La lettre juridique n°863 du 29 avril 2021

La lettre juridique - Édition n°863

Droit pénal spécial

[Brèves] Protection des mineurs contre les crimes, délits sexuels et l’inceste : la loi est publiée

Réf. : Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste (N° Lexbase : L2442L49)

Lecture: 8 min

N7285BYH

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par Adélaïde Léon

Le 28 Avril 2021

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste vient modifier le Code pénal à bien des égards. Ce texte apporte des modifications intéressant l’existence même des infractions en élargissant leur définition ou en créant de nouveaux crimes et délits. Il opère également d’importants changements répressifs en matière de peine et de prescription.

 

I. Modifications intéressant les infractions elles-mêmes

 

Création de nouvelles infractions

Disposition

Infraction

Peine

C. pén., art. 222-23-1

Crime de viol sur mineur de moins de 15 ans, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins 5 ans (la condition liée à l’âge disparait si les faits sont commis en échange d’une rémunération)

20 ans de réclusion criminelle

C. pén., art. 222-23-2

Crime de viol incestueux sur mineur

20 ans de réclusion criminelle

C. pén., art. 222-29-2

Délit d’agression sexuelle sur mineur, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins 5ans (la condition liée à l’âge disparait si les faits sont commis en échange d’une rémunération).

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

C. pén., art. 222-29-3

Délit d’agression sexuelle incestueuse sur mineur

10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende

C. pén., art. 227-22-2

Délit d’incitation à commettre tout acte de nature sexuelle réalisée par un majeur à destination d’un mineur

7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

C. pén., art. 227-23-1

Délit d’extorsion d’images pédopornographiques

7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende

 

Extension du domaine de l’inceste (C. pén., art. 227-27-2-1 N° Lexbase : L0204K7P). Le périmètre familial définissant le domaine de l’inceste est étendu par l’ajout des grands-oncles et grands-tantes.

Modification de la définition d’agression sexuelle (C. pén., art. 222-22-2 N° Lexbase : L6283IXY). La loi nouvelle modifie l’article 222-22-2 du Code pénal pour préciser que constitue également une agression sexuelle le fait « d’imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte. »

Modification de la définition du viol (C. pén., art. 222-23 N° Lexbase : L6217LLT). Le viol est étendu aux actes bucco-génitaux.

Précisions en matière d’exhibition sexuelle (C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L5358IGK). La loi vient préciser que l’infraction est constituée « Même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, […] si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé. ».

II. Changements en matière de peines

Aggravation des peines prévues en matière de corruption de mineur (C. pén., art. 227-22 N° Lexbase : L6583IX4).

  • Avant la loi. La peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende était portée à 10 ans d’emprisonnement et 1 000 000 euros d’amende lorsque les faits avaient été commis en bande organisée ou à l’encontre d’un mineur de 15 ans.
  • Ce que la loi du 21 avril 2021 prévoit. Les peines seront portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende, lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un mineur de 15 ans ; et à 10 ans d’emprisonnement et à 1 million d’euros d’amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

Modifications s’agissant des atteintes sexuelles sur mineur (C. pén., 227-26, 1° N° Lexbase : L3259IQR et 227-27, 1° N° Lexbase : L6585IX8).

  • Les aggravations de peines prévues aux articles 227-26, 1° et 227-27, 1° du Code pénal sont désormais étendues à toute « personne majeure ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
  • La peine d’emprisonnement prévue pour les atteintes sexuelles sur mineur de plus de 15 ans est portée à 5 ans (contre 3 ans auparavant).

Aggravation de la peine d’emprisonnement en matière de proxénétisme à l’égard d’un mineur de 15 ans (C. pén., art. 225-7-1 N° Lexbase : L1595AZ4). Avec la nouvelle loi, la peine d’emprisonnement passe de 15 ans à 20 ans de réclusion criminelle.

Aggravation de la peine encourue en cas de recours à la prostitution d'un mineur (C. pén., 225-12-2 N° Lexbase : L7008K7P).

La peine prévue au premier alinéa de l’article 225-12-2 du Code pénal est portée à 7 ans et 100 000 euros d’amende (contre 5 ans et 75 000euros d’amende auparavant). Elle concerne les faits commis. Elle concerne les cas dans lesquels l’infraction est commise de façon habituelle ou à l’égard de plusieurs personnes, lorsque l’auteur a utilisé un réseau de communication pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, si les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité de ses fonctions ou si celui-ci a mis la vie de la victime en danger ou a commis contre elle des violences.

La peine prévue au dernier alinéa de l’article 225-12-2 du Code pénal est portée à 10 ans et 150 000 euros d’amendes. Elle concerne les faits commis à l’égard d’un mineur de 15 ans.

Précision en matière de recours à la prostitution (C. pén., art. 225-12-2 N° Lexbase : L7008K7P). Le texte vient préciser que les peines prévues en matière de recours à la prostitution ne sont pas celles applicables lorsque les faits sont constitutifs d’un viol ou d’une agression sexuelle.

Aggravation de peine en matière d’exhibition sexuelle (C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L5358IGK). L’article 222-32 du Code pénal est complété par un alinéa prévoyant que les peines sont portées à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis au préjudice d’un mineur de 15 ans.

Peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité au contact des mineurs (C. pén., art. 222-48-4 et 227-31-1  nouveaux). La loi prévoit qu’en cas de condamnation pour certaines infractions sexuelles commises sur un mineur, cette peine complémentaire est prononcée à titre définitif. Respectant toutefois le principe d’individualisation, le législateur autorise la juridiction à ne pas prononcer cette peine ou à la prononcer pour une durée de 10 ans ou plus.

III. Modifications en matière de prescription

Création d’une prescription dite « glissante » (C. proc. pén., art. 7 N° Lexbase : L6212LLN et 8 N° Lexbase : L0383LDK). La loi prévoit qu’en matière de viol sur mineur, le délai de prescription peut être prolongé si l’auteur commet, sur un autre mineur et avant l’expiration dudit délai, un nouveau viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle. Le délai est alors prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.

De même, en matière d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle, si l’auteur commet de nouveau une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle sur un autre mineur avant l’expiration du délai de prescription de la première infraction, celui-ci sera prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.

Allongement du délai de prescription du délit de non-dénonciation de sévices sur mineur (C. proc. pén., art. 8). Auparavant fixé à 6 ans à compter de l’infraction, ce délai est désormais porté à 10 ans à compter de la majorité de la victime en cas d’agression ou atteinte sexuelle et 20 ans à compter de la majorité de la victime en cas de viol.

Interruption de prescription des infractions connexes (C. pén., art. 9-2 N° Lexbase : L0368LDY). La loi prévoit que les actes interruptifs de prescription prévus aux 1° à 4° de l’article 9-2 du Code pénal, intervenus dans une procédure concernant des faits de viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, interrompent également la prescription pour les procédures dans lesquelles les mêmes faits seraient reprochés au même auteur.

IV. Modifications d’ordre général

Extension de l’application du titre IXI relatif à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs victimes (C. proc. pén., art. 706-47 N° Lexbase : L5593LZ8). Cette procédure est étendue aux tentatives d’atteinte sexuelle ainsi qu’au délit d'incitation à commettre un crime ou un délit à l'encontre d'un mineur

Inscription automatique au FIJAISV (C. proc. pén., art. 706-53-2 N° Lexbase : L8555LX7). La loi prévoit l’inscription automatique au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes des auteurs d’infractions sexuelles dès lors que la victime est mineure, quel que soit le quantum de la peine encourue. Une exception est prévue s’agissant des délits punis d’une peine inférieure à 5 ans.

Pour aller plus loin :

  • M. Bouchet, De la ligne de partage entre exhibition et agression sexuelles, Lexbase Pénal, mars 2021 (N° Lexbase : N6874BYA) ;
  • B. Le Dévédec, De l’incrimination de l’autopénétration imposée par autrui à distance : une proposition judicieuse, mais lacunaire, Lexbase pénal, mars 2021 (N° Lexbase : N6696BYN).

 

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Autorité parentale

[Brèves] Droit de visite médiatisé d’un parent dans un espace de rencontre : rappel de l'articulation des compétences entre le JAF et le juge des enfants

Réf. : Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.024, F-P (N° Lexbase : A79844PE)

Lecture: 3 min

N7303BY7

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 04 Mai 2021

Par cet arrêt rendu en date du 14 avril 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle l'articulation des compétences entre le juge aux affaires familiales et le juge des enfants pour la fixation des modalités d’exercice du droit de visite médiatisé d’un parent dans un espace de rencontre ; le premier doit fixer la durée de la mesure et déterminer la périodicité et la durée des rencontres sans pouvoir s’en remettre à la décision du second sur la durée de la mesure et celle des rencontres.

Faits et procédure. Un jugement a prononcé le divorce d’un couple marié.

Par un arrêt rendu en date 12 juin 2019, la cour d’appel d’Orléans fixe la résidence de l'enfant commun au domicile du père. Elle décide que le droit de visite de la mère s'exercera deux fois par mois, dans un espace de rencontre en présence du représentant désigné par l'aide sociale à l'enfance selon les modalités fixées par le juge des enfants pendant la durée de la mesure d'assistance éducative. La cour d’appel dit qu'au-delà de ce délai, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour fixer les nouvelles modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l’enfant commun.

La mère se pourvoit en cassation.

Décision. La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que, selon l'article 1180-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5322IUN), lorsque le JAF décide que le droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre en application de l’article 373-2-9 du Code civil (N° Lexbase : L0239K7Y), il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres, sans pouvoir s'en remettre sur ce point à la décision du juge des enfants prise sur le fondement des deux autres, qui est provisoire.

Après avoir constaté que l’enfant commun fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative mise en place par le juge des enfants selon les modalités prévues dans un jugement du 12 avril 2019 et fixé la résidence de celui-ci chez son père, l'arrêt de la cour d’appel décide que la mère exercera un droit de visite deux fois par mois dans un espace de rencontre en présence du représentant désigné par l'Aide sociale à l'enfance selon les modalités fixées par le juge des enfants pendant la durée de la mesure d'assistance éducative.

La première chambre civile de la Cour de cassation retient, qu’en statuant ainsi, en s'en remettant à la décision du juge des enfants sur la durée de la mesure et celle des rencontres, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les articles 373-2-9, 375-3 (N° Lexbase : L7326LPZ) et 375-7 (N° Lexbase : L4935K8B) du Code civil et l'article 1180-5 du Code de procédure civile.

N.B. : dans un arrêt rendu le même jour, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle l’obligation du juge aux affaires familiales de déterminer la durée des rencontres lorsqu’il décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre (Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.690, F-D (N° Lexbase : A80014PZ).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’autorité parentale sur la personne de l’enfant, L'organisation du droit de visite en cas d'exercice de l'autorité parentale par l'un des parents, in L’autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E5818EY7).

newsid:477303

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Caractère réglementaire de la passerelle d’accès des docteurs en droit aux écoles d'avocats…

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-292 L, du 15 avril 2021, Nature juridique de certaines dispositions des articles 11, 12 et 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : A36894PC)

Lecture: 5 min

N7247BY3

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par Marie Le Guerroué

Le 05 Mai 2021

► Dans une décision du 15 avril 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la nature juridique de certains mots de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) ; il a notamment retenu le caractère réglementaire de l’accès direct à la formation théorique et pratique réservé aux titulaires d'un doctorat en droit.

Procédure. Le Premier ministre avait demandé au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique des mots « une maîtrise » figurant au 2 ° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, des mots « dix-huit mois » figurant au premier alinéa de l'article 12 de cette loi, des mots « qui ne peut être inférieure à deux ans » figurant au premier alinéa de son article 12-1 ainsi que des deuxième et troisième alinéas de ce même article.

Décision du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’en vertu de la loi du 31 décembre 1971, la profession d'avocat dispose, sauf exception, du monopole de l'assistance et de la représentation en justice. Par conséquent, il appartient au législateur de fixer notamment les conditions d'accès à cette profession garantissant le respect des droits de la défense.

  • L'exigence d'un diplôme en droit d'un niveau minimal

Le 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que toute personne souhaitant devenir avocat doit être titulaire, sauf exception, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre chargé des Universités.

Le Conseil relève que l'exigence d'un diplôme en droit d'un niveau minimal conditionnant l'accès à cette profession permet de s'assurer de l'aptitude des candidats à exercer les missions d'assistance et de représentation des personnes en justice garantissant le respect des droits de la défense. Ce faisant, les dispositions dont le déclassement est demandé constituent des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Par suite, elles ont un caractère législatif.

  • La fixation par la loi d'une durée minimale de formation professionnelle

L'article 12 prévoit, en son premier alinéa, que la formation professionnelle exigée pour l'accès à la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique délivrée par ce centre d'une durée d'au moins « dix-huit mois », sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Le Conseil estime qu’eu égard à l'importance que cette formation revêt en vue de l'exercice de cette profession, la fixation par la loi d'une durée minimale constitue une garantie fondamentale accordée aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Par suite, les dispositions dont le déclassement est demandé ont un caractère législatif.

  • Les conditions de délivrance du certificat de spécialisation et la passerelle des docteurs en droit

Le premier alinéa de l'article 12-1 prévoit que les avocats qui justifient d'une pratique professionnelle continue d'une durée, fixée par décret en Conseil d'État, « qui ne peut être inférieure à deux ans », peuvent obtenir du Conseil national des barreaux la délivrance d'un certificat de spécialisation lorsque cette pratique est validée par un jury qui vérifie les compétences professionnelles dans la spécialité. À cet effet, son deuxième alinéa prévoit que, « sur la base d'un dossier constitué par l'intéressé, le jury se prononce à l'issue d'un entretien qui comprend une mise en situation professionnelle ». Les dispositions dont le déclassement est demandé ne mettent en cause ni les conditions essentielles d'exercice de la profession d'avocat, ni les garanties fondamentales permettant d'assurer le respect des droits de la défense, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le Conseil affirme donc leur caractère réglementaire.

Le troisième alinéa de l'article 12-1 permet aux titulaires d'un doctorat en droit d'accéder directement à la formation théorique et pratique prévue à l'article 12, sans avoir à passer l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle des avocats. Ces dispositions, qui concernent seulement les modalités d'accès à la formation préalable obligatoire à l'exercice de la profession d'avocat, ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) a placé dans le domaine de la loi. Par suite, elles ont un caractère réglementaire.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les dispenses d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle (CRFP) des avocats, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E33013RP).

 

 

À lire sur le sujet : R. Legrand, L’accès libre des docteurs aux écoles d’avocats est-il encore d’actualité ?, Lexbase Avocats, janvier 2021 (N° Lexbase : N5946BYU).

