Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 01-02-2022, n° 440852, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 01-02-2022, n° 440852, mentionné aux tables du recueil Lebon

A12737LQ

Référence

CE 5/6 ch.-r., 01-02-2022, n° 440852, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77982677-ce-56-chr-01022022-n-440852-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

60-01-05 Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens du 1° de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique (CSP) une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.......Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection a le caractère d'un accident médical non fautif ou a un lien avec une pathologie préexistante.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 440852

Séance du 17 janvier 2022

Lecture du 01 février 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 6ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. D B a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 123 409 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de sa prise en charge dans cet établissement ou, à titre subsidiaire, de mettre cette somme à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes et l'AP-HP à lui verser chacun la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices résultant des infections nosocomiales qu'il a contractées au sein de ces établissements. Par un jugement n° 1505164 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à verser à M. B la somme de 111 962 euros et le CHU de Rennes et l'AP-HP à lui verser chacun la somme de 1 000 euros.

Par un arrêt n° 18NT02898 du 2 avril 2020, la cour administrative d'appel de Nantes⚖️ a, sur appel de l'ONIAM et appel incident de M. B, annulé l'article 1er de ce jugement, rejeté les conclusions présentées par M. B contre l'ONIAM devant le tribunal ainsi que le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM et les conclusions présentées devant elle par M. B et le CHU de Rennes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26mai et 31 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'ONIAM et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Rennes.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, atteint d'une maladie chronique de l'intestin, a été admis en urgence au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes puis transféré à l'hôpital Saint-Louis de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) et y a subi, le 1er mai 2009, une colectomie impliquant la réalisation d'une colostomie. Il a toutefois été victime, le 6 mai suivant, d'une rétractation de sa colostomie qui a provoqué une péritonite aiguë généralisée nécessitant une nouvelle intervention en urgence et lui laissant de nombreuses séquelles. Par un jugement du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Rennes a jugé que cette péritonite revêtait le caractère d'une infection nosocomiale et a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le versement à M. B, au titre de la solidarité nationale, d'une somme de 111 962 euros. Par l'arrêt du 2 avril 2020 contre lequel M. B se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'ONIAM, d'une part annulé ce jugement en tant qu'il mettait une somme à la charge de l'ONIAM et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. B contre l'ONIAM et, d'autre part, rejeté les conclusions par lesquelles M. B demandait la condamnation de l'AP-HP à l'indemniser de certaines complications opératoires qu'il impute à une faute de cet établissement.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la somme demandée par M. B à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique🏛 : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales () ". Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens de ces dispositions une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

3. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que la péritonite dont M. B a été victime le 6 mai 2009 ne revêtait pas le caractère d'une infection nosocomiale au sens des dispositions citées ci-dessus, la cour administrative s'est fondée sur ce que cette infection avait pour cause directe la rétractation de la colostomie réalisée le 1er mai précédent, accident médical non fautif qui est au nombre des complications susceptibles de survenir lorsqu'une colostomie est réalisée sur un patient souffrant de la pathologie dont M. B était déjà atteint avant son admission à l'hôpital. En statuant ainsi, alors que cette infection devait être regardée, du seul fait qu'elle était survenue lors de la prise en charge de M. B au sein de l'établissement hospitalier, sans qu'il ait été contesté devant le juge du fond qu'elle n'était ni présente ni en incubation au début de celle-ci et qu'il était constant qu'elle n'avait pas d'autre origine que cette prise en charge, comme présentant un caractère nosocomial, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection, à savoir la rétraction de la colostomie, avait le caractère d'un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante, la cour a commis une erreur de droit.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la responsabilité de l'AP-HP :

4. En jugeant, ainsi qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué, que l'incapacité de l'AP-HP à communiquer aux experts judiciaires l'intégralité du dossier médical de M. B n'était pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'établissement de santé dans la prise en charge du patient, la cour, à laquelle il appartenait en revanche, ainsi qu'elle y a procédé, de tenir compte de ce que le dossier médical était incomplet dans l'appréciation portée sur les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier l'existence des fautes reprochées à l'établissement dans la prise en charge du patient, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il statue sur la prise en charge par l'ONIAM des préjudices subis par M. B, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens relatifs à cette prise en charge.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que demande l'ONIAM à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. B d'une somme de 4 000 euros au titre de ces mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme demandée, au même titre, par l'AP-HP.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 avril 2020 est annulé en tant qu'il statue sur les sommes demandées par M. B à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. B une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'ONIAM et par l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. D B, au centre hospitalier universitaire de Rennes, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. A F, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. I C, M. E H, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er février 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. D G440852

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