La lettre juridique n°907 du 26 mai 2022

La lettre juridique - Édition n°907

Responsabilité pénale

[Jurisprudence] De l’élargissement infondé de la responsabilité pénale des personnes morales

Réf. : Cass. crim., 15 février 2022, n° 20-81.450, FP-B N° Lexbase : A24777N3

Lecture: 12 min

N1506BZS

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par Marc Segonds, Agrégé des facultés de droit, Directeur du Master 2 Droit pénal des affaires publiques et privées et du DU Compliance officer, IRDEIC, Université Toulouse-Capitole

Le 08 Juin 2022

Mots-clés : responsabilité pénale du décideur • autonomie de la responsabilité pénale des personnes morales • responsabilité pénale du fait d’autrui

La Haute juridiction estime justifiée la décision par laquelle les juges du fond ont considéré que, si la faute initiale a été matériellement commise par un ou plusieurs salariés de la société, qui seuls pouvaient en répondre sur le plan pénal, sa conjugaison avec la seconde visite supposée corriger toute malfaçon affectant le chantier caractérise un manque de professionnalisme et d’organisation de la société imputable à son gérant, de nature à engager la responsabilité pénale de cette dernière. Ce faisant, l’élargissement des conditions de fond d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales qu’induit ce nouveau principe de solution, présente le risque de l’avènement d’une responsabilité pénale du fait d’autrui et institutionnelle, bien peu conforme à l’économie de l’article 121-2 du Code pénal.


Particulièrement sibyllins, les termes de l’article 121-2 du Code pénal N° Lexbase : L3167HPY sont l’objet de controverses alimentées tant par la doctrine que la jurisprudence. Conforme à la mission doctrinale, ces controverses se doivent de trouver dans la jurisprudence, non point un terreau fertile, mais des réponses conformes – à tout le moins – au principe de la légalité.

Alors que les termes de l’article 121-2 du Code pénal n’ont jamais consacré que la théorie de la responsabilité par représentation, nombre d’arrêts se sont autorisés à fournir une lecture de l’article 121-2 du Code pénal qui donnait à penser que « les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont pénalement responsables », alors que ledit article – il est vrai que les écrits sont parfois têtus – n’en a jamais disposé ainsi, se contentant d’instituer la responsabilité pénale des personnes morales, à l’exclusion de l’État, à raison « des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Cette première controverse écartée [1], une deuxième controverse est née tenant à la nécessité d’identifier les organes ou représentants de la personne morale poursuivie, nécessité commandée par le principe de la légalité et les termes mêmes de l’article 121-2 du Code pénal. Cette nécessité a pourtant été écartée par la Chambre criminelle, avant que cette dernière renonce à faire de la responsabilité pénale des personnes morales une responsabilité quasi-automatique et ce, au grand dam de – trop – nombreux juges du fond ainsi qu’en témoignent les très nombreuses censures prononcées par la Haute juridiction consécutivement à son revirement [2]. En se contentant de rappeler une troisième controverse relative, quant à elle, à la reconnaissance de la délégation de pouvoir « de fait » permettant l’imputation facilitée de la personne morale [3], les conditions d’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale semblent encore devoir souffrir d’un assouplissement, ainsi qu’en témoigne un arrêt du 15 février 2022, rendu en plénière de chambre [4].

En l’espèce, à la suite de l’effondrement du toit-terrasse d’un magasin, occasionnant des blessures à plusieurs clients présents à l’intérieur [5], deux sociétés sont poursuivies et condamnées.

La première, gestionnaire du magasin, a ainsi été déclarée coupable, d’une part, du délit de blessures involontaires suivies d’une incapacité supérieure à trois mois et, d’autre part, du délit de blessures involontaires suivies d’une incapacité n’excédant pas trois mois. Pour ce faire, les juges du fond avaient en particulier relevé qu’en ne prenant pas la mesure du danger dont ils avaient connaissance, et en n’entretenant pas le toit de manière suffisante, les co-gérants de la société, incontestablement organes de celle-ci et agissant dans son intérêt et pour son compte, en voulant lui faire économiser le coût d’un contrat d’entretien, avaient commis une faute qui a contribué à la réalisation du dommage. Ce raisonnement a reçu l’approbation de la Haute juridiction – en dépit de la confusion opérée entre la négligence et son mobile (économique) –, estimant que les juges du fond avaient justifié leur décision en considérant notamment qu’une négligence des gérants, organes de la personne morale agissant pour le compte de celle-ci, dans l’entretien de la toiture et l’enlèvement des végétaux, était en lien de causalité certain avec le dommage.

La seconde, auteur de travaux sur le toit du magasin, a également été déclarée coupable de blessures involontaires. La société considérée s’est vue reprocher, d’une part, d’avoir obturé deux exutoires, les salariés de l’entreprise ayant oublié de les rouvrir à la fin du chantier et, d’autre part, intervenant pour une visite d’étanchéité, de ne pas avoir corrigé les malfaçons. De la sorte, les juges du fond ont estimé que « ces fautes conjuguées ont contribué à maintenir sur le toit une nappe d’eau importante qui ne pouvait s’échapper et dont le poids excessif a provoqué l’effondrement » pour en conclure que « si la faute initiale a été matériellement commise par un ou plusieurs salariés de la société, qui seuls pouvaient en répondre sur le plan pénal, sa conjugaison avec la seconde visite supposée corriger toute malfaçon affectant le chantier caractérise un manque de professionnalisme et d’organisation de la société imputable à son gérant, de nature à engager la responsabilité pénale de cette dernière ». Pareil raisonnement a reçu l’approbation de la Chambre criminelle, cette dernière estimant justifiée la décision de la cour d’appel en faisant valoir qu’en se prononçant ainsi, « elle a caractérisé, sans insuffisance ni contradiction, une faute en lien de causalité certain avec l’accident commise par le gérant, organe de la société, agissant pour le compte de celle-ci ». Or, le raisonnement suivi par les juges du fond, en dépit de son approbation par les juges du droit, présente un double risque : le risque avéré, d’une responsabilité pénale du fait d’autrui (I) et le risque latent, autrement plus redoutable, d’une responsabilité pénale du fait de l’institution (II).

I. Le risque avéré d’une responsabilité pénale du fait d’autrui

Aussi imprécis qu’ils soient, les termes de l’article 121-2 du Code pénal font référence, non point aux infractions commises par la personne morale, mais aux infractions commises par ses organes ou représentants.

Or, s’agissant des infractions d’affaires, sont commises par ses organes ou représentants, non seulement les infractions matériellement commises mais aussi les infractions intellectuellement commises et, spécifiquement, les infractions que les organes ou représentants ont laissé commettre par les préposés placés sous leur surveillance. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un élargissement des conditions d’imputation des infractions commises aux personnes morales, mais uniquement du point de rencontre entre la responsabilité pénale des personnes morales et la responsabilité pénale des décideurs, personnes physiques [6].

S’il n’est plus question désormais de conclure à la consécration d’une responsabilité pénale du fait d’autrui des décideurs personnes physiques – puisque loin de n’être qu’une responsabilité objective, la responsabilité desdits décideurs ne peut être effectivement engagée qu’à raison d’une faute dans l’exercice de leurs pouvoirs de direction et de surveillance – , le raisonnement adopté par les juges du fond et approuvé par la Haute juridiction revient à faire de la responsabilité pénale des personnes morales une véritable responsabilité du fait d’autrui.

En effet, les faits de l’espèce, loin d’être circonscrits aux infractions d’affaires, intéressent des infractions de droit commun – les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne – et la solution retenue par les juges du fond ne manifeste donc point la rencontre de la responsabilité pénale des personnes morales et de la responsabilité pénale de principe des décideurs mais une mutation ou, plus exactement, une véritable extension de la responsabilité pénale des personnes morales et, donc une violation de l’article 121-2 du Code pénal ainsi qu’a tenté de le faire valoir, en vain, l’auteur du pourvoi.

En admettant que « si la faute initiale a été matériellement commise par un ou plusieurs salariés de la société, qui seuls pouvaient en répondre sur le plan pénal », la cour d’appel de Grenoble n’a fait que rappeler que les modes de participation aux infractions de droit commun s’apprécient selon les règles de droit commun et qu’elles ne sont pas éligibles à la responsabilité pénale de principe des décideurs qui n’intéressent, depuis son origine, que les infractions d’affaires. Malgré tout, les juges du fond se sont autorisés à considérer que « sa conjugaison avec la seconde visite supposée corriger toute malfaçon affectant le chantier caractérise un manque de professionnalisme et d’organisation de la société » pour en conclure que ce manque est « imputable à son gérant […], de nature à engager la responsabilité pénale de cette dernière ».

Dès son origine, pareil mécanisme d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales a été envisagé par la doctrine mais uniquement à propos des infractions d’affaires et non point des infractions de droit commun. Ainsi, une doctrine particulièrement autorisée avait en son temps souligné qu’ « en France, il n’a jamais été envisagé ouvertement d’étendre aux employés la mise en cause des personnes morales, réservée d’abord aux organes de celle-ci (avant-projets 1978, 1983) puis aux  organes ou représentants» [7]. Et le même auteur de faire valoir, à juste titre, qu’ « une conception plus large paraît donc exclue. Sauf à transposer aux personnes morales la jurisprudence sur la responsabilité du  « décideur » ; ce qui impliquerait une scission entre l’élément moral de l’infraction (la faute), commise par l’organe ou représentant et imputée comme telle à la personne morale, et l’élément matériel (l’acte au sens large), accompli par un employé, pour le compte de celle-ci » [8]. De façon prémonitoire, il en était conclu que « si cette transposition était retenue, la responsabilité pénale de la personne morale pourrait se voir engagée par le comportement matériel d’un simple employé, mais à la condition que la faute relève d’un organe ou d’un représentant »  [9].

En définitive, au travers de la référence à un manque de professionnalisme et d’organisation de la société, semble poindre un manquement à une obligation de surveillance imputable au gérant, lequel manquement permettrait d’engager la responsabilité pénale de la personne morale à raison d’une infraction – indépendamment de son appartenance au droit commun ou aux affaires – commise par l’un de ses préposés. De sorte que l’on ne peut que déplorer que le Rubicon de la responsabilité pénale du fait d’autrui ait été ainsi franchi, là où la responsabilité doit demeurer éminemment rétributive et donc uniquement personnelle.

II. Le risque latent d’une responsabilité pénale du fait de l’institution

La décision des juges du fond, justifiée selon la Chambre criminelle, présente au surplus le risque de l’avènement d’une responsabilité « institutionnelle » que l’infirmation d’une responsabilité autonome semblait pourtant avoir jugulé. En tout état de cause le raisonnement retenu ne convainc guère et ce, pour deux raisons.

Première raison. Plutôt que de faire référence à un manquement au devoir de surveillance qui seul aurait pu être en cause, il est fait référence à un manque de professionnalisme et d’organisation, référence surprenante puisque seule à même de caractériser, non point la faute en tant que telle, mais davantage sa gravité, de sorte qu’il ne paraît pas possible de voir véritablement dans cette mention de l’arrêt la caractérisation de la faute commise par le gérant de la société [10].