 

newsid:477247

Baux commerciaux

[Brèves] Effets de l’acceptation par le bailleur d’une demande de renouvellement aux clauses et conditions du précédent bail

Réf. : Cass. civ. 3, 15 avril 2021, n° 19-24.231, FP-P (N° Lexbase : A79994PX)

Lecture: 2 min

N7264BYP

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par Vincent Téchené

Le 30 Avril 2021

► Le preneur ayant formulé une demande de renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail et le bailleur ayant exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures, les parties ont conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent, de sorte que la demande ultérieure en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.

Faits et procédure. Le 31 mai 2007, le propriétaire de locaux commerciaux les a donnés à bail moyennant un loyer annuel de 300 000 euros. Par acte du 23 novembre 2016, la locataire a sollicité le renouvellement du bail, puis, par acte du 29 novembre 2016, après acceptation du bailleur, elle a sollicité la fixation du prix du bail renouvelé à la somme de 123 000 euros. Le 21 mars 2017, la locataire a notifié au bailleur, qui a refusé cette proposition, un mémoire préalable en fixation du prix du bail renouvelé, puis a saisi le juge des loyers commerciaux.

Les juges du fond (CA Aix-en-Provence, 12 septembre 2019, n° 18/15353 N° Lexbase : A2584ZNZ) ayant rejeté la demande de la locataire, elle a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Le preneur soutenait que la mention « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne peut suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler. Ainsi, les juges du fond ne pouvaient rejeter la demande du locataire de voir fixer judiciairement le loyer de renouvellement du bail, au motif que les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d’aucune réserve, l’accord explicite des parties portait également sur le prix.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle relève que la cour d’appel a constaté que le preneur avait formulé une demande de renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail et que le bailleur avait exprimé son accord pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures. Ainsi, elle a souverainement retenu, sans dénaturation, que, les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d’aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent.

Dès lors, pour la Haute juridiction, elle a exactement déduit, de ce seul motif, que la demande en fixation du loyer du bail renouvelé devait être rejetée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La demande de renouvellement du bail commercial à l'initiative du locataire, L'acceptation expresse du bailleur de la demande de renouvellement, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E9827AEP).

 

À noter : cet arrêt fera l'objet d'un commentaire de Bastien Brignon, à paraître dans Lexbase Affaires n° 675 du 13 mai 2021.

 

 

 

newsid:477264

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Interdépendance contractuelle : la politique du surplace ?

Réf. : Cass. com., 17 février 2021, n° 19-13.903, F-D (N° Lexbase : A61594HL)

Lecture: 26 min

N7322BYT

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par Louis Thibierge, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille, Membre du Centre de Droit Économique (EA 4224), Avocat au Barreau de Paris

Le 28 Avril 2021


 


Mots-clés : contrats • interdépendance contractuelle • contrat de fourniture • contrat de maintenance • location financière • indivisibilité • liberté contractuelle • ensemble contractuel • groupe de contrats • clause de divisibilité • caducité • ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 • analyse objective • analyse subjective

Le seul fait que les contrats conclus, concomitamment ou successivement, s’inscrivent dans une opération incluant une location financière suffit à caractériser l’existence d’une interdépendance contractuelle. L'article 1186 nouveau du Code civil, inapplicable à un contrat conclu antérieurement au 1er octobre 2016, ne remet pas en cause l'analyse objective de l'interdépendance.


 

NB : deux arrêts ayant été rendus le même jour dans la même affaire, avec les mêmes solutions, il ne nous a pas paru nécessaire de leur offrir deux commentaires distincts [1].

Il y a quelque huit ans, notre collègue et ami Dimitri Houtcieff regrettait mezza voce la politique des « petits pas » [2] de la Cour de cassation en matière d’interdépendance contractuelle.

En 2013, la Cour avait pu paraître pour le moins péremptoire, affirmant urbi et orbi et au mépris de la volonté contractuelle que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » [3].

En 2021, ce n’est plus par petits pas que procède la Haute juridiction. Au rythme de la tortue de La Fontaine, elle semble préférer le surplace. On n’apprendra donc rien de plus sur la caractérisation de l’interdépendance contractuelle, cette notion qui suscite « depuis près d'un quart de siècle, un contentieux aussi irritant que nourri » [4].

L’occasion était pourtant belle, on y reviendra, d’affiner sa position, de tenir compte de la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK). Las ! Balayant d’un revers de la main tous les arguments du pourvoi, refusant de tenir compte du temps qui court, la Cour s’en tient à la règle édictée, sans support textuel, en 2013 : « sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs et qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière ».

Exit le droit issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Vive le statu quo !

Les faits du litige étaient les suivants. Le 28 octobre 2013, une société Var solutions documents (ci-après « VSD ») conclut avec l'association Sanary Ski Team (ci-après « l'association ») un contrat de fourniture et de « sponsoring ». Aux termes de ce contrat, VSD doit fournir à l’association deux photocopieurs et du matériel informatique, et lui verser des contributions financières sous la forme de versements mensuels de 383 euros, pendant une période de vingt-quatre mois renouvelable, et d'un versement annuel de 1 000 euros pendant deux ans.

Trois jours plus tard, l’association souscrit auprès de la société BNP Paribas Lease Group (ci-après « la BNP ») un contrat de location financière portant sur un photocopieur fourni par la VSD, aux termes duquel l’association doit verser à la BNP soixante-trois loyers mensuels de 199 euros HT.

Un troisième contrat est conclu, cette fois-ci entre l’association et la société Copie recto verso (ci-après « CRV »), pour la maintenance des photocopieurs.  

Enfin, le 12 novembre 2013, l'association souscrit auprès de la société GE capital équipement finance (ci-après « GE »), aux droits de laquelle vient la société CM-CIC Leasing Solutions (ci-après « CM-CIC ») un second contrat de location financière portant sur un autre photocopieur et un ordinateur fournis par la société VSD, moyennant le versement de soixante-trois loyers mensuels de 249,69 euros TTC.

Reprochant divers manquements à la société VSD, l'association l’assigne ainsi que les sociétés CRV, GE et BNP, en annulation, résolution ou résiliation (le panel était large) du contrat conclu avec la société VSD, et, en conséquence, en annulation, résolution ou résiliation (là aussi, on a embrassé fort large) des contrats de location financière.

Pour le dire autrement, après avoir pris l’initiative de rompre le contrat de fourniture des photocopieurs, l’association avait souhaité se délier des contrats de location financière devenus inutiles à ses yeux.

Les juges du fond (Aix-en-Provence, 11 décembre 2018), estimant que le contrat de fourniture / sponsoring, le contrat de maintenance et le contrat de location financière constituent une opération économique unique et sont donc interdépendants, ce dont il résulte que la disparition du premier entraîne la caducité des autres.

Les deux bailleurs financiers, la BNP et le CM-CIC, se pourvoient en cassation contre cette décision. À leurs yeux, c’est à tort que la cour d’appel a conclu à l’interdépendance des contrats de location financière et de fourniture / sponsoring.

Les arguments avancés peuvent être, schématiquement, résumés comme suit :

- d’une part, l’interdépendance entre deux contrats ne résulte pas seulement du fait que des contrats concomitants ou successifs s’inscrivent dans une opération globale incluant une location financière ; encore faudrait-il démontrer « l'organisation préalable d'une collaboration entre le représentant de la société prestataire de services et le bailleur ou, au moins, la nécessaire information de celui-ci sur les modalités et la finalité de l'opération envisagée dans sa globalité, et sa volonté de consentir au financement en considération des engagements pris en faveur du locataire par le fournisseur » ;
- d’autre part, même à supposer que l’interdépendance puisse s’inférer objectivement de l’existence d’une opération économique unique, il n’en demeure pas moins que les parties avaient fait ressortir leur volonté de rendre divisibles ces conventions ;
- enfin et de troisième part, l’évolution du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 amène à reconsidérer les critères de qualification de l’interdépendance contractuelle. À la lumière de l’article 1186 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L0892KZ3), les juges du fond auraient dû écarter l’interdépendance, faute pour le bailleur financier d’avoir pu prendre connaissance, et a fortiori accepter ce lien entre les contrats.

Sur les deux premiers plans, l’arrêt étudié paraît d’un grand conformisme. Visant l’article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L0857KZR) (ce qui peut sembler désarmant si l’on songe à la place faite à la volonté des parties), la Chambre commerciale affirme que « sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs et qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière », abstraction faite de toute « collaboration » ou « information », sans même parler de volonté. La Cour ne fait là que reprendre sa jurisprudence, fort discutée, de 2013.

Sur le dernier plan, l’arrêt offert au commentaire déçoit. Invitant la Haute juridiction à tenir compte de l’évolution du droit des obligations, et plus particulièrement de l’article 1186 nouveau du Code civil, le pourvoi lui donnait l’occasion, sinon d’amorcer un revirement, du moins d’éclairer le commentateur par un obiter dictum sur ce que serait sa position si l’article 1186 avait été applicable ratione temporis.

Las ! « Les contrats en cause ayant été conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, fixée au 1er octobre 2016, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes invoquées ». Ite missa (non) est : circulez, la Cour ne dira pas la messe. On ne saura donc pas si, à la lumière des textes nouveaux, la solution aurait ou non différé.

L’obscurité poursuit son règne sur l’interdépendance.

La Cour de cassation poursuit sa « marche forcée vers l’interdépendance contractuelle » [5], maintenant sa conception dite objective (I) et décevant les tenants d’une acception subjective de l’interdépendance (II).

I. L’objectivisme maintenu

Douchant les espoirs des tenants d’une vision subjective de l’interdépendance, reposant sur la volonté des parties, la Haute juridiction conserve, contre vents et marées, sa préférence pour l’objectivisme. L’interdépendance s’infère de certains critères. Si certains sont écartés (A), d’autres sont consacrés (B).

A. Les critères écartés

À en croire le pourvoi, l’interdépendance ne pouvait être déduite du seul constat objectif de l’existence d’une opération économique unique incluant un contrat de location financière. Encore fallait-il démontrer qu’avait été mise en place une collaboration préalable (1) ou, à tout le moins, une information préalable (2).

1) La collaboration préalable

Reprenons-ici les termes du pourvoi. Selon lui, « l’interdépendance suppose […] l'organisation préalable d'une collaboration entre le représentant de la société prestataire de services et le bailleur […] ».

L’assertion peut surprendre. Depuis son arrêt de Chambre mixte de 2013, la Cour de cassation n’accorde aucun crédit à ce critère de « collaboration préalable ». Du reste, on peut s’interroger sur le sens de l’expression. Qu’entend-on par « collaboration » entre le bailleur et le preneur ? Si le droit connaît le « devoir de collaboration » dans bien des domaines [6], il nous semblait que ce devoir de collaboration concernait surtout des contrats dont l’exécution supposait une collaboration renforcée des parties. Dira-t-on que l’association et les bailleurs financiers « collaboraient » tout au long du contrat ? On peut en douter. Où trouvera-t-on une « collaboration » entre la société CRV, en charge de la maintenance, et les bailleurs financiers ? Énigme.

Le doute se renforce quand on lit que cette collaboration devrait être « préalable ». Préalable à la conclusion du contrat de location financière ? Mais alors, s’agit-il de collaboration ou plus prosaïquement du devoir précontractuel d’information ?

Le pourvoi n’était pourtant pas si mal inspiré. Il puisait l’expression dans un arrêt inédit de 2008, lequel avait déduit l’interdépendance de deux contrats conclus à quelques jours d’intervalle du fait que « les contrats ont tous deux été proposés à la société Garage de l'Allumette par un préposé de la CEC désigné en qualité de fournisseur dans le contrat de crédit-bail, ce qui implique l'organisation préalable d'une collaboration entre les sociétés CEC et Locam […] » [7].

Dans son arrêt de 2021, la Cour de cassation n’accorde aucun crédit à l’argument, pourtant tiré de sa propre jurisprudence. Sans motivation aucune, elle se borne à affirmer que « sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sans que soient exigées, en outre, l'organisation préalable d'une collaboration entre le représentant de la société prestataire de services et le bailleur financier […] ».

On a connu des motivations plus riches, des attendus moins péremptoires.

Exit donc la « collaboration préalable ».

2) L’information préalable

Le même sort est réservé à l’information préalable du bailleur financier.

Non sans raison, le pourvoi soutenait que l’interdépendance ne peut s’inférer de la seule participation de plusieurs contrats à une opération économique unique incluant une location financière. Encore fallait-il, selon le pourvoi, caractériser « à tout le moins, la nécessaire information de celui-ci sur les modalités et la finalité de l'opération envisagée dans sa globalité, ainsi que sa volonté de consentir au financement en considération des engagements pris par le fournisseur envers le locataire ».

Pour le dire autrement, quand bien même l’ensemble contractuel inclurait une location financière, il n’est pas établi que le bailleur financier avait connaissance de l’existence du caractère global de l’opération projetée et avait consenti à celle-ci.

Il y a en réalité ici plus qu’une simple « information ». De la connaissance au consentement, il n’est qu’un pas, que le pourvoi franchit allègrement. Ce qu’il soutient, c’est que l’on ne saurait présumer la volonté du bailleur de rendre indivisibles les contrats. Si ledit bailleur n’a pas été informé de ce que la location financière n’était pas un contrat isolé mais s’inscrivait dans un cadre plus large, il ne peut y avoir consenti, et il serait injuste de faire peser sur lui les conséquences d’une situation ignorée.

On retrouve ici, de manière sous-jacente, l’idée exprimée par l’article 1186 in fine du Code civil, dont nous reparlerons infra.

Pour l’heure, on s’en tiendra à relever l’attendu sec de la Chambre commerciale, selon lequel l’interdépendance résulte de la seule existence de « contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sans que soient exigées, en outre […] la nécessaire information de celui-ci sur les modalités et la finalité de l'opération envisagée dans sa globalité, ainsi que sa volonté de consentir au financement en considération des engagements pris par le fournisseur envers le locataire ». 

Outre l’absence totale de motivation, aussi regrettable que l’exercice de recopie des termes du pourvoi, c’est le visa retenu qui dérange. La Cour de cassation fonde sa solution sur l’article 1134 ancien du Code civil. L’ironie est-elle à dessein ? Comment peut-on justifier la mise à l’écart de la volonté des parties, sans même parler du préliminaire au consentement qu’est l’information sur l’article 1134 du Code civil, siège de la volonté contractuelle ?

B. Les critères consacrés

Les propositions du pourvoi d’ajouter des conditions à la caractérisation de l’interdépendance ne recueillent pas l’approbation des hauts magistrats.

Ceux-ci s’en tiennent à deux considérations. L’une, théorique, nous semble contestable (1). L’autre, pratique, paraît plus solide (2).

1) Au plan théorique

L’attendu de la Cour de cassation prend tout d’abord un tour théorique, voire péremptoire. Renouant avec la position affirmée en 2013, la Chambre commerciale juge que « sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière ».

On ne dira rien du début de l’assertion. Que les contrats aient été conclus le même jour ou, comme au cas d’espèce, à trois jours d’écart est peu révélateur.

