Le Quotidien du 5 janvier 2022

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Violences conjugales : précision des modalités de surveillance des auteurs d’infractions

Réf. : Décret n° 2021-1820, du 24 décembre 2021, relatif aux mesures de surveillance applicables lors de leur libération aux auteurs d’infractions commises au sein du couple N° Lexbase : L1152MAW

Lecture: 3 min

N9943BYW

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par Adélaïde Léon

Le 27 Janvier 2022

► Le décret n° 2021-1820, du 24 décembre 2021, relatif aux mesures de surveillance applicables lors de leur libération aux auteurs d’infractions commises au sein du couple, destiné à renforcer la protection des victimes de violences ou d’infractions commises au sein du couple, a été publié au Journal officiel du 28 décembre 2021.

Libération ou cessation d’incarcération. Un nouvel article D. 1-11-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2454MA7 prévoit qu’avant toute libération ou cessation, même temporaire de l’incarcération de la personne poursuivie ou condamnée pour des infractions commises au sein du couple, l’autorité judiciaire compétente :

  • avise la victime ;
  • puis apprécie s’il est opportun :

- de prononcer une interdiction de contact ou de paraître en certains lieux ;

- si l’effectivité de cette interdiction doit être renforcée par le recours à un téléphone grave danger ou à un bracelet anti-rapprochement.

Maintien de la surveillance. Selon un nouvel article D. 32-25-1 N° Lexbase : L2456MA9, lorsque la personne renvoyée devant la juridiction de jugement est condamnée à une peine d’emprisonnement ferme ou de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), avec exécution provisoire, les obligations de l’assignation à résidence sous surveillance électronique, sous surveillance électronique mobile ou d’un bracelet anti-rapprochement, dont l’intéressée fait l’objet, demeurent applicables jusqu’à ce que la personne soit, selon les cas, incarcérée ou que la peine soit effective ou aménagée.

Maintien des interdictions de contact ou de paraître au cours de l’incarcération. Les articles D. 49-86 N° Lexbase : L3419LWK et D. 51 N° Lexbase : L2466MAL sont modifiés afin de prévoir qu’en cas d’incarcération, les interdictions de contact ou de paraître prononcées à l’égard d’une personne demeurent applicables pendant le temps où l’intéressé est incarcéré.

Incarcération et bracelet anti-rapprochement. Il est précisé à l’article D. 51 du Code de procédure pénale qu’en cas d’incarcération d’une personne porteuse d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement, le personnel de l’administration pénitentiaire procède à la dépose du dispositif au moment de l’incarcération. La pose du bracelet devra ensuite intervenir dès la libération ou la cessation, même temporaire, de l’incarcération.

Actualisation du dossier individuel lors de l’instance d’appel. L’article D. 49-41 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4774HZT est complété afin de prévoir que, durant l’instance d’appel, le président de la chambre de l’application des peines peut saisir avant l’audience le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) s’il apparait nécessaire d’actualiser les éléments du dossier individuel de la personne condamnée.

Cette possibilité doit permettre de prendre la décision d’individualisation de la peine la mieux adaptée et, en cas d’infractions commises au sein du couple, de déterminer s’il y a lieu de prononcer une mesure de bracelet anti-rapprochement.

Entrée en vigueur. L’entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2021-1820 du 24 décembre 2021 est différée au 1er février 2022.

Pour aller plus loin :

  • M. Bouchet, Décryptage et analyse de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, Lexbase Pénal, septembre 2021 N° Lexbase : N4505BYI ;
  • A. Léon, Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : tableau récapitulatif des dispositions pénales, Lexbase Pénal, septembre 2021 N° Lexbase : N4300BYW ;
  • A. Léon, Violences intrafamiliales : l’effectivité des droits des victimes renforcée, Lexbase Pénal, décembre 2021 N° Lexbase : N9631BYD.

newsid:479943

Droit rural

[Brèves] Droit de préemption de la SAFER/droit de préemption du preneur : attention aux différences de formalisme !

Réf. : Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 20-18.576, F-D (N° Lexbase : A51587DE)

Lecture: 2 min

N9794BYE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 04 Janvier 2022

► La SAFER, contrairement au preneur à bail, doit notifier sa décision de préemption au notaire chargé d'instrumenter ; l'absence de notification au vendeur n’est donc pas une cause de nullité de la décision de préemption.

La solution est fondée sur la lettre de l'article R. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L4772LAY), aux termes duquel la SAFER doit notifier au notaire chargé d'instrumenter sa décision de préemption, en mentionnant l'identification cadastrale des biens concernés et leur prix d'acquisition, et en précisant les objectifs de la préemption.

Le destinataire de la notification de la décision de préemption n’est donc pas le vendeur, contrairement à l’article L. 412-8 du même code (N° Lexbase : L4062AE8) applicable au droit de préemption du preneur.

La Cour de cassation écarte ainsi l’argument des demandeurs au pourvoi qui soutenaient que la notification adressée au notaire, par la SAFER, concernant le souhait de celle-ci d'exercer son droit de préemption, ne pouvait pallier l'absence de notification au vendeur par la SAFER, s’il n’était pas établi que le notaire avait mandat de gérer la propriété (on reconnaît là une solution jurisprudentielle bien établie, mais dans le cadre du droit de préemption du preneur à bail rural : Cass. civ. 3, 14 juin 2005, n° 04-14.738, F-D N° Lexbase : A7615DIU). Les textes étant différents, la solution ne saurait être transposée !

En l’espèce, la cour d’appel de Lyon ayant constaté que le notaire qui avait notifié la vente à la SAFER avait été chargé par les vendeurs d’instrumenter et d’accomplir en leur nom l’ensemble des formalités, elle en avait exactement déduit que la nullité de la décision de préemption adressée par la SAFER à ce notaire n’était pas encourue (CA Lyon, 19 mai 2020, n° 18/01700 N° Lexbase : A79633LI).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Le droit de préemption de la SAFER, Notification au notaire, in Droit rural, (dir. Ch. Lebel), Lexbase (N° Lexbase : E8829E9U) ;
  • v. ÉTUDE : Droit de préemption et droit de priorité du preneur à bail rural, Personne à qui doit être adressée la réponse, in Droit rural, (dir. Ch. Lebel), Lexbase (N° Lexbase : E9294E94).

newsid:479794

Électoral

[Brèves] Les 500 parrainages inscrits dans la Constitution ? Mise au point

Lecture: 2 min

N9938BYQ

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par Edwin Matutano, Avocat à la cour, docteur en droit, enseignant à l’Université de Lille

Le 04 Janvier 2022

La présentation de candidatures à l’élection présidentielle est prévue par l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L5341AGW).

Il semble que le foisonnement et l’empilement des textes normatifs fassent perdre leurs repères aux autorités qui devraient se garder de toute méprise sur une question aussi importante que la présentation de la liste des candidats à l’élection présidentielle.

Ainsi apparaît-il que le Président de l’Assemblée nationale n’ait pas une connaissance exhaustive de l’état du droit, dont il est cependant comptable, puisque le Parlement, dont l’Assemblée nationale est une composante, est compétent pour adopter les lois aux termes du premier alinéa de l’article 24 de la Constitution (N° Lexbase : L0850AHX).

