant bénéficier des taux super-réduits ou zéro, les deux taux de TVA supérieurs à 5 %.

Ainsi, en supplément des 7 points évoqués précédemment, pourront notamment bénéficier des taux réduits (entre 5 % et le taux normal) plusieurs secteurs de l’économie considérés comme relevant de l’intérêt général et dont les dispositions ont été aménagées ou modifiées :  

  • Secteur culturel et sportif :
    • les droits d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foire, parcs d’attractions, concerne, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations ou visites, ou les deux.
    • la réception de services de radiodiffusion et de télévision et diffusion sur le web des mêmes programmes fournis par un prestataire de services de médias ; les services d’accès à l’internet fournis dans le cadre de la politique de numérisation à définir par les États membres.
    • le droit d’admission aux manifestations sportives, ainsi que désormais l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations, ou les deux ; l’utilisation d’installations sportives, et la fourniture de cours de sport ou d’exercice physique, également lorsqu’ils sont diffusés en direct.
    • la livraison des objets d’art, de collection ou d’antiquité énumérés à l’annexe IX, parties A, B et C ;
  • Secteur du logement :
    • la livraison et la construction de logements, dans le cadre de la politique sociale, telle qu’elle est définie par les États membres ainsi que désormais la rénovation et la transformation, y compris la démolition et la reconstruction, et la réparation de logements et de logements privés ; la location de biens immobiliers à usage résidentiel.
    • Il en ira de même pour la construction, la rénovation de bâtiments publics et autres utilisés pour des activités d’intérêt général qui selon nous devraient s’apprécier au regard des dispositions de l’article 132 de la Directive 2006/112/CE.
  • Secteur agricole :
    • les livraisons de biens et les prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l’exclusion, toutefois, des biens d’équipement, tels que les machines ou les bâtiments. Comme vu ci-avant, les États membres disposent jusqu’au 1er janvier 2032 pour exclure du bénéfice du taux réduit la livraison de pesticides chimiques et d’engrais chimiques.
    • Les équidés vivants et les prestations de services liées aux équidés vivants.
  • Secteurs sociaux, d’aide aux personnes :
    • Les livraisons de biens et les prestations de services par des organismes engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales, tels qu’ils sont définis par les États membres et qui sont reconnus comme ayant un caractère social par les États membres, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136.
    • Les services juridiques fournis aux personnes sous contrat de travail et aux chômeurs dans le cadre de procédures devant une juridiction du travail, ainsi que les services juridiques fournis dans le cadre du régime d’aide judiciaire, tel que défini par les États membres.
  • Secteur des énergies vertes et renouvelables et du recyclage (ainsi que toute opération encourageant la réduction de la pollution) :
    • les prestations de services d’égouttage et de traitement des eaux usées et les services fournis dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l’enlèvement des ordures ménagères et du traitement ou du recyclage des déchets.
    • les prestations de services de réparation d’appareils ménagers, chaussures et articles en cuir, vêtements et linge de maison (y compris les travaux de raccommodage et de modification).
    • la livraison d’électricité, de chauffage urbain et de refroidissement urbain, et de biogaz produits à partir des matières premières spécifiques.
    • la livraison et l’installation de systèmes de chauffage à haut rendement et à faibles émissions répondant aux critères de référence en matière d’émissions et ayant reçu une étiquette énergétique de l’UE.
    • jusqu’au 1er janvier 2030, la livraison de gaz naturel et de bois de chauffage.
    • la livraison de bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques ; les services de location et de réparation de ces bicyclettes ;
  • Secteur horticole : les plantes vivantes et autres produits de la floriculture, y compris les bulbes, le coton, les racines et produits similaires, les fleurs coupées et les feuillages pour ornement ;
  • Secteur de l’enfance : les vêtements et chaussures pour enfants ; la livraison de sièges d’enfant pour voitures automobiles ;
  • Secteur de l’assistance aux personnes : 
    • les outils et les autres équipements normalement destinés à être utilisés dans le cadre de services de secours ou de premiers secours lorsqu’ils sont fournis à des organismes publics ou à des organismes sans but lucratif actifs dans le domaine de la protection civile ou de la protection des communautés.
    • la prestation de services dans le cadre de l’exploitation de bateaux-phares, de phares ou d’autres instruments d’aide à la navigation et de services de sauvetage, y compris l’organisation et l’entretien dans le cadre des services de bateaux de sauvetage.