Ce qui appelle le commentaire est double, et paradoxal. La formulation nous paraît à la fois trop restrictive et trop large.

D’une part, la référence à la « location financière » donne un tour trop restrictif à la solution. Pourquoi distinguer celle-ci d’autres modes de financement, et en particulier du crédit-bail ? Si d’autres plus savants que nous pourront gloser sur les différences opposant ces deux contrats, il nous semble que la différence n’est que de degrés et non de nature, le crédit-bail comportant une option de vente qu’ignore la location financière. Partant, on peine à s’expliquer pourquoi la solution serait cantonnée aux « opérations incluant une location financière ». Si, comme on le croit, il s’agit surtout d’une question de politique jurisprudentielle, destinée à éviter qu’un débiteur se retrouve à payer un loyer pour un bien dont il ne dispose plus, alors le critère de déclenchement ne devrait pas tenir dans la qualification de « location financière ».

D’autre part, et le paradoxe se profile, la formulation retenue nous semble trop large. Pour tout dire, nous peinons quelque peu à voir au cas d’espèce l’interdépendance régir tous les contrats qui participaient à l’opération incluant la location financière. Qu’il puisse y avoir interdépendance entre la location financière et le contrat de fourniture s’entend (cf. 2. infra). Le terme d’interdépendance se justifie du reste entre ces deux contrats, par préférence à celui d’accessoire, ce qui permet aussi bien de justifier l’extinction de la location du fait de l’anéantissement du contrat de fourniture que l’inverse [8], puisque l’interdépendance est par définition réciproque.

Mais quid du contrat de maintenance conclu par l’association avec la société CRV ? En quoi ce contrat est-il interdépendant des deux autres ? On conçoit volontiers que si la fourniture prend fin, alors la maintenance n’a plus d’objet sur lequel s’exercer [9]. Mais si interdépendance est le mot, alors, en toute logique, la disparition du contrat de maintenance (pour vice du consentement, défaut de pouvoir ou de capacité, résiliation, inexécution, etc.) devrait emporter la caducité du contrat de fourniture et de celui de location financière. Qui le croira ?

2) Au plan pratique

Au plan pratique, l’arrêt appelle moins de réserves. La Cour de cassation fait ressortir l’imbrication des contrats de location financière et de fourniture / sponsoring. À cet égard, l’arrêt du 17 février 2021 semble supérieur à celui de 2013, au sujet duquel notre collègue Grégoire Loiseau écrivait à juste titre : « l'interdépendance n'a même pas à être caractérisée ; elle est en soi constituée par l'appartenance au groupe de contrats d'un contrat de location financière » [10].

D’une part, enseigne l’attendu de 2021, « le contrat de location financière était destiné à financer le matériel objet du contrat de fourniture/sponsoring ». Le lien est ici indéniable : l’objet (on n’ose dire la cause) du contrat de location financière était le financement du matériel objet du contrat de fourniture. Dit autrement, une unicité d’objet (au sens matériel du terme) s’évinçait des faits de l’espèce. Le contrat de location financière n’avait qu’un but : permettre au preneur à bail de financer les photocopieurs et ordinateurs mis à sa disposition.

D’autre part, ajoute l’attendu, « le coût des loyers incombant au locataire devait être compensé en partie par l'engagement financier pris par le fournisseur dans le cadre de ce même contrat de fourniture/sponsoring ». Le sponsor (la société VSD) versait une somme au fourni (l’association) dans le seul but du lui permettre de payer les loyers au bailleur financier.

Du cumul de ces deux facteurs, la cour d'appel a caractérisé une situation d'interdépendance entre ces deux contrats, avec l’approbation de la Haute juridiction. Il nous semble que, du seul point de vue objectif, le lien d’interdépendance entre le contrat de fourniture et celui de location financière prêtait peu à débat [11].

Mais fallait-il s’en tenir à cette seule acception objective ?

II. Le subjectivisme déçu

À l’instar de nombreux auteurs, nous estimons que l’imbrication objective qui peut exister entre deux contrats ne justifie pas, à elle seule, l’interdépendance contractuelle. Ou, pour le dire autrement, que l’interdépendance n’est pas « d’ordre public » [12] mais doit pouvoir relever de la volonté des parties.

En dépit d’indéniables raisons d’espérer (A), c’est le désespoir (B) qui l’emporte à la lecture de l’arrêt.

A. Les raisons de l’espoir

Deux raisons permettaient d’espérer un aggiornamento de la Cour de cassation : d’une part, les stipulations contractuelles (1), qui semblaient instituer une forme de divisibilité des conventions ; d’autre part, le changement rédactionnel (2) résultant de l’ordonnance du 10 février 2016.

1) Les stipulations contractuelles

L’arrêt de Chambre mixte de 2013 avait suscité en doctrine de vives réactions. Nombreux étaient les auteurs à regretter que la Cour de cassation dénie toute portée à la volonté des parties. On s’en souvient, l’arrêt de 2013, après avoir défini l’interdépendance de manière objective, avait ajouté « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » [13].

L’assertion dérange. Comme l’expose notre collègue Sarah Bros, « il est impossible d'écarter le rôle de la volonté dans les groupes de contrats. En effet, il n'existe pas de contrats objectivement interdépendants : si les contrats le sont c'est parce que les parties l'ont voulu » [14].

L’arrêt du 17 février 2021, par contraste, ne dit rien des clauses prétendument « inconciliables avec cette interdépendance » [15]. Il était donc permis d’espérer.

Le pourvoi incident, celui du CM-CIC, faisait valoir dans sa première branche que « les conditions générales du contrat de location financière stipulaient que le choix du matériel incomberait au seul locataire, ainsi que celui-ci renonçait à ses recours contre le bailleur en cas de défaut affectant la chose mise à bail ».

Partant, il faisait grief à la cour d’appel de n’avoir point recherché « s'il résultait des stipulations des Conditions générales que la commune intention des parties avait été de rendre les obligations (sic) divisibles » [16].

On le concèdera bien volontiers, la clause invoquée par le pourvoi ne stipule pas expressément que les conventions étaient divisibles. Elle figurait en outre aux conditions générales du bailleur financier et non directement dans la convention le liant à l’association.

Il n’en demeure pas moins qu’en interdisant au locataire d’exciper contre le bailleur de « tout défaut affectant la chose », on peut raisonnablement inférer que les parties avaient tenté d’isoler les contrats. À en suivre le pourvoi, la clause instituait donc une indivisibilité entre les contrats de location financière et de fourniture.

On regrettera donc le silence conservé par la Haute juridiction. En premier lieu, elle ne reprend pas intégralement la solution de 2013. Faut-il en déduire que les clauses de divisibilité sont aujourd’hui admissibles ? En second lieu, la Cour ne répond pas au pourvoi. Ni que l’argument est inopérant, ni que la volonté des parties est indifférente, ni que la clause serait inconciliable avec l’économie générale de l’opération envisagée.

2) Le changement rédactionnel

La seconde raison d’espérer tient dans la loi. L’ordonnance du 10 février 2016 a consacré la notion d’interdépendance à l’article 1186 du Code civil, dans une sous-section relative à la caducité.

Le texte nouveau dispose, en ses alinéas 2 et 3 : « Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ».

Le pourvoi incident faisait grand cas de ce changement rédactionnel. À l’en croire, « l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment les critères de qualification de l'interdépendance contractuelle, lesquels imposent que lorsqu'elle ne résulte pas de l'impossibilité d'exécuter le contrat, la caducité ne puisse être prononcée que du fait de la disparition d'un premier contrat dont l'exécution était déterminante du consentement de la partie qui s'en prévaut ; que le caractère déterminant d'un motif doit être connu par le contractant auquel il est opposé ».

Le moyen principal, sans se prévaloir expressément de ce changement textuel, disait peu ou prou la même chose, en soutenant que l’interdépendance ne pouvait exister que lorsque le bailleur financier a eu « connaissance » du caractère global de l’opération envisagée et y a consenti.

Pour s’en tenir au seul pourvoi incident, force est de reconnaître qu’il proposait à la Cour une occasion unique de faire évoluer sa jurisprudence « à la lumière » du droit nouveau.

Certes, l’article 1186, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, était inapplicable ratione temporis à des contrats conclus en 2013. Certes, la loi de ratification du 20 avril 2018 a fait interdiction aux juges d’appliquer par anticipation la réforme de 2016 à des contrats antérieurs au 1er octobre 2016, fût-ce sous couvert d’ordre public ou d’effets légaux du contrat. Mais elle n’a rien dit de l’interprétation « à la lumière » des textes nouveaux, technique qui permet opportunément à la Cour de cassation d’appliquer officiellement les textes anciens, mais en leur donnant le sens prodigué par les textes nouveaux [17].

Pour le dire autrement, la Cour aurait pu se saisir de cette opportunité. Si elle l’avait voulu, elle aurait pu appliquer par anticipation l’article 1186 à cette opération économique globale.

Elle n’en fait rien. « Les contrats en cause ayant été conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, fixée au 1er octobre 2016, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes invoquées par les première et deuxième branches du moyen », juge-t-elle.

Si l’orthodoxie semble de mise eu égard à l’article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4), on regrette vivement que la Chambre commerciale ait jugé le pourvoi « inopérant ». On aurait apprécié de savoir, fût-ce par un obiter dictum, ce qu’aurait été la position de la Cour si le texte avait été applicable.

B. Les raisons du désespoir

Aux deux raisons d’espérer, répondent deux raisons de désespérer à la lecture de l’arrêt. Non seulement, la volonté est niée (1) mais en outre, la loi est refoulée (2).

1) La volonté niée

L’arrêt juge la volonté des parties « inopérante ».

Sans revenir sur le visa, pour le moins hétérodoxe, de l’article 1134 ancien du Code civil, on s’arrêtera sur cette négation de la volonté des parties.

Dans l’arrêt de Chambre mixte de 2013, la volonté des parties était combattue [18]. La Haute juridiction avait affirmé que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » [19]. Ainsi, peu importe ce que les parties avaient stipulé, l’interdépendance objective triomphait.

Cette mise à sac de la volonté contractuelle avait suscité bien des critiques. En l’absence de tout texte d’ordre public instituant une interdépendance contractuelle [20], pourquoi prohiber ce qui n’est en réalité qu’une sorte de clause d’acceptation des risques [21] ? Ce d’autant qu’au cas d’espèce, le cocontractant-pivot (l’association) n’est pas victime de l’anéantissement du contrat de fourniture, mais acteur de celui-ci, et prétend bénéficier par effet « domino » [22] de l’anéantissement de tout l’ensemble contractuel.

Nonobstant les griefs que l’on peut formuler à l’endroit de la solution de 2013, a minima, la Cour de cassation se fendait d’un mot sur le sort de ces clauses.

Au cas d’espèce, la Cour n’en dit rien. Le pourvoi soutenait que les conditions générales du bailleur financier instituaient une divisibilité des conventions, déduite de la renonciation à recours contre le bailleur en cas de défaut de la chose louée ? Aucune réponse n’y est apportée.

Il y avait pourtant matière à discussion. La clause était-elle dans le champ contractuel ? Était-elle opposable à tous les tenants de l’opération ? Instituait-elle une divisibilité des conventions ? Une stipulation tacite suffit-elle ou bien requiert-on une clause de divisibilité expresse pour faire échec à l’interdépendance ? Une clause de divisibilité n’est-elle valable qu’entre deux professionnels ou peut-elle être opposée à un non-professionnel comme une association ? La clause de divisibilité peut-elle, à la supposer valable, faire échec à tout type d’interdépendance (cf. infra) ?

Silence.

Assourdissant.

Aucune réponse de la Chambre commerciale.

La volonté des parties est bien peu de chose.

2) La loi refoulée

On l’a vu, la Cour de cassation écarte d’un revers de la main le pourvoi qui l’invitait à revoir sa définition de l’interdépendance « à la lumière » de l’article 1186 nouveau du Code civil. Ce refoulement est d’autant plus brutal que la Cour juge « inopérantes » les recherches qu’auraient dû mener les juges du fond aux yeux du pourvoi. Ces recherches prétendument « inopérantes » portaient sur la volonté des parties.

Tenir compte des lumières de l’article 1186 du Code civil aurait pourtant conduit la Cour à accorder une place plus importante à la volonté. Encore faut-il affiner pour mieux s’en convaincre.

L’alinéa 2 de l’article vise deux hypothèses de caducité [23]. D’une part, celle dans laquelle la disparition d’un contrat rend « impossible » l’exécution de l’autre. C’est, si l’on ose dire, l’archétype de l’interdépendance. Dans cette situation, l’interdépendance existe à l’état pur, puisque chaque contrat ne peut s’exécuter sans le support de l’autre.

D’autre part, le texte envisage une seconde hypothèse. Celle dans laquelle « l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie ».

Il nous semble que cette hypothèse relève d’une forme d’interdépendance moins accusée, moins pure. Ici, l’interdépendance ne s’infère pas de l’impossibilité objective d’exécuter un contrat sans l’autre. Elle procède de la volonté des parties de lier les conventions. Pour le dire autrement, l’exécution d’un contrat sans l’autre est matériellement possible, mais sans intérêt.

À notre sens, la location financière relève de cette catégorie. Il était matériellement possible au locataire de continuer à payer ses loyers, sans pour autant jouir des photocopieurs financés. Mais cette poursuite du contrat de location financière était, sinon impossible, du moins dénuée d’intérêt [24].

Dans cette dernière hypothèses, l’interdépendance n’est pas objective mais, nous semble-t-il, subjective, puisque ce sont les parties qui l’ont instaurée. Ce qu’elles ont fait, ne pouvaient-elles le défaire ?

C’est en ce sens que l’alinéa 3 de l’article 1186 poursuit : « La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ».

Le pourvoi méritait mieux que ce revers de la main. Quand bien même l’article 1186 serait inapplicable ratione temporis, il est regrettable que, cinq ans après l’adoption de ce texte nouveau, la Cour se refuse à dire comment elle entend l’appliquer.

Perseverare diabolicum


[1] Cass. com, 17 février 2021, n° 19-13.903, F-D, objet du présent commentaire ; et Cass. com, 17 février 2021, n° 19-19.421 (N° Lexbase : A62244HY).

[2] D. Houtcieff, Les incohérences de l’interdépendance, Gaz. Pal. 2013, n° 185.

[3] Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 (N° Lexbase : A4414KDT).

[4] X. Delpech, Interdépendance contractuelle : mise en échec de la clause de divisibilité, Dalloz Actualité 22 mai 2013 ; comp. S. Bros, L'interdépendance contractuelle, la Cour de cassation et la réforme du droit des contrats, D. 2016, p. 29 : « Un consensus s'est rapidement fait à propos de ce qu'est l'interdépendance contractuelle : plusieurs contrats participant à une opération économique d'ensemble, qui ne peuvent que coexister ou disparaître simultanément. Il est étrange qu'une notion claire et utile ait donné lieu à un contentieux si fourni depuis plus de trente ans ».