Nonobstant cette compétence dévolue par la Constitution à une institution de la République dont il est membre, le Président de l’Assemblée nationale aurait laissé entendre, dans une interview donnée le 7 décembre 2021 sur la chaîne France Info, que la présentation de la liste des candidats à l’élection présidentielle par au moins cinq cents citoyens élus, parlementaires ou élus locaux, serait prévue par la Constitution.

Or, cette règle est énoncée par l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

La loi du 6 novembre 1962 est une loi référendaire.

Son article 3 a valeur de loi organique et non de loi constitutionnelle, ainsi que le précise expressément son premier alinéa, qui précise que ses dispositions remplacent l’ordonnance n° 58-1064 du 7 novembre 1958, portant loi organique relative à l'élection du Président de la République.

Initialement fixé à cent, le nombre de citoyens requis aux fins de la présentation des candidats à l’élection présidentielle a été porté à cinq cents, par la loi organique n° 76-528 du 18 juin 1976, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L0671ISN).

En conséquence, le deuxième alinéa du I de cet article 3 a été modifié en ce sens.

La question est aujourd’hui posée de savoir si cette présentation par des élus conserve toute sa pertinence.

newsid:479938

Entreprises en difficulté

[Brèves] Obtention d’un titre exécutoire contre la caution du débiteur en redressement judiciaire : la créance contre la caution n’a pas à être exigible (rappel)

Réf. : Cass. com., 8 décembre 2021, n° 20-18.455, F-D (N° Lexbase : A79577EG)

Lecture: 3 min

N9807BYU

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par Vincent Téchené

Le 15 Décembre 2021

► Le créancier, dont la créance n'a pas été rendue exigible par l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et qui a inscrit sur les biens de la personne physique, caution du débiteur principal soumis à une procédure de redressement judiciaire, une hypothèque judiciaire provisoire, est autorisé, pour éviter la caducité de cette sûreté, à assigner la caution en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues, l'obtention de ce titre n'étant pas subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution.

Faits et procédure. Une banque a consenti deux prêts et une facilité de caisse à une société, dont M. Y. s'est rendu caution, son épouse ayant donné son accord exprès à chacun des cautionnements. La société a été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2016. Après que la banque eut mis en demeure la caution et son épouse d'avoir à lui payer le montant de ses créances sur la société débitrice, elle a été autorisée, par une ordonnance du juge de l'exécution du 14 octobre 2016, à inscrire des hypothèques sur les biens dont la caution et son épouse sont propriétaires. Le 28 novembre 2016, la banque les a assignées en paiement. Un plan de redressement de la société débitrice a été arrêté le 6 juin 2017.

La banque a alors formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel qui a rejeté sa demande, alors qu’elle était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant même que la créance ne soit exigible à son égard.

Décision. La Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 622-28, alinéa 2 et 3 (N° Lexbase : L1072KZQ) et L. 622-29 (N° Lexbase : L3749HBH) rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 (N° Lexbase : L9175L7X), L. 631-20 (N° Lexbase : L9179L74) du Code de commerce et R. 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2542ITC).

Elle relève que pour rejeter la demande de condamnation formée par la banque, l'arrêt d’appel énonce que, selon l'article L. 622-29 du Code de commerce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé, contrairement à ce que soutient implicitement mais nécessairement la banque.

Pour la Cour de cassation, dès lors, en statuant ainsi, alors que la banque, qui, sans contester que sa créance n'était pas en totalité exigible, était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant même l'exigibilité totale de sa créance à son égard, la cour d'appel a violé les textes visés.

Observations. La Cour de cassation opère ici un rappel important (v. Cass. com., 2 juin 2015, n° 14-10.673, FS-P+B N° Lexbase : A2109NKC – Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-20.553, F-P+B N° Lexbase : A0730QYP – Cass. com., 8 septembre 2021, n° 19-25.686, F-D N° Lexbase : A258044C ; E. Le Corre-Broly, Lexbase Affaires, septembre 2021, n° 690 N° Lexbase : N8920BYZ). Il importe de ne pas oublier que cette possibilité, d’obtenir le titre de condamnation du garant lorsque des mesures conservatoires ont été pratiquées, n’autorise pas l’exécution du titre tant que le plan de sauvegarde ou de redressement est correctement exécuté.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les cautions, garants et coobligés, La possibilité de prendre des mesures conservatoires contre les garants personnes physiques pendant la période d'observation, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3826EXY).

 

newsid:479807

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Précisions sur l’amendement Charasse en cas de contrôle conjoint de la société

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 6 décembre 2021, n° 439650, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A30017EU)

Lecture: 4 min

N9758BY3

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par Marie-Claire Sgarra

Le 04 Janvier 2022

L'administration est fondée à réintégrer dans les résultats de la société mère d'un groupe fiscalement intégré une fraction des charges financières du groupe, lorsqu'une société est acquise en vue d'être intégrée par une société du groupe auprès d'une ou de plusieurs personnes qui contrôlent la société cessionnaire ;

► Ces dispositions sont applicables, compte tenu de ce que l'existence d'un tel contrôle s'apprécie par référence aux critères définis par l'article L. 233-3 du Code de commerce, non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédée et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d'autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire ;

► Il appartient à l'administration d'établir l'existence d'une action de concert puis de vérifier si tout ou partie des personnes agissant de concert déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.

Les faits :

  • l'administration fiscale a réintégré dans les résultats imposables des exercices clos de 2009 à 2013 d’une société une partie des frais financiers supportés par les sociétés membres de son groupe fiscal intégré ;
  • le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance se pourvoit en cassation contre l'article 1er de l'arrêt du 30 janvier 2020 par lequel la CAA de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Rennes qui avait prononcé la décharge de ces impositions ;
  • par un pourvoi incident, la société demande l'annulation de l'article 2 de l'arrêt du 30 janvier 2020 qui rejette son appel contre le jugement du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à bénéficier, au titre de l'exercice clos en 2012, du dispositif de report en arrière du déficit.

 

🔎 Principes :

  • lorsqu'une société a acheté, après le 1er janvier 1988, les titres d'une société qui devient membre du même groupe aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5817KTM), les charges financières déduites pour la détermination du résultat d'ensemble sont rapportées à ce résultat pour une fraction égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe ;
  • le prix d'acquisition à retenir est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire lors d'une augmentation du capital réalisée simultanément à l'acquisition des titres à condition que ces fonds soient apportés à la société cessionnaire par une personne autre qu'une société membre du groupe ou, s'ils sont apportés par une société du groupe, qu'ils ne proviennent pas de crédits consentis par une personne non-membre de ce groupe ;
  • la réintégration s'applique pendant l'exercice d'acquisition des titres et les huit exercices suivants (CGI, art. 223 B N° Lexbase : L5473LQR).

 

⚖️ Précisions du CE :

  • le juge de cassation laisse à l'appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de dénaturation, le point de savoir si tout ou partie des personnes agissant de concert déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ;
  • le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur le point de savoir si des actionnaires de la société cédée exercent un contrôle conjoint sur la société cessionnaire.

💡 Le CE a apporté des précisions sur la notion de contrôle et plus précisément sur celle d’action de concert au sens de l’amendement « Charasse » (CE, 3° et 8° ch.-r., 15 mars 2019, n° 412155, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2730XC4).