Seconde raison. Il est fait état du manque de professionnalisme et d’organisation de la société. C’est là, à l’égard de l’article 121-2 du Code pénal, la marque d’une inversion de logique à laquelle il n’est pas possible de souscrire. En faisant référence aux infractions commises par les organes ou représentants de la personne morale, il convient d’établir, dans un premier temps, par qui l’infraction a été commise, ce qui implique de procéder à l’identification des représentants ou des organes en cause, pour, dans un second temps, procéder à l’imputation de la responsabilité pénale à la personne morale concernée dès lors que l’infraction a été commise pour son compte. En l’occurrence, le manque de professionnalisme et d’organisation – faute diffuse s’il en est…–  a, d’abord, été retenu à l’endroit de la société pour, ensuite, considérer que l’infraction en cause était imputable à son gérant pour, enfin…, retenir la responsabilité pénale de la société elle-même. La responsabilité dont il s’agit n’est plus seulement une responsabilité de conséquence, mais une responsabilité alors liée aux dysfonctionnements de la personne morale et donc, peu ou prou, une responsabilité institutionnelle.

Aux risques attachés au raisonnement adopté par les juges du fond, procédant d’une dénaturation de l’article 121-2 du Code pénal, s’ajoute une autre prise de risque, que l’on espère sans lendemain, alors qu’elle s’est inscrite dans une proposition de loi visant à élargir les termes de l’article 121-2 du Code pénal, dont il résulte que « les personnes morales sont également responsables pénalement lorsque le défaut de surveillance de leur part a conduit à la commission d’une ou plusieurs infractions par l’un de leurs salariés » [11]. Ces dispositions, pour le moins singulières, ne peuvent pas se réclamer du droit européen lequel limite le défaut de surveillance à l’hypothèse d’une infraction commise au bénéfice de la personne morale [12]. Ainsi conçue par le législateur français, pareille responsabilité de la perosnne morale serait dotée de frontières infinies, y compris lorsque l’infraction a été commise par l’un de leurs salariés, au détriment de la personne morale ! Pouvoir faire d’une victime un auteur,… ou le comble du raisonnement juridique.

À retenir : un manque de professionnalisme et d’organisation de la société imputable à son gérant est de nature à engager la responsabilité pénale de la personne morale en présence d’atteintes involontaires à la personne.
 

[1] B. de Lamy, M. Segonds, Responsabilité pénale des personnes morales, JCl. Pénal des Affaires, Fasc. 7, n° 46.

[2] Not. Cass. crim., 30 mars 2016, n° 14-85.008, F-D N° Lexbase : A1672RBK : Dr. pén., 2016, n° 11, chron. 11, n° 1.

[3] Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 18-87.027, F-D N° Lexbase : A47273AC : Dr. pén., 2020, n° 11, chron. 11, n° 2.

[4] Cass. crim., 15 février 2022, n° 20-81.450, FP-B N° Lexbase : A24777N3.

[5] Avis de M. Lemoine, Avocat général, 15 février 2022 [en ligne].

[6] M. Segonds, La responsabilité pénale des personnes morales en droit pénal économique… ou la tentation de l’exhumation de la peine par l’effigie, Le droit pénal économique : Un droit pénal très spécial ?, Cujas, 2018, p. 65, 68.

[7] M. Delmas-Marty, Les conditions de fond de mise en jeu de la responsabilité pénale, La responsabilité pénale des personnes morales, Dalloz, 1993, p. 301.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Compar., avis M. Lemoine Avocat général, op. cit., p. 7.

[11] Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption n° 4586, du 19 octobre 2021 [en ligne].

[12] Décision-cadre n° 2003/568/JAI, du Conseil, du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé, art. 5 [en ligne] : « chaque État membre prend les mesures nécessaires pour qu'une personne morale puisse être tenue pour responsable lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle de la part d'une personne physique, agissant soit individuellement, soit en tant que membre d'un organe de la personne morale, qui exerce un pouvoir de direction en son sein a rendu possible la commission de l'infraction au bénéfice de ladite personne morale par une personne soumise à son autorité ».

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Avocats/Procédure pénale

[Brèves] Délivrance d’un permis de communiquer aux seuls avocats nominativement désignés par la personne mise en examen : les Sages valident !

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-994 QPC, du 20 mai 2022 N° Lexbase : A58307X9

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N1567BZ3

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par Marie Le Guerroué

Le 25 Mai 2022

► Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions de l’article 115 du Code de procédure pénale, en tant qu’elles permettent au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés de l'avocat de la personne mise en examen et détenue lorsqu'elle ne les a pas nominativement désignés, conformes à la Constitution.

QPC. Avait été soumise au Conseil constitutionnel la QPC suivante :

« L'article 115 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0931DY7 tel qu'interprété par la Cour de cassation comme ne prévoyant l'envoi des convocations et notifications « qu'aux avocats nommément désignés par les parties, ce dont il se déduit que le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'à ces derniers » est-il conforme aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1363A9D, au principe d'égalité devant la Justice posé par l'article 6 de la même Déclaration et à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ? »

Le requérant reprochait à ces dispositions de permettre au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés de l'avocat de la personne mise en examen et détenue lorsqu'elle ne les a pas nominativement désignés. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense. En outre, en laissant au juge d'instruction toute latitude pour délivrer ou non un tel permis de communiquer, les dispositions renvoyées seraient contraires au principe d'égalité devant la justice. Enfin, le requérant soutient, également, que ces dispositions méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la Justice.

Décision du Conseil constitutionnel. Les Sages relèvent, en premier lieu, que ces dispositions tendent à garantir la liberté de la personne mise en examen de choisir son avocat et, en second lieu, que, d'une part, la personne mise en examen peut à tout moment de l'information désigner un ou plusieurs avocats, appartenant le cas échéant à un même cabinet, qu'ils soient salariés, collaborateurs ou associés. Ce choix peut être effectué au cours d'un interrogatoire ou par déclaration au greffier du juge d'instruction, mais également, lorsque la personne mise en examen est détenue, résulter d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire ou d'un courrier de désignation remis au greffier par son conseil et annexé à la déclaration faite par ce dernier. D'autre part, ils notent que chacun des avocats ainsi désignés peut solliciter la délivrance d'un permis de communiquer que le juge d'instruction est tenu de lui délivrer. Pour le Conseil constitutionnel, le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit par conséquent être écarté.

Conformité. Pour les Sages, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Actualité. À noter que le décret n° 2022-95, publié au Journal officiel du 1er février 2022 (décret n° 2022-95, du 31 janvier 2022, relatif au permis de communiquer délivré à l'avocat d'une personne détenue N° Lexbase : L9149MA4), est venu préciser les modalités de remise aux avocats des permis de communiquer et permet, tout particulièrement, à l'avocat désigné ou commis d'office de demander que le permis soit établi à son nom et à celui de ses associés et collaborateurs qu'il désignera.

Pour aller plus loin : v. N. Catelan, ÉTUDE : Le recours à l'instruction préparatoire, Les droits du mis en examen, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E65783CM.

 

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Comité social et économique

[Brèves] Départ des membres titulaires et suppléants du CSE : nécessité de rechercher parmi les candidats non élus avant d’organiser des élections partielles

Réf. : Cass. soc., 18 mai 2022, n° 21-11.347, F-B N° Lexbase : A33837XL

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N1586BZR

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par Lisa Poinsot

Le 31 Mai 2022

► En l'absence de suppléant de la même catégorie au sein d’un collège du CSE, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale.

Faits et procédure. Deux membres du CSE d'une entreprise, l’un titulaire et l’autre suppléant, démissionnent du premier collège du CSE, l’un de son mandat et l’autre de l’entreprise. Considérant que l’un des collèges du CSE n’est plus représenté, l’employeur décide d'organiser des élections partielles qui sont contestées par un des syndicats ayant présenté des candidats.

Ce syndicat saisit le tribunal judiciaire de sorte que l’un de ses candidats non-élus au sein du deuxième collège soit reconnu comme membre titulaire du premier collège, qu’il n’y ait pas lieu d’organiser des élections partielle et qu’il soit fait interdiction à l’employeur de poursuivre le processus électoral engagé.

Le tribunal judiciaire (TJ Roanne, 20 janvier 2021, n° 20/00312) retient que l’article L. 2314-37 du Code du travail N° Lexbase : L8323LGD ne permet pas de remplacer des membres d’un collège par ceux d’un autre collège, puisqu’ils n’ont assurément pas les mêmes intérêts collectifs. Les juges du fond affirment alors que seul un candidat élu ou non élu de la liste du syndicat aurait pu remplacer les membres démissionnaires au sein du premier collège, ce qui est impossible dans la mesure où le syndicat n'a présenté aucun autre candidat pour l'élection du premier collège et qu'il n'existe aucun autre suppléant dans ce collège, issu des listes du syndicat.

Le tribunal en déduit que les membres suppléants du CSE et les candidats non élus du second collège présentés par le syndicat ne peuvent remplacer le membre titulaire du premier collège présenté par ce même syndicat.

Ce syndicat forme alors un pourvoi en cassation, en soutenant que :

  • des élections partielles doivent être organisées par l'employeur lorsqu'un collège électoral n'est plus représenté au CSE ;
  • un collège demeure représenté au CSE lorsque les membres de ce collège ayant cessé leur fonction peuvent être remplacés, par ordre de priorité et par défaut, par des délégués suppléants élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle des titulaires à remplacer et de même catégorie professionnelle, par des suppléants d'une autre catégorie professionnelle mais appartenant au même collège électoral et élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale, par des suppléants d'un collège différent, mais toujours de même appartenance syndicale, par des candidats non élus présentés par la même organisation syndicale et venant sur la liste immédiatement après le dernier candidat élu comme titulaire ou, à défaut, suppléant, par des candidats d'une autre organisation syndicale, mais appartenant à la même catégorie professionnelle et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la chambre sociale de la Cour de cassation casse le raisonnement du tribunal judiciaire.

Elle rappelle les règles de suppléance prévues à l’article L. 2314-37 du Code du travail, tout en précisant leur application.

En conséquence, l’employeur qui souhaite organiser des élections partielles pour remplacer certains membres d’un collège du CSE doit au préalable vérifier qu’il n’existe pas de suppléants possibles parmi les candidats non élus dans le collège en question, voire dans un autre collège de ce CSE.

L'ordre de priorité pour le remplacement d'un membre titulaire au sein d'un collège du CSE :

1- Suppléant élu sur une liste présentée par le même syndicat, même catégorie, même collège
2- Suppléant élu sur une liste présentée par le même syndicat, autre catégorie, même collège
3- Candidat non élu présenté par le même syndicat, même collège
4- Suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, appartenant à la même catégorie, ayant obtenu le plus grand nombre de voix
5- Suppléant présenté par le même syndicat, autre catégorie, même collège
6- Suppléant présenté par le même syndicat, autre collège
7- Candidat non élu répondant à la condition de présentation syndicale

 

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La délégation du personnel au comité social et économique, La durée et la fin du mandat des membres de la délégation du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1934GAU.

 

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Délégation de service public

[Brèves] DSP à vocation « culturelle » : les biens de retour englobent les biens incorporels

Réf. : CE 2°-7° ch. réunies, 16 mai 2022, n° 459904, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A15127XB

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N1568BZ4

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par Yann Le Foll

Le 25 Mai 2022

► Les droits d'administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l'objet du contrat de délégation de service public étant nécessaires au fonctionnement du service public tel qu'institué par la commune, ils doivent lui faire retour gratuitement au terme du contrat, tout comme le film tourné et les décors utilisés.