[5] Nous empruntons l’expression à notre collègue Y.-M. Laithier, RDC 2013, n° 4, p. 1331.

[6] Voir par exemple Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 14-17.096, F-D (N° Lexbase : A8552NH9), au sujet du devoir de collaboration entre un client et son avocat.

[7] Cass. com., 15 janvier 2008, n° 06-15.612, F-D (N° Lexbase : A7633D34). L’arrêt semble cependant consacrer une vision subjective de l’interdépendance, déduisant de ces constats objectifs une volonté supposée des parties.

[8] Voir en ce sens, pour la juridiction administrative, TA Bordeaux, 20 janvier 2020, n° 1802882, Sté TAB c/ Cne Saint-Sulpice de Faleyrens, JCP A n° 41, 12 octobre 2020, 2259, permettant l’extinction d’un contrat de mise à disposition de photocopieurs résultant de la résiliation pour motif d’intérêt général d’un contrat de location financière.

[9] Il n’est du reste pas certain que la caducité repose nécessairement sur l’interdépendance. La disparition de l’objet suffit, comme en matière de bail, à emporter caducité de l’engagement. Tel est le sens de l’article 1186, alinéa 1er, du Code civil, selon lequel « un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît ». Sur ce point, v. également L. Thibierge, Le contrat face à l’imprévu, Economica, 2011, préf. L. Aynès, n° 116 et s.

[10] G. Loiseau, L'interdépendance contractuelle, une objectivité à effet libérateur, Communication Commerce électronique n° 7-8, juillet 2017, comm. 61.

[11] On ne dira pas la même chose du contrat de maintenance.

[12] Reprenant en cela l’expression de notre collègue H. Barbier, Le point sur l'interdépendance contractuelle, son empire et ses fonctions, RTD civ. 2017, p. 846 ; rappr. Y.-M. Laithier, La marche forcée vers l'interdépendance contractuelle, RDC 2013, n° 4, p. 1331 : « on se demande quelles valeurs nécessaires à l'ordre social l'interdiction de stipuler de telles clauses est censée défendre – ce qui est pourtant la fonction de l'ordre public, fût-il de protection ».

[13] Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 (N° Lexbase : A4414KDT).

[14] S. Bros, Les contrats interdépendants : actualités et perspectives, D. 2009. 960.

[15] On fait ici volontairement abstraction de l’incise « ainsi que sa volonté de consentir au financement en considération des engagements pris par le fournisseur envers le locataire », qui ne constitue en réalité qu’une reprise in extenso du pourvoi.

[16] La référence aux « obligations » plutôt qu’aux « conventions » surprend.

[17] Voir par ex. Ch. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411 (N° Lexbase : A8476TNA) ; sur ce mouvement, voir notamment T. Girard Gaymard, L'incidence du renouvellement des sources du droit des obligations sur son interprétation, RTD civ. 2020, 779.

[18] Comp. X. Delpech, op. cit., au sujet de l’arrêt de 2013 : « La volonté des parties est passée sous silence. Mais c’est en réalité plus que cela. Elle est niée, comme si l’indivisibilité objective la tenait en échec ».

[19] Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 (N° Lexbase : A4414KDT).

[20] En ce sens, J.-B. Seube, note sous Cass. com. 12 juillet 2017, n° 15-23.552, FP-P+B+R+I, Cassation (N° Lexbase : A6548WMH), RDC 2017. 48 : « Quant au choix de l'interdépendance, nous nous contentons de renvoyer aux critiques déjà émises à l'encontre de cette solution qui, créant une indivisibilité purement objective entre les contrats, confisque aux contractants le pouvoir de lier ou de délier leurs conventions. Dès lors qu'aucun texte (à la différence du crédit à la consommation ou du crédit immobilier) ne prohibe de tels aménagements, il ne nous semble pas qu'il revienne au juge le pouvoir de censurer une clause qui ne fait que répartir les risques entre les contractants ».

[21] En ce sens, L. Aynès, Dr. et patr. juin 2011 ; adde. H. Barbier, La liberté de prendre des risques, préf. J. Mestre, PUAM, 2011, n° 371 et s.

[22] B. Fages, Droit des obligations, 7e éd., LGDJ, 2017, n° 222.

[23] En ce sens, B. Waltz-Teracol et M. Bacache, Répertoire civil Dalloz V° « Indivisibilité », n° 84 et s..

[24] En ce sens, G. Loiseau, op. cit..

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Covid-19

[Pratique professionnelle] Les enjeux de la vaccination en entreprise contre la Covid-19

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N7332BY9

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par Sébastien Cardoso, avocat et Benjamin Kantorowicz, docteur en droit, avocat of counsel, Fromont Briens

Le 28 Avril 2021

 


Mots clefs : vaccination • covid 19 • médecin du travail • service de santé au travail • protocole national • référent covid • accident du travail • campagne vaccinale • risques vaccination • obligation vaccination • modalités vaccination • épidémie • stratégie vaccinale • information vaccination • confidentialité • passeport vaccinal • refus vaccination • effets secondaires • ONIAM • contre-indication médicale

Les pouvoirs publics sollicitent avec insistance le soutien des entreprises privées et publiques pour mettre en œuvre la stratégie nationale de vaccination contre la Covid-19. Facultative sur le principe, la vaccination en entreprise est strictement encadrée par un protocole régulièrement mis à jour par le ministère du Travail. Si elles entendent répondre à l’appel et contribuer à l’intérêt collectif de santé publique, les entreprises doivent néanmoins avoir pleinement conscience de leurs réels droits et devoirs ainsi que des risques auxquels elles s’exposent en matière de vaccination.


 

« Je pense qu'ils [les entreprises] sont, enfin je suis sûre, qu'ils sont prêts à le faire, les organisations syndicales aussi, donc c'est une autre façon de pouvoir se faire vacciner, mais je vous dis, là c'est une première étape, quand on permettra de, enfin quand on donnera accès au vaccin à tous les adultes, alors les entreprises pourront vraiment monter en puissance et faire ce qu'elles font avec la vaccination contre la grippe » [1].

► La question de la vaccination en milieu professionnel n’est pas nouvelle.

La vaccination contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite a été rendue obligatoire pour les personnes travaillant dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, qui exercent une activité professionnelle les exposant ou exposant les personnes dont elles sont chargées à des risques de contamination (CSP, article L. 3111-4 N° Lexbase : L0049LD8) [2].

Après avoir été imposée pour les professionnels travaillant au contact de personnes fragiles dans les établissements ou organismes publics et privés concernés [3], l’obligation vaccinale contre la grippe saisonnière a été suspendue en 2006 même si elle demeure fortement recommandée par la Haute Autorité de Santé.

Entre 2009 et 2010, lors de la pandémie grippale H1/N1, les entreprises ont été invitées à soutenir la politique vaccinale nationale du Gouvernement en proposant de vacciner leurs salariés et leurs familles. Dans ce cadre, les entreprises volontaires devaient signer une convention avec les pouvoirs publics, lesquels mettaient ensuite à disposition des vaccins et le matériel nécessaire, à charge pour les employeurs d’organiser la mise en œuvre pratique des vaccinations.

► L’ampleur de la pandémie actuelle de la Covid-19 a de nouveau poussé les pouvoirs publics à associer les entreprises privées et publiques à la stratégie nationale de vaccination.

Les missions des services de santé au travail ont été élargies par une ordonnance du 2 décembre 2020, complétée par un décret du 22 janvier 2021 [4] et modifiée par une nouvelle ordonnance du 10 février 2021 [5].

Sous réserve de nouvelles adaptations des textes, ceux-ci ont désormais pour prérogatives, jusqu’au 1er août 2021, de participer à la lutte contre la propagation du covid-19 en diffusant des messages, de prévention contre le risque de contagion, à l'attention des employeurs et des salariés, mais également en contribuant aux actions de dépistage et de vaccination définies par l'État [6].

Cette participation à la stratégie vaccinale s’est concrétisée par la diffusion, le 16 février 2020, d’un protocole de vaccination au moyen des vaccins AstraZeneca et Jansen à l’attention des médecins du travail, lequel a été actualisé le 14 avril dernier.

Elle s’est également manifestée par l’élaboration d’un « questions-réponses » du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, publié en ligne le 25 février 2021.

La sollicitation des entreprises à cette politique de vaccination s’inscrit dans un contexte d’urgence sanitaire où l’intérêt des pouvoirs publics est avant tout d’agir au plus vite pour lutter contre la propagation du virus et défendre un intérêt collectif de santé publique.

Mais aux delà de ces enjeux, quels sont les réels droits et devoirs de l’entreprise en matière de vaccination contre la Covid-19 ?

Il convient d’abord d’analyser les obligations auxquelles sont soumises l’entreprise en matière de vaccination contre la Covid-19 (I.), pour pouvoir ensuite déterminer les risques auxquels pourrait s’exposer l’employeur en participant à la vaccination de ses salariés (II.).

I. Quelles sont les obligations de l’entreprise en matière de vaccination contre la Covid-19 ?

Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, les employeurs et les services de santé au travail ne sont pas légalement contraints de mettre en œuvre la stratégie vaccinale gouvernementale. Ils sont uniquement incités à diffuser des informations sur la vaccination contre la Covid- 19 et à participer à la vaccination des salariés.

La liberté de l’entreprise de contribuer ou non à la campagne de vaccination est néanmoins relative (A.). Lorsqu’elle y est mise en œuvre, elle doit être encadrée pour respecter les droits et les libertés des salariés (B.).

A. Le choix pour l’employeur de recommander la vaccination à ses salariés : une liberté relative

► En France, l’employeur n’est tenu d’imposer la vaccination à ses salariés que dans des secteurs spécifiques au sein desquels un certain nombre de vaccins sont rendus obligatoires par l’article L. 3111-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0049LD8).

À ce jour, la vaccination contre la Covid-19 n’est pas légalement obligatoire. Elle est seulement encouragée [7].

L’employeur dispose donc, en principe, d’une certaine marge de manœuvre, notamment pour contribuer à la campagne vaccinale actuellement menée par le ministère de la Santé.

Ce n’est pas le cas des médecins du travail qui doivent, pour leur part, dans le cadre de leurs missions, participer chaque année à la mise en œuvre politique vaccinale du pays comme le prévoit le Code de santé publique [8].

► Néanmoins, cette liberté de l’employeur de contribuer à la campagne de vaccination est relative.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY), l’employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et, dans ce cadre, de prévenir les risques professionnels.

L’article R. 4426-6 du Code du travail (N° Lexbase : L0901IAM) prévoit également que « l'employeur recommande, s'il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées ».

Compte tenu de ces dispositions, l’employeur semble très fortement incité à respecter le protocole vaccinal notamment concernant la diffusion des informations auprès de son personnel, sauf à prendre le risque de voir sa responsabilité engagée.

► On peut également s’interroger sur le rôle et l’association du comité social et économique (« CSE ») dans la mise en œuvre de cette campagne vaccinale au sein de l’entreprise.

En raison de leurs attributions générales notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail [9], le CSE, et plus particulièrement la commission santé, sécurité et conditions de travail, a nécessairement un rôle à jouer dans la diffusion des informations sur la vaccination au sein de l’entreprise.

Compte tenu de ces missions, il pourrait d’ailleurs être opportun que les modalités de diffusion soient établies en concertation avec les représentants du personnel et à tout le moins avec le référent covid-19 qui doit en principe avoir été désigné au sein de chaque entreprise, conformément au protocole sanitaire national diffusé par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle [10].

B. La mise en œuvre de la vaccination par l’entreprise : une décision encadrée

► En France, les médecins du travail sont engagés dans une campagne riche en inconnues, nécessitant un travail préparatoire important.

La mise en œuvre de la vaccination doit être volontaire et respecter strictement le principe de confidentialité.

Le « questions-réponses » du ministère du Travail rappelle à ce titre que l’information relative à la vaccination émise par l’employeur à ses salariés « doit indiquer de manière explicite que cette vaccination repose sur le principe du volontariat et s’inscrit dans la campagne de vaccination définie par les pouvoirs publics » [11].

Comme le médecin traitant, le médecin du travail doit donc obtenir le consentement éclairé du salarié avant de pratiquer l’acte vaccinal, raison pour laquelle un entretien médical préalable est rendu obligatoire avant la première injection (CSP, art. R. 4127-35 N° Lexbase : L1223ITH et R. 4127-36 N° Lexbase : L6348K9Y).

► Non contraignante, la vaccination contre la Covid-19 ne peut donc être imposée à un salarié.

En cas de refus, aucune sanction disciplinaire ne peut être engagée à son encontre.

L’employeur ne peut pas non plus décider d’écarter le salarié de son poste, motif pris de ce seul refus, y compris en maintenant son salaire.

Aux termes du protocole, le médecin du travail ne saurait également déclarer un salarié inapte du seul fait de son refus de se faire vacciner contre la Covid-19 [12].

Pourtant, la question pourrait se révéler délicate, dans certains cas, notamment lorsqu’est concerné un salarié amené à effectuer de nombreux déplacements professionnels à l’étranger dans le cadre de ses fonctions contractuelles.

Si, dans avenir proche, un « passeport » ou un « certificat » de vaccination devenait nécessaire pour se rendre dans certains pays [13], le salarié pourrait se retrouver de facto dans l’incapacité d’exécuter ses missions.

Dans ces conditions, l’employeur ne disposerait-il pas d’une marge de manœuvre plus importante pour imposer la vaccination ou plus exactement sanctionner le salarié en cas de refus ?

À notre connaissance, la Chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas encore été confrontée à cette difficulté. Sa décision l’obligera inévitablement à mettre en balance la liberté de consentement à l’acte vaccinale et les obligations contractuelles découlant d’un contrat de travail auquel le salarié a librement consenti.

La cour d’appel de Paris a, pour sa part, déjà été confrontée à la problématique d’un salarié amené à effectuer des déplacements professionnels réguliers et refusant de se faire vacciner contre la fièvre jaune en invoquant une contre-indication médicale. Dans ces conditions, tenant compte de l’existence d’une contre-indication médicale, les juges considèrent que l’employeur ne pouvait sanctionner le salarié pour son absence de déplacement en raison de son refus d’être vacciné [14].

A contrario, serait-il alors possible de considérer qu’en l’absence de contre-indication médicale, l’employeur serait en droit de sanctionner le salarié refusant de se faire vacciner et par conséquent d’effectuer le déplacement professionnel dans un pays étranger conformément à son contrat de travail ?

La réponse n’est pas évidente et serait, dans tous les cas, sujette à critique.

► Organisateur, l’employeur n’est pas moins tiers dans cette opération vaccinale. Les dispositions relatives au secret médical s’appliquent aux services de santé au travail (CSP, art. L. 1110-4 N° Lexbase : L1611LII, R. 4127-4 N° Lexbase : L8698GTC et R. 4127-95 N° Lexbase : L2609HWK). Le protocole pour la vaccination des médecins du travail rappelle à cet égard que « le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris » [15].