Contrairement aux secteurs cités ci-dessus et aux dispositions leur correspondant, certaines dispositions relatives aux secteurs et opérations qui suivent restent inchangées :

  • secteur de l’hébergement/hôtellerie et de la restauration (points 12 et 12 bis de l’Annexe III). Les boissons alcooliques demeurent exclues du champ d’application des taux réduits.
  • le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés (point 10) ter) de l’Annexe III).
  • les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus (point 9) de l’Annexe III).
  • Les prestations de services rendues par les entreprises de pompes funèbres et la fourniture de soins médicaux et dentaire et les cures thermales lorsque ces services ne sont pas exonérés (point 16) et 17) de l’Annexe III).
  • Les services de soins à domicile (point 20) de l’Annexe III).
  • La coiffure (point 21) de l’Annexe III).

B. Le cas des États membres appliquant un taux réduit sur des opérations autres que celles visées à l’Annexe III

Certains États membres pouvaient par dérogation appliquer des taux réduits sur des opérations autres que celles visées par l’Annexe III de la Directive TVA.

L’article 105 bis-2 et 3 de la Directive prévoit une période d’adaptation pour les États membres concernant les nouvelles règles relatives aux taux de TVA :

  • les États membres qui appliquaient au 1er janvier 2021, des taux inférieurs à 12 % sur des opérations non listées par l’Annexe III peuvent jusqu’au 1er janvier 2032 ou jusqu’à l’adoption du régime définitif continuer à appliquer ces taux [6].
  • les États membres qui appliquaient au 1er janvier 2021, des taux supérieurs à 12 % (mais inférieur au taux normal) sur des opérations non listées par l’Annexe III peuvent jusqu’au 1er janvier 2032 ou jusqu’à l’adoption du régime définitif continuer à appliquer ces taux [7]. Sur ce point, les États membres doivent communiquer à la Commission avant le 7 juillet 2022 les opérations pour lesquelles ils continueront d’appliquer les taux réduits afin que d’autres États membres puissent en faire de même. Si tel est le cas, les États membres devront le notifier à au comité TVA au plus tard le 7 octobre 2023.

Comme nous l’avons vu plus haut, les États membres pourront appliquer au sein de leurs propres réglementations nationales les différentes applications dérogatoires que d’autres États membres de l’Union appliquent concernant (i) les taux super-réduits ou zéro et (ii) les taux supérieurs à 12 % pendant la période de transition allant au plus tard jusqu’au 1er janvier 2032.

Même si cela peut sembler regrettable compte tenu du fait que dans sa proposition de Directive, la Commission européenne a souhaité éviter une « prolifération » des taux de TVA différents, cela évitera une politique de « dumping » fiscal, l’ensemble des États membres pouvant s’aligner sur la fiscalité indirecte avantageuse proposée par d’autres membres de l’UE.  

Toutefois, cela pourra mener à une application très hétérogène, voire incertaine de taux de TVA en fonction des opérations visées par chacun des États membres.

C. Autres aménagements particuliers et exclusions

1) Le cas des opérations rendues par voie électronique

Les opérations rendues par voie électronique ne pourront pas bénéficier de taux réduits de TVA.