Faits. La commune de Nîmes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3059ALU (référé « mesures utiles »), d'ordonner à la société X de procéder sans délai à la restitution des biens de retour de la concession portant sur l'exploitation touristique et culturelle des arènes de Nîmes, de la Maison carrée et de la tour Magne que constituent les biens matériels et immatériels liés à ce contrat, notamment les communautés et contenus numériques liés aux pages des réseaux sociaux et le film relatif à la Maison carrée et les décors des Grands Jeux romains.

Première instance. Par une ordonnance n° 2103537, du 13 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande au motif que les stipulations de la convention de délégation de service public étaient susceptibles de faire obstacle au retour gratuit à la personne publique de biens nécessaires au service créés au cours de la délégation.

Rappel. Dans le cadre d'une concession de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.

À l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public (CE 9°-10° ch. réunies, 18 octobre 2018, n° 420097, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9378YGG).

Le contrat ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.

Censure TA. En s'abstenant de rechercher si les biens en cause étaient nécessaires au fonctionnement du service public, alors que, si les parties au contrat de délégation peuvent décider la dévolution gratuite à la personne publique d'un bien qui ne serait pas nécessaire au fonctionnement du service public, elles ne sauraient, en revanche, exclure qu'un bien nécessaire au fonctionnement du service public lui fasse retour gratuitement, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit. 

Restitution des biens/film. La restitution du film relatif à la Maison carrée permettra au nouveau délégataire de préparer la réouverture prochaine au public de cet espace. Cette restitution présente ainsi un caractère d'urgence et d'utilité

Restitution des biens/pages des réseaux sociaux. L'exploitation des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l'objet du contrat a été interrompue, alors qu'elles constituent, par leur ancienneté et les communautés d'abonnés qu'elles réunissent, un élément important de la valorisation des monuments, que le nouveau délégataire ne saurait reconstituer rapidement. Cette restitution présente également un caractère d'urgence et d'utilité

Restitution des biens/décors. La restitution des décors créés en vue de « la création de contenus culturels, d'animations, d'événements et de spectacles [...] notamment l'organisation annuelle des "Grands Jeux Romains" » pourra permettre au nouveau délégataire d'organiser les nouvelles animations qui lui incombent à brève échéance. Là aussi, la restitution présente un caractère d'urgence et d'utilité

Décision. La société X devra restituer à la commune de Nîmes le support du film relatif à la Maison carrée mentionné à l'article 18 du contrat de délégation de service public signé le 7 janvier 2013, les droits d'administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l'objet du contrat, ainsi que les décors des « Grands Jeux romains ».

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Droit des biens

[Brèves] L’assignation en liquidation-partage d’une indivision constitue-t-elle un acte interruptif de la prescription de la créance d'un indivisaire sur l’indivision ?

Réf. : Cass. civ. 1, 18 mai 2022, n° 20-22.234, FS-B N° Lexbase : A34037XC

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N1611BZP

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 25 Mai 2022

► L’assignation en liquidation-partage d’une indivision ne saurait interrompre le délai de prescription de la créance d'un indivisaire à l'encontre de l'indivision que si l'assignation contient une réclamation, ne serait-ce qu'implicite.

En l’espèce, à la suite de leur séparation, l’ex-concubin avait assigné son ex-concubine en liquidation et partage de l'indivision portant sur un bien immobilier qu’ils avaient acquis ensemble au cours de leur concubinage.

Par un arrêt rendu le 4 novembre 2019, la cour d’appel de Rennes avait ordonné l'homologation du projet de partage établi le 13 octobre 2016 par un notaire, sous les réserves de l'ajout de sa créance à l'égard de l'indivision au titre de la taxe foncière pour les années 2011, 2012 et 2013, et de la déduction, de la créance de son ex-concubin à l'encontre de l'indivision au titre des mensualités du prêt bancaire, du montant total des versements effectués par l'assureur en remboursement de ce crédit.

La cour d’appel avait alors rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des créances dont l’ex-concubin se prétendait titulaire au titre du remboursement des prêts bancaires, après avoir retenu que la prescription avait été interrompue lorsqu'il avait « engagé l'action en liquidation et partage de l'indivision par assignation du 29 octobre 2007 ».

La cour avait ajouté que la procédure n'ayant pas abouti à ce stade au partage de l'indivision, la prescription n'avait pas repris son cours, de sorte qu'il était recevable à invoquer des impenses au titre des prêts bancaires.

L’ex-concubine a alors formé un pourvoi, arguant que l'assignation aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage d'une indivision familiale n'interrompt le délai de prescription de la créance d'un indivisaire à l'encontre de l'indivision qu'à la condition qu'elle manifeste, serait-ce tacitement, la volonté d'obtenir paiement de ladite créance.

L’argument est accueilli par la Cour régulatrice, qui censure la décision au visa de l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9, lequel dispose que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion », reprochant à la cour d’appel de s’être déterminée comme indiqué, sans constater que l'assignation contenait une réclamation, ne serait-ce qu'implicite, à ce titre.

On retiendra donc que l’assignation en liquidation-partage d’une indivision (dès lors qu’elle ne contient aucune réclamation) doit figurer sur la liste des « actes ne valant pas demande en justice », et qui ne sont donc pas interruptifs de prescription, par application a contrario de l’article 2241 du Code civil.

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Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] La résidence principale insaisissable et le divorce de l’entrepreneur individuel

Réf. : Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.768, F-B N° Lexbase : A33857XN

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)

Le 26 Août 2022

Mots-clés : liquidation judiciaire • immeuble légalement insaisissable • débiteur ayant quitté son logement avant l’ouverture de sa procédure collective à la suite d’une ordonnance de non-conciliation préalable au divorce • saisissabilité de l’immeuble (oui) • possibilité de vente par le liquidateur (oui)

Lorsque, dès avant l’ouverture de sa procédure collective, l’entrepreneur individuel a quitté son logement d’habitation, l’immeuble a perdu son statut d’insaisissabilité et peut donc être réalisé par le liquidateur.


 

Petit à petit, l’oiseau jurisprudentiel construit le nid juridique de l’insaisissabilité légale de la résidence principale. Une nouvelle question est aujourd’hui réglée par l’arrêt sous commentaire : celle du statut de l’immeuble quitté par l’entrepreneur individuel ou en l’occurrence chassé de son logement, avant l’ouverture de sa procédure collective. L’épouse, restée dans les lieux, se trouva certes bien pourvue, mais se retrouva cependant vite dépourvue : enfin sans toi, mon coiffeur, ouf, mais sans toit aussi, zut !

M. K, coiffeur, a été mis en redressement judiciaire en 2016, puis en liquidation judiciaires en 2017. Par une ordonnance du 9 juillet 2019, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d'un bien immobilier appartenant au débiteur et à son épouse, Mme X, dont cette dernière avait la jouissance exclusive depuis une ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2010 rendue au cours de la procédure de divorce des deux époux. Mme X a fait appel de l'ordonnance du juge-commissaire.

La cour d’appel de Lyon, saisie sur recours contre l’ordonnance du juge-commissaire statuant sur la demande de réalisation de ce bien immobilier, a dénié au liquidateur la possibilité de vendre ledit bien au motif que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à Mme X est sans effet sur les droits de M. K sur le bien et sur son insaisissabilité légale.

La question posée à la Cour de cassation est très simple dans son énoncé : la maison, qui n’est plus occupée par l’entrepreneur individuel avant l’ouverture de sa procédure collective, constitue-t-elle encore sa résidence principale insaisissable ?

Ainsi formulée, la réponse ne peut guère faire de doute et logiquement la Cour de cassation, faisant droit au pourvoi, va casser l’arrêt de la cour d’appel en énonçant que « lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle ».

L’article L. 526-1, alinéa 1, du Code de commerce N° Lexbase : L3662MBA prévoit que « Par dérogation aux articles 2284 N° Lexbase : L1112HIZ et 2285 N° Lexbase : L1113HI3 du Code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ». Il résulte donc clairement du texte que l’insaisissabilité de l’immeuble suppose que la résidence principale de l’entrepreneur individuel y soit fixée. Si l’intéressé n’a plus sa résidence principale dans cet immeuble, ce dernier devient saisissable. Le but de la loi n’est pas de protéger en lui-même l’immeuble d’habitation, comme cela est le cas de l’article 215 du Code civil N° Lexbase : L2383ABU. La loi poursuit une volonté de protection exclusivement orientée vers l’entrepreneur individuel ; le mécanisme est donc conçu pour le protéger lui et non pour protéger sa famille. Par conséquent, si sa résidence principale change, l’immeuble devient saisissable, et le reste de la famille risque par conséquent de s’en trouver délogé.

La solution posée par la Cour de cassation est donc aussi logique que prévisible. Si l’entrepreneur individuel veut faire échapper l’immeuble à la procédure collective, il aura compris qu’il doit y demeurer et s’organiser pour cela, le temps de sa procédure collective. Encore faut-il cependant qu’il en ait le choix et qu’une décision ne lui soit pas imposée comme en l’espèce par un juge aux affaires familiales. Le conjoint doit comprendre où se trouvent ses intérêts : qu’il se sépare de son « futur ex-conjoint », et il va se retrouver dehors pour avoir voulu profiter seul du logement.

Le juge aux affaires familiales et éventuellement l’avocat, conscients des enjeux, auraient pu aussi éviter cela. Encore eût-il fallu qu’ils maîtrisent le droit des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas toujours le cas, des avocats ou juges pouvant exercer leur art sans avoir rencontré sur leur parcours universitaire le droit des entreprises en difficulté, matière devenue facultative dans certaines facultés, comme si l’on pouvait croire que, sur son parcours, on ne la rencontrera pas. Quand on est professionnel du droit, on ne prend pas rendez-vous avec le droit des entreprises en difficulté : il s’impose à nous qu’on le veuille ou non, quelle que soit notre spécialité ! Pardon pour ce petit ex cursus !

La solution ici posée par la Cour de cassation ne peut souffrir la contestation lorsque la procédure collective est postérieure au départ de l’entrepreneur individuel du logement assurant sa résidence principale. En effet, l’immeuble était devenu saisissable dès avant l’ouverture de la procédure collective. L’effet réel de la procédure collective va donc permettre de l’englober dans les actifs réalisables de la liquidation judiciaire. Saisissable par tous les créanciers de l’entrepreneur individuel, l’immeuble est devenu un élément du gage commun, ce qui explique qu’il puisse être vendu par le liquidateur. 

La question non tranchée pour l’heure se pose de savoir ce qu’il advient lorsque, en cours de procédure collective, l’immeuble cesse d’être la résidence principale du professionnel indépendant. Reste-t-il en dehors du gage commun ou y entre-t-il ? En d’autres termes, la question doit-elle être uniquement appréciée au jour de l’ouverture de la procédure collective [1] ? La réponse nous semble commander par l’effet réel de la procédure collective, lequel s’apprécie au jour de l’ouverture de la procédure collective. Par conséquent, le bien insaisissable au jour de l’ouverture de la procédure collective le demeure le temps de celle-ci.

Ce raisonnement en termes d’effet réel de la procédure collective pour déterminer la saisissabilité ou l’insaisissabilité du bien est appliqué en jurisprudence. Si la procédure collective, fût-ce un redressement judiciaire, voire une sauvegarde, a été ouverte avant l’entrée en vigueur de la loi « Macron » (loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC), l’immeuble assurant la résidence principale est saisi par l’effet réel de cette procédure collective. Il est par conséquent appréhendé dans le gage commun des créanciers, ce qui autorise sa vente dans le cadre de la liquidation judiciaire par le liquidateur [2]. Que décider s’il y a résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure collective après l’entrée en vigueur de la loi « Macron » ? Le débiteur, par l’adoption du plan, est redevenu maître de ses droits. L’effet réel de la procédure collective ne joue plus et, par conséquent, l’immeuble peut se voir appliquer le régime de l’insaisissabilité légale. C’est la solution justement retenue par une cour d’appel [3].