L’employeur ne pourra donc avoir accès, stocker ou utiliser les informations transmises par les services de santé au travail. Aucune statistique ne devrait ainsi pouvoir être réalisée afin de déterminer le pourcentage de salariés vaccinés dans une entreprise. Cela supposerait en effet que le médecin du travail communique le nombre de salariés vaccinés au sein de l’entreprise, ce qui pourrait éventuellement permettre à l’employeur d’identifier les personnes n’ayant pas reçu cette vaccination.

Enfin, pour garantir au mieux le respect d’une stricte confidentialité, la Direction générale du travail préconise également que la vaccination soit effectuée, autant que possible, en dehors des locaux de l’entreprise afin de réduire au maximum la vision des employeurs sur les éventuelles personnes allant se faire vacciner.

Dans son « questions/réponses », le ministère du Travail rappelle d’ailleurs que le salarié qui s’absente pour aller se faire vacciner en service de santé au travail doit uniquement aviser son employeur d’une visite médicale sans en préciser le motif.

II. Quels sont les risques pour l’employeur de la vaccination en entreprise ?

A. L’accident du travail

► Selon l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD), est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs. Trois conditions sont nécessaires pour que cette présomption d'imputabilité de l'accident au travail puisse être appliquée : un fait accidentel, la survenance de ce fait au temps et au lieu du travail, et l'apparition d'une lésion en lien avec ce fait accidentel.

La Cour de cassation est venue renforcer cette présomption d'imputabilité au travail en précisant que cette dernière s'applique dès lors que l’accident se produit au cours d'un événement, d'une activité en lien avec le contrat de travail du salarié [16] ou au temps et au lieu de travail [17].

► S’agissant des lésions provoquées par une vaccination, la Cour de cassation considère de manière constante que celles-ci sont prises en charge au titre de la législation sur les accidents du travail dès lors que la vaccination est imposée en raison de l’activité professionnelle du salarié [18].

Dans un arrêt rendu le 25 mai 2004, la Cour de cassation a également retenu la qualification d’accident du travail pour une maladie déclarée à la suite d’une vaccination effectuée par un médecin traitant sur recommandation du médecin du travail, et ce bien que cette vaccination n’était pas rendue obligatoire par les dispositions légales et avait au surplus été effectuée en dehors du lieu de travail [19].

Il s’agissait en l’occurrence d’un comptable au sein d’une maison de retraite dont la vaccination contre l’hépatite B n’était pas expressément prévue par le Code de santé publique, mais avait été recommandée par le médecin du travail à titre préventif. Pour la Cour de cassation, cette recommandation du médecin du travail suffit pour considérer que la vaccination litigieuse est un acte médical imposé par l’emploi.

Il semble donc possible de s’interroger sur la prise en charge des éventuels effets secondaires liés au vaccin contre le covid-19 au titre de la législation sur les accidents du travail dès lors qu’il serait recommandé par le médecin du travail du fait de l’activité d’un salarié (postes particulièrement exposés, salariés amenés à se déplacer fréquemment, etc.) ou d’un état spécifique de vulnérabilité.

► Cela étant, le Gouvernement se veut « rassurant » et précise au sein de son questions/réponses que « les éventuels effets indésirables provoqués par la vaccination seront pris en charge dans ce cadre et le salarié doit adresser directement sa demande à l’ONIAM » [20].

Ainsi, sans se positionner clairement sur la possibilité que les éventuels effets secondaires puissent faire l’objet d’une déclaration en accident du travail, le gouvernement incite les salariés déplorant un accident médical à se tourner vers l’ONIAM (« Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux ») pour obtenir réparation.

Il sera toutefois rappelé que ce document, diffusé par le ministère, est dépourvu de valeur légale. En l’état actuel du droit positif, il n’existe aucune garantie que les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ou les tribunaux qui seront saisis de la question considèrent, sur la base de cette déclaration, que seule l’ONIAM serait habilitée à indemniser les effets secondaires liés à cette vaccination.

Et pour cause, la législation du Code de la santé publique sur la réparation des préjudices liés aux vaccinations obligatoires (et donc la prise en charge par l’ONIAM) ne fait pas obstacle à l'action afférente à un accident du travail [21].

Le risque que les éventuels effets secondaires liés aux vaccinations effectuées et/ou recommandées par le médecin du travail puissent être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ne peut donc être totalement exclu.

B. La faute inexcusable

Selon le Code de la Sécurité sociale, l'indemnisation forfaitaire du salarié peut être augmentée par une indemnisation complémentaire fondée notamment sur la faute inexcusable de l'employeur.

La démonstration de l'existence d'une faute inexcusable suppose la réunion de deux conditions : la conscience du danger par l'employeur et l'absence de mesure prise pour en protéger les salariés.

Qu’en est-il si un salarié contracte la Covid-19 dans une entreprise qui n’a pas participé à la campagne de vaccination ? Une faute inexcusable de l’employeur pourrait-elle être reconnue ?

À notre sens, l’absence de participation de l’employeur à l’effort vaccinal ne saurait, à lui seul, être constitutive d’une faute inexcusable.

Selon notre analyse, le débat judiciaire tiendra plus à la démonstration des mesures prises par l'employeur pour préserver ses salariés de ce risque. Les juridictions seront amenées à vérifier si l’employeur a bien fourni des masques, des gels hydroalcooliques et mis en place le télétravail lorsque cela était possible.


[1] Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, à Europe 1, le 23 février 2021, sur la vaccination contre le coronavirus en entreprise, la réforme de l'assurance chômage et la prolongation des mesures de chômage partiel.

[2] La liste des établissements ou organismes concernés est fixée par un arrêté du 15 mars 1991, modifiée le 29 mars 2015.

[3] Décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 (N° Lexbase : L9065HSK).

[4] Décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021, adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l’urgence sanitaire (N° Lexbase : L8978LZK).

[5] Ordonnance n° 2021-135 du 10 février 2021, portant diverses mesures d'urgence dans les domaines du travail et de l'emploi (N° Lexbase : L1251L3Q).

[6] Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020, adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire (N° Lexbase : L8586LYN), article 1er.

[7] V. en ce sens C. Alonso, Pourrions-nous être obligés à la vaccination ?, Petites Affiches, janvier 2021, n° 21.

[8] CSP, art. L. 3111-1 (N° Lexbase : L8876LH9).

[9] C. trav., art. L. 2312-8 (N° Lexbase : L8460LGG) et L. 2312-9 (N° Lexbase : L8242LGD).

[10] V. en ce sens M. Granier-Guillemarre et A. Frelat, Vaccination contre la Covid-19 : comment impliquer les représentants du personnel ?, Les Cahiers Lamy du CSE, janvier 2021, n° 210.

[11] https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/vaccination-par-les-services-de-sante-au-travail.

[12] Protocole pour la vaccination par les services de santé au travail au moyen des vaccins « Astrazeneca » et « Janssen », dans sa version du 14 avril 2021.

[13] Le 12 décembre 2020, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a adressé une lettre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Layen, dans laquelle il propose la mise en place d'un certificat « standardisé » de vaccination. L’État d’Israël a, par exemple, déjà pour sa part rendu obligatoire la présentation d’un justificatif de vaccination, ou à tout le moins une preuve de guérison de la maladie, pour entrer sur son territoire.

[14] Au sujet du vaccin contre la fièvre jaune, non obligatoire pour rentrer sur le territoire Sénégalais : CA Paris, 28 juin 2017, nº 14/06471 (N° Lexbase : A4225WL3).

[15] Protocole pour la vaccination par les services de santé au travail au moyen des vaccins « Astrazeneca » et « Janssen », dans sa version du 14 avril 2021.

[16] Cass. civ. 2, 6 juillet 2017, n° 16-20.119, F-P+B (N° Lexbase : A8380WLX).

[17] Cass. soc., 15 novembre 2001, n° 99-21.638 (N° Lexbase : A0981AXM).

[18] Cass. soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, publié (N° Lexbase : A6375A7A) ; Cass. civ. 2, 6 octobre 2016, n° 15-25.924, F-P+B (N° Lexbase : A4297R7B).

[21] Cass. civ. 2, 22 mars 2005, n° 03-30.551, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3893DHN) ; CSP, art. L. 3111-9 (N° Lexbase : L8875LH8).

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Droit des biens

[Brèves] Indivision : attention au point de départ de la prescription de la créance sur l’indivision revendiquée par l’indivisaire ayant réglé les échéances d’emprunt !

Réf. : Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.313, FS-P (N° Lexbase : A81214PH)

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N7358BY8

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 28 Avril 2021

► Le point de départ de la prescription de la créance sur l’indivision revendiquée par l’indivisaire ayant réglé l'intégralité des échéances de l'emprunt bancaire ayant permis l’acquisition du bien indivis, n’est pas la date du partage, mais le paiement de chaque échéance.

En l’espèce, des concubins avaient acquis en indivision une maison d'habitation et de commerce et souscrit conjointement, à cette fin, un emprunt bancaire.

Après ouverture du partage judiciaire de cette indivision, l'immeuble indivis avait été vendu et le solde de l'emprunt, remboursé. Les parties n’ayant pu s’accorder sur la répartition du reliquat du prix, le notaire désigné avait, le 18 décembre 2014, dressé un procès-verbal de difficultés. Le 20 juin 2016, le concubin avait assigné son ex-concubine pour obtenir, notamment, sa condamnation au paiement de la moitié des sommes versées par lui seul en remboursement de l'emprunt. Celle-ci lui avait opposé la prescription de ses demandes.

Elle obtiendra gain de cause.

Décision cour d’appel. Pour déclarer recevable l’ensemble des demandes du concubin, la cour d’appel de Metz (CA Metz, 2 avril 2019, n° 17/01822 N° Lexbase : A9261Y77) avait relevé que celui-ci revendiquait une créance sur l’indivision à raison du paiement de l'intégralité des échéances de l'emprunt bancaire du mois de décembre 2001 au mois de mars 2013 inclus.

Elle énonçait qu’il résultait des termes mêmes de l’article 815-13 du Code civil (N° Lexbase : L1747IEG) que l'indemnité due à l’indivisaire s’appréciait à la date du partage ou de l’aliénation du bien indivis, indépendamment de la date à laquelle les impenses avaient été exposées.

La cour relevait que le partage avait été ordonné le 2 avril 2013, que le bien avait été vendu le 31 juillet 2014, et que la prescription avait été interrompue par le procès-verbal de difficultés et par l’assignation.

Cassation. Le raisonnement est censuré par la Cour régulatrice qui relève qu’il résulte des articles 815-13 et 815-17, alinéa 1er (N° Lexbase : L9945HNN), du Code civil qu’un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l’indivision et être payé par prélèvement sur l’actif indivis, avant le partage ; cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun édictées par 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC).

Dès lors, selon la Cour suprême, la créance revendiquée par l’intéressé était exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commençait à courir (à rapprocher de : Cass. civ. 1, 26 juin 2013, n° 12-11.818, F-P+B N° Lexbase : A2994KIQ)

 

newsid:477358

Environnement

[Brèves] Retrait d'une association communale de chasse agréée par des associations de propriétaires : premier renvoi par le CE d’une demande d’avis consultatif à la CEDH

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 avril 2021, n° 439036, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A55294PH)

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N7274BY3

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par Yann Le Foll

Le 28 Avril 2021

Pour la première fois, le Conseil d’État adresse une demande d’avis à la CEDH, en application du protocole n° 16 à la CESDH, sur les critères pertinents pour apprécier la compatibilité avec la Convention européenne d’une disposition législative relative à la chasse, qui limite la possibilité pour les associations de propriétaires de retirer leurs terrains du territoire d’une association communale de chasse agréée (ACCA).

Faculté de retrait d’une ACCA réservée aux associations antérieures à la date de création de l'ACCA par la loi du 24 juillet 2019. Il résulte de l'article L. 422-18 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L5281LRZ) dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 (N° Lexbase : L3020LRB) que, outre les personnes propriétaires d'un terrain ou détenteurs des droits de chasse d'une superficie d'un seul tenant supérieure au seuil résultant de l'article L. 422-13 de ce code (N° Lexbase : L2401ANA), seules les associations de propriétaires ayant une existence reconnue à la date de création de l'ACCA disposent du droit de s'en retirer, à condition de réunir des terrains représentant une superficie totale remplissant la condition prévue à l'article L. 422-13, les associations comparables créées postérieurement à cette date étant privées de ce droit même lorsqu'elles réunissent des terrains représentant une superficie totale remplissant la condition prévue à l'article L. 422-13 (voir déjà sur cette question, CE, Sect., 5 octobre 2018, n° 407715, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5172YEB).

Contestation au regard des articles 14 et 1P1 de la CESDH. Le présent litige soulève la question de savoir selon quels critères doit être appréciée une différence de traitement établie par la loi, telle que celle qui a été exposée au point 1, au regard des interdictions posées par ces stipulations, afin d'apprécier en particulier si le motif d'intérêt général visant à une meilleure organisation de la chasse peut justifier de réserver la possibilité de retrait d'une ACCA, s'agissant des propriétaires ou détenteurs de droit de chasse qui atteignent le seuil de superficie exigée en se regroupant dans une association, aux seules associations existant à la date de création de cette ACCA.

Cette question constitue une question de principe, relative à l'application de l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) (interdiction des discriminations) et de l'article 1er du premier protocole additionnel (N° Lexbase : L1625AZ9) (droit au respect des biens), qui peut concerner d'autres États parties à la convention, plusieurs autres États ayant en matière de chasse une législation comparable à celle en vigueur en France.

Question de principe justifiant de formuler une demande d'avis consultatif à la CEDH. Il y a lieu, par suite, de formuler une demande d'avis consultatif à la CEDH en application du protocole n° 16 à la CESDH et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour ait donné son avis sur cette question.

Pour mémoire, ce protocole n° 16, entré en vigueur le 1er août 2018, permet aux plus hautes juridictions des États signataires d’adresser à la CEDH des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention et ses protocoles.

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Fiscalité des particuliers

[Focus] Le sempiternel casse-tête de la déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux effectués par les propriétaires bailleurs

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N7324BYW

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par Virginie Pradel, Fiscaliste

Le 28 Avril 2021


Mots-clés : dépenses pour travaux • déductibilité • propriétaires bailleurs • impôt sur le revenu

Les dépenses engagées au titre de certaines catégories de travaux (I) peuvent, sous certaines conditions, être déduites par les propriétaires bailleurs de leurs revenus (II). Compte tenu de l’impact potentiellement astronomique pour les finances publiques d’une telle déductibilité (selon l’Insee, les travaux effectués par les propriétaires ont représenté plus de 50 milliards d’euros en 2018 [1]), celle-ci est strictement encadrée… et contrôlée.