Toutefois, le nouvel article 98-3 prévoit une dérogation selon laquelle les taux réduits pourront s’appliquer pour les opérations suivantes :

  • Les opérations visées au 6) de l’Annexe III (cf. ci-dessus) ;
  • Les droits d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations ou visites, ou les deux ;
  • La réception de services de radiodiffusion et de télévision et diffusion sur le web des mêmes programmes fournis par un prestataire de services de médias ; les services d’accès à l’internet fournis dans le cadre de la politique de numérisation, définie par les États membres ; et
  • Le droit d’admission aux manifestations sportives, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations, ou les deux ; l’utilisation d’installations sportives, et la fourniture de cours de sport ou d’exercice physique, également lorsqu’ils sont diffusés en direct.

2) Le cas des objets d’art, de collection ou d’antiquité

Le nouvel article 98 bis de la Directive TVA 2006/112/CE exclut du bénéfice du taux réduit les objets d’art, de collection ou d’antiquité pour lesquels le régime de la marge s’applique lorsque l’État membre en prévoit la possibilité.

Cela fait écho à la modification de la rédaction de l’article 311 de la Directive qui prévoit que sous réserve de l’application d’un taux réduit, ces biens livrés à un assujetti-revendeur ou importés par celui-ci peuvent bénéficier du régime de la marge bénéficiaire pour certaines opérations listées par ce nouvel article.

3) Modification relative aux évènements virtuels

Afin de tenir compte de l’évolution numérique de notre économie, le nouveau paragraphe 2 de l’article  54 de la Directive TVA 2006/112/CE prévoira que le lieu des prestations de services ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires, telles que les foires et les expositions, y compris des prestations de services des organisateurs de telles activités, ainsi que des prestations de services accessoires à ces activités, fournies à une personne non assujettie, est situé à l’endroit où la personne non assujettie est établie ou a son domicile ou sa résidence habituelle si les services et services accessoires se rapportant à ces activité sont diffusés ou mis à disposition virtuellement.

Cette nouvelle règle de taxation ne s’applique pas aux mêmes prestations rendues à des assujettis, cette règle faisant double emploi avec la règle de taxation générale prévue à l’article 44 de la Directive TVA actuelle.

En conclusion, malgré la volonté de l’Union européenne d’uniformiser l’application des taux dans l’ensemble des États membres, et encourager l’application des taux réduits pour les activités « vertes », il convient de souligner que les États membres disposeront d’une certaine liberté quant au choix des opérations soumises à un taux réduit.

Reste à savoir si la France décidera de bouleverser sa législation en modifiant les taux applicables à certaines opérations ou si elle fera le choix de botter en touche en adoptant le statu quo.

Annexe I

Reproduction de l’Annexe III actuellement en vigueur de la Directive 2006/112/CE fixant la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits et de l’exonération avec droit à déduction de la TVA visés à l’article 98

1) Les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires ;

2) la distribution d'eau ;

3) les produits pharmaceutiques utilisés à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés pour la contraception et la protection hygiénique féminine, et les produits d’hygiène  absorbants ;

4) les équipements, les appareils, les dispositifs, les articles, le matériel auxiliaire et les équipements de protection médicaux, y compris les masques de protection sanitaire, normalement destinés à être utilisés dans le cadre des soins de santé ou à l’usage des handicapés, les biens essentiels pour compenser et surmonter les handicaps, ainsi que l’adaptation, la réparation, la location et le crédit-bail de ces biens ;

5) le transport de personnes et le transport des biens qui les accompagnent, tels que les bagages, bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques, les véhicules automobiles ou autres véhicules, ou les prestations de services liées au transport de passagers ;

6) la fourniture, y compris en location dans les bibliothèques, de livres, de journaux et de périodiques, que ce soit sur un support physique ou par voie électronique, ou les deux (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou similaires), à l’exclusion des publications consacrées entièrement ou d’une manière prédominante à la publicité et à l’exclusion des publications consistant entièrement ou d’une manière prédominante en un contenu audible musical ou vidéo; la production de publications d’organismes sans but lucratif et les services liés à cette production;

7) le droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations ou visites, ou les deux ;