Ces deux arrêts permettent de comprendre que pour déterminer si l’immeuble est ou non saisissable, on se place à l’ouverture de la procédure collective, son statut ne pouvant ensuite évoluer.

Terminons en rappelant également que la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel reste sans effet sur l’insaisissabilité de l’immeuble. La Cour de cassation a statué en ce sens à propos d’une déclaration notariée d’insaisissabilité, mais les termes du débat sont identiques pour l’insaisissabilité légale. On aurait pu penser que si l’activité de l’entrepreneur cessait, l’insaisissabilité devait également disparaître. Ce n’est pas la solution adoptée par la Cour de cassation : les effets de l’insaisissabilité légale subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de l’insaisissabilité, dès lors qu’il existe encore au moins un créancier auquel l’insaisissabilité est opposable. En conséquence, le liquidateur ne peut saisir l’immeuble au motif de la cessation d’activité du débiteur [4].

Les questions autour de l’insaisissabilité légale de la résidence principale sont encore nombreuses et la récente loi sur le statut de l’entrepreneur individuel du 14 février 2022 (loi n° 2022-172 N° Lexbase : L3215MBP) pourrait d’ailleurs être un terreau fertile pour les faire naître.

 

[1] Pour l’affirmative : M. Cazajus M. et B. Saintourens, La perte de qualification de résidence principale en cours de procédure collective : incidence sur l’insaisissabilité, Bull. Joly Entrep. en diff. mars/avril 2020, p. 61. Pour la négative : F. Pérochon, Le traitement des sûretés réelles dans les procédures collectives, Bull. Joly Entrep. en diff., septembre/octobre 2019, n° 117e9, p. 72, n° 33.

[2] Cass. com., 29 mai 2019, n° 18-16.097, F-D N° Lexbase : A1071ZDZ, Rev. sociétés, 2019, 557, note L.-C. Henry ; Rev. proc. coll., mai/juin 2020, comm. 90, note C. Lisanti – Cass. com., 8 décembre 2021, n° 21-16.852, F-D, QPC N° Lexbase : A85677EZ.

[3] CA Paris, 4-8, 5 septembre 2019, n° 19/01158 N° Lexbase : A4893ZM8, Gaz. Pal., 14 janvier 2020, n° 2, p. 60, note B. Ferrari ; P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, octobre 2019, n° 610 N° Lexbase : N0775BYD.

[4] Cass. com., 17 novembre 2021, n° 20-20-821, FS-P+B N° Lexbase : A94657B8, Dalloz Actu, 1er décembre 2021, obs. B. Ferrari ; Bull. Joly Entrep. en diff.,  janvier/février 2022, 200j4, p.12, note V. Martineau-Bourgninaud ; Act. proc. coll., 2022/1, comm. 8, note F. Petit ; Rev. proc. coll., 2022/1, comm. 6 note F. Reille ; P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, décembre 2021, n° 698 N° Lexbase : N9714BYG.

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Autonomie de la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement de créances postérieures au jugement d’ouverture : le juge-commissaire ne peut pas accorder de délai de paiement

Réf. : Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.164, FS-B N° Lexbase : A33907XT

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N1560BZS

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par Vincent Téchené

Le 25 Mai 2022

► Lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement de l'article L. 641-12, 3°, du Code de commerce, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, il doit se borner à constater la résiliation du bail si les conditions en sont réunies et ne peut accorder aucun délai de paiement.

Faits et procédure. La locataire de locaux commerciaux a été mise en liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la débitrice et la SCI, propriétaire de l'immeuble loué, a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Sur renvoi après cassation (Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-17.563, FS-P+B+I N° Lexbase : A6604ZQN, cassant CA Paris, 5-8, 4 avril 2018, n° 17/19289 N° Lexbase : A0170XKI), la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-9, 24 septembre 2020, n° 19/19026 N° Lexbase : A83813UX) a notamment constaté la résiliation de plein droit du bail. La locataire a donc formé un pourvoi en cassation

Pourvoi. Elle soutenait que le juge-commissaire, saisi d'une demande de résiliation judiciaire de plein droit du bail commercial, a le pouvoir d'ordonner des délais de paiement, de sorte qu’en retenant l'inverse, la cour d'appel aurait méconnu ses pouvoirs, en violation des articles 1343-5 du Code civil N° Lexbase : L0688KZI et R. 641-21 du Code de commerce N° Lexbase : L9312ICU.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle un premier principe qu’elle a dégagé dans le précédent arrêt de cassation rendu dans cette affaire (Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-17.563, FS-P+B+I, préc., E. Le Corre-Broly, Lexbase Affaires, octobre 2019, n° 611 N° Lexbase : N0922BYS) : lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement de l'article L. 641-12, 3°, du Code de commerce N° Lexbase : L8859ING, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

Elle en avait alors conclu que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de commerce (v. dernièrement, CA Aix-en-Provence, 28 avril 2022, n° 18/03846 N° Lexbase : A68537UD, V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 716 N° Lexbase : N1452BZS).

On notera qu’elle a rappelé cette solution peu de temps après l’étendant même au cas dans lequel le locataire fait l’objet d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 17-28.127, F-D N° Lexbase : A91813BN, E. Le Corre-Broly, Lexbase Affaires, février 2020, n° 624 N° N° Lexbase : N2234BYE).

Dans l’arrêt du 18 mai, la Haute juridiction, complétant sa jurisprudence sur la question, ajoute que dans un tel cas, le juge-commissaire doit se borner à constater la résiliation du bail si les conditions en sont réunies et ne peut accorder les délais de paiement prévus par l'alinéa 2 de l'article L. 145-41 du Code de commerce, qui est inapplicable, ni même faire usage de la faculté d'accorder des délais de paiement en application de l'article 1343-5 du Code civil, le seul délai opposable au bailleur étant le délai de trois mois prévu par l'article R. 641-21 du Code de commerce, pendant lequel il ne peut agir.

Ainsi, pour la Haute juridiction l'arrêt d’appel a exactement retenu qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire, saisi sur le fondement de l'article R. 641-21, alinéa 2, du Code de commerce, d'accorder des délais de paiement.

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE : Les règles spéciales applicables aux baux de locaux professionnels, Le droit pour le bailleur de demander la résiliation pour non-paiement du loyer et des charges, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0294EUG ;
  • v. le commentaire de l’arrêt par E. Le Corre-Broly, in Lexbase Affaires n° 720 à paraître le 9 juin 2022.

 

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Imposition des revenus distribués : la qualité de maître de l’affaire reste sans incidence pour présumer du caractère effectivement distribué des revenus

Réf. : CE, 10° ch., 19 mai 2022, n° 446787, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A58787XY

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N1590BZW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Mai 2022

Pour soumettre à l'impôt sur le revenu des revenus distribués, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer est le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.

Les faits :

  • le requérant a été gérant et actionnaire à hauteur de 50 % d’une SARL depuis sa création en 2005 jusqu'au 7 juin 2011, date de sa démission ;
  • la société a été mise en liquidation amiable le 10 avril 2012 ;
  • l'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité de la société au titre de la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2011 et a adressé deux courriers par lettre simple puis recommandée, à l'adresse de la société et à celle du nouveau dirigeant, renvoyées avec la mention « destinataire non identifiable » ;
  • deux mises en garde, envoyées dans les mêmes conditions ont été adressées aux mêmes destinataires et retournées à l'administration ;
  • un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal a été établi et les bénéfices de la société ont fait l'objet d'un rehaussement à la suite d'une procédure d'évaluation d'office ;
  • les charges non admises en déduction des bénéfices imposables ont été réputées distribuées et réintégrées à l'impôt sur le revenu dû par le requérant reconnu comme maître de l'affaire sur les trois années évaluées ;
  • le TA de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; la CAA de Versailles rejette l’appel formé contre ce jugement (CAA Versailles, 22 septembre 2020, n° 18VE02847 N° Lexbase : A27513WS).

Principe. Aux termes de l’article 109 2° du CGI N° Lexbase : L2060HLU, sont considérés comme revenus distribués :

  • tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;
  • toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

Pour rejeter la demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge du requérant, la CAA de Versailles a jugé que si les dispositions de l’article 109 2° du CGI précitées font obligation à l'administration, lorsqu'elle estime devoir imposer l'associé d'une société qui n'a pas accepté, même tacitement, le redressement de son imposition à l'impôt sur le revenu, d'apporter la preuve que celui-ci a eu la disposition des sommes ou valeurs qu'elle entend imposer à son nom à raison de revenus regardés comme distribués, l'administration est toutefois réputée apporter la preuve de l'appréhension effective des fonds lorsqu'elle établit que cet associé, en sa qualité de maître de l'affaire, était en mesure de prélever des sommes à son profit.

Solution du CE. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une imposition fondée sur l'article 109 2° du CGI, il lui appartenait de rechercher si les revenus avaient effectivement été distribués au requérant, et non de le présumer en raison de la qualité de maître de l'affaire de ce dernier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Contrairement à ce que soutient le ministre dans ses écritures en défense, ce moyen n'est pas nouveau en cassation. Par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Précisions.

► Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de juger que la circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est sans incidence s’il n’est pas établi que les sommes réputées distribuées ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts (CE 8°-3° ch. réunies, 29 juin 2020, 432815, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78583PQ ; CE 8°-3° ch. réunies, 29 juin 2020, n° 433827, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78653PY).

Sur ces arrêts, lire les conclusions du Rapporteur public, R. Victor, Lexbase Fiscal, juillet 2020, n° 832 N° Lexbase : N4089BY4.

 

Aussi, bien que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de rendre plusieurs décisions sur la notion de maître de l’affaire.

► CE 8° ss., 3 juin 2015, n° 370699, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1995NK4.

► CE 3°-8° ch. réunies, 13 juin 2016, n° 391240, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7768RSI.

Sur ce dernier arrêt, lire les conclusions du Rapporteur public, V. Daumas, Lexbase Fiscal, juillet 2016, n° 665 N° Lexbase : N3976BW8.

 

► CE 8°-3° ch. réunies, 14 septembre 2016, n° 400882, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9148RZT.

Lire en ce sens, J. Bellaiche, Ambigüités à propos de la présomption pesant sur le maître de l'affaire, Lexbase Fiscal, septembre 2016, n° 670 N° Lexbase : N4504BWQ.

 

► CE plén., 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8444TN3 : le CE toujours refusé de transmettre des QPC portant sur la constitutionnalité de la présomption.

Lire en ce sens les conclusions du Rapporteur public, V. Daumas, Lexbase Fiscal, mars 2017, n° 693 N° Lexbase : N7398BWW.

 

 

 

 

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Licenciement

[Jurisprudence] Liberté d’expression et « blague » sexiste : retour sur la rupture du contrat de travail de « Tex »

Réf. : Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-10.852, FS-B N° Lexbase : A08737UU

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N1595BZ4

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par Marie Venosino, Avocate associée et Florian Clouzeau, Avocat, Beside Avocats

Le 25 Mai 2022

Mots-clés : liberté d’expression • liberté fondamentale • droit à l’humour • salarié • lutte contre les discriminations et les violences domestiques • office du juge • télévision • #MeToo

Par un arrêt du 20 avril 2022, publié au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de trancher le litige opposant l’animateur et humoriste Tex à la société de production qui l’employait à la suite de son licenciement fondé notamment sur une blague sexiste proférée sur un plateau de télévision. Au-delà de son aspect médiatique, l’arrêt est instructif sur la méthode d’appréciation in concreto que doit retenir le juge pour fixer les limites de la liberté d’expression dont bénéficie chaque salarié dans l’entreprise.