Eu égard au nombre très important de litiges avec l’administration fiscale au sujet de la déductibilité des dépenses pour travaux, il est nécessaire pour les propriétaires bailleurs de bien analyser en amont les dépenses déductibles de celles qui ne le sont pas.

Cet article a justement vocation à rappeler les principales règles applicables en matière de déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux effectués par les propriétaires bailleurs.


 

Un constat malheureux s’impose : ces règles se révèlent particulièrement complexes comme le révèle l’article 31 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6165LUU), relatif aux charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net. Ce dernier est l’un des articles les plus longs du Code général des impôts (12 pages), l’un des plus souvent modifiés (plus de 50 fois depuis 1979) et aussi l’un de ceux générant le plus de questions des contribuables au moment de leur déclaration d’impôt sur le revenu.

Pour rappel, l’administration fiscale peut contester la déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux par le biais d’une proposition de rectification notifiée au contribuable jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due [2], soit le 31 décembre N+3. Exceptionnellement, pour les travaux effectués en 2017 et déclarés en 2018, l’administration fiscale peut opérer des rehaussements d’imposition jusqu’au 14 juin 2021 [3].

I - Les différentes catégories de travaux

Le législateur, la jurisprudence et la doctrine administrative distinguent trois grandes catégories de travaux :

  • les travaux d’entretien et de réparation ;
  • les travaux d’amélioration ;
  • les travaux de (re) construction et d’agrandissement.

📌 Les travaux d’entretien et de réparation

Les travaux d’entretien s’apparentent généralement aux travaux de maintien en l’état de l’immeuble [4].

Ont notamment été considérés comme des travaux d’entretien :

  • le traitement des bois contre les insectes xylophages tels que les termites ou les capricornes [5] ;
  • les dépenses de recherche et d’analyse de la nocivité de l’amiante [6] ;
  • d’autres dépenses de recherches et d’analyse rendues obligatoires par la réglementation telles que les diagnostics relatifs aux risques d’exposition au plomb, à la sécurité des installations intérieures de gaz et d’électricité, à la performance énergétique ou à l’information des acquéreurs et locataires sur les risques naturels et technologiques majeurs [7].

Les travaux de réparation sont ceux dépassant les opérations courantes d’entretien et qui consistent en la remise en état, la réfection ou le remplacement d’équipements essentiels pour maintenir l’immeuble en mesure d’être utilisé conformément à sa destination [8].

Ont notamment été considérés comme des travaux de réparation :

  • la remise en état du gros œuvre (toiture, façades, etc.), des canalisations ou de l’installation électrique [9] ;
  • la remise en état de l’installation de chauffage central (remplacement de canalisations et d’éléments de radiateurs) [10] ;
  • la remise en état du mur d’une propriété [11] ;
  • les travaux de réparation des plafonds, des planchers et de l’escalier et les travaux de réfection des enduits extérieurs [12] ;
  • les travaux de remise en état de la toiture de l’immeuble, ravalement et crépissage des murs et réfection des peintures extérieures [13]

📌 Les travaux d’amélioration

Les travaux d’amélioration sont ceux qui ont pour objet d’apporter à un immeuble un équipement ou un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier cependant la structure de cet immeuble. Il peut s’agir d’apporter à un local d’habitation un équipement ou un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier la structure de l’immeuble, l’installation initiale ou le remplacement par un équipement mieux adapté aux conditions modernes de vie : du chauffage central ; d’une salle d’eau ; d’une cuisine ; du tout-à-l’égout ; d’un ascenseur ; d’une antenne collective de télévision [14].

Ont notamment été considérés comme des travaux d’amélioration :

  • l’installation d’une porte automatique d’ascenseur dans le cadre de dépenses occasionnées par la mise en conformité aux normes réglementaires de sécurité[15] ;
  • les dépenses d’enlèvement, de fixation et d’encoffrement des matériaux contenant de l’amiante [16] ;
  • l’agrandissement des fenêtres et la pose de persiennes [17] ;
  • la réfection de l’installation électrique et l’aménagement de nouvelles installations sanitaires sans accroissement du volume et de la surface habitable [18] ;
  • la réparation de la toiture d’un bâtiment, par remplacement d’une partie de la charpente, le ravalement de sa façade, l’ajout de balcons en fer forgé, la pose de dalles ainsi que la consolidation ou le changement des cloisons intérieures de manière à aménager des appartements dans les volumes existants [19] ;
  • la pose de sanitaires, l’installation de salles d’eau, la réfection de la peinture et de la plomberie, de manière à aménager des appartements dans les volumes existants [20].
Précision : lorsque les dépenses de réparation et d’entretien s’accompagnent de l’adjonction d’éléments ou d’équipements nouveaux, l’ensemble de cette opération présente le caractère de dépenses d’amélioration.

📌 Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement

Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement s’entendent notamment de ceux qui ont pour effet d’apporter une modification importante au gros œuvre de locaux existants, des travaux d’aménagement interne qui par leur importance équivalent à une reconstruction ou encore de ceux qui ont pour effet d’accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants [21].

Ainsi, sont notamment considérés comme des travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement, les travaux :

  • de démolition totale ou partielle d’un immeuble en vue de sa reconstruction ;
  • de reconstruction d’un immeuble démoli ou de modifications importantes apportées au gros œuvre de locaux existants ;
  • d’aménagement interne qui par leur importance équivalent à une reconstruction (reconstruction complète après démolition intérieure d’une unité d’habitation suivie de la création d’aménagements neufs…). Les travaux correspondant à une restructuration complète après démolition intérieure d’une unité d’habitation, suivie de la création d’aménagements neufs doivent être considérés comme des dépenses de construction, reconstruction et agrandissement.

La frontière entre les différentes catégories de travaux susmentionnées peut se révéler ténue. Il peut en particulier s’avérer difficile de distinguer clairement certains travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement de travaux d’amélioration. Pour cela, il faut prendre en considération essentiellement la nature et l’importance des travaux effectués plutôt que le coût de ceux-ci. Le contribuable doit procéder à l’examen dans le détail des travaux effectués à l’aide de tous renseignements utiles (devis, mémoires et factures établis par les entrepreneurs, rapports et plans d’architecte avant et après les travaux, etc.) et à la lumière des décisions de jurisprudence rendues en la matière.

Précision : les travaux qui ont pour effet de permettre l’aménagement de locaux d’habitation dans des locaux affectés auparavant à un autre usage sont en principe assimilés à des travaux de construction ou de reconstruction [22].

II - Les règles de déductibilité

Plusieurs critères permettent de déterminer si le montant des travaux réalisés est ou non déductible :

  • la nature de la dépense : dépenses de réparation, d’entretien, d’amélioration, de (re) construction, ou d’agrandissement ;
  • la nature de la propriété : travaux réalisés sur une propriété urbaine ou rurale ;
  • l’affectation de l’immeuble : travaux réalisés sur un immeuble à usage d’habitation ou sur un immeuble affecté à un autre usage ;
  • le caractère récupérable ou non récupérable de la dépense sur le locataire ;
  • l’application d’avantages fiscaux particuliers : travaux réalisés sur un logement pour lesquels le contribuable a opté pour l’une des déductions au titre de l’amortissement ou pour lesquels il a demandé le bénéfice d’une réduction d’impôt.

📌 Les travaux de réparation et d’entretien relatifs à des immeubles donnés en location pour la détermination du revenu net des propriétés urbaines ou rurales sont déductibles.

Les travaux réalisés par le propriétaire au titre des réparations locatives ne sont pas déductibles [23]. Il existe toutefois trois exceptions :

  • les travaux occasionnés par la vétusté ou la force majeure ;
  • les travaux engagés en vue de faciliter la location ;
  • les dépenses récupérables sur le locataire non récupérées.

Par ailleurs, ne sont pas admises en déduction au titre des dépenses de réparation et d’entretien, les dépenses indissociables de dépenses d’amélioration qui ne seraient pas déductibles en tant que telles ou d’opérations de construction, reconstruction ou agrandissement dont elles ne constituent que l’accessoire.

📌 Les dépenses d’amélioration effectuées sur les immeubles donnés en location sont en principe des dépenses d’investissement non déductibles. Sont cependant déductibles vertu de l’article 31 du CGI :

  • les travaux réalisés sur des locaux d’habitation ;
  • les travaux réalisés sur des locaux professionnels et commerciaux, pour les seules dépenses d’amélioration destinées à faciliter l’accueil des personnes handicapées ou destinées à protéger les locaux de l’amiante ;
  • les travaux sur des propriétés rurales. Ainsi sont admises en déduction les dépenses d’amélioration afférentes aux propriétés bâties dès lors qu’elles sont considérées comme non rentables [24] ainsi que l’ensemble des dépenses d’amélioration afférentes aux propriétés non bâties [25].

📌 Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement d’un immeuble ne sont, en principe, pas déductibles.

Il existe toutefois deux exceptions :

  • pour les travaux engagés pour la construction d’un nouveau bâtiment d’exploitation rurale, destiné à remplacer un bâtiment de même nature, vétuste ou inadapté aux techniques modernes de l’agriculture, à condition que la construction nouvelle n’entraîne pas une augmentation du fermage ;
  • pour les travaux réalisés par le propriétaire (ou l’associé de la société propriétaire) ayant opté pour le dispositif « Périssol », « Besson neuf » ou « Robien », sous réserve de respecter certaines conditions.

Précision : le déficit foncier qui résulte des dépenses pour travaux déductibles autres que les intérêts d’emprunt est déductible du revenu global, sous certaines conditions, dans la limite annuelle de 10 700 euros [26]. Cette limite est portée à 15 300 euros lorsqu’un déficit est constaté sur un logement pour lequel a été pratiquée la déduction au titre du dispositif « Périssol ».

Si le revenu global du contribuable est insuffisant pour absorber le déficit foncier imputable, dans la limite de 10 700 euros, un déficit global est constitué et est imputable dans les conditions de droit commun sur les revenus globaux des six années suivantes

La fraction du déficit qui dépasse la limitte anuelle ou qui résulte des intérêts d’emprunt est imputable exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Cet excédent ne peut pas augmenter les déficits fonciers des années suivantes imputables sur le revenu global.

 

[1] Insee, Tableau de l’économie française, édition 2020.

[2] LPF, art. L. 169 (N° Lexbase : L6005LMD).

[3] BOI-DJC-COVID19-20.

[4] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 10 (N° Lexbase : X6781ALQ).

[5] CE 7° et 8° ssr., 20 avril 1988, n° 86472 (N° Lexbase : A6698APR).

[6] QE n° 8 de M. Briand Philippe, JOANQ, 1er juillet 2002, réponse publ. 26 août 2002 p. 2932, 12ème législature (N° Lexbase : L0899BBW).

[7] QE n° 106891 de M. Hellier Pierre, JOANQ 17 octobre 2006, réponse publ. 12 décembre 2006, p. 12973, 12ème législature.

[8] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 10.

[9] CE Contentieux, 8 juillet 1992, n° 93366 (N° Lexbase : A1018AIK).

[10] CE Contentieux, 30 juin 1971, n° 74385 (N° Lexbase : A7660AYD).

[11] CE 8° et 9° ssr., 24 octobre 1969, n° 75706 (N° Lexbase : A6781B8N).

[12] CE Contentieux, 14 décembre 1977, n° 05010 (N° Lexbase : A7693AYL).

[13] CE Contentieux, 25 février 1976, n° 97398 (N° Lexbase : A7598AY3).

[14] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 70.

[15] Rép. min. n° 44474, JO AN, 16 sept. 1991, p. 3747, Calloud

[16] QE n° 8 de M. Briand Philippe, JOANQ, 1er juillet 2002, réponse publ. 26 août 2002 p. 2932, 12ème législature (N° Lexbase : L0899BBW).

[17] CE Contentieux, 17 décembre 1976, n° 92159 (N° Lexbase : A7605AYC).

[18] CE, 14 décembre 1977, n° 5010.

[19] CE Contentieux, 29 mars 1989, n° 91879 (N° Lexbase : A1046AQS) et CE 7° et 9° ssr., 29 mars 1989, n° 68330 (N° Lexbase : A1019AQS).

[20] CAA Nantes, 22 décembre 1993, n° 92NT00582 (N° Lexbase : A4410BHS).

[21] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 110.

[22] BOI-RFPI-BASE-20-30-10.

[23] BOI-RFPI-BASE-20-30-20, n° 20.

[24] CGI, art. 31, I-2°,c (N° Lexbase : L6165LUU).

[25] CGI, art. 31, I-2°,c quater.

[26] CGI, art. 156, I, 3° (N° Lexbase : L6953LZK).

newsid:477324

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Donation entre vifs : pas de requalification d’une acquisition d’un appartement en donation indirecte faute de dépouillement irrévocable du prêteur

Réf. : Cass. com., 14 avril 2021, n° 18-15.623, F-D (N° Lexbase : A79754P3)

Lecture: 3 min

N7293BYR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Avril 2021

La Chambre commerciale a censuré, sur le fondement de l’article 894 du Code civil (N° Lexbase : L0035HPY), l’arrêt d’une cour d’appel qui avait requalifié l’acquisition d’un appartement en donation indirecte.

Les faits

  • La requérante a fait l'acquisition d'un appartement au prix de 800 000 euros, et d'un box-garage, au prix de 15 000 euros, qu'elle a financés au moyen de fonds prêtés, suivant reconnaissance de dette du même jour, par son compagnon, alors marié, lui-même ayant au préalable souscrit un emprunt bancaire avec son épouse.
  • La requérante a remboursé son compagnon qu’elle avait épousé entre temps, après avoir reçu le prix de vente d’un appartement.
  • Elle a fait donation à son époux de la moitié indivise des biens immobiliers acquis.
  • L'administration fiscale a adressé à la requérante une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit, après avoir requalifié l'acquisition de son appartement en donation indirecte en raison de son financement.
  • Contestant avoir bénéficié d'une libéralité, la requérante après rejet de ses observations et de sa réclamation contentieuse, a assigné l'administration fiscale en dégrèvement de l'imposition supplémentaire mise à sa charge.

🔎 Principe. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte (C. civ., art. 894).

En appel, la cour d’appel relève que les conditions de la requalification de l’acte d’acquisition en donation indirecte étaient réunies, s’agissant de la partie non remboursée de la somme remise par le compagnon à la requérante.

L’arrêt relève ainsi :

  • que l’acte d’acquisition ne faisait pas état du prêt ayant permis le financement du bien,
  • que le prêteur avait renoncé au privilège de prêteur de deniers lui garantissant la restitution des fonds, que la requérante ne présentait alors aucune capacité financière, étant sans emploi, et n’offrait aucune garantie de remboursement, que sa signature n’avait pas été authentifiée sur la reconnaissance de dette, qui ne faisait état d’aucune modalité de remboursement des fonds, et que l’acte n’avait pas été enregistré.