8) la réception de services de radiodiffusion et de télévision et diffusion sur le web des mêmes programmes fournis par un prestataire de services de médias ; les services d’accès à l’internet fournis dans le cadre de la politique de numérisation, définie par les États membres ;

9) les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus ;

10) la livraison et la construction de logements, dans le cadre de la politique sociale, telle qu’elle est définie par les États membres ; la rénovation et la transformation, y compris la démolition et la reconstruction, et la réparation de logements et de logements privés ; la location de biens immobiliers à usage résidentiel ;

10 bis) la construction et la rénovation de bâtiments publics et d’autres bâtiments utilisés pour des activités d’intérêt général ;

10 ter) le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés ;

10 quater) la livraison et l’installation de panneaux solaires sur des logements privés, des logements et des bâtiments, publics et autres, utilisés pour des activités d’intérêt général, et à proximité immédiate de ceux-ci ;

11) les livraisons de biens et les prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l’exclusion, toutefois, des biens d’équipement, tels que les machines ou les bâtiments ; et, jusqu’au 1er janvier 2032, la livraison de pesticides chimiques et d’engrais chimiques ;

11 bis) les équidés vivants et les prestations de services liées aux équidés vivants ;

12) l'hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d'hébergement de vacances et la location d'emplacements de camping et d'emplacements pour    caravanes ;

12 bis) les services de restaurant et de restauration, la fourniture de boissons (alcooliques et/ou non alcooliques) pouvant être exclue ;

13) le droit d’admission aux manifestations sportives, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations, ou les deux ; l’utilisation d’installations sportives, et la fourniture de cours de sport ou d’exercice physique, également lorsqu’ils sont diffusés en direct ;

15) les livraisons de biens et les prestations de services par des organismes engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales, tels qu’ils sont définis par les États membres et qui sont reconnus comme ayant un caractère social par les États membres, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136 ;

16) les prestations de services fournies par les entreprises de pompes funèbres et de crémation ainsi que la livraison de biens qui s'y rapportent ;

17) la fourniture de soins médicaux et dentaires ainsi que les cures thermales, dans la mesure où ces prestations ne sont pas exonérées en vertu de l'article 132, paragraphe 1, points b) à e) ;

18) les prestations de services d’égouttage et de traitement des eaux usées et les services fournis dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l’enlèvement des ordures ménagères et du traitement ou du recyclage des déchets, autres que les services fournis par les organismes visés à l’article 13 ;

19) les prestations de services de réparation d’appareils ménagers, chaussures et articles en cuir, vêtements et linge de maison (y compris les travaux de raccommodage et de modification) ;

20) les services de soins à domicile, tels que l’aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées ;

21) la coiffure ;

22) la livraison d’électricité, de chauffage urbain et de refroidissement urbain, et de biogaz produits à partir des matières premières énumérées dans la liste figurant à l’annexe IX, partie A, de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil ; la livraison et l’installation de systèmes de chauffage à haut rendement et à faibles émissions (P) répondant aux critères de référence en matière d’émissions établis respectivement à l’annexe V du règlement (UE) 2015/1189 de la Commission et à l’annexe V du règlement (UE) 2015/1185 de la Commission et ayant reçu une étiquette énergétique de l’UE qui atteste que le critère visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1369 du Parlement européen et du Conseil est rempli; et, jusqu’au 1er janvier 2030, la livraison de gaz naturel et de bois de chauffage;

23) les plantes vivantes et autres produits de la floriculture, y compris les bulbes, le coton, les racines et produits similaires, les fleurs coupées et les feuillages pour ornement ;

24) les vêtements et chaussures pour enfants ; la livraison de sièges d’enfant pour voitures      automobiles ;

25) la livraison de bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques ; les services de location et de réparation de ces bicyclettes ;

26) la livraison des objets d’art, de collection ou d’antiquité énumérés à l’annexe IX, parties A, B et C ;