« Le droit à l’humour ne permet pas tout et quiconque se prévaut de la liberté d’expression assume […] des devoirs et des responsabilités » [1]. Appliquant ce principe, la Cour de cassation considère que la rupture du contrat de travail d’un animateur d’une émission télévisée fondée notamment sur une blague sexiste, tenue pendant une émission en direct en méconnaissance de ses engagements, n’est pas disproportionnée et ne porte donc pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié.

L’affaire. L’humoriste, connu sous le pseudonyme de « Tex », a été engagé entre 2000 et 2017, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage, par une société de production pour animer l’émission « Les Z’amours », diffusée sur la chaîne France 2.

Par une clause contractuelle, l’animateur s’est engagé à respecter la Charte des antennes France Télévision, laquelle impose notamment « le refus de toute complaisance à l’égard des propos risquant d’exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris, notamment pour des motifs fondés sur le sexe » et « le refus de toute valorisation de la violence et plus particulièrement des formes perverses qu’elle peut prendre telles que le sexisme et l’atteinte à la dignité humaine ».

Le 14 décembre 2017, la société de production notifiait la rupture du contrat de travail de l’animateur pour une faute grave motivée notamment par la tenue de propos « misogynes, dégradants et attentatoires à la dignité des femmes ».

En l’occurrence, le 30 novembre 2017, Tex était l’invité d’une émission de la chaîne C8, diffusée en direct. Incité, en fin d’émission, à formuler un dernier trait d’humour, il tenait les propos suivants : « Comme c'est un sujet super sensible, je la tente : les gars vous savez c'qu'on dit à une femme qu'a déjà les deux yeux au beurre noir ? - Elle est terrible celle-là ! - on lui dit plus rien, on vient déjà d'lui expliquer deux fois ! ».

Cette « sortie » avait eu des répercussions médiatiques importantes : la banalisation des violences contre les femmes induite par cette « blague » étant inacceptable pour les uns, les autres défendant l’animateur au nom du « droit de rire de tout ».

Quelques jours plus tard, le salarié récidivait en tenant des propos dégradants « en off » à l’encontre d’une candidate de son émission et se félicitait d’avoir « fait son petit buzz » le 30 novembre 2017. C’est en considération de ces faits que la société de production prononçait la rupture de son contrat de travail.

En réaction, l’animateur saisissait la juridiction prud’homale afin de solliciter la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et pour contester la rupture de son contrat de travail. Se fondant sur une atteinte à la liberté d’expression, il soutenait la nullité de la rupture.

Par un arrêt confirmatif du 3 décembre 2019 [2], la cour d’appel de Paris requalifiait les contrats à durée déterminée, mais rejetait la demande élevée au titre de la nullité de la rupture en retenant l’existence d’une faute grave.

Le pourvoi. L’animateur formait un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel, en soutenant la méconnaissance, par la cour d’appel, de la liberté d’expression dont jouit tout salarié dans l’entreprise sauf abus.

En substance, il soutenait qu'un « trait d’humour provocant », tenu en qualité d’humoriste dans une émission de télévision et des propos « sarcastiques », tenus « dans un cercle restreint », ne pouvaient constituer un tel abus et donc une faute.

La décision. Par son arrêt du 20 avril 2022, la Chambre sociale rejette ce pourvoi en adoptant une motivation détaillée et didactique.

Elle rappelle, en premier lieu, le caractère fondamental de la liberté d’expression en citant, presque in extenso, l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L1357A97 et en rappelant son attendu, classique, selon lequel : « sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées ».

Puis, la Cour énonce que la rupture du contrat de travail, motivée par les propos d’un salarié, constitue manifestement une ingérence de l’employeur dans l’exercice de la liberté d’expression. Par conséquent, en pareille hypothèse, il appartient au juge de « vérifier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d'apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif ».

La Haute juridiction analyse alors la « mise en balance des intérêts en présence » réalisée par la Cour d’appel, en rappelant les diverses constatations factuelles de cette dernière : la présence d’une clause contractuelle engageant à respecter la Charte des antennes de France Télévisions, la teneur et le contexte des propos en cause, l’actualité médiatique, l’audience de l’émission,  l’attitude du salarié postérieure à ces propos, les conséquences de ces derniers sur la banalisation des violences conjugales et sur l’image de l’entreprise.

Sur cette base, la Cour de cassation considère que « de l'ensemble de ces éléments, la cour d'appel qui a fait ressortir que le licenciement, fondé sur la violation par le salarié d'une clause de son contrat de travail d'animateur, poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l'employeur, a exactement déduit, compte tenu de l'impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l'égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l'employeur, que cette rupture n'était pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié ».

Au-delà de sa résonance médiatique, cet arrêt est instructif à plusieurs égards : d’abord, s’agissant de l’office du juge, lorsqu’il est confronté à une ingérence de l’employeur dans la liberté d’expression du salarié (I.), ensuite, concernant la méthode à retenir pour mettre en balance, concrètement, cette liberté fondamentale avec la lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques ainsi que la protection des intérêts de l’employeur (II.).

I. Ingérence dans la liberté d’expression du salarié et office du juge

La Cour retient que la rupture du contrat de travail en raison de propos d’un salarié constitue une ingérence dans sa liberté d’expression (A.), laquelle impose un contrôle spécifique du juge du fond (B.).

A. Le licenciement fondé sur des propos du salarié : une ingérence manifeste dans l’exercice de sa  liberté d’expression

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation rappelle, en premier lieu, que la liberté d’expression dont jouit le salarié est une liberté fondamentale. Ce rappel n’a rien d’étonnant tant les textes fondamentaux consacrant cette liberté sont nombreux [3] et tant la Cour a eu l’occasion de le rappeler [4].

Cela étant, dans le présent arrêt, la Chambre sociale apporte une précision qui doit, d’emblée, retenir l’attention. Elle précise que « la rupture du contrat de travail, motivée les propos tenus par le salarié, constitue manifestement une ingérence de l’employeur dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression ». Il faut donc en conclure qu‘une sanction motivée par des propos d’un salarié constitue, par principe, une atteinte à cette liberté fondamentale. Par conséquent, sauf abus ou restriction justifiée et proportionnée, la mesure est entachée de nullité [5].

Cette précision paraît évidente. Néanmoins, cette évidence ne se traduisait pas jusqu’à récemment en jurisprudence. En effet, dans de nombreux arrêts, des licenciements fondés sur des propos, non abusifs, de salariés ne se voyaient pas sanctionnés par la nullité [6]. Dans ces conditions, la Chambre sociale a dû rappeler, dans plusieurs décisions récentes, le caractère fondamental de la liberté d’expression, laquelle intègre même une forme de droit de critique de la part du salarié [7]. Dans le prolongement de ces décisions, il n’est donc pas étonnant que la Cour considère que l’expression d’une blague, même de mauvais goût, constitue un usage de la liberté d’expression.

Il faut toutefois noter que, dans cet arrêt, aucun traitement particulier ne résulte du fait que cette sortie se voulait être un « trait d’humour provocant », comme le soutenait le moyen. Or, traditionnellement, en droit de la presse, l’humour bénéficie d’un statut particulier en faveur de ceux qui en font usage [8]. Dans la présente affaire, la cour d’appel de Paris avait d’ailleurs retenu l’existence d’un « droit à l’humour » qui, en l’occurrence, a dérivé en abus [9].

En tout état de cause, selon l’arrêt commenté, qu’il soit basé sur de l’humour ou sous toute autre forme d’expression, les propos émis par un salarié sont protégés par la liberté d’expression, ce qui impose au Juge de mettre en œuvre un contrôle spécifique.

B. L’office du juge face à une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression du salarié

Après avoir retenu que la rupture du contrat de travail fondée sur des propos d’un salarié constitue manifestement une ingérence dans sa liberté d’expression, la Cour de cassation retient qu’« il appartient, cependant, au juge de vérifier, si concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d’apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif ».

Cet exposé apporte deux enseignements fondamentaux.

Le premier enseignement, classique, résulte du rappel, par la Haute juridiction, que la liberté d’expression du salarié n’est pas sans limites [10] et que, dans certaines hypothèses, l’employeur est en mesure de la restreindre et de la sanctionner.

Ainsi, l’arrêt relève que « sauf abus », le salarié jouit dans l’entreprise de sa liberté d’expression. Un usage abusif de la liberté d’expression peut donc être sanctionné. Cet abus est caractérisé, en jurisprudence, par l’emploi de termes « injurieux, diffamatoires ou excessifs » [11].  

De plus, une deuxième limite est fixée par l’article L. 1121-1 du Code du travail N° Lexbase : L0670H9P, cité dans l’arrêt, qui dispose que « des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées » à la liberté d’expression. En présence d’un but légitime, l’employeur peut donc restreindre la liberté d’expression du salarié et le sanctionner, s’il ne respecte pas cette restriction. En l’occurrence, dans le présent arrêt, c’est cette limite qui est en cause.

Le deuxième enseignement est lié à l’office qu’impose la Cour de cassation aux juges du fond. En substance, la Haute juridiction leur impose, dès lors qu’ils sont confrontés à une sanction fondée sur des propos d’un salarié, de procéder à une analyse de la licéité de l’ingérence de l’employeur dans sa liberté d’expression.

Cela implique qu’une décision validant une telle sanction, sans caractériser un abus ou relever une restriction à cette liberté fondamentale justifiée et proportionnée, serait nécessairement censurée.

La tâche dévolue aux juges du fonds s'avère en pratique épineuse. C'est probablement la raison pour laquelle, dans le présent arrêt, la Cour de cassation opte pour une motivation relativement longue et didactique, visant à définir les fondements du raisonnement devant être suivi par les juges du fond pour opérer ce contrôle.

II. La mise en balance in concreto du caractère légitime et proportionné de l’ingérence dans la liberté d’expression du salarié

Dans le présent arrêt, la Cour opère un contrôle de proportionnalité, classique en matière d’atteinte à une liberté fondamentale : l’atteinte doit poursuivre un but légitime (A.) et être proportionnée au but recherché (B.).

A. Une sanction fondée sur une clause du contrat de travail poursuivant un but légitime

Pour valider l’appréciation de la cour d’appel confirmant le bienfondé de la rupture du contrat de travail, la Chambre sociale relève que « le licenciement, fondé sur la violation par le salarié d'une clause de son contrat de travail d'animateur, poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l'employeur ».

Au regard de cet attendu, on peut relever que la Cour entend, en premier lieu, rattacher la mesure à la méconnaissance d’une clause contractuelle. Ce rattachement au contrat de travail était effectivement un point important du dossier puisqu’une partie des faits reprochés à l’animateur se sont déroulés en dehors du temps et du lieu de travail. En pareille hypothèse, les faits en cause doivent, pour être sanctionnés, constituer un manquement à une obligation découlant du contrat de travail [12].

En l’occurrence, une clause contractuelle imposait au salarié de respecter la Charte des antennes de France Télévision, laquelle contenait des clauses, citées ci-dessus, visant notamment à lutter contre le sexisme et la violence. On peut relever que, par cet arrêt, la Cour reconnaît la valeur juridique d’un renvoi dans le contrat de travail à un texte extérieur à l’entreprise, en l’occurrence une charte établie par un client de l’employeur.