L’arrêt relève encore que :

  • le compagnon n’a pas fait état de sa créance à l’égard de sa compagne dans sa déclaration d’ISF au titre de l’année 2010,
  • que la donation intervenue au profit du compagnon de la moitié indivise de l’appartement ne pouvait être considérée comme une modalité de remboursement du prêt en ce que la volonté libérale de la requérante à l’égard du compagnon, devenu son époux, y était expressément mentionnée, que le montant déclaré dans la donation n’était pas corrélé au solde du prêt, et que la donation consentie, ne permettait pas de désintéresser l’ex-épouse du compagnon de la requérante, pourtant co-emprunteur du prêt de 900 000 euros souscrit par son ex-mari pour financer l’acquisition de l’appartement.

👉 Solution de la Chambre commerciale. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la somme figurant sur la reconnaissance de dette, correspondant au financement de l'acquisition des biens immobiliers, avait été remboursée par cette dernière, sur ses fonds propres, à concurrence de la somme de 429 725 euros, et que la requérante avait ensuite fait donation à son compagnon de la moitié indivise des biens immobiliers acquis, de sorte qu'à l'issue de ces opérations, chacun avait payé sa part des biens litigieux, ce dont il résulte que les conditions d'une donation n'étaient pas réunies, faute de dépouillement irrévocable du compagnon au profit de la requérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 894 du Code civil précité.

newsid:477293

Procédure civile

[Brèves] Le défaut de pouvoir juridictionnel d’un juge constitue une fin de non-recevoir

Réf. : Cass. civ. 2, 15 avril 2021, n° 19-20.281, F-P (N° Lexbase : A81344PX)

Lecture: 5 min

N7255BYD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Avril 2021

► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 15 avril 2021 vient une nouvelle fois préciser les attributions du juge de l'exécution ; après avoir rappelé que ce dernier est compétent pour connaître de la contestation d’une mesure d’exécution forcée, les Hauts magistrats énoncent qu’il n’entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, lorsqu’elle n’est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure ; enfin, le défaut de pouvoir juridictionnel d’un juge constitue une fin de non-recevoir qui peut être présentée en tout état de cause.

Faits et procédure. Dans le cadre, d’une action paulienne engagée à l’encontre d’une caution, une banque a obtenu l’inopposabilité d’un apport d’un immeuble appartenant à la caution dans une SCI. Durant cette procédure, la défenderesse a présenté une demande de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de bonne foi et d’information, qui a été rejetée.

Le 27 janvier 2010, en vertu de deux actes notariés, la banque a fait délivrer à la débitrice, un commandement valant saisie immobilière, sur le bien ayant réintégré son patrimoine, par l’effet de l’action paulienne.

La débitrice a saisi le JEX, qui par jugement rendu le 6 juillet 2010, a déclaré les demandes de la banque irrecevables du fait de la prescription.

Par un arrêt rendu le 10 mai 2011, la cour d’appel de Reims a infirmé le jugement entrepris, et énoncé que l’action en recouvrement forcé engagée par la banque n’était pas prescrite, et débouté la débitrice de sa demande de dommages et intérêts, comme étant définitivement tranchée par une décision antérieure.

En exécution de cette décision, le bien saisi a été vendu.

Le 21 mars 2013, cet arrêt a été partiellement cassé par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 21 mars 2013, n° 11-21.495 N° Lexbase : A5934KAZ), sauf en ce qu'il a infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2010 et dit que l'action en recouvrement forcé engagée par la CRCAM au moyen du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 27 janvier 2010 n'était pas prescrite.

La cour d’appel de renvoi (CA Nancy, 14 avril 2014, n° 13/01261 N° Lexbase : A3356MKI) a confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes au fond, et rejeté les autres demandes. Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 12 novembre 2015, n° 14-23.655, F-D N° Lexbase : A7514NW9), mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande en dommages-intérêts fondée sur la faute de la banque et la demande de compensation de la débitrice à l'encontre de la CRCAM.

Enfin, la cour d’appel de renvoi (CA Metz, 4 avril 2017, n° 16/00348 N° Lexbase : A6164UW9) a infirmé le jugement et déclaré irrecevables comme prescrites les demandes indemnitaires de la débitrice ; cet arrêt a une nouvelle fois été cassé par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 27 juin 2018, n° 17-21.157, F-D (N° Lexbase : A5824XUA)

Un nouveau pourvoi a été formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour de renvoi (CA Dijon, 18 juin 2019, n° 18/01098 N° Lexbase : A7036ZEC).

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l'arrêt d’avoir déclaré irrecevables ses demandes indemnitaires à l’encontre de la banque.

En l’espèce, la cour d’appel après avoir relevé que l’action en responsabilité formée à titre reconventionnel par la demanderesse était fondée sur un manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde, à la suite d’un comportement dolosif de la caution, les juges d’appel ont relevé que la débitrice ne contestait pas la procédure de saisie immobilière, et que sa demande ne constituait pas une contestation ou une demande s’y rapportant directement.

Après avoir rappelé que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie en constituait une, les juges d’appel ont confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait déclaré irrecevables les demandes au fond de la débitrice.

Solution. Énonçant la solution précitée, en application de l’article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7740LPD), et de l’article 123 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9280LTU), les Hauts magistrats valident le raisonnement de la cour d’appel et rejettent le pourvoi. 

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE : Le juge de l'exécutionLa compétence d'attribution du juge de l'exécution (C. proc. civ. exécution, art. L. 121-1 ; COJ, art. L. 213-6), La compétence exclusive du juge de l'exécution (COJ, art. L. 213-6) et d'ordre public (C. proc. civ. exécution, art. R. 121-4, in Voies d’exécution (dir. N. Fricero et G. Payan), Lexbase (N° Lexbase : E8238E8M) ;
  • v. ÉTUDE : Les modalités de mise en oeuvre des actions en justiceLes fins de non-recevoir, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E9906ET3).

 

newsid:477255

Secret professionnel

[Point de vue...] N’en déplaise aux pessimistes, nous vivons un âge d’or des droits de la défense !

Lecture: 19 min

N7139BY3

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par François Saint-Pierre, Avocat au Barreau de Lyon

Le 29 Avril 2021


Mots-clés : droits de la défense • avocat • défense pénale • contradictoire • indépendance du parquet • secret professionnel accès au dossier

S’il est un principe, au barreau, sur lequel tous les avocats seront d’accord, du moins je l’espère, c’est la liberté : la liberté d’exercer ce métier comme chacun l’entend, suivant ses attraits et ses idéaux dans le cadre de la loi et de la déontologie évidemment. C’est notre privilège, à nous, les avocats. Encore faut-il se fixer un but, définir une doctrine, une méthode, sans quoi il est difficile de mener une action utile. Pour ma part, voilà longtemps que je me suis inspiré de Tacite, l’historien romain, qui fut avocat lui aussi. La défense, disait-il, a pour fonction d’empêcher toute personne d’être « livrée à la force », c'est-à-dire à l’arbitraire, à la violence de l’État.

Cet article est issu du dossier spécial « Secret professionnel et droits de la défense » publié le 29 avril 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N7342BYL)


            Un formidable développement contemporain des droits de la défense

            Longtemps, en France, les avocats n’ont eu pour arme de défense que la parole, l’éloquence. De droits de la défense, les accusés n’en avaient aucun avant l’ouverture de leur procès, et cela en fut ainsi jusqu’en 1897, aux débuts de la IIIe République. Depuis, les choses ont considérablement évolué. C’est dans les années 1990 surtout qu’un ensemble efficace et cohérent de droits de la défense a été mis en place dans le cadre des informations judiciaires, notamment lors des réformes du 4 janvier 1993 [1] et du 15 juin 2000 [2]. Pour moi et ceux de ma génération, c’était hier. Mais pour la plupart des avocats qui ont prêté serment depuis, peut-être cela leur semble-t-il de l’histoire ancienne. Ce n'est pas le cas, notre système judiciaire est en évolution constante.

            C’est pourquoi je crois qu’un regard sur le passé est toujours nécessaire pour analyser et comprendre une situation dans son ensemble. Notre procédure pénale est aujourd’hui très élaborée. Elle présente évidemment des défauts. Mais il est essentiel que les avocats puissent concevoir et mettre en œuvre une véritable doctrine de défense pénale, pour exploiter au mieux ces nombreux droits dont ils disposent désormais, non seulement au cours des instructions, mais aussi des audiences de jugement, en exerçant les diverses actions qui leur sont ouvertes. On peut définir la défense de différentes façons. Personnellement, j’avais adopté à cette époque une définition purement fonctionnelle : la défense, c’est l’exercice des droits de la défense.

            C’est dans ce but que, dès les années 1990, j’ai entrepris de les compiler, de les classer et de les indexer, afin d’en faciliter et d’en optimiser l’usage dans la pratique judiciaire. Cela m’a semblé d’autant plus utile que la jurisprudence, celle de la Cour de cassation, de la CEDH, puis à compter de 2010 du Conseil constitutionnel, s’est tellement développée qu’elle a pris une place primordiale. Le droit pénal et la procédure pénale, qui sont des matières législatives par excellence, ont changé de nature : les lois votées par le Parlement se façonnent dans les tribunaux et devant les cours, de manière prétorienne, avant d’être mises à jour par de nouvelles lois de réforme. Nous, les avocats, jouons un rôle déterminant dans ce processus de création de la jurisprudence et de la loi. C’est dans cet esprit qu’en 2002 j’ai publié la première édition du Guide de la défense pénale, chez Dalloz, jusqu’en 2014, date à laquelle j’ai changé de formule et d’éditeur. J’ai alors transformé ce manuel en une Pratique de défense pénale, sous-titrée : droit, histoire, stratégie, qui est publiée chez Lextenso — dont la 4e édition est sortie ce printemps 2021, je me permets de vous le signaler.

            Ma théorie est que le procès équitable est la meilleure protection des citoyens, des personnes, contre les abus de pouvoirs et les erreurs judiciaires. Et que les droits de la défense, pratiqués de manière effective, sont la condition nécessaire de ce procès équitable. Parmi ces droits, il y a ceux que j’ai appelés les droits premiers de la défense, ceux sans lesquels aucune défense n’est possible. Il s’agit successivement du droit à l’assistance par un avocat, puis des droits à la connaissance de l’accusation, à la contestation de l’accusation, à celle de la légalité de la procédure, mais aussi du jugement, et même à la contestation du juge. Comme je l’avais alors écrit, « l’ensemble de ces “droits-actions” forme un système de défense pénale, articulant les droits fondamentaux de la défense et les procédures nécessaires à leur exercice effectif, à linitiative des personnes poursuivies et de leurs avocats ». Voilà en résumé la doctrine que je m’étais donnée.

            Au cours des vingt dernières années, j’ai ainsi mesuré l’évolution de ces droits de la défense, classés et hiérarchisés selon ces catégories, ce qui me permet d’affirmer sereinement que nous n’avons jamais eu autant de moyens mis à notre disposition pour assurer la défense de nos clients, au cours de notre longue histoire judiciaire. Cela étant, nous avons bien sûr aussi des critiques à formuler, mais qui doivent être pensées et mûries, sans nous égarer dans de faux débats, ou dans des impasses purement protestataires. Les postures lacrymales et les vociférations ne servent à rien.

            Les droits essentiels de la défense

            Commençons par le droit à l’assistance de toute personne par un avocat. La grande loi « Constans » du 8 décembre 1897 [3] avait permis aux inculpés, comme l’on disait alors, d’être assistés de leurs avocats devant le juge d’instruction. Ce fut un progrès déterminant, historique. Il en a été de même, plus de cent ans plus tard, en 2010 et 2011 [4], lorsque le Conseil constitutionnel a décidé que notre régime de garde à vue ne pouvait plus convenir à une société démocratique comme la nôtre, et qu’il était essentiel que les personnes soient alors assistées par un avocat après s’être vu notifier leur droit au silence. La Cour de cassation décida à son tour le 15 avril 2011 [5] que ces droits devaient être mis en œuvre sans même attendre l’entrée en vigueur de la loi votée la veille par le Parlement, qui était prévue pour le mois de juillet suivant. Cette réforme de la garde à vue, qui semblait impossible à réaliser, est aujourd'hui totalement admise. Je prends un autre exemple. Souvenons-nous qu’avant 2004 [6], il était interdit d’assurer la défense d’un prévenu ou d’un accusé absent, lequel était déchu de tout droit. La loi a changé après que la CEDH a jugé ce régime trop sévère [7]. Les prisonniers eux non plus ne pouvaient pas être assistés d’un avocat au prétoire, lors des procédures disciplinaires, dans les établissements pénitentiaires, et cela jusqu’en 2000 [8]. Il est difficile de soutenir, dans cette perspective, que notre procédure pénale serait archaïque ou régresserait. C'est tout le contraire.

            Passons au droit de connaître l’accusation. Ce n’est que depuis 1993 que les avocats ont un accès constant au dossier d’instruction judiciaire [9]. Autrefois, c’était 48 heures avant un interrogatoire. Et ce n’est que depuis 1996 [10] que nous pouvons remettre une copie de la procédure à notre client, sauf opposition du juge d’instruction. La numérisation des procédures facilite aussi grandement notre travail et notre suivi des dossiers. Et il nous faut espérer que d’ici peu la Justice s’adapte mieux encore aux nouvelles technologies – mais dans ce domaine, comme dans les autres, je ne crois que ce que je vois. C’est aussi au cours de ces mêmes années 1990 que nous avons pu solliciter des juges d’instruction des actes d’investigation et des expertises, ce qui nous a permis de mener des défenses actives en matière de preuves. L’ADN, la téléphonie, le traçage des personnes et les vidéos de toutes natures ont depuis bouleversé le débat sur la preuve, ce qui à mon avis a rendu beaucoup plus sûr le procès pénal. « Plaider avec ses tripes », comme je l’entends encore parfois dire, n’a plus guère de sens pour réfuter de telles preuves. Une bonne connaissance de ces techniques est une exigence, de même qu’il nous faut être de bons, d’excellents juristes.

            Les questions de légalité ont en effet pris une importance majeure dans le procès pénal. Souvenons-nous qu’avant 1993, il nous était impossible de déposer une requête en nullité avant la fin de l’information judiciaire en matière criminelle, ou avant l’ouverture du procès correctionnel. Jusqu’en 2007 [11], on ne pouvait présenter que « des observations sommaires » devant les chambres de l’instruction, d’après les termes mêmes du code. C’est alors aussi que la procédure contradictoire de fin d’instruction a été organisée, nous incitant à rédiger et déposer des mémoires écrits présentant notre thèse de défense dès ce stade. Oui, la défense pénale, purement oratoire, est passée à l’écrit ! Et c’est une très bonne chose. Somme toute, que de changements au cours de ces années ! Et pour conclure, l’ouverture des questions prioritaires de constitutionnalité, en 2010 [12], a plus encore révolutionné notre pratique : non seulement nous pouvons discuter utilement les faits en cause et la légalité de la procédure, mais également la constitutionnalité de la loi ! L’œuvre jurisprudentielle du Conseil constitutionnel depuis dix ans a été remarquable, et ce sont nous, les avocats, qui en avons été les artisans, en imaginant et en posant ces questions à la barre des tribunaux.