27) les services juridiques fournis aux personnes sous contrat de travail et aux chômeurs dans le cadre de procédures devant une juridiction du travail, ainsi que les services juridiques fournis dans le cadre du régime d’aide judiciaire, tel que défini par les États membres ;

28) les outils et les autres équipements normalement destinés à être utilisés dans le cadre de services de secours ou de premiers secours lorsqu’ils sont fournis à des organismes publics ou à des organismes sans but lucratif actifs dans le domaine de la protection civile ou de la protection des communautés ;

29) la prestation de services dans le cadre de l’exploitation de bateaux-phares, de phares ou d’autres instruments d’aide à la navigation et de services de sauvetage, y compris l’organisation et l’entretien dans le cadre des services de bateaux de sauvetage.

Annexe II

Version comparative de l’ancienne Annexe III avec l’Annexe III modifiée par la Directive 2022/542

Annexe III – Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits et de l’exonération avec droit à déduction de la TVA vises a l’article 98.

1) Les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l'exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires ;

2) la distribution d'eau ;

3) les produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine ;

3) les produits pharmaceutiques utilisés à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés pour la contraception et la protection hygiénique féminine, et les produits d’hygiène absorbants;

4) les équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou traiter des handicaps, à l'usage personnel et exclusif des handicapés, y compris la réparation de ces biens, ainsi que la livraison de sièges d'enfant pour voitures automobiles ;

4) les équipements, les appareils, les dispositifs, les articles, le matériel auxiliaire et les équipements de protection médicaux, y compris les masques de protection sanitaire, normalement destinés à être utilisés dans le cadre des soins de santé ou à l’usage des handicapés, les biens essentiels pour compenser et surmonter les handicaps, ainsi que l’adaptation, la réparation, la location et le crédit-bail de ces biens ;

5) le transport des personnes et des bagages qui les accompagnent ;

5) le transport de personnes et le transport des biens qui les accompagnent, tels que les bagages, bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques, les véhicules automobiles ou autres véhicules, ou les prestations de services liées au transport de passagers ;

6) la fourniture, y compris en location dans les bibliothèques, de livres, journaux et périodiques, que ce soit sur un support physique ou par voie électronique, ou les deux (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou similaires), à l'exclusion des publications consacrées entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité et à l'exclusion des publications consistant entièrement ou d'une manière prédominante en un contenu vidéo ou une musique audible;

6) la fourniture, y compris en location dans les bibliothèques, de livres, de journaux et de périodiques, que ce soit sur un support physique ou par voie électronique, ou les deux (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou similaires), à l’exclusion des publications consacrées entièrement ou d’une manière prédominante à la publicité et à l’exclusion des publications consistant entièrement ou d’une manière prédominante en un contenu audible musical ou vidéo; la production de publications d’organismes sans but lucratif et les services liés à cette production;

7) le droit d'admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d'attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires ;

7) le droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations ou visites, ou les deux ;

8) la réception de services de radiodiffusion et de télévision ;

8) la réception de services de radiodiffusion et de télévision et diffusion sur le web des mêmes programmes fournis par un prestataire de services de médias ; les services d’accès à l’internet fournis dans le cadre de la politique de numérisation, définie par les États membres.

9) les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus ;

10) la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ;

10) la livraison et la construction de logements, dans le cadre de la politique sociale, telle qu’elle est définie par les États membres ; la rénovation et la transformation, y compris la démolition et la reconstruction, et la réparation de logements et de logements privés ; la location de biens immobiliers à usage résidentiel ;

10 bis) la rénovation et la réparation de logements privés, à l’exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni ;

10 bis) la construction et la rénovation de bâtiments publics et d’autres bâtiments utilisés pour des activités d’intérêt général.