Ce rattachement à une clause contractuelle permet de rappeler que, dans le cadre d’une procédure prud’homale, le juge n’a pas vocation à se prononcer sur l’autorisation ou l’interdiction du salarié de s’exprimer et, encore moins, sur le bon ou le mauvais goût de cette expression. Son rôle se limite à l’appréciation de l’existence d’un manquement ou non du salarié à ses obligations résultant de son contrat de travail et à la vérification du caractère justifié et proportionné de ces obligations. La Cour a, d’ailleurs, entendu le rappeler de manière claire dans le communiqué accompagnant la décision : «  par cette décision, la Cour de cassation ne juge pas qu’un humoriste n’a pas le droit de faire une telle « blague » à la télévision. En effet, la Cour de cassation se place ici dans le cadre du contrat de travail que l’intéressé avait signé pour exercer un métier d’animateur à la télévision : elle juge qu’au regard des clauses prévues dans le contrat de travail et des circonstances, concernant tant le salarié que l’employeur, qui ont entouré cette « blague », le licenciement ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression du salarié ».

Les termes de ce communiqué attirent l’attention sur l’intérêt de prévoir, sur le sujet, des clauses contractuelles ou d’établir des chartes auxquelles renvoie le contrat de travail [13]. Comme le démontre la présente affaire, lorsque les obligations fixées par le contrat de travail ou une charte sont justifiées et proportionnées, elles permettent au juge de s’y rattacher pour fonder et, le cas échéant, justifier, la mesure disciplinaire.

Dans la présente espèce, on peut d’ailleurs s’interroger sur le sens qu’aurait pris la décision en l’absence de la clause et de la charte en cause tant leur présence est fondamentale dans la motivation retenue par la cour d’appel et la Cour de cassation.

Au-delà de la référence à la clause contractuelle, la Chambre sociale énonce également que la sanction poursuivait deux buts légitimes de nature à justifier une restriction à la liberté d’expression : la lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques, d’une part, et la protection de la réputation et des droits de l’employeur, d’autre part.

Le caractère légitime de ces intérêts ne fait pas de débat. On peut toutefois relever que si la protection des intérêts de l’entreprise est reconnue, de longue date, comme un but légitime à la restriction d’une liberté fondamentale [14], c’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation justifie une ingérence dans une liberté fondamentale d’un salarié par la lutte contre les discriminations et les violences domestiques.

Cela étant, le caractère légitime du but poursuivi ne suffit pas, à lui seul, à justifier une ingérence de l’employeur dans la liberté d’expression du salarié. Le juge doit, au surplus, opérer un contrôle de proportionnalité en mettant en balance les intérêts en présence.

B. Une mise en balance des intérêts en présence en fonction des données concrètes de la cause

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation considère qu’en cas d’ingérence de l’employeur dans la liberté d’expression du salarié, il appartient au juge « de vérifier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d'apprécier la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif ».

Les juges du fond doivent donc apprécier, in concreto, les données factuelles de la cause pour contrôler le caractère nécessaire et proportionné de l’ingérence de l’employeur. Sur ce point, le présent arrêt est particulièrement instructif, puisqu’au-delà d’énoncer ce principe, la Chambre sociale détaille la « mise en balance des intérêts en présence » réalisée par la cour d’appel. Cette exposition fournit des renseignements utiles pour définir les circonstances que peut prendre en compte le juge pour déterminer si une atteinte à la liberté d’expression est justifiée et proportionnée.

Ainsi, en premier lieu, le juge prend en compte les engagements notamment contractuels du salarié. En l’espèce, la cour d’appel a rappelé les obligations de l’animateur résultant des clauses de son contrat de travail, mais également les engagements qu’il avait pris lors d’une réunion à faire évoluer son comportement à la suite de précédents dérapages.

En deuxième lieu, la Cour relève le contexte de « l’actualité médiatique » entourant les propos . En l’occurrence, elle évoque notamment les révélations de l’affaire « Weinstein » et le développement des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc quelques semaines avant les propos en cause ainsi que la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes qui s’était tenue cinq jours plus tôt.

Cette prise en compte de l’actualité médiatique peut interroger. En effet, elle pourrait induire que les limites de la liberté d’expression fluctuent en fonction du temps et de l’opinion publique. Il faut, à notre sens, plutôt y voir une prise en compte, par les juridictions, du rejet de plus en plus franc par les sociétés démocratiques des comportements sexistes. Sur ce point, s’il est usuel que les juridictions prennent en compte les circonstances qui entourent des propos d’un salarié soumis à son appréciation, il est, en revanche, plus inédit pour la Cour de cassation de prendre aussi clairement en compte le contexte sociétal pour apprécier le caractère fautif et la gravité d’un manquement.

En troisième lieu, la cour d’appel a relevé les circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus : au terme de l’émission diffusée en direct et à une heure de grande écoute, dans des circonstances ne permettant pas à leur auteur de s’en distancier pour tenter d’en atténuer la portée. La teneur des propos doit donc être contextualisée.

En quatrième lieu, la juridiction a pris en compte l’attitude du salarié en relevant qu’il avait lui-même conscience d’avoir dépassé « les limites acceptables », mais que, pour autant, il s’était vanté, auprès d’un collègue, d’avoir « fait son petit buzz » et avait récidivé en tenant, de nouveau, des propos sexistes quelques jours plus tard lors de l’enregistrement de son émission. La Cour relève alors que l’absence de remise en cause de l’animateur était de nature à renforcer la banalisation de la violence vis-à-vis des femmes.

Enfin, la Cour prend en compte les conséquences de ces propos sur l’image de l’entreprise. Elle relève notamment qu’en réaction à ces propos, le diffuseur de l’émission, France Télévision, avait exigé, auprès de la société de production qui employait l’animateur, le remplacement « sans délai » de ce dernier.

On peut donc retenir que, pour procéder au contrôle de proportionnalité nécessaire en présence d’une ingérence de l’employeur, le juge peut notamment prendre en compte : les engagements du salarié, le contexte médiatique et sociétal, les circonstances des propos et l’audience, l’attitude du salarié à la suite de ces derniers et l’impact sur l’image de l’entreprise.

Après avoir rappelé ces nombreuses constatations factuelles, la Chambre sociale retient que la cour d’appel « a exactement déduit, compte tenu de l'impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l'égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l'employeur, que cette rupture n'était pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié ».

En d’autres termes, l’animateur n’a pas été sanctionné seulement pour une blague de mauvais goût. Il l’a été pour un ensemble de faits et une attitude, méconnaissant ses engagements contractuels, qui portaient une atteinte aux droits des femmes et aux intérêts de son employeur, ce qui justifiait la mesure prise. Contrairement à ce qu’a pu déclarer le principal intéressé, l’arrêt n’autorise donc pas à « virer quelqu'un pour une blague alors que son métier est de faire des blagues » [15]. Pourtant, en appel et en cassation, on venait de le lui expliquer deux fois…


[1] CEDH, 2 septembre 2021, Req. 46883/15 N° Lexbase : A151143D.

[2] CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 3 décembre 2019, n° 18/10602 N° Lexbase : A5740Z84.

[3] CESDH, art. 10 N° Lexbase : L1357A97, DDHC, art. 11 N° Lexbase : L1358A98, etc.

[4] Notamment : Cass. soc., 28 avril 1988, n° 87-41.804 N° Lexbase : A4778AA9 ; Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-30.107, F-P+B N° Lexbase : A5365HPE ; Cass. soc., 16 février 2022, n° 19-17.871, FS-B N° Lexbase : A33567NM.

[5] Voir en ce sens : C. trav., art. L. 1235-3-1 N° Lexbase : L1441LKL (pour le licenciement) ; Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-11.740, FP-P+B+R N° Lexbase : A6281I7R (pour une rupture anticipée d’un CDD).

[6] Cass. soc., 2 mai 2000, n° 98-41.557 N° Lexbase : A8294AHN ; Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-30.107, F-P+B N° Lexbase : A5365HPE ; Cass. soc., 2 mars 2017, n° 15-21.737, F-D N° Lexbase : A9882TRG ; Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-10.123, FS-D N° Lexbase : A69333WP.

[7] Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-23.486, F-D N° Lexbase : A8098IQY.

[8] Ch. Bigot, Le droit à la dignité humaine ne peut prévaloir à lui seul sur le droit à l'humour, JCP G, 2019, n° 48, 1223.

[9] CA Paris, Pôle 6, 11ème ch., 3 décembre 2019, n° 18/10602 N° Lexbase : A5740Z84.

[10] Pour plus de détails, voir notre commentaire, Nullité du licenciement fondé sur un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression, Lexbase Social, mars 2022, n° 898 N° Lexbase : N0751BZT.

[11] Cass. soc., 24 novembre 2021, n° 20-18.143, F-D N° Lexbase : A51347DI ; Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-20.516, FS- N° Lexbase : A7858XHI ; Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-19.734, FS-P+B N° Lexbase : A2827KBC.

[12] Cass. soc., 5 février 2014, n° 12-28.255, F-D N° Lexbase : A9160MDM ; Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-16.878, F-D N° Lexbase : A8657KIH ; Cass. soc., 27 mars 2012, n° 10-19.915, FS-P+B N° Lexbase : A9930IGU.

[13] Étant précisé qu’en ce qu’elles fixent les règles de discipline, ces chartes doivent suivre la procédure inhérente à l’adoption du règlement intérieur. Dans ce cadre, l’inspecteur du travail pourra être amené à contrôler le caractère justifié et proportionné des obligations fixées par l’employeur.

[14] Cass. soc., 12 février 2014, n° 11-27.899, FS-D N° Lexbase : A3735ME3 ; Cass. soc., 11 juillet 2000, n° 98-43.945, inédit N° Lexbase : A3802AUD ; Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755, publié N° Lexbase : A4618AG7.

[15] Déclaration de l’animateur « Tex », sur le plateau de l’émission « TPMP People, le prime », diffusée sur la chaîne C8 le 28 avril 2022.

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Régimes matrimoniaux

[Brèves] Prescription des créances entre époux séparés de biens : délai et point de départ ?

Réf. : Cass. civ. 1, 18 mai 2022, n° 20-20.725, F-B N° Lexbase : A33817XI

Lecture: 5 min

N1598BZ9

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 25 Mai 2022

► Les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans), lequel délai commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.

L’arrêt rendu le 18 mai 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation, tout en rappelant une solution bien connue, selon laquelle le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (v. Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT), apporte des précisions fort utiles concernant tant le délai de prescription des créances entre époux séparés de biens (en matière personnelle ou mobilière), que son point de départ.

Faits et procédure. En l’espèce, un jugement du 22 octobre 2009 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre des époux mariés sous le régime de la séparation de biens. Un jugement du 1er mars 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Le 29 juin 2018, un notaire a établi un projet d'acte de partage faisant apparaître une somme de 850 968,92 euros due par l’ex-époux à son ex-femme au titre des créances entre époux.

Une ordonnance du 4 juillet 2018 a autorisé l’ex-épouse à pratiquer une saisie conservatoire pour sûreté d'une créance de 900 000 euros.

L’ex-époux a saisi le juge de l'exécution d'une demande tendant à la mainlevée de cette mesure, pratiquée le 24 juillet 2018, en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci. Sa demande avait été rejetée par la cour d’appel d’Amiens.