Le CE a ainsi jugé que les trois éléments permettant de caractériser une action de concert, en application des dispositions de l’article L. 233-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L2305INP) sont :

  • l’existence d’un accord contraignant d’actionnaires,
  • la coordination dans l’acquisition ou la cession ou l’exercice des droits de vote de la société cible,
  • et la mise en œuvre d’une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société, étaient réunies en l’espèce.

 

newsid:479758

Majeurs protégés

[Brèves] Habilitation familiale : autorisation, sous le contrôle du juge des contentieux de la protection, de la personne habilitée à accomplir une donation en représentation du majeur protégé hors d’état de manifester sa volonté

Réf. : Cass. Avis, 15 décembre 2021, n° 21-70.022, FS-B (N° Lexbase : A30267G8)

Lecture: 4 min

N9944BYX

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 04 Janvier 2022

► Lorsqu'une personne protégée faisant l'objet d'une mesure d'habilitation familiale est hors d'état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu'après s'être assuré, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

Telle est, en substance, la réponse apportée par la Cour de cassation qui avait été saisie pour avis, par le tribunal judiciaire de Rouen, pour répondre à la question suivante.

Question. L'absence de caractérisation d'une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée, fait-elle nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d'autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l'ensemble des actes relatifs à ses biens, sur le fondement des articles 494-1 (N° Lexbase : L7355LP4) et suivants du Code civil, à procéder à une donation ?

Réponse de la Cour de cassation. Selon la Haute juridiction, l'article 494-6, alinéa 4, du Code civil (N° Lexbase : L7352LPY) est à rapprocher de l'article 476, alinéa 1er, du même code (N° Lexbase : L8462HWC), aux termes duquel la personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations et qui constitue une exception au principe posé à l'article 509 de ce code (N° Lexbase : L2246IBS), selon lequel le tuteur ne peut, même avec une autorisation, accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée.

Dans le but de mieux respecter la volonté de la personne placée sous un système de protection nécessitant en principe sa représentation, le législateur contemporain lui a ainsi reconnu une certaine liberté de disposer à titre gratuit de ses biens entre vifs, comme elle dispose d'une certaine liberté de disposer de ses biens à cause de mort. Il l'a cependant placée sous le contrôle du juge ou du conseil de famille, qui doit autoriser la libéralité.

Mais, à la différence de l'article 476, alinéa 2, qui prévoit que la personne en tutelle ne peut faire que seule son testament, le tuteur ne pouvant ni l'assister ni la représenter, et qui requiert donc que la personne soit capable d'exprimer librement sa volonté au moment de sa réalisation, l'article 494-6, alinéa 4, comme l'article 476, alinéa 1er, n'exclut pas le cas où la personne protégée représentée est hors d'état de manifester sa volonté.

De plus, selon la Cour suprême, interdire toute donation dans cette hypothèse aboutirait à geler le patrimoine de la personne jusqu'à son décès et pourrait, en constituant un frein aux solidarités familiales, s'avérer contraire à ses intérêts.

À l'inverse, permettre son autorisation sans restriction reviendrait à nier le caractère personnel de la donation.

Conclusion. Dans cette hypothèse, il incombe par conséquent au juge des contentieux de la protection, de s'assurer, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : L'habilitation familiale, in La protection des mineurs et des majeurs vulnérables, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 28456366, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "ETUDE : L'habilitation familiale", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E0710E98"}}).

newsid:479944

Mineurs

[Focus] Les tests osseux dans le contentieux de l’âge des migrants : les limites de l’utilisation judiciaire de la preuve scientifique

Lecture: 22 min

N9722BYQ

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par Elise Roumeau, Docteur en droit, ATER en droit privé et sciences criminelles, Chercheur associé au Centre Michel de l’Hospital (EA 4232), Université Clermont Auvergne

Le 04 Janvier 2022


Mots-clés : mineur • mineur étranger • preuve de l’âge • preuve scientifique • expertise biologique • test osseux • assistance éducative • Défenseur des droits • intérêt supérieur de l’enfant


 

« Le juge a toujours douté et doit refuser d'être la bouche juridique de l'expert qui délivre la preuve scientifique. Certes il peut être pris de vertige devant le gouffre du paradoxe logique qui l'oblige à douter pour parvenir à une certitude. Pour ce faire, les modes de preuve, surtout scientifiques ne doivent pas lui faire abdiquer son libre arbitre ou l'endormir par l'illusion d'un progrès constant » [1].

Il est des situations dans lesquelles les éléments de l’état civil d’un individu sont contestés. C’est son identité même qui est mise en doute, l’obligeant à rapporter la preuve d’éléments constitutifs de sa personnalité. Mais, lorsque le doute porte sur la date de naissance d’un individu, la preuve de l’âge peut s’avérer délicate. La preuve juridique de l’âge d’une personne est établie en principe par le biais d’actes d’état civil. Leur absence ou leur défaut de validité peut donc conduire le juge à rechercher dans d’autres données des éléments permettant de déterminer l’âge de l’individu. Cette situation existe notamment pour les migrants qui se présentent comme des mineurs non accompagnés et pour lesquels l’existence ou la véracité des éléments mentionnés dans les actes d’état civil fait défaut. Dès lors, des techniques scientifiques peuvent être mobilisées à des fins probatoires. Pourtant, en la matière, la faillibilité de la preuve scientifique est sans cesse rappelée. Le recours aux tests osseux est non seulement critiqué [2] du fait des questions éthiques [3] qu’il pose, mais également pour le manque de fiabilité des résultats obtenus [4]. Dans ce contexte, la légitimation du recours à un tel mode de preuve interroge.

Il faut rappeler que les enjeux de ce contentieux ne sont pas anodins. De l’âge d’un individu dépend notamment sa prise en charge par les services départementaux compétents en matière d’assistance éducative. Il est donc nécessaire de pouvoir établir si un migrant est un mineur ou non. Confrontés à l’absence d’actes d’état civil, ou à des documents dont la validité est mise en cause, les services d’aide à l’enfance doivent rechercher des éléments de preuve de l’âge de l’intéressé. La Cour européenne des droits de l’Homme a constaté que la situation de ces mineurs était particulièrement préoccupante et a rappelé « qu’au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention, les États parties sont tenus de protéger et de prendre en charge les mineurs étrangers non accompagnés »[5]. Dans l’affaire « Khan », la Cour a condamné la France faute d’une prise en charge satisfaisante de ces mineurs étrangers, considérant que le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention avait été atteint et qu’un traitement dégradant pouvait être identifié. Outre cette carence étatique, c’est surtout le rappel opéré quant à la situation du mineur étranger qui importe : les juges européens ont retenu que « la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal » [6], plaçant les mineurs étrangers non accompagnés, comme le requérant, dans la « catégorie des personnes les plus vulnérables de la société » [7]. Pour que les droits de l’Homme soient garantis, un climat suspicieux à l’égard de ces individus n’est évidemment pas approprié ; il s’agit avant tout de les protéger. Pourtant, à l’occasion de cet arrêt, certains ne s’étonnent malheureusement plus des condamnations de la France pour violation de l’article 3 de la Convention EDH [8]. La prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés semble être un terrain propice à de tels constats de violation des droits et libertés fondamentales. Dans le cadre de l’affaire « Khan », les juges strasbourgeois ont observé que « les mineurs étrangers livrés à eux‑mêmes se trouvaient de surcroît exposés à divers dangers, dont celui de subir des violences physiques, y compris sexuelles » [9]. Cela témoigne encore de l’importance de la prise en charge de ces personnes. Pourtant, la contestation de l’âge allégué et de leur qualité de mineurs complexifie l’accès à des mesures de protection adaptées, fragilisant l’effectivité des droits et libertés fondamentales.