10 ter) le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés ;

10 quater) la livraison et l’installation de panneaux solaires sur des logements privés, des logements et des bâtiments, publics et autres, utilisés pour des activités d’intérêt général, et à proximité immédiate de ceux-ci ;

11) les livraisons de biens et les prestations de services d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l'exclusion, toutefois, des biens d'équipement, tels que les machines ou les bâtiments;

11) les livraisons de biens et les prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l’exclusion, toutefois, des biens d’équipement, tels que les machines ou les bâtiments ; et, jusqu’au 1er janvier 2032, la livraison de pesticides chimiques et d’engrais chimiques.

11 bis) les équidés vivants et les prestations de services liées aux équidés vivants.

12) l'hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d'hébergement de vacances et la location d'emplacements de camping et d'emplacements pour caravanes ;

12 bis) les services de restaurant et de restauration, la fourniture de boissons (alcooliques et/ou non alcooliques) pouvant être exclue ;

13) le droit d'admission aux manifestations sportives ;

13) le droit d’admission aux manifestations sportives, ou l’accès à la diffusion en direct de ces manifestations, ou les deux ; l’utilisation d’installations sportives, et la fourniture de cours de sport ou d’exercice physique, également lorsqu’ils sont diffusés en direct ;

14) le droit d'utilisation d'installations sportives ;

15) la livraison de biens et la prestation de services par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des œuvres d'aide et de sécurité sociales, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136 ;

15) les livraisons de biens et les prestations de services par des organismes engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales, tels qu’ils sont définis par les États membres et qui sont reconnus comme ayant un caractère social par les États membres, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136.

16) les prestations de services fournies par les entreprises de pompes funèbres et de crémation ainsi que la livraison de biens qui s'y rapportent ;

17) la fourniture de soins médicaux et dentaires ainsi que les cures thermales, dans la mesure où ces prestations ne sont pas exonérées en vertu de l'article 132, paragraphe 1, points b) à e) ;

18) les prestations de services fournies dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l'enlèvement des ordures ménagères et du traitement des déchets, autres que les services fournis par les organismes visés à l'article 13 ;

18) les prestations de services d’égouttage et de traitement des eaux usées et les services fournis dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l’enlèvement des ordures ménagères et du traitement ou du recyclage des déchets, autres que les services fournis par les organismes visés à l’article 13 ;

19) les petits services de réparation des bicyclettes, chaussures et articles en cuir, vêtements et du linge de maison (y compris les travaux de réparation et de modification);

19) les prestations de services de réparation d’appareils ménagers, chaussures et articles en cuir, vêtements et linge de maison (y compris les travaux de raccommodage et de modification).

20) les services de soins à domicile, tels que l’aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées ;

21) la coiffure ;

22) la livraison d’électricité, de chauffage urbain et de refroidissement urbain, et de biogaz produit à partir des matières premières énumérées dans la liste figurant à l’annexe IX, partie A, de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil ; la livraison et l’installation de systèmes de chauffage à haut rendement et à faibles émissions (P) répondant aux critères de référence en matière d’émissions établis respectivement à l’annexe V du Règlement (UE) 2015/1189 de la Commission et à l’annexe V du Règlement (UE) 2015/1185  de la Commission et ayant reçu une étiquette énergétique de l’UE qui atteste que le critère visé à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) 2017/1369 du Parlement européen et du Conseil est rempli; et, jusqu’au 1er janvier 2030, la livraison de gaz naturel et de bois de chauffage;

23) les plantes vivantes et autres produits de la floriculture, y compris les bulbes, le coton, les racines et produits similaires, les fleurs coupées et les feuillages pour ornement ;

24) les vêtements et chaussures pour enfants ; la livraison de sièges d’enfant pour voitures       automobiles ;

25) la livraison de bicyclettes, y compris les bicyclettes électriques ; les services de location et de réparation de ces bicyclettes ;

26) la livraison des objets d’art, de collection ou d’antiquité énumérés à l’annexe IX, parties A, B et C;