  • Délai de prescription ?

Pour rejeter la demande de l’ex-époux tendant à la mainlevée de la saisie conservatoire en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci, la cour d’appel avait retenu que, dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et que l'action aux fins de partage est imprescriptible.

À tort, selon la Cour suprême qui, sur un moyen relevé d’office, au visa des articles 815 N° Lexbase : L9929HN3, 1479, alinéa 1er N° Lexbase : L1616ABH, 1543 N° Lexbase : L1654ABU et 2224 N° Lexbase : L7184IAC du Code civil :

- rappelle que le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (solution posée par : Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT) ;
- en déduit alors que ces créances se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans).

  • Point de départ du délai de prescription ?

Pour rejeter encore la demande de l’ex-époux, la cour d’appel avait retenu que, même si une demande relative à une créance entre époux devait être considérée comme une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans n’aurait commencé à courir qu'à compter du projet de partage du 28 juin 2018, qui avait fait naître le principe de la créance.

L’ex-époux avait alors formé un pourvoi faisant valoir que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il soutenait alors que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis le patrimoine de l'épouse, et que si la prescription n'avait pu courir pendant la durée du mariage, son cours avait repris à compter de la date à laquelle le jugement de divorce était devenu définitif, soit le 26 mai 2012.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce qu’il résulte de la combinaison des dispositions des articles 2224 N° Lexbase : L7184IAC et 2236 N° Lexbase : L7221IAP du Code civil que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l'absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.

Elle confirme que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de son ex-époux et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les régimes conventionnels, spéc. Les créances entre époux séparés de biens N° Lexbase : E9073ET9.
  • et sur la date à laquelle le divorce acquiert force de chose jugée, v. INFO019, Date à laquelle le prononcé du divorce est définitif, Lexbase N° Lexbase : X9466APB.

 

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Responsabilité médicale

[Jurisprudence] La consécration d’une définition extensive de la notion d’infection nosocomiale par la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 1, 6 avril 2022, n° 20-18.513, F-B N° Lexbase : A32187SY

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N1584BZP

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par Caroline Hussar, Avocate spécialiste en droit de la santé et en droit du dommage corporel

Le 25 Mai 2022

Mots-clés : infection nosocomiale • prédispositions pathologiques • caractère nosocomial • prise en charge • incubation • responsabilité

La Cour de cassation considère que les juges ne peuvent écarter le caractère nosocomial de l'infection par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques chez le patient ou du caractère endogène du germe : ces deux éléments ne sont pas de nature à exclure tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection. Le seul critère tendant à caractériser l’existence d’une infection nosocomiale est celui du lien entre la survenue de l’infection et l’acte de soin.

Ce faisant, la Cour de cassation vient consacrer sa définition de l’infection nosocomiale, à savoir « une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ».


La loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) a consacré différents régimes de réparation des infections nosocomiales. Ainsi, l’article L. 1142-1, II du Code de la santé publique N° Lexbase : L1910IEH énonce : « Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».

Toutefois, le législateur n’a pas défini la notion d’infection nosocomiale, laissant son appréciation au juge, et aux commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI). Dès lors, des tentatives d’appréhension de la notion, tant par la doctrine que par la jurisprudence, administrative et judiciaire, se sont multipliées, concourant, du fait de leur hétérogénéité, à la persistance d’une insécurité juridique et à la nécessité croissante d’adopter une définition commune et générale de ce concept.

En 2007, le Comité technique des infections nosocomiales [1] l’a définie de la manière suivante : « infection contractée dans un établissement de santé. Une infection est dite nosocomiale si elle n’était ni présente ni en cours d’incubation au moment de l'admission à l’hôpital. Ce critère est applicable à toutes les infections ».

L’article R. 6111-6 du Code de la santé publique N° Lexbase : L3664INZ, en vigueur depuis le décret du 12 novembre 2010 [2], en a donné un début de définition des plus vagues :

« Les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales ».

Cette définition, tirée d’un décret, appréhende l’infection nosocomiale de manière temporelle : toutes les infections contractées dans un établissement de santé, au cours d’une prise en charge thérapeutique, sont qualifiées de nosocomiales. Cependant, cette définition, beaucoup trop large est sujette à interprétation, notamment compte tenu du délai pouvant s’écouler entre la période d’hospitalisation et l’apparition des premiers symptômes infectieux. 

La loi du 4 mars 2002 a instauré un régime de responsabilité pour faute des établissements de santé : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute » [3].

Or, ce n’est pas le cas en matière d’infections nosocomiales : « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère » [4].

Depuis l’adoption de cette loi, l’indemnisation des dommages résultant d’une infection nosocomiale est régie par un régime de responsabilité sans faute. C’est en cela que la possibilité de qualifier le caractère nosocomial prend toute son importance, puisque la caractérisation du caractère nosocomial de l’infection permettra au patient d’obtenir la réparation du dommage subi, par l’assureur de l’établissement de santé au sein duquel il a été pris en charge, ou au titre de la solidarité nationale, s’il remplit les critères de gravité fixés dans le Code de la santé publique [5].

Cette absence de certitude quant à la définition de la notion d’infection nosocomiale, laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, était à l’origine d’une insécurité juridique rendant nécessaire l’adoption d’un consensus, à tout le moins quant aux critères à remplir afin de caractériser le caractère nosocomial de l’infection. 

C’est pourquoi, par un arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation est venue donner pour la première fois, sa définition de l’infection nosocomiale. En cela, elle s’est alignée sur la jurisprudence récente du Conseil d’État [6].

En l’espèce, une personne présentant une fracture de la cheville avait subi une ostéosynthèse au sein d’un établissement de santé privé. Les suites de l’opération ont été difficiles et ont révélé la présence d’un staphyloccus aureus multisensible. La victime avait alors formé une demande d’indemnisation auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), considérant qu’elle avait contracté une infection nosocomiale, lui ouvrant droit à indemnisation de son préjudice au titre de la solidarité nationale. Après avoir sollicité une expertise judiciaire, la patiente a assigné en indemnisation la clinique, le praticien et l’ONIAM et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie, et les assureurs respectifs de la clinique et du praticien. Les héritiers de la patiente ont repris l’instance après son décès.

Pour écarter le caractère nosocomial de l’infection contractée par la patiente, la cour d’appel a retenu que celle-ci présentait un état cutané anormal antérieur à l’intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau [7].

Cette solution, des plus critiquables au regard de l’évolution au long terme du droit en matière d’infection nosocomiale, ne pouvait que faire l’objet d’une réforme par la Cour de cassation, qui a censuré l’arrêt des juges d’appel, au visa des articles L.1142-1, I, alinéa 2 et L. 1142-1-1, 1° du Code de la santé publique N° Lexbase : L1859IEL. Ce faisant, la Cour de cassation est venue restreindre la possibilité d’exclure le caractère nosocomial de l’infection (I), tout en donnant sa propre définition de la notion (II).

I. La consécration de causes restrictives d’exclusion du caractère nosocomial de l’infection

Pour rejeter le caractère nosocomial de l’infection, les juges de la cour d’appel de Grenoble avaient pris en compte le fait que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur la peau de la patiente, considérant alors, bien que le mot ne soit pas posé expressément, que l’infection était endogène et qu’elle ne devait dès lors pas ouvrir droit à indemnisation du préjudice de la victime. Dans son arrêt en date du 6 avril 2022, la Cour de cassation retient, pour infirmer la décision de la cour d’appel de Grenoble, du 9 juin 2020 : « En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Ce faisant, la Haute juridiction confirme l’évolution de sa jurisprudence sur la question de l’absence d’incidence du caractère endogène ou exogène du germe sur le caractère nosocomial de l’infection.

Sur le plan scientifique, une infection peut, en effet, être d’origine endogène, comme présente sur la peau du patient, ses voies respiratoires, son tube digestif, ou d’origine exogène, lorsque les germes à l’origine de l’infection lui ont été transmis lors de son séjour hospitalier ou d’un acte médical, lors de soins, ou lorsqu’ils sont présents dans l’environnement hospitalier. La Cour de cassation, rejointe en cela par le Conseil d’État dans un arrêt du 10 octobre 2011 [8], ne distingue plus entre le caractère endogène ou exogène de l’infection pour retenir l’existence d’une infection nosocomiale depuis de nombreuses années. Ainsi, elle avait affirmé cette position dès 2006, précisant tout d’abord, dans deux arrêts de sa première chambre civile du 4 avril 2006, et du 14 juin 2007 : « la responsabilité de plein droit pesant sur le médecin et l’établissement de santé en matière d’infection nosocomiale n’est pas limitée aux infections d’origine exogène » [9] .

Quelle que soit l’origine de l’infection, il suffit qu’elle ait été contractée au décours d’un acte médical pour être qualifiée comme telle, comme le prévoit l’article R. 6111-6 du Code de la santé publique précité.

Si l’origine endogène ou exogène du germe n’a aucune incidence sur le caractère nosocomial de l’infection, est-il malgré tout possible de prendre en compte les prédispositions du patient pour apprécier une éventuelle infection nosocomiale ? C’est la deuxième question à laquelle devait répondre la cour d’appel. Sur ce point, elle a pris en compte, pour rejeter les demandes indemnitaires de la patiente, le fait qu’elle présentait « un état cutané anormal antérieur ». Or, la présence de lésions cutanées, constituant un état préexistant de la victime, ne peut être prise en considération pour justifier que l’infection subie par la victime ne soit pas qualifiée de nosocomiale. Cela résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà précisé, le 22 janvier 2010, que l’âge du patient, qui majorait les risques d’infection, ne pouvait pas être retenu pour écarter l’existence d’une infection nosocomiale [10].

Dans son arrêt du 1er février 2022, le Conseil d’État a consacré des principes similaires, susceptibles d’élargir le champ de la prise en charge des maladies nosocomiales. La Haute juridiction administrative a ainsi considéré, en premier lieu, qu’une infection doit être regardée, du seul fait qu’elle est survenue lors de la prise en charge du patient au sein de l’établissement hospitalier, sans qu’il ait été contesté devant le juge du fond qu’elle n’était ni présente ni en incubation au début de celle-ci et qu’il était constant qu’elle n’avait pas d’autre origine que cette prise en charge, comme présentant un caractère nosocomial. En second lieu, elle a précisé qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection avait le caractère d’un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante.

Son analyse va même plus loin que celle de la Cour de cassation – qui n’avait pas à trancher cette question dans le cas d’espèce qui lui était soumis – jugeant que l’infection étant survenue au cours et par suite de la prise en charge du patient à l’hôpital, était caractéristique d’une maladie nosocomiale, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection avait le caractère d’un accident médical, fautif ou non.

Dès lors, pour s’affranchir de son obligation d’indemnisation, l’établissement de santé, ou, le cas échéant, l’ONIAM, n’auront pour seule solution que d’établir la preuve de la cause étrangère de l’infection, qui ne peut donc consister en des prédispositions du patient, et peut être de trois natures : la faute de la victime, le fait d’un tiers, ou la force majeure ; étant précisé que la faute du patient, si elle peut être prise en compte pour diminuer la réparation du préjudice du patient, n’est pas de nature à exclure la qualification de nosocomiale de l’infection [11].

Mais pour ce faire, et afin de garantir une meilleure sécurité juridique aux patients, comme aux établissements et à l’ONIAM, il convenait d’adopter une définition commune et harmonieuse de la notion d’infection nosocomiale.