Teinté d’enjeux relevant des droits de l’Homme, le contentieux relatif à la détermination de l’âge des migrants témoigne du fait que la présomption d’authenticité des actes d’état civil établie par le droit se mue dans la pratique en une présomption de fraude, révélée par la systématisation du recours aux tests osseux. Pourtant, en la matière, la preuve scientifique doit être mobilisée avec une grande prudence, de manière subsidiaire (I) et sans jamais omettre la marge d’erreur existante (II).

I. La subsidiarité du recours à la preuve scientifique pour la détermination de l’âge des migrants

Pour prétendre au bénéfice des mesures d’assistance éducative prévues par l’article 375 du Code civil (N° Lexbase : L0243K77), l’intéressé doit être un mineur non émancipé, dont « la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger », ou dont « les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Il doit donc pouvoir justifier de sa minorité puisqu’il s’agit là d’un fait nécessaire au succès de sa prétention : selon l’article 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), c’est bien sur lui que pèse la charge de cette preuve. En principe, la preuve de la minorité devrait pouvoir être rapportée simplement grâce à l’acte d’état civil. L’article 47 du Code civil (N° Lexbase : L4366L7T) prévoit d’ailleurs que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Censés faire foi jusqu’à preuve du contraire, ces actes d’état civil devraient donc permettre aux mineurs étrangers de prouver leur âge pour bénéficier des mesures de protection prévues. Pourtant, cette présomption d’authenticité des actes d’état civil étrangers est fréquemment renversée par l’administration. La mise en doute de la fiabilité de ces documents oblige alors à rechercher d’autres éléments de preuve.

Le premier élément probatoire pouvant être mobilisé est prévu par les dispositions de l’article R. 221-11 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L0255LRU) qui dispose qu’ « au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement ». Cette évaluation permet d’attester ou non de la minorité de l’individu. Toutefois, dans certaines situations, les conclusions de l’évaluation sociale ne sont pas probantes et le doute subsiste.

La question s’est alors posée de savoir si ce doute pouvait profiter au migrant. Dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 19 septembre 2019, les juges avaient à connaître d’un arrêt de la cour d’appel de Riom qui avait ordonné la mainlevée du placement de l’individu, au motif que sa minorité avait été mise en doute par la vérification de l’authenticité des documents d’état civil produits. Le demandeur invoquait l’article 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R) qui prévoit que le doute doit être favorable à l’intéressé. L’adage in dubio pro reo qui s’applique en matière pénale et rend le doute favorable à la personne poursuivie vaudrait-il également sur le plan civil lorsqu’il s’agit de prouver l’état des personnes ? En somme, comme il existe une présomption d’innocence en droit pénal, existerait-il une présomption de minorité favorable aux demandeurs de l’assistance éducative ?

Cet article 388 du Code civil traite de la détermination de l’âge des individus et de la preuve de la minorité pouvant être établie par le recours aux examens radiologiques osseux. Les juges du Quai de l’Horloge excluent une interprétation extensive de l’alinéa 3 de l’article 388 s’agissant des documents d’état civil et retiennent « que le principe selon lequel le doute profite à l’intéressé ne s’applique que lorsqu’un examen radiologique a été ordonné sur le fondement de l’article 388 du Code civil ».

Notons par ailleurs que ces tests sont subordonnés au consentement de l’intéressé : même bénigne, il s’agit d’une intervention sur la personne humaine qui ne peut être réalisée sans son accord [10]. Si ce consentement fait défaut, les résultats des tests ne peuvent être utilisés [11]. À la différence des examens biologiques réalisés dans le cadre d’une procédure judiciaire portant sur la recherche ou la contestation d’un lien de filiation, le refus du jeune migrant n’est pas censé être interprété comme une présomption de majorité. En effet, le Conseil constitutionnel précise la valeur qui peut être accordée à ce refus et affirme que « la majorité d’une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux » [12]. Le seul refus du jeune migrant de se soumettre à un examen radiographique osseux, à l’instar des conclusions dudit test lorsqu’il est réalisé, ne peut suffire à infirmer la minorité alléguée. Ce test ne doit donc s’inscrire que dans un ensemble probatoire plus général. Il ne constitue qu’ « un indice parmi d’autres » [13] et ne doit pas être le seul élément permettant au juge d’exclure la qualité de mineur de l’intéressé.

En matière d’expertise, le Code de procédure civile énonce la règle selon laquelle « le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien » [14]. La force probante des expertises est donc, en principe, librement appréciée par le juge. S’agissant de l’utilisation des examens radiographiques, les dispositions de l’article 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R) limitent toutefois la souveraineté du magistrat en la matière puisqu’il est précisé que le doute doit profiter à l’intéressé. Si le test osseux est réalisé et que le doute subsiste, la présomption de minorité doit s’appliquer. C’est la logique probatoire prévue par le droit positif qui commande une telle solution : si la présomption d’authenticité des actes d’état civil est renversée par l’administration, cela revient à douter de la minorité alléguée du jeune migrant. Mais, si aucun élément ne permet de démontrer sa majorité, l’intéressé doit pouvoir bénéficier des mesures de protection prévues pour les mineurs.

Ce mode de preuve scientifique est fréquemment mobilisé lorsque la présomption d’authenticité des actes d’état civil est renversée par l’administration. La décision du juge constitutionnel du 21 mars 2019, bien que rappelant l’importance de la subsidiarité de cet examen, ne semble pas avoir permis d’harmoniser la pratique judiciaire. Il est toujours possible de constater que « certains magistrats ordonnent immédiatement cet examen, quelle que soit la validité de l’acte d’état civil présenté » [15]. La présomption d’authenticité des actes d’état civil devient, dans les faits, une présomption de non‑authenticité de ces documents. Cela pourrait se traduire par la mise en exergue d’une présomption de majorité difficile à combattre alors que c’est la reconnaissance d’une véritable présomption de minorité [16] qui semble pourtant commandée par le respect de l’intérêt de l’enfant. Malgré la suspicion qui pèse sur les jeunes migrants, l’utilisation de la preuve scientifique doit être particulièrement précautionneuse tant elle ne peut pas toujours apporter de réponses certaines.

II. Une preuve scientifique incertaine pour la détermination de l’âge des migrants

Le Défenseur des droits a pointé du doigt la systématisation du recours au test osseux en la liant directement liée à une « présomption de non-authenticité des actes produits » [17]. D’autres institutions expriment leur opposition à la réalisation de ces tests osseux à des fins de détermination de l’âge. En 2016, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies avait fait part de sa préoccupation à l’égard de la « dépendance excessive vis-à-vis des tests osseux pour déterminer l’âge des migrants » [18] en France. Il avait recommandé non seulement une augmentation des ressources allouées à la protection de l’enfance, mais également de « mettre un terme à l’utilisation des tests osseux en tant que méthode principale de détermination de l’âge des enfants et de privilégier d’autres méthodes qui se sont avérées plus précises » [19]. Est notamment critiquée la référence à l’atlas des stades de maturité osseuse de Greulich et Pyle qui reposerait sur une « perception occidentalo-centrée de l’âge projeté » [20]. Selon certains, « les perspectives de mesures affinées des scanners, et la numérisation des logiciels de traitement des images offrent déjà à ces identifications chiffrées – et discrètes – un nouvel avenir » [21]. D’autres évoquent encore des méthodes épigénétiques qui sont étudiées pour « pallier les limites des tests osseux » [22].