27) les services juridiques fournis aux personnes sous contrat de travail et aux chômeurs dans le cadre de procédures devant une juridiction du travail, ainsi que les services juridiques fournis dans le cadre du régime d’aide judiciaire, tel que défini par les États membres ;

28) les outils et les autres équipements normalement destinés à être utilisés dans le cadre de services de secours ou de premiers secours lorsqu’ils sont fournis à des organismes publics ou à des organismes sans but lucratif actifs dans le domaine de la protection civile ou de la protection des communautés ;

29) la prestation de services dans le cadre de l’exploitation de bateaux-phares, de phares ou d’autres instruments d’aide à la navigation et de services de sauvetage, y compris l’organisation et l’entretien dans le cadre des services de bateaux de sauvetage.

 

[1] Cf Annexe I la liste dressée par l’Annexe III ;

[2] Cf. Annexe II pour la nouvelle rédaction de l’Annexe III.

[3] Article 98-2 Directive 2006/112/CE : « Les États membres peuvent, outre les deux taux réduits visés au paragraphe 1 du présent article, appliquer un taux réduit inférieur au seuil minimal de 5 % et une exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur aux livraisons de biens et prestations de services couvertes par un maximum de sept points figurant à l’annexe III ».

[4] Cf le comparatif en Annexe II ;

[5] La liste de ces opérations devra être communiquée à la Commission au plus tard le 7 juillet 2022.

[6] Sauf concernant les livraisons de combustibles fossiles ou autres biens ayant une incidence similaire sur les émissions de gaz à effet de serre (tourbe, bois de chauffage) où la date limite d’application est placée avant le 1er janvier 2030.

[7] Sauf concernant les livraisons de combustibles fossiles ou autres biens ayant une incidence similaire sur les émissions de gaz à effet de serre (tourbe, bois de chauffage) où la date limite d’application est placée avant le 1er janvier 2030.

newsid:482096

Voies d'exécution

[Brèves] Formalisme à respecter pour l’exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel

Réf. : Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-10.229, FS-B N° Lexbase : A8575784

Lecture: 2 min

N2061BZD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441887-edition-n-913-du-07072022#article-482061
Copier

par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 06 Juillet 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 30 juin 2022, après avoir rappelé que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, énonce que l’exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement.

Faits et procédure. Dans cette affaire, sur le fondement d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance, et d’un arrêt confirmatif condamnant les défendeurs, une société créancière a fait délivrer un commandement de payer à fin de saisie-vente et fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son débiteur. Cette dernière a été dénoncée, et les débiteurs ont saisi le juge de l’exécution d’une demande d’annulation tant de la saisie-attribution, que du commandement.

Le pourvoi. Les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Aix-en-Provence, 10 septembre 2020, n° 19/12894 N° Lexbase : A28273TU) d’avoir déclaré valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de saisie attribution. Les intéressés font valoir la violation des articles 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, R. 221-1 N° Lexbase : L2246ITD et R. 211-1 N° Lexbase : L2207ITW du Code des procédures civiles d'exécution, énonçant que le jugement les condamnant ne leur avait pas été signifié. En l’espèce seul l’arrêt confirmant partiellement la décision de première instance l’avait été.

Après avoir constaté que le jugement du juge de l’exécution n’avait pas été signifié aux débiteurs, les juges d'appel ont considéré que l’arrêt d’appel constituait le titre exécutoire permettant de poursuivre le recouvrement forcé des sommes allouées par le jugement, sans que les débiteurs puissent valablement opposer l’absence de signification de la décision de première instance non revêtue de l’exécution provisoire.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin :

  • v. R. Laher, ÉTUDE : L’exécution du jugement, La notification du jugement, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : L2207ITW ;
  • v. ÉTUDE : Les conditions générales de l’exécution forcée, La notification préalable du jugement (CPC, art. 503) in Voies d’exécution (dir. N. Fricero et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E8219E8W.

 

newsid:482061

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.