II. La consécration attendue d’une définition de l’infection nosocomiale favorable aux patients

Dans son arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation rappelle que doit être regardée, au sens des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1° du Code de la santé publique, comme présentant un caractère nosocomial « une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ». Or, en l'espèce, les juges du fond se sont fondés par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection.

Compte tenu des dissonances dans l’interprétation de la notion d’infection nosocomiale par les juges du fond, et pour clarifier une fois pour toutes la question, la Cour de cassation a enfin consacré une définition plus précise de l’infection nosocomiale, rejoignant en cela le Conseil d’État, qui s’était prononcé sur la question dans un arrêt du 1er février 2022 [12].

Dans cet arrêt, la Haute juridiction administrative a défini l’infection nosocomiale de la manière suivante : « Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge, sans qu’il n’y ait lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection, avait le caractère d’un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante ».

Pour le Conseil d’État, dès lors que l’infection est survenue au décours d’un acte de soins, alors l’infection nosocomiale ne peut être écartée et il ne peut être question d’invoquer l’état antérieur du patient, ce que la Cour de cassation vient de confirmer. En se prononçant de la sorte, la Cour de cassation est allée beaucoup plus loin que rendre un arrêt d’espèce. En effet, pour la première fois, la Cour de cassation a jugé que « doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».

Cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation confirme donc une appréhension extensive de la notion d’infection nosocomiale, qui sera d’autant plus difficile à contester pour les établissements de santé. La preuve de l’origine étrangère de l’infection, dont la charge revient à l’établissement de santé, ou à l’ONIAM, devient extrêmement difficile à rapporter. Rappelons que, pour les établissements de santé effectuant des actes de chirurgie esthétique, la Cour de cassation a consacré en 2021 le principe d’une responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales [13].

La définition consacrée par la Cour de cassation est très favorable aux patients, ce qui s’explique par la difficulté pour la victime de rapporter la preuve du caractère nosocomial de l’infection, dont la charge lui revient, outre la preuve de l’infection elle-même. Ainsi, il appartient au patient, ou, le cas échéant, à ses ayants droit, de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, comme l’a retenu la Cour de cassation avant même l’adoption de la loi du 4 mars 2002 [14]. Il lui faut démontrer que l’acte médical est bien à l’origine de l’infection. La preuve peut être rapportée par tout moyen, et peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes [15].

La Cour de cassation, qui avait déjà limité les exigences liées à la preuve du caractère nosocomial de l’infection, dès lors que l’exigence de preuve pesant sur le patient se limite à établir que l’infection n’était ni présente, ni en incubation, au début de la prise en charge, et qu’elle est survenue au cours ou au décours de la prise en charge, vient à nouveau faciliter les démarches des victimes d’infection nosocomiales, en adoptant une conception large de la notion d’infection nosocomiale elle-même.

Avec l’arrêt du 6 avril 2022 de la Cour de cassation, l’état du droit sur la question est plus clair, dans le sens d’une meilleure sécurité juridique pour les acteurs du domaine, qu’il s’agisse des patients, mais également des établissements et de l’ONIAM. Cette décision vient également harmoniser les jurisprudences administrative et judiciaire, assurant une égalité de traitement aux patients ayant contracté une infection nosocomiale dans des établissements publics ou privés de santé. Il est à espérer que cette clarification favorisera la mise en place de solutions transactionnelles entre les parties, puisque le débat sur le caractère nosocomial de l’infection pourra dorénavant se tenir, et s’achever, devant l’expert. Les parties pourront, en effet, dans le cadre de la mission d’expertise, amener ce dernier à se prononcer avec davantage de précision sur la question du caractère nosocomial de l’infection.

Le seul aspect de la question qui n’est pas encore tranché de manière claire et définitive par la jurisprudence est celui du délai d’apparition des symptômes de l’infection des suites de l’acte de soin, qui permettrait d’encadrer de manière précise, dans le temps, l’apparition de l’infection nosocomiale.

Concernant le délai de survenue de l’infection, il convient de se référer aux conclusions du rapport du Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins, près le ministère de la Santé, rendu en mai 2007, lequel précise : « Lorsque l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas connu précisément, un délai d’au moins quarante-huit heures ou un délai supérieur à la période d’incubation est couramment accepté pour définir une IAS. Toutefois, il est recommandé d’apprécier dans chaque cas la plausibilité de l’association entre la prise en charge et l’infection. Pour les infections du site opératoire, on considère habituellement comme associées aux soins les infections survenant dans les trente jours suivant l’intervention ou, s’il y a mise en place d’un implant, d'une prothèse ou d’un matériel prothétique dans l’année qui suit l’intervention. Ainsi, en présence d’une ostéosynthèse, l’infection peut être qualifiée de nosocomiale si elle survient dans un délai d’un an » [16].

Le fait que le délai de survenue de l’infection ne soit pas consacré dans la jurisprudence de la Cour de cassation, comme du Conseil d’État, et que la définition de la notion reste relativement large, permet de conserver la possibilité de procéder à une analyse in concreto des dossiers, et laisse au juge une certaine souplesse dans son pouvoir souverain d’appréciation. En effet, de la même manière que mettre en place un barème d’indemnisation des préjudices corporels restreindrait le droit à indemnisation des victimes, retenir un délai précis d’apparition de l’infection nosocomiale enfermerait tant la victime que les obligés indemnitaires dans des critères trop stricts, et artificiels, ce qui n’est pas souhaitable, chaque dossier d’indemnisation devant faire l’objet d’une analyse précise et individuelle, dans un souci d’une bonne administration de la justice.

 

[1] Arrêté du 1er octobre 2007 du Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins N° Lexbase : L7303HY7.

[2] Décret n° 2010-1408, du 12 novembre 2010, relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé N° Lexbase : L3268IND, art. 1.

[3] CSP, art. L. 1142-1, I, al. 1.

[4] CSP, art. L. 1142-1, I, al. 2. 

[5] CSP, art. D. 1142-1 N° Lexbase : L2332IP3 :

« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;

2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ».

[6] CE 5e et 6e ch.-réunies, 1er février 2022, n° 440852, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A12737LQ.

[7] CA Grenoble, 9 juin 2020, n° 18/01586 N° Lexbase : A13863NN.

[8] CE 4° et 5° s-s-r., 10 octobre 2011, n° 328500 N° Lexbase : A7422HYK.

[9] Cass. civ. 1, 4 avril 2006, n° 04-17.491, FS-P+B N° Lexbase : A9651DNR ; Cass. civ. 1, 14 juin 2007, n° 06-10.812, FS-P+B N° Lexbase : A7882DWT.

[10] Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-20.571, F-D N° Lexbase : A7638EQX.

[11] Cass. civ. 1, 8 février 2017, n° 15-19.716, FS-P+B N° Lexbase : A1959TCK.

[12] CE 5e et 6e ch.-réunies, 1er février 2022, n° 440852, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..

[13] Cass. civ. 1, 8 décembre 2021, n° 19-26.191, FS-B N° Lexbase : A80387EG.

[14] Cass. civ. 1, 27 mars 2001, n° 99-17.672 N° Lexbase : A1104AT3.

[15] Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-13.791, FS-P+B N° Lexbase : A0573EBT.

[16] Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, DGS/DHOS, CTINILS, mai 2007 [en ligne].

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Mineurs et soins psychiatriques contraints : exclusion de l’admission sur décision du directeur d’établissement à la demande d’un tiers ou des titulaires de l’autorité parentale

Réf. : Cass. avis, 18 mai 2022, n° 22-70.003, FS-B+R N° Lexbase : A41077XE

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N1591BZX

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par Laïla Bedja

Le 25 Mai 2022

► L'article L. 3211-10 du Code de la santé publique, qui ne prévoit que l'admission en soins psychiatriques libres à la demande des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou du tuteur et, par renvoi au seul chapitre III du titre 1er, l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du représentant de l'État, exclut par conséquent l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.

Les faits et procédure. Le 27 janvier 2022, une mineure a été admise en hospitalisation complète dans un établissement public de santé mentale à la demande de sa mère. Cette admission a pris la forme d’une décision prise en urgence à la demande d’un tiers par le directeur d’établissement sur le fondement de l’article L. 3212-3 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4893LW7, en l’état d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité de la patiente, au vu d’un certificat médical établi le jour même.

Par requête du 28 janvier, le directeur de l’établissement a saisi le JLD aux fins de poursuite de la mesure.

Par décision du 30 janvier, il a maintenu les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Par ordonnance du 4 février, le JLD a maintenu la mesure et le 14 février, ce dernier s’est saisi d’office de la situation de la mineure, puis a ordonné le sursis à statuer.

La Cour de cassation était alors saisie d’une demande d’avis formée par le JLD.

La demande était ainsi formulée :

« L'article L. 3211-10 du Code de la santé publique N° Lexbase : L6964IQY s'analyse-t-il comme interdisant toute mesure d'hospitalisation d'un mineur à la demande d'un tiers ou limite-t-il la qualité de tiers demandeurs aux seuls titulaires de l'autorité parentale ? »

Avis. La Cour de cassation est d’avis que l'article L. 3211-10 du Code de la santé publique s'analyse comme interdisant toute mesure d'hospitalisation d'un mineur décidée sur le fondement de l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4852LWM par le directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.

La Cour énonce qu’un mineur peut faire l’objet de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète :

  • à l’initiative des titulaires de l’autorité parentale qui demandent son admission et autorisent les soins sur le fondement des articles L. 3211-10 et L. 3211-1, alinéa 1er du Code de la santé publique N° Lexbase : L4891LW3, le juge aux affaires familiales statuant en cas de désaccord avec eux. Dans ce cas, le mineur est alors en soins psychiatriques libres. Le mineur qui conteste la mesure, peut saisir le juge des enfants ;
  • sur décision de placement prise par le juge des enfants en assistance éducative (C. civ., art. 375, alinéa 1er N° Lexbase : L2219MBS, et 375-3, 5° N° Lexbase : L2299MBR) si sa santé est en danger et si sa protection l'exige, ou par le procureur de la République, en cas d'urgence, à charge pour lui de saisir dans les huit jours le juge compétent sur le fondement de l'article 375-5, 2° N° Lexbase : L4936K8C. Aux termes de l'article R. 1112-35, alinéa 4, du Code de la santé publique N° Lexbase : L4593DKC, lorsque la santé ou l'intégrité corporelle d'un mineur risquent d'être compromises par le refus du représentant légal du mineur ou l'impossibilité de recueillir le consentement de celui-ci, le médecin responsable du service peut saisir le ministère public afin de provoquer les mesures d'assistance éducative lui permettant de donner les soins qui s'imposent ;
  • sur décision du représentant de l'État dans le département, prononçant son admission en soins psychiatriques sans consentement lorsque, selon l'article L. 3213-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L3005IYX, il est atteint de troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ;
  • sur décision de la chambre de l'instruction ou d'une juridiction de jugement, prononcée à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, en application de l'article 706-135 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7018IQY.

Pour aller plus loin :

  • lire le rapport du conseiller, 20 mai 2022 ;
  • ÉTUDE : Les soins psychiatriques sans consentement, Les soins psychiatriques à la demande d'un tiers (SDT) ou pour péril imminent (SPI), Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E7539E94 ;
  • ÉTUDE : L’autorité parentale sur la personne de l’enfant, L'autorité parentale dans le cadre des mesures d'assistance éducative, L’autorité parentale, Lexbase N° Lexbase : E5840EYX.

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