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, quant à elle, exprime « sa ferme opposition au recours aux tests osseux ainsi qu’à tout examen physique pour conclure à la minorité ou à la majorité d’un jeune isolé étranger » [23] et « recommande de faire jouer la présomption de minorité » [24]. Plus encore, elle alerte sur les risques qui existent pour ces jeunes migrants en cas de refus de prise en charge par la protection de l’enfance : « la question de l’identité est d’autant plus cruciale pour les mineurs non accompagnés que, faute de protection de la part des autorités, comme le préconise l’article 20 de la CIDE (N° Lexbase : L6807BHL), ils sont la proie des réseaux de criminalité organisée, au premier chef la traite d’êtres humains. Or, leur droit à l’identité est compromis par le refus de prise en compte des documents d’état civil existants, souvent considérés comme des faux, ou encore de reconstitution des documents manquants ou perdus » [25]. L’enjeu est donc de taille pour ces jeunes migrants. Le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant commanderait une généralisation de la présomption de minorité pour éviter qu’un mineur se trouve indûment considéré comme un majeur et ainsi exclu du champ de la protection qui pourrait lui être apportée.

Dans la même veine, la Ligue des droits de l’Homme dénonce de manière répétée cet usage des tests osseux, rappelant leur marge d’erreur, les lourdes conséquences qu’un tel test emporte et l’importance de la prise en charge de ces jeunes individus qui bénéficie finalement à l’ensemble de la population [26]. C’est bien dans cette marge d’erreur que se cristallise l’essentielle de la contestation du recours à un tel mode de preuve. Lorsque l’âge de l’intéressé est très manifestement supérieur à 18 ans, le recours consenti à ce test ne suscite pas de véritable controverse. C’est plus spécifiquement lorsque l’évidence fait défaut que la critique s’amplifie. Une marge d’erreur pouvant aller jusqu’à deux ans [27] ne doit pas permettre d’exclure un individu du bénéfice des mesures de protection des mineurs si la majorité semble acquise depuis seulement quelques mois. La contestation de ces tests revêt également une dimension éthique comme en témoignent les réflexions entreprises par l’Espace de réflexion éthique de Normandie [28]. Le caractère quasi systématique du recours aux tests osseux y est encore souligné, à l’instar de la nature « très contestable » des conclusions des examens « si l’on se réfère à des critères scientifiques objectifs » qui priment pourtant parfois sur les autres éléments probatoires.

Les examens radiographiques osseux comportent une marge d’erreur [29] qui ne peut pas être passée sous silence. Compte tenu de son importance, le juge doit nécessairement en tenir compte pour apprécier la situation de l’intéressé et la mentionner dans sa décision [30]. Le juge doit prendre en considération d’autres éléments de preuve pour déterminer si le jeune migrant est majeur ou mineur et lui permettre de bénéficier ou non des mesures de protection de l’enfance. L’infirmation de jugements en appel permet de constater que certains magistrats se prêtent à des manipulations des mécanismes probatoires contraires à l’objectif de protection des mineurs. Ainsi la cour d’appel de Douai [31] a notamment infirmé un jugement rendu par le juge des enfants de Lille [32] qui prononçait un non-lieu à assistance éducative au motif que l’expertise médicale avait situé l’âge de l’intéressé à 19 ans. D’une part, l’expertise osseuse n’était pas justifiée, faute de document permettant de contredire l’acte de naissance légalisé produit. D’autre part, la marge d’erreur n’était pas suffisamment prise en compte par le juge. En seconde instance, le juge replace les mécanismes probatoires à leur juste place en énonçant alors « que ce présupposé sur l’âge de l’intéressé s’ajoute à l’absence de fiabilité de la simple et succincte radiographie osseuse du poignet ainsi pratiquée, en sorte que ce seul examen radiologique ne permet pas de combattre des documents d’état civil authentiques, tel que le passeport en l’espèce ». D’autres affaires permettent de souligner les discordances dans l’appréciation de la situation des intéressés. Tel est notamment le cas d’un jeune guinéen dont la majorité a été constatée par la cour d’appel de Rennes, tandis qu’elle était infirmée par la cour administrative d’appel de Nantes à la même période. Ce dernier avait présenté un extrait d’acte de naissance pour justifier son âge. Le juge judiciaire a néanmoins mis en doute la véracité des informations produites, justifiant ainsi la réalisation d’un examen médical qui conclut à un âge d’au moins 18 ans en novembre 2012 pour refuser la mise en place d’une mesure de protection. Dans le même temps, le juge administratif annule l’OQTF [33] prise à l’encontre de ce jeune migrant au motif que celui-ci était mineur au moment de la décision. Bien qu’une expertise médicale réalisée en décembre 2012 ait conclu à un âge physiologique de plus de 18 ans, l’authenticité du passeport du requérant n’est pas contestée et ce document atteste de sa minorité en avril 2013.

Le climat de suspicion qui irrigue la politique migratoire conduit à une manipulation des présomptions prévues par le droit. Plus généralement, c’est le droit de la preuve qui est mis à mal. Profitant de cette « présomption de fraude liée au contexte global de suspicion à l’égard des jeunes migrants » [34], l’administration, censée supporter la charge de la preuve de l’irrégularité de l’acte d’état civil, ne démontre pas le caractère irrégulier ou non conforme à la réalité. La contestation systématique de la validité des actes d’état civil conduit finalement à présumer la majorité des intéressés. Dans ce contexte, favorisé par des notes ministérielles [35] contraires à la protection des mineurs, le caractère subsidiaire du recours au test osseux n’est plus vraiment. Le Conseil d’État a considéré qu’une note qui « préconise l’émission d’un avis défavorable pour toute analyse d’acte de naissance guinéen » [36] ne constitue pas une méconnaissance des dispositions de l’article 47 du Code civil (N° Lexbase : L4366L7T) puisqu’elle n’interdit pas de procéder à l’examen des demandes formulées et d’y faire droit [37]. Toutefois, les logiques d’une telle note et de l’article 47 du Code civil – qui énonce que l’acte d’état civil fait à l’étranger fait foi – s’opposent. Les juges de la cour d’appel de Douai ont toutefois affirmé que « les jeunes guinéens qui présentent des actes d’état civil ne peuvent être pénalisés par les dysfonctionnements de leur pays au niveau de leur état civil et qu’il n’est pas possible d’écarter systématiquement les actes d’état civil qu’ils pouvaient présenter au motif d’une fraude généralisée » [38].

Dans les faits, la substitution d’une présomption de fraude à la présomption d’authenticité des actes d’état civil conduit à ce que des examens radiographiques soient fréquemment réalisés chez les jeunes migrants afin de disposer d’un nouvel élément de preuve de leur âge. L’article 388 du Code civil prévoit, en effet, qu’un tel examen peut être réalisé « en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable ». Regardée comme une présomption‑concept [39], cette présomption de fraude traduit « l’existence d’un parti pris venant pré-orienter le raisonnement judiciaire » [40]. En présumant que lesdits documents d’identité ne sont pas valables, l’administration ne supporte plus vraiment la charge de la preuve qui pesait initialement sur elle. Cela lui permet de justifier la réalisation des tests osseux. La logique censée guider la présomption d’authenticité des actes d’état civil est alors totalement renversée.