            La question de l’enquête préliminaire et du statut des magistrats du parquet

            Après cet éloge de notre Justice, passons aux critiques. Il ne faut pas croire qu’un système judiciaire soit une architecture stable et immuable, c'est plutôt un moteur ou une constellation en mouvement permanent. En voici la meilleure démonstration. Nous avons vu qu’en 1993, en 2000, puis dans les années suivantes, les droits de la défense au cours des instructions judiciaires ont été considérablement développés. Mais c’est aussi à cette époque que les procureurs ont recouru de façon de plus en plus fréquente aux enquêtes préliminaires, surtout depuis la loi « Perben II » de 2004 [13], qui les a dotés de pouvoirs qui n’appartenaient jusqu’alors qu’aux juges d’instruction. Bien sûr, les procureurs avaient une bonne raison pour pratiquer de la sorte : la durée excessive des informations judiciaires. Mais enfin, la situation actuelle n’est pas acceptable : ce sont eux qui sont chargés des poursuites et de l’accusation, et qui sont ainsi une partie à l’instance, qui dans le même temps choisissent discrétionnairement le mode de poursuites. S’ils décident d’ouvrir une instruction, les parties civiles et les personnes mises en examen disposeront de droits de la défense effectifs. Mais s’ils optent pour une enquête préliminaire, ces derniers n’en auront aucun, jusqu’à l’audience. Est-ce satisfaisant ? Nous avons déposé de nombreuses requêtes en nullité et des QPC sur ce thème, mais la Chambre criminelle de la Cour de cassation les a invariablement rejetées, considérant que nous pourrions exercer ces mêmes droits devant la juridiction de jugement, le moment venu.

            Je suis en désaccord : tout praticien peut constater que l’exercice de la défense n’est pas du tout le même dans le cadre d’une information judiciaire ou dans celui d’une audience sur enquête préliminaire ou de flagrance. Il est vrai que depuis 2016 [14], la situation s’est un peu améliorée, puisqu’au titre de l’article 77–2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4940K8H) nous pouvons solliciter du ministère public la communication de la procédure et déposer un mémoire de fin d’enquête pour exposer notre thèse en défense. Mais l’exercice de ce droit est soumis à l’appréciation discrétionnaire du procureur, et nous constatons tous les jours que, d’un tribunal à un autre, les pratiques sont très variables. Nous pouvons aussi, au titre de l'article 388-5 du code (N° Lexbase : L7512LPW), solliciter des suppléments d’instruction devant le tribunal correctionnel, mais il est évident que cela n’a rien à voir avec l’instruction approfondie et contradictoire d’une affaire dans le cadre d’une information judiciaire.

            On peut continuer de réviser le système à la marge, par des modifications mineures. C’est le chemin qu’a pris la commission « Mattei », dont le rapport, finalement rendu avec retard fin février 2021, s’est avéré plus décevant encore qu’on l’avait deviné à la lecture du questionnaire diffusé aux différentes personnes auditionnées, lequel ne laissait guère envisager de progrès majeur – cela dit nonobstant ma sympathie personnelle pour le Bâtonnier Dominique Mattei. C’est en réalité un problème de structure, d’architecture. Cette dualité de mode de poursuites n’est plus acceptable. Il nous faut les fusionner, en différenciant les enquêtes courtes pour les affaires simples, et plus approfondies pour les affaires complexes. Dans tous les cas, les personnes victimes ou mises en cause doivent se voir reconnaître un statut juridique au plus tôt, et se voir dotées des droits de la défense afférents. Les magistrats chargés de ces enquêtes doivent avoir le même statut. Ce qui pose bien évidemment la question de les confier à des juges d'instruction, en bien plus grand nombre, statutairement indépendants, ou bien de réformer fondamentalement le ministère public.

            Je suis partisan de cette seconde solution, notamment d’une rupture nette du parquet d’avec le Gouvernement, et cela pour une bonne raison que j’ai exposée dans l’un de mes derniers livres, Le droit contre les démons de la politique : les procureurs, qui ont pour mission de faire appliquer la loi pénale et de mener des politiques répressives, doivent disposer d’un statut constitutionnel qui leur impose de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux des personnes et l’indépendance de la Justice, y compris contre un Gouvernement qui voudrait y porter atteinte, que ce soit pour manipuler une affaire politico-financière ou pour instrumentaliser la Justice pénale à des fins populistes, par des contrôles d’identité discriminatoires, des arrestations massives de manifestants, ou des politiques pénales ultra-répressives, entre autres exemples. Un ministère public dépendant du pouvoir politique n’est plus acceptable dans une démocratie contemporaine : c’est une source d’arbitraire qui met gravement en danger les libertés fondamentales.

            Souvenons-nous de cet épisode déplorable de notre histoire judiciaire, qui n’est pas si ancien : en 1996, le ministre de la Justice, Jacques Toubon, avait envoyé un hélicoptère dans l’Himalaya pour ordonner au procureur de la République du tribunal d’Évry, Laurent Davenas, qui s’y était rendu pour une randonnée, d’annuler un réquisitoire signé par son adjoint en son absence, aux fins de poursuite du maire de Paris et de son épouse, Monsieur et Madame Tibéri, dans une affaire politico-financière. Chacun doit s’en souvenir pour bien comprendre pourquoi le pouvoir du ministre de la Justice sur les parquets est une aberration démocratique. Ce jour-là, ce ministre a discrédité notre système judiciaire. Pourtant, l’une des figures de la magistrature de l’époque, Hubert Dalle (SM), soutenait alors que cette subordination du parquet au pouvoir politique n’était pas en soi problématique, mais que la réforme primordiale était de séparer les juges du siège des procureurs, qui eux devaient rester aux ordres du Gouvernement : avec le recul du temps, cette posture détonne quelque peu, et cependant l’on entend encore quelques avocats et magistrats la reprendre, comme s’ils entonnaient un mantra. À chacun ses opinions, évidemment.

            Séparer le siège du parquet, pourquoi pas, mais en quoi est-ce antinomique avec la séparation du parquet d’avec le Gouvernement ? Quoi qu’on en pense, les choses ont bien changé depuis ce temps-là. La loi de juillet 2013 [15] a interdit au ministre de la Justice de donner des ordres aux procureurs, ce que regrettent les conservateurs, libre à eux. Mais que les choses soient bien claires : un Gouvernement qui voudrait revenir en arrière ne le pourrait plus. Le 8 décembre 2017 [16], le Conseil constitutionnel a statué sur ce sujet, en réponse à une question de constitutionnalité que lui avait posée l’USM, qu’il a certes rejetée, mais avec des motifs d’une grande importance, qui consacrent le principe de l’indépendance des procureurs dans la conduite de l’action publique au cours des enquêtes puis des audiences. Toute immixtion du pouvoir politique est ainsi interdite. De mon point de vue, le temps est venu de parachever cette évolution, en refondant les statuts des procureurs et des juges d’instruction dans un système de poursuites pénales homogène, qui ne place plus les personnes mises en cause et les victimes dans des situations si différentes, notamment en termes de droits de la défense, selon le bon vouloir des procureurs, ouvrant ou non une information judiciaire.

            Les questions du secret professionnel et de la liberté de parole des avocats 

            Le statut des avocats mérite lui aussi d’être revalorisé, symétriquement à celui des procureurs, face aux juges du siège. Je songe souvent à cet arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation de 1897 [17], qui avait affirmé que, je cite de mémoire, le principe de libre défense commandait de respecter les communications confidentielles des avocats avec les accusés qui les ont choisis ou qui veulent les choisir. Oui, nous revendiquons haut et fort ce privilège de confidentialité de nos entretiens avec nos clients. Toute personne qui a fait l’expérience de poursuites en comprend immédiatement la nécessité vitale dans une société libre. Et pourtant, la protection de ce secret professionnel s’est singulièrement dégradée. Dès le début des années 1980, la Cour de cassation a admis que des personnes poursuivies soient placées sur écoutes téléphoniques par un juge d’instruction, au risque pourtant de voir captées leurs conversations avec leurs avocats. La seule précaution qu’elle ait ensuite prise, au cours des années 1990, fut d’interdire toute transcription de ces conversations confidentielles, sauf suspicion d’une infraction commise par l’avocat lui-même que révélerait incidemment l’écoute… [18] Il faut nous rendre à l’évidence : dans une société de surveillance globale, les services d’enquête ne peuvent pas renoncer à surveiller ces modes de communications, et nous voici donc inéluctablement surveillés nous-mêmes. Comment se protéger ? Communiquer sous de faux noms ou en employant des moyens cryptés me semble assez vain, et même indigne de notre profession d’avocat. Nous ne sommes pas des voyous.

            C'est une protection juridique qu’il nous faut revendiquer. Moi qui fais volontiers l’éloge de la Cour de cassation, je déplore la décision qu’elle a prise en mars 2016, lorsqu’elle a statué dans cette pitoyable affaire « Paul Bismuth ». Elle a alors conditionné l’opposabilité de la confidentialité de nos entretiens aux enquêteurs et aux juges d’instruction, c’est-à-dire l’interdiction pour eux de retranscrire nos conversations avec nos clients, à la mise en cause formelle de ces derniers et à notre désignation pour leur défense. Or lorsque nous nous entretenons avec eux pour préparer une prochaine garde à vue, par exemple, nous parlons bien de leur défense pénale, avant toute mise en examen ! Notre conversation, si elle est écoutée, ne devrait donc être retranscrite, en aucun cas. Il ne fallait pas paramétrer notre statut juridique sur ce cas d’espèce, aussi regrettable fût-il. Mais il nous faut être réalistes. La Cour européenne des droits de l’Homme, en 2016 également [19], a validé cette jurisprudence de la Chambre criminelle, rappelant seulement que les confidences du client à son avocat ne pouvaient pas servir de preuves à son encontre (ce que prévoyait déjà l’article 432 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2335IP8). En 2015 et 2016 [20], le Conseil constitutionnel lui aussi a jugé que le secret professionnel de l’avocat n’était pas de nature constitutionnelle, pas davantage d'ailleurs que le secret des sources des journalistes. Il ne sert donc plus à rien de gémir en plaidant : « Je ne veux pas être écouté », puisque nous le sommes, et que comme toute personne sous surveillance nous avons à le savoir et à mesurer nos propos au téléphone, dans nos e-mails ou sur WhatsApp. De toute façon, le secret professionnel n’a jamais eu vocation à camoufler les activités illicites dans lesquelles il arrive à certains de se fourvoyer. La qualité d’avocat n’est pas en soi une immunité.

            La raison profonde de ce secret professionnel, c’est de permettre à quiconque est confronté à la Justice, à quelque titre que ce soit, de se confier à un avocat, son « double juridique », comme l’avait si bien nommé Geoffroy de Lagasnerie, lorsque nous l’avions invité à l’Institut de défense pénale, à Marseille, il y a quelques années. C’est à l’écoute de son client qu’un avocat peut comprendre son passé et ses angoisses, pour lui expliquer son avenir judiciaire, le conseiller et construire sa stratégie de défense. Le secret professionnel est en ce sens étroitement lié à la liberté de parole de l’avocat : ce que l’on plaidera le moment venu sera nourri de ce que nous aura confié notre client sous le sceau de ce secret, avec son accord, bien entendu – un avocat qui trahirait son client en livrant son aveu malgré lui mériterait d’être radié. Dans un précédent article que m’avait demandé Lexbase il y a deux ans [21], j’avais déjà souhaité conjurer le pessimisme ambiant. Notre liberté de parole est plus grande et mieux garantie de nos jours que dans le passé, c’est indéniable. Les jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’Homme nous protègent : cet article, qui en offre un panorama, demeure d’une parfaite actualité.

            Quelques mots de conclusion

            Nous traversons une période tourmentée. Les conflits sociaux, la crise sanitaire et la menace constante du terrorisme forcent le pouvoir politique à mener des politiques sécuritaires. À chacun ses responsabilités. Notre devoir, à nous les avocats, c’est de défendre les droits et les libertés de nos clients, par tous les moyens que nous offre la loi. Ces moyens sont importants et effectifs : c’est ce que j’ai souhaité exprimer dans cet article. À nous de nous en emparer et d’exercer de manière active la défense de tous ceux dont nous avons la charge. De cette façon-là, nous défendons une certaine idée de l’État de droit, dont nous sommes les acteurs dynamiques lors de tout procès.

* Photographie © LyonDécideurs

 

[1] Loi n° 93-2, du 4 janvier 1993, portant réforme de la procédure pénale (N° Lexbase : L8015H3A).

[2] Loi n° 2000-516, du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (N° Lexbase : L0618AIQ).

[3] Loi du 8 décembre 1897, ayant pour objet de modifier certaines règles de l'instruction préalable en matière de crimes et de délits [en ligne].

[4]   Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC, du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P) et Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : A9214HZB).

[5] Cass. crim., 15 avril 2011, n° 10-17.049, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5043HN4).

[6] Loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II » (N° Lexbase : L1768DP8).

[7] CEDH, 13 février 2001, Req. 29731/96, Krombach c/ France (N° Lexbase : A7215AW7).

[8] Loi n° 2000-321, du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, art. 24 (N° Lexbase : L0420AIE).

[9] Loi n° 93-2, du 4 janvier 1993, op. cit.

[10] Loi n° 96-1235, du 30 décembre 1996, relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme (N° Lexbase : O2731BLQ).

[11] Loi n° 2007-291, du 5 mars 2007, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (N° Lexbase : L5930HU8).

[12] Loi organique n° 2009-1523, du 10 décembre 2009, relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L0289IGS).

[13] Loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L1768DP8).

[14] Loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, art. 56 (N° Lexbase : L4202K87).

[15] Loi n° 2013-669, du 25 juillet 2013, relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique (N° Lexbase : L9267IXI).

[16] Cons. const., décision n° 2017-680 QPC, du 8 décembre 2017 (N° Lexbase : A6818W4B).

[17] Cass. crim., 9 septembre 1897, Bull. crim., n° 309.

[18] Cass. crim., 15 janvier 1997, n° 96-83.753 (N° Lexbase : A1274AC8).

[19] CEDH, 16 juin 2016, Req. n° 49176/11, Versini-Campinchi et Crasnianski c/ France (N° Lexbase : A1124RTS).

[20] Cons. const., décision n° 2015-478 QPC, du 24 juillet 2015 (N° Lexbase : A1274AC8) et Cons. const., décision n° 2016-738 DC, du 10 novembre 2016, § 17) (N° Lexbase : A3812SGB).

[21] La liberté de parole et dargumentation de lavocat, Lexbase Avocats, septembre 2019 (N° Lexbase : N0137BYQ).

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