Il convient enfin de rappeler la finalité des tests osseux mentionnée par le juge constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019 [41] relative à l’article 388 du Code civil. Le recours à ces examens constitue un élément de preuve de l’âge du migrant qui doit servir la protection de l’intérêt de l’enfant. Une protection qui implique que « des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures » [42]. Si les mots ont un sens, la formule ici employée par le Conseil constitutionnel a son importance : contrairement à ce que certains parlementaires affirment [43], le contentieux relatif à l’âge des migrants est d’abord lié à la protection de ces mineurs. La situation des intéressés ne doit pas être inversée.

Conclusion

Imprécise, cette méthode de détermination de l’âge par les tests osseux ne peut être qu’un élément de preuve parmi d’autres, pas un mode de preuve déterminant. Inadaptée à un contentieux aussi lourd de conséquences que celui de la détermination de l’âge d’un mineur non accompagné, cette preuve scientifique est un indice qui ne peut être regardé sans la marge d’erreur qu’il comporte. Si en principe la preuve est censée permettre d’établir de manière irréfutable la vérité, la preuve scientifique dans le contentieux de l’âge des migrants ne peut être aussi affirmative dès lors que l’âge vraisemblable se situe autour de 18 ans.  L’intérêt supérieur de l’enfant, principe à valeur constitutionnelle [44] protégé sur le plan international [45], commande une protection qui ne soit pas soumise à un mode de preuve aussi peu fiable que l’est l’examen radiographique osseux. Certes, la preuve scientifique est déterminante dans certaines matières et peut apporter des éléments de preuve satisfaisants [46]. Néanmoins, elle ne peut pas être généralisée pour tous les types de contentieux et ne doit parfois être mobilisée qu’avec de grandes précautions tant elle peut être faillible. Nietzsche, dans Ecce Homo, affirmait que « ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou » et à trop chercher l’existence d’une vérité scientifique, certains pourraient perdre la raison.

 

[1] L. de Carbonnières, Le doute et le magistrat. Réflexions historiques sur la quête impossible d’une preuve infaillible, Les cahiers de la Justice, 2020/4, n° 4, pp. 673-687.

[2] Outre les critiques répétées du Défenseur des droits (v. not. : Défenseur des droits, Rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, 2020 [en ligne] ; Défenseur des droits, décision du 26 février 2016, relative à l’égal accès au droit et à la justice des mineurs isolés étrangers [en ligne]), il convient de souligner que les oppositions à l’utilisation des tests osseux comme méthode de détermination de l’âge des migrants sont tant nationales (v. not. : CNCDH, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, La convention au regard de la construction de l’enfant, JORF, 1er décembre 2019 N° Lexbase : L7201LTU) qu’internationales (v. not. : Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, 23 février 2016, § CRC/C/FRA/CO/5, § 73 b.).

[3] V. not. : parmi les différentes problématiques suscitées par le recours aux tests osseux, le Comité consultatif national d’éthique s’interroge notamment sur la pertinence du recours à des critères scientifiques médicaux, indépendants de l’âge chronologique, sur l’ambiguïté du statut de l’expert médical et sur la réalisation d’un tel test qui « peut blesser la dignité des enfants adolescents soumis à un tel regard médical sans comprendre leur finalité, dans une structure hospitalière apparentée alors à une structure policière. Au-delà des problèmes éthiques soulevés par la validité scientifique des méthodes d’évaluation, une des questions majeures est celle en effet des conditions dans lesquelles sont réalisés les examens. » (CCNE, Avis n° 88, « Sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques » N° Lexbase : X7665AGY).

[4] V. not. : Haut Conseil de la santé publique, Avis relatif à l’évaluation de la minorité d’un jeune étranger isolé, 23 janv. 2014 : « La détermination d’un âge osseux ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale. La détermination d’un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire. Aucune méthode à elle seule ne peut scientifiquement donner un âge précis. ».

[5] CEDH, 28 février 2019, Req. 12267/16, Khan c. France, § 44 (N° Lexbase : A2088YZD) ; v. également : CEDH, 12 octobre 2006, Req. 13178/03, Mubilianzila Mayeka et Kaniki Mitunga c/ Belgique, § 55 (N° Lexbase : A7616DRI) ; CEDH, 5 avril 2011, Req. 8687/08, Rahimi c/ Grèce, § 87 (N° Lexbase : A5687HML).

[6] CEDH, Khan c/ France, op. cit., § 74.

[7] Ibid..

[8] A.-B. Caire, La carence française face à l’extrême vulnérabilité d’un mineur étranger isolé dans la lande de Calais, D., 2019, p. 1092.

[9] CEDH, Khan c. France, op. cit., § 84.

[10] Le Défenseur des droits a d’ailleurs rappelé que la réalisation d’un examen radiographique, en vue de déterminer l’âge d’un individu, en dehors d’une décision judiciaire et sans recueil du consentement de l’intéressé constitue « une atteinte grave à l’intérêt supérieur et aux droits du jeune X ainsi que la violation de ses droits comme patient et usager du service public » et « est contraire aux dispositions législatives ainsi qu’aux règles de la déontologie des médecins figurant aux articles 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R), L. 1111-4 (N° Lexbase : L4849LWI), R. 4127-35 (N° Lexbase : L1223ITH), R. 4127-36 (N° Lexbase : L7281L4G) et R. 4127-42 (N° Lexbase : L7283L4I) du Code de la santé publique », Décision du Défenseur des droits n° 2021-050, 6 avril 2021, Recommandations dans le cadre de l’article 25 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars relative au Défenseur des droits, pp. 7‑8.

[11] V. not. : C. Marie, Détermination de la minorité : rappel bienvenu par la Cour de cassation des modalités de recours aux examens osseux et de la portée de leurs conclusions, Lexbase Pénal, janvier 2020 (N° Lexbase : N1835BYM).

[12] Cons. const., décision n° 2018-768 QPC, 21 mars 2019 (N° Lexbase : A3247XYW), op. cit., § 10.

[13] A.-B. Caire, L’examen radiologique osseux de l’article 388 du Code civil, un simple indice dans la détermination de l’âge, RDSS, 2019, p. 453.

[15] Rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, juillet 2020, p. 39.

[16] V. not. : M. Lartigue, Mineurs isolés étrangers : MSF veut se rapprocher des professionnels du droit, Gazette du Palais, 2021, n° 6, p. 6.

[17] Défenseur des droits, décision 2018-296 du 3 décembre 2018 relative à l'inconstitutionnalité de l'article 388 du Code civil, relatif aux examens radiologiques osseux, p. 10 [en ligne].

[18] Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, op. cit..

[19] Ibid., § 74 b.

[20] M-X. Catto, L’intérêt supérieur de l’enfant, exigence constitutionnelle opératoire ?, Gazette du Palais, 2019, n° 19, p. 26.

[21] V. Souffron, La mal-mesure de l’âge, Estimation médicale de l’âge des mineurs isolés étrangers, Socio-anthropologie, 2019 [en ligne], (consulté le 25 novembre 2021).

[22] C. Mary, Quelles techniques pour évaluer l’âge des jeunes migrants ?, Le Monde [en ligne], (consulté le 25 novembre 2021).

[23] CNCDH, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, La convention au regard de la construction de l’enfant (N° Lexbase : L7201LTU), JORF, 1er décembre 2019, § 8.

[24] Ibid..

[25] Ibid., § 9.

[26] V. not. : A. Pichard, Tests osseux : une méthode d’un autre âge, Libération [en ligne], publié le 28 septembre 2020, (consulté le 24 août 2021).

[27] Diverses institutions évoquent cette marge d’erreur. L’Académie Nationale de médecine, par exemple, souligne que cette méthode « permet d’apprécier avec une bonne approximation l’âge de développement d’un adolescent en dessous de seize ans. Cette méthode ne permet pas de distinction nette entre seize et dix-huit ans » (Bulletin de l’Académie nationale de médecine, séance du 16 janv. 2007). Cette imprécision est particulièrement dangereuse en ce que c’est précisément pour cette tranche d’âge que les conséquences seront les plus importantes.

[28] EREN, Le recours aux tests osseux : questionnements éthiques [en ligne], publié le 25 mai 2021, (consulté le 24 août 2021).

[29] V. not. : CCNE, Avis n° 88, Sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques (N° Lexbase : X7665AGY) ; M-X. Catto, L’intérêt supérieur de l’enfant, exigence constitutionnelle opératoire ?, Gazette du Palais, 2019, n° 19, p. 26.

[30] Cass. crim., 11 décembre 2019, n° 18-84.938, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1517Z8P), § 16.

[31] CA Douai, ch. du conseil, 15 janvier 2013, n° 12/04477.

[32] TGI Lille, juge des enfants, 29 juin 2012.

[33] CAA Nantes, 15 mai 2014, 1re ch., 15 mai 2014, n° 13NT01277 (N° Lexbase : A7734MQI).

[34] A.-B. Caire, L’examen radiologique osseux de l’article 388 du Code civil, un simple indice dans la détermination de l’âge, RDSS, 2019, p. 453.

[35] Note d’actualité n° 17/2017 du ministère de l’Intérieur en date du 1er décembre 2017, relative aux fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry) sur les actes d’état civil.

[36] CE, 12 juin 2020, n° 418142, publié au recueil Lebon, § 5 (N° Lexbase : A55233NU).

[37] Ibid..

[38] CA Douai, chambre des mineurs, 26 juillet 2018, n° 18/01565.

[39] A.-B. Caire, op. cit..

[40] Ibid..

[41] Cons. const., décision n° 2018-768 QPC, 21 mars 2019, « Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge » (N° Lexbase : A3247XYW).

[42] Ibid., § 6.

[43] La formule employée par le Conseil constitutionnel a été détournée par certains députés, affirmant que l’intérêt supérieur de l’enfant implique qu’un majeur ne soit pas considéré indûment comme un mineur. Ici il n’est donc plus question de l’intérêt des migrants mineurs mais de l’intérêt des enfants de manière générale. Cette objectivation du contentieux relatif à l’âge des migrants s’inscrit finalement dans un détournement plus général de la situation puisqu’il ne s’agit plus de protéger les mineurs non accompagnés mais de « lutter contre la fraude à l’identité dans le cadre des mineurs non accompagnés » ; Rapport n° 3989 sur la proposition de loi visant à mieux lutter contre la fraude à l’identité dans le cadre des mineurs non accompagnés (n° 3443), enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 17 mars 2021 [en ligne].

[44] Cons. const., décision n° 2018-768 QPC, 21 mars 2019, op. cit., § 6.

[45] V. à ce propos : T. Escach-Dubourg, Les examens osseux des jeunes étrangers isolés, AJDA, 2019, p. 1448.

[46] C’est le cas par exemple du contentieux de la filiation. V. not. : S. Bimes-Arbus, La preuve scientifique de la filiation, Thèse, Toulouse, 1999, 237 p. ; M. Mignot, La preuve scientifique dans le droit de la filiation, RRJ, 2003, p. 71 ; D. Wrona, Les empreintes génétiques et le procès civil de la filiation, LPA, 1995, n° 96, p. 24.

newsid:479722

Procédure civile

[Brèves] Covid-19 – précisions sur la régularité de la procédure sans audience et des éventuelles contestations relatives aux prescriptions légales

Réf. : Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, deux arrêts, n° 20-18.797, FS-B (N° Lexbase : A30297GB) et n° 20-18.798, FS-B (N° Lexbase : A30237G3)

Lecture: 3 min

N9869BY8

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 05 Janvier 2022

► À l’occasion de deux arrêts, rendus le même jour, le 16 décembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,  vient préciser que lorsqu’il a été décidé que la procédure se déroule sans audience, le jugement doit à peine de nullité mentionner la décision du président de statuer sans audience, les modalités de l’information aux parties, ainsi que l’absence d’opposition de celles-ci ; la nullité du jugement découlant de l’omission ou l’inexactitude d’une mention peut être prononcée que s’il est établi par les pièces de la procédure, le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

Faits et procédure. Une société a été assignée dans deux affaires distinctes, par une association venant aux droits du Fonds national d’assurance de formation, en recouvrement de certaines sommes. Le 15 mai 2018, par deux jugements, la demanderesse a été déboutée de l’ensemble de ses demandes. Elle a interjeté appel à l’encontre des deux décisions, et la cour a statué sans audience en application des dispositions de l’article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : Z98877SQ), modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1697LX7).

Les pourvois. La société demanderesse fait grief aux arrêts rendus (CA Rouen, 29 juin 2020, deux arrêts, n° 18/02811 N° Lexbase : A75823PI et n° 18/02812 N° Lexbase : A75633PS), de l’avoir condamnée, sans débat, à payer à l’association certaines sommes. L’intéressée énonce que les mentions des arrêts de la cour d’appel ne permettent pas de s’assurer que les parties ont été avisées, ni qu’elles ne se sont pas opposées à ce que les affaires soient retenues sans audience dans le délai qui leur est imparti. En l’espèce, la cour d’appel a dans un premier temps relevé que les appelants n’avaient pas notifié leurs conclusions dans le délai imposé par l’article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7242LEX). En effet, l’intimée n’avait pas constitué avocat lorsque les conclusions d’appelant ont été notifiées, et que le conseil des appelants n’avait pas reçu d’acte de constitution de la part de cet avocat. Dans un second temps, les juges d’appel énoncent qu'il importait peu que le greffe n’ait pas adressé l’avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimée, ou qu’il ait mentionné à tort sur un avis le nom d'un avocat constitué.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation énonce qu’il ressort des productions que l’avocat de la société intimée avait donné son accord à la mise en œuvre de la procédure sans audience des deux dossiers, et qu’en conséquence les prescriptions légales ont été, en fait, observées. Les Hauts magistrats rejettent les pourvois.

 

newsid:479869

[Brèves] Réforme du droit des sûretés : publication de trois décrets (registre des sûretés mobilières, réalisation des sûretés mobilières et mesures de coordination)

Réf. : Décret n° 2021-1887, du 29 décembre 2021 (N° Lexbase : L1955MAN) ; décret n° 2021-1888, du 29 décembre 2021 (N° Lexbase : L1938MAZ) et décret n° 2021-1889, du 29 décembre 2021 (N° Lexbase : L1967MA4)

Lecture: 5 min

N9921BY4

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par Vincent Téchené

Le 05 Janvier 2022

► Trois décrets, publiés au Journal officiel du 30 décembre 2021, viennent compléter l’ordonnance de réforme du droit des sûretés qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D ; v. Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8992BYP).

  • Registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes (décret n° 2021-1887, du 29 décembre 2021, relatif au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes)

Le décret n° 2021-1887 est pris pour l'application des articles du Code civil, du Code de commerce, du Code des transports, du Code des douanes, du Code général des impôts et du Code de la Sécurité sociale dans leur rédaction issue de l'ordonnance portant réforme du droit des sûretés.

Pour rappel, parmi les avancées majeures de cette réforme, se trouve l’instauration d’un registre unique de publicité, commun à l’ensemble des sûretés mobilières. Ce faisant, le gage de droit commun, le warrant agricole, mais encore les hypothèques maritimes, les hypothèques fluviales, les opérations de crédit-bail mobilier, le privilège du Trésor en matière fiscale et douanière et le privilège de la Sécurité sociale et des régimes complémentaires seront soumis à une publicité unique.

Le décret contient donc les mesures réglementaires nécessaires à la mise en place de ce registre. Il détermine ainsi les sûretés mobilières et les opérations connexes dont la publicité est assurée par une inscription au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes. Il fixe les modalités d'inscriptions initiales, modificatives, de radiation et les modalités de consultation des informations inscrites au registre des sûretés mobilières. Il précise les obligations des greffiers qui tiennent ce registre ainsi que les recours ouverts en cas de décision de refus de ces derniers. Il confie enfin au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce la mise en œuvre d'un portail internet permettant la consultation gratuite des informations inscrites au registre.

Entrée en vigueur. Le décret entrera en vigueur au 1er janvier 2023 sauf pour les hypothèques maritimes et les saisies de navires pour lesquelles l'entrée en vigueur est fixée dès le 1er janvier 2022.

  • Réalisation des sûretés mobilières (décret n° 2021-1888, du 29 décembre 2021, pris en application de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés)

Le décret n° 2021-1888 tire les conséquences au niveau réglementaire des modifications apportées dans le cadre de cette réforme s'agissant notamment de la réalisation des sûretés mobilières.

L'article 1er modifie le Code de procédure civile afin de moderniser et de clarifier la procédure de purge des inscriptions sur les immeubles, en ce compris le warrant agricole ou le gage portant sur un meuble immobilisé par destination (introduit dans le Code civil par l'ordonnance du 15 septembre 2021).

L'article 2 introduit dans le livre II du Code des procédures civiles d'exécution une articulation nouvelle entre les procédures de saisie-vente mobilière et les sûretés inscrites sur le bien saisi, afin de permettre aux créanciers bénéficiaires de ces sûretés de participer à la distribution des deniers et à l'acquéreur d'obtenir un titre de propriété libre de tout droit. Il modifie en outre la procédure de saisie-appréhension pour permettre une meilleure prise en compte des particularités liées à la réalisation du gage garantissant une créance professionnelle.

L'article 3 tire les conséquences, au livre III du Code des procédures civiles d'exécution, de l'admission, à l'article 2334 du Code civil (N° Lexbase : L1161HIT), du gage portant sur les meubles immobilisés par destination. Il prévoit les conditions de l'information du créancier disposant d'un tel gage ou d'un warrant agricole portant sur un meuble immobilisé par destination compris dans le périmètre d'une saisie immobilière, de son intervention à la procédure de saisie immobilière et précise les modalités de détermination de ses droits dans la distribution du prix, contrepartie de l'effet de purge de son inscription.

L'article 4 modifie l'article R. 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2542ITC), afin de permettre à la caution de bénéficier d'une mesure conservatoire à l'encontre du débiteur principal dès la prolongation de l'échéance du terme de l'emprunt garanti, alors même qu'elle ne se trouve pas dans les conditions pour obtenir un titre à son encontre (conséquence du nouvel article 2320 du Code civil N° Lexbase : L1144HI9).

L'article 5 assure la coordination des dispositions de divers codes et textes réglementaires, avec les dispositions législatives de ces codes et du Code civil issues de l'ordonnance de réforme du droit des sûretés.

Entrée en vigueur. Les dispositions de ce décret entrent en vigueur pour l’essentiel dès le 1er janvier 2022, sauf la réforme du livre II du CPCE, liée au registre des sûretés mobilières, qui est repoussée au 1er janvier 2023.

  • Dispositions de coordination de l'ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés (décret n° 2021-1889, du 29 décembre 2021, relatif à des mesures d'application et de coordination de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés)

Le décret n° 2021-1889 contient pour sa part des dispositions de coordinations. Il prend notamment en compte le remplacement des privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales.

Entrée en vigueur. Ce décret est entré en vigueur le 1er janvier 2022.

newsid:479921

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] L’administration fiscale tire les conséquences des dernières jurisprudences en matière d’opérations réalisées entre entités d'une même personne morale

Réf. : BOFiP, actualités, 29 décembre 2021

Lecture: 2 min

N9893BY3

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par Marie-Claire Sgarra

Le 04 Janvier 2022

L’administration fiscale est venue mettre à jour sa documentation relative aux opérations réalisées entre entités d’une même personne morale en matière de TVA.

🔎 Principe. En matière de TVA, les opérations réalisées entre les différentes entités d'une même personne morale ne sont normalement pas imposables.

👉 Toutefois, par un arrêt du 17 septembre 2014 (CJUE, 17 septembre 2014, aff. C-7/13, Skandia America Corp N° Lexbase : A5584MWQ), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que constituent des opérations imposables à la TVA les prestations de services fournies par un établissement principal à sa succursale lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • la succursale est établie dans un État membre de l'Union européenne et l'établissement principal est situé dans un autre État (État tiers ou autre État membre de l'Union européenne) ;
  • la succursale est membre d'un « groupe TVA ».

👉 Par un second arrêt (CJUE, 11 mars 2021, aff. C-812/19, Danske Bank A/S N° Lexbase : A62844KX), la CJUE a précisé que cette solution trouvait à s'appliquer symétriquement lorsque l'établissement principal, et non plus la succursale, est membre d'un groupe TVA dans son État membre d'établissement.

Il résulte des principes ainsi dégagés que, sous ces mêmes conditions, sont également imposables à la TVA les prestations de services fournies à l'établissement principal par la succursale, et les prestations de services fournies entre succursales ou, plus généralement, entre les entités d'une même personne morale disposant d'établissements stables propres.

Lire en ce sens, MC Sgarra, Groupement TVA : assujettissement distinct de l’établissement principal et de sa succursale, Lexbase Fiscal, mars 2021, n° 859 (N° Lexbase : N6869BY3).

💡 Le Conseil d'État a fait application de ces principes dans une décision du 4 novembre 2020, Société BNP Paribas Securities Services (CE, 3° ch., 4 novembre 2020, n° 435295, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A517133W).

Lire en ce sens, S. Le Normand Caillère, Application française de la décision « Skandia », Lexbase Fiscal, décembre 2020, n° 848 (N° Lexbase : N5749BYL).

En conséquence, les règles applicables aux opérations réalisées au sein d'une même personne morale au profit d'une entité appartenant à un groupe TVA dans un autre État membre de l'Union européenne sont précisées.

Documentations liées à cette mise à jour :

 

newsid:479